Titre : Le Cri du peuple : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1871-02-24
Contributeur : Vallès, Jules (1832-1885). Directeur de publication
Contributeur : Allemane, Jean (1843-1935). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32752488q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 24 février 1871 24 février 1871
Description : 1871/02/24 (A1,N3). 1871/02/24 (A1,N3).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4683736d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-46
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/07/2017
LE CRI DU PEUPLE
Journal .politique quotidien „■
| SWm; - ï J
i ?....
1" Année.- — N" 3. CINQ CENTIMES 7;: ; ; J i Vendredi, 24 février 1871;
ABONNEMENT
Un mois. .... » . ^ ... 2 fr.
Trois mois......... 5
* --
ANNONCES:
V. AUBER, 34, rue Vivienne
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
61, rue de Rennes
Rédacteur en chef : JULES V^ïJUÈ1®
BUREAUX DE VENTE
0, rue d'Abonkir, et 13 rue du Croissant
LES CHARLANTANS POLITIQUES
On les appelle en langage noble des hom-
mes d'Etat.
On les fait venir comme les sorciers de
village et les Nélatons de marchand de vins,
dès qu'il y a une promesse à dénouer, une
convention à martyriser, de l'honneur à
perdre, un blessé à achëver, nn mort à sa-
lir. On les charge de guérir l'entorse parce
qu'on est sûr qu'ils casseront la jambe, de
domer une potion au malade parce qu'on
sait qu'ils cnt du poison dans leurs fioles.
On a choisi M. Thiers pour s'asseoir au
chevet de la République; il faut qu'elle
meure,et on compte qu'il fera la besogne : il
la fera; vautour à tête de perroquet, taupe
à lunettes, polichinelle,tricolore ! .. ;
Il la fera, c'est possible, hélas ! mais il n'a
pas que la République à tuer, il a la France
it faire vivre, car il pourra jeter à l'eau les
couleurs qui flottent au haut du -mât et y je-
t,-r aussi quelques matelots révoltés ; mais,
ea ce moment de crise, placéau gouvernail,
surveillant la voilure , peut-il conjurer la
tempête? -
Non! il ne petit pas, cet homme d'Etat !
Les hommes d'Etat ! — la bourgeoisie en
rêve et la foule y croit, — si bien qu'elles se
funt, bourgeoisie et foule, complices souvent
de besognes sinistres !
Les hommes d'Etat ! — Il pouvait y en
avoir encore quand il y avait une cour et des
gentilshommes, quand on ne voyait au des-
sus de la nation muette que la perruque du
roi ou le bonnet du prêtre ! Mais 89 est ar-
rivé dans l'habit noir de Mirabeau, et 93 a
passé dans l'habit bleu de Robespierre ; puis
un a vu les blouses descendre par cent miile,
marchant vers l'Hôtel de Ville ou la place
de Grève ; et on ne les mène pas comme on
veut, ces blouses là !
M. Thiers le sait bien, lui qui dut s'enfuir
devant lt. Peuple, dans la nuit de Février —
il venait sur l'âne blanc du libéralisme, on
* ie hua, et il trébucha contre une barricade ;
il ne se connaît pas à manier les foules.
Lapidé par Jacques Bonhomme, il a été
floué par Barrabas, ce Messie !
C'est lui qui a ramené au grand jour de
l'histoire les Napoléon; c'est lui qui a mis
dix ans pour redorer le manteau sur les
épaules du César vaincu à Waterloo et en-
terré à Sainte-Hélène, lui qui a remis le
Corse debout sur le piédestal de son livre,
réhabilité ce Mandrin couronné, et donné à
tinter dans le Petit Chapeau au bandit du
coup d'Etat. -
Il a bien pu à un moment demander des.
juges pour le neveu et réclamer la prison
perpétuelle contre l'insurgé de Strasbourg ;
il était trop tard, le mal était fait.
Il avait réussi — cet habile — à rendre
l'honneur à une race scélérate, la vie à une
dynastie morte, qui se servit de lui deux
ans, puis le fit empoigner comme un simple
Greppo, le 2 Décembre, lui offrit une place
dans une cellulaire en échange d'un trône,
lui mit le nez — jusqu'aux lunettes — dans
la crotte et le sang, le poussa vers l'exil, et
le tint pendant vingt ans inutile et vaincu !
