Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-09-21
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 21 septembre 1885 21 septembre 1885
Description : 1885/09/21 (A1,N67). 1885/09/21 (A1,N67).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t5448499
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
PRF.rECTÛRE r/’Aï. GE K
Lundi, 2Ji septembre 1885.
Première année. — N* 67
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
Algérie.
Franck..
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
4.50 O
6 12
Un an
18
24
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives a ai annnonces et réclames doives!» m
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, bonlevard de la République, A1**ï «
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marsbills, ehex M. Gustavb ALLARD, rne du Banssat, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et C i( >, place de la Bourse, 10,
Et par lenrs correspondants.
La DEPECHE ALGÉRIENNE est désignée pour rineertion. des annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats
Alger, le 19 Septembre 1885.
Notre feuilleton, LA GRANDE
MARNIÈRE, tirant à sa fin, nous
commencerons prochainement :
Les Drames de l’Honneur
Roman dû à la plume autorisée de
MM. Racot et Georges Pradel qui
occupent actuellement une haute place
dans le journalisme parisien.
Cette œuvre remplie de situations
émouvantes est d’un intérêt poignant
du prologue à l’épilogue.
L’intrigue serrée, s’il en fut, est
menée arec une habilité hors de pair ;
les situations palpitantes s’y placent à
chaque instant et l’intérêt ne fait que
croître pour arriver au paroxysme de
Fémotionnant.
Nous ne préjugeons pas en affirmant
que nos lecteurs feront un excellent
accueil à ce drame aussi élégamment
écrit qu’intéressant.
@aæa
LETTRES DU VILLAGE
X..., le 19 septembre 1885.
Ç’a été pour moi une surprise bien grande
et bien flatteuse, que de trouver imprimée,
tout au long dans la Dépêche, la lettre que
Je vous ai fait porter par le père Richard.
Si je m’étais tant seulement douté que sem
blable honneur serait réservé à mon hum
ble prose, je m’y serais tout autrement
appliqué, et me serais efforcé de me remé -
morer les règles que l’on m’enseignait jadis
au lycée, régies joliment négligées depuis
le jour où j’ai, pour la première fois, mis la
main à la charrue.
Mais ceci vous intéresse peu sans doute,
et je retourne à mes moutons. Le père
Richard n’est pas rentré satisfait d’Alger ;
dès qu’il m’aperçut le lendemain, ah ! me
dit-il, Jean Claude, vous aviez joliment
raison et si je n’avais pas eu d’affaires per
sonnelles sérieuses, je regretterais réellement
de m’être dérangé. Tout ôtait préparé, ar
rêté, manigancé d’avance, et c’est pour la
forme, rien que pour la forme, que l’on a
fait semblant de nous consulter. Il était par
faitement convenu et entendu que les noms
de Marchai et Samary obtiendraient la ma
jorité et que le soi-disant Congrès rectifie
rait la décision du Comité de Médéah.
J’avais une fière envie de protester ; mais,
toute réflexion faite, comme ma protesta
tion n’aurait servi de rien, je me suis tu.
— Vous avez bien fait, père Richard, lui
ai-je répondu, il suffit que vous n’ayez pas
été dupe et que le truc, c’est je crois ainsi
que la chose s’appelle, ait été percé à jour ;
le vote sera la vraie protestation.
Et de fait, par chez nous tout au moins,
je suis convaincu que la liste du prétendu
Comité radical n’a pas la moindre chance.
Tout le monde s’attendait à voir sortir bon
premier le nom de l’ex sénateur, le père
Lelièvre. C’était tout au moins une satisfac
tion due à ce vétéran de la démocratie. On
aurait pu ne pas lui donner sa voix, parce
qu’il était arrivé à un âge auquel il est bien
difficile à uu homme politique de rendre de
réels services, mais enfin, son parti lui
rendait uu hommage auquel il avait droit.
Au lieu de cela, à quoi assistons-nous ?
à l’éclosion spontanée de deux jeunes hom
mes, qui n’ont encore aucun titre à un hon
neur aussi insigne, et auxquels il faut une
singulière dose de présomption pour assu
mer une tâche aussi lourde.
M. Marchai peut être un journaliste ; je
ne conteste pas qu’il sache tenir une plume,
et comme conseiller général, il appartient à
la catégorie des intelligents. Mais cela cons
tituerait-il un bagage suffisant pour aspi
rer à représenter un département algérien ?
