Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-12-25
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 décembre 1852 25 décembre 1852
Description : 1852/12/25 (Numéro 360). 1852/12/25 (Numéro 360).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 360.
1HJRMU&: rae de Valois (ï*alais-Ilojal), 11. ÎO.
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B 1852. SAMEDI 25 DECEMBRE.
-Prii de l'àboMeàenL
DEPARTEBIEWa:
10 pr. pour trois mois.
PARIS :
18 fk. pour trois mois.
insf numéro : so centimes.
pour les pats ÉTRANGEiis, se reporter an
. tableau publié dans le journal, les 10 et
25 de chaque mois. -
Toute lettre non affranchie sera rigoureusement
Les articles déposés ne sont pas rendus.
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
On s'abonne, dans les départemens, aux Messager ies et aux Directions de poste.—A Lunires, chez MM. CowiE et fils.
— A Strasbourg, chez M. A lexandre , pour l 'Allemagne. -
S'adresser, franco , peur ffldminwtrution,
à h. demain j directeur,
| Les annonces sont reçue-, 11 ez M 'PaMS , régisseur, 10, place de la Bourse ;
| et au bureau, du journal.
F MUS, 24 DECEMBRE.
••• '» '• ■ . ; l - Jil ;
M. le ministre d'Etat a donné lec
ture hier au Sénat du décret organi
que réglant ■,* conformément à l'arti
cle 4 du sénatus-consulte du 7 novem
bre, l'Ordre de la succession au trône
dans la famille Bonaparte.
En voici le texte :
NAPOLÉON, 1 .
Par la grâce de Dieu et la volonté natio
nale, Empereur des Français,
A tous présens et à venir, salut : *
Vu l'art. 4 du sénatus-consulte du 7 no
vembre, ratifié par le plébiscite des 21 et 22
du même mois, aux termes duquel il nous
appartient de régler, par un décret organi
que adressé au Sénat, l'ordre de succession
au trône dans la famille Bonaparte , pour le
cas où nous ne laisserions aucun héritier di
rect, légitime ou adoptif;
Tout eu espérant qu'il nous sera donné de
réaliser les Vœux du pays et de contracter,
sous la protection divine, une alliance qui
nous permette de . laisser des héritiers di
rects; " - . . <
Ne voulant pas, néanmoins, que le trône,
relevé par la grâce de ,Dieu et la volonté na
tionale, puisse vaquer par défaut d'un suc
cesseur désigné par nous,
Avonà décrété et décrétons ce qui suit :
Art. 1". Dans le cas où nous ne laisserions
aucun héritier direct, légitime ou adoptif,
. Notre oncle bien-aime Jérôme - Napoléon-
Bonaparte et sa descendance-directe, natu-
• relie et légitime, provenant de son mariage
avec la princesse Catherine de Wurtemberg,
de mâle en mâle, par ordre de primogéni-
ture et à l'exclusion perpétuelle des femmes,
sont appelés à nous succéder.
Art. 2. Le présent décret, revêtu du sceau:
de l'Etat.,, sera porté au Sénat* par notre mi-
jïistre d'Etat, pour être-déposé dans ses ar
chives. r. ■ <- •>!' •*'•< » - •- '•
Fait au palais des Tuileries, le 18 décem
bre 1832. ■ '
N apoléon.
Par l'Empereur :
Le ministre d'Etat, Achille Fould.
Hier jeudi, le Sénat s'est réuni poui
délibérer sur le projet dé sénatus-con
sulte portant interprétation et modifi
cation dé la Constitution du 14 janvier
le. ; '
Ce projet a été adopté à la majorité
de 64 voix contréV.
"Voici le texte de l'exposé des motifs
du projet de ce sénatus-consulte, ; qui
avait été porté au Sénat dans sa séance
4u 6 décembre :
exposé des motifs du projet- de sénatus-con
sulte relatif a des modifications a ap
porter a, la constitution du 14 janvier
" 1852. >• -
Messieurs les sénateurs,
Consultée en 1848, en 1831, en 1852, com
me elle l'avait élé en l'an 8, en 1802, en
-l 804j la France a constamment faitla'même
'réponse, et manifesté chaque fois, sa volonté;
avec plus d'édat. •:
Fidèle à d'impérissables souvenirs de gloi
re, reconnaissante et des services passes et
des services nouveaux, elle a voulu que le
noble héritier du plus grand nom dés temps
modernes devint l'héritier d'un grand pou
voir. Elle a voulu; pour la seconde fois, pas
ser dés agitations impuissantes et stériles de
la République à la prospérité et à la.gran
deur de l'Empire, en rétablissant le trône de
■cette dynastie populaire que sà gloire, son
courage, son constant dévouement à la pa
trie, ses malheurs même, lui rendent si sym
pathique et si chère.
