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Guy Chantepleure, des robes roses aux anthropophages

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Jeanne Violet (1870-1951) fut une romancière très appréciée au début du siècle dernier, sous le pseudonyme masculin de Guy Chantepleure. Épouse d'Edgar Dussap, consul de France, elle a également raconté ses voyages à ses côtés. Elle est entrée cette année dans le domaine public, et on peut la découvrir dans Gallica.

 

Jeanne Caroline Violet est née à Paris le 1er février 1870 de Marie La Salle et Adolphe Violet, haut fonctionnaire, chef de cabinet au ministère des Postes et Télécommunications ; elle a une sœur, Raymonde, et deux frères : Jacques, officier tombé pour la Patrie à 28 ans en Mauritanie en 1909, et Jean. La famille vit rue de Monceau, dans le 8e arrondissement de Paris. Elle fait ses études supérieures dans un cours privé, apprend aussi la musique et le chant, qui resteront sa passion. La musique l’émouvant aux larmes, on l'appelait en plaisantant « chante-et-pleure », surnom dont elle fera plus tard son nom de plume. La belle jeune femme que montre le portrait exécuté par Nadar vers 1900 a certes des prétendants, mais elle n'en épouse aucun.


Nadar (atelier de) (1871-1939). Madame Edgar Dussap (1870-1951), connue comme écrivain
Charenton-le-Pont, Médiathèque du patrimoine et de la photographie
 

Une romancière populaire

Jeanne Violet fait ses débuts littéraires à 25 ans, sous le pseudonyme masculin de Guy Chantepleure, avec Ma Conscience en robe rose (Lemerre, 1895), un roman sentimental qui remporte un prix de l'Académie française. Son roman suivant, Fiancée d'Avril (1898) lui en vaudra un deuxième. Répondant à des questions du Figaro dans une lettre publiée le 12 septembre 1905, elle affirme : « Mon contentement ravi fut bien un peu celui d'une écolière qu'on récompense... J'étais très jeune et j'avais assez de bon sens pour ne pas exagérer, au bénéfice de ma vanité, la portée de l'encouragement qui m'était donné ; mais quelle confiance, quelle ardeur, quels beaux espoirs il éveillait ou renouvelait en moi !... Les récompenses qui font crédit, parce qu'on a devant soi tout l'avenir, sont de toutes, peut-être les plus douces, sinon les plus glorieuses... ». Le succès est au rendez-vous : publiés chez Calmann-Lévy en volume, les romans s’enchaînent et font l’objet de nombreuses réimpressions et rééditions. Ma conscience en robe rose est par exemple réédité chez Tallandier en 1912 dans la collection illustrée « Bibliothèque idéale de la jeune fille ».
Viennent ensuite notamment Le château de la vieillesse (Mame et fils, 1900, collection des romans honnêtes, avec des illustrations de Lucien Métivet), Les ruines en fleurs (1901), Âmes féminines (1902), Sphinx blanc (1903), L'Aventure d'Huguette (1904), Le baiser au clair de lune (1908), La folle histoire de Fridoline (1908), Malencontre (1910), La Passagère (1911), Le Hasard et l'amour (1911).

Aux romans, s'ajoutent des contes et nouvelles et en 1904 un recueil de comédies légères : Le Théâtre de la primevère, très bien accueilli aussi par la critique.
 

À une époque où l'instruction devient obligatoire et où la lecture se répand dans les classes populaires, Guy Chantepleure est très sollicitée par les journaux et magazines à la recherche de nouvelles (par exemple « La Duchesse du Maine », La Revue Mame : journal hebdomadaire de la famille, 8 sept. 1895 ; « Le réveillon », Le Populaire, 25 décembre 1903 ; « Une bonne idée », Journal d’Indre-et-Loire, 17 décembre 1905 ; « Ma petite Promise ». Contes de Femina, 15 juillet 1911) et de feuilletons (par exemple Comédie nuptiale, dans Le Grand illustré, 27 mars 1904 ou dans Le Journal du dimanche, 31 décembre 1905 ; La folle histoire de Fridoline, annoncé comme « un joli conte bleu, enveloppé de sentiment et de mystère » dans Lisez-moi bleu, 1er sept 1912 ou Fiancée d’avril dans Le Midi socialiste, 22 août 1914).

