Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-09-10
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 septembre 1885 10 septembre 1885
Description : 1885/09/10 (A1,N56). 1885/09/10 (A1,N56).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t544838n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
MtEb'ECTUKE D'AI.UEI
DÉPÔT ü-TiAL
Première année. — N* 56. Le mimoi-o SS centimes. ) Jeudi, 10 septembre 1885.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
ABONNEMENTS :
Troi* moi* Six moi*
Un aa
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Toutes les communications relatives aux anunonces et réclames doive*t, en
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la Répobiiijae,
En France, les communications sont reçues savoir :
Algérie ...
Franck ....
4.50 9
6 i»
18
«4
Rue de la Marine, n® 9, ancien hôtel Bazin.
A Marseillh, ehex M. Gustave ALLARD, rue dn Bansset, A ;
A Paris, ehex MM. AUDBOURG et C*«, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonoes légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats
Alger, le 9 Septembre 1885.
LES HOMES DU JOUR
XXXVI
M. JACQUES
Sénateur d» département d’Oran
M. Jacqnes a aujourd’hui 7i ans bien son
nés et certes,à voir celte tête jeune encore, ce
regard vif et intelligent, cette démarche
allègre, on ne lui donnerait pas sou âge.
Le sénateur d Oran est, en effet, né à Bre-
teuil en 1817 (Oise), juste deux ans avant
l’assassinat du duc de Berry.
Sa jeunesse, ne fut pas, paraît-il, une
suite de prodiges ; de ce côté, l’honorable
sénateur d’Orao n’oblige pas les biographes
à tomber dans les redites. Il graudit comme
le commun des mortels, travailla avec assi
duité et décrocha, au boa moment, sa
licence en droit. Pourvu de ce diplôme qui
à cette époque, je parle de 1840, était appré
cié sur la place, M. Jacques entra dans le
barreau.
Malheureusement, il n’y avait pas, dans
l’Oise, une grande place à se faire; des avo
cats cotés tenaient le haut du pavé et il
aurait fallu au jeune stagiaire, malgré tout
son talent, attendre longtemps avant de
percer. Il était jeune, par conséquent aven
tureux. Tous les yeux se tournaient en ce
moment vers l’Algérie, qn’on dépeignait
comme un pays de cocagne. Le jeune licen
cié se rendit à Oran et se fit inscrire au
barreau de cette ville.
Au bout de peu de temps, il avait réussi
par l’amènènité de ses manières,par la droi
ture de sou caractère, par ia sincérité de
ses relations à se créer de sérieuses sympa
thies dans la ville ; son talent aidant, il
arriva bientôt à une haute situation. D»s
procès remarquables, qui vinrent le cher
cher dans son étude, le mirent définitive
ment en lumière et bientôt M. Jacques fut
connu dans les trois provinces. Il continua
à travailler sans relâche, et vers 1869, il
ôtait coté comme le premier avocat d’Oran.
A ce moment, les événements de 1870 se
précipitant, dame politique jeta les yeux
sur lui, il soutint énergiquement ce coup
d’œil et se présenta aux élections de 1871.
j&Il fut élu député le 7 juillet 1871, mais son
élection fut annulée pour cause d’irrégula
rité dans le recensement des votes. Réélu le
1 janvier 1873, il siégea à l’extrême gauche
«t prit une part active à toutes les discus
sions intéressant l’Algérie. Il se créa rapi
dement une situation remarquable auprès
de ses collègues et fit bénéficier son dépar
tement et la colonie de réformes utiles, vai
nement attendues depuis longues au nées.
Au seize mai, il fut un des 363. Il se
représenta devant ses électeurs et par 6,000
voix, les Oranais Envoyèrent de nouveau à
la Chambre reprendre son siège à l’extrême
gauche.
Aux élections de 1881, il rencontra la
même faveur et, au renouvellement triennal
du Sénat, s’ôtant porté candidat, il obtint le
8 janvier 1882, 70 voix sur 76 dont se com
posait le collège électoral.
Depuis son entrée au Luxembourg,
M. Jacques n’a cessé de s’occuper des inté
rêts de son département et de défendre la
cause algérienne, chaque fois que l’occasion
s’est présentée.
