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Edmond About (1828-1885)

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7 octobre 2022

Edmond About a été une figure importante dans la vie culturelle du Second Empire : critique d’art, essayiste, journaliste, et surtout romancier à succès, ses virages politiques ont pu décontenancer. Mais quelques textes, notamment L’Homme à l’oreille cassée, sont toujours disponibles.

Recueil. Portraits d'Edmond About, XIXe s

Edmond About fut en même temps un auteur très connu en son temps, et tout aussi contesté. Car les critiques furent nombreuses. Par exemple, le caricaturiste Touchatout, dans Le Trombinoscope, affirmait en 1872 : "ses facultés lui ouvraient une carrière brillante, et son manque de convictions rendaient ses succès encore plus certains". Et, en 1860, Jules Barbey d’Aurevilly renchérissait : "M. About, qui a dans l’esprit, et qui l’outre, la légèreté insupportable aux esprits vulgaires et aux vanités rengorgées et dignes, M. About est présentement la coqueluche des bourgeois. Ils lui trouvent étonnamment d’esprit, et c’est bien honorable. Il doit être flatté... cruellement". Quant au critique Armand de Pontmartin, il déclarait en 1885 :

Cet homme d'esprit ne possédait aucune des qualités que le roman exige. La passion ? absente. L'invention ? néant. Pour nous faire croire à ce qu'il racontait, il aurait fallu qu'il y crût lui-même, et c'est ce qui ne lui est jamais arrivé. Il aurait fallu qu'il fût romanesque, au moins la plume à la main ; et c'est ce qu'il a toujours évité."

Le Trombinoscope, Touchatout, Paris, 1872

Mais tous reconnaissent à ce polémiste sa causticité et son inspiration. Et d’autres jugements de l’époque vont en sens contraire : "Une vivacité prestigieuse, un entrain débordant, un enjouement inaltérable, une clarté toujours égale, une précision caractéristique mariée au pittoresque le plus divers, telles sont les qualités dominantes de ce style où se retrouvent harmonieusement fondues les qualités des grands polémistes et des grands conteurs du dix-septième et du dix-huitième siècle, depuis Pascal jusqu'à Voltaire", assénait Le Petit Journal. La Lanterne était quant à elle péremptoire :

Il laisse des romans qui seront lus comme des livres classiques, des spécimens de prose rapide et claire, de cet esprit qui a reçu, à juste titre, le nom d'esprit français."

Jules Lermina ajoutait, dans son Dictionnaire universel illustré (1885) : "About excelle à lancer le mot et l’idée du moment". Cet écrivain, à la fois romancier, essayiste et pamphlétaire, tout en étant très populaire, a toujours été controversé, tant pour ses opinions politiques qu’à propos de ses écrits. Mais quelques-unes de ses œuvres sont toujours disponibles aujourd’hui.

Edmond About, photographie, Nadar

Edmond François Valentin About est un homme de l’Est, d’origine modeste. Il naît le 14 février 1828 à Dieuze, en Moselle. Son père, un simple petit épicier, meurt prématurément. Le jeune Edmond est néanmoins un élève brillant, voire flamboyant. Débutant ses études au collège de Dieuze, il passe ensuite au séminaire de Pont-à-Mousson, avant d’intégrer le lycée Charlemagne à Paris. Remportant le prix d’honneur au Concours général de 1848, il entre à l'École normale supérieure en 1848, d’où il sort premier à l'agrégation de lettres de 1851. Il est alors nommé membre de l’Ecole française d’Athènes la même année, et va séjourner en Grèce quelque temps, en compagnie notamment de l’architecte Charles Garnier.

