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Le chamois

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Reconnaissable à ses petites cornes recourbées en arrière et à sa tête brune barrée de grandes taches blanches, le chamois est un des animaux emblématiques des montagnes en France.

Chamois ordinaire

Atlas de poche des mammifères de la France, de la Suisse romane et de la Belgique, avec leur description, moeurs et organisation, suivi d'une étude d'ensemble sur les mammifères / par René Martin... ; peintures et dessins par A. Bessin, 1910  

Histoire naturelle

Le chamois est un animal de la famille des bovidés,  mammifères ruminants regroupant les bovins (vache, bœuf), les caprins (chèvre, bouc), les ovins (mouton, bélier) et les antilopes. Le chamois, comme son proche cousin, le bouquetin, possède de vraies cornes permanentes et non ramifiées, contrairement aux cerfs. Il fait partie des caprins, du genre Rupicapra (de rupes, «rocher» et de capra, «chèvre») qui comprend deux espèces en France : le chamois (Rupicapra rupicapra) dans les Alpes et l’izard  (Rupicapra pyrenaica) dans les Pyrénées. Les deux espèces diffèrent  principalement par leur poids et la couleur de leur pelage. Le chamois est présent en Europe dans toutes les Alpes, la Cordillère Cantabrique (Espagne), les Abruzzes et les Apennins (Italie), en Grèce, Dalmatie, Balkans, Carpates et dans le Caucase.

 [Le Chamois.] : [dessin] / De Seve. 1764

Les ancêtres du chamois sont à rechercher en Chine. Les plus anciens squelettes découverts remonteraient  à  - 75 000 ans , lors de la dernière glaciation. Ce sont ces épisodes glaciaires qui séparent  les ancêtres des chamois en plusieurs zones géographiques, permettant à l’évolution de créer les différentes espèces et sous espèces.

Aujourd’hui, le chamois vit exclusivement en montagne, de 800 à 3 500 mètres d’altitude mais son domaine habituel se situe entre 1200 et 2300 mètres. En été, il parcourt les alpages  et les éboulis mais reste éloigné des grands pâturages. Son odorat, son ouïe et sa vue très développés, lui permettent de fuir en cas de danger : hommes, prédateurs comme l’aigle, le loup, l’ours ou le lynx. L’alerte est lancée par un membre du groupe qui sert de sentinelle  et émet un cri puissant. L’alerte peut également venir d’un oiseau, le chocard des Alpes et prend alors la forme d’une association mutuelle.

Chamois à flanc de paroi 
La Montagne et Alpinisme : revue du Club alpin français et du Groupe de haute montagne, 03/1992

En hiver, le chamois descend en forêt et sur les pentes où les névés sont présents. Ses sabots, au bord dur et tranchant, sont pourvus de membranes interdigitales qui diminuent l’enfoncement et augmentent la surface d’appui dans la neige molle. La glace reste cependant un obstacle plus dangereux. La forme des sabots (deux doigts de pied qui peuvent s'écarter) et ses jambes sveltes et musclées lui permettent d’escalader les parois les plus abruptes, de dévaler les pentes herbeuses et franchir les zones rocheuses à très grande vitesse, en effectuant des bonds de plusieurs mètres.

D'un poids de 35 à 60 kilogrammes, le chamois adulte mesure de 120 à 130 cm de longueur, avec une petite queue de 7 à 8 cm. Il possède un pelage long et fourni, d’aspect soyeux et laineux  changeant avec les saisons : en été, brun à roux clair avec une raie dorsale brun foncé ; en hiver, brun noir, plus épais et plus long et avec un masque facial plus prononcé. Sur sa tête, ces couleurs foncées alternant avec des bandes couleur crème très claire confèrent à l’espèce un aspect caractéristique.

Mère (ou chèvre) et son jeune en automne   
La Montagne et Alpinisme : revue du Club alpin français et du Groupe de haute montagne, 03/1998

Mâle et femelle se ressemblent mais on donne aux chamois des appellations différentes selon le sexe où l’âge : bouc pour le mâle adulte,  chèvre pour la femelle adulte ; le jeune chamois de l’année est nommé chevreau ou cabris tandis que celui de l’année précédente est appelé éterlou s’il s’agit d’un mâle ou éterle pour la femelle ; enfin la chèvre, trop âgée pour avoir des chevreaux, porte le nom de bréhaigne. Les cornes sont plus épaisses chez le mâle et avec un crochet moins fermé chez la femelle.

Les Mammifères / par Carl Vogt ; ouvrage illustré par Frédéric Specht..., 1884

Le chamois se déplace en harde sur plusieurs centaines d’hectares. Les femelles restent en petits groupes disséminés alors que les mâles sont plus solitaires. En période de rut, les mâles rejoignent les femelles et se livrent à des combats violents, parfois mortels, pour établir une hiérarchie.  Après six mois de gestation, la femelle donne naissance à un ou deux petits qui sont allaités pendant six mois.

Des troupeaux de chamois qui volent sur l’abîme
                      Alphonse de Lamartine

Le chamois est herbivore. En été, il mange toutes sortes de fleurs, des graminées et des légumineuses, mais s’intéresse aussi aux feuillages et bourgeons des arbres et arbustes. En hiver, la nourriture se fait plus rare. Il descend dans les forêts de moyenne altitude pour se nourrir de tiges et rameaux d’arbrisseaux, d’écorce, d’herbes sèches, de lichens et de mousses. Avec cette disette, il peut perdre un quart de son poids. Il ne boit pas beaucoup mais lèche les pierres pour absorber du sel et du salpêtre.

