L'arbre à pain, symbole de la générosité de la Nature
Originaire de l’Océanie et de la Polynésie, l’arbre à pain a été introduit aux Antilles à la fin du 18ème siècle, et les colons pensèrent utiliser son fruit pour nourrir les esclaves. De nos jours, il est répandu dans la plupart des îles des Antilles, et le fruit à pain, cuisiné de diverses façons, appartient au patrimoine culinaire antillais.
Le fruit à pain : une panacée ?
L’arbre à pain a suscité très vite l’intérêt des naturalistes et des explorateurs embarqués vers le Nouveau Monde : Bougainville et surtout Philibert Commerson un de ses compagnons à bord sur l’Étoile (1767 à 1768), William Dampier (1688), Lord Anson (1742) , Cook (qui le décrit dès son premier voyage 1768, et à nouveau dans son dernier voyage en 1771).
Ces explorateurs qui avaient voyagé dans les mers du Sud avaient vanté l’exceptionnelle richesse nutritive de ce fruit « dont les naturels se servent au lieu de pain » comme le souligne William Dampier dans son Nouveau voyage autour du monde (seconde édition, 1701, tome. 1, chapitre 10, pages 313 et 314).
Le mythe du fruit à pain comme substitut du pain, aliment de base en Europe à l’époque, est une constante chez les explorateurs. Lord Anson dans sa Relation de voyage aux Mers du Sud consacre à ce mythe un développement éclairant : sur les îles de Larrones, en particulier l’île de Tinian, les « naturels du pays » obtiennent après cuisson « un petit pain dont la croûte est tendre et jaune, et dont la mie est molle et tendre comme un petit pain frais (...). Les Habitants jouissent de ce fruit pendant environ sept mois, durant lesquels ils ne mangent pas d’autre pain» ( pages 19 et 20).
Des ouvrages sont publiés dans le but d’attirer l’attention du public sur ce fruit étonnant. En 1779, John Ellis publie à Rouen une « Description du mangostan et du fruit à pain : le premier estimé l’un des plus délicieux, l’autre le plus utile de tous les fruits des Indes Orientales ».
L’ouvrage contient, par ailleurs, un « Extrait du voyage du Lord Anson aux Mers du Sud » dans lequel Lord Anson consacre une quinzaine de pages au fruit à pain et au transport des plants dans des caisses spécialement aménagées, car « Il y a deux arbres naturels aux Indes Orientales, qui, si l’on pouvait les introduire dans nos Isles de l’Inde Occidentale, seroient d’une utilité signalée à leurs habitants [fruit à pain et mangostan] » (page 5).
Des qualités nutritives et médicinales
Le naturaliste Nicolas Joyclerc remarque dans l’article fruit à pain de sa Phytologie universelle, ou histoire naturelle et méthodique des plantes (1798) que « les voyageurs infectés du scorbut, eurent le bonheur de débarquer dans l’isle du Tinian ; ils mangèrent tous des fruits du Rima ; ces fruits leur tinrent lieu de pain, et tous les préféraient au pain » (Tome 2, page 539). On rencontre le même type de développement dans l’Encyclopédie méthodique de l’abbé Tessier, agronome et docteur en médecine, au sujet des différentes variétés du fruit à pain : « Ces variétés murissant à des époques différentes, il est possible aux habitants d’Otahiti d’en manger pendant huit mois ; ce qui les rend pour eux d’une importance telle, que leur population diminueroit de plus de la moitié si on les leur enlevoit. (...) Cook ne tarit point sur les éloges de ces fruits, qui lui servirent de principale nourriture lors de ses relâches dans cette île, et rétablirent promptement ses malades » (tome 5, pages 61 à 62). John Ellis n’avait pas manqué, non plus, d’en faire une médication universelle : « On l’administre à toutes sortes de doses, de même que l’orange douce, à ceux qui sont pris de la fièvre ou de quelque espèce que ce soit de maladie putride ou inflammatoire » dans sa Description du mangostan et du fruit à pain (page 13).
