Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-09-20
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 20 septembre 1885 20 septembre 1885
Description : 1885/09/20 (A1,N66). 1885/09/20 (A1,N66).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t544848z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
Première année. — N" 66.
tfi'Eï'Er.TTfiiF: n‘,\ï ,kr
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
ALGÉRIE 4.5© 9
France ©
Un an
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
18
24
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Toutes les communications relatives aux aunnonces et réclames doives* t>
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Aljfcj;
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille!, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. ÀUDBOURG et O, place de la Bourse, 40,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats.
Algbr, le 49 Septembre 1885.
Notre feuilleton, LA GRANDE
MARNIÈRE, tirant à sa fin, nous
commencerons prochainement :
Roman dû à la plume autorisée de
MM. Racot et Georges Pradel qui
occupent actuellement une haute place
dans le journalisme parisien.
Cette œuvre remplie de situations
émouvantes est d’un intérêt poignant
du prologue à l’épilogue.
L’intrigue serrée, s’il en fut, est
menée avec une habilité hors de pair ;
les situations palpitantes s’y placent à
chaque instant et l’intérêt ne fait que
croître pour arriver au paroxysme de
l’émotionnant.
Nous ne préjugeons pas en affirmant
que nos lecteurs feront un excellent
accueil à ce drame aussi élégamment
écrit qu’intéressant.
4
L’UNITÉ
le la Représentation alQérîenne
Le fait a déjà été signalé plusieurs fois,
mais il est bon d’y revenir et. de bien le
constater : les radicaux intransigeants d’Al
ger ne partagent, en politique algérienne,
aucune des opinions professées par les ra
dicaux intransigeants de Coustantine, et si,
par aventure, les candidatures radicales
triomphaient dans les deux départements, on
assisterait à ce singulier spectacle de dépu
tés élus au même titre et incapables de
s’entendre sur une seule question algé
rienne.
En effet, pendant que les intransigeants
d’Alger, nuance du Radical algérien, sont
assimila-eurs outranciers et réclament à ce
titre la liquidation du Gouvernement géné
ral, les intransigeants de Constantine sont
franchement autonomistes.
Asseyez-les sur les mêmes bancs, et, lors
qu’une question algérienne se présentera
devant la Chambre, au lieu de trouver dans
notre députation la cohésion qui a fait sa
principale force, nous assisterons à des lut
tes instestines, chacun cherchant à faire
triompher son système sans se soucier au
trement du préjudice causé au pays, met
tant au-dessus de toutes les considérations,
la satisfaction que peut donner une victoire
personnelle.
Or, c’est là, nous ne craignons pas de le
dire, un des plus gros, des plus sérieux
dangers que l’on pourrait faire courir à
^Algérie.
Les députés donc le mandat expire n’ont
peut-être pas tous les mêmes opiniuns algé
riennes ; s’ils avaient été appelés chacun à
rédiger un programme, des divergences au
raient pu se produire sur bien des points,
mais du moins ils ont eu le patriotisme et le
bon sens de faire, toutes les fois qu’il l’a
fallu, abnégation de leurs idées pour se ral
lier à celle qui représentait le mieux l’opi
nion moyenne de leurs électeurs, qui était
la plus conforme aux intérêts de l’Algérie et
qui avait le plus de chances d’être acceptée
par leurs collègues.
D’un autre côté, la députation s’est appli
quée à vivre en parfait accord avec le Gou
verneur, à marcher constamment avec lui,
et c’est grâce à cette attitude qu’il lui a été
donné de jouer à la Chambre un rôle bien
plus considérable que l’on affecte de le
croire, et de rendre au pays des services
qui. pour être déniés ou contestés par quel
ques-uns, n’en subsistent pas moins.
Tout indique que, plus que jamais, il faut
persévérer dans cette voie, car on prévoit un
redoublement d’attaques de la part des en
nemis de l’Algérie Comment parviendrait-
on à les repousser, si ce soin était confié à
une députation partagée même sur les ques
tions de principe, et dont une partie prêtera
bien plutôt et fatalement la main à nos ad
versaires.