Dernièrement encore, il a soutenu et fait
aboutir, malgré les menées idiotes des Buf
fet et consorts, le projet du port de Mosta-
ganem.
M. Jacques est certainement le représen
tant de l’Algérie qui jouit auprès de ses
collègues de la plus haute considération.
Nous nous sommes trouvé maintes fois
en rapport avec cet excellent homme et nous
avons toujours pris plaisir à écouler ce gai
conteur, si affable, si naturel dans sa con
versation,
M. Jacques est un de ces hommes dont
on peut dire tout le bien possible, sans être
taxé d’exagération.
C’est un rude atout pour le département
d’Oran d’avoir un pareil représentant à sa
tôle. Avec lui, la réussite et la loyauté mar
chent de pairs.
Un confrère oranais dont j’âi beaucoup à
me louer depuis quelque temps et que je
remercie en passant. M. Grammont, rédac
teur en chef du Petit Africain, dit en par
lant da mou livre sur les troubles de l’an
dernier à Alger, que l’anti- sémitisme n’existe
pas à Oran et que môme à Alger, il n’existe
que comme élément de polémique.
M. Grammont a parfaitement raison. Je
ne crois pas assurément queM. Basset,rédac
teur en chef du Radial algérien et M.
Charles Marchai, rédacteur eu chef du Petit
Colon, soient animés des préjugés de race
qu’ils expriment dans leurs journaux.
On se souvient bien qu’ils écrivaient, il y
a dix ans ; le contraire de ce qu’ils écrivent
aujourd’hui, ce n’est ni à la race juive ni à
la religion israéiite qu’ils en veulent, mais
aux électeurs israêlites.Ils ne sont pas anti
sémites, mais ils veulent créer l’anti-sémi-
tisme dans l’espoir que les émeutes qu’ils
provoqueront auront pour effet de terroriser
les électeurs Israélites et de les empêcher
de participer aux manifestations électorales,
et aussi de créer un antagonisme tel, entre
les électeurs d’origine juive et ceux d’ori
gine chrétienne, que les candidats se voient
dans la nécessité de se déclarer hébréophi-
!es ou hèbréophobes, ce qui serait la honte
suprême pour le département d’Alger,
Mon honorable confrère, M, Grammont,
l’a bien pu voir depuis l’an dernier : mal
gré le blâme de la presse oranaise et cons-
tantinoise d’abord, et celui de la presse
métropolitaine ensuite, MM. Basset et Char
les Marchai n’ont pas désarmé ; ils ont con
tinué leur campagne anti-sémitique, sans
s’inquiéter de la réprobation dont ils étaient
l’objet en France et dont malheureusement
nous subissons le contre-coup.
La décoratiou Jaïs a été une bonne
fortune pour ces deux inséparables amis, et
il ne m’en coûte rien de convenir qu’ils
l’ont exploitée avec une certaine habileté.
Quoique facile, c’était certes un succès
que de convaincre nos pompiers qu’on
avait commis un grand crime en décorant
un des leurs et d’obtenir la démission de
quelques-uns d’entr’eux, démission qui de
vait provoquer celle des moutons de Pa-
nurge et amener la dissolution de la Com
pagnie.
Nos deux frères Siamois ont fait là un
coup de maître.
Je ne sais si c’est au vieux ou au jeune
qu’il faut en attribuer le mérite, mais, quel-
qu’en soit l’auteur et fut ce même, le plus
retors des agents d’affaires de ce pays, je
ne lui en ferai pas moins de compliment et
je le fais, avec d’autant plus de plaisir, que
leur campagne a eu un bon résultat, celui
de débarrassée la Compagnie de quelques
grotesques, à la tête desquels figurait feu le
commandant au plumet blanc.
Us savent si bien ces deux radicaux si di
gnes de s’entendre et si faits pour s’aimer,
que c’est là leur unique tremplin électoral
qu’ils ont garde de le laisser tomber
dans l’oubli ; il leur faut l’agitation anti
sémitique et ils l’auront quand même.