; Cette volonté, révélée par des acclamations
enthousiastes pendant le voyage du Prince,
'ri. été sanctionnée par tin vole libre, réfléchi,
universel, noble consécration d'un gouver
nement patriotique et sincère. L'accroisse
ment continu des ' suffrages a prouvé que
l 'exercice du pouvoir fortifiait la popularité
du chef de l'Etat et avait rendu plus vive la
reconnaissance qu'il inspire." Là, surtout, où
l 'esprit d'anarchie semblait avoir fait plus de
ravages, l'assentiment. et l'entraînement plus marqué : heureux
symptôme qui prouve à quel point le souve
nir des calamités de la guerre civile fait sen
tir à tous le prix d'une autorité forte et pa
ternelle !
Le sénatus-consulte organique du 7 no
vembre a consacré de nouveau les fyases de
la Constitution du 14 janvier 18o2 : aussi,
malgré l'importance de la transformation
gouvernementale qui vient de s'opérer, les
modifications que S. M. nous a chargés de
vous proposer ne sont ni très graves ni
très nombreuses, et sont, ' pour la plupart,
inspirées par l'expérience faite depuis quel
ques mois.
Elles s'appliquent aux droits et prérogati
ves de l'Empereur, à la famille impériale, à
la situation du Sénat, aux attributions du
Corps Législatif.
Nous aurons l'honneur de vous les expo
ser successivement.
L'article l or résout une difficulté de droit
public plus doctrinale que pratique. Tous les
gouvernemens monarchiques qui se sont
siiccédé en France ont considère comme un
attribut de la puissance -souveraine le droit
d'accorder des amnisties. Tous ont usé de
cette faculté. Elle ne saurait, sans de graves
inconvéniens politiques, être contestée ou
déniée au chef de l'Etat.
La Constitution de 1804 conférait à l'Em
pereur la présidence du Sénat, et resserrait
ainsi les liens qui unissent ce grand corps
au chef de l'Etat. Le projet vous propose de
rétablir cette prérogative, qui ajoute un nou
vel éclat à la haute dignité dont vous êtes
revêtus.
L'art. 6. de la Constitution du 14 janvier
donne au chef du pouvoir exécutif le droit
de faire les traités de paix, d'alliance et de
commerce. Lorsque la nation française traite
avec une autre nation, l'Empereur doit être _
son seul représentant; ce droit est écrit dans
toutes les constitutions monarchiques qui
ont régi la France depuis 1789.
Cependant une interprétation imposée par
des exigences parlementaires avait altéré,
cette haute attribution, et en avait, pour
ainsi dire, subordonné l'exercice à la sanc
tion du pouvoir législatif. On avait consacré,
en droit public, que les tarifs établis ou mo
difiés par un traité de commerce ne seraient
définitifs qu'après avoir été convertis eu-lois
par les chambres.
Ainsi, le droit constitutionnel du souve
rain était atteint indirectement. La conven
tion internationale n'était que conditionnel
le, malgré la ratification du prince. Le con
trat était discuté, remis en question devant
les assemblées, hors la présence et sans le
concours de&mandataires de la nation étran
gère. Il pouvait, en définitive, être modifié
ou détruit.
Une faculté aussi exorbitante est incom
patible avec la dignité de l'Empire; eile dé
place le droit sans profit pour la nation. Les
stipulations douanières insérées dans un
traité d'alliance sont presque toujours domi
nées par de bautes questions politiques que
le chef de l'Etat doit seul trancher. L'Empe
reur, en effet, éclairé par les conférences di
plomatiques, peut toujours apprécier les
intérêts généraux, politiques et industriels
des deux pays, mieux que le Corps Législatif,
placé nécessairement • à un point de vue ex
clusif, et devant lequel ne' sont pas repré
sentés les intérêts de l'autre nation contrac
tante. C'est donc avec raison (jue le gouver
nement vous propose de déclarer que les
traités de commerce portant modification
de tarifs auront force de loi par le fait sul de
leur promulgation.
L'art. 4 fin projet dispose que les grands
travaux d'utilité publique et. les entreprises
d'intérêt général pourront être ordonnés ou
autorisés par des décrets impériaux.
De pareils actes sont essentiellement des
actes de haute administration. Le pouvoir
exécutif est resté jusqu'én 1830 investi de ce
droit, écrit, notamment dans les lois de
1807 et de 1810 II. n'en a été dépossédé que
par celles des 21 avril 1832 et 3 mai 1841.
Ces dernières lois étaient empreintes de l'es
prit général du temps, qui ; tendait à l'em
piétement du pouvoir parlementaire sur le
pouvoir exécutif. Or nous savons tous
quelle confusion d'idées et de droits, quelle
énérvation de toutes les forces vives du
pay#,-ees tendances-entraînèrent avec-elles.