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
N° 06.
r L 1 . 11 ; .■
LA
PAR
Georges OHNET
En dépit de ces pronostics, à Clairefont,
on était relativement calme. L’état du mar
quis s’améliorait, et, torte des assurances
données par Pascal, Antoinetie s’était repri
se à espérer. Elle avait loyalement avoué sa
démarche à Croix-Mesnil, que cette inter
vention inattendue du fils de Carvajan avait
troublé jusqu’au fond de l’âme. Par une in
tuition particulière aux amoureux, il avait
pressenti un mystère et deviné un danger.
Quelle influence souveraine, autre que la
beauté de la jeune fille, avait pu faire un
allié du lendemain de cet ennemi de la veil
le? Une amertume secrète avait empoisonné
la joie que le baron eût dû éprouver. Mais
Il avait eu le courage de dissimuler, et, dans
son cœur généreux, la désir de voir triom
pher ses amis avait presque étouffé la jalou
sie qu’il ressentait déjà pour Pascal.
Enfin, le lendemain de sa rupture entre
Carvajan et son fils, Mlle de Saint-Maurice,
rappelée par l’inquiétude où la mettait l’an
nonce de la maladie de son beau-frère, était
revenue de Rouen, maigrie par les soucis,
mais plus écarlate que jamais. Malézeau
avait ramené la vieille fille dans son cabrio
let. Tout le long de la montée de Claire-
jont, ils avaient eu le temps de causer, et
lorsque la tante Isabelle, sur les piliers de
pierre qui soutenaient la grande grille de la
cour d’honneur, avait vu les igoobles affi
ches collées par Papillon, elle s’était élancée
à bas de la voiture, et, de sa propre main
arrachant les placards, les avait emportés
jusqu’au château.
Puis, en plein salon, les agitant avec un
geste de triomphe, elle s’était écriée :
— Voilà pour me faire des papillotes !
Il avait fallu la calmer. L’excitation du
voyage, le plaisir de sa retrouver à Ciaire-
font, les explications que Malézeau lui avait
fournies, la mettaient hors d’elle. On lui dé
montra que, pour être meilleure, la situa
tion n’était pas encore satisfaisante, et de
l’excès de la joie elle retomba dans 1 excès
de la désolation. Elle parla de Robert,
qu’elle n’avait pas pu arriver à voir, décri
vit l’horrible prison dans laquelle il était en
fermé, et fiait par pleurer. Le notaire dut
lui affirmer que prochainement elle aurait
par Pascal des nouvelles certaines. Aussitôt
le renvoi devant la cour d’assises décidé, le
défeuseur pourrait communiquer avec sou
client. Mlle de Saiat-Mauriee elle-même se
rait admise à le voir. C’était un temps assez
long à passer, mais avec l’espérance d’obte
nir un bon résultat. Car le nom seul de
Carvajan valait dix fois mieux pour Robert
que l’babileté banale d’un avocat de Paris.
Le talent de parole de Pascal n’était plus
C’est là un point de vue auquel les colons
feront bien de se placer, pour étudier les
candidatures en présence : qu’ils y songent
bien. Quel que soit le mérite individuel de
chaque député, on aurait une représentation
déplorable, si une entente n’était pas pos
sible eatre eux sur notre politique spéciale.
C’est précisément le danger qui nous me
nace avec les candidats opposés aux dépu
tés sortants. Au lieu de l’unité, de la cohé
sion qui nous oat valu tous les succès obte
nus, tous les périls évités par la députation,
dont le mandat est expiré, la nouvelle serait,
dès le premiér jour, en proie à la confusion
intestine et à des divisions qui ruineraient
à jamais son crédit et paralyseraient tous
les efforts que quelques-uns pourraient
tenter.
Cette éventualité est trop grave, trop pé
rilleuse, pour que l’Algérie aille de gaîté de
cœur s’y exposer.
Depuis l’aventure du général Boulanger à
Tunis, je trouve que certains officiers font
beaucoup trop parler d’eux.
A Tunis, à Alger, à Bel-Abbés, à TiareR
à Nemours, des scènes déplorables se sont
produites.