Aussi, sont-ils impatients de voir Leteilier
rendre compte dans une réunion publique,
non pas de son mandat électoral qu’il a
rempli convenablement ; ils s’en moquent
pas mal, mais de sa participation dans le
faitde la décoration donnée à un adjudant
des pompiers, ayant accompli de nombreux'
actes de dévouement, ayant obtenu des mfe»
dailles d’argent et d’or du gouvernement,
mais né dans la religion israéiite comme*
le patriote Granchette, le démocrate Gaston
Crémieux.
C’est là-dessus que les amateurs de bou
can comptent. Les cris, lesinjures, les vocifé
rations de quelques braillards empêcheront
notre représentant de s’expliquer et le len
demain ils s’imagineront avoir remporté 1%
victoire.
Erreur ! Ils n’auront réussi qu’à faire le
ver la séance.
Mais au jour du scrutin ce sont les élec
teurs qui votent et alors on verra ce que va
lent les cris des amis de MM. Basset et Mar
chai.
informations nigériennes
Le Conseil municipal d’Oran donnant us
avis qui lui était demaodé par le ministre, a
admis à l’unanimité le vœu que le concours
général agricole de l’Algérie de 1886 ait
lieu à Oran.
X
Ou annonce à Bliia l’apr>arition d’un nou
veau journal, la Démocratie, écho des cen
tres de la Mitidja ayant pour rédacteur ex
chefM. Félix Guéiaud, architecte à Biida*
X
Il est question de bâtir un grand baraque
ment pour les malades venant des divers
chantiers de la compagnie des chemins de
l’Est-Algérien. Les médecins se seraient
réunis le 2 à Haussonvillers pour choisir
l’emplacement.
X
M. le sénateur Forcîoli quittera Paris
mercredi, s’embarquera à Port-Vendres et il
arrivera à la fin de la semaine prochaine à
Constantine.
X
Par décision de M. le Gouverneur géné
ral, eu data du 2 septembre 1885, Si Et-
Bachir ben Safar a été nommé cheik indé
pendant d’El-Kantara annexe de Barika,
cercle de Biskra, subdivision de Batna, eu
remplacement de Belkacem ben Bellil. ré
voqué
X
MM. Leteilier et Boarlier viennent dé
terminer une tournée en Kubylie. Nos deux
candidats n’ent en qu’à se louer de l’accueil
qui leur a été fait dans toutes les villes et
Feuillet» de LA DÉPÊCHÉ ALGÉRIENNE
N® 56.
LA
GRAM MARHIÊRE
PAR
Georges OHNET
D’un bond le marquis se trouva debout :
il saisit le banquier à la cravate, et, les
■yeux flamboyants, la lèvre tremblante, le
poussant contre un des piliers da pierre
avec une force prodigieuse :
Misérable ! tu as menti !... Avoue que
toi as menti... ou je t’étrangle !
Les deux hommes luttèrent ainsi pendant
quelques secondes. Mais la vigueur factice
du marquis ne fut pas de longue durée, et,
froissé, secoué par Carvajan qui jurait, il se
laissa aller défaillant dans les bras de Ton
deur venu à son secours.
— Ah ! tonnerre ! Le vieux brigand ! Il
veut recommencer les voies de fait ! cria le
maire... Tondeur, vous êtes témoin... Il a
porté la main sur un officier municipal...
nom de nom ! Je le fais passer en justice,
lui aussi !
— Allons ! monsieur Carvajau, faut vous
calmer, dit Tondeur, qui prit le vieillard en
S itiê... Vous lui avez porté un rude coup...
lt il n’a pas été maitre d’un premier mou
vement...
— Eh bien ! je le materai, moi ! cria
Carvajan... Ah! ca le chiffonne de voir
son fils en cour d’assises?... Je le ferai
aller plus loin, moi, pour lui apprendre le
respect qu’on doit aux personnes !
Le vieillard rouvrit les yeux, et, décom
posé par la douleur, il répéta avec un ac
cent déchirant :
— En cour d’assises... Mon fils... Mon
Robert Est-ce possible.... Qu’a-t-il
fait?
