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L’encyclopédie méthodique de mathématiques

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14 janvier 2015

En 2010 la famille Itard a fait don de la totalité des ouvrages d’histoire des mathématiques de Jean et Gilles Itard à la bibliothèque de l’Université Claude Bernard Lyon 1. La Bibliothèque universitaire a entrepris en 2013, en partenariat avec la BnF et l’Institut Camille Jordan (UMR 5208 du CNRS), la numérisation des ouvrages de ce fonds. Les trois volumes de L’Encyclopédie méthodique de mathématiques ont été numérisés et sont désormais référencés dans Gallica. Fabrice Ferlin, historien des sciences raconte l’histoire peu connue de son élaboration et de sa conception.

Encyclopédie méthodique de mathématiques, 1784-1789
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L’Encyclopédie méthodique de mathématiques apparaît comme un « sous-produit » tardif de l’Encyclopédie (ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers) de Diderot et D’Alembert. Ce dernier ouvrage, constitué de dix-sept volumes de texte et de onze volumes de planches est paru entre 1751 et 1772. Dans ce vaste dictionnaire encyclopédique, le mathématicien D’Alembert est responsable de la partie scientifique. Il est en particulier l’auteur d’environ 1500 articles consacrés aux mathématiques, pures ou appliquées (ces dernières comprenant à l’époque l’astronomie ou des parties alors mathématisées de la physique comme l’optique ou la mécanique), ainsi qu'à la physique. Cette œuvre monumentale sera complétée et actualisée par un « Supplément » de cinq volumes, paru en 1776-1777.

C’est en 1781 que l’éditeur-imprimeur Charles-Joseph Panckoucke annonce le lancement d’une nouvelle encyclopédie, colossale, par ordre des matières : il y aura une encyclopédie, généralement de plusieurs tomes, (avec des articles par ordre alphabétique) par discipline du savoir (par exemple en mathématiques, en physique, en histoire, en géographie etc.). Ce sera une entreprise presque interminable qui durera jusqu’en 1832, avec la parution de plus de deux-cents volumes (soit beaucoup plus que le nombre de volumes de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert !).

L’Encyclopédie méthodique de mathématiques est une des premières à paraître dans le cadre de cette vaste collection, puisque ses trois tomes sont édités en 1784, 1785 et 1789 (avec un volume de planches en 1789).

Comment les volumes de cette Encyclopédie de mathématiques ont-ils été élaborés ? Essentiellement à partir des articles de l’Encyclopédie de D'Alembert et de son supplément. Dans le prospectus destiné à faire la publicité du nouveau dictionnaire, Panckoucke indique qu’on a pris deux collections complètes du Dictionnaire raisonné et de son Supplément, qu’on a découpé les articles concernant les mathématiques, et qu’on a tout regroupé ! La réalité est bien sûr plus complexe, mais cette affirmation reste vraie à la base, et l’essentiel de l’Encyclopédie méthodique de mathématiques est bien composé des articles publiés vingt à trente ans plus tôt. Ceux de mathématiques pures et appliquées de l’Encyclopédie ayant été essentiellement composés par D’Alembert, l’essentiel du texte de la Méthodique est de D’Alembert qui n’a pourtant pratiquement pas participé à ce nouveau projet éditorial (il est mort en 1783 et il était malade et affaibli depuis plusieurs années).

L’Encyclopédie méthodique de mathématiques est toutefois un peu plus qu’une simple réédition de l’Encyclopédie sous une forme modifiée ; dans le titre, le dictionnaire est annoncé comme rédigé par l’abbé Bossut, et pour la partie astronomique par l’astronome Lalande. De fait, Bossut, un proche de D’Alembert, natif de la région lyonnaise, a ajouté une longue introduction de plus d’une centaine de pages, dans laquelle il expose l’histoire des mathématiques, depuis les origines jusqu’à son époque. Il a de plus écrit de nombreux articles nouveaux, concernant essentiellement la mécanique appliquée, qui correspondait à son domaine de compétence. Il a également remplacé divers articles anciens de mathématiques élémentaires, de l’abbé de La Chapelle. Lalande, quant à lui, a réécrit pratiquement tous les articles d’astronomie de D’Alembert, qui n’était certes pas astronome, et qui de surcroît était loin d’être en bon termes avec lui. Il faut aussi tenir compte des contributions de Condorcet dans le domaine des probabilités, ainsi que de nouveaux articles concernant le calcul infinitésimal rédigés par un auteur peu connu, Charles, dit le Géomètre. Enfin, l’Encyclopédie méthodique de mathématiques contient (dans le tome III) une table de lecture dans laquelle la matière totale de l’ouvrage est divisée en dix sous-disciplines (arithmétique, algèbre, géométrie etc.), avec, pour chacune de ces sous-disciplines, un ordre de lecture des articles, permettant une étude cohérente de chacune d’entre elles, comme dans un traité ou un manuel.

Au final, on a un texte parfois hétéroclite, avec une actualisation sérieuse en certains domaines (comme les probabilités, la mécanique appliquée, le calcul intégral ou l’astronomie), une amélioration pour les mathématiques élémentaires, tandis que d’autres domaines ne présentent pratiquement aucune mise à jour par rapport aux années 1750.

Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur l’Encyclopédie méthodique, très peu abordée jusqu’ici par les chercheurs, on peut conseiller la lecture de l’ouvrage : L’Encyclopédie méthodique (1782-1832), Des Lumières au positivisme, sous la direction de C. Blanckaert et M. Porret, avec la collaboration de F. Brandli, Droz, Genève, 2006

A lire aussi sur le blog Interface/Livres anciens : La Bibliothèque Jean et Gilles Itard : un fonds d’histoire des mathématiques à la Bibliothèque universitaire de mathématique de Lyon 1

Fabrice Ferlin
Université Claude Bernard Lyon 1

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