A Tunis, dans un café-concert et à propos
de bouquets donnés à des femmes et d’in
jures adressées à des civils, des soufflets
sont reçus ; le civil qui les applique est
coudamnè pour ce fait par un tribunal
français, et le général Boulanger trouvant
la condamnation trop douce, ne craint pas
de publier un ordre du jour outrageant pour
les juges français qui l’ont prononcée.
Il fait plus, il invite les officiers et soldats
à se servir de leurs armes contre les civils
avec lesquels ils pourront se quereller. Le
général Boulanger n’a pas été puni.
Ou se souvient de ce qui s’est passé à la
Taverne Grüber, il y a quelques mois. Un
capitaine se faisait jeter à la porte de l’éta
blissement ponr insultes envers un citoyen
qui dînait tranquillement avec sa femme.
A Bel-Abbès, ce sont les soldats qui trou
blent la fête Nationale du 14 juillet, sacea-
à prouver. On se souvenait des succès qu’il
avait remportés, alors qu’il n’était encore
qu’un débutant. Mûri par le travail, fortifié
par l'âge, enflammé par la passion qu’il
mettait à soutenir la cause du comte, il de
vait être pour le ministère public un adver
saire redoutable : on n’osait pas dire victo
rieux.
— J’avais toujours pensé que ce Pascal
était un honnê.e garçon, s’écria Mile de
Saint-Maurice d'une voix forte... Ah ! s’il
me rend mon pauvre Robert... il pourra
me demander ce qu il voudra. Oui, quoi que
ce soit, je la lui donnerai.
M. de Croix-Mesnil eut au pâle sourire.
— Ne ie lui dites pas trop, Mademoiselle ;
qui sait jusqu’où pourrait aller son ambi
tion ?
— Eile ne saurait être trop grande après
un tel service ! répliqua av- c exaltation la
tante Isabelle. L’honneur et la liberté d’un
Clairefont valent tout ce que nous possé
dons !... N’est-ce pas, Antoinette ?
— Oui, tante, dit froidement la jeune fille.
Elle se leva pour rompre l’entretien, et,
emmenant Malézeau sur la terrasse, lui posa
des questions sur 1 heureuse combinaison
au moyen de laquelle il avait arrêté les
poursuites de Carvajan.
Le notaire déclara avoir trouvé uu p ê-
teur daus des conditions très avantageuses.
Les affaires industrielles et commerciales
étant nulles, les capitalistes cherchaient des
placements sûrs. Un remboursement inté
gral avait procuré une garantie hypothé
caire au nouveau créancier, et, moyennant
gent la salle de bal, poursuivent les habi
tants dans les cafés, et se livrent à ces excès
en présence de leurs officiers qui restent
spectateurs indifférents.
A Tiaret, c’est plus grave encore et les
incidents qui s'y sont produits sont trop ré
cents pour avoir à les raconter de nouveau.
Mais que dire de ce lieutenant Tri don qui,
après avoir participé à ces tristes scènes,
ose s’eD faire ua titre et provoquer en duel
le journaliste qui avait fait connaître sa
conduite en l’atténuant et sans le nom
mer.
Dans le sud du département d'Alger, c’est
un autre genre : un ofïi.der supérieur en ac
tivité, chargé de fonctions administratives,
maire d’une commune qui compte une cen
taine d’électeurs, prend, sans courir le
moindre danger, une part active à la lutte
électorale et exerce une pression très forte
sur les électeurs de la commune qu’il admi
nistre ; et il ie fait sans rien risquer
car nous avons encore — en faveur de
M. Samary, auquel il est attaché par les
liens du sang —en Algérie, des administra
teurs militaires. Il se lance à corps perdu
dans la bagarre et cela se conçoit, M. Sa
mary, son candidat, lui étant attaché par un
lien de parenté. Mais qu’on se iassure sur
son sort, il agit sans courir aucun danger.
; C est un officier et, à ce titre, tout est per
mis en Algérie, en territoire de comman
dement. Un administrateur civil qui ferait
une convocation officielle risquerait la
révocation. Un commandant supérieur de
cercle ne risque rien : les instructions mi
nistérielles ne sont pas faites pour lui, elles
ne lui sont pas môme adressées.
