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Le macramé

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Technique ancestrale d’assemblage par nœuds, déclinaison de la dentelle, le macramé connaît plusieurs renaissances, à la fin du 19e siècle, dans les années 1920 ou 1970. Suivez ses modèles à travers les manuels d’amateurs et de professionnels.

Emmanuel Bocher, Manuel des travaux à l'aiguille, 1911-1919

Macramé et dentelles

L’origine du mot macramé est déjà un voyage : « Ce sont les Arabes et les Génois qui ont les premiers orné les premiers tout le linge des jeunes épousées de ces franges ravissantes, faites en macramé » indique en 1879 le Manuel des travaux de dames. Présent dans l’Empire byzantin, il s’implante en Italie au 16e siècle. Considéré comme une variante du travail de la dentelle, il est enseigné dans les couvents et écoles de Gênes.

 Aux 16e et 17e siècles, de nombreux "Livres de dentelles", s'adressent à un lectorat féminin princialement issu de l'aristocratie, dont les travaux d'aiguille sont partie intégrante de la formation. Ces albums proposent des modèles à exécuter. Il s'agit le plus souvent de points de dentelle fine mais certains motifs  peuvent être réalisés en macramé.

Fanny Bury Palliser, Histoire de la dentelle, 1869

Le macramé est cependant déprécié, de moindre importance en comparaison avec les autres dentelles. Sa technique de tressage et de noeuds reste simple. Sur un fil porte nœud, on effectue verticalement plusieurs points qui forment des franges. Si tous les types de fils (laine, coton) peuvent être utilisés, les plus résistants et les plus épais sont souvent privilégiés. Le macramé est enfin surtout utilisé comme passementerie de textile d'ameublemement : nappes, serviettes, coussins, tapis, rideaux. En voici l'opinion d'Émile Bayard, dans "L'art de reconnaître les dentelles, guipures, Guides pratiques de l'amateur et du collectionneur d'art" en 1914.

Ce genre de garniture ressort du pittoresque plutôt que de la grâce (...) Le macramé serait, mettons, plutôt une variation de la dentelle et, cependant, la grosseur de son fil frise encore l'indélicatesse.

Emile Bayard se livre surtout à une ode à la dentelle ancienne en opposition à "l'art moderne en général préoccupé d'expressions faciles plutôt que de difficultueuses réalisations", art qui a remis le macramé à l'honneur après la Première Guerre mondiale.

Marguerite Charles, Dentelles françaises et étrangères : les broderies et les dentelles (cours en quarante leçons, 2e série), 1907

Le 19e siècle et la redécouverte du macramé à travers les manuels d’amateurs

A partir de la moitié du 19e siècle le macarmé connaît un nouvel engouement qui se traduit par sa présence dans les manuels d’amateurs et de professionnels, litttérature qui connaît alors un grand essor. Ces ouvrages allient une partie historique à des conseils techniques et des modèles à réaliser. Le Manuel des demoiselles, ou Arts et métiers qui leur conviennent et dont elles peuvent s'occuper avec agrément, paru en 1828 aux éditions Roret, spécialiste du genre, se donne pour ambition de fournir à ses lectrices : « Un moyen d’économie, et un sujet d’amusement. Il peut même créer des ressources à celles que frapperaient de subits revers ».
Le manuel aborde aussi bien la couture que la dentelle mais aussi la fabrication de fleurs artificielles et d’ouvrages en cheveux.

Manuel des demoiselles, ou Arts et métiers qui leur conviennent et dont elles peuvent s'occuper avec agrément, Roret, 1828

Parmi les manuels similaires qui paraissent dans le dernier tiers du 19e siècle, on peut citer l'importante Encyclopédie des ouvrages de dames, par Thérèse de Dillmont, ou le Manuel du journal des demoiselles. Explication des termes les plus usités et méthodes pour les principaux travaux de dames, émanation du périodique le Journal des demoiselles, fondé en 1833 et dont le succès ne se dément pas avec neuf éditions entre 1860 et 1897.

Les années 20 :  presse et catalogues

Larousse ménager, 1926

Dès les années 1910, le macramé, un temps oublié, redevient à la mode. « On a vu réapparaître, comme une invention nouvelle, un genre de travail très curieux et très ancien mais qui était tombé dans l’oubli », écrivent en 1914 Mlle Ardant et Mme de Grandmaison dans Les arts de l'aiguille, broderie, tapisserie, dentelle. Le Monde illustré, ironise en 1912 :

La mode, au lieu d'inventer des nouveautés se plaît à rajeunir des choses anciennes (...) on a appliqué au goût du jour le macramé, mais chose bizarre, au lieu de s'en servir pour l'ameublement comme par le passé, on tente de l'employer dans la mode et la couture.

S'il reste utilisé dans l'ameublement (abat- jour, tapis), le macramé conquiert la garde-robe dans les années 1920 pour "border les tuniques, franger les écharpes", mais aussi comme accessoires, ceintures, bandeaux, bijoux et sacs à main. La redécouverte par l'Art déco des techniques de tissage anciennes et d'autres cultures en favorise également la mode.

Emmanuel Bocher, Manuel des travaux à l'aiguille. 1911-1919

Les manuels  profitent de l'intérêt d'un lectorat et d'une réduction des coûts d'impression. A l’image du Manuel des travaux à l'aiguille, ensemble relativement luxueux en cinq tomes, les manuels s’agrémentent de plus en plus d’illustrations, de schémas et de photographies. Ils cherchent également à se démarquer de la presse féminine, medium qui s'est emparé de cette nouvelle mode. Ainsi, Mlle V. Paulin indique-t-elle dans son Manuel de broderies et dentelles  paru en 1927 dans la collection "Bibliothèque professionnelle",  que les lectrices ne trouveront pas beaucoup d'exemples de modèles à réaliser, la presse en fournissant déjà beaucoup mais :

Nous avons voulu surtout qu'elles trouvent ici réunis les techniques des principaux genres de broderies et de dentelles connues. Nous avons cherché le plus possible à ce que notre exposé soit clair et précis, à faire connaître à nos lectrices les qualités recherchées, les défauts à éviter et les petits procédés de travail les plus pratiques pour obtenir le plus rapidement possible une parfaite exécution. Nous espérons rendre service à toutes les travailleuses, à celles qui attendent de la broderie et de la dentelle un travail rémunérateur comme à celles qui ne cherchent dans leur exécution qu'un passe-temps artistique et agréable.

La diffusion de la pratique du macramé est également mesurable par la présence dans les catalogues de vente de matériel dédié. Ainsi la Manufacture française d'armes et cycles de Saint-Etienne propose dans son catalogue de 1914 des métiers pour macramé, simple coussin permettant de poser les fils ; modèle qui n’est cependant pas reconduit les années suivantes.

1970-1980, le retour du macramé

Le macramé ne disparait pas tout à fait des publications après la Seconde guerre mondiale mais se fait beaucoup plus rare. Quelques numéros de la presse féminine proposent des travaux à réaliser comme ce hamac, sauveur des parents débordés dans le numéro de Elle de 1948.

 Dans les années 70, on redécouvre le macramé ainsi que toutes techniques de tissage. Cette nouvelle remise à l'honneur du macramé s'accompagne de nouvelles publications, qui perdurent jusqu'aux années 1990.  Ces ouvrages répondent alors au seul besoin du loisir créatif . En effet, à l'instar de la dentelle ou de la broderie, le macramé, désormais en polyester, est devenu un produit textile pouvant être fabriqué mécaniquement. 

Le macramé n'a pas fini son histoire. Il semble même qu'il connaisse un regain d'intérêt ces dernières années, ainsi qu'en témoigne la production éditoriale très riche sur le sujet.

Pour aller plus loin

Retrouvez une sélection d'ouvrages sur la dentelle, le macramé, le crochet ou le tricot dans le parcours Textile de Gallica
Billet de blog sur les manuels Roret

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