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A l'ombre du Vésuve

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20 novembre 2020

Alors que l’exposition Pompéi s'est terminée fin octobre, nous vous proposons de voyager à travers le temps et l'espace, tout en restant confinés, à travers une sélection de textes autour ce site archéologique découvert en 1592 et de son indissociable compagnon le Vésuve.
 

Chaperon, Philippe, Le dernier jour de Pompéi : esquisse de décor de l'acte IV, tableau 2, fusain et gouache, 1869

Étapes incontournables du Grand Tour, Pompéi, Herculanum et le Vésuve ont accueilli les élites intellectuelle et artistique du XVIIIe au XXe siècle. Peintres et écrivains inspirés par ces visites ont intégré le volcan et les sites archéologiques dans leurs intrigues, en ont fait le sujet de leurs oeuvres ; la thématique des derniers jours de Pompéi et d'Herculanum revient fréquemment. D'autres auteurs, eux, se contentent de narrer leur visite de la ville de Naples et de ses environs dans leurs récits de voyage.

Selon la mythologie classique, le Vésuve est le lieu où lors de la Gigantomachie, le dieu Héphaïstos/Vulcain, dieu du feu, de la forge, de la métallurgie et des volcans, a enseveli Mimas, un des Géants opposés aux Olympiens.


B. Salomon, La Bataille des Géants, dans La Métamorphose d'Ovide figurée, 1593 (Coll. NuBIS - Bibliothèque de la Sorbonne)

Toutefois les références antiques au Vésuve les plus célèbres sont les deux lettres que Pline le Jeune a adressées à Tacite dans lesquelles il relate la mort de son oncle Pline l’Ancien (Livre VI, lettres 16 et 20). Témoin direct de l’éruption de 79 après Jésus-Christ qui ensevelît Pompéi, Herculanum, Stablies et Oplontis, le Consul narre les événements trois décennies après qu'ils se soient passés.

 

 

Le Grand Tour

Dans Voyage en Italie, Chateaubriand raconte bien plus tard, en janvier 1804 son voyage à Naples, son excursion sur les flancs du volcan ainsi que la visite des sites de Portici, Herculanum et Pompéi. Dans ce récit de voyage agrémenté de notes sur les fouilles de Pompéi, l'écrivain fait part de ses réflexions notamment sur la vie et la fragilité des traces laissées par les civilisations.
 


Le Cratère du Vésuve
dans Chateaubriand illustré ; Voyages en Italie et en Amérique, 1851.
 

Les fouilles archéologiques à Pompéi et Herculanum sont le sujet d'une lettre du baron Taylor adressée à Charles Nodier :
 

 

Outre ces témoignages de visites dans ces lieux figés dans les cendres, les sites archéologiques sont à l'origine d'oeuvres dramatiques centrées sur le cataclysme.


Eugène Trutat, Cadavre de chien pris dans la lave suite à l'éruption du Vésuve, Musée de Pompéi, photographie, s.d.
 

Eugène Trutat, Cadavre d'homme pris dans la lave suite à l'éruption du Vésuve, Musée de Pompéi, photographie, s.d.

Les Derniers jours de Pompéi

Dans son long poème Le Dernier jour de Pompéi, daté de mars 1827, Delphine de Girardin décrit l’éruption de 79 et la tentative de fuite désespérée des habitants :

Si ce poème est aujourd'hui peu connu, une autre œuvre au titre similaire est entrée dans la culture populaire. Il s'agit du roman  Les Derniers jours de Pompéi  d'Edward Bulwer Lytton, publié quelques années plus tard en 1834. L'auteur s'est inspiré d'un tableau du peintre russe Karl Briullov intitulé Le Dernier Jour de Pompéi (1833) qui a connu un grand succès en Europe. Cette peinture qui fut qualifiée par Nikolaï Gogol de « Premier jour de la peinture russe », est conservée aujourd’hui au Русский музей (Musée russe de Saint-Pétersbourg).


