Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-09-22
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 22 septembre 1885 22 septembre 1885
Description : 1885/09/22 (A1,N68). 1885/09/22 (A1,N68).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t544850h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
Le numéro 5 centimes
Première année. — N° 68.
Mardi, 22 septembre 1885
ABONNEMENTS :
Troig mois Six mois
Un an
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclames doivent, #*
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger «
En France, les communications sont reçues savoir :
Algérie ...
Franck....
4.50 O
6 1*
18
24
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chex MM. AUDBOURG et C 1 », place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonoes légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats.
Alger, le 49 Septembre 4885.
Notre feuilleton, LA GRANDE
MARNIÈRE, tirant à sa fin, nous
commencerons prochainement :
Les Drames de l’Honneur
Roman dû à la plume autorisée de
MM. Racot et Georges Pradel qui
occupent actuellement une haute place
dans le journalisme parisien.
Cette oeuvre remplie de situations
«mouvantes est d’un intérêt poignant
du prologue à l’épilogue.
L’intrigue serrée, s’il en fut, est
menée avec une habilité hors de pair ;
les situations palpitantes s’y placent à
chaque instant et l’intérêt ne fait que
croître pour arriver au paroxysme de
l’émotionnant.
Nous ne préjugeons pas en affirmant
que nos lecteurs feront un excellent
accueil à ce drame aussi élégamment
écrit qu’intéressant.
» «
Le Vainqueur
DE LA RÉUNION DE SAMEDI
Notre éducation politique laisse encore
beaucoup à désirer, telle est la première
constatations rapportée de la réunion pu
blique de samedi soir. Nous ne serons, en
effet, véritablement mûrs pour l’exercice du
suffrage universel que le jour où nous sau
rons écouter nos adversaires au lieu d’é
touffer toute contradiction sous des clameurs
passiounése.
Le second point, qui s’est trouvé pour nous
aussi bien établi que le premier, est que,
dans les grandes réunions, l’accessoire prime
souvent le fonds, et que rien n’est plus fa
cile à un homme suffi amment adroit et
beau parleur, que de diriger la foule à son
gré, de la détacher de ce qui devrait être
son objectif en la lançant sur une autre
piste.
Si l’on veut bien réfléchir à ce qui s’est
passé samedi au théâtre, on reconnaîtra que
le vrai héros de la soirée, le grand vain
queur, a été le citoyen Jaumont, chef cui
sinier.
Jusqu’à son apparition à la tribune, la
salle avait été tantôt somnolente, tantôt im
patiente.
Le public n’était pas venu assurément
pour entendre les candidats Marchai et Sa-
mary, et la discussion de leur programme
n’intéressait personne. Close après leur au
dition, la discussion n’eût laissé que le sou
venir d’une soirée ennuyeuse.
Ce qu’il fallait au parti radical d’Alger,
présent au grand complet, c’était une occa
sion de manifester toutes les rancunes, de
protester bruyamment contre les personna
lités qui lui déplaisent, de prendre en scan
dale la revanche de tous ies échecs qu’il a
subis.
Le citoyen Jaumont était merveilleuse
ment choisi pour lui fournir l’occasion, tou
tes les occasions espérées. Il ne s'en est pas
fait faute. Successivement et avec beaucoup
d’adresse, il a trouvé moyen de mettre en
cause M. le sénateur Mauguin, le suffrage
restreint, deux de nos confrères de la pres
se et les candidats Letellier et Bourlier, qui,
absents, avaient droit à plus d’égards et
que la moindre probité politique comman
dait de ne pas attaquer, alors que l’on ne
voulait pas permettre de les défendre.
C'est seulement après que M. Jaumont a
eu parlé et provoqué la salle aux plus tu
multueuses manifestations, que l’ordre du
jour, favorable aux candidatures Marchai et
Samary a été adopté. Il est plus que dou
teux que cet ordre du jour eût éié aussi fa
vorablement accueilli, si seuls les candidats
Marchai et Samary avaient porté la parole.
Mais, au fond, qu’est-ce que cela prouve?
Que M. Jaumont est un habile homme, et
s’il sait aussi bien préparer un dîner qu’en
traîner une réunion publique, nous jalou
sons fort les personnes qui ont l’avantage
de manger sa cuisine.