 
Des critiques élogieuses

Les premiers critiques louent chaleureusement ce « jeune romancier », étonnés « qu'un homme connaisse si bien l'âme de la femme ». Mais très vite les mieux informés révèlent que « Guy Chantepleure est le pseudonyme - fort connu et apprécié - d'une des femmes de lettres les plus sympathiques et les plus douées qui soient dans la jeune génération. Guy Chantepleure est une jeune fille, mais c'est loin d'être une débutante, et il y a déjà quelques années que l'Académie couronna son premier roman ». On peut ainsi lire dans Gallica de nombreuses critiques, le plus souvent élogieuses, par exemple :

Elle fait toutefois partie, comme le montre cet article du même J. Ernest Charles, édifiant sur la façon dont les autrices étaient perçues, du « flot » de romancières qui « pullulent » et dont il convient de se méfier :

Jeanne Violet trouve même grâce, en dépit de son protestantisme, aux yeux du terrible abbé Bethléem ! Dans son Romans à lire et romans à proscrire, essai de classification au point de vue moral des principaux romans et romanciers de notre époque (1800-1904) avec notes et indications pratiques (Index personnel de la censure vendu à 140 000 exemplaires en tirage cumulé entre 1904 et les années 1930, et que le pape Pie X qualifie d'Opus mirificum), ses romans sont classés parmi les « Romans honnêtes ou familiers qui peuvent être lus sans danger grave par des jeunes gens et jeunes filles sagement formés » (!), avec néanmoins quelques légères réserves :

Ils sont toujours recommandés dans l’édition de 1928, avec des précisons sur chaque roman du type « Malencontre (trop romanesque et bizarre) » et présents dans Romans-revue : guide de lecture, guide périodique qu’il crée en 1908 afin de s’assurer une plus grande audience ; par exemple Malencontre le 15 janvier 1911 ou Les Ruines en Fleurs le 15 janvier 1912, roman « presque chrétien » mais qui manque d’égards envers les nobles : « je reprocherai à Mme Chantepleure de tomber dans le ridicule et injuste travers de presque tous les romanciers à la mode : dès qu'elle met en scène un représentant de l'ancienne aristocratie, il faut de toute nécessité qu'il apparaisse sous un jour fâcheux. »
 
Au fil du temps la critique prend un ton plus condescendant : Eugène Montfort, dans Vingt-cinq ans de littérature française : tableau de la vie littéraire de 1897 à 1920. Tome 2 : « La littérature féminine » (1925) la classe parmi les « romancières pour jeunes filles » ; Jacques Patin écrit à propos du Magicien (Le Figaro, 6 août 1927) : « L'histoire, d'ailleurs, se tient à mi-chemin entre le songe et la réalité, et ce caractère un peu irréel la pare d'une poésie qui lui donne un charme délicat. […] Comme dans les contes de fées, ils seront heureux, ils auront beaucoup d'enfants… » ; et Jacques Boulenger dans Le touriste littéraire (1928) la rattache à « cette veine du roman romanesque qui correspond à un besoin du grand public liseur […] dont les auteurs, comme les Guy Chantepleure, les Jean de La Brète, les Ardel, etc. appartiennent à peine à l'histoire littéraire, mais obtiennent un succès de vente que ne connaîtront jamais les Stendhal ni les Marcel Proust. »

 
Un mariage d'amour

Le 15 février 1912, à l'âge de 42 ans, Jeanne Violet a fait un mariage d’amour qui s'avèrera long et heureux. Au Temple protestant, elle épouse Edgar Dussap, diplomate de cinq ans son cadet : « En l'église du Saint-Esprit a été célébré, hier, le mariage de M. Edgar Dussap, vice-consul de France, avec Mlle Jeanne Violet, bien connue en littérature sous le pseudonyme de Guy Chantepleure, fille de M. Adolphe Violet, ancien chef de cabinet du ministère des postes et des télégraphes, officier de la Légion d'honneur, décédé, et de madame, née La Salle. » (Le Figaro, 16 février 1912).
 