Il sera, je crois, bien difficile de le faire ad
mettre par les électeurs, qui ne se laisseront
pas prendre aux éloges exagérés décernés
par le Comité radical aux caudidats de son
choix.
Mais si, eu dehors même de toute appré
ciation sur le parti auquel il appartient, le
rédacteur du Petit Colon est jugé insuffi
sant, que dire de la candidature accolée
à la sienne, Samary 1 Personne dans les
campagnes ne connaît ce personnage, et je
doute fort qu’il gagne à se produire.
La liste du Comité radical a donc contre
elle le tort de réunir un insuffisant et un in
connu, tort d autant plus grave que des deux
candidats opposés, l’un a donné des preuves
multiples de ses aptitudes parlementaires et
de son mérite personnel, et que l’autre jouit
d’une grande notoriété gagnée dans la tritu
re des affaires publiques.
Dans ces conditions et étant donné qu’au
point de vue politique les candidats répu
blicains ne sont séparés des radicaux que
par des numéros, il me semble impossible
qu’une hésitation se produise chez les élec
teurs.
Mais pardon, je suis obligé de clore ma
lettre, le tambour du village annonce l’arri
vée de MM. Marchai et Samary, qui nous
convient à une réunion publique. Je n’aurais
garde d’y manquer et, si la chose vous
agrée, je vous ferai part de mon impression
et de celle de mes concitoyens.
Votre,
Jean Claude.
Informations algériennes
Le 18 du courant ont eu lieu, à Alger,
pour les trois provinces, les examens pour
le recrutement du service topographique
des anciens géomètres auxiliaires.
Ont été reçus par ordre de mérite :
MM. Castelli, Terraglini, Gondet, Rossi-
gnoli et Bonnin.
X
Le ministre de la guerre aurait décidé le
licenciement, sans aucun délai, des officiers,
à titre indigène, des spahis, provenant des
compagnies mixtes. Cette mesure, si elle
était prise, frapperait des officiers nommés
depuis trois ans et qui comptaient, comme
leurs camarades du 4 e tirailleurs, être main
tenus, ainsi que le leur avaient promis tous
les généraux qui se sont succédé en Tuni
sie.
X
Nous apprenons la nomination de
D’Anselme, lieutenant au 4* hussards, an
grade de capitaine au 3 e de l’arme, à Vienne
(Isère).
X
M. Hanel, garde général des forêts de
première classe à Mascara, vient d être dé
signé, par arrêté du ministre de l’Agricul
ture, pour faire partie du service extraordi
naire du département d’Oran.
X
L’ambulance dite des cholériques a étéL
réouverte hier matin à Oran.
Les deux cas signalés sont douteux, mais,
par mesure de précaution, les malades ont.
êté isolés.
X
Avant-hier ethier, M. Etienne a visité Sidi-
Brahim, les Trembles, Zarouëia, Sidi-Kha-
led, Tabia, Chanzy, Le Telagb, Boukanôfis
et Ténirah. Partout la réception faite an
candidat a été des plus enthousiastes.
X
M. Dessoliers a visité hier Perrégaux, oii
il a prononcé un excellent discours sur les
affaires et sur la politique du pays En in
sistant sur plusieurs points du programme
algérien, il s’est déclaré partisan conveincu
de la responsabilité collective. Ses déclara
tions ont produit une excellente impres
sion.
Sur l’invitation du maire qui présidait le
bureau, l’orateur a donné des explications
sur l’application de 1 'autonomie et de l’act
Terrens en Algérie.
X
Par arrêté ministériel, en date du 26 août,
M. Mondielli a été réintégré dans son em
ploi de conducteur dans le service des bâti
ments civils en Cochiuchine.
Il a reçu hier notifi -ation de cet arrêté,
avec l’invitation de s’embarquer à Brest, le
18 octobre prochain, pour rejoindre son
poste.
X
Samedi dernier, est arrivé à Bôue par le
courrier de Port-Vendras, vï . Istasse, ingé
nieur de la Société des Bat ! gno! les, qui vient
commencer les études définitives de ia ligne
Souk-Ahras-Tébessa.
M. Istasse est parti aussitôt pour Souk-
Ahras.