Nous gagerions bien une chose, c’est que,
parmi les électeurs sans parti pris, venus
à la réunion pour se faire une opinion, pas
un n’a été gagné par leurs explications aux
candidatures de MM. Marchai et Samary.
Ce que nous avons entendu à la sortie de
plus favorable pour eux est le propos suivant
tenu par plusieurs personnes :
« Quel malheur que ce Jaumont ne soit
» pas candidat, je voterais pour lui. »
Informations algériennes
Nous sommes heureux de souhaiter la
bienvenue à M. le colonel Colas qui, depuis
plusieurs jours déjà, a pris ie commande
ment du 3 e régiment de zouaves et nous
espérons qu’il aura vite acquis la sympa
thie générale dont jouissait le général Ber
trand, son prédécesseur, dans la population
constantinoise
X
Les travaux d’entreprise de la route de
Bougie, entre Tamda et Azazga, interrom
pus à la date du 1 er aoûi, à cause des fortes
chaleurs, vont reprendre incessamment
leurs cours, la température s’étant considé
rablement radoucie depuis quelques jours.
X
Le Conseil municipal d’Oran se trouvant
réuni en octob , ’e, les prochains examens du
brevet élémentaire et du brevet supérieur
ne pourront avoir lieu, pour les aspirantes,
dans la salle de cette assemblée, à la Pré
fecture.
Ils se passeront, comme anciennement,
dans le local de la Loge maçonnique.
X
Dans l’une de ses dernières séances, le
Conseil municipal d’Oran ayant décidé
d’émettre un avis ferme en faveur d’un em
placement déterminé pour la gare centrale,
dont le projet est à l’étnde depuis long
temps, le Maire informa les personnes qui
désireraient soumettre à l’examen du Con
seil des projets relatifs à la dite question,
qu’elles devront les faire parvenir avant le
25 septembre courant.
X
M. Lerebourg, principal du Collège
d’Oran, est admis, pour ancienneté d’âge et
de services, à faire valoir ses droits à une
pension de retraite.
M. Frétille, directeur du petit Lycée de
Nice (Carabaeel), est nommé principal du
Collège d'Oran, en remplacement de M. Le
rebourg, admis à faire valoir ses droits â
une pension de retraite.
X
Il a été constitué en Algérie, pendant
l’année qui nous occupe, §5 sociétés com
merciales, par contre, 4 1 o >t, été dissoutes.
Parmi ies nouvelle* s >ciété- . -n eu compte
79 en noms collectifs. 7 en ■ '-mmaudite, 5
anonymes et 4 à capital variable.
On procède dans la région blidéenne à
des travaux importants pour des plantations
de vignes.
On paye pour les vins nouveaux :
Castigiioue 28 à 30 fr.
Après avoir payé au début.. 26 à 28
(pas de gare).
Zéralda (pas de gare) 25 à 26
Marengo, môme prix (pas de gare).
X
On parle d’un duel entre un officier du 4*
hussards et ie citoyen Bézy.
La rencontre serait, dit-on, inévitable.
X
Le préfet du département a rendu un
arrêté portant révocation du nommé Salafo
beu Ahmed, khodja d’Oued-Chara (Cons-
tantine).
On assure, d’autre part, que M. de Méri
tons a été suspendu de ses fonctions par le
même arrêté.
«
Correspondance oraiaise
Oran, le 19 septembre 1885.
Comme vous pouvez l’avoir remarqué, les
élections législatives prochaines ne passion
nent pas beaucoup chez nous. C’est à peine,
si quelques journalistes s’en occupent. Mais
le public, la masse des électeurs a son opi
nion faite et - à moins de circonstances
graves — je ne crois pas que cette opinion se
modifie d’ici au 4 octobre.
Donc, M Etienne reçoit partout le meil
leur accueil et est certain de recueillir, si
non l’unanimité des suffrages, au moins une
majorité écrasante. Sa candidature n’est
combattue que par un seul journal, dont la
publicité n’est pas grande et l’influence rela
tivement limitée. La façon dont il est atta
qué dans cette feuille ajoute eocore à sa
popularité. Voyez comme sa tournée dans
le département ressemble fort à une marche
triomphale. C'est que les électeurs ont du
bon sens et iis se disent avec raison que, du
moment que ceux qui attaquent si vivement
M. Etienne ont fui la discussion publique,
lorsque notre député les y a conviés, c’est
qu’ils pensaient que la réfutation de leurs
attaques, serait facilement faite et qu’elle
pourrait tourner à leur désavantage.
