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Le saule

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17 janvier 2022

Sa silhouette mélancolique veille sur les étangs et les cours d’eau : prisé des peintres et poètes romantiques comme des paysagistes, le saule pleureur n’est pourtant pas le seul représentant du genre Salix à hanter nos imaginaires.

Salix Babylonica. Henri-Louis Duhamel Du Monceau, Traité des arbres et arbustes que l’on cultive en France, 1804-1809.

Alfred de Musset en célèbre le « feuillage éploré ». Son port retombant « offre l’image d’un être accablé de douleur dont la tête penchée sur une urne sépulcrale la recouvre d’une longue chevelure éparse et négligée », d’après le botaniste Duhamel Du Monceau, qui cède lui aussi à la tentation de faire du saule pleureur (Salix babylonica) un symbole par excellence du deuil et des élégies. Dans certains ouvrages sur le langage des fleurs, cet arbre est l’image des larmes et il n’est pas rare de le retrouver au détour d’une allée de cimetière.

Cette réputation tient en partie à la silhouette caractéristique que lui confèrent ses branches très flexibles, ployant presque au ras du sol. Originaire d’Asie – où il occupe déjà une place de choix dans les cérémonies funéraires, en Chine par exemple – le saule pleureur est introduit en Europe au 17e siècle. Il y connaît vite un grand succès : néanmoins, bien avant son arrivée, d’autres espèces appartenant du genre Salix ont pu susciter dans les récits et les mythologies occidentales des interprétations comparables.

A. Gardien, Cimetière de Montivilliers. Seine-Inférieure, 1852.

Il n’est pas rare de retrouver des saules en arrière-plan de scènes funèbres dans des représentations médiévales – c’est le cas dans cette exécution des Templiers, où se reconnaît la forme de saules taillés en têtards. Le saule est aussi l’arbre des amours malheureuses : le narrateur du poème « La belle Dame sans mercy », d’Alain Chartier (XVe siècle), se réfugie derrière une treille de saule. Saules et sentiments de déploration semblent entretenir des liens étroits – quelle que soit l’espèce convoquée.

Le genre Salix est en effet riche de très nombreuses espèces, de tailles et de formes diverses – de l’humble saule rampant (Salix repens) qui couvre de son feuillage landes et tourbières au saule blanc (Salix alba) élancé ou au saule marsault (Salix caprea) très répandu dans les régions tempérées. Les saules ont notamment en commun leurs fleurs, prenant la forme de chatons dressés. Ce sont des végétaux dioïques : fleurs mâles et femelles sont présentes sur des individus différents.

Leonhart Fuchs, De Historia stirpium, 1542.

Malgré son caractère parfois inquiétant sur le plan symbolique, le saule est prisé dès l’Antiquité pour ses multiples usages en médecine. C'est contre la fièvre qu’il est le plus efficace. Les feuilles et l'écorce de saule contiennent de la salicyline, ancêtre de l'aspirine. Certaines des propriétés de cet arbre sont plus ambivalentes. Des ouvrages médicaux antiques et médiévaux affirment ainsi que boire une décoction à base de saule peut rendre stérile. Au 16e siècle, la grande somme botanique de Leonhart Fuchs relate encore ce pouvoir.

Salix alba L. Charles-Louis Gatin, Les arbres, arbustes et arbrisseaux forestiers, 1932.

Les saules ont encore bien d’autres usages : certaines espèces, qu’on réunit communément sous le nom d’osiers, prêtent leurs rameaux souples aux arts de la vannerie. C’est le cas du saule des vanniers (Salix viminalis), également appelé osier vert.

Les branches de saule sont aussi utilisées pour construire treilles et clôtures et leurs teintes vert tendre à argenté ornent parcs et jardins. Loin d’être toujours condamnés à la mélancolie, certains vieux saules offrent aux jeux des enfants leurs troncs noueux et le rideau de leur feuillage.

Hans Christian Andersen, « Sous le saule », dans Le camarade de voyage, Paris, 1874.

Pour aller plus loin :

- La section consacrée aux arbres de la sélection Gallica : La nature en image – les plus beaux ouvrages de botanique illustrés

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