Carvajan s’approcha, et, son visage en
flammé touchant presque celui du mar
quis :
— Il a suivi la tradition paternelle : il a
enlevé une fille... Seulement, comme elle
se défendait, celle-là... il l’a étranglée !...
Voilà ce qu’il a fait !
M, de Clairefont se leva, et s’adressant à
son ennemi sur le ton de la prière :
— Il est impossible qu’il soit coupable...
C’est mon fils, monsieur. Vous aussi, vous
avez un enfant... Songez à ce que je souf
fre... Un pauvre garçon, innocent du cri
me dont on l’accuse... Oh ! je suis à votre
merci. Je ferai ce que vous voudrez... Je
reconnais mes torts... Mais je vous en
prie... je sens que vous pouvez tout pour
le malheureux Robert... Soyez indulgent !.
Sauvez-le !... JRendez-le moi !...
Carvajan, les bras croisés, avait écouté,
impassible.
— Ah ! ah ! tout à l’heure vous m'insul
tiez... Vous m’implorez maintenant. Lâche
té et hypocrisie ! Suis-je donc de vos amis,
pour vous rendre service ?
Le vieillard courba sa tête blanche.
— Monsieur Carvajan... je regrette pro
fondément ce que je vous ai fait...
— Croyez-vous que vous effacerez l’ou
trage avec quelques paroles ?... J’en porte
encore les traces sur ma joue, après tant
d’heures écoulées.
U prit rudement Honoré par le bras, et,
l’attirant près de la fenêtre :
— Tenez, regardez cette place, devant
votre perron... C’est là que vous m’avez
fait renverser par vos chevaux et frapper
par vos laquais...
— Eh bien ! s’écria avec exaltation le
marquis, descendez avec moi; je vais, si
vous l’exiger, à cette même place, me met
tre à genoux pour vous demander la grâce
de mon fils !
Devant son ennemi vaincu, suppliant et
pleurant, le tyran resta un moment immobile
et muet. Il regardait les larmes couler sur
les joues d’Honorè, il se disait : Le voilà
écrasé. Il est à mes pieds. Le rêve dévo
rant de mes nuits est réalisé : je triomphe
je suis heureux. Il se répéta : « Je suis
heureux » ; mais il sentait qu’il ne l’était
pas. Une amertume persistait en lui, et sa
soif de vengeance n’était pas assouvie. Il
tourna sur ses talons, et, s’éloignant :
— Je me soucie bien, dit-il, de vos amen
des honorables... Avec vous et votre fils ce
serait toujours à recommencer !... Je vous
tiens : je ne vous lâche pas !... C’est vous
qui avez commencé la lutte. Ne vous éton
nez pas si je la pousse à outrance... Rang,
fortune, considération, vous aviez tout, et
moi rien... Prochainement, nous ferons
chacun notre compte.
Le marquis, à cette dure réponse, com«*
prit que tout espoir était perdu. Il fut*pria
d’uo vertige. Et, regardant avec égarement
ce monstre qui se faisait une joie de ses
souffrances :
•— Si le ciel est juste, vous serez frappé
dans votre fils, s ècria-t-il. Oui, puisque
vous êtes impitoyable pour le mien, le vôtres
sera implacable pour vous !... Scélérat,
vous avez donné naissance à un honnêtçtv
homme. C’est lui qui vous châtiera.
Ces paroles, prononcées par le marquis*
avec la fièvre da la démence, firent tressaü-,
lir Carvajan de crainte et de colère.
— Pourquoi me dites-vous cela? cria--
t—il.
Il vit le vieillard marcher au hasard,
le regard trouble et le geste désordonné.
— Je crois qu’il devient fou, murmura-t-
il à Tondeur...
— Ah ! ah! ricana le marquis... mes en
nemis me vengeront eux-mêmes... Oui, let,
fils est un hoanête homme... Il a déjà
quitté la maison paternelle ... Il aura
horreur de ce qu’il verra faire autour da
lui...
Il marcha sur Carvajan.
— Hors d’ici monstre ! Ta besogne est.
faite... Tu as volé ma fortune, tu as volé
mon honneur... Il n’y a plus rien que moa.
œuvre... mais tu ne l’auras pas !
(A suture.)
DÉPÔT ü-TiAL
Première année. — N* 56. Le mimoi-o SS centimes. ) Jeudi, 10 septembre 1885.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
ABONNEMENTS :
Troi* moi* Six moi*
Un aa
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Toutes les communications relatives aux anunonces et réclames doive*t, en
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la Répobiiijae,
En France, les communications sont reçues savoir :
Algérie ...
Franck ....
4.50 9
6 i»
18
«4
Rue de la Marine, n® 9, ancien hôtel Bazin.
A Marseillh, ehex M. Gustave ALLARD, rue dn Bansset, A ;
A Paris, ehex MM. AUDBOURG et C*«, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonoes légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats
Alger, le 9 Septembre 1885.
LES HOMES DU JOUR
XXXVI
M. JACQUES
Sénateur d» département d’Oran
M. Jacqnes a aujourd’hui 7i ans bien son
nés et certes,à voir celte tête jeune encore, ce
regard vif et intelligent, cette démarche
allègre, on ne lui donnerait pas sou âge.
Le sénateur d Oran est, en effet, né à Bre-
teuil en 1817 (Oise), juste deux ans avant
l’assassinat du duc de Berry.
Sa jeunesse, ne fut pas, paraît-il, une
suite de prodiges ; de ce côté, l’honorable
sénateur d’Orao n’oblige pas les biographes
à tomber dans les redites. Il graudit comme
le commun des mortels, travailla avec assi
duité et décrocha, au boa moment, sa
licence en droit. Pourvu de ce diplôme qui
à cette époque, je parle de 1840, était appré
cié sur la place, M. Jacques entra dans le
barreau.
Malheureusement, il n’y avait pas, dans
l’Oise, une grande place à se faire; des avo
cats cotés tenaient le haut du pavé et il
aurait fallu au jeune stagiaire, malgré tout
son talent, attendre longtemps avant de
percer. Il était jeune, par conséquent aven
tureux. Tous les yeux se tournaient en ce
moment vers l’Algérie, qn’on dépeignait
comme un pays de cocagne. Le jeune licen
cié se rendit à Oran et se fit inscrire au
barreau de cette ville.
Au bout de peu de temps, il avait réussi
par l’amènènité de ses manières,par la droi
ture de sou caractère, par ia sincérité de
ses relations à se créer de sérieuses sympa
thies dans la ville ; son talent aidant, il
arriva bientôt à une haute situation. D»s
procès remarquables, qui vinrent le cher
cher dans son étude, le mirent définitive
ment en lumière et bientôt M. Jacques fut
connu dans les trois provinces. Il continua
à travailler sans relâche, et vers 1869, il
ôtait coté comme le premier avocat d’Oran.
A ce moment, les événements de 1870 se
précipitant, dame politique jeta les yeux
sur lui, il soutint énergiquement ce coup
d’œil et se présenta aux élections de 1871.
j&Il fut élu député le 7 juillet 1871, mais son
élection fut annulée pour cause d’irrégula
rité dans le recensement des votes. Réélu le
1 janvier 1873, il siégea à l’extrême gauche
«t prit une part active à toutes les discus
sions intéressant l’Algérie. Il se créa rapi
dement une situation remarquable auprès
de ses collègues et fit bénéficier son dépar
tement et la colonie de réformes utiles, vai
nement attendues depuis longues au nées.
Au seize mai, il fut un des 363. Il se
représenta devant ses électeurs et par 6,000
voix, les Oranais Envoyèrent de nouveau à
la Chambre reprendre son siège à l’extrême
gauche.
Aux élections de 1881, il rencontra la
même faveur et, au renouvellement triennal
du Sénat, s’ôtant porté candidat, il obtint le
8 janvier 1882, 70 voix sur 76 dont se com
posait le collège électoral.
Depuis son entrée au Luxembourg,
M. Jacques n’a cessé de s’occuper des inté
rêts de son département et de défendre la
cause algérienne, chaque fois que l’occasion
s’est présentée.
Dernièrement encore, il a soutenu et fait
aboutir, malgré les menées idiotes des Buf
fet et consorts, le projet du port de Mosta-
ganem.
M. Jacques est certainement le représen
tant de l’Algérie qui jouit auprès de ses
collègues de la plus haute considération.
Nous nous sommes trouvé maintes fois
en rapport avec cet excellent homme et nous
avons toujours pris plaisir à écouler ce gai
conteur, si affable, si naturel dans sa con
versation,
M. Jacques est un de ces hommes dont
on peut dire tout le bien possible, sans être
taxé d’exagération.
C’est un rude atout pour le département
d’Oran d’avoir un pareil représentant à sa
tôle. Avec lui, la réussite et la loyauté mar
chent de pairs.
Un confrère oranais dont j’âi beaucoup à
me louer depuis quelque temps et que je
remercie en passant. M. Grammont, rédac
teur en chef du Petit Africain, dit en par
lant da mou livre sur les troubles de l’an
dernier à Alger, que l’anti- sémitisme n’existe
pas à Oran et que môme à Alger, il n’existe
que comme élément de polémique.
M. Grammont a parfaitement raison. Je
ne crois pas assurément queM. Basset,rédac
teur en chef du Radial algérien et M.
Charles Marchai, rédacteur eu chef du Petit
Colon, soient animés des préjugés de race
qu’ils expriment dans leurs journaux.
On se souvient bien qu’ils écrivaient, il y
a dix ans ; le contraire de ce qu’ils écrivent
aujourd’hui, ce n’est ni à la race juive ni à
la religion israéiite qu’ils en veulent, mais
aux électeurs israêlites.Ils ne sont pas anti
sémites, mais ils veulent créer l’anti-sémi-
tisme dans l’espoir que les émeutes qu’ils
provoqueront auront pour effet de terroriser
les électeurs Israélites et de les empêcher
de participer aux manifestations électorales,
et aussi de créer un antagonisme tel, entre
les électeurs d’origine juive et ceux d’ori
gine chrétienne, que les candidats se voient
dans la nécessité de se déclarer hébréophi-
!es ou hèbréophobes, ce qui serait la honte
suprême pour le département d’Alger,
Mon honorable confrère, M, Grammont,
l’a bien pu voir depuis l’an dernier : mal
gré le blâme de la presse oranaise et cons-
tantinoise d’abord, et celui de la presse
métropolitaine ensuite, MM. Basset et Char
les Marchai n’ont pas désarmé ; ils ont con
tinué leur campagne anti-sémitique, sans
s’inquiéter de la réprobation dont ils étaient
l’objet en France et dont malheureusement
nous subissons le contre-coup.
La décoratiou Jaïs a été une bonne
fortune pour ces deux inséparables amis, et
il ne m’en coûte rien de convenir qu’ils
l’ont exploitée avec une certaine habileté.
Quoique facile, c’était certes un succès
que de convaincre nos pompiers qu’on
avait commis un grand crime en décorant
un des leurs et d’obtenir la démission de
quelques-uns d’entr’eux, démission qui de
vait provoquer celle des moutons de Pa-
nurge et amener la dissolution de la Com
pagnie.
Nos deux frères Siamois ont fait là un
coup de maître.
Je ne sais si c’est au vieux ou au jeune
qu’il faut en attribuer le mérite, mais, quel-
qu’en soit l’auteur et fut ce même, le plus
retors des agents d’affaires de ce pays, je
ne lui en ferai pas moins de compliment et
je le fais, avec d’autant plus de plaisir, que
leur campagne a eu un bon résultat, celui
de débarrassée la Compagnie de quelques
grotesques, à la tête desquels figurait feu le
commandant au plumet blanc.
Us savent si bien ces deux radicaux si di
gnes de s’entendre et si faits pour s’aimer,
que c’est là leur unique tremplin électoral
qu’ils ont garde de le laisser tomber
dans l’oubli ; il leur faut l’agitation anti
sémitique et ils l’auront quand même.
Aussi, sont-ils impatients de voir Leteilier
rendre compte dans une réunion publique,
non pas de son mandat électoral qu’il a
rempli convenablement ; ils s’en moquent
pas mal, mais de sa participation dans le
faitde la décoration donnée à un adjudant
des pompiers, ayant accompli de nombreux'
actes de dévouement, ayant obtenu des mfe»
dailles d’argent et d’or du gouvernement,
mais né dans la religion israéiite comme*
le patriote Granchette, le démocrate Gaston
Crémieux.
C’est là-dessus que les amateurs de bou
can comptent. Les cris, lesinjures, les vocifé
rations de quelques braillards empêcheront
notre représentant de s’expliquer et le len
demain ils s’imagineront avoir remporté 1%
victoire.
Erreur ! Ils n’auront réussi qu’à faire le
ver la séance.
Mais au jour du scrutin ce sont les élec
teurs qui votent et alors on verra ce que va
lent les cris des amis de MM. Basset et Mar
chai.
informations nigériennes
Le Conseil municipal d’Oran donnant us
avis qui lui était demaodé par le ministre, a
admis à l’unanimité le vœu que le concours
général agricole de l’Algérie de 1886 ait
lieu à Oran.
X
Ou annonce à Bliia l’apr>arition d’un nou
veau journal, la Démocratie, écho des cen
tres de la Mitidja ayant pour rédacteur ex
chefM. Félix Guéiaud, architecte à Biida*
X
Il est question de bâtir un grand baraque
ment pour les malades venant des divers
chantiers de la compagnie des chemins de
l’Est-Algérien. Les médecins se seraient
réunis le 2 à Haussonvillers pour choisir
l’emplacement.
X
M. le sénateur Forcîoli quittera Paris
mercredi, s’embarquera à Port-Vendres et il
arrivera à la fin de la semaine prochaine à
Constantine.
X
Par décision de M. le Gouverneur géné
ral, eu data du 2 septembre 1885, Si Et-
Bachir ben Safar a été nommé cheik indé
pendant d’El-Kantara annexe de Barika,
cercle de Biskra, subdivision de Batna, eu
remplacement de Belkacem ben Bellil. ré
voqué
X
MM. Leteilier et Boarlier viennent dé
terminer une tournée en Kubylie. Nos deux
candidats n’ent en qu’à se louer de l’accueil
qui leur a été fait dans toutes les villes et
Feuillet» de LA DÉPÊCHÉ ALGÉRIENNE
N® 56.
LA
GRAM MARHIÊRE
PAR
Georges OHNET
D’un bond le marquis se trouva debout :
il saisit le banquier à la cravate, et, les
■yeux flamboyants, la lèvre tremblante, le
poussant contre un des piliers da pierre
avec une force prodigieuse :
Misérable ! tu as menti !... Avoue que
toi as menti... ou je t’étrangle !
Les deux hommes luttèrent ainsi pendant
quelques secondes. Mais la vigueur factice
du marquis ne fut pas de longue durée, et,
froissé, secoué par Carvajan qui jurait, il se
laissa aller défaillant dans les bras de Ton
deur venu à son secours.
— Ah ! tonnerre ! Le vieux brigand ! Il
veut recommencer les voies de fait ! cria le
maire... Tondeur, vous êtes témoin... Il a
porté la main sur un officier municipal...
nom de nom ! Je le fais passer en justice,
lui aussi !
— Allons ! monsieur Carvajau, faut vous
calmer, dit Tondeur, qui prit le vieillard en
S itiê... Vous lui avez porté un rude coup...
lt il n’a pas été maitre d’un premier mou
vement...
— Eh bien ! je le materai, moi ! cria
Carvajan... Ah! ca le chiffonne de voir
son fils en cour d’assises?... Je le ferai
aller plus loin, moi, pour lui apprendre le
respect qu’on doit aux personnes !
Le vieillard rouvrit les yeux, et, décom
posé par la douleur, il répéta avec un ac
cent déchirant :
— En cour d’assises... Mon fils... Mon
Robert Est-ce possible.... Qu’a-t-il
fait?
Carvajan s’approcha, et, son visage en
flammé touchant presque celui du mar
quis :
— Il a suivi la tradition paternelle : il a
enlevé une fille... Seulement, comme elle
se défendait, celle-là... il l’a étranglée !...
Voilà ce qu’il a fait !
M, de Clairefont se leva, et s’adressant à
son ennemi sur le ton de la prière :
— Il est impossible qu’il soit coupable...
C’est mon fils, monsieur. Vous aussi, vous
avez un enfant... Songez à ce que je souf
fre... Un pauvre garçon, innocent du cri
me dont on l’accuse... Oh ! je suis à votre
merci. Je ferai ce que vous voudrez... Je
reconnais mes torts... Mais je vous en
prie... je sens que vous pouvez tout pour
le malheureux Robert... Soyez indulgent !.
Sauvez-le !... JRendez-le moi !...
Carvajan, les bras croisés, avait écouté,
impassible.
— Ah ! ah ! tout à l’heure vous m'insul
tiez... Vous m’implorez maintenant. Lâche
té et hypocrisie ! Suis-je donc de vos amis,
pour vous rendre service ?
Le vieillard courba sa tête blanche.
— Monsieur Carvajan... je regrette pro
fondément ce que je vous ai fait...
— Croyez-vous que vous effacerez l’ou
trage avec quelques paroles ?... J’en porte
encore les traces sur ma joue, après tant
d’heures écoulées.
U prit rudement Honoré par le bras, et,
l’attirant près de la fenêtre :
— Tenez, regardez cette place, devant
votre perron... C’est là que vous m’avez
fait renverser par vos chevaux et frapper
par vos laquais...
— Eh bien ! s’écria avec exaltation le
marquis, descendez avec moi; je vais, si
vous l’exiger, à cette même place, me met
tre à genoux pour vous demander la grâce
de mon fils !
Devant son ennemi vaincu, suppliant et
pleurant, le tyran resta un moment immobile
et muet. Il regardait les larmes couler sur
les joues d’Honorè, il se disait : Le voilà
écrasé. Il est à mes pieds. Le rêve dévo
rant de mes nuits est réalisé : je triomphe
je suis heureux. Il se répéta : « Je suis
heureux » ; mais il sentait qu’il ne l’était
pas. Une amertume persistait en lui, et sa
soif de vengeance n’était pas assouvie. Il
tourna sur ses talons, et, s’éloignant :
— Je me soucie bien, dit-il, de vos amen
des honorables... Avec vous et votre fils ce
serait toujours à recommencer !... Je vous
tiens : je ne vous lâche pas !... C’est vous
qui avez commencé la lutte. Ne vous éton
nez pas si je la pousse à outrance... Rang,
fortune, considération, vous aviez tout, et
moi rien... Prochainement, nous ferons
chacun notre compte.
Le marquis, à cette dure réponse, com«*
prit que tout espoir était perdu. Il fut*pria
d’uo vertige. Et, regardant avec égarement
ce monstre qui se faisait une joie de ses
souffrances :
•— Si le ciel est juste, vous serez frappé
dans votre fils, s ècria-t-il. Oui, puisque
vous êtes impitoyable pour le mien, le vôtres
sera implacable pour vous !... Scélérat,
vous avez donné naissance à un honnêtçtv
homme. C’est lui qui vous châtiera.
Ces paroles, prononcées par le marquis*
avec la fièvre da la démence, firent tressaü-,
lir Carvajan de crainte et de colère.
— Pourquoi me dites-vous cela? cria--
t—il.
Il vit le vieillard marcher au hasard,
le regard trouble et le geste désordonné.
— Je crois qu’il devient fou, murmura-t-
il à Tondeur...
— Ah ! ah! ricana le marquis... mes en
nemis me vengeront eux-mêmes... Oui, let,
fils est un hoanête homme... Il a déjà
quitté la maison paternelle ... Il aura
horreur de ce qu’il verra faire autour da
lui...
Il marcha sur Carvajan.
— Hors d’ici monstre ! Ta besogne est.
faite... Tu as volé ma fortune, tu as volé
mon honneur... Il n’y a plus rien que moa.
œuvre... mais tu ne l’auras pas !
(A suture.)
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