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Excentricités capillaires à la veille de la Révolution

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11 mai 2020

Peu avant la tendance des têtes coupées lors de la Révolution française, une mode étonnante parut en France au sein de la Cour de Versailles, celle des coiffures verticales, extravagantes et ornementées. Gallica nous permet de découvrir avec joie ces caprices capillaires

Bouclettes amassées en bouquets sur les côtés, incarnée par la Marquise de Montespan, favorite de Louis XIV, ou coiffe à la Fontanges, du nom de celle qui l’inventa par un heureux hasard, le 17e siècle et le début du 18e siècle s’étaient déjà intéressés à l’art de la coiffure. Cet engouement capillaire franchit un pas supplémentaire en termes de fantaisies durant le dernier quart du 18e siècle. 

Marie-Antoinette, reine de la coiffe

 
La mort inattendue de Louis XV en 1774 mit fin pour un temps aux quelques excentricités capillaires précédentes mais très vite l’accès au trône du nouveau roi, Louis XVI, et de son épouse, la reine Marie-Antoinette, enflamma à nouveau les imaginations.
 
La mode des objets placés dans les cheveux, tout d’abord, eut un réel et durable succès dans le temps. Chaque occasion fut propice à l’invention d’une nouvelle coiffure.
La mort de Louis XV créa ainsi les coiffures à la circonstance, avec cyprès et corne d’abondance posée sur une gerbe de blé. Les coiffures à l’inoculation, avec serpent et soleil levant, arrivèrent lorsque plusieurs membres de la famille royale se firent vacciner contre la petite vérole..
 

 
Le pouf au sentiment, en outre, fut remis au goût du jour par Marie-Antoinette qui l’enrichit considérablement. De simple parure originale, il devint un monde en soi, posé sur la tête. Il consistait à placer dans la chevelure des objets aimés : fleurs, fruits, légumes, oiseaux empaillés et figurines diverses. Le pouf orné dont la duchesse de Chartres se coiffa pour aller à l’opéra resta célèbre.
 
La description du pouf de la duchesse de Lauzun, dans Souvenirs sur Marie-Antoinette, archiduchesse d'Autriche, reine de France, et sur la cour de Versailles, nous laisse également pantois : « La duchesse de Lauzun parut avec un pouf délicieux ; il offrait tout un paysage en relief : d’abord une mer agitée, des canards nageant sur ses bords, un chasseur à l’affût prêt à les coucher en joue ; sur le sommet un moulin dont la meunière se faisait courtiser par un abbé, et tout en bas de l’oreille on voyait le meunier conduisant un âne. »
Cette anecdote, écrite par le faussaire Étienne-Léon de Lamothe-Langon, bien que fausse, prête à sourire et révèle tout l'imaginaire extravagant associé alors au pouf.
 
Le rythme effréné de la mode à cette époque exigeait sans cesse des nouveautés ; le pouf se déclina donc de différentes façons. Citons par exemple le pouf à la puce, le pouf à la Victoire, orné d’une branche de laurier ou encore le pouf à l’asiatique (comme ci-dessous).
 

Comme nous pouvons le voir sur les différentes estampes, une autre spécificité étonnante de l’époque fut bien sûr la taille des coiffes. La tendance générale, initiée par la comtesse du Barry en 1769, était alors aux cheveux très hauts, gonflés et crêpés.
 
Étonnamment, cette mode ne vint pas de la Cour mais de la bourgeoisie parisienne. Dédaignée d’abord par les aristocrates, c’est Marie-Antoinette qui la mit au goût du jour à Versailles.
 

 

 

 
Si les coiffures n’atteignaient pas 180 centimètres de hauteur du bas du menton au sommet de la chevelure, les coiffures faisaient environ 70 centimètres, ce qui est déjà considérable !
 
C’est surtout au cours des années 1776, 1777 et 1778 que la France connut les fantaisies les plus outrées.
 

 
De toutes les femmes importantes de la Cour, Marie-Antoinette fut celle qui s’occupa le plus de soins capillaires. Son coiffeur attitré, Léonard, s’illustra tout particulièrement par son talent et son originalité, qu’il se devait de renouveler sans cesse. Les trois estampes ci-dessous en sont des témoignages.
 

 

 
Le « tapé », base de la coiffure au XVIIIe siècle, gagna ainsi en hauteur tout au long du siècle. Cette coiffe crêpée, dégageant bien le front, était très relevée grâce à un petit coussin de taffetas dans lequel pouvaient être fixés divers accessoires. D’abord placé derrière la tête, le tapé prit une orientation de plus en plus verticale. Plus il était haut, plus la coiffure était sophistiquée et appréciée.

 

 
 
La folie des plumes, d’autre part, arriva pour agrémenter encore les coiffes qui étaient déjà très fournies. Marie-Antoinette fut bien sûr adepte de cette mode.
 
Le Quesaco, inspiré d’un pamphlet de Beaumarchais, fut l’une des premières grandes coiffures adoptées par de très nombreuses dames de la Cour. Il s’agissait de piquer trois plumes dans le tapé en dégageant le front. Le prix des plumes pouvait s’élever à 50 louis, somme considérable.
 

 
La coiffure à la Minerve prit la suite et eut un réel succès ; elle consistait à placer dans la chevelure 10 plumes d’autruche mouchetées d’yeux de paon, le tout sur une coiffe de velours noir brodée de paillettes d’or. 
 
La plume d’autruche joua un rôle important à l’époque tant dans l’élaboration d’une mode capillaire sophistiquée que pour asseoir le prestige de l’aristocratie, qui en fit un réel symbole de pouvoir. Un édit royal interdit d’ailleurs aux maîtres plumassiers de la mélanger à d’autres plumes. La plume était alors vendue 1 000 francs pièce.
 

 
Posés très haut au sommet de la tête, les chapeaux atteignirent également des dimensions fantastiques. Garnis de pompons, de rubans, de plumes de coq, de guirlandes de fleurs, de mousseline et de gaze, ils avaient vocation à parachever une coiffe déjà très sophistiquée.
 
Le 17 novembre 1785 parut le premier numéro du Cabinet des modes, premier titre de presse au XVIIIe siècle consacré à la mode. Il devint l’année suivante le Magasin des modes nouvelles françaises et anglaises, dont la publication permit une très large diffusion des modèles parisiens, notamment des chapeaux. Chaque numéro était illustré de trois gravures.
 

 
Comme pour les coiffures, chaque chapeau eut son nom, en lien avec un événement auquel on rendait hommage : chapeau à la Beaumarchais, à la comtesse, à la Figaro, etc.
Les bonnettes puis les bonnets connurent leur heure de gloire. Faits en soie, satin ou velours, ornés de plumes, de fleurs et de diamants, ils étaient un accessoire de luxe que l’on réservait aux grandes soirées.
 

 

 

 

La première dame ci-dessous porte un chapeau de paille doublé d’un satin rose à larges raies noires, la seconde porte un chapeau fait d’armatures soutenant une gaze blanche, et des fleurs artificielles autour d’un ruban. 

Ci-dessous : chapeau noir « à la maltoise », brodé d’un ruban au diadème dont la calotte est entourée de crêpe rose. Le chapeau est surmonté d’une aigrette composée de plumes de coq noires et d’un plumet blanc. Les cheveux derrière sont coiffés à la conseillère.

 
La plupart des coiffures mêlaient bien sûr hauteur extravagante, objets divers et chapeau coloré.
 

 

 

  
Si les coiffures étaient multiples et étranges, les noms pour les nommer le furent également. Il y eut en effet autant de coiffures nouvelles, toutes plus excentriques les unes que les autres, que d’inventions lexicales pour les désigner.  
 
Beaucoup sont citées par Mesdames nos aïeules. Dix siècles d'élégances : coiffure dite cascade de Saint-Cloud, coiffure potage (avec des bottes de légumes), coiffure agreste (avec moulin, ruisseau et bergère), coiffure au Colysée, à la candeur, aux clochettes, au mirliton, baigneuse à la frivolité, frisures en sentiments soutenus et en sentiments repliés, etc.
Le Moniteur de la coiffure : journal mensuel de l'art du coiffeur évoque aussi le hérisson à quatre boucles, le parterre galant, l’orientale, la coiffure au chien couchant, ou sa version ornée d’une barrière, la coiffure à l’enfant d’amour, etc.
 
Pour le plaisir, en voici encore quelques-unes en image :
 

 

 

 
L’art de la coiffure dans la seconde partie du XVIIIe siècle fait partie d’un art qui relève tant du raffinement coquet féminin que du divertissement ludique. En témoigne ce jeu de l’oie en l’honneur de la coiffure qui fut créé à cette époque.
 

Le nouveau Jeu des Modes Françoises, estampe, imprimée à Londres pour Rob.t Sayer

 
À suivre : La coiffure, un bel art du XVIIIe siècle ?
 
 
 
 
 

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