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Jacques V Gabriel, l'architecte oublié

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23 avril 2018

Au cœur du deuxième arrondissement, entre la rue Richelieu et la rue Vivienne, un ancien palais princier abrite depuis trois siècles les collections de la Bibliothèque nationale de France. Découvrez l’histoire de ce site à travers des documents méconnus disponibles sur Gallica.

Coupes et profils des bâtiments de la Bibliothèque du roi, 1734

Le 23 avril 1742 mourrait Jacques V Gabriel, premier architecte du roi Louis XV. Fils d’une cousine de Jules Hardouin-Mansart, il occupa en outre les charges de contrôleur général des bâtiments du roi, premier ingénieur des ponts et chaussées de France, ainsi que directeur de l'Académie royale d'architecture. Mais c’est en tant que premier architecte du Roi que son histoire se mêle à celle de la Bibliothèque nationale de France, qui est alors la Bibliothèque du Roy.
En 1734, Robert de Cotte devenu presque aveugle et trop vieux pour assumer sa charge, passe la main à Jacques Gabriel. Parmi ses chantiers se trouve celui de l’agrandissement de la Bibliothèque royale. Madame de Lambert, locataire à vie d’une partie de l’ancien Hôtel de Nevers où elle tenait salon, vient justement de mourir, permettant ainsi d’envisager une extension au nord de l’îlot.

Gabriel propose un projet ambitieux avec quatre-ailes galeries desservies par deux escaliers monumentaux. Mais ce projet aurait nécessité le départ de la Bourse, sise dans une partie des locaux de l’ancien Palais Mazarin – les autres occupants des lieux étant la Compagnie des Indes, et bien entendu la Bibliothèque royale. La Bourse n’ayant pas encore prévu de déménager, Gabriel propose d’autres projets, dont l’un consiste à créer une vaste entrée côté rue des Petits-Champs en supprimant les petits hôtels particuliers attenants au Palais Mazarin construits par le Muet. Mais ce projet est également écarté. Finalement Gabriel marquera la bibliothèque par deux interventions plus modestes, mais non moins précieuses.

Il fait tout d’abord réaménager l'étage de l’Hôtel de Nevers, libéré par Madame de Lambert, pour y accueillir le Cabinet des Médailles du roi, jusqu’alors à Versailles. Ce cabinet reçoit un magnifique décor de boiseries rehaussées d’éléments en stuc par Jacques Verberckt. Des décors peints représentant les muses sont commandés à Charles Natoire, François Boucher et Carle Van Loo. Si le Cabinet a déménagé depuis, une grande partie de ce décor a été conservé et replacé dans le nouveau salon Louis XV conçu dans l’aile Vivienne par Jean-Louis Pascal au début du XXe siècle. Ces décors seront restaurés dans le cadre du Projet Richelieu et à nouveau accessibles au public en 2021.

Gabriel s’inspire également des plans de son prédécesseur et fait élever une aile au nord du bâtiment Robert de Cotte, laquelle longe la rue Colbert et vient s’encastrer dans l’aile de Nevers. Cette aile, encore debout aujourd’hui, est connue sous le nom d’aile Jules-Robert de Cotte.
En effet, l’histoire a longtemps ignoré l’œuvre de Jacques Gabriel à la Bibliothèque royale au profit de Robert de Cotte et de son fils. Est-ce à cause de Jacques-François Blondel qui, vingt ans seulement après les travaux, feint de ne pas connaître leur auteur dans son Architecture françoise ? Ou bien est-ce que la méprise est due au classement erroné des papiers Gabriel dans le fonds de Cotte ? Toujours est-il que l’apport de Jacques V Gabriel n’a été remis en lumière que très récemment – voir l’article d’Alexandre Gady dans Richelieu, quatre siècles d’histoire architecturale au cœur de Paris.

L’œuvre bâtie de Jacques Gabriel à la Bibliothèque royale a failli disparaître presqu’entièrement. En effet, dans le projet d’Henri Labrouste sous le second Empire, l’aile Gabriel devait être détruite et les travaux étaient d’ailleurs bien engagés en ce sens. La mort de Labrouste et son remplacement par Jean-Louis Pascal lui évitent une démolition totale. Ce dernier fait restaurer l’aile sur le modèle de ce qu'elle était au XVIIIe siècle, faisant même copier et replacer la Minerve du fronton par Charles Degeorge.

Assez peu de monuments signés Jacques Gabriel subsistent à Paris, mais quelques belles réalisations de ce grand architecte demeurent en province, comme la Place de la Bourse à Bordeaux, ou l’hôtel de ville de Rennes. Toutefois vous pourrez trouver quelques hôtels particuliers de sa main place Vendôme, l’hôtel de Varengeville dans le VIIème arrondissement, et bien entendu l’aile nord de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu !

Pour aller plus loin : Richelieu. Quatre siècles d'histoire architecturale au cœur de Paris, dir. Aurélien Conraux, Anne-Sophie Haquin et Christine Mengin, BnF Éditions/INHA, 2017.

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