Un « aliment de paradis » pour les esclaves
Partant de ce constat, l’idée d’un véritable « aliment de paradis » pour reprendre l’expression de Gabriel Debien fit rapidement son chemin et l’on pensa nourrir les esclaves de cet aliment peu coûteux, facile à cultiver et surtout obtenu sans travail de la terre.
Dès 1779, John Ellis évoque cette immense ressource alimentaire : « le fruit à pain est un article plus nécessaire et plus important [que le mangostan] pour la nourriture d’un grand nombre d’hommes. Il est facile aussi de le cultiver dans nos isles des Indes occidentales, et il seroit d’une grande ressource pour nourrir toutes sortes d’Habitants, et spécialement les Nègres ».
En 1789, le Dr Cassan qui consacre un développement dans son Mémoire sur les cultures de l’isle de Sainte-Lucie aux « Productions qui servent de nourriture aux Nègres » avoue attendre avec impatience le retour de La Peyrouse avec des plants de l’arbre à pain de Tahiti ou de la Nouvelle-Zélande. « En attendant le fruit précieux de cet arbre, la banane est pour les habitants de l’Amérique une véritable manne : elle sert de nourriture aux Nègres et leur fournit un aliment très salutaire » (Mémoire d’agriculture, Trimestre d’été, 1789, pages 60 à 61).
Moreau de Saint-Mery s’applique tout au long de sa Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l'isle Saint-Domingue à signaler la nourriture des esclaves différente dans les trois parties de la colonie : au Sud, banane, igname, choux-caraïbe, patate, manioc (Tome 2, page 812) , au Nord, la cassave (tome 1, page 106), à l’Ouest petit-mil, patate, poisson salé (tome 2, page 12).
Cependant, il ne signale pas le fruit à pain comme possible nourriture pour les esclaves alors qu’il avait été introduit dans l’île en 1788.
Jean-Baptiste Labat Nouveau voyage aux isles de l’Amerique (1724)
Au 19e siècle : un arbre commun dans toutes les Antilles
L’arbre à pain est devenu un arbre commun dans les îles des Antilles et en Guyane au 19e siècle. Il croît avec facilité dans toutes les îles.
D’après deux auteurs de la fin du 19e siècle « les arbres fruitiers se rencontrent en nombre infini à la Guadeloupe et sont répandus dans toutes les parties de l'île ». Au nombre de ces arbres fruitiers figure l’arbre à pain, « importé de Taïti » (Fernand Hue, Georges Haurigot, Nos grandes colonies. Amérique : les Antilles : la Martinique, la Guadeloupe, Marie-Galante, les Saintes, la Désirade, Saint-Martin, Saint-Barthélemy : la Guyane, 1886, pages 95 à 96).
En 1888, le R.P. Bertrand, missionnaire de l’archidiocèse de Port-d’Espagne, rapporte qu’on le trouve en abondance sur les îles de Trinidad et de Saint-Vincent où il n’y a « presque pas de maisons qui n’ait un ou plusieurs de ces arbres » ( « Un mois dans l’île de Saint-Vincent (Indes occidentales). Journal d’un missionnaire » Les missions catholiques, tome 20, 1888, n° 1001, 10 août 1888 pages 378-382).
L’arbre à pain fait partie des espèces utiles, et est utilisé pour les besoins de la vie domestique. Dans son rapport daté du 24 avril 1856, le directeur du jardin botanique de Saint-Pierre (Martinique) recense parmi les vingt-quatre espèces utiles à la vie domestique « en première ligne les trois espèces d’Artocarpe ou arbre à pain si commun aujourd’hui à la Martinique et dont il n’existait que quelques pieds dans l’établissement à l’origine de sa création » (Revue coloniale : extrait des annales maritimes et coloniales, mars 1857, pages 205 à 227).
En 1902, l’arbre à pain fait partie des arbres fruitiers disponibles à la vente pour les particuliers au Jardin botanique de la Martinique. La liste de toutes ces plantes est publiée au Journal officiel de la Martinique (28 août 1902, n°25, pages 240 à 242).