X
Samedi dernier, ainsi que nous l’avions
annoncé, M. Bauguil, professeur d’Agricul
ture du département a fait, dans la grande
salle de la mairie de Bougie, une conféren
ce destinée à faire connaître aux viticulteurs
et aux propr étaires de vignes l’origine de
Feuilleton de LA DLPÈGRE ALGÉRIENNE
N° 67.
LA
GRANDE IARSIÊRE
PAR
Georges OHNET
— Quant à mon père, reprit Mlle de Clai-
refont, j’ai la triste certitude qu’il ne sera
plus ni en goût ni en état de reprendre ses
occupations Le ressort de son esprit sem
ble avoir été brisé par ces violentes secous
ses. Il retrouve des forces, il parie, il écoute,
il se souvient, mais il n’y a plus en lui ni
énergie ni volonté C'est un enfant souriant
et doux. Vous le verrez .. Le docteur Mar-
gueron assure qu’il peut vivre très long
temps ainsi.
Ils continuèrent à marcher. Antoinette,
du bout de son ombrelle, traçait distraite
ment des lignes sur le sable. Elle eût voulu
parler de Pascal à Malézeau et connaître
d’une façon plus complète ce qui s’était
passé rue du Marché, à la suite de sou en
tretien avec le jeune homme. Elle était in
quiète, trouble, et., pour la première fois
de sa vie, ne se sentait pas sûre de sa cons
cience. R avait-elle pas allumé la guerre
entre ce père et ce fils ? N était-ce pas en
spéculant sur les généreux sentiments de
Pascal qu’elle l’avait contraint à rompre
avec Carvajan ? Au fond d’elle-même, une
voix s’élevait qui disait : Que t'importe ?
Pauvre agneau, laisse ces deux loups se dé
vorer ! Ils sont de même race, de même
sang. N’est pas la juste revanche de tout ce
dont vous avez eu à souffrir, que ce combat
qui met vos ennemis aux prises ?
Mais Antoinette savait bien que Pascal
n’était pas un ennemi. Il était son esclave,
il lui appartenait sans reserve, et c’était
pour lui obéir, pour lui plaire, uniquement
pour elle, qu il avait trahi la faction pater
nelle et qu’il s’apprêtait à la combattre. Elle
était donc responsable de ce qui se passait.
Tout le mal qui arriverait à Pascal, tout le
dommage qu’il pourrait souffrir, lui vien
drait d’elle. Et, par le fait, une sorte d’eu-
gagement tacite la liait au jeune homme.
Et elle souffrait, dans son orgueil, à cette
pensée
— Mon père a déjà demandé à voir M.
Pascal, dit-elle. Quand viendra-t-il ici ?
— Je ne saurais vous dire. Mademoiselle.
C’est une étrange nature qae celle de ce
garçon, Mademoiselle. Il e^t sauvage...
Mme Malézeau n’a pas encore pu obtenir de
lui qu’il prît ses repas avec nous, tant qu’il
habitera notre maisen. Il craint d’être im
portun, et il aime à s’isoler... Vous ne le
verrez pas, ou je me trompe fort, avant qu’il
y ait, pour lui, urgente nécessité de se pré
senter au château.
Antoinette respira avec soulagement. Elle
avait craint un envahissement. Elle voyait
qu’au contraire il faudrait sans doute aller
chercher son défenseur. Elle fut heureuse
de cette réserve, elle se sentit plus libre.
Enfermé au fond da l’appartement que
Malézeau avait mis â sa disposition, Pascal
vivait depuis deux jours dans un accable
ment farouche II avait horreur de la vie et
de toutes les infamies qui l’accompagnent.
En proie à une noire misanthropie, il lais
sait même ses persiennes fermées et passait
son temps à fumer, étendu sur un divan,
dans une demi-obscurité. Il fit là des ré
flexions douloureuses. N’avait-il pas été, à
sa naissance, marqué d’un signe fatal qui
le vouait au malheur ? Son passé s’offrait à
lui plein de tristesse, son présent lui réser
vait des épreuves cruelles, et l’avenir était
vide d ^spérance. Que faisait-il sur terre ?
Exécré et maudit par son père, subi par celie
qu’il aimait, comme un mercenaire que l’on
dédaigne quand il a triomphé, n’eût-il pas
mieux valu pour lui disparaître ?