La Lune, dessins d'André Gill, Paris, 25 août 1867

Il s’y occupe d’archéologie, mais amasse surtout des matériaux pour un livre, La Grèce contemporaine, publié en 1854. C’est une sorte de récit de voyage dans lequel l’auteur se montre assez critique sur la vie quotidienne du pays. Un critique, vingt ans plus tard, en parle comme d’un "pamphlet sanglant contre la société au milieu de laquelle il avait vécu, mais un pamphlet étincelant de verve et d’esprit. C’est un véritable vaudeville, écrit au courant de la plume et tout pétillant de feu" (Biographie nationale de contemporains, E. Glaezer, 1876). Et Lermina accentue encore l’idée : "About blaguait sans pitié les Grecs modernes, trop enclins à se cacher derrière le socle de leurs statues héroïques" (Dictionnaire universel illustré, 1885). Quoi qu’il en soit, ce livre fait un triomphe, et connaît une dizaine de rééditions. Du coup, La Revue des Deux-Mondes publie Tolla (1855), dans lequel About indiquait s’inspirer d’un livre italien, Vittona Savorelli (1841). Cependant, Tolla crée le scandale, son auteur étant accusé de plagiat. Mais celui-ci se défend tant et si bien qu’il met les rieurs de son côté ; et l’ouvrage connait un second succès. La carrière d’Edmond About est alors lancée : il a vingt-sept ans.

Nouvelles et souvenirs, Edmond About, Paris, 1907

Il va occuper le devant de la scène culturelle presque jusqu’à sa mort. D’abord sur le plan romanesque : pas moins d’une vingtaine de fictions, y compris des recueils de nouvelles. Mais il y a tout le reste. Car Edmond About était autant journaliste qu’homme de lettres. Proche du régime politique jusque dans les années 1870, il collabore à de nombreux titres, parmi lesquels Le Constitutionnel, Le Gaulois, Le Soir, et surtout Le Figaro dans lequel il raille ses adversaires, sous le pseudonyme de Valentin de Quevilly, tout en rédigeant des chroniques pleines de verve et d’ironie. Il est également totalement et irréductiblement anticlérical, et sa rubrique dans L'Opinion nationale est avant tout dirigée contre l’Eglise et la papauté. Après la guerre de 1870, il abjure son bonapartisme et devient, après une hésitation envers les Orléanistes, républicain, complètement. Il crée d’ailleurs un périodique en 1872, Le XIXe Siècle, "journal, comme il s'intitule lui-même, "républicain conservateur", mais absolument hostile à la religion."

Ses opinions politiques ont varié. Il a commencé comme affidé au pouvoir en place. Son dévouement à l’Empereur est tel qu’on l’a accusé d’être un représentant officieux du gouvernement : il a d’ailleurs été, pendant un court moment, conseiller de Napoléon III sur les mouvements d’opinion. Il a donc logiquement reçu la Légion d’honneur en 1858, et même été nommé chevalier en 1862. En 1860, il publie La Question romaine, violente attaque contre les états pontificaux, qui allait tout à fait dans le sens de la politique italienne de la France. S’interrogeant sur le rôle des ecclésiastique romains, il demandait : "Perdront-ils en un jour l'habitude d'intervenir dans nos affaires, d'armer les princes les uns contre les autres, et d'insurger discrètement les citoyens contre leurs rois ? J'en doute". Du coup, il se met tout le parti catholique français à dos, et devient un objet permanent de polémique. Le Matin, dans sa notice nécrologique, témoigna : "La Question romaine était un clou fiché dans la chair papale ; About l'y enfonça ". De même, About fut prussophile à l’extrême (cf. La Nouvelle Carte d'Europe, 1860), opinion qui changea radicalement lors de la défaite française de 1870 et de l’annexion allemande de l’Alsace-Lorraine. Il fut même arrêté quelques jours à Saverne, ou il possédait une propriété, par les nouveaux maîtres des territoires annexés.

Ed. About. Homme de lettres, photographie, tirage de démonstration, Atelier Nadar, 1900

Devenu républicain en 1872, il s’en justifie dans son nouveau journal, Le XIXe Siècle :

L'infatigable mobilité de l'esprit humain nous porte incessamment d'une opinion à une autre. Les seuls hommes qui ne varient jamais sont les morts, parce qu'ils ne pensent plus, et les sots, parce qu'ils ne pensent point par eux-mêmes."

Mais cette volte-face idéologique fait beaucoup de bruit, et lui cause beaucoup de torts. Par exemple Le Cri du Peuple, organe de Jules Vallès, observe : "Dans ses pages les plus "émues", on sent toujours, quoi qu'il fasse, l'artificiel. Et comment s'en étonner de la part d'un homme qui a été tour à tour, bonapartiste, orléaniste, républicain et qui a passé sa vie à changer d'idole ?". Un certain Labourieu lance en 1870 : "ABOUT (Edmond). — Une girouette qui grince à tous les vents !". Par la suite, il se rallie à Gambetta, avant de s’opposer à lui.

Mais About n’est pas qu’un journaliste politique. Il est aussi critique d’art, exaltant plutôt le classicisme par rapport au réalisme d’un Courbet. Il publie ainsi près de neuf ouvrages sur différents salons, comme Voyage à travers l’exposition des Beaux-Arts de 1885, Salon de 1864 ou Salon de 1866. Il écrit également quelques essais économiques, tel L’ABC du travailleur (1863). Pour être complet, on ne peut passer sous silence ses tentatives théâtrales. Dès 1856, il se lance avec Guillery, qui ne connaît que… deux représentations ! Il remet cela en 1862 avec Gaetana qui fut créé dans un chahut monstre. Selon Lermina, cela était dû à la jalousie et à des haines venues de tous les bords : "Donc les cléricaux étaient les ennemis implacables de M. About ; les républicains détestaient son éclectisme ; puis, encore une fois, n’était-il pas arrivé bien vite ? Ayant à peine dépassé la trentaine, il était décoré, il gagnait beaucoup d’argent, trouvait ouvertes toutes les portes de journaux. C’en était trop." (Dictionnaire universel illustré, 1885). Et, pour Larousse,

Le peu de succès de ces deux tentatives dut convaincre M. About que, s'il est un styliste de grand talent, la nature toute particulière de son esprit s'accommode peu aux exigences du théâtre actuel, où il ne faut que de l'action et une forte charpente."

Dans la vie quotidienne, Edmond About est sociable, voire charmant, et même spirituel. De plus, "physiquement, About ressemblait à Victor Hugo. Mais à un Victor Hugo malin, gouailleur, et non au Victor Hugo solennel dans la majesté de sa vieillesse que nous connaissons. Il était entouré d'une nombreuse et belle famille, car Mlle de Guillerville, qu'il avait épousée en 1864, lui avait donné huit enfants" (Notice nécrologique du Matin). La rumeur lui prête aussi une liaison (platonique) avec une actrice, mais ce ouï-dire n’est peut-être là que pour se conformer aux traditions de l’époque, qui prêtaient toujours des maîtresses aux célébrités du temps. Initié à la Franc-Maçonnerie en 1862, cela ne l’empêche pas de s’attaquer dans la presse à la hiérarchie de ce groupe, position d’ailleurs courante à l’époque dans la gauche républicaine. Il séjourne en Egypte en 1867-1868, et participe au voyage inaugural de l'Orient-Express en 1883.

Il se découvre diabétique la même année. Elu à l’Académie Française le 24 janvier 1884, il ne pourra pas y siéger. En effet, fin 1884, les actionnaires de son journal Le XIXe Siècle entame contre lui une campagne de dénigrement. Miné par la maladie, effrayé par l’idée de passer devant la police correctionnelle, évoquée dans les papiers timbrés qu’il reçoit chez lui, il succombe le 16 janvier 1885 en son hôtel de la rue de Douai, dans le IXe arrondissement de Paris, à quelques jours de son intronisation. A cause de sa maladie, "des accidents qu'il aurait surmontés facilement en temps ordinaire l'ont emporté. Ses actionnaires voulaient le renverser, ils l'ont tué", accusera même Le Matin. Edmond About n’avait que cinquante-six ans.

Le Roi des montagnes, Edmond About, Paris, 1933

Mais qu’en est-il de son œuvre littéraire ? Depuis Tolla, en 1855, il a publié entre autres Les Mariages de Paris (1856), Le Roi des montagnes (1857), Germaine (1857), Maitre Pierre (1858), L’Homme à l’oreille cassée (1862) ainsi que la même année Le Nez d’un notaire et Le Cas de Monsieur Guérin, Le Turco (1866), Madelon (1867), Les Mariages de province (1868), Le Fellah : souvenirs d’Egypte (1869) ou encore Le Roman d’un brave homme (1880). Certains textes mêlent fiction et politique. Maitre Pierre par exemple raconte le boisement des Landes, De Pontoise à Stamboul (1884) relate sous forme de fiction ses aventures sur l’Orient-Express, ou Le Roman d’un brave homme, récit qui fut sous la troisième république l’exemple type du prix scolaire donné aux enfants méritants, trace l’existence respectable et vertueuse d’un homme qui, parti de rien, réussit sa vie malgré de nombreuses vicissitudes.

Les Mariages de Paris, Edmond About ; dessins de Pigue, Paris, 1887

Ses plus grands succès sont cependant Le Roi des Montagnes, Le Nez d’un notaire et surtout L’Homme à l’oreille cassée. Le Roi des Montagnes relate les aventures en Grèce d’un jeune étudiant parisien, d’une vieille Lady acariâtre et de sa fille : enlevés par Hadji Stavros, un contrebandier hellène, l’Anglaise refuse de payer sa rançon, et le jeune homme, amoureux de la demoiselle, va tenter de tout faire pour échapper aux griffes de ce cruel "roi des montagnes", qui est cependant très courtois envers ses prisonniers. Le roman est court, et le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer : les péripéties s’enchaînent les unes aux autres, et tout est raconté avec gaité. Ainsi la réflexion de l’auteur : "Tuer un homme n'est pas une petite affaire, même pour un docteur". Autre exemple, le bandit chef de bande ne craint ni la police ni d’éventuels vengeurs, mais beaucoup les "actionnaires" qui financent ses rapines. Le héros aussi joue de malchance : lors d’une évasion,

un fossé se présente, large comme une rivière ; mais j'étais trop bien lancé pour mesurer les distances. Je saute : je suis sauvé. Mes bretelles cassent, je suis perdu ! Vous riez ! Je voudrais bien vous voir courir sans bretelles, en tenant des deux mains la ceinture de votre pantalon ! Cinq minutes après, monsieur, les brigands m'avaient rattrapé."

Tout le texte est de cette nature. About ne s’attarde pas sur les faits, il les survole. C’est vivant, enlevé, drôle. "Le récit court rapide, incisif, en satisfaisant la curiosité du lecteur à mesure qu'il l'excite […] Dès la première page, l'intérêt commence et va grandissant, toujours imprévu, toujours nouveau, jusqu'au dénouement", écrivait le critique Emile Montaigut en 1887. Et le roman se termine par cette phrase sibylline, qui remet en question le sérieux et la véracité de ce qui vient d’être raconté : "Athénien, mon bel ami, les histoires les plus vraies ne sont pas celles qui sont arrivées."

Le Roi des montagnes, Edmond About, Paris, 1884

Mais l’exemple le plus frappant de son style se trouve dans ses trois courts textes, que certains ont nommé "science-fiction archaïque". Le Gil Blas notait que "L’Homme à l'oreille cassée, Le nez d'un notaire, Le cas de M. Guérin sont moins pour satisfaire le goût des délicats que pour plaire à la foule par l'application, un peu bizarre en sa gauloiserie, des procédés de la science aux œuvres d'imagination". Ce sont trois satires, toutes écrites en 1862. Le Cas de Monsieur Guérin relate, sur le mode comique, l’histoire d’un homme "enceint(e)". Le Nez du notaire raconte drôlement comment un jeune notaire, ayant perdu son nez lors d’un duel, doit se faire greffer un nouvel appendice à partir du bras d’un ouvrier alcoolique… Etonnante manière de réconcilier les classes sociales ! Mais c’est surtout L’Homme à l’oreille cassée, son plus grand succès, qui reste dans les annales du merveilleux scientifique (même si l’expression ici ne convient peut-être pas).

L'Homme à l'oreille cassée, Edmond About, Paris, 1912

Ce texte retient l’attention : il est lui aussi relativement bref et l’humour y est omniprésent. L’histoire : le colonel Fougas, laissé pour mort sur un champ de bataille napoléonien et congelé par un scientifique prussien, est ramené à la vie plus de quarante ans après dans la France du Second Empire. Il devient célèbre, et rencontre même le neveu du premier empereur. Mais le malheur de Fougas est de tomber amoureux de sa petite-fille, ce qui précipitera sa chute. Là encore, la charge contre le monde de Napoléon III est omniprésente, en relatant les aventures de ce colonel, âgé de 24 ans, plein de la fougue du Premier Empire et de sa jeunesse, intégré dans une société plus conservatrice, plus tentée de compter ses sous que de conquérir la gloire. About montre les travers d’un monde corseté d’interdits, de bureaucratie et du qu’en dira-t-on. Par exemple, cette scène que fait un fonctionnaire à celui qui veut "décongeler" le colonel : "Car enfin de quel droit prétendez-vous ressusciter un homme ? Dans quel pays a-t-on l'habitude de ressusciter ? Quel est le texte de loi qui vous autorise à ressusciter les gens ?". On peut déplorer que la fiction reste à un niveau superficiel sans s’interroger sur les paradoxes que pourrait engendrer un tel voyage temporel. Seule compte la critique sociale, et ce n’est pas rien. Mais, comme le dit un critique actuel,

on peut regretter toutefois qu'Edmond About n'ait pas approfondi les implications de ce paradoxe temporel et qu'il se soit contenté du côté anecdotique."