Le fruit à pain : une ressource alimentaire
Les différents produits issus du fruit à pain sont utilisés dans l’alimentation, en particulier la fécule et la pulpe broyée, mais le fruit de l’arbre à pain peut aussi constituer un plat à lui seul.
Sur l’île de Saint-Vincent à la fin du 19e siècle, le R.P. Bertrand, missionnaire de l’archidiocèse de Port-d’Espagne note dans son journal que sur l’île de Saint-Vincent, le fruit à pain est l’unique ressource alimentaire des pauvres gens : « Ce fruit assaisonné et préparé comme savent le faire les créoles, est bon et fortifiant. Beaucoup de pauvres gens ne se nourrissent presque que de ce fruit. L’arbre qui ombrage leur case est le grenier qui leur donne la nourriture de chaque jour » Les missions catholiques, tome 20, 1888, n° 1001, 10 août 1888 page 379).
La farine du fruit à pain, presque identique à celle du manioc, est utilisée pour fabriquer un pain que l’on trouve, à l’époque, sur toutes les tables de la campagne à la Martinique : en 1902 un article intitulé « Un pain bizarre à la Martinique » est publié à Paris dans le Journal des pâtissiers-biscuitiers, boulangers, fabricants de pains d'épices, gaufres, petits fours secs, pains de luxe (n°10, octobre 1902, pages 149 à 150). L’auteur note avec intérêt que le pain fabriqué à partir de la farine de fruit à pain « remplace souvent pour eux [Martiniquais] le pain véritable, le pain de farine de froment, de seigle ou de sarrasin, auquel, entre parenthèse, il est notablement supérieur ». En effet, comme le prouve le tableau comparatif de la composition de ces deux farines publié dans l’article, la farine du fruit à pain est au moins aussi riche que la farine de manioc. Par ailleurs, l’intérêt de ce pain est d’être extrêmement bon marché.
Les produits du fruit à pain ne sont pas seulement utilisés dans l’alimentation humaine, ils le sont aussi dans l’alimentation animale : les porcs sont très friands des fruits à pain trop verts ou trop mûrs qui leur sont réservés, les feuilles fraîches régalent le bétail (Journal des pâtissiers-biscuitiers, boulangers, fabricants de pains d'épices, gaufres, petits fours secs, pains de luxe (n°10, octobre 1902, page 150). En 1927, à la Martinique, le directeur du Jardins d’essais de Tracée au Gros Morne signale dans un article publié dans le Bulletin agricole de la Martinique les qualités nutritives du fruit à pain dans l’alimentation des bovins, ovins et porcins : la substitution du fruit à pain au simple pâturage augmente de 75% la production de lait des vaches (« Le fruit à pain dans l’alimentation du bétail », Le Madécasse, 19 mars 1927).
L’arbre à pain dans tous ses états: les Expositions universelles
Production locale utilisée dans la sphère domestique en milieu rural mais aussi transformés par des procédés industriels pour être commercialisés, l’arbre à pain et son fruit s’invitent au 19e siècle dans les Expositions universelles auxquelles toutes les îles participent :
Utilisation alimentaire
Ces Expositions universelles sont l’occasion pour le public de découvrir les richesses agricoles, forestières, minières des pays lointains, leur production et leur utilisation.
Le fruit à pain figure parmi les ressources et productions végétales tropicales. Il est exposé sous sa forme fraîche (brute) ou transformée.
Sous sa forme brute (fraîche), la Guyane présente en 1883, à Amsterdam, les deux variétés de l’arbre à pain produites dans ses cultures alimentaires : « L’arbre à pain présente deux variétés : l’arbre à pain à graines dont les fruits rappellent la châtaigne, et l’arbre à pain igname dont les fruits rappellent l’igname. Les uns et les autres se mangent crus » ( Les Richesses de la Guyane française, par H.-A. Coudreau, pages 72 et 73).