Qu’était l’angoisse de la deroière heure
comparée aux tortures qu’il endurait? Après
ce court passage de la vie à la mort, ia cal
me, le doux repos, le sommeil, avec un rêve
unique et délicieux, dans lequel rayonnerait
la virginale figure d’Antoinette. Là, sur ses
lèvres, il ne verrait que d’indulgents souri
res, car toutes les haines seraient éteintes,
et, de lui, elle ne connaîtrait plus que son
âme. Elle saurait combien il l’avait tendre
ment adorée. Et, désarmée enfin, elle l’ac
cepterait pour sou fiancé éternel.
Et dans le silence et l’ombre de la cham
bre, Pascal, énervé, souffrant, gémissait et
pleurait. Il faisait des retours sur lui-même
i
et s’accusait de lâcheté. Quoi 1 songer à dé
serter la lutte quand celle qu’il aimait
comptait sur lui ? L’abandonner seule, ex
posée à de redontables vengeances ? Livrer
aux hasards de la conscience des jurés Ro
bert qu’il devinait iunoeent ? Non ! c’était
impossible. Il fallait d’abord accomplir sa
tâche, faire son devoir, et, ayant. laissé, par
le service rendu, une trace impérissable
dans ce cœur qu’il eût voulu emplir de lui,
disparaître : fuir ou mourir, à son gré.
Il retrouva un peu de courage, secoua son
inaction, et commença sourdement une en
quête sur les faits qui allaieut amener 1@
comte de Clairefont devant la jusîice. Dès
les premiers p s, il se heurta à une expédi
tion semblable, conduite par les émissaires
de son père, dans la but de recueillir des
preuves de culpabilité là où il cherchait,
lui, des indices d’innocence. Ainsi l’attaque
et la défense prenaient déjà leurs précau
tions, traçaient les lignes de leur siège, et
entamaient les travaux d’approche.
Cette ébaueh ? de combat ranima tout à
fait Pascal. Il s’alanguissdt dans l’inacti
vité. Aux prises avec des difficultés, il rede
vint lui-même. Ayant eu affaire à la ruse
des Américains du Sud, il ér.ait en mesure
de jouter avec les Normands. Il acquit la
conviction que l’instruction ne s’était pas
bornée à rassembler les charges qui pou
vaient si facilement être relevées contre
Robert, mais avait été conscieneement pous-*
sêe dans divers sens*
(A suivre)*
Lundi, 2Ji septembre 1885.
Première année. — N* 67
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
Algérie.
Franck..
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
4.50 O
6 12
Un an
18
24
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives a ai annnonces et réclames doives!» m
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, bonlevard de la République, A1**ï «
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marsbills, ehex M. Gustavb ALLARD, rne du Banssat, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et C i( >, place de la Bourse, 10,
Et par lenrs correspondants.
La DEPECHE ALGÉRIENNE est désignée pour rineertion. des annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats
Alger, le 19 Septembre 1885.
Notre feuilleton, LA GRANDE
MARNIÈRE, tirant à sa fin, nous
commencerons prochainement :
Les Drames de l’Honneur
Roman dû à la plume autorisée de
MM. Racot et Georges Pradel qui
occupent actuellement une haute place
dans le journalisme parisien.
Cette œuvre remplie de situations
émouvantes est d’un intérêt poignant
du prologue à l’épilogue.
L’intrigue serrée, s’il en fut, est
menée arec une habilité hors de pair ;
les situations palpitantes s’y placent à
chaque instant et l’intérêt ne fait que
croître pour arriver au paroxysme de
Fémotionnant.
Nous ne préjugeons pas en affirmant
que nos lecteurs feront un excellent
accueil à ce drame aussi élégamment
écrit qu’intéressant.
@aæa
LETTRES DU VILLAGE
X..., le 19 septembre 1885.
Ç’a été pour moi une surprise bien grande
et bien flatteuse, que de trouver imprimée,
tout au long dans la Dépêche, la lettre que
Je vous ai fait porter par le père Richard.
Si je m’étais tant seulement douté que sem
blable honneur serait réservé à mon hum
ble prose, je m’y serais tout autrement
appliqué, et me serais efforcé de me remé -
morer les règles que l’on m’enseignait jadis
au lycée, régies joliment négligées depuis
le jour où j’ai, pour la première fois, mis la
main à la charrue.