Patrimoine, folklore et utilisations

La chasse du chamois

La viande de chamois est décrite par Buffon dans son Histoire naturelle, comme étant de qualité supérieure à celle de la chèvre, «en dureté & bonté». Selon lui le sang de chamois est «très bon contre les pleurésies, a la propriété de décailler le sang & d’ouvrir la transpiration». Selon d’autres, comme Gaston Phébus (1331-1391), cette chair ne serait «ni fort bonne, ni saine» en dehors de salaisons pendant une période limitée et pour ceux qui n’auraient rien de mieux comme nourriture. Grâce à la fonte de la chair du chamois, les villageois obtiennent du suif servant à la confection de bougies et de savons, ou pour graisser les outils. Avec les peaux, les montagnards  fabriquent des vêtements chauds, mais aussi des cornemuses.

Chasse du chamois au Nant d'Enfer en Doran, vallée de Sallenche
La Montagne : revue mensuelle du Club alpin français, 01/12/1935

Quel que soit le goût pour sa chair ou son utilisation artisanale et domestique, le chamois est chassé en tant que gibier de choix pour sa difficulté à être trouvé dans des endroits quasi inaccessibles. Jusqu’au 19ème siècle, Les chasseurs de chamois sont réputés pour être des hommes rudes et extraordinaires, les seuls à pouvoir les traquer, endurer les rigueurs du froid et de dormir à la belle étoile par tous les temps. Ils connaissent mieux que quiconque les chemins qui mènent vers les sommets, quel que soit le danger du parcours. Ils deviennent les premiers guides de montagne et permettent  les débuts de l’alpinisme de loisir. Ils abattent un nombre croissant d’individus, mais la crainte de le voir disparaitre n’est pas encore d’actualité. La chasse au chamois se popularise. Alphonse Daudet la décrit en 1885 dans «Tartarin sur les Alpes : nouveaux exploits du héros tarasconnais».

Le tour de France d'un petit Parisien / Constant Améro ; éd. ill. par J. Ferat, 1885

En 1900, dans les Alpes françaises, le nombre de chamois est passé de 60 000 à 24 000 en vingt ans. La chasse devenue trop intensive dans les années 1920, amène le chamois au bord de l’extinction la décennie suivante, même si la limitation à un seul mois de chasse et l’interdiction du tir des jeunes chevreaux  permet, au moins dans certaines régions, de diminuer les ponctions annuelles.  Après la Seconde Guerre mondiale, la création de parcs nationaux et de réserves naturelles de protection permettent aux populations de se régénérer et de recoloniser les espaces. Avec le temps, la mise en place  des plans chasse, sur l’ensemble des massifs, permet  une gestion cynégétique rigoureuse.

Le chamoisage

Le blanchiment au pré à Niort
Ganterie : revue technique des industries du gant, mai 1922 

Le chamoisage est une technique artisanale qui permet de fabriquer un cuir très souple et de grande qualité, à partir des peaux de chamois. En France, les premières industries (chamoiseries) se seraient établies dans la région de Niort, dès le 13ème siècle. Poitiers est également considérée comme une ville pionnière dans le développement de cette activité. Les artisans utilisant cette technique sont appelés chamoiseurs. Les peaux servent à la fabrication de gants, de costumes ou de vêtements civils et militaires. Un tel cuir, appelé «peau chamoisée», est traité avec de l'huile de poisson ou parfois avec de la graisse de chapon pour la ganterie fine.

Omnia : revue pratique de locomotion, juin 1924

L’emploi de la peau de chamois ne se restreint pas à l’industrie vestimentaire. Au 19ème siècle, le polissage minutieux des plaques de glace en photographie se fait avec des peaux de chamois, matériau très doux. Dans la première moitié du 20ème siècle, elles sont utilisées  dans l’industrie automobile, comme élément des filtres à carburant , du fait de leur imperméabilité à l’eau. Elles servent comme chiffon pour le lavage et le lustrage des carrosseries, et plus largement pour le nettoyage de surfaces spécifiques  nécessitant toutes ces qualités. Les cuissards des cyclistes se doublent de peau de chamois véritable. En médecine, elle permet la création de «faux moignons» dans les cas d’amputation en haut de la cuisse, afin d’appareiller  ensuite complètement les personnes traumatisées. Mentionnons enfin que le fond du baromètre Fortin est fabriqué en peau de chamois.

Par la suite, l’augmentation du prix de la peau de chamois oblige à lui trouver des matériaux de substitution. Les chamoiseurs confectionnent des cuirs aux qualités approchantes en utilisant des animaux d'élevage, comme le mouton, le bouc ou la chèvre ; ce sont les nouveaux cuirs chamoisés dont on trouve une analyse dans la Revue technique du cuir de 1947. Chacun peut également utiliser la peau de lapin, animal plus facile à élever dans les clapiers. La protection du chamois explique aussi ces changements de techniques dans la seconde moitié du 20ème siècle.

Chamois : [estampe] / [Gravé à l'eau-forte par Rehn] ; [terminé au burin par J. Ph. Le Bas] ; [d'après J. B. Oudry], 1749

Le chamois est, avec la marmotte ou les rapaces, un des animaux que les promeneurs se font une joie de voir de loin ou de rencontrer au détour d’un chemin de montagne. Bonne balade pour aller les admirer.

Commentaires

Soumis par Jacquet Bernard le 03/12/2022

Les temps changent. L'espace de vie du chamois s'et étendu avec une descente en altitude.
A Besançon, on peut le voir assez facilement sur la colline de la Citadelle, sur les reliefs qui la prolongent au Sud et même à son pied. Il est alors entre 250 et 450 m.

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