Effondrement d'un pont
L’effondrement d’un pont a toujours été ressenti comme un véritable cataclysme par l’opinion publique. Souvenons-nous de l’onde de choc provoquée par celui du viaduc de Gênes le 14 août 2018.
De quel pont parle-t-on ?
Il s’agit du pont suspendu de la Basse-Chaîne qui enjambait la Maine à Angers (Maine-et-Loire). Construit onze ans auparavant, il venait d’être consolidé l’année précédente. Sa technique consistait en un tablier rattaché à des câbles ou des chaînes extrêmement solides par des tiges de suspension verticales, les câbles de retenue étant ancrés sur les berges.
Dans quelles circonstances s’est-il effondré ?
Nous sommes le 16 avril 1850 au matin. Le bataillon du 11e Léger franchit le pont au moment où se lève une tempête. Tentant d’y échapper, les hussards rompent le bon ordre du défilé et s’amassent. Sous le poids, le câble d’amont qui soutient le tablier rompt, entraînant aussitôt la bascule de celui-ci et le reflux des soldats vers l’autre côté. Cette nouvelle poussée provoque la chute du tablier dans la rivière. Malgré les tentatives de sauvetage, on déplora la mort de 221 personnes - dont 219 militaires - et 57 blessés. Bilan, qui plus est, aggravé par les blessures infligées par les sabres et baïonnettes.
D'une pile à l'autre, la rivière, dans toute la largeur du pont, était, couverte d'une foule compacte de malheureux soldats se débattant dans les angoisses de l'agonie ou s'épuisant en efforts désespérés pour échapper à la mort qui les environnait de toutes parts. Si le temps avait été calme, peut-être eût-on réussi sauver le plus grand nombre de ces infortunés. Mais le vent du sud-ouest soufflait avec une horrible violence. Le Maine, fouetté par l'ouragan, se creusait en vagues profondes, chaque flot qu'atteignait la ligne des naufrages détachait de la masse un groupe de victimes, qu'il enveloppait de son tourbillon. De ceux-la, bien peu sont reparus.
Pourquoi cette catastrophe ?
Le tablier pouvait supporter le poids des 500 hussards. Ce seraient donc les vibrations causées par le pas militaire cadencé qui auraient contribué à la rupture des câbles. Auquelles on peut rajouter des facteurs aggravants : la violence des bourrasques et une oxydation importante des câbles. L’événement frappa les esprits au point qu’en 1852, un ingénieur des ponts-et-chaussées rédigea une note technique sur les conditions de stabilité des ponts suspendus dans un tel contexte :
La fin des ponts suspendus ?
Quelques jours après, les curieux affluèrent de toute la France pour voir les vestiges.Si la France et l’Angleterre renoncèrent à cette catégorie de ponts au profit des nouvelles structures métalliques, le modèle perdura aux Etats-Unis et au Canada. Pourtant on y comptabilisa entre 1877 et 1887 pas moins de 251 ruptures de ponts. Quelques décennies après, Jules Verne dans son Tour du monde en quatre-vingts jours choisit d’ailleurs ce pays comme cadre pour y faire s’effondrer un aqueduc après le passage du train.
Y avait-il eu un autre cas susceptible d'alerter ?
En 1824, l'ingénieur Claude Navier construisit à l'emplacement de l'actuel pont Alexandre-III à Paris un pont suspendu à des chaînes appelé Pont des Invalides. Ouvrage éphémère qui ne fut jamais ouvert à la circulation, de multiples incidents puis un accident plus sérieux ayant révélé des défauts de construction. Honoré de Balzac y fait d'ailleurs allusion. Avant l'édification de son pont, Navier avait pourtant rédigé une étude en 1823.
Une évolution technique pour les ponts suspendus ?
Leur tablier n'avait pas de rigidité propre et subissait tous les mouvements du câble au passage des surcharges et du vent. Afin de limiter ces mouvements, on employa des haubans fixés directement aux pylônes. De la sorte, ils immobilisaient le tablier à leur point d'attache. Afin d'assurer une stabilité de forme à la construction, on rigidifia le tablier. Enfin, la surveillance des phénomènes de corrosion sous tension des câbles porteurs sembla désormais nécessaire.
Qu'il soit imputable à un défaut initial de construction ou bien à un concours de circonstances malheureuses, l'effondrement d'un pont mobilise toujours des sentiments de peur et de sidération dans l'imaginaire collectif. C'est pourquoi il apparaît comme un scénario récurrent au cinéma.
Pour aller plus loin :
Qu'est-ce qu'un pont suspendu ? : sur BnF Passerelle(s) explorez l'image pour identifier les différents éléments d'un pont suspendu.
Le pont de Brooklyn, une solidité à toute épreuve sur BnF Passerelle(s)
Pont suspendu / pont à haubans sur BnF Passerelle(s)
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