Ne serait-il pas temps de réagir contre le
retour offensif de quelques traîneurs de
sabre, et de leur faire comprendre que quels
que soient leurs sentiments secrets, ils doi
vent se borner à servir, le mieux qu’ils peu
vent, le gouvernement républicain qui le»
paye.
_
Informations algériennes
On nous écrit d’Hennaya que les rats con
tinuent à pulluler dans la région. C’est,
paraît-il, une véritable invasion qui occa
sionne un énorme dommage aux épis de
maïs dont la récolte est magnifique cette
année.
X
un intérêt annuel de cinq pour cent, on se
rait désormais tranquille. Aussitôt le procès
terminé, la Grande Maruière serait remise
en exploitation, avec un ingénieur comme
directeur des travaux. Et si le marquis vou*
lait être feage, en quelques années il arri
verait à éteindre sa dette. Mais il fallait,
par exemple, qu’il renonçât à se montrer
homme de génie et so contentât d’être bon
père de famille. Antoinette avait écouté M®
Malézeau avec une émotion profonde. Elle
lui serra la main, et des larmes roulèrent
dans ses yeux. Iis marchèrent pendant un
instant sans parler ; enfin elle lui dit :
— Je ne sais comment vous exprimer ma
gratitude .. Tout ce qui nous arrive d’heu
reux, c’est à vous que nous le devons...
Votre fidèle amitié, la première, a osé en
trer en lutte avec notre persécuteur. Elle
nous a valu l’aide providentielle de M. Pas
cal. C’est elle encore qui met fin à des em
barras financiers qui ajoutaient cruellement
à l’horreur de notre position... Tous les
jours de ma vie, je prierai pour vous...
Les yeux de Malézeau tourbillonnèrent
derrière ses lunettes, dont les verres s’obs
curcirent, comme des carreaux sous la pluie.
■ Il balbutia :
— Mademoiselle... Je suis pénétré... Ma
demoiselle... Un autre que moi a tout le
mérite... Mademoiselle...
Il craignit d’en trop dire, jeta à la jeune
fille uu regard terrible et se tut. •;
(A suivre ),
tfi'Eï'Er.TTfiiF: n‘,\ï ,kr
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
ALGÉRIE 4.5© 9
France ©
Un an
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
18
24
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Toutes les communications relatives aux aunnonces et réclames doives* t>
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Aljfcj;
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille!, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. ÀUDBOURG et O, place de la Bourse, 40,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats.
Algbr, le 49 Septembre 1885.
Notre feuilleton, LA GRANDE
MARNIÈRE, tirant à sa fin, nous
commencerons prochainement :
Roman dû à la plume autorisée de
MM. Racot et Georges Pradel qui
occupent actuellement une haute place
dans le journalisme parisien.
Cette œuvre remplie de situations
émouvantes est d’un intérêt poignant
du prologue à l’épilogue.
L’intrigue serrée, s’il en fut, est
menée avec une habilité hors de pair ;
les situations palpitantes s’y placent à
chaque instant et l’intérêt ne fait que
croître pour arriver au paroxysme de
l’émotionnant.
Nous ne préjugeons pas en affirmant
que nos lecteurs feront un excellent
accueil à ce drame aussi élégamment
écrit qu’intéressant.
4
L’UNITÉ
le la Représentation alQérîenne
Le fait a déjà été signalé plusieurs fois,
mais il est bon d’y revenir et. de bien le
constater : les radicaux intransigeants d’Al
ger ne partagent, en politique algérienne,
aucune des opinions professées par les ra
dicaux intransigeants de Coustantine, et si,
par aventure, les candidatures radicales
triomphaient dans les deux départements, on
assisterait à ce singulier spectacle de dépu
tés élus au même titre et incapables de
s’entendre sur une seule question algé
rienne.
En effet, pendant que les intransigeants
d’Alger, nuance du Radical algérien, sont
assimila-eurs outranciers et réclament à ce
titre la liquidation du Gouvernement géné
ral, les intransigeants de Constantine sont
franchement autonomistes.
Asseyez-les sur les mêmes bancs, et, lors
qu’une question algérienne se présentera
devant la Chambre, au lieu de trouver dans
notre députation la cohésion qui a fait sa
principale force, nous assisterons à des lut
tes instestines, chacun cherchant à faire
triompher son système sans se soucier au
trement du préjudice causé au pays, met
tant au-dessus de toutes les considérations,
la satisfaction que peut donner une victoire
personnelle.