Karl Briullov, Le Dernier jour de Pompéi, huile sur toile, 1833, © Musée russe via Wikimedia/Google Art Project


R. Bouyer,
« La France et la Russie dans les principaux Musées de Petrograd et de Moscou » dans Le Cousin Pons : revue d'art, 1er mars 1918, p.338


L. Varchavki, « Exposition de peinture historique russe », dans V.O.K.S. Organe de la Société pour les relations culturelles entre l'U.R.S.S. et les pays étrangers, janvier 1939,

Inspiré d'une œuvre picturale, le roman de l'écrivain britannique a été à son tour source d'inspiration pour d'autres langages artistiques. En effet, outre une dizaine d'adaptation pour le petit et le grand écran, le texte de Bulwer Lytton est aussi à l’origine d’un opéra en quatre actes composé par Victorin Joncières sur un livret de Charles Nuitter et Alexandre Beaumont (1869).

Prudent Leray, Le Dernier jour de Pompeï. Opéra en 4 actes de Victorin Joncières, affiche, 1869.

 

Tristan Corbière fait référence à cet opéra dans son poème Vésuves et Cie publié dans le recueil Amours jaunes (1873).

En 1859, c'est le drame vécu par les citoyens de la ville d'Herculanum qui fut le sujet de l'opéra Herculanum de Félicien David  sur un livret de Joseph Méry et T. Hadot.

Herculanum : vingt-quatre maquettes de costumes par Alfred Albert et Paul Lormie, dessins, techniques diverses, 1868-1859.
 

Joseph Méry, romancier populaire et écrivain prolifique, avait publié vigt-cinq ans plus tôt, un long poème intitulé Herculanum, ou l'orgie romaine (1834).

Les derniers jours de Pompéi, l'éruption du Vésuve et les ruines romaines font aussi partie des thèmes attractifs de spectacles immersifs : les panoramas et dioramas à l'instar de ce spectacle du Panaroma national vers 1882.  

 

Daguerre fit un premier diorama sur le thème de l'éruption du Vésuve, puis, à la fin des années 1869, est créé à Naples le Pompéiorama, une attraction qui sera exportée à travers l'Europe et les États-Unis. Ce spectacle, véritable expérience immersive, combinait des vues réalistes des ruines avec des images restituant les mêmes bâtiments dans leur état antérieur à la destruction de la cité. Outre peintures, marbres, fontaines, on y voyait des figures humaines dans leur vie quotidienne. Les spectateurs pouvaient se projeter en train de déambuler au milieu des ruines.
 


Le Diorama de Daguerre
dans Les Merveilles de la photographie, par Gaston Tissandier, Hachette, Paris, 1874.

 

Poésie née des cendres

Delphine de Girardin n'est pas la seule a avoir été inspirée par le Vésuve et Pompéi. Ceux-ci sont les thèmes de nombreux poèmes que vous retrouverez dans les tables des matières de ces documents.

Par ailleurs, dans la littérature italienne, il est impossible de ne pas citer Le Genêt. En 1836, le poète italien Giacomo Leopardi compose Le Genêt ou la fleur du désert dont l’incipit « Et les hommes préfèrent les ténèbres à la lumière » est extrait de l’Evangile de Saint Jean (III, 19). L’auteur s’adresse au genêt, fleur qui pousse sur les flancs du Vésuve, et qui est le témoin des ruines d’une cité fantôme jadis pleine de vie. L’homme et ses civilisations sont décrites comme fragiles et condamnés à disparaître quand la nature, elle, demeure.
 

 

Pompéi et Romantismes

En 1807, Germaine de Staël publie un roman à la jonction des Lumières et du premier Romantisme : Corinne ou l'Italie. L'action des Livres XI à XIII se déroule à Naples et sa région, l'auteure décrit le paysage, plonge ses protoganistes dans le site archéologique de Pompéi et, Livre XIII , évoque une excursion sur le Vésuve, la Montagne.


[...]

[...]

Germaine de Staël, Corinne ou l'Italie, Livre XI, Paris, 1917.

Tristesse, douzième méditation des Nouvelles méditations (1823) d'Alphonse de Lamartine est un poème empreint de nostalgie sur Naples et sa baie, lieu où il se sentit vivre et où il souhaiterait mourir.


Alphonse de Lamartine, Tristesse. Œuvres complètes de Lamartine, Tome 2, C. Gosselin et Furne, 1836-1840

En 1849, dans ses Confidences, le poète évoque un séjour à Naples ; puis plus tard, dans Grazziella (1859), roman fortement inspiré par ses séjours en Italie, Lamartine fait des descriptions de la Campanie. 

En 1830, Victor Hugo écrit un poème intégré aux Chants du Crépuscule, dans lequel il évoque la violence du volcan en éruption :


Victor Hugo, Les Chants du Crépuscule in Œuvres illustrées de Victor Hugo, vol III, Marescq et Cie, Blanchard, Paris, 1853-1855
 

Près d'un quart de siècle plus tard, Théophile Gautier, plonge le héros de sa nouvelle fantastique Arria Marcella - Souvenir de Pompéi (1852) dans la cité pompéienne peu avant l'éruption. Cet événement se produit alors qu'Octavien, est tombé amoureux du moulage d'une femme qui a péri lors de l’éruption de 79, au cours d'une visite dans un musée. Cette histoire est proche de Gradiva (1903), nouvelle de Wilhelm Jensen dont la femme, objet de l’amour de l’archéologue Norbert Hanold, est représentée sur un bas-relief du musée Chiaramonti (Vatican). La nouvelle de Jensen fera aussi l’objet d’une analyse par Sigmund Freud en 1907 : Le délire et les rêves dans la « Gradiva » de W. Jensen. Freud fera l’acquisition d’un moulage du bas-relief afin de l’accrocher dans son cabinet à Vienne puis l’emportera avec lui à Londres où il trouvera refuge en 1938 suite à l’Anschluss.


Charles Garnier, relevé d'une peinture pompéienne. coll. BINHA

Jettatura (1856) est une autre nouvelles de Théophile Gautier dont l’action contemporaine se passe à Naples. Paul d’Aspremont, le héros semble porter malheur, il serait un jettatore, un jeteur de sorts. Les deux derniers chapitres se déroulent au milieu des ruines de Pompéi.
 

Théophile Gautier, Jettatura, édition illustrée par François Courboin , 1904

Dans ses Filles du Feu (1854), Gérard de Nerval inclut une nouvelle intitulée Isis – Souvenirs de Pompéi dont il avait publié des versions dans la Phalange en 1845 sous le titre Le Temple d’Isis – Souvenir de Pompéi puis en 1847 sous le titre Iseum – Souvenir de Pompéi dans L'Artiste, Revue de Paris (numéros des 27 juin et 4 juillet). Cette nouvelle s'inspire d'une étude de l’archéologue et philologue allemand Carl August Böttiger. Le narrateur raconte sa visite du site de Pompéi et en particulier du temple d’Isis construit au IIe siècle avant J.C., le culte de la déesse égyptienne ayant été adopté par les Romains.


Louis-Jean Desprez,  Le temple d' Isis à Pompéi en 1779, dessin technique mixte, Besançon, Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie
 

L’intrigue d’Octavie, ou l’illusion, autre nouvelle des Filles du Feu dont le héros est tiraillé entre deux amours, se déroule en partie dans la baie de Naples, en 1835 puis dix années plus tard. Nerval y narre notamment une visite des ruines de Pompéi.


Ill d'Émile Adan gravée par P.-E. Le Rat pour Gérard de Nerval, Les Filles du feu [...], Librairie des Bibliophiles, Paris, 1888

 

 

Nous conclurons ce voyage dans ces lieux mythiques et historiques avec le témoignage d'Edgar Quinet qui, assistant à l'éruption de 1833, comprit la raison pour laquelle les Grecs et Romains associèrent les phénomènes naturels aux dieux et immortels :


Edgar Quinet, La Création, tome 1, 1870.

 

Voir aussi

Dans le Carnet Hypothèses l'Antiquité à la BnF :

Au sujet du Pompéiorama, voir l'article de Massimiliano Gaudiosi « “As it is and as it was”: Pompeiorama and the Resurrection of a Buried City ». International Panorama Council Jounal , volume 2 - Memory and th Panorama (2018) p. 48 et suivantes.  
 

Commentaires

Soumis par François Jeandé le 22/11/2022

Merci, Madame Hersent ; le beau travail que le vôtre ! Nous revenons du Vésuve, qui fait tout autant rêver qu'à l'époque que couvre votre oeil attentif de lectrice émérite. Pour le jour où vous excaverez le présent message, bouteille à la mer, ballon envoyé par la classe des C2M etc.:

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