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Catherine Bernard, authrice oubliée

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22 janvier 2021

Pour redécouvrir Catherine Bernard, romancière, poétesse et dramaturge, qui fut la première autrice à voir ses tragédies jouées à la Comédie-Française. Elle fut pourtant oubliée de l'histoire littéraire et même dépossédée après sa mort d'une partie de son œuvre.

 
Catherine Bernard naît en 1663 dans le milieu prospère de la bourgeoisie protestante rouennaise. Le 8 avril 1680, elle publie à Paris, chez Jean Ribou, un roman historique en trois tomes intitulé Fédéric de Sicile qui marque son entrée sur la scène littéraire, à l’âge de dix-sept ans. Deux ans plus tard paraît un roman épistolaire, Le Commerce galant, ou Lettres tendres et galantes de la jeune Iris et de Timandre, attribué à Catherine Bernard et Jacques Pradon.

Après s’être convertie au catholicisme, au moment de la révocation de l’Edit de Nantes, Catherine Bernard embrasse pleinement la carrière de femme de lettres à travers une production littéraire abondante et diversifiée. En une douzaine d’années, elle fait ainsi paraître trois nouvelles, deux tragédies – Laodamie et Brutus –  et de très nombreuses poésies. Dans l’une de ses nouvelles, Inès de Cordoue : nouvelle espagnole (1696), elle explore également le merveilleux en incluant deux contes, parmi lesquels le célèbre Riquet à la Houppe, dont Charles Perrault publiera l’année suivante une version célèbre.

 

 
Elle connaît le succès de son vivant : ses tragédies sont représentées plus d’une vingtaine de fois à la Comédie française, où elle est la première dramaturge féminine à donner une tragédie. Bien que le Registre des comptes de la Comédie Française fasse majoritairement référence à « l'autheur » de ces tragédies, deux occurrences du terme « authrice » y figurent et renvoient à Catherine Bernard, comme dans la page ci-dessous à propos la représentation de la tragédie Brutus :
 

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Le Mercure de France fait l’éloge du « savoir-faire » polygraphique de Catherine Bernard et plus largement de la capacité des autrices à s’emparer de genres littéraires variés, y compris d’un genre réputé aussi sérieux que la tragédie :

« Les Dames sont aujourd'huy capables de tout, et si la délicatesse de leur esprit leur fait produire sans peine des Ouvrages tendres et galans, Mademoiselle Bernard vient de faire voir qu'elles sçavent pousser avec force les sentimens héroïques, et soutenir noblement le caractère Romain. C'est elle qui a fait la Tragédie de Brutus, dont les représentations attirent de si grandes assemblées. Il y a deux ans qu'elle fit joüer une autre Pièce appellée Laodamie, qui couta des larmes à tous les cœurs tendres. Elle écrit en Prose avec la mesme justesse qu'elle fait en Vers, et il n'y a rien de mieux pensé que les deux Nouvelles qu'elles a données au Public, l'une sous le titre d'Eléonor d'Yvrée, et l'autre sous celuy du Comte d'Amboise ».

 

L’activité poétique de Catherine Bernard est également reconnue de ses contemporains, qui lui décernent à trois reprises le prix de poésie de l'Académie française (1691, 1693, 1697) et à trois reprises également le prix de poésie de l'Académie des Jeux Floraux de Toulouse (1696, 1697, 1698).

En 1699, elle devient membre de l'Académie des Ricovrati de Padoue. Cessant cependant toute activité publique au tournant du siècle, probablement sous l’influence de ses protectrices catholiques, telles que Mme de Pontchartrain, dont le soutien n’est guère compatible avec une activité d’autrice de roman et de théâtre, elle meurt en 1712 dans une certaine indifférence.
 
Le siècle suivant voit son auctorialité malmenée au profit de Fontenelle, notamment sous l’impulsion de Voltaire, qui, accusé d'avoir largement plagié Catherine Bernard pour écrire son propre Brutus, avait tout intérêt à minorer son importance littéraire :

 

L’histoire littéraire la relègue au rang de figure littéraire mineure, et il faudra attendre la fin du XXe siècle pour que soit progressivement redécouverte la richesse de son œuvre.
 