Mais ceci vous intéresse peu sans doute,
et je retourne à mes moutons. Le père
Richard n’est pas rentré satisfait d’Alger ;
dès qu’il m’aperçut le lendemain, ah ! me
dit-il, Jean Claude, vous aviez joliment
raison et si je n’avais pas eu d’affaires per
sonnelles sérieuses, je regretterais réellement
de m’être dérangé. Tout ôtait préparé, ar
rêté, manigancé d’avance, et c’est pour la
forme, rien que pour la forme, que l’on a
fait semblant de nous consulter. Il était par
faitement convenu et entendu que les noms
de Marchai et Samary obtiendraient la ma
jorité et que le soi-disant Congrès rectifie
rait la décision du Comité de Médéah.
J’avais une fière envie de protester ; mais,
toute réflexion faite, comme ma protesta
tion n’aurait servi de rien, je me suis tu.
— Vous avez bien fait, père Richard, lui
ai-je répondu, il suffit que vous n’ayez pas
été dupe et que le truc, c’est je crois ainsi
que la chose s’appelle, ait été percé à jour ;
le vote sera la vraie protestation.
Et de fait, par chez nous tout au moins,
je suis convaincu que la liste du prétendu
Comité radical n’a pas la moindre chance.
Tout le monde s’attendait à voir sortir bon
premier le nom de l’ex sénateur, le père
Lelièvre. C’était tout au moins une satisfac
tion due à ce vétéran de la démocratie. On
aurait pu ne pas lui donner sa voix, parce
qu’il était arrivé à un âge auquel il est bien
difficile à uu homme politique de rendre de
réels services, mais enfin, son parti lui
rendait uu hommage auquel il avait droit.
Au lieu de cela, à quoi assistons-nous ?
à l’éclosion spontanée de deux jeunes hom
mes, qui n’ont encore aucun titre à un hon
neur aussi insigne, et auxquels il faut une
singulière dose de présomption pour assu
mer une tâche aussi lourde.
M. Marchai peut être un journaliste ; je
ne conteste pas qu’il sache tenir une plume,
et comme conseiller général, il appartient à
la catégorie des intelligents. Mais cela cons
tituerait-il un bagage suffisant pour aspi
rer à représenter un département algérien ?
Il sera, je crois, bien difficile de le faire ad
mettre par les électeurs, qui ne se laisseront
pas prendre aux éloges exagérés décernés
par le Comité radical aux caudidats de son
choix.
Mais si, eu dehors même de toute appré
ciation sur le parti auquel il appartient, le
rédacteur du Petit Colon est jugé insuffi
sant, que dire de la candidature accolée
à la sienne, Samary 1 Personne dans les
campagnes ne connaît ce personnage, et je
doute fort qu’il gagne à se produire.
La liste du Comité radical a donc contre
elle le tort de réunir un insuffisant et un in
connu, tort d autant plus grave que des deux
candidats opposés, l’un a donné des preuves
multiples de ses aptitudes parlementaires et
de son mérite personnel, et que l’autre jouit
d’une grande notoriété gagnée dans la tritu
re des affaires publiques.
Dans ces conditions et étant donné qu’au
point de vue politique les candidats répu
blicains ne sont séparés des radicaux que
par des numéros, il me semble impossible
qu’une hésitation se produise chez les élec
teurs.
Mais pardon, je suis obligé de clore ma
lettre, le tambour du village annonce l’arri
vée de MM. Marchai et Samary, qui nous
convient à une réunion publique. Je n’aurais
garde d’y manquer et, si la chose vous
agrée, je vous ferai part de mon impression
et de celle de mes concitoyens.
Votre,
Jean Claude.
Informations algériennes
Le 18 du courant ont eu lieu, à Alger,
pour les trois provinces, les examens pour
le recrutement du service topographique
des anciens géomètres auxiliaires.
Ont été reçus par ordre de mérite :
MM. Castelli, Terraglini, Gondet, Rossi-
gnoli et Bonnin.
X
Le ministre de la guerre aurait décidé le
licenciement, sans aucun délai, des officiers,
à titre indigène, des spahis, provenant des
compagnies mixtes. Cette mesure, si elle
était prise, frapperait des officiers nommés
depuis trois ans et qui comptaient, comme
leurs camarades du 4 e tirailleurs, être main
tenus, ainsi que le leur avaient promis tous
les généraux qui se sont succédé en Tuni
sie.
