Le modèle belge
Le 11 novembre 1943, 200 maquisards narguent le gouvernement de Vichy en défilant dans les rue d’Oyonnax pour commémorer l’armistice de 1918 et la défaite allemande. Le soir même, certains participants, dont Henri Jaboulay et Charles Mohler (alias Duvernois), apprennent en écoutant Radio Londres que la résistance belge a réalisé un faux numéro du Soir. En effet, le 9 novembre, des membres du Front de l’indépendance ont diffusé à Bruxelles un pastiche du journal Le Soir, alors sous contrôle allemand. 50 000 exemplaires seront ainsi distribués, faisant rire de nombreux belges aux dépens de l’occupant. Très rapidement, le groupe de résistants français décide de faire de même en réalisant un détournement du Nouvelliste de Lyon.
La fabrication et la distribution
Dans les jours qui suivent, Henri Jaboulay, qui ne possède pas de compétences journalistiques, rentre en contact avec Pierre Scize. Ce journaliste reconnu, qui a notamment écrit pour L’Œuvre, Le Canard enchaîné, Candide et Paris-Soir, travaillait au Figaro jusqu’au sabordage du quotidien en novembre 1942 après l’arrivée des Allemands en zone libre. Il se chargera de retravailler les textes et d'initier certains articles. Eugène Pons, qui a déjà imprimé de nombreuses feuilles clandestines telles que Combat, Franc-Tireur ou Témoignage chrétien, imprimera 25 000 exemplaires du journal.
La distribution sera une opération périlleuse qui se déroulera cependant sans incident : le 31 décembre 1943, une équipe de vingt hommes, répartie dans six voitures arborant une vignette « Service de Presse », fait la tournée des kiosques lyonnais et exige le remplacement du « vrai » Nouvelliste par sa parodie, sous prétexte d’une censure des autorités allemandes. Tous les exemplaires seront rapidement vendus.
Un pastiche résistant
Ce Nouvelliste reprend le format, la typographie et la maquette du véritable journal. Si la plupart des pastiches de journaux comportent de nombreux calembours, détournant le titre jusqu’au bandeau (prix, nom du rédacteur en chef, adresses de la rédaction et de l’administration), il s’agit ici de reproduire à l’identique toutes ces informations afin de duper les kiosquiers lors de la distribution des exemplaires. Si l’apparence globale est trompeuse, la lecture des articles ne laisse aucune place au doute. La ligne éditoriale est claire : vanter les actions de la Résistance, dénoncer les exactions de la Milice et de la Gestapo, relater les défaites allemandes et se moquer du gouvernement de Vichy. En page 2, les mouvements unis de Résistance revendiquent la publication de ce pastiche, qualifié de « numéro exceptionnel » :
La réédition d’après-guerre
En 1946, le Nouvelliste de la Résistance est réédité au bénéfice des Œuvres sociales de l’Association des Groupes francs. Ce fac-similé est accompagné de deux pages supplémentaires qui relatent les exploits des Groupes Francs.
Les articles « Comment est né le faux « Nouvelliste » », signé Henri Jaboulay et « Comment a été distribué le faux « Nouvelliste » » de Charles Mohler sont des témoignages précieux sur la genèse et le déroulement de cet acte symbolique fort de la Résistance.
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