L'Homme à l'oreille cassée, Edmond About, Paris, 1912

Ce roman va connaître plusieurs adaptations au cinéma et à la télévision, sans qu’aucune n’ait fait des étincelles. Il n’empêche, les critiques du temps furent bonnes, voire excellentes. Témoin celle de La Chronique des arts et de la curiosité :

L'Homme à l'oreille cassée est resté un des meilleurs romans de notre époque. L'esprit du célèbre écrivain et son style lui appartiennent en propre ; personne n'a tenté jusqu'à ce jour de l'imiter, et pour cause […] il est impossible de s'incarner dans un écrivain supérieur, qui a pour système de n'en pas avoir et d'écrire au gré de sa fantaisie."

Tous les contemporains, même ses détracteurs les plus farouches, concède à About du style. Ainsi, La Justice écrivait en 1885 :

Une certaine dose de bon sens, des traits spirituels, étincelants, dans un style respectueux de la langue, une vive clarté, voilà ce que l'on trouve. Mais de l'élévation dans la pensée, de la grandeur, de l'émotion, rarement, presque jamais."

Même Le Cri du Peuple, déjà cité, expliquait : "J'ai lu la plupart des œuvres d'About - j'y ai toujours trouvé du talent, du savoir-faire ; mais rien de plus. C’était gris". Pour les autres, c’est un auteur magnifique, ce que l’on peut voir dans ses différentes notices nécrologiques. Ainsi celle du Matin : "About a été un homme d'un immense talent, d'un talent éminemment français […] Il méritait l'admiration comme littérateur". Ou celle du Rappel : "Il avait la même verve et la même netteté au coin du feu qu'à sa table de travail, si le mot travail peut s'appliquer à cette production si facile, si spontanée, où la phrase jaillissait naturellement comme l'eau de la source. On a dit de bien des gens qu'ils étaient petits-neveux de Voltaire ; on ne l'a dit de personne plus justement que d'Edmond About". Celle du Soleil : il "vivra surtout par des récits qui tiennent le milieu entre le roman et la nouvelle, mais qui, de quelque nom qu'on les appelle, charmeront toujours ceux qui sont sensibles à la clarté du style, à la grâce de la narration, à un heureux tour d'esprit". Bref, tout le monde aimait son écriture, si ce n’est l’auteur lui-même. Une de ses caractéristiques était, contrairement à beaucoup de feuilletonistes de son temps, de faire court. Et aussi de manier habilement l’ironie. Ce qui met une partie des lecteurs de son côté, mais peut également les éloigner d’une implication quelconque dans les enjeux narratifs. Il est difficile d’être profondément touché quand l’auteur joue sans cesse sur la dérision et la gouaille.

Le Roi des montagnes, Edmond About, Paris, 1884

Edmond About fut donc une personnalité reconnue dans le monde de la culture des années 1855-1885. Journaliste, essayiste, romancier, il connut un grand succès populaire. Dès 1855, il est dans la "Bibliothèque des Chemins de fer" de l’éditeur Hachette, ce qui lui vaudra de la part de Barbey d’Aurevilly un moqueur : "M. Edmond About est un des auteurs qui se vendent le mieux entre l’enregistrement d’une malle et le coup de cloche du départ. Il est léger et il s’enlève ! Sac de peu d’idées, commode à porter". Ses virages idéologiques l’ont cependant beaucoup desservi. Et il est vrai qu’il semble maintenant assez désuet. Sauf pour Le Roi des Montagnes, Le Nez d’un notaire et L’Homme à l’oreille cassée, qui ont toujours été disponibles, même de nos jours. Il est vrai qu’ils sont publiés presque uniquement dans des collections de littérature enfantine, ce que ces romans ne sont pas. Cet écrivain, qui fut un auteur choyé par son époque, a marqué son temps de son empreinte, et a laissé des traces dans le nôtre.

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