X
Nous apprenons la nomination de
D’Anselme, lieutenant au 4* hussards, an
grade de capitaine au 3 e de l’arme, à Vienne
(Isère).
X
M. Hanel, garde général des forêts de
première classe à Mascara, vient d être dé
signé, par arrêté du ministre de l’Agricul
ture, pour faire partie du service extraordi
naire du département d’Oran.
X
L’ambulance dite des cholériques a étéL
réouverte hier matin à Oran.
Les deux cas signalés sont douteux, mais,
par mesure de précaution, les malades ont.
êté isolés.
X
Avant-hier ethier, M. Etienne a visité Sidi-
Brahim, les Trembles, Zarouëia, Sidi-Kha-
led, Tabia, Chanzy, Le Telagb, Boukanôfis
et Ténirah. Partout la réception faite an
candidat a été des plus enthousiastes.
X
M. Dessoliers a visité hier Perrégaux, oii
il a prononcé un excellent discours sur les
affaires et sur la politique du pays En in
sistant sur plusieurs points du programme
algérien, il s’est déclaré partisan conveincu
de la responsabilité collective. Ses déclara
tions ont produit une excellente impres
sion.
Sur l’invitation du maire qui présidait le
bureau, l’orateur a donné des explications
sur l’application de 1 'autonomie et de l’act
Terrens en Algérie.
X
Par arrêté ministériel, en date du 26 août,
M. Mondielli a été réintégré dans son em
ploi de conducteur dans le service des bâti
ments civils en Cochiuchine.
Il a reçu hier notifi -ation de cet arrêté,
avec l’invitation de s’embarquer à Brest, le
18 octobre prochain, pour rejoindre son
poste.
X
Samedi dernier, est arrivé à Bôue par le
courrier de Port-Vendras, vï . Istasse, ingé
nieur de la Société des Bat ! gno! les, qui vient
commencer les études définitives de ia ligne
Souk-Ahras-Tébessa.
M. Istasse est parti aussitôt pour Souk-
Ahras.
X
Samedi dernier, ainsi que nous l’avions
annoncé, M. Bauguil, professeur d’Agricul
ture du département a fait, dans la grande
salle de la mairie de Bougie, une conféren
ce destinée à faire connaître aux viticulteurs
et aux propr étaires de vignes l’origine de
Feuilleton de LA DLPÈGRE ALGÉRIENNE
N° 67.
LA
GRANDE IARSIÊRE
PAR
Georges OHNET
— Quant à mon père, reprit Mlle de Clai-
refont, j’ai la triste certitude qu’il ne sera
plus ni en goût ni en état de reprendre ses
occupations Le ressort de son esprit sem
ble avoir été brisé par ces violentes secous
ses. Il retrouve des forces, il parie, il écoute,
il se souvient, mais il n’y a plus en lui ni
énergie ni volonté C'est un enfant souriant
et doux. Vous le verrez .. Le docteur Mar-
gueron assure qu’il peut vivre très long
temps ainsi.
Ils continuèrent à marcher. Antoinette,
du bout de son ombrelle, traçait distraite
ment des lignes sur le sable. Elle eût voulu
parler de Pascal à Malézeau et connaître
d’une façon plus complète ce qui s’était
passé rue du Marché, à la suite de sou en
tretien avec le jeune homme. Elle était in
quiète, trouble, et., pour la première fois
de sa vie, ne se sentait pas sûre de sa cons
cience. R avait-elle pas allumé la guerre
entre ce père et ce fils ? N était-ce pas en
spéculant sur les généreux sentiments de
Pascal qu’elle l’avait contraint à rompre
avec Carvajan ? Au fond d’elle-même, une
voix s’élevait qui disait : Que t'importe ?
Pauvre agneau, laisse ces deux loups se dé
vorer ! Ils sont de même race, de même
sang. N’est pas la juste revanche de tout ce
dont vous avez eu à souffrir, que ce combat
qui met vos ennemis aux prises ?
Mais Antoinette savait bien que Pascal
n’était pas un ennemi. Il était son esclave,
il lui appartenait sans reserve, et c’était
pour lui obéir, pour lui plaire, uniquement
pour elle, qu il avait trahi la faction pater
nelle et qu’il s’apprêtait à la combattre. Elle
était donc responsable de ce qui se passait.
Tout le mal qui arriverait à Pascal, tout le
dommage qu’il pourrait souffrir, lui vien
drait d’elle. Et, par le fait, une sorte d’eu-
gagement tacite la liait au jeune homme.
Et elle souffrait, dans son orgueil, à cette
pensée
— Mon père a déjà demandé à voir M.
Pascal, dit-elle. Quand viendra-t-il ici ?
— Je ne saurais vous dire. Mademoiselle.
C’est une étrange nature qae celle de ce
garçon, Mademoiselle. Il e^t sauvage...
Mme Malézeau n’a pas encore pu obtenir de
lui qu’il prît ses repas avec nous, tant qu’il
habitera notre maisen. Il craint d’être im
portun, et il aime à s’isoler... Vous ne le
verrez pas, ou je me trompe fort, avant qu’il
y ait, pour lui, urgente nécessité de se pré
senter au château.
Antoinette respira avec soulagement. Elle
avait craint un envahissement. Elle voyait
qu’au contraire il faudrait sans doute aller
chercher son défenseur. Elle fut heureuse
de cette réserve, elle se sentit plus libre.
Enfermé au fond da l’appartement que
Malézeau avait mis â sa disposition, Pascal
vivait depuis deux jours dans un accable
ment farouche II avait horreur de la vie et
de toutes les infamies qui l’accompagnent.
En proie à une noire misanthropie, il lais
sait même ses persiennes fermées et passait
son temps à fumer, étendu sur un divan,
dans une demi-obscurité. Il fit là des ré
flexions douloureuses. N’avait-il pas été, à
sa naissance, marqué d’un signe fatal qui
le vouait au malheur ? Son passé s’offrait à
lui plein de tristesse, son présent lui réser
vait des épreuves cruelles, et l’avenir était
vide d ^spérance. Que faisait-il sur terre ?
Exécré et maudit par son père, subi par celie
qu’il aimait, comme un mercenaire que l’on
dédaigne quand il a triomphé, n’eût-il pas
mieux valu pour lui disparaître ?
Qu’était l’angoisse de la deroière heure
comparée aux tortures qu’il endurait? Après
ce court passage de la vie à la mort, ia cal
me, le doux repos, le sommeil, avec un rêve
unique et délicieux, dans lequel rayonnerait
la virginale figure d’Antoinette. Là, sur ses
lèvres, il ne verrait que d’indulgents souri
res, car toutes les haines seraient éteintes,
et, de lui, elle ne connaîtrait plus que son
âme. Elle saurait combien il l’avait tendre
ment adorée. Et, désarmée enfin, elle l’ac
cepterait pour sou fiancé éternel.
Et dans le silence et l’ombre de la cham
bre, Pascal, énervé, souffrant, gémissait et
pleurait. Il faisait des retours sur lui-même
i
et s’accusait de lâcheté. Quoi 1 songer à dé
serter la lutte quand celle qu’il aimait
comptait sur lui ? L’abandonner seule, ex
posée à de redontables vengeances ? Livrer
aux hasards de la conscience des jurés Ro
bert qu’il devinait iunoeent ? Non ! c’était
impossible. Il fallait d’abord accomplir sa
tâche, faire son devoir, et, ayant. laissé, par
le service rendu, une trace impérissable
dans ce cœur qu’il eût voulu emplir de lui,
disparaître : fuir ou mourir, à son gré.
Il retrouva un peu de courage, secoua son
inaction, et commença sourdement une en
quête sur les faits qui allaieut amener 1@
comte de Clairefont devant la jusîice. Dès
les premiers p s, il se heurta à une expédi
tion semblable, conduite par les émissaires
de son père, dans la but de recueillir des
preuves de culpabilité là où il cherchait,
lui, des indices d’innocence. Ainsi l’attaque
et la défense prenaient déjà leurs précau
tions, traçaient les lignes de leur siège, et
entamaient les travaux d’approche.
Cette ébaueh ? de combat ranima tout à
fait Pascal. Il s’alanguissdt dans l’inacti
vité. Aux prises avec des difficultés, il rede
vint lui-même. Ayant eu affaire à la ruse
des Américains du Sud, il ér.ait en mesure
de jouter avec les Normands. Il acquit la
conviction que l’instruction ne s’était pas
bornée à rassembler les charges qui pou
vaient si facilement être relevées contre
Robert, mais avait été conscieneement pous-*
sêe dans divers sens*
(A suivre)*
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