Edgar Dussap est né à Constantinople le 16 juin 1875, dans une riche famille levantine franco-arménienne. Son père Paul (Dussap Pacha), diplômé du Conservatoire de Paris, était musicien et compositeur, professeur de musique du sultan et organisateur des soirées musicales de la cour. Sa mère, Serpoui Vahanian Dussap, née en 1842, est considérée comme la première écrivaine arménienne connue et la première féministe (au sens moderne) de Constantinople, partisane de l'éducation féminine. Avec son mari, elle tient un salon littéraire. En 1891, à la suite du décès de sa fille de dix-neuf ans, Dorine, elle sombre dans la dépression. Edgar a terminé ses études à Paris et parle couramment le français, l'italien, l'anglais, l'arménien, le grec et le turc. En 1903, le jeune attaché consulaire avait épousé en grandes pompes Marie Gabrielle Famin, avec qui il a eu un fils, René. Mais ses premiers postes aux marges de la civilisation (directeur consulaire au Caire en 1909, vice-consul nommé à Marache, puis vice-consul résident à Sivas en 1910) déplaisent à la jeune mariée et le couple divorce.

Janina

 


Edgar Dussap et son épouse à Bizani en mars 1913.
Collection of Actia Nicopolis Foundation, Preveza, Greece. DR
 
La deuxième madame Dussap se révèle d’une autre étoffe que la première et apprécie la vie voyageuse que lui offre son mari. Les Dussap sont un couple uni qui suscite la sympathie partout où il vaQuelques mois après leur mariage, en juillet 1912, Edgar est nommé vice-consul à Janina, une ville commerciale dans les montagnes de l'Épire, qui fait alors partie de l'Empire ottoman. Ils arrivent à Janina alors qu'éclate la première Guerre balkanique. À la veille de la Première Guerre mondiale, en effet, les Balkans se transforment en une véritable poudrière. En octobre 1912, le Monténégro, la Serbie, la Grèce et la Bulgarie déclenchent la guerre sur plusieurs fronts contre l'Empire ottoman. Les Grecs commencent le siège de Janina, l'actuelle Ioannina, capitale de la région de l'Épire.
 
Jeanne est le témoin privilégié de ce siège et vit tous les événements qui conduisent à la libération de la ville en mars 1913. Avec son mari, elle se consacre avec courage et énergie à soulager les souffrances de la population française et locale. La romancière capture de manière vivante dans les pages de son journal personnel les combats, mais surtout le climat des jours et les sentiments des assiégés. De retour en France, Guy Chantepleure publie ce journal sous le titre La Ville assiégée, Janina, octobre 1912-mars 1913 (Calmann-Lévy, 1913), récit qui a fait l’objet d’une réédition récente aux éditions Turquoise en 2013. Elle y décrit Janina comme un « bariolage déconcertant » où se mêlent culture et peuples depuis des siècles, apparemment intégrés, cachés mais où « les haines latentes qui se frottent les unes contre les autres, assoupies par l'accoutumance et qui, soudain, se réveillent, se dressent du fond des cœurs et hurlent à la mort » : la haine séculaire qui a rendu la guerre « inévitable ».
 
De sa position, à la fois sur le front et protégée, elle pose un regard singulier, naïf parfois, sur les événements, raconte les souffrances des populations et les morts inutiles. Elle observe, impuissante, la lutte vaine des uns pour conserver cette terre, des autres pour la récupérer, en souhaitant que les cimetières cessent de s'agrandir et les hôpitaux de se remplir. En tant qu'Européenne et philhellène, elle sympathise à la libération avec les Grecs vainqueurs, sans toutefois se réjouir devant la défaite et l'humiliation des Ottomans, qu’elle a fréquenté avec son mari et ne considère pas comme des ennemis.
 
Gaston Deschamps écrit le 20 novembre 1913 dans Le Temps : « Guy Chantepleure ayant parlé discrètement de Mme Dussap, nous avons le droit d'insister sur le dévouement ingénieux avec lequel la digne compagne du consul de Janina s'est acquittée là-bas de ses devoirs de Française. On parlera longtemps, en Epire, des blessures qu'elle a soignées, des peines qu'elle a soulagées, des maux qu'elle a guéris. Il faut qu'on en parle aussi en France. ». Le livre reçoit en 1914 le prix Jules Davaine de l'Académie française. Le travail du couple est remarqué et Edgar est nommé Chevalier de la Légion d'Honneur. Le Général Eydoux, commandant de la mission militaire française dans les Balkans, qui lui remet la croix lors d'une cérémonie à Athènes, associe son épouse à la récompense :
Cette cérémonie s'est déroulée en présence d'Henry Bordeaux, futur académicien de France, voyageant de Constantinople en France, qui « remarqu[e] dans l'assistance une jeune femme toute mince, toute frêle, toute menue, qui pleurait. C'était Mme Dussap. » Dans un article publié en 1932, lorsque Jeanne recevra elle-même la croix, et intitulé « Une française hors de France » (Le Figaro, 14 janvier 1932), Bordeaux se réjouit de cette décoration et revient en termes très élogieux sur le naturel de son récit du siège :
Il raconte aussi comment quelques jours après la cérémonie, il avait partagé son bateau avec les Dussap qui rentraient à Janina, et pu admirer le calme stoïcisme de Jeanne dans la tempête et la nuit :

Après Janina, Edgar est muté à Athènes. Il y reste jusqu'en 1924 avant d’être rappelé à Paris comme consul général attaché au Quai d'Orsay. Le couple habite rue Dulong, dans le 17e arrondissement, et mène une vie mondaine. Jeanne continue de publier, parfois sous le nom de « Madame Dussap », en feuilleton (Malencontre dans Ouest-Eclair en 1926, L'Ouvrier et Les Veillées des Chaumières ;  La Passagère dans L'Appel au peuple de la Charente, en 1933) mais aussi en volumes, toujours chez Calmann-Lévy : L'Inconnue bien-aimée (1925), Le Magicien (1927), Le Cœur désire (1931), Comédie nuptiale (1932).


Guy Chantepleure [i. e. Jeanne Violet] : l'auteur célèbre des romans La passagère et L'inconnue bien-aimée,
carte postale, Calmann-Lévy, vers 1900. Ville de Paris. Bibliothèque Marguerite Durand
 

En 1932, Guy Chantepleure reçoit à son tour, mais pour ses 35 ans de carrière littéraire, la croix de Chevalier de la Légion d'Honneur.

Escales océaniennes

Très vite le couple repart vers une destination très lointaine : l'Australie. Edgar est en effet nommé consul de France à Sidney et Melbourne. Dans Eux et nous sur un bateau, Guy Chantepleure racontera en 1936 une histoire d'amour sur un bateau voyageant de Marseille à Sydney. Les Dussap arrivent en Australie le 19 mai 1932, et dès le lendemain un déjeuner en leur honneur est organisé par la Société des Nations. C'est la première d'une longue série de cérémonies et activités culturelles auxquelles ils participent. Les toilettes et recettes de cuisine de madame sont largement commentées dans la presse ; le couple conquiert les Australiens et se fait des amis durables. Parmi les personnes qu’ils fréquentent figure Augustine Soubeiran : les Dussap sont tout deux présents à ses obsèques le 31 mai 1933.
 
Jeanne ne reste pas inactive, visite Hobarth, Canberra, Melbourne, la Nouvelle Calédonie et les Nouvelles-Hébrides. Rentrée en France en 1934 (en avance sur son mari qui rentre en mars 1935), elle publie le récit de son voyage dans les mers australes, sur le paquebot La Pérouse, de Sydney à Nouméa puis aux Nouvelles-Hébrides, d’abord dans La Revue des Deux Mondes, à partir du 15 septembre 1935, puis en volume sous le titre Escales océaniennes, Nouvelle-Calédonie, Nouvelles-Hébrides (Calmann-Lévy, 1935).
 
Le récit est très bien accueilli par la presse : « C'est une excursion qui nous est contée et dont le récit est si simple qu'il nous fait considérer comme presque familières les étranges contrées qu’il nous décrit. » (Le Temps, 20 octobre 1935) ou « Notés à mesure, pris sur le vif et datés, ses souvenirs ont toute la fraîcheur des impressions premières. […] Mme Guy Chantepleure sait regarder. Elle est très sensible aux spectacles de la nature et sait transposer en lettres imprimées les lignes imprévues, le fracas des couleurs et le contraste des sons. » (Revue des lectures, 15 nov. 1935).

 

De fait l'autrice raconte avec talent la tempête sur un Pacifique qui ne l'est pas et les passagers malades, la chaleur même la nuit, la pluie « sous les voiles d'un brouillard mauve », les débarquements périlleux par l’échelle de coupée, la découverte du lait de coco et décrit la beauté des paysages et surtout des lumières :  « la lumière enfin revenue, la magique, la divine lumière d’un jour clair ! Avais-je oublié son pouvoir miraculeux, lustral ? Il me charme et m’exalte. Elle a lavé, rajeuni, transfiguré toutes choses et, par elle, le site resplendit. Elle se mêle à l’indigo de la mer, à l’azur du ciel, à la neige des petits nuages qui courent comme des voiles. Presque horizontalement, elle passe sur le lagon, l’effleure, l’illumine et chaque rocher qui émerge est une pierre précieuse. Ce soir, les couleurs vivent. Ce soir, la terre et la mer et le ciel ont toute l’âme de leur beauté » . Elle aimerait parfois pouvoir vivre là :
Elle évoque également avec beaucoup d'humour les autres passagers du La Pérouse, « un paquebot mixte — mi-paquebot mi-cargo » qui transporte « des spécimens fort variés de l’espèce humaine », l'ambiance des dîners à bord ou des soirées chez l'ambassadeur, ou encore les touristes en  quête  du  « Canaque pittoresque » qui « se fait de plus en plus rare... presque aussi rare que l’anthropophage » et toujours prompts à « brandir leur kodak ». Elle s'interroge cependant sur la façon dont les autochtones voient en retour les occidentaux :

Bali

Durant un voyage à Bali qu’elle date d’avril 1935, Jeanne Violet a également pris des notes dans un « gros cahier » :

Mes souvenirs de Bali, son dernier livre, publié en 1938, est illustré de photographies et dédié à Gaston Calmann-Lévy, son éditeur fidèle depuis près de 40 ans. « Guy Chantepleure [...] nous rapporte d’un voyage à Bali une série de souvenirs émerveillés et précis », annonce La Revue française d’Outre-mer en octobre 1938.
 
De fait, Bali lui a fait une forte impresson, et Jeanne n'hésite pas à citer à propos de l'île le mot de Barrès : « Il est des lieux où souffle l'Esprit »« Je regarde, je regarde… », affirme-t-elle dans l’introduction, s’émerveillant devant « le vert de Bali […] ce vert tout cru, ce vert absolu, ce vert violent à la vue qui vous éblouit comme une grande lueur, je ne l’avais jusqu’à présent ni connu ni même imaginé » et elle conclut son récit avec « l'odeur de Bali ».
 

Elle décrit les marchés, les rizièresl’organisation sociale des villages ou le système des castes avec la même précision. Elle contemple une nature luxuriante étroitement liée aux arts et aux religions : les temples et représentations de Gana, la caverne des chauve-souris, les nécropoles, les sources et forêts sacrées, et note l’interaction des croyances avec les religions hindouiste et bouddhiste. Elle explore aussi les rites et les coutumes surprenants : combats de coqs, spectacles et danses rituelles ; mariages et cérémonies funéraires.

Elle s'interroge également sur le sort fait aux femmes et se demande si elles sont aussi heureuses dans la soumission à leurs maris qu'elles veulent bien le montrer ;

ce qui l’amène une fois encore à se poser des questions sur la différence et l'altérité.

 
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, le consul est à la retraite et le couple vit à Paris. Guy Chantepleure a publié 57 livres, traduits dans plusieurs langues. Deux d'entre eux ont été adaptés au cinéma, Malencontre par Germaine Dulac dès 1920 et La Passagère par Jacques Daroy en 1949, avec Dany Robin. En 1940, lorsque les Allemands entrent dans Paris, le couple se réfugie en Mayenne. Edgar meurt d’une syncope au volant de sa voiture, le 16 août 1950, au cours d'un voyage en Bretagne, Jeanne à son domicile de Mayenne, le 26 juin 1951. Sa nécrologie la décrit comme « Une voyageuse » et souligne qu'elle « a renouvelé le mythe de Philémon et Baucis : elle n’a survécu que quelques mois à son mari ».

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