Mazarin, cardinal des arts
Au cœur du deuxième arrondissement, entre la rue Richelieu et la rue Vivienne, un ancien palais princier abrite depuis trois siècles les collections de la Bibliothèque nationale de France. Découvrez l’histoire de ce site à travers des documents méconnus disponibles sur Gallica.
Le 6 février 1651, le cardinal Mazarin doit fuir Paris, alors en proie aux affres de la Fronde. Le principal ministre de la régente Anne d’Autriche concentre de nombreuses inimitiés, tant de la part du peuple que de la part des nobles. Parmi les griefs à l’encontre du cardinal, son goût du luxe et des belles choses figure en bonne position. Ayant commencé sa carrière dans le giron de la puissante famille romaine des Barberini, Mazarin a su développé très tôt son goût des belles choses. Les immenses revenus qu’il perçoit en tant que cardinal-ministre lui permettent de satisfaire sa passion de collectionneur.
Afin d’offrir un cadre digne à ses acquisitions d’œuvres d’art – antiques, peintures, orfèvrerie, ébénisterie, bibliothèque – Mazarin loue puis achète l’hôtel du contrôleur général des finances Jacques Tubeuf. Il fait agrandir le bâtiment par François Mansart entre 1644 et 1647, ce dernier le dotant de deux niveaux de galeries destinées aux œuvres d’art. Une troisième aile, côté rue de Richelieu, reçoit la bibliothèque du cardinal.
La galerie basse, dite galerie Mansart, est ornée de stucs somptueux encadrant des compartiments prévus pour être peints. Peu de peintures subsistent aujourd'hui mais le grand compartiment central présente toujours son décor d’architecture feinte en perspective, dû à Alessandro Salucci. La galerie haute, dite galerie Mazarine, a elle conservé intégralement son plafond peint par Giovanni Francesco Romanelli. Conçue par Mansart avec trois coupoles, la voûte est modifiée à la demande du cardinal afin de pouvoir être ornée d’un vaste cycle de fresques, dont les sujets sont tirés de la mythologie gréco-romaine.
Avec la Fronde, le palais du cardinal, symbole de la réussite contestée du prélat italien, est la proie des pillages. Mazarin, prévenant, avait certes mis à l’abri une partie de ses collections, mais ses trésors étaient trop nombreux pour être tous dissimulés. Leur dispersion affecta sans doute le cardinal, qui, une fois revenu au pouvoir, s’évertua à retrouver la plupart de ses œuvres.
C’est dans ce contexte qu’un premier inventaire de ses biens est dressé par Colbert en 1653. Mazarin ne se contente pas de rassembler ses œuvres égarés, il en augmente encore le nombre, recevant jusqu’au lendemain de sa mort de magnifiques meubles importés d’Italie. L’amour du cardinal pour ses collections est passé à la postérité grâce au récit que Brienne fait de sa dernière visite au prélat, peu de temps avant sa mort. Il décrit le cardinal passant devant ses tableaux, ses antiques, trainant le pas, et répétant « Il faut quitter tout cela ».
On peut relever les œuvres acquises entre 1653 et 1661 en comparant l’inventaire Colbert à l’inventaire après décès du Cardinal. Où sont ensuite parties ces collections ? Certaines restèrent sur place et furent vendus ultérieurement par ses héritiers. Mais Mazarin fut très généreux au moment de sa mort, notamment avec la couronne, et nombres de ses possessions ont ainsi intégré le Musée du Louvre à la Révolution, où l'on peut toujours les admirer. Pour connaître l’identité des bénéficiaires de ses largesses, il suffit de consulter son testament, dont l’original et des copies contemporaines sont numérisés dans Gallica.
Pour imaginer ce qu’étaient les galeries d’œuvres d’art du cardinal à l’époque où il dirigeait le pays, il existe une gravure remarquable de Robert Nanteuil, abondamment reproduite, présentant le cardinal siégeant devant sa galerie. On relève également de nombreuses descriptions des contemporains faisant l’éloge de ses richesses. Le palais de Mazarin et ses galeries sont encore si réputées après la mort du cardinal, qu’on décide d’y héberger le Bernin lors de son séjour à Paris en 1665.
A l’issue des travaux de rénovation du site Richelieu en 2021, les galeries du cardinal feront partie du nouveau musée de la BnF, retrouvant ainsi un peu de leur vocation d’autrefois.
Pour aller plus loin :
Richelieu. Quatre siècles d'histoire architecturale au cœur de Paris, dir. Aurélien Conraux, Anne-Sophie Haquin et Christine Mengin, BnF Éditions/INHA, 2017.
Patrick Michel, Mazarin, prince des collectionneurs : les collections et l'ameublement du Cardinal Mazarin (1602-1661), histoire et analyse, Réunion des Musées nationaux, 1999.
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