Voilà le bilan : — seize ans ministre,
vingt ans vaincu ! — Ayant ouvert à Napo-
éon III le chemin des Tuileries èt aussi la
route de Sedan.
Il est pour une bonne part dans les
malheurs de la patrie, ce vieillard ! On l'a
chargé de la sauver ! o <
i
Que fait-il?
Il commence par irriter la douleur toute
vive de Paris meurtri, en choisissant pour
bander la plaie, comme a dit Jules Favre,
ceux-là même qui l'ont élargie et empoison-
née. Il prend ce Favre, il prend Ernest Pi-
card et Jules Simon, — il né les prend pas
parce qu'il les apprécie, — il les dédaigne;—
parce qu'il les estime : il les méprise ! Il
les prend parce qu'il croit,— politique à courte
vue, — que les blessures d'un monde sont fer-
mées lorsque la bouche de quelques ambi-
tieux est close, quand on a allongé en porte-
feuille de ministre quelques serviettes d'avo-
cat, quand, devant le tapis vert où se joue le
sort de là nation, il aura fait embrasser -en-
semble Laramée et Patelin, Le Flô et Si-
mon,'DufèTure et Jules Favre, Pet-de*Loup
et Judas! V
Il a appelé à son secours comme commis-
saire un prudhomme rouge et bouffi : Sarot* -
Marc-Girardin, qui traînera sa houppelande
der rière son pet-en-l'air dans les anticham-
bres de Versailles.
Les voyez-vous, ventres bedonnants, crâ-
nes chauves, fronts bas ! — pas un nom
, veau, une tête fière.
Les jeunes qui se sont traînés 'à sa remor-
que ne sont pas de taille, il paraît.! j'ai con-
nu les malheureux; ilsont l'inquiétude mala-
dive,la fatigue grimaçante de ceux qui s'ac-
colent à des vieux; qui respirant le moisi d'une
école, y prennent le teint blême et le regard
terne des enfermés. Les élèves forts-de ce
Machiavel, s'appellent Weiss, sang aigri ;
Hervé, encore pâle, — Paradol, cervelle
noire !
Paradol? c'était le Benjamin, il se tue. —
Ceux-ci se fanent, ceux-là se suicident.
Eh bien! mieux vaut avoir été touiJLe
temps misérable et être resté libre, avoir
vécu au gré de sjn coeur , en pleine
liberté et en plein péril! Mieux vaudrait
devenir le prisonnier de ces charlatans,
qu'avoir été leur élève, être le patient et
non pas Vert-de-gris.
On meurt à la peine, ou bien l'on est as-
sassiné. Mais, au moment de disparaître, on
est fier de sa vie, et Paradol eut honte de la
sienne. Allons! guerre au passé! foi dans
l'avenir ! salut à la Révolution.
Ils vont l'insulter et la mitrailler, ces
vieux. — Ils le peuvent. - Mais on peut
bien aussi cracher dans un torrent.
JULES VALLÈS.
ECHOS
Quelques journaux annoncent que le nouveau
ministre de la marine, l'amiral Potbuau, a
choisi pour la direction des colonies M. Hervé,
du Journal de Paris.
Il y a là, croyons-nous, confusion de person-
nes.
Le nouveau directeur des colonies doit être
M. Hervé, l'auteur du Petit Faust,
La composition ultra-rigolo du nouveau minis-
tère ne peut laisser subsister aucune équivoque
à r,A snîpt
Tous les journaux enregistrent avee une in-
différence remarquable la dépêche suivante :
« La Prusse reconnaîtra bientôt le gouverne-
ment républicain en France.
« M. de Bismark ne se prononce nullement
coptre la République... »
Allons, tant mieux !
Deux navires avec des troupes viennent d'être
envoyés en Corse, où des troubles graves ont
éclaté, par suite des manœuvres bonapartistes.
Ces navires sont partis de Toulon.
La suppression du bagne de cette ville porte à
croire que ces navires, en quittant la Corse, se
dirigeront directement sur Cayenne.
Une souscription est ouverte pour offrir à Ga-
ibaldi une épée d'honneur.
Très bien !
Mais cependant on en devrait bien plutôt une
à Trochu, car tout le monde sait qu'il a avalé la
sienne,1
La commission des Quinze, — a demandé Gam-
betta, — participera-t-elle aux travaux des négo-
ciations de la paix ?
Non, — a répondu l'héroïque Simon, — ce
seront des entremetteurs....
Des entremetteurs entre l'Assemblée et les
agents diplomatiques.
Des Quinze vains, quoi !
L'ex-empereur, à ce que rapportent quelques
journaux, aurait envoyé aussi ses représentants
à Versailles.
En effet l'empire c'est la paix.
Et la paix, c'est presque l'empire.
Tout porte à croire que les deux collèges de
négociateurs fusionneront, pour rétablir an plus
tôt et de concert l'ordre troublé, comme dit
Thiers (Adolphe !).
L'in tendance mi i itair*e va être réorganisée.
Il est bien temps, maintenant!
Il est utile d'apprendre ,,-iupu-bl-ic que pendant
tout le siège de Paris, l'intendant général de
Napoléon 111, M. 'Wolf, a été maintenu à son
poste. •- -
C'est le même M Wolf qui avait si bien ap-
provisionné nos troupes d 8 vivres et de muni-
tions pendant toutela partie de la campagne qui
précéda Sedan.
*
Le préfet de police, M. Cresson — surnommé
la santé du corps, parce qu'il fait pourrir les
Républicains dans le3 prisons de l'empire,—
vient de partir pour la province, chargé d'une
mission par le nouveau gouvernement.
Il va, - 'ParaU-î1, — fonder dans les départe-
ments des écoles d'application destinées à ren-
forcer le personnel de la rue de Jérusalem.
En son absence, Bi?mark a promis à Favre
de maintenir l'orilrc dans Paris.
* * '
Le baron Baude, ministre français à Athe-
nes, a reçu l'ordre de se rendre immédiate-
ment à Bordeaux.
Avant d'escamoter la République, les princes
d'Orléans veulent sans doute s'assurer le con-
cours des grecs. "
1871-1815
Citoyens, l'Assemblée nationale a.vécu. ,4
Dans une séance, elle. a accompli sa mis-
sion : 'elle a sacré M. Thiers.
Guillaume sera content... Bismark avait
bien désigné les représentants.
Aussi, le nouveau dictateur, —président
du conseil et chef du pouvoir exécutif de la
République française. — a solennellement
prononcé Vile, Miss a est, en ((invitant l'As-
semblée à suspendre ses séances, » — Me
Jules Favre ayant obtenu la nomination des
commissaires orthodoxes chargés d'assister,
à Versailles, aux négociations de la paix.
Malin, va !
Car Guillaume avait, mis à l'acceptation
de l'armistice une condition suprême : La
dictature de M. Thiers. Et, Guillaume ayant
demandé, M. Thiers a sa dictature. Guillau-
me a, donc la paix, et l'Assemblée va mourir
demain, ea signant, au nom ,du pays, la
honte nationale, déjà accordée et consentie
depuis quatre mois.
Vieux habits, vieux galons!
M. Thiers, au surplus, a hâte de commen-
cer l'exécution de son mandat secret. Le
devoir exige sa présence à Paris. Car M.
Thiers a vu la France trahie, «une moitié
de son sol envahie, son armée détruite, sa
belle organisation brisée, sa vieille et puis-
sante unité compromise, ses finances ébran-
lées, ses enfants arrachés au travail pour
aller mourir sur les champs de bataille,
l'ordre profondément troublé par une subite
apparition de l'anarchie. » Or, l'anarchie est
la grande coupable. Elle doit expier nos
malheurs... Les criminels d'octobre et de
janvier lèvent la tête encore..., et la France
demande l'aide de M. Thiers.
D'ailleurs, l'indemnité des gardes natio-
naux a tari le trésor, et M. Thiers a besoin
de la rogner aujourd'hui en attendant de la
rayer demain. *
Car/ demain, Guillaume caracolera sur
nos boulevards avec ses laquais et ses capo-
raux. Bismark a averti Trochu de l'échéance,
et le pauvre M. Trochu, a, dans une homé-
lie stupide, averti les citoyens. Or, Guillaume
aime la danse. et nous aurons à payer les vio-
lons. —Et lepeuple connaît ce qu'ils coûtent,
lorsqu'ils servent à faire danser les rois —
Economisons sur la garde nationale, s'il vous
plaît!
Pauvre Peuple !..... Toujours les mêmes
fautes ; et toujours les mêmes châtiments !...
Après les dix-neuf années de hontes et de lâ-
chetés impériales, après Jules Favre, Tro-
chu, Simon, Pagès, nous revoilà rivés à
Thiers ! Après Aubin, la Ricamarie, nous
revoilà à la rue Transnonain !
Et, cette fois, n'ayons garde de remuer
sous le talon du bourreau, ear Guillaume se-
ra là ; et Guillaume, avec les soldats de Vi-
noy, les brelons de Trochu et les Corses de
Cresson, a devant lui l'armée internationale
de Tordre monarchique.
Voilà l'inévitable dénouement.
Il y a dans ces cinq derniers mois la ré-
surrection. l'agonie d'un peupip. '
Il y a le 21 septembre 1792, el le 9 novem-
ble 1799.
Il y a le 24 Février 18-18 et le 2 décembre
1851. " "
Il %y le 4. septembre 1870. et h 28 janvier
i87i.
Il y a l'abdication et le châtiment.
Il y a l histoire du petifile, ;c^L-te^lu-gu-
bre histoire renouvelée à chaque scruttQ. ;
Monomanie du suicide! sera-tu donc éler- ' "
nelle ?
Allons !... Nous y sommes. Vaincus en-
core une fois, écrasés de nouveau, comme
toujours ! Logique impitoyable des événe-
ments, — nous revoilà à genoux devant un
nouveau maître, et ce nouveau maître va re-
venir dans la houppelande d'un uhlan.
Eh bien, — à merveille !... Reviens sûer
à ton établi ou à ta charrue, Jacques Bon-
homme. Redénuuelea.cordons de ta Jiourse
et relais des enfants pour les couvents ,et les
casernes. La royauté est restaurée : la souta-
ne et la giberne, le droit du sabra et le droit
divin. M. Thiers a ramenéM. de Broglie, et
I)ufaure..,est -minisltre.,
Demain, tu te réveilleras [pauvre diable.
Lorsque ta femme sera obligée d'aller
mendier dans la rue le pain de ton enfant, et
que ta fille ira, aux petits soupers de Bre-
bant, acheter le droit Je yiVi'e.avec le'fialse*^
de l'ivresse. Cu jour-là, écoute ta haine, et ~
songe au passé. Serre la main de ceux qui
souffrent à tes côtés, et lorsque le peuple se
lèvera frémissant, — lève-toi. Recompte te*'
larmes, tes douleurs,"tes tortures, et marche
en avant. Nous avons conservé 'l1n pan dé-
chiqueté du drapeau, où nous avons écrit
avec notre sang : République social/>, et
nous irons l'arborer sur le dernier trône et le
dernier autel.
En attendant, il faut liquider le passé,
payer ta lâcheté. M. Thiers a donné les ar-
rhes, et voilà l'échéance.
Paye, — et à deftmin la revanche !
CASIMIR BOUIS.
LES ÉPÉES D'HONNEUR
Je lis dans le Vengmr qu'il est question
d'offrir une épée d'honneur H Garibaldi.
Cette idée, née d'un sentiment irréfléchi,
est tout simplement un grosse erreur, près-
qu'une faute. '
D'abord Garibaldi n'a que faire d'une
épée. Il n'en porte jamais. Ce n'est point un
sabreur. Quand il mène à la victoire ceux
qui l'ont voulu pour chef, et -c'est bien à
la victoire~qu'il les mène, non pas à la capi-
tulation et à la honte,—ce n'est pas, comme
on l'a cru souvent sur la foi de récits légen-
daires, en brandissant, mameluck ridicule,
un cimeterre damasquiné.
On ne le voit pas, comme le comédien Bo-
naparte, caracoler, calme, sur un cheval
fougueux.
Non. C'est en tilbury qu'il gagne ses ba-
tailles. C'est en voiture découverte qu'il est
entré à Naples, dans la capitale de ce royau-
me qu'il avait conquis presque seul, ayx
applaudissements de deux millions d'hom-
mes....... ,
Puis Garibaldi n'est pas un soldat. Par-
lez de lui aux gens du métier, vous les ver-
rez sourire et hausser les épaules . Il n'a vé-
ritablement reçu aucuneinstruction militaire,
et s'il s'est préoccupé des armes spéciaks, il
a toujours négligé de le faire crier sur lee
toits et annoncer dans les journaux. « C'est
un ignorant, un simple, » vous dira n'im-
porte quel officier d'état-major.
Et pourtant, dans cette campagna de
France, il a toujours eu raison, lui chef de
bandes, de la lameilloure armée de l'Europe...
Pendant que les généraux, à plumets, con-
naisseurs en armes spéciales, se laissaient
surprendre chaque fois par l'ennemi et se
Journal .politique quotidien „■
| SWm; - ï J
i ?....
1" Année.- — N" 3. CINQ CENTIMES 7;: ; ; J i Vendredi, 24 février 1871;
ABONNEMENT
Un mois. .... » . ^ ... 2 fr.
Trois mois......... 5
* --
ANNONCES:
V. AUBER, 34, rue Vivienne
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
61, rue de Rennes
Rédacteur en chef : JULES V^ïJUÈ1®
BUREAUX DE VENTE
0, rue d'Abonkir, et 13 rue du Croissant
LES CHARLANTANS POLITIQUES
On les appelle en langage noble des hom-
mes d'Etat.
On les fait venir comme les sorciers de
village et les Nélatons de marchand de vins,
dès qu'il y a une promesse à dénouer, une
convention à martyriser, de l'honneur à
perdre, un blessé à achëver, nn mort à sa-
lir. On les charge de guérir l'entorse parce
qu'on est sûr qu'ils casseront la jambe, de
domer une potion au malade parce qu'on
sait qu'ils cnt du poison dans leurs fioles.
On a choisi M. Thiers pour s'asseoir au
chevet de la République; il faut qu'elle
meure,et on compte qu'il fera la besogne : il
la fera; vautour à tête de perroquet, taupe
à lunettes, polichinelle,tricolore ! .. ;
Il la fera, c'est possible, hélas ! mais il n'a
pas que la République à tuer, il a la France
it faire vivre, car il pourra jeter à l'eau les
couleurs qui flottent au haut du -mât et y je-
t,-r aussi quelques matelots révoltés ; mais,
ea ce moment de crise, placéau gouvernail,
surveillant la voilure , peut-il conjurer la
tempête? -
Non! il ne petit pas, cet homme d'Etat !
Les hommes d'Etat ! — la bourgeoisie en
rêve et la foule y croit, — si bien qu'elles se
funt, bourgeoisie et foule, complices souvent
de besognes sinistres !
Les hommes d'Etat ! — Il pouvait y en
avoir encore quand il y avait une cour et des
gentilshommes, quand on ne voyait au des-
sus de la nation muette que la perruque du
roi ou le bonnet du prêtre ! Mais 89 est ar-
rivé dans l'habit noir de Mirabeau, et 93 a
passé dans l'habit bleu de Robespierre ; puis
un a vu les blouses descendre par cent miile,
marchant vers l'Hôtel de Ville ou la place
de Grève ; et on ne les mène pas comme on
veut, ces blouses là !
M. Thiers le sait bien, lui qui dut s'enfuir
devant lt. Peuple, dans la nuit de Février —
il venait sur l'âne blanc du libéralisme, on
* ie hua, et il trébucha contre une barricade ;
il ne se connaît pas à manier les foules.
Lapidé par Jacques Bonhomme, il a été
floué par Barrabas, ce Messie !
C'est lui qui a ramené au grand jour de
l'histoire les Napoléon; c'est lui qui a mis
dix ans pour redorer le manteau sur les
épaules du César vaincu à Waterloo et en-
terré à Sainte-Hélène, lui qui a remis le
Corse debout sur le piédestal de son livre,
réhabilité ce Mandrin couronné, et donné à
tinter dans le Petit Chapeau au bandit du
coup d'Etat. -
Il a bien pu à un moment demander des.
juges pour le neveu et réclamer la prison
perpétuelle contre l'insurgé de Strasbourg ;
il était trop tard, le mal était fait.
Il avait réussi — cet habile — à rendre
l'honneur à une race scélérate, la vie à une
dynastie morte, qui se servit de lui deux
ans, puis le fit empoigner comme un simple
Greppo, le 2 Décembre, lui offrit une place
dans une cellulaire en échange d'un trône,
lui mit le nez — jusqu'aux lunettes — dans
la crotte et le sang, le poussa vers l'exil, et
le tint pendant vingt ans inutile et vaincu !
Voilà le bilan : — seize ans ministre,
vingt ans vaincu ! — Ayant ouvert à Napo-
éon III le chemin des Tuileries èt aussi la
route de Sedan.
Il est pour une bonne part dans les
malheurs de la patrie, ce vieillard ! On l'a
chargé de la sauver ! o <
i
Que fait-il?
Il commence par irriter la douleur toute
vive de Paris meurtri, en choisissant pour
bander la plaie, comme a dit Jules Favre,
ceux-là même qui l'ont élargie et empoison-
née. Il prend ce Favre, il prend Ernest Pi-
card et Jules Simon, — il né les prend pas
parce qu'il les apprécie, — il les dédaigne;—
parce qu'il les estime : il les méprise ! Il
les prend parce qu'il croit,— politique à courte
vue, — que les blessures d'un monde sont fer-
mées lorsque la bouche de quelques ambi-
tieux est close, quand on a allongé en porte-
feuille de ministre quelques serviettes d'avo-
cat, quand, devant le tapis vert où se joue le
sort de là nation, il aura fait embrasser -en-
semble Laramée et Patelin, Le Flô et Si-
mon,'DufèTure et Jules Favre, Pet-de*Loup
et Judas! V
Il a appelé à son secours comme commis-
saire un prudhomme rouge et bouffi : Sarot* -
Marc-Girardin, qui traînera sa houppelande
der rière son pet-en-l'air dans les anticham-
bres de Versailles.
Les voyez-vous, ventres bedonnants, crâ-
nes chauves, fronts bas ! — pas un nom
, veau, une tête fière.
Les jeunes qui se sont traînés 'à sa remor-
que ne sont pas de taille, il paraît.! j'ai con-
nu les malheureux; ilsont l'inquiétude mala-
dive,la fatigue grimaçante de ceux qui s'ac-
colent à des vieux; qui respirant le moisi d'une
école, y prennent le teint blême et le regard
terne des enfermés. Les élèves forts-de ce
Machiavel, s'appellent Weiss, sang aigri ;
Hervé, encore pâle, — Paradol, cervelle
noire !
Paradol? c'était le Benjamin, il se tue. —
Ceux-ci se fanent, ceux-là se suicident.
Eh bien! mieux vaut avoir été touiJLe
temps misérable et être resté libre, avoir
vécu au gré de sjn coeur , en pleine
liberté et en plein péril! Mieux vaudrait
devenir le prisonnier de ces charlatans,
qu'avoir été leur élève, être le patient et
non pas Vert-de-gris.
On meurt à la peine, ou bien l'on est as-
sassiné. Mais, au moment de disparaître, on
est fier de sa vie, et Paradol eut honte de la
sienne. Allons! guerre au passé! foi dans
l'avenir ! salut à la Révolution.
Ils vont l'insulter et la mitrailler, ces
vieux. — Ils le peuvent. - Mais on peut
bien aussi cracher dans un torrent.
JULES VALLÈS.
ECHOS
Quelques journaux annoncent que le nouveau
ministre de la marine, l'amiral Potbuau, a
choisi pour la direction des colonies M. Hervé,
du Journal de Paris.
Il y a là, croyons-nous, confusion de person-
nes.
Le nouveau directeur des colonies doit être
M. Hervé, l'auteur du Petit Faust,
La composition ultra-rigolo du nouveau minis-
tère ne peut laisser subsister aucune équivoque
à r,A snîpt
Tous les journaux enregistrent avee une in-
différence remarquable la dépêche suivante :
« La Prusse reconnaîtra bientôt le gouverne-
ment républicain en France.
« M. de Bismark ne se prononce nullement
coptre la République... »
Allons, tant mieux !
Deux navires avec des troupes viennent d'être
envoyés en Corse, où des troubles graves ont
éclaté, par suite des manœuvres bonapartistes.
Ces navires sont partis de Toulon.
La suppression du bagne de cette ville porte à
croire que ces navires, en quittant la Corse, se
dirigeront directement sur Cayenne.
Une souscription est ouverte pour offrir à Ga-
ibaldi une épée d'honneur.
Très bien !
Mais cependant on en devrait bien plutôt une
à Trochu, car tout le monde sait qu'il a avalé la
sienne,1
La commission des Quinze, — a demandé Gam-
betta, — participera-t-elle aux travaux des négo-
ciations de la paix ?
Non, — a répondu l'héroïque Simon, — ce
seront des entremetteurs....
Des entremetteurs entre l'Assemblée et les
agents diplomatiques.
Des Quinze vains, quoi !
L'ex-empereur, à ce que rapportent quelques
journaux, aurait envoyé aussi ses représentants
à Versailles.
En effet l'empire c'est la paix.
Et la paix, c'est presque l'empire.
Tout porte à croire que les deux collèges de
négociateurs fusionneront, pour rétablir an plus
tôt et de concert l'ordre troublé, comme dit
Thiers (Adolphe !).
L'in tendance mi i itair*e va être réorganisée.
Il est bien temps, maintenant!
Il est utile d'apprendre ,,-iupu-bl-ic que pendant
tout le siège de Paris, l'intendant général de
Napoléon 111, M. 'Wolf, a été maintenu à son
poste. •- -
C'est le même M Wolf qui avait si bien ap-
provisionné nos troupes d 8 vivres et de muni-
tions pendant toutela partie de la campagne qui
précéda Sedan.
*
Le préfet de police, M. Cresson — surnommé
la santé du corps, parce qu'il fait pourrir les
Républicains dans le3 prisons de l'empire,—
vient de partir pour la province, chargé d'une
mission par le nouveau gouvernement.
Il va, - 'ParaU-î1, — fonder dans les départe-
ments des écoles d'application destinées à ren-
forcer le personnel de la rue de Jérusalem.
En son absence, Bi?mark a promis à Favre
de maintenir l'orilrc dans Paris.
* * '
Le baron Baude, ministre français à Athe-
nes, a reçu l'ordre de se rendre immédiate-
ment à Bordeaux.
Avant d'escamoter la République, les princes
d'Orléans veulent sans doute s'assurer le con-
cours des grecs. "
1871-1815
Citoyens, l'Assemblée nationale a.vécu. ,4
Dans une séance, elle. a accompli sa mis-
sion : 'elle a sacré M. Thiers.
Guillaume sera content... Bismark avait
bien désigné les représentants.
Aussi, le nouveau dictateur, —président
du conseil et chef du pouvoir exécutif de la
République française. — a solennellement
prononcé Vile, Miss a est, en ((invitant l'As-
semblée à suspendre ses séances, » — Me
Jules Favre ayant obtenu la nomination des
commissaires orthodoxes chargés d'assister,
à Versailles, aux négociations de la paix.
Malin, va !
Car Guillaume avait, mis à l'acceptation
de l'armistice une condition suprême : La
dictature de M. Thiers. Et, Guillaume ayant
demandé, M. Thiers a sa dictature. Guillau-
me a, donc la paix, et l'Assemblée va mourir
demain, ea signant, au nom ,du pays, la
honte nationale, déjà accordée et consentie
depuis quatre mois.
Vieux habits, vieux galons!
M. Thiers, au surplus, a hâte de commen-
cer l'exécution de son mandat secret. Le
devoir exige sa présence à Paris. Car M.
Thiers a vu la France trahie, «une moitié
de son sol envahie, son armée détruite, sa
belle organisation brisée, sa vieille et puis-
sante unité compromise, ses finances ébran-
lées, ses enfants arrachés au travail pour
aller mourir sur les champs de bataille,
l'ordre profondément troublé par une subite
apparition de l'anarchie. » Or, l'anarchie est
la grande coupable. Elle doit expier nos
malheurs... Les criminels d'octobre et de
janvier lèvent la tête encore..., et la France
demande l'aide de M. Thiers.
D'ailleurs, l'indemnité des gardes natio-
naux a tari le trésor, et M. Thiers a besoin
de la rogner aujourd'hui en attendant de la
rayer demain. *
Car/ demain, Guillaume caracolera sur
nos boulevards avec ses laquais et ses capo-
raux. Bismark a averti Trochu de l'échéance,
et le pauvre M. Trochu, a, dans une homé-
lie stupide, averti les citoyens. Or, Guillaume
aime la danse. et nous aurons à payer les vio-
lons. —Et lepeuple connaît ce qu'ils coûtent,
lorsqu'ils servent à faire danser les rois —
Economisons sur la garde nationale, s'il vous
plaît!
Pauvre Peuple !..... Toujours les mêmes
fautes ; et toujours les mêmes châtiments !...
Après les dix-neuf années de hontes et de lâ-
chetés impériales, après Jules Favre, Tro-
chu, Simon, Pagès, nous revoilà rivés à
Thiers ! Après Aubin, la Ricamarie, nous
revoilà à la rue Transnonain !
Et, cette fois, n'ayons garde de remuer
sous le talon du bourreau, ear Guillaume se-
ra là ; et Guillaume, avec les soldats de Vi-
noy, les brelons de Trochu et les Corses de
Cresson, a devant lui l'armée internationale
de Tordre monarchique.
Voilà l'inévitable dénouement.
Il y a dans ces cinq derniers mois la ré-
surrection. l'agonie d'un peupip. '
Il y a le 21 septembre 1792, el le 9 novem-
ble 1799.
Il y a le 24 Février 18-18 et le 2 décembre
1851. " "
Il %y le 4. septembre 1870. et h 28 janvier
i87i.
Il y a l'abdication et le châtiment.
Il y a l histoire du petifile, ;c^L-te^lu-gu-
bre histoire renouvelée à chaque scruttQ. ;
Monomanie du suicide! sera-tu donc éler- ' "
nelle ?
Allons !... Nous y sommes. Vaincus en-
core une fois, écrasés de nouveau, comme
toujours ! Logique impitoyable des événe-
ments, — nous revoilà à genoux devant un
nouveau maître, et ce nouveau maître va re-
venir dans la houppelande d'un uhlan.
Eh bien, — à merveille !... Reviens sûer
à ton établi ou à ta charrue, Jacques Bon-
homme. Redénuuelea.cordons de ta Jiourse
et relais des enfants pour les couvents ,et les
casernes. La royauté est restaurée : la souta-
ne et la giberne, le droit du sabra et le droit
divin. M. Thiers a ramenéM. de Broglie, et
I)ufaure..,est -minisltre.,
Demain, tu te réveilleras [pauvre diable.
Lorsque ta femme sera obligée d'aller
mendier dans la rue le pain de ton enfant, et
que ta fille ira, aux petits soupers de Bre-
bant, acheter le droit Je yiVi'e.avec le'fialse*^
de l'ivresse. Cu jour-là, écoute ta haine, et ~
songe au passé. Serre la main de ceux qui
souffrent à tes côtés, et lorsque le peuple se
lèvera frémissant, — lève-toi. Recompte te*'
larmes, tes douleurs,"tes tortures, et marche
en avant. Nous avons conservé 'l1n pan dé-
chiqueté du drapeau, où nous avons écrit
avec notre sang : République social/>, et
nous irons l'arborer sur le dernier trône et le
dernier autel.
En attendant, il faut liquider le passé,
payer ta lâcheté. M. Thiers a donné les ar-
rhes, et voilà l'échéance.
Paye, — et à deftmin la revanche !
CASIMIR BOUIS.
LES ÉPÉES D'HONNEUR
Je lis dans le Vengmr qu'il est question
d'offrir une épée d'honneur H Garibaldi.
Cette idée, née d'un sentiment irréfléchi,
est tout simplement un grosse erreur, près-
qu'une faute. '
D'abord Garibaldi n'a que faire d'une
épée. Il n'en porte jamais. Ce n'est point un
sabreur. Quand il mène à la victoire ceux
qui l'ont voulu pour chef, et -c'est bien à
la victoire~qu'il les mène, non pas à la capi-
tulation et à la honte,—ce n'est pas, comme
on l'a cru souvent sur la foi de récits légen-
daires, en brandissant, mameluck ridicule,
un cimeterre damasquiné.
On ne le voit pas, comme le comédien Bo-
naparte, caracoler, calme, sur un cheval
fougueux.
Non. C'est en tilbury qu'il gagne ses ba-
tailles. C'est en voiture découverte qu'il est
entré à Naples, dans la capitale de ce royau-
me qu'il avait conquis presque seul, ayx
applaudissements de deux millions d'hom-
mes....... ,
Puis Garibaldi n'est pas un soldat. Par-
lez de lui aux gens du métier, vous les ver-
rez sourire et hausser les épaules . Il n'a vé-
ritablement reçu aucuneinstruction militaire,
et s'il s'est préoccupé des armes spéciaks, il
a toujours négligé de le faire crier sur lee
toits et annoncer dans les journaux. « C'est
un ignorant, un simple, » vous dira n'im-
porte quel officier d'état-major.
Et pourtant, dans cette campagna de
France, il a toujours eu raison, lui chef de
bandes, de la lameilloure armée de l'Europe...
Pendant que les généraux, à plumets, con-
naisseurs en armes spéciales, se laissaient
surprendre chaque fois par l'ennemi et se
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