Feuilleton de LA DEPECHE ALGÉRIENNE
N° 68.
LA
6MHBE1AMÊRE
PAR
Georges OHNET
Plusieurs individus avaient été soupçon
nés et interrogés. Un chaudronnier ambu
lant, dont la présence à Couvi echamps avait
été signalée, pendant la nuit du 25, s’était
tiré d’aflaîre grâce à un indiscutable alibi.
Le Roussot, qui avait passé une partie de la
soirée avec Rose, avait été questionné. Mais
on n'avait rien su obtenir du berger. Il
s’était présenté, maigriot, chétif, ie visage
déformé par des tics horribles, qui lui don
naient un air à la fois riant et stupide. On
n’avait pu l’arracher à son mutisme qu’en
le menaçant, et alors il avait jeté des cris
inarticulés qui étaient d'une bête sauvage
plutôt que d’un être humain. Le fermier de
La Saucelle, qui se trouvait présent à l’in
terrogatoire, avait intercédé en faveur de
l’idiot. Il avait donné les meilleurs rensei
gnements.
— Excepté de ne point parler et de ne
pas entendre très bien, ce qui n’est pas tou
jours un mal, dit-il avec une malice de pay
san, il est bon serviteur... Il se connaît aux
moutons, et il ne va jamais au cabaret. Il
aimait la Rose... Ah ! oui ! on peut le dire,
car c’est elle qui l’a quasiment élevé... Elle
était bonne pour lui... Tl la suivait comme
un chien... Plutôt que de lui faire du mal,
il l’aurait défendue jusqu’à la mort ! Oui!...
D’ailleurs, il est rentré vers les deux heu
res... deux heures un quart./ Ma femme a
entendu ouvrir la porte de la bergerie et
m’a dit : Tiens ! v’ià notre valet qui re
vient
Le Roussot alors s’était mis à trembler,
son visage avait pris une teinte livide, il
avait poussé un hurlement plaintif, comme
celui d’un chien qui aboie à la lune, et, bat
tant l’air de ses bras, il avait été pris d’af
freuses convulsions.
— Voyez-vous ! dit le fermier, on le ferait
mourir, si on le tourmentait... Il est bizar
re de cervelle ! Mais pour donner une pi
chenette à une mouche, n’ayez crainte !
Comment obtenir une déposition d’un être
en état de démence, et, si on l’obtenait, quel
fonds faire sur elle ? On avait laissé le ber
ger en repos.
En parcourant la Grande Marnière pour
se rendre compte du terrain, Pascal rencon
tra le Roussot et fut frappé du changement
qui s’était opéré daDS sa physionomie. Il
avait les yeux éteints et la bouche crispée.
Lui, si vif et si hargneux, il restait assis ou
couché dans la bruyère, et ne poursuivait
plus les passants de ses grognements et de
ses gambades. Le jeune homme put l’ap
procher sans qu’il fît aucun mouvement. Le
chien noir eut beau aboyer pour prévenir
son maître, celui-ci ne bougea pas. Il pa
raissait dormir éveillé, ses regards étaient
fixes, comme si une vision les retenait, et
des pleurs coulaient sur ses joues. Pascal
prononça le corn de Rose. L’idiot frisson
na, mais ne sortit pas de son étrange exta
se. Quelle différence entre cette torpeur ac
cablée et la vive ardeur qui l’animait la pre
mière fois que Pascal l’avait vu !
C était le lendemain de son retour à La
Neuville, par cette merveilleuse matinée
d’été qui avait mis le fils de Carvajau en
présence de la fille du marquis. Le Roussot
et Rose riaient alors, en folâtrant dans les
joncs, au bord de la mare, et la lavandière
était presque aussi forte que le berger.