La rapidité et la simplicité d'action sont
aussi indispensables pour un grand pays que
pour un grand pouvoir.
La nécessité des forpties législatives ralen
tissait déjà beaucoup les, grandes entreprises
lorsque les assemblées étaient en quelque
sorte en permanence. Pendantcombien d'an
nées n'a-t-elle pas retardé la création de nos
chemins de fer, au grand détriment de la
prospérité et de la sécurité nationales !
Maintenant que la durée des sessions est
réduite à trois mois, la lenteur serait plus
marquée, et le préjudice plus considérable.
D'ailleurs, le. gouvernement, isolé des pas
sions locales qui ont engendré ces luttes ar
dentes dont nous n'avons pas' perdu le sou
venir, embrassant avec sollicitude et par un
examen d'ensemble les besoins généraux du
pays, est mieux placé pour décider de si
graves questions avec promptitude et impar
tialité.
Les avantages de cette féconde initiative
ont déjà été éprouvés et recueillis. C'est à la
grande satisfaction du pays qu'immédiate
ment après le 2 décembre les plus importans
travaux d'utilité publique, si tong-temps ré
clamés, ont été décrétés.
Sous celte vive impulsion, les capitaux,
long-temps comprimés par l'incertitude de
l'avenir, se sont engagés dans les affaires ; la
prospérité industrielle et financière du pays
s'est reconstituée.
Contre cette dévolution faite au pouvoir
exécutif, pourraient être élevées deux objec
tions, tirées, l'une de ce que les finances du
pays pourraient être imprudemment enga
gées ; l'autre, du respect dû au droit de pro
priété privée, droit que les législateurs n'ont
cru pouvoir mieux honorer et consacrer
qu'en le plaçant au rang des droits publics.
(Art. 26 de la Constitution du 14 janvier
1852.)
Mais, d'une part, toutes les garanties sont
données à la fortune du pays, car les dé
crets qui ordonnent ces trayaux sont rendus
dans les formes et avec les solennités du rè
glement d'administration publique, et les
crédits extraordinaires ouverts pour l'exécu
tion sont soumis à, la sanction du Corps Lé
gislatif dans sa plus prochaine session.
D'autre part, la disposition qui vous est
proposée n'est qu'un retour à la loi de 1810.
Et qui ignore que celte loi, dont les bases lu
rent posées par Napoléon I" dans une note
célèbre écrite à Schœnbrunn, eutpour but et
pour résultatde donner à Japropriété privée
les garanties les plus sûres et les plu» mul
tipliées? Or, ces garantiesj'puisées dans l'in
tervention de l'autorité juliciaire, augmen
tées par-tes lois de 183 i et de 1841 qui con
fient au jury la fixation de l'indemnité due
au propriétaire dépossédé, conservent toute
leur puissance protectrice..
L'article 5 reconnaît à l'Empereur le droit
de modifier par des décrets impériaux le dé
cret du 22 mars 1852 qui règle les grands
pouvoirs de l'Etat entre eux et avec le pou
voir exécutif. Ce décret, qui applique le mé
canisme de la Constitution, ne contient que
des dispositions purement réglementaires.
Il est l'œuvre du pouvoir exécutif; c'est donc
par lui que doivent être faites toutes les rec
tifications dopt l'expérience aurait démon
tré les avantages.
Néanmoins, il était utile de prévenir, par
une rédaction explicite, des doutes qui au
raient pu naître de ce qu'à la date du 22
mars 1852, le prince exerçait le pouvoir
constituant.
Vous devez, aux termes du sénatus-con
sulte du 7 novembre, régler la position de la
famille impériale. L'Empereur vous propose
d'adopter, presque textuellement, les dispo
sitions de la Constitution de -1804. Les mem
bres de la famille impériale seront appelés
princes français.
Le fils aîné de l'Empereur portera le titre
de Prince impérial.
Les actes civils de la famille seront dres
sés par le ministre d'Etat et déposés aux ar
chives du Sénat.
Il importe que les princes appelés éven
tuellement à l'hérédité puisent aux sources
les plus sûres la connaissance des affaires de
l'Etat. Aussi, dès l'âge de dix-liuit ans de
viendront-ils,membres du Sénat et du con
seil d'Etat.^ „
L'"'ffaîedteâ" les fonctions de sénateur ; néan
moins, le Président delà ltépublique pouvait
aecoider à dos membre du Sénat, en raison
de services rendus et de leur position de
; fortune, une dotation personnelle.
Celte obligation imposée au chef de l'Etat
d'apprécier une position de fortuue toujours
relative et variable, de rechercher lesquels,
parmi tant d'hommes éminens et vénérés du
pays, ont rendu les plus grands et les plus
utiles services, ne présenie-t-elle pas dans
son accomplissement des écueils et des pé
rils?
Cette faculté exercée individuellement vis-
à-vis de quelques membres du Sénat est-elle
compatible avec la dignitéde cegrand corps?
Dépositaire du pacte fondamental et des
libertés consacrées par la Constitution, in
vesti du droit d'annuler tout acte arbitraire
ou illégal, le Sénat remplit, selonl'expression
du Prince, le rôle indépendant, salutaire, con
servateur des ancieûs parlemens ; la stabilité et
la permanence des institutions impériales
doivent lui donner une importance nouvelle,
et élever encore les conditions de son auto
rité, les garanties de son indépendance.
Aussi l'Empereur a-t-il voulu, d'une part,
que le nombre des sénateurs directement
nommés par lui ne pût excéder cent cin
quante. Il n'a pas voulu que la force; les
traditions de ce haut pouvoir pussent être
altérées; ou compromises à l'aide de nomi
nations nombreuses et subites dictées par
des circonstances politiques passagères, ou
d&s entraîneniens bientôt regrettés;
L'Empereur a pensé; en même temps,
qu'une règle commune devait être appliquée
au Sénat, et qu'une même dotation annuelle
et viagère devait être attachée aux fonctions
inamovibles de sénateur. Cette mesuré, qui
crée à tous les membres d'un même corps
une situation d'égalité, permet au chef de
l'Etat d'appeler a la plus haute dignité, sans
examen préalable de sa situation de fortune,
le citoyen illustré par l'éclat du talent, la no
blesse du caractère, la grandeur des servi
ces rendus.
Relativement au Corps Législatif, le gou
vernement vous demande de poser quelques
règles sur le vote du budget et sur la publi
cation des discussions du Corps Législatif. Il
vous demande aussi de fixer pour les dépu
tés une indemnité proportionnelle aux sacri
fices que leur impose l'accomplissement de
leurs devoirs publics.
• Le libre examen .du budget est la princi
pale attribution du Corps Législatif. Par le
vote des recettes, il est le défenseur, le gar
dien de la fortune nationale: par l'examen
des dépenses, il étend son contrôlé salutaire
sur tous les services publics.
Mais, dans l'exercice de cette surveillance,
le pouvoir parlementaire a, par des empiéte
ment graduels, entravé l'initiative et l'action
dit-pouvoir exécutif, dont il aggravait en
même temps la responsabilité.
Soùs l'Empire, la loi de finances portait
règlement des exercices clos, établissait la
situation en recette et en dépense, créditait
l'exercice courant et l'exercice futur, et don
nait des évaluations sommaires par dépar-
teméns ministériels/ ' -
Le gouvernement de la Restauration ob
serva les mêmes règles jusqu'en 1822 ; le
chiifre des dépenses était communiqué aux
chambres au milieu de l'exercice qu'il s'a
gissait de créditer. Le chef de l'Etat conser
vait la faculté d'utiliser, par des vire mens
d'un service à l'autre, les fonds restés sans
emploi. ' "
Le nombre des divisions s'accrut lente
ment; le budget de 1830 contenait à peu
près cent chapitres.
Lorsque le gouvernement de Juillet s'éta
blit,l'opposition dont il était sorti proposa
et fit décider, en janvier 1831, dans lereglè-
ment du budget de 1828, que le vote des dé
penses aurait lieu désormais par chapitres spé
ciaux, ne contenant que des services corrélatifs
ou de même nature, et avec interdiction de por
ter des fonds disponibles d'un chapitre à l'autre.
Ce premier succès obtenu, les commissions
de budget en développèrent rapidement les
conséquences, et,'sous le nom de chapitres,
elles tendirent à réaliser la spécialité par ar
ticles. Chaque fois qu'on voulait concentrer
une allocation ou une réduction sur un objet
déterminé, on faisait sortir du chapitre 1 ar
ticle qu'on avait en vue, et ou le transfor
mait en ua chapitre spécial. C est par suite
de ces décompositions successives que le
nombre des chapitres du budget seleve
aujourd'hui à plus de quatre cents.
Qu'est-il résulté de cet envahissement de
l'administration par les assemblées ?
Un relâchement dans la hiérarchie admi
nistrative, la nécessité d'exagérer les éva
luations des services pour né pas être pris
au dépourvu;
Un entraînement naturel à faire la dépen-,
se unè ibis votée ; ;
Par suite, l'impossibilité pour uu ministre
de combiner un plan sérieux d'économie dans
cette comptabilité compassée et -méticuleuse
qui ne lui laisse aucune liberté d'action; ;
En résumé donc, une augmentation,quel
quefois fictive, trop souvent réelle, de la dé4
pensé; par suite, des annulations de crédits
et des , demandes de crédits supplémentai
res ; des difficultés et des lenteurs dans le
contrôle de la cour des comptes.