Or, c’est là, nous ne craignons pas de le
dire, un des plus gros, des plus sérieux
dangers que l’on pourrait faire courir à
^Algérie.
Les députés donc le mandat expire n’ont
peut-être pas tous les mêmes opiniuns algé
riennes ; s’ils avaient été appelés chacun à
rédiger un programme, des divergences au
raient pu se produire sur bien des points,
mais du moins ils ont eu le patriotisme et le
bon sens de faire, toutes les fois qu’il l’a
fallu, abnégation de leurs idées pour se ral
lier à celle qui représentait le mieux l’opi
nion moyenne de leurs électeurs, qui était
la plus conforme aux intérêts de l’Algérie et
qui avait le plus de chances d’être acceptée
par leurs collègues.
D’un autre côté, la députation s’est appli
quée à vivre en parfait accord avec le Gou
verneur, à marcher constamment avec lui,
et c’est grâce à cette attitude qu’il lui a été
donné de jouer à la Chambre un rôle bien
plus considérable que l’on affecte de le
croire, et de rendre au pays des services
qui. pour être déniés ou contestés par quel
ques-uns, n’en subsistent pas moins.
Tout indique que, plus que jamais, il faut
persévérer dans cette voie, car on prévoit un
redoublement d’attaques de la part des en
nemis de l’Algérie Comment parviendrait-
on à les repousser, si ce soin était confié à
une députation partagée même sur les ques
tions de principe, et dont une partie prêtera
bien plutôt et fatalement la main à nos ad
versaires.
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
N° 06.
r L 1 . 11 ; .■
LA
PAR
Georges OHNET
En dépit de ces pronostics, à Clairefont,
on était relativement calme. L’état du mar
quis s’améliorait, et, torte des assurances
données par Pascal, Antoinetie s’était repri
se à espérer. Elle avait loyalement avoué sa
démarche à Croix-Mesnil, que cette inter
vention inattendue du fils de Carvajan avait
troublé jusqu’au fond de l’âme. Par une in
tuition particulière aux amoureux, il avait
pressenti un mystère et deviné un danger.
Quelle influence souveraine, autre que la
beauté de la jeune fille, avait pu faire un
allié du lendemain de cet ennemi de la veil
le? Une amertume secrète avait empoisonné
la joie que le baron eût dû éprouver. Mais
Il avait eu le courage de dissimuler, et, dans
son cœur généreux, la désir de voir triom
pher ses amis avait presque étouffé la jalou
sie qu’il ressentait déjà pour Pascal.
Enfin, le lendemain de sa rupture entre
Carvajan et son fils, Mlle de Saint-Maurice,
rappelée par l’inquiétude où la mettait l’an
nonce de la maladie de son beau-frère, était
revenue de Rouen, maigrie par les soucis,
mais plus écarlate que jamais. Malézeau
avait ramené la vieille fille dans son cabrio
let. Tout le long de la montée de Claire-
jont, ils avaient eu le temps de causer, et
lorsque la tante Isabelle, sur les piliers de
pierre qui soutenaient la grande grille de la
cour d’honneur, avait vu les igoobles affi
ches collées par Papillon, elle s’était élancée
à bas de la voiture, et, de sa propre main
arrachant les placards, les avait emportés
jusqu’au château.
Puis, en plein salon, les agitant avec un
geste de triomphe, elle s’était écriée :
— Voilà pour me faire des papillotes !
Il avait fallu la calmer. L’excitation du
voyage, le plaisir de sa retrouver à Ciaire-
font, les explications que Malézeau lui avait
fournies, la mettaient hors d’elle. On lui dé
montra que, pour être meilleure, la situa
tion n’était pas encore satisfaisante, et de
l’excès de la joie elle retomba dans 1 excès
de la désolation. Elle parla de Robert,
qu’elle n’avait pas pu arriver à voir, décri
vit l’horrible prison dans laquelle il était en
fermé, et fiait par pleurer. Le notaire dut
lui affirmer que prochainement elle aurait
par Pascal des nouvelles certaines. Aussitôt
le renvoi devant la cour d’assises décidé, le
défeuseur pourrait communiquer avec sou
client. Mlle de Saiat-Mauriee elle-même se
rait admise à le voir. C’était un temps assez
long à passer, mais avec l’espérance d’obte
nir un bon résultat. Car le nom seul de
Carvajan valait dix fois mieux pour Robert
que l’babileté banale d’un avocat de Paris.