 

Œuvres disponibles sur Gallica

 

 

Bibliographie critique

« Lettre de M de Fontenelle sur le Livre intitulé les Malheurs de l'Amour, ou Eleonor d'Yvrée ». Mercure Galant, septembre 1687

« Tragédie de Brutus ». Mercure Galant, décembre 1690

« Prelude, contenant tout ce qui s'est passé à l'Académie Françoise le jour de la Feste de Saint Louis ». Mercure Galant, septembre 1691

 

 

Marie-Anne Barbier. Préface d'Arrie et Pétus (1702)

 

« Catherine Bernard ». Le Nouvelliste : quotidien politique, littéraire, industriel et commercial, 16 mars 1854
 

 
Eugène Asse, « Une nièce du grand Corneille », Revue biblio-iconographique, 1898

 

 

Aurore Evain
- Les autrices de théâtres et leurs œuvres dans les dictionnaires dramatiques du XVIIIe siècle, en ligne. Communication donnée lors des premières Rencontres de la SIEFAR : « Connaître les femmes de l’Ancien Régime. La question des recueils et dictionnaires ». Paris, 20 juin 2003
- « Editer le théâtre des femmes de l’Ancien Régime ». Agoravox : le média citoyen

Edwige Keller-Rahbé. « Pratiques et usages du privilège d’auteur chez Mme de Villedieu et quelques autres femmes de lettres du XVIIe siècle ». Œuvres et critiques : Ecrivaines du XVIIe siècle, XXXV, 1, 2010, p. 69-94

Titiou Lecoq. « Littérature : des autrices oubliées, parce qu'effacées ». Slate.fr, 10 janvier 2018

Charles Mazouer. « La tradition de l'héroïsme. Le Brutus de Catherine Bernard et Fontenelle ». Etudes normandes, 1987, vol. 36 n° 3, p. 49-61.

Catherine Plusquellec. « Qui Était Catherine Bernard ? ». Revue d'histoire littéraire de la France, vol. 85, no. 4, 1985, p. 667 -669.

Monique Vincent. « Les deux versions de Riquet à la Houppe : Catherine Bernard (mai 1696), Charles Perrault (octobre 1696) ». Littératures classiques, 25, 1995, p. 299-309

Jolene Vos-Camy
- « L’amitié et l’amour dans Eléonor d’Yvrée de Catherine Bernard ». Cahiers du dix-septième : An Interdisciplinary Journal, XII, 1, 2008, p. 87-97. Disponible en ligne sur :
- « Les œuvres narratives de Catherine Bernard : les femmes face à l’amour ». Œuvres et critiques :  Ecrivaines du XVIIe siècle, XXXV, 1, 2010, p. 95- 104

Etienne Wolff. « Une poétesse oubliée : Catherine Bernard, nièce de Pierre Corneille », Revue des deux mondes, février 1973, p. 278-  281

et aussi :

Le cycle « Autrices oubliées de l’histoire littéraire »  

Ce nouveau cycle de conférences et lectures met en lumière des autrices oubliées de l’histoire littéraire, de l’époque classique au XXe siècle. Une occasion de découvrir quatre femmes de lettres dont la production littéraire, pourtant très riche, demeure méconnue du grand public.
 
Catherine Bernard sera présentée par Edwige Keller-Rahbé, maîtresse de conférences en littérature française du XVIIe siècle, Université Lumière Lyon 2, IHRIM-UMR 5317
Une lecture par Aurore Évain, comédienne, sera aussi proposée
En raison des conditions sanitaires, cet événement ne peut avoir lieu en présence du public et sera diffusé en ligne le mercredi 27 janvier à 10h30.

Les quatre séances du cycle :
1. Catherine Bernard, une « rivale très dangereuse » pour les « beaux esprits » de son temps - Edwige Keller-Rahbé (27 janvier)
2. Œuvrer à sa gloire et à celle de son sexe : la carrière littéraire de Marie-Anne Barbier - Justine Mangeant (10 février)
3. Marceline Desbordes-Valmore, une poète romantique - Christine Planté (17 mars)
4. Hélène Bessette - Laure Limongi (14 avril)

Pour aller plus loin

 

Commentaires

Soumis par Heurtematte François le 25/01/2021

Excellente initiative. Dieu sait qu'elle n'est pas la seule…

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