La pulpe, partie charnue et comestible de la variété sans graine, peut être transformée. On peut la broyer ou en extraire une substance farineuse, la fécule : l’île de la Jamaïque, en 1878 à Philadelphie expose de la pulpe broyée d’arbre à pain (L'Exposition universelle de 1878 illustrée, page 69) tandis que la Guyane britannique, de son côté, avait présenté, dans les denrées alimentaires, de la fécule extraite de l’arbre à pain, à Paris en 1855 (Catalogue des objets expédiés de la Guyane Britannique à l'Exposition universelle de Paris, en 1855).
La fécule de fruit à pain est produite sur toutes les îles. Au début du 20e siècle, à Fort-de-France, à l’occasion de l’exposition organisée pour le Tricentenaire du rattachement des Antilles à la France (1935) une médaille d’argent est décernée à M. Gauval de Sainte-Hélène, du Lorrain, pour sa fécule de fruit à pain (Palmarès des récompenses décernées aux exposants de l'exposition de la Martinique organisée à Fort-de-France à l'occasion du Tricentenaire du rattachement des antilles à la France (décembre 1935 - mars1936).
Utilisation non alimentaire
L’utilité de l’arbre à pain est loin de se limiter à une ressource alimentaire. Son écorce, sa sève, son tronc et la pulpe de son fruit sont également des ressources artisanales et industrielles.
A l’Exposition universelle de Paris en 1855, la Jamaïque expose de l’amadou de l’arbre à pain. (Catalogue officiel publié par ordre de la commission impériale : Exposition des produits de l'industrie de toutes les nations, 1855, page 507).
En Europe, l’amadou était obtenu à partir de l’amadouvier, champignon qui se développe sur le frêne, le saule, le chêne et le peuplier. Il était préparé de manière à prendre feu au contact d’une simple étincelle. Le Grand dictionnaire universel duXIXe siècle précise que dans la médecine usuelle, on faisait usage de l’amadou pour arrêter une hémorragie ou une perte de sang. Obtenir de l’amadou à partir d’un végétal tropical permet de substituer à des produits importés une production locale.
Dans la notice rédigée à l’occasion de l’Exposition universelle d’Amsterdam en 1883, son auteur, H.- A. Coudreau, insiste sur l’exploitation des essences guyanaises, riches et variées mais malheureusement inutilisées. La nomenclature qu’il présente à la fin de son ouvrage souligne les multiples utilisations possibles du tronc massif de l’arbre à pain dans la construction en particulier pour les charpentes, l’ébénisterie ; de l’écorce pour le textile et de la sève pour la fabrication de colle (H-A Coudreau, Les richesses de la Guyane française, 1883).
La Guyane française expose à nouveau des plants d’arbre à pain à l’Exposition universelle de 1885 à Anvers. Le catalogue de l’Exposition donne des précisions sur l’aspect et la qualité de deux variétés de l’arbre à pain (Artocarpus incisa et Artocarpus integrifolia) comme bois d’ébénisterie et de construction, « Le bois est jaune, dur et susceptible d’un beau poli. Il perd sa couleur à l’air et brunit lorsqu’il n’est pas verni. Il est très léger et un peu satiné. On peut l’employer dans l’ébénisterie. La seconde variété, Artocarpus integrifolia « donne également un bon bois d’ébénisterie et de construction » ( J-L de Lanessan, Les plantes utiles des colonies françaises, 1886, page 145).
Si les Expositions universelles ont permis au 19e siècle de démontrer le remarquable potentiel alimentaire et industriel du fruit à pain, celui-ci reste encore un mets dévalorisé socialement. L’engagement de la France dans la Seconde Guerre mondiale et l’insécurité alimentaire qui l’accompagne dans les îles va contraindre la société antillaise à s’accommoder de pratiques de subsistances de temps de misère.
L’époque de l’amiral Robert : le fruit à pain palliatif à la rareté des vivres
Le passage de l’amiral Georges Robert, Haut-commissaire de la République aux Antilles entre 1939 et 1943, est resté dans la mémoire collective des Antillais comme une période de pénurie alimentaire et de privations.