Le talent de parole de Pascal n’était plus
C’est là un point de vue auquel les colons
feront bien de se placer, pour étudier les
candidatures en présence : qu’ils y songent
bien. Quel que soit le mérite individuel de
chaque député, on aurait une représentation
déplorable, si une entente n’était pas pos
sible eatre eux sur notre politique spéciale.
C’est précisément le danger qui nous me
nace avec les candidats opposés aux dépu
tés sortants. Au lieu de l’unité, de la cohé
sion qui nous oat valu tous les succès obte
nus, tous les périls évités par la députation,
dont le mandat est expiré, la nouvelle serait,
dès le premiér jour, en proie à la confusion
intestine et à des divisions qui ruineraient
à jamais son crédit et paralyseraient tous
les efforts que quelques-uns pourraient
tenter.
Cette éventualité est trop grave, trop pé
rilleuse, pour que l’Algérie aille de gaîté de
cœur s’y exposer.
Depuis l’aventure du général Boulanger à
Tunis, je trouve que certains officiers font
beaucoup trop parler d’eux.
A Tunis, à Alger, à Bel-Abbés, à TiareR
à Nemours, des scènes déplorables se sont
produites.
A Tunis, dans un café-concert et à propos
de bouquets donnés à des femmes et d’in
jures adressées à des civils, des soufflets
sont reçus ; le civil qui les applique est
coudamnè pour ce fait par un tribunal
français, et le général Boulanger trouvant
la condamnation trop douce, ne craint pas
de publier un ordre du jour outrageant pour
les juges français qui l’ont prononcée.
Il fait plus, il invite les officiers et soldats
à se servir de leurs armes contre les civils
avec lesquels ils pourront se quereller. Le
général Boulanger n’a pas été puni.
Ou se souvient de ce qui s’est passé à la
Taverne Grüber, il y a quelques mois. Un
capitaine se faisait jeter à la porte de l’éta
blissement ponr insultes envers un citoyen
qui dînait tranquillement avec sa femme.
A Bel-Abbès, ce sont les soldats qui trou
blent la fête Nationale du 14 juillet, sacea-
à prouver. On se souvenait des succès qu’il
avait remportés, alors qu’il n’était encore
qu’un débutant. Mûri par le travail, fortifié
par l'âge, enflammé par la passion qu’il
mettait à soutenir la cause du comte, il de
vait être pour le ministère public un adver
saire redoutable : on n’osait pas dire victo
rieux.
— J’avais toujours pensé que ce Pascal
était un honnê.e garçon, s’écria Mile de
Saint-Maurice d'une voix forte... Ah ! s’il
me rend mon pauvre Robert... il pourra
me demander ce qu il voudra. Oui, quoi que
ce soit, je la lui donnerai.
M. de Croix-Mesnil eut au pâle sourire.
— Ne ie lui dites pas trop, Mademoiselle ;
qui sait jusqu’où pourrait aller son ambi
tion ?
— Eile ne saurait être trop grande après
un tel service ! répliqua av- c exaltation la
tante Isabelle. L’honneur et la liberté d’un
Clairefont valent tout ce que nous possé
dons !... N’est-ce pas, Antoinette ?
— Oui, tante, dit froidement la jeune fille.
Elle se leva pour rompre l’entretien, et,
emmenant Malézeau sur la terrasse, lui posa
des questions sur 1 heureuse combinaison
au moyen de laquelle il avait arrêté les
poursuites de Carvajan.
Le notaire déclara avoir trouvé uu p ê-
teur daus des conditions très avantageuses.
