La coupe des Ptolémées
Un rarissime vase monolithique antique
Taillé dans un seul bloc de sardonyx, une pierre dure faite de différentes couches de couleur, ce vase est l’un des rares vases-camées antiques qui nous soient parvenus. Deux autres coupes peuvent rivaliser avec la virtuosité de son exécution : la « Tasse Farnèse » de Naples et le « Vase Rubens » de Baltimore. Sa fabrication a nécessité une grande virtuosité et de très longues heures de travail de la part de l’artiste anonyme qui en est l’auteur. L’évidement nécessaire pour créer les délicates anses, qui reprennent une forme connue en orfèvrerie, témoigne du talent du graveur. Dans chacune, il a su dégager deux tiges ornées de feuilles de vigne et de grappes de raisin gravées à la pointe, terminées par des fleurs de pavot sculptées. L’intérieur de la vasque, complètement lisse, laisse passer la lumière à travers les couches les plus claires, rendant le vase en partie translucide.
Dionysos, dieu du vin
Le décor de la coupe est particulièrement riche et complexe. Le choix des plantes qui s’enroulent sur les anses donnent le ton : la vigne et le pavot apportent une ivresse mystique qui s’empare des adorateurs de Dionysos, dieu du vin, lors de la célébration des mystères de son culte.
Sur une face, une table à pieds en forme de sphinx assis supporte un panier (ciste) orné d’une guirlande et fermé d’un couvercle conique. Différents récipients sont liés à la consommation du vin : vases à boire (canthares) et vase à verser le vin (oenochoé). Un brûle parfum est aussi représenté, à côté d’un pilier dont la partie supérieure représente Priape, dieu de la fertilité, barbu. Le dessous de la table est aussi chargé que le dessus. Un masque de Pan, barbu et cornu, côtoie un bouc couché, un autre masque, imberbe cette fois, et une corbeille d’osier, deuxième exemplaire de la ciste mystique. Celle-ci contenait les objets sacrés du culte du dieu qui n’étaient révélés qu’aux initiés lors de cérémonies qui leur étaient réservées.
La coupe des Ptolémées est identifiée pour la première fois dans le trésor de la Basilique de Saint Denis en 1505. Cette mention dans un inventaire voile une date d’entrée dans le trésor bien antérieure. Au Moyen Age, elle a reçu une monture d’une ornementation d’une exceptionnelle richesse – rubis, saphirs, émeraudes, grenats et perles – connue par des publications des XVIIe et XVIIIe siècle.
Elle consistait en un support conique fixé sur le pied de la coupe, peut-être d’époque carolingienne, complété sans doute au 12e siècle d’une bordure inférieure ornée d’une dédicace en latin : HOC VAS XPE TIBI MENTE DICAVIT / TERTIUS IN FRANCOS REGMINE KAR[O]LUS (Ô Christ, Charles, troisième de ce nom sur le trône des Francs t’a consacré ce vase). Le roi Charles le Chauve (823-877) ainsi évoqué a été l’un des principaux donateurs de l’abbaye de Saint Denis, sans que sa relation avec la coupe puisse être établie cependant. La fortune dépensée dans cette monture est à la hauteur de la valeur historique et artistique accordée au vase, l’ensemble étant estimé 6000 écus (des monnaies d’or) en 1505.
L’immense valeur de la coupe en a fait l’un des instruments du sacre (regalia) des reines de France, et ce malgré son décor païen. Le fait est attesté par l’érudit Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637) qui, étudiant la coupe, évoque le « canthare de Bacchus en agate orientale qui sert à l'ablution de la reine à son sacre, après la communion ». Il rapporte aussi la tradition qui attribue à Saint Louis la découverte de ce vase rapporté d’Egypte.
Transférée durant la Révolution au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale (aujourd’hui département des Monnaies, médailles et antiques de la BnF), la coupe perd sa monture orfévrée lors d’un vol en 1804. Une nouvelle monture en bronze doré est alors commandée à l'orfèvre Pierre-Maximilien Delafontaine, qui s'inspire de motifs de pierres gravées dont le taureau de Hyllos du Cabinet des Médailles. Aujourd’hui, la coupe est présentée nue au Musée de la BnF, telle qu’elle était utilisée dans l’Antiquité.
Bibliographie
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