Comme Pascal était libre et insouciant,
suivant avec sa belle compagne le grand
chemin de Couvrechamps ! Dans l’air, un
parfum enivrant flottait, la verdure des ar
bres éblouissait les yeux, la terre vibrait,
élastique sous le pied. C’était un de ces mo
ments où le corps marche dans une atmos
phère plus pure, où l’esprit se sent plus ac
tif et plus pénétrant, ofr l’être entier se di
late, heureux ainsi qu’une plante caressée
par le soleil. Uo instant après, quel chan
gement : Il avait suffi qu’Antoinette pronon
çât son uom, et qu’il ripostât, lui, par le
sien. Le ciel avait paru s’obscurcir, le paysa
ge s’était terni, la terre avait frissonné com
me sous un vent âpre. Le jeune homme
avait senti son cœur se contracter dans sa
poitrine. Il semblait que ce dounle tableau
riant, puis sombre, fût le résumé de son
histoire, commencée dans la joie et finie
dans la douleur.
11 quitta le Roussot et descendit à travers
la colline du côté de l’auberge de Pourtois.
comme il avait fait le jour de sa rencontre
avec Antoinette, et poussa ta porte du ca
baret. La même obscurité froide régnait
dans la salle, et, avec peine, les yeux du
jeune homme distinguèrent les assistants.
Fleury et Ton leur n’étaient plus là, jouant
aux cartes ; mais Chasseveot, assis à une
table, l’air abruti, buvait de l’eau-de-vie,
pendant que la petite et sèche Mme Pour-
tois tricotait silencieusement dans son
comptoir. Le vagabond ne sourcilla pas,
mais la femme du cabaretier devint pâle et
s’élança au-devant de Pascal.
— Ah ! monsieur Carvajan !... Comment !
c’est vous ! .. Qu’est-ce qu’on pourrait bien
vous servir ?
— Rien!... Mais est-ce que votre mari
n’est pas là ?
— Yous auriez voulu lui perler? demanda
la femme d’un air soupçonneux... Ah I le
pauvre homme! il est bien malade depuis
quelques jours... M Margueron dit comme
ça qu’il a eu « les sangs tournés ». Il est au
lit. Il ne faut pas qu’il parle... il ne voit
personne... C’est depuis le malheur, voyez-
vous... Un homme qui n’avait jamais eu
d’émotions, et qui se trouve obligé de rap
porter un cadavre... Ça lui a donné un coup I
Chassevent, qui s’était tenu penché sur
son verre, parut se ranimer :
— Est-ce vrai, monsieur Carvajan, de-
Première année. — N° 68.
Mardi, 22 septembre 1885
ABONNEMENTS :
Troig mois Six mois
Un an
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclames doivent, #*
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger «
En France, les communications sont reçues savoir :
Algérie ...
Franck....
4.50 O
6 1*
18
24
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chex MM. AUDBOURG et C 1 », place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonoes légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats.
Alger, le 49 Septembre 4885.
Notre feuilleton, LA GRANDE
MARNIÈRE, tirant à sa fin, nous
commencerons prochainement :
Les Drames de l’Honneur
Roman dû à la plume autorisée de
MM. Racot et Georges Pradel qui
occupent actuellement une haute place
dans le journalisme parisien.
Cette oeuvre remplie de situations
«mouvantes est d’un intérêt poignant
du prologue à l’épilogue.
L’intrigue serrée, s’il en fut, est
menée avec une habilité hors de pair ;
les situations palpitantes s’y placent à
chaque instant et l’intérêt ne fait que
croître pour arriver au paroxysme de
l’émotionnant.
Nous ne préjugeons pas en affirmant
que nos lecteurs feront un excellent
accueil à ce drame aussi élégamment
écrit qu’intéressant.
» «
Le Vainqueur
DE LA RÉUNION DE SAMEDI
Notre éducation politique laisse encore
beaucoup à désirer, telle est la première
constatations rapportée de la réunion pu
blique de samedi soir. Nous ne serons, en
effet, véritablement mûrs pour l’exercice du
suffrage universel que le jour où nous sau
rons écouter nos adversaires au lieu d’é
touffer toute contradiction sous des clameurs
passiounése.
Le second point, qui s’est trouvé pour nous
aussi bien établi que le premier, est que,
dans les grandes réunions, l’accessoire prime
souvent le fonds, et que rien n’est plus fa
cile à un homme suffi amment adroit et
beau parleur, que de diriger la foule à son
gré, de la détacher de ce qui devrait être
son objectif en la lançant sur une autre
piste.
Si l’on veut bien réfléchir à ce qui s’est
passé samedi au théâtre, on reconnaîtra que
le vrai héros de la soirée, le grand vain
queur, a été le citoyen Jaumont, chef cui
sinier.
Jusqu’à son apparition à la tribune, la
salle avait été tantôt somnolente, tantôt im
patiente.
Le public n’était pas venu assurément
pour entendre les candidats Marchai et Sa-
mary, et la discussion de leur programme
n’intéressait personne. Close après leur au
dition, la discussion n’eût laissé que le sou
venir d’une soirée ennuyeuse.
Ce qu’il fallait au parti radical d’Alger,
présent au grand complet, c’était une occa
sion de manifester toutes les rancunes, de
protester bruyamment contre les personna
lités qui lui déplaisent, de prendre en scan
dale la revanche de tous ies échecs qu’il a
subis.
Le citoyen Jaumont était merveilleuse
ment choisi pour lui fournir l’occasion, tou
tes les occasions espérées. Il ne s'en est pas
fait faute. Successivement et avec beaucoup
d’adresse, il a trouvé moyen de mettre en
cause M. le sénateur Mauguin, le suffrage
restreint, deux de nos confrères de la pres
se et les candidats Letellier et Bourlier, qui,
absents, avaient droit à plus d’égards et
que la moindre probité politique comman
dait de ne pas attaquer, alors que l’on ne
voulait pas permettre de les défendre.
C'est seulement après que M. Jaumont a
eu parlé et provoqué la salle aux plus tu
multueuses manifestations, que l’ordre du
jour, favorable aux candidatures Marchai et
Samary a été adopté. Il est plus que dou
teux que cet ordre du jour eût éié aussi fa
vorablement accueilli, si seuls les candidats
Marchai et Samary avaient porté la parole.
Mais, au fond, qu’est-ce que cela prouve?
Que M. Jaumont est un habile homme, et
s’il sait aussi bien préparer un dîner qu’en
traîner une réunion publique, nous jalou
sons fort les personnes qui ont l’avantage
de manger sa cuisine.
Nous gagerions bien une chose, c’est que,
parmi les électeurs sans parti pris, venus
à la réunion pour se faire une opinion, pas
un n’a été gagné par leurs explications aux
candidatures de MM. Marchai et Samary.
Ce que nous avons entendu à la sortie de
plus favorable pour eux est le propos suivant
tenu par plusieurs personnes :
« Quel malheur que ce Jaumont ne soit
» pas candidat, je voterais pour lui. »
Informations algériennes
Nous sommes heureux de souhaiter la
bienvenue à M. le colonel Colas qui, depuis
plusieurs jours déjà, a pris ie commande
ment du 3 e régiment de zouaves et nous
espérons qu’il aura vite acquis la sympa
thie générale dont jouissait le général Ber
trand, son prédécesseur, dans la population
constantinoise
X
Les travaux d’entreprise de la route de
Bougie, entre Tamda et Azazga, interrom
pus à la date du 1 er aoûi, à cause des fortes
chaleurs, vont reprendre incessamment
leurs cours, la température s’étant considé
rablement radoucie depuis quelques jours.
X
Le Conseil municipal d’Oran se trouvant
réuni en octob , ’e, les prochains examens du
brevet élémentaire et du brevet supérieur
ne pourront avoir lieu, pour les aspirantes,
dans la salle de cette assemblée, à la Pré
fecture.
Ils se passeront, comme anciennement,
dans le local de la Loge maçonnique.
X
Dans l’une de ses dernières séances, le
Conseil municipal d’Oran ayant décidé
d’émettre un avis ferme en faveur d’un em
placement déterminé pour la gare centrale,
dont le projet est à l’étnde depuis long
temps, le Maire informa les personnes qui
désireraient soumettre à l’examen du Con
seil des projets relatifs à la dite question,
qu’elles devront les faire parvenir avant le
25 septembre courant.
X
M. Lerebourg, principal du Collège
d’Oran, est admis, pour ancienneté d’âge et
de services, à faire valoir ses droits à une
pension de retraite.
M. Frétille, directeur du petit Lycée de
Nice (Carabaeel), est nommé principal du
Collège d'Oran, en remplacement de M. Le
rebourg, admis à faire valoir ses droits â
une pension de retraite.
X
Il a été constitué en Algérie, pendant
l’année qui nous occupe, §5 sociétés com
merciales, par contre, 4 1 o >t, été dissoutes.
Parmi ies nouvelle* s >ciété- . -n eu compte
79 en noms collectifs. 7 en ■ '-mmaudite, 5
anonymes et 4 à capital variable.
On procède dans la région blidéenne à
des travaux importants pour des plantations
de vignes.
On paye pour les vins nouveaux :
Castigiioue 28 à 30 fr.
Après avoir payé au début.. 26 à 28
(pas de gare).
Zéralda (pas de gare) 25 à 26
Marengo, môme prix (pas de gare).
X
On parle d’un duel entre un officier du 4*
hussards et ie citoyen Bézy.
La rencontre serait, dit-on, inévitable.
X
Le préfet du département a rendu un
arrêté portant révocation du nommé Salafo
beu Ahmed, khodja d’Oued-Chara (Cons-
tantine).
On assure, d’autre part, que M. de Méri
tons a été suspendu de ses fonctions par le
même arrêté.
«
Correspondance oraiaise
Oran, le 19 septembre 1885.
Comme vous pouvez l’avoir remarqué, les
élections législatives prochaines ne passion
nent pas beaucoup chez nous. C’est à peine,
si quelques journalistes s’en occupent. Mais
le public, la masse des électeurs a son opi
nion faite et - à moins de circonstances
graves — je ne crois pas que cette opinion se
modifie d’ici au 4 octobre.
Donc, M Etienne reçoit partout le meil
leur accueil et est certain de recueillir, si
non l’unanimité des suffrages, au moins une
majorité écrasante. Sa candidature n’est
combattue que par un seul journal, dont la
publicité n’est pas grande et l’influence rela
tivement limitée. La façon dont il est atta
qué dans cette feuille ajoute eocore à sa
popularité. Voyez comme sa tournée dans
le département ressemble fort à une marche
triomphale. C'est que les électeurs ont du
bon sens et iis se disent avec raison que, du
moment que ceux qui attaquent si vivement
M. Etienne ont fui la discussion publique,
lorsque notre député les y a conviés, c’est
qu’ils pensaient que la réfutation de leurs
attaques, serait facilement faite et qu’elle
pourrait tourner à leur désavantage.
Feuilleton de LA DEPECHE ALGÉRIENNE
N° 68.
LA
6MHBE1AMÊRE
PAR
Georges OHNET
Plusieurs individus avaient été soupçon
nés et interrogés. Un chaudronnier ambu
lant, dont la présence à Couvi echamps avait
été signalée, pendant la nuit du 25, s’était
tiré d’aflaîre grâce à un indiscutable alibi.
Le Roussot, qui avait passé une partie de la
soirée avec Rose, avait été questionné. Mais
on n'avait rien su obtenir du berger. Il
s’était présenté, maigriot, chétif, ie visage
déformé par des tics horribles, qui lui don
naient un air à la fois riant et stupide. On
n’avait pu l’arracher à son mutisme qu’en
le menaçant, et alors il avait jeté des cris
inarticulés qui étaient d'une bête sauvage
plutôt que d’un être humain. Le fermier de
La Saucelle, qui se trouvait présent à l’in
terrogatoire, avait intercédé en faveur de
l’idiot. Il avait donné les meilleurs rensei
gnements.
— Excepté de ne point parler et de ne
pas entendre très bien, ce qui n’est pas tou
jours un mal, dit-il avec une malice de pay
san, il est bon serviteur... Il se connaît aux
moutons, et il ne va jamais au cabaret. Il
aimait la Rose... Ah ! oui ! on peut le dire,
car c’est elle qui l’a quasiment élevé... Elle
était bonne pour lui... Tl la suivait comme
un chien... Plutôt que de lui faire du mal,
il l’aurait défendue jusqu’à la mort ! Oui!...
D’ailleurs, il est rentré vers les deux heu
res... deux heures un quart./ Ma femme a
entendu ouvrir la porte de la bergerie et
m’a dit : Tiens ! v’ià notre valet qui re
vient
Le Roussot alors s’était mis à trembler,
son visage avait pris une teinte livide, il
avait poussé un hurlement plaintif, comme
celui d’un chien qui aboie à la lune, et, bat
tant l’air de ses bras, il avait été pris d’af
freuses convulsions.
— Voyez-vous ! dit le fermier, on le ferait
mourir, si on le tourmentait... Il est bizar
re de cervelle ! Mais pour donner une pi
chenette à une mouche, n’ayez crainte !
Comment obtenir une déposition d’un être
en état de démence, et, si on l’obtenait, quel
fonds faire sur elle ? On avait laissé le ber
ger en repos.
En parcourant la Grande Marnière pour
se rendre compte du terrain, Pascal rencon
tra le Roussot et fut frappé du changement
qui s’était opéré daDS sa physionomie. Il
avait les yeux éteints et la bouche crispée.
Lui, si vif et si hargneux, il restait assis ou
couché dans la bruyère, et ne poursuivait
plus les passants de ses grognements et de
ses gambades. Le jeune homme put l’ap
procher sans qu’il fît aucun mouvement. Le
chien noir eut beau aboyer pour prévenir
son maître, celui-ci ne bougea pas. Il pa
raissait dormir éveillé, ses regards étaient
fixes, comme si une vision les retenait, et
des pleurs coulaient sur ses joues. Pascal
prononça le corn de Rose. L’idiot frisson
na, mais ne sortit pas de son étrange exta
se. Quelle différence entre cette torpeur ac
cablée et la vive ardeur qui l’animait la pre
mière fois que Pascal l’avait vu !
C était le lendemain de son retour à La
Neuville, par cette merveilleuse matinée
d’été qui avait mis le fils de Carvajau en
présence de la fille du marquis. Le Roussot
et Rose riaient alors, en folâtrant dans les
joncs, au bord de la mare, et la lavandière
était presque aussi forte que le berger.
Comme Pascal était libre et insouciant,
suivant avec sa belle compagne le grand
chemin de Couvrechamps ! Dans l’air, un
parfum enivrant flottait, la verdure des ar
bres éblouissait les yeux, la terre vibrait,
élastique sous le pied. C’était un de ces mo
ments où le corps marche dans une atmos
phère plus pure, où l’esprit se sent plus ac
tif et plus pénétrant, ofr l’être entier se di
late, heureux ainsi qu’une plante caressée
par le soleil. Uo instant après, quel chan
gement : Il avait suffi qu’Antoinette pronon
çât son uom, et qu’il ripostât, lui, par le
sien. Le ciel avait paru s’obscurcir, le paysa
ge s’était terni, la terre avait frissonné com
me sous un vent âpre. Le jeune homme
avait senti son cœur se contracter dans sa
poitrine. Il semblait que ce dounle tableau
riant, puis sombre, fût le résumé de son
histoire, commencée dans la joie et finie
dans la douleur.
11 quitta le Roussot et descendit à travers
la colline du côté de l’auberge de Pourtois.
comme il avait fait le jour de sa rencontre
avec Antoinette, et poussa ta porte du ca
baret. La même obscurité froide régnait
dans la salle, et, avec peine, les yeux du
jeune homme distinguèrent les assistants.
Fleury et Ton leur n’étaient plus là, jouant
aux cartes ; mais Chasseveot, assis à une
table, l’air abruti, buvait de l’eau-de-vie,
pendant que la petite et sèche Mme Pour-
tois tricotait silencieusement dans son
comptoir. Le vagabond ne sourcilla pas,
mais la femme du cabaretier devint pâle et
s’élança au-devant de Pascal.
— Ah ! monsieur Carvajan !... Comment !
c’est vous ! .. Qu’est-ce qu’on pourrait bien
vous servir ?
— Rien!... Mais est-ce que votre mari
n’est pas là ?
— Yous auriez voulu lui perler? demanda
la femme d’un air soupçonneux... Ah I le
pauvre homme! il est bien malade depuis
quelques jours... M Margueron dit comme
ça qu’il a eu « les sangs tournés ». Il est au
lit. Il ne faut pas qu’il parle... il ne voit
personne... C’est depuis le malheur, voyez-
vous... Un homme qui n’avait jamais eu
d’émotions, et qui se trouve obligé de rap
porter un cadavre... Ça lui a donné un coup I
Chassevent, qui s’était tenu penché sur
son verre, parut se ranimer :
— Est-ce vrai, monsieur Carvajan, de-
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