Les affaires industrielles et commerciales
étant nulles, les capitalistes cherchaient des
placements sûrs. Un remboursement inté
gral avait procuré une garantie hypothé
caire au nouveau créancier, et, moyennant
gent la salle de bal, poursuivent les habi
tants dans les cafés, et se livrent à ces excès
en présence de leurs officiers qui restent
spectateurs indifférents.
A Tiaret, c’est plus grave encore et les
incidents qui s'y sont produits sont trop ré
cents pour avoir à les raconter de nouveau.
Mais que dire de ce lieutenant Tri don qui,
après avoir participé à ces tristes scènes,
ose s’eD faire ua titre et provoquer en duel
le journaliste qui avait fait connaître sa
conduite en l’atténuant et sans le nom
mer.
Dans le sud du département d'Alger, c’est
un autre genre : un ofïi.der supérieur en ac
tivité, chargé de fonctions administratives,
maire d’une commune qui compte une cen
taine d’électeurs, prend, sans courir le
moindre danger, une part active à la lutte
électorale et exerce une pression très forte
sur les électeurs de la commune qu’il admi
nistre ; et il ie fait sans rien risquer
car nous avons encore — en faveur de
M. Samary, auquel il est attaché par les
liens du sang —en Algérie, des administra
teurs militaires. Il se lance à corps perdu
dans la bagarre et cela se conçoit, M. Sa
mary, son candidat, lui étant attaché par un
lien de parenté. Mais qu’on se iassure sur
son sort, il agit sans courir aucun danger.
; C est un officier et, à ce titre, tout est per
mis en Algérie, en territoire de comman
dement. Un administrateur civil qui ferait
une convocation officielle risquerait la
révocation. Un commandant supérieur de
cercle ne risque rien : les instructions mi
nistérielles ne sont pas faites pour lui, elles
ne lui sont pas môme adressées.
Ne serait-il pas temps de réagir contre le
retour offensif de quelques traîneurs de
sabre, et de leur faire comprendre que quels
que soient leurs sentiments secrets, ils doi
vent se borner à servir, le mieux qu’ils peu
vent, le gouvernement républicain qui le»
paye.
_
Informations algériennes
On nous écrit d’Hennaya que les rats con
tinuent à pulluler dans la région. C’est,
paraît-il, une véritable invasion qui occa
sionne un énorme dommage aux épis de
maïs dont la récolte est magnifique cette
année.
X
un intérêt annuel de cinq pour cent, on se
rait désormais tranquille. Aussitôt le procès
terminé, la Grande Maruière serait remise
en exploitation, avec un ingénieur comme
directeur des travaux. Et si le marquis vou*
lait être feage, en quelques années il arri
verait à éteindre sa dette. Mais il fallait,
par exemple, qu’il renonçât à se montrer
homme de génie et so contentât d’être bon
père de famille. Antoinette avait écouté M®
Malézeau avec une émotion profonde. Elle
lui serra la main, et des larmes roulèrent
dans ses yeux. Iis marchèrent pendant un
instant sans parler ; enfin elle lui dit :
— Je ne sais comment vous exprimer ma
gratitude .. Tout ce qui nous arrive d’heu
reux, c’est à vous que nous le devons...
Votre fidèle amitié, la première, a osé en
trer en lutte avec notre persécuteur. Elle
nous a valu l’aide providentielle de M. Pas
cal. C’est elle encore qui met fin à des em
barras financiers qui ajoutaient cruellement
à l’horreur de notre position... Tous les
jours de ma vie, je prierai pour vous...
Les yeux de Malézeau tourbillonnèrent
derrière ses lunettes, dont les verres s’obs
curcirent, comme des carreaux sous la pluie.
■ Il balbutia :
— Mademoiselle... Je suis pénétré... Ma
demoiselle... Un autre que moi a tout le
mérite... Mademoiselle...
Il craignit d’en trop dire, jeta à la jeune
fille uu regard terrible et se tut. •;
(A suivre ),
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 87.29%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 87.29%.
- Auteurs similaires Robe Eugène Robe Eugène /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Robe Eugène" or dc.contributor adj "Robe Eugène")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bd6t544848z/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bd6t544848z/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bd6t544848z/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bd6t544848z/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bd6t544848z
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bd6t544848z
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bd6t544848z/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest