Napoléon et les bibliothèques
Dans le cadre de l'Année Napoléon, une journée d'étude à propos de « Napoléon, l’enseignement et les bibliothèques » est organisée le 12 mars par la BnF. Les collections numérisées nous mènent aussi à la rencontre des bibliothèques de Napoléon et des bibliothèques à son époque.
Napoléon et ses bibliothèques
Gustave Mouravit parle même de « prescriptions antibibliophiliques et antibibliopégiques » de l’Empereur.
Les bibliothèques sous Napoléon
Barbier prend conscience qu’il doit passer de la bibliophilie à la bibliothéconomie, et construire une vraie politique documentaire fondée sur les besoins des lecteurs. Dans l’Avertissement à son Catalogue de la bibliothèque du Conseil d’Etat, il expose ses méthodes de catalogage et son choix de s’affranchir des règles en vigueur au profit d’un « cadre de classement personnalisé » (id., p. 7). Vial parle même d’un exemple de catalogage participatif, car Barbier, conscient de la perfectibilité de son travail, avait prévu que les lecteurs puissent apporter des corrections dans de grandes marges blanches. Sa fonction de bibliothécaire de l’Empereur confirme à Barbier l’importance de répondre précisément aux besoins du lecteur pour lequel est constituée la bibliothèque.
La Bibliothèque nationale
Par ailleurs, si « la Bibliothèque ne jouissait plus des moyens dont elle avait disposé sous l’Ancien Régime » et si « l'établissement se trouvait placé devant un travail de classement et de catalogage si lourd qu’il faudra tout le siècle pour le résorber » (Simone Balayé, Dictionnaire Napoléon, p. 214), cela n’empêche pas Napoléon d’avoir quelques grands projets pour la Bibliothèque, restés finalement lettre morte. Un déménagement au Louvre qui revient régulièrement dans ses intentions, par exemple en 1805, puis en 1812, et pour lequel il demande à son ministre de l’intérieur Chaptal, dont dépend la Bibliothèque, un rapport et un projet d’arrêté ; la réunion sous une même administration de ses bibliothèques particulières et de la Bibliothèque impériale.
Il envisageait aussi de combler les lacunes de celle-ci par échanges avec les bibliothèques de France de sorte que « lorsqu’on ne trouvera pas un livre à la Bibliothèque impériale, il sera certain que cet ouvrage n’existe pas en France » (Riberette, Histoire des bibliothèques françaises, tome 3, p. 123). La bibliothèque, à sa mesure, est un outil politique qui sert ses ambitions de conquérant. Posséder tous les savoirs du monde, c’est afficher sa toute-puissance et sa position de contrôle. Offrir les plus belles reliures aux dignitaires étrangers est une autre manière d’affirmer cette puissance. Dans ce domaine comme dans d’autres, Napoléon est artisan de sa gloire.
Les bibliothèques publiques
Il est vrai qu’en cette période instable, les textes de lois se succèdent rapidement. On cite généralement celui qui fonde les bibliothèques de districts (1794), qui furent une étape dans l’histoire de la lecture publique, malgré la courte vie des districts. Ces bibliothèques permirent d’alimenter les bibliothèques des écoles centrales (qui seront finalement confiées aux municipalités). Les écoles centrales sont elles-mêmes remplacées dès 1802 par les lycées, pourvus également de bibliothèques. Si les instructions accompagnant les livres issus des confiscations et envoyés aux municipalités pouvaient suggérer un don en évoquant des « livres concédés » ou « accordés » (G. K. Barnett, Histoire des bibliothèques publiques en France de la Révolution à 1939), la propriété n’en reste pas moins à l’Etat, qui délègue aux autorités locales la gestion et la mise à disposition.
Enfin, Napoléon instaura ce qui devint l’un des outils fondamentaux des professions du livre : la bibliographie nationale française. Née en 1811, sous le nom de Bibliographie de l’Empire français, elle reproduit dans son premier tome le décret du 5 février 1810, réglementant la librairie et l’imprimerie, qui doivent se soumettre à la censure et au contrôle de l’État par le dépôt légal.
Postérité
Il n’est pas jusqu’à son intendant chargé de ses livres à Sainte-Hélène, Louis-Étienne Saint-Denis, qui ne donne un petit air d’exotisme à sa dernière bibliothèque, se faisant appeler le « mameluk Ali », en souvenir de la campagne d’Egypte, lorsque Napoléon s’était adjoint les services de palefrenier d’un authentique Mamelouk, que Saint-Denis avait remplacé un temps dans cette fonction.
Les dirigeants passent, les bibliothèques restent. À la chute de l’Empire, la Bibliothèque impériale redevient royale, pour un temps : on peut observer cette transition dans ce Guide des curieux et des étrangers dans les bibliothèques publiques de Paris de 1810, où l’un des propriétaires a consciencieusement corrigé à la main toutes références à l’Empire (p. 3 et 47).
Commentaires
Remerciements
Bravo et merci à l'auteure de ce billet pour ce travail de synthèse précieux et riche d'enseignement.
Ajouter un commentaire