Les dispositions du projet- qui vous est
présenté feront disparaître cette confusion
de pouvoirs et cès complications dangereu
ses : le budget des dépenses sera voté par
ministère. Des décrets de l'Empereur, ren
dus en conseil d'Etat, subdiviseront les fonds
en chapitres, et pourront ordonner des vire-
mens de crédits d'un service à un autre.
Ainsi un budget, voté ordinairement'dix-
huit mois avant sa mise en exereice, pourra'
toujqursêtremodifié et approprié parle pou
voir exécutif aux besoins nouveaux, nés dé
circonstances imprévues ou d'événemens
politiques accomplis dans cet intervalle.
La garantie de la spécialité des chapitres
n'en sera pas moins maintenue; la régula
rité des dépenses sera contrôlée par Un exa
men solennel et approfondi de la cour des
comptes, et le Corps Législatif conservera la
surveillance de l'emploi des fonds votés par
l'examen et le vote de la loi des comptes.
En vertu de l'art. 42 de la Constitution, les
rapports^ les plus ordinaires du Corps légis
latif avec le pays s'établissent par la commu
nication aux journaux et la publication quo
tidienne du résumé des séances préparé par
les soins du président.
Jusqu'à présent, ce résumé a été confondu
avec le procès-verbal des séances. Il est né
cessaire de revenir à la saine application de
la Constitution. Pour atteindre ce but, il
suffira de ne plus confondre désormais deux:
choses tre-s distinctes : le procès-verbal des
opérations et des votes, qui sera seul soumis
à l'approbation du Corps Législatif, et l'ana
lyse sommaire des discours, qui sera faite
sous la surveillance du président. Pour fa
ciliter cette tâche et donner à ce travail les
plus grandes garanties d'impartialité, le pro
jet vous propose d'adjoindre au président du
Corps Législatif une commission composée
des sept présidens des bureaux.
L'art. 37 de la Constitution du 14 janvier
a déclaré gratuites les fondions de député
au Corps Législatif.
Le gouvernemènt vous demande de con
sacrer, au contraire, le principe de l'indem
nité, adopté par la Constitution de 1804.
Il ne faut pas imposer à ceux qui se dé
vouent à l'examen des intérêt du pays, des
sacrifices trop onéreux. On écarterait de ce
noble mandat ces hommes éclairés* intelli-
gens, laborieux, investis de la confiance pu
blique, mais auxquels leur modeste position
ne permet pas d'abandonner, sans compen
sation, des professions dont les bénéfices
sont leur principale fortune. Un gouverne
ment sage, loin de les éloigner, doit attirer
à lui toutes les forces intellectuelles de la
nation. Le législateur a assez fait pour la
complète indépendance des membres du
Corps Législatif en proclamant l'incompati
bilité de leur mandat avec toutes fonctions
publiques salariées.
Tels sont, outre la modification de la for
mule du serment les seuls chagemens pro
posés à la Constitution du 14 janvier ; car
les,art. 2, 9, 11,15,17, 18,19, dont l'abro
gation est demandée, sont ou dés disposi
tions contraires aux mesures qui viennent
d'être indiquées, ou des règlespurement re
latives à la réélection du Président de la île-
publique et à la duréélimité de son pouvoir.
Ces derniers articles sont abrogés par la
proclamation de l'Empire.
Ainsi, le projet soumis aux délibératiois
du Sénat ne touche à aucune dés garan
ties nationales. L'établissement de l'Em
pire. qui rend à la France le repos,la gran
deur. l'ordre, la sécurité dans l'avenir, ne lui
coûte aucune des libertés légitimes qui seu
les peuvent se concilier avec un grand pou
voir fondé sur l'amour :d'un grand peuple.
- Les commissaires du gouvernement,
J. Baroche , E. Rouher, Delangle*
Mgr Garibaldi a reçu les lettres qui l'ac
créditent en qualité de nonce du saint-siége
auprès de l'Empereur.
M. le prince de CSsigliano, ministre des
affaires» étrangères de Toscane; a annoncé
officiellement à M. le chargé d'affaires de
France; à Florence la satisfaction avec la
quelle S. A. I. et R. le grand-duc Léopold,
archiduc ! d'Autriche, avait appris l'avéne-
ment au trône de Sa Majesté Impériale.
De nouvelles ■ lettres de créance vont être
adressées à M. le prince Poniatowski,
Ainsi que nous le faisions pressentir,
l'Empereur n'est point revenu à Paris auj,
joura'hui ; on ne croit même pas que S. M.
arrive demain. * - ;
M. Renson, capitaine d'élat-major, aide-
de-camp du général Pélissier, a eu hier, à
Compiègne, l'nonnéur de présenter à l'Em
pereur les drapeaux pris à Laghouat. M.
Renson était accompagné de deux spahis.
S.' M. a félicité M. le capitaine Renson de sa
belle conduite en Afrique, et lui a conféré
en récompense le grade de chef d'escadron
d'état-inàjori Elle a remis aux dèùx spahis,
dont la belle conduite a été aussi l'objet d'u
ne mentibn toute spéciale, la médaille mili
taire:
On nous écrit de"'Stockholm, le 14 dé
cembre : '
« Aujourd'hui, à midi, la princesse royale est
heureusement àccbuchée d'un prince. Des salves
d'artillerie ont annoncé cet heureux événement et
un Te Deum, auquel ont assisté les deux reines et
la famille royale, a immédiatement été célébré
dans la chapelle du château.
» La convalescence du roi et celle de la prin
cesse Eugénie sont en progrès. "
» Le gouvernement a reçu ce çnatin du minis
tre, du roi à Paris là notification de l'avènement
de S. M. l'Empereur des Français, laquelle n'est
pas encore parvenue au ministre de France. D«
nouvelles lettres de créance vont être ^dressées
au comte de Lowenhielm. Vu la persistance de
l'état de faiblesse du roi, le ministre des affairt s
étrangères n'a piint encore pu avoir accès auprès
de S. M. »
Le ministère Aberdeea n'est pas encore
constitué, mais, s'il faut s'en rapporter au
Times, sa composition sera promptement
terminée. Nous nous abstiendrons de re
produire les combinaisons diverses et contra
dictoires qui sont indiquées par -les jour
naux, et qui servent de prétexte au blâme
ou à l'éloge qu'ils distribuent, selon Heur
nuance, aux candidats ministériels.
Lord Aberdeen n'assistait pas a la séance
d'hier à la chambre des lords. Mais le comte
Derby a pris la parole pour annoncer à l;i
chambre qu'il avait reçu une dépêche du
comte d'Aberdeen, qui le priait de deman
der l'ajournement de la chambre à lundi,
a Le noble comte, a ajouté lord Derby, a
lieu de croire que d'ici là ses arrangemeiiS
seront complétés.» L'ajournement a été pro
noncé,
La séance de la chambre des communes a
été courte et sans intérêt. Le seul incident à
signaler, c'est une motion de lord Dudley-
Stuart, qui demande la copie de tous les pa
piers relatifs à la reconnaissance de l'Empire:
français par l'Angleterre. Cette motion sera
développée après les vacances de-Noël.
DÉPÊCHE ÉLÉCTRIO'JÉ.
Londres, yenH^ ri( ji 24 décembre.
Le Morning-Chro^ llc i e publie la liste mi-
FEUILLETCS DU CONSTITUTIONNEL, 25 DÉCEMBRE.
THÉATJ1E IMPÉRIAL DE L'OPÉRA-COMIQUE
MAftCO SPADA,
Opèra-comique en trois actes, paroles de M. Scribe,
) musique de M. Auber.—Débuts .dç MUe.Duprez.
Qui a dit que Marco Spada serait peut-être
ledernier ouvrage ex le dernier triomphe du
maître illustre, le doyen, Thonaeur et le
éhef de l'école française ï Qui a pu pio
noncer cette parole irréfléchie ou exprimer
un doule aussi dénué de vraisemblance '
Parce qu'on a eompte ■ les années par les
succès, qu'on a seme d une main prodi
gue des milliers de pages charmantes, de
chants délicieux, de mélodies - populaire
parce qu'on a fait le bonheur et la joie de
îrois générations d'admirateurs ■;< qu'on a
été traduit dans -toutes les tangos-; et
qu'on a été chanté dans tous les pays «du
monde, en viendradire au génie : voilà la fin
- de ta carrière, et voilà le couronnement de
i -ton œuvre ; tu n'iras pas plus lom On vien
dra dire à l'arbre verdissant d'une Seve iné
puisable : voilâ tes derniers fruits et ta der
nière fleur; et à-la terre bénie du soieil, on
. Viendra dire : tu ne porteras plus de moi«
- sons] Ceux qui ont pu croire un instant que
l'auteur .de ia Muette, du Domino, éÉ-PAmbas
sadrice, du Moçori, de Haydée, de la Sirène et
■dé tant d'autres chefs d'amvrn, s'arrêterait
épuisé comme un athlète au bout de sa
eo«rse, n'étaient donc pas, l'autre soir, à l'O-
pér a-Comique ; car s'ils ayaienfcpuvoirel en
tendre les tressaillemens, les tuensports de
cette salle émue et frémissante; s ; ilsavaient
recueilli dans les entr'acùs les avis de tous
les musiciens, de tous les de tous
les critiques ; s'ils s'en étaient surtout i-ap-
portés à leur propre impression et- à leur
propre jugement; ce qui 34 encore, en fin
dé compte; le meilleur parti à prendre et le
pitf& *ûr, ils sauraient, à i/en pas doubler,
«ne jamais Auber n'a été plus jeune, plus
fécond, plus original, plus charmant, plus
spirituel etplusZjeufque dans cç^te partitioîi
de Marco Spada, qui ne sera, nous y comp
tons bien, ni son dernier mot dans l'art ni le
dernier fleuron de sa couronne.
Chose étonnante et que Rossini lui-même^
a remarquée, M. A.uber, qui n'a jamais été
en Italie, est de tous les compositeurs celui
qui a Je plus la mélodie, la fécondité, l'a
bondance, la facilité, la grâce et la'couleur
italiennes! Lorsque, dans les derniers temps
de son séjour en France, .011 adressait à Ros
sini les hommages qui lui sont dus, voiilant
rendre u.ux Français compliment pour com
pliment et justice pour justice, il disait avec
un accent sincère : « Ahi Messieurs , je n'ai
pourtant pas fait la Muettel » Quelle louan
ge pourrions-nous ajouter à cet éclatant
témoignage d'admiration et d'estime, tom
bant si juste et Venu de si haut!
f ne fois encore M, Auber, aidé de son
spirituel et ancien collaborateur, a demandé
a l'Italie, qui lui a si souvent porté bonheur,'
son inspiration et son sujet. Nous sommes
dans la campagne romaine, à quelques lieues
d'Albano, près d'une forêt que je ne me sou
viens pas d'avoir jamais traversée, moi qui
connais Rome et ses environs mieux que
tous les dragons du pape et que tous les bri
gands de M. Scribe. Mais, puisque M. Scri
be l'assure, il faut que la forêt existe.
Il paraît même qu'elle est plantée d'éra
bles, de peupliers, de chênes et de pins gi-
gantesquesy et que des chevaux barbes d'un
sang généreux,et des haqueuées d'une blan
cheur immaculée s'y proqaènent en toute
liberté, après avoir rompu la branche à la
quelle leurs cavaliers les avaient attachés
■ par la bride. Quoi de plus aisé que de
s'y méprendre et de sauter sur" un cheval
arabe lorsqu'on descend-d'une haquenée ?
• La nuit, tous les chevaux -sont gris*. C'est ce
qui fait que la jeuue et belle marquise de
San-Pietri, après avoir couru Je cerf en com
pagnie de son oncle, le gouverneur de Rome,
et de son patito, le capitaine Pepinelli, s'est
trompée dé monture, à la nuit tombante, et à
peine â-t- elle caressé de sa bianciie m^in I2. cri
nière épaisse et soyeuse du coursier inconnu,
qu'elle se sent, la pauvre femme, emportée
comme une Ûèche à travers la forêt. Le gou
verneur et Jb capijlaine lancent leurs chev aux
au galop pour rejoindre la belle fugitive, et
les voilà tous les trois, l'oncle, la nièce et le
sigisbé, tombant des nues dans la cour d'une
habitation.singulière, villa délicieuse au-de-
dans, forteresse fru-dehors,dontlepont-levis
s'es't abaisse'de lui-même et comme obéis
sant. à.unsignal invisible.
Point de gardiens dans ce château mysté
rieux, point.de palefreniers pour aider la si-
gnora à mettre pied à terre, point de va
lets pour annoncer les visiteurs. Le gouver
neur et sa nièce montent par un escalier de
marbre, parcourent les antichambres, les
galeries, les serres sans y rencontrer face
humaine, et se trouvent clans un charmant
petit salon aux colonnes de stuc, au pavé
de mosaïque et à la voûte ornée de fres
ques d'une rare beauté. Cependant le capi
taine Pepinelli (et c'est là le seul acte de cou
rage qu'il se permet dans toute la pièce),
armé d'un candélabre, se met bravement
à la recherche d'un être quelconque qui
puisse lui donner des-nouvelles du maître ou
des habitans de ce logis. De son côté, la
marquise, restée dans l'obscurité avec son
oncle, et tremblant à la pensée du terrible
Marco Spada, qui répand la consterna
tion et l'effroi dans les Etats-Romains, s'ap
puie, sans y prendre garde, à un panneau,
et quelle est sa terreur, lorsqu'elle sent que
le panneau cède à sa pression ! Le gouver
neur de; Rome, qui a juré d'exterminer tous
les brigands,et qui croit pour cela les tenir,
se moque des frayeurs de sa nièce, et, trou
vant à tâtons sous sai main un bouton de
soxinetté, il le lire à tout hasard, et,
ô merveille ! aussitôt la voix fraîche et
pure d'une jeune fille se fait entendre,
une maiij caressante et douce cherche à
presser la main du gouverneur ; on le sup
plia tendrement de se laisser embrasser. La
situation est délicate ; mais le capitaine Pe
pinelli rentre heureusement avec son flam
beau. La jeune fille , étonnée, mais nulle
ment émue, recule à la vue des étrangers, et
leur demande avec beaucoup de dignité de
quel droit et cqimï |ent, contre tous les usages
et toutes les bienséances; ils se sont intro
duits chez elle sans se faire annoncer. Le
gouverneur sourit, le capitaine veut parler;
mais la marquise, avec cet air aisé d'une
grande dame que rien n'embarrasse plus du
moment qu'elle se sent garantie- contre tout
danger, explique à la jeune personne par
quelle méprise et de quelle laçon étrange
elle est entrée dans le chateau. ■- ■
— Madame, dit alors la jeune fille avec le
ton de la plus exquise courtoisie, vous etes
chez le baron de la Torrida. et le cheval que
vous avez pris pour le vôtre, est a moi. Je
l'ai prêté ce matin à mon pere, qui ne tar
dera pas à rentrer, et, selon toute apparen
ce, vous ramènera votre haquenée. Veuillez
vous reposer un instant avec ces Messieurs
et daignez accepter quelques raft'aîcbisse-
mens. Il est vrai que mon père me défènd
de recevoir des étrangers en son absence;
mais je désobéirai, Madame, et lorsque mon
père vops âura vue, il ne me refusera pas
"mon pardon,
Un coup de feu, très rapproché, ébranle
en ce moment les croisées du salon. La
marquise est saisie d'une nouvelle panique,
son oncle fronce le sourcil, le capitaine res
pire, dés sels; mais la jeune fille, accoutu
mée à de pareilles alertes, rassure gracieu
sement ses hôtes et les prie dé passer dans
Une salle-voisine où la collation est ser
vie. Il-était temps; la croisée s'eritr'ouvre
ayee fracas, et un jeune homme/à la mine
bardie, s'élance dans le salon. Vous remar
querez que, dans ce ch|te4u inaccessible,
environné de toutes parts 4é fossés profonds
et de remparts crénçlés, tout le monde entre
comme dans la place Saint-Pierre. Mais cebi
est un détail. Le jeune hottimé qui pénètre
chez lesgehspar la fenêtre a sauvé la vie à la
fille du tjArqn,etselqn l'imprescriptible usagé
du ronjan et du théâtre, il vient réclamer sa
récompense, fout en le grondant de «a dé
marche téméraire, 011 lui fait comprendre
qu'il est aimé, que le baron n'ignore pas ses
sentlmens et ne les ; blâme point, pourvu
que le sauveur de sa fille, qui a gardé jus
qu'ici l'incognito, se fasse présenter d'une
manière convenable ; oç le pria enfin de se.
retirer-, car on entend le son du cor qui an
nonce l'arrivée du baron.
Le voilà, c'est bien lui, la jeune fille ne
s'est pas trompée, c'est le baron "de la Tor
rida ou,comme vous l'avez déjà deviné, c'est
le brigand Marco Spada. lise jette au cou de
sa fille, ange de pureté et d'innocence qui
ne se doute pas que son père est un bandit; il
la contemple avec unravlssement ineffable; il
la comble de baisers,de caresses et de présens.
Angéla, qui n'a point de secrets pour son
père, lui raconte tout d'abord la visite de
son jeune amoureux, et comment il a pro
mis de se faire connaître et de demander sa
main, en toute forme, si son père veut bien
la conduire dans un bal qui sera donné le jour
suivant chez Je gouverneur. « Etj'ai répondu
pour vous,mon bon père, ajoute Angela, de;
sa voix la plus douce et la plus insinuante,
que vous ne me refuseriez p,s oette grâce,
que vous n'avez jamais rien refusé à votre
fille chérie, et que nous irions certainement
au'bal chez monseigneur le gouverneur, :
— Chez le gouverneur de I\ome! s'écrie
Spada, en bondissant sur son siège, impos-
sihle,ma fille ! Mais je ne lèconnaispas, inoi,
ce gouverneur ! Mais' tu es folle, ma chère
enfant ! Mais on ne va pas chez les gens sans
y être invité !
— Aussi, sommes-nous priés, mon père,
dit la jeune fille avec ce ton de dignité et de
grâce qui ferait croire qu'elle a été élevée
dans le plus grand monde.
—Priés! dit Marