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Pierre Zaccone (1818-1895)

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22 mai 2014

Prolifique, éclectique, Pierre Zaccone est un auteur emblématique du roman populaire. Surnommé "L'Empereur du feuilleton", il a signé plus de soixante-dix fictions au tempo enlevé et au style rapide, essentiellement constitué de dialogues.

Pierre Zaccone, romancier, Atelier Nadar

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530657566/f1.item

Né à Douai le 2 avril 1818 (1), fils d’un militaire, Pierre Zaccone connaît d’abord la vie d’un enfant de troupe, avant de faire des études à Brest, dans cette Bretagne qui va devenir sa patrie de cœur. Il y rencontre également Émile Souvestre, un de ses professeurs, écrivain et mentor. Zaccone débute dès 18 ans en donnant des poèmes et  des récits aux  journaux locaux. Puis, pour subvenir à ses besoins, il entre dans l’administration des postes, sur laquelle il laissera un livre, La Poste anecdotique et pittoresque (Paris, A. Faure, 1867). Son emploi l'amène en 1843 à Paris. Il y fait paraître ses premiers feuilletons dès 1847 : Les Plaisirs du roi  dans la Semaine littéraire et Les Ouvriers de l’avenir dans la Patrie. Il ne s’arrêtera plus, travaillant pour de nombreux journaux de l’époque, notamment L’Illustration, Le Siècle, Le Figaro ou le Moniteur.

Il devient très célèbre :  Isidore Ducasse (i.e. Lautréamont) l'épingle ironiquement aux côtés de Byron, Lacordaire et Gaboriau dans Poésies (1870) ; ses pairs l’élisent à la tête de la Société des Gens de Lettres, et c’est ès qualité qu’il organise, en marge de l’Exposition universelle de 1878, le Congrès littéraire international, présidé par Victor Hugo. . Retraité de la Poste, il se retire dans un village breton, Locquirec, où il achète un petit château. C’est là qu’il meurt, pratiquement aveugle, le 21 avril 1895.

Théâtre des Nations, place du Châtelet, La cellule n° 7 : drame en 5 actes et 8 tableaux de MM. Pierre Zaccone & Théodore Henry, ca 1881
 

Comme beaucoup de ses confrères, il  a transformé certains de ses succès en pièces de théâtre écrites souvent en collaboration, comme Les Nuits du boulevard, ou La Cellule n°7. Il a rédigé aussi des essais : Le Nouveau langage des fleurs (dix fois réédité entre 1853 et 1882), mais surtout des chroniques historiques de mystères et de crimes : Histoire de l'Inquisition, des Jésuites et des Francs-Maçons, Histoire des conspirateurs anciens et modernes,  Histoire des drames de police,  Histoire des sociétés secrètes, etc.

Mais l’essentiel de sa production concerne le genre romanesque. Écrivain populaire par excellence, Zaccone n’a pas été épargné par la critique. Tel Charles Monselet, qui ne prisait pas trop les feuilletonistes et écrit dans La Lorgnette littéraire : « Zaccone (Pierre). — Le dernier des littérateurs, comme M. Amédée Achard en est le premier, — par ordre alphabétique ». Ou ce journaliste du Livre, revue du monde littéraire, pour qui Zaccone « recherche avant tout les émotions violentes, les crimes, les situations extralégales […] une telle besogne offre le grave inconvénient de flatter la paresse d’esprit de l’écrivain […] On se demande à quel public peuvent s'adresser des œuvres torchées de cette façon ».

Il offre une palette large du roman-feuilleton :  romans mondains avec  Les Nuits du boulevard, romans historiques comme Les Volontaires de 93, Les Gueux, Les Mystères du vieux Paris ou Le Roi de la Bazoche. Il explore tous les milieux sociaux, avec une vision presque socialisante, du moins à ses débuts (voir l’utopie de ses Ouvriers de l’avenir), même si par la suite il évoluera vers une méfiance face aux luttes socialistes (Les Drames de l’Internationale).

Mais la caractéristique de « l’homme aux romans sanguinaires » comme l'écrit Le Figaro, c’est sa fascination pour les criminels (Histoire des bagnes) et les mystères. En général ses romans mettent en scène énigmes, mélodrames, coup de théâtre et enquêtes : La Lanterne rouge, Les Drames des catacombes, Le Condamné à mort, Les Mystères de Bicêtre, Les Nuits de Paris.

 
Pierre Zaccone, Les drames des catacombes, Paris, Ballay aîné, 1863.
 

Contrairement à Paul Féval, Émile Gaboriau ou Ponson du Terrail, auquel il rend hommage avec sa Maman Rocambole, Pierre Zaccone est totalement oublié aujourd’hui. Pourtant, comme le disait un journaliste du XIXe siècle « Je me suis attardé l'autre jour à lire un roman de Pierre Zaccone […] Hélas ! j'avais mis le nez dans la première page ; c'était fatal, je devais aller jusqu'au bout. […] Comme il doit rire des psychologues cet excellent Zaccone ! ». Mais vient peut-être le temps d'une renaissance. On vient en effet de rééditer, après quatre-vingt ans d’absence, deux de ses récits [2].

Roger Musnik

Département Littérature et art


[1] Alexandre Marre a pu établir cette date grâce à une enquête documentée, voir sa préface à L’Inconnu de Belleville, Lyon, Les Moutons électriques, 2013, collection "Le Rayon vert".

[2]  L'Inconnu de Belleville, id. et La Lanterne rouge, Lyon, les Moutons électriques, 2014, collection "Le Rayon Vert".

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