Cette dure réalité de l’existence quotidienne est décrite dans les témoignages de Victor Saint-Cyr, Georges Gratiant et René Ménil. Victor Saint-Cyr se souvient: « Il n’y avait pas de pain, pas de viande de boucherie. On pouvait fabriquer des petits pains d’ignames, et avec le fruit à pain, on faisait des petites tranches qui étaient grillées. La nourriture était un problème crucial. Il fallait se livrer à toutes sortes de démarches, de recherches, de déplacements pour arriver à se nourrir.» (Les cahiers du CERAG, La Martinique sous l’amiral Robert, novembre 1979, tome 2, page 51).
Dans les romans, le rationnement, la disette sont omniprésents dans l’évocation du vécu des Antillais pendant la Seconde guerre mondiale (Raphaël Confiant Commandeur du sucre, La dissidence, Patrick Chamoiseau, Chroniques des sept misères, Edouard Glissant Malemort, Alice Delpech Dissidence). Cette période difficile d’an tan Wobé est plantée d’emblée dès l’ouverture du troisième cercle du roman de Raphaël Confiant Le Nègre et l’Amiral : « Désormais, seule l’eau appartient à tout le monde. Les cocos secs et les fruits-à-pain se négocient vingt sous pièce et les békés font surveiller la moindre branche d’herbe-de-Guinée ».
Peu valorisé socialement, considéré comme la nourriture du pauvre mais accepté par nécessité pendant la Seconde Guerre mondiale comme alternative alimentaire dans une économie fragilisée, le fruit à pain est donc rentré dans l’alimentation quotidienne des Antillais et dans l’art culinaire des îles françaises et britanniques au point d’être fêté sur l’île de Saint-Vincent.
Le Breadfruit Festival : un évènement gastronomique et culturel
Chaque année au mois d’août un festival est consacré au fruit à pain sur l’île de Saint-Vincent : le Breadfruit Festival. Ce festival reste associé au souvenir de l’esclavage et l’on commémore l’abolition dans les îles britanniques pendant le festival (Emancipation Day le 1er août) : présenté comme un évènement gastronomique, il est l’occasion de découvrir toutes les préparations culinaires salées et sucrées à base de fruit à pain, très utilisé dans l’alimentation de l’île de Saint-Vincent et dans les Grenadines.
Le fruit à pain dans les recettes traditionnelles des Antilles
A la fois légume et fruit, le fruit de l’arbre à pain se cuisine de diverses manières ; il est consommé comme légume ou comme dessert. Cuit à l’eau salée et découpé en tranches, le fruit à pain accompagne les viandes et les poissons. On le mange également en frites, en croquettes, en soufflé, en purée, en ragoût, en soupe. Il fait partie de l’assiette de légumes à côté de la patate, de l’igname, du dachine et de la banane plantain. En pâtisserie, il rentre dans les recettes de gâteaux, de puddings, de flans. Enfin, en confiserie, les fleurs de fruit à pain sont confites, ce sont les « tototes » à la Martinique et les « popottes » à la Guadeloupe. Les graines de la châtaigne-pays (variété à graines) sont consommées cuites à l’eau en apéritif ou en farce dans les viandes.
Parmi les recettes traditionnelles, citons pour la Martinique le « migan de fruit à pain » (ragoût de porc), et pour la Guadeloupe, le « pain de fruit à pain » (soufflé à base de fromage et de fruit à pain). A Saint-Vincent et à Sainte-Lucie, les livres de recettes proposent de cuisiner le fruit à pain notamment en ratatouille (ratatui), roti (roast breadfruit), ou encore bouilli (boiled breadfruit).
Produit du terroir, produit d’avenir
Aujourd’hui, la cuisine traditionnelle est souvent délaissée par un régime alimentaire banalisé et mondialisé. C’est l’amer constat d’un auteur comme Ernest Papin (Toxic Island). Cependant, le fruit à pain connaît actuellement un regain d’intérêt de la part des chercheurs et des institutions internationales qui s’accordent sur la remarquable valeur nutritive du fruit à pain. Le développement de la culture du fruit à pain est particulièrement intéressant dans le cadre de la sécurité alimentaire et de la santé nutritionnelle. Des institutions comme l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) aux Antilles-Guyane, le Department of Food Production (West Indies University) à Trinidad et Tobago et la Trees That Feed Foundation à la Jamaïque travaillent sur ce légume.
Partie des isles Antilles. I. Partie, 1764
L’arbre à pain, plaisir des yeux : les artistes et le fruit à pain
Végétal tropical, le fruit à pain a inspiré les peintres lors de leurs séjours à la Martinique : Jules Marillac a laissé de son séjour de vingt ans à la Martinique une œuvre artistique importante. Parmi les toiles exposées en 1990 à Fort-de-France à l’occasion du centenaire de sa naissance, on remarque une « Nature morte aux fruits à pain » exécutée vers 1935 : trois fruits à pain sont disposés sur une coupe à fruits sur pied en faïence blanche (Jules Marillac. Un peintre à la Martinique. Catalogue de l’exposition. Musées départementaux de la Martinique. Fort-de-France, 1990). Gauguin avait, lui aussi, été inspiré par les fruits exotiques. Le fruit à pain est intégré à l’une de ses compositions réalisée en 1887 pendant son séjour à la Martinique. Cette « nature morte à l’esquisse de Delacroix », qui fait actuellement partie des collections du musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, réunit piments, goyaves, calebasse, noix de coco et fruit à pain à l’arrière-plan. Au cours de son premier séjour à Tahiti, de 1891 à 1893, Gauguin retrouve l’arbre et le fruit à pain sur leur terre d’origine, ils sont représentés dans deux toiles réalisées respectivement en 1891 et 1893 « La orana Maria » (« Ave Maria », arbres à pain en arrière-plan, Metropolitan Museum, New-York), et « Eu haere ia oe » (« La femme au fruit », tahitienne tenant un fruit à pain, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg).
Timbre-poste, billet de banque et fruit à pain
Profondément lié à l’histoire de l’île de Saint-Vincent et à sa vie quotidienne, le fruit à pain s’affiche sur les timbres-poste et les billets de banque.
En 1965, les services postaux de Saint-Vincent et Grenadines ont édité une série de timbres pour commémorer le 200e anniversaire de la création du jardin botanique (1765-1965). Deux timbres de cette série ont pour thème le fruit à pain : le timbre de 1 cent reproduit le fruit à pain et différents fruits tropicaux rapportés par le capitaine Bligh en 1793, et le timbre de 4 cents reproduit le Providence et sa cargaison de fruits à pain.
Pendant la saison de production (janvier-février et juillet-août), on trouve du fruit à pain sur tous les marchés locaux des îles. C’est donc tout naturellement qu’une marchande de fruits et légumes locaux occupe le verso d’une ancienne série du billet de 5$ de Trinidad-et-Tobago (1985, 2002).
Retrouvez les autres billets de la série sur l'arbre à pain :
L'introduction de l'arbre à pain aux Antilles
Pour aller plus loin à la BnF
- Maité van Dijk et Joost van der Hoeven, Gauguin et Laval en Martinique : exposition, Amsterdam, Van Gogh Museum du 5 octobre 2018 au 13 janvier 2019,. Bruxelles : Fonds Mercator ; Amsterdam : Van Gogh Museum, 2018.
- J. Froc, M. Hyman, Ph. Hyman et L.-R. Beuze (sous la direction de), Martinique : produits du terroir et recettes traditionnelles, Paris , A. Michel, Conseil national des arts culinaires,"Linventaire du patrimoine culinaire de la France", 1997. En libre-accès en salle C sous la cote: 641.597 MART m
- J. Froc, M. Hyman, Ph. Hyman (sous la direction de) , Guadeloupe : produits du terroir et recettes traditionnelles, Paris, A. Michel, Conseil national des arts culinaires,"L'inventaire du patrimoine culinaire de la France", 1998. En libre-accès en salle C sous la cote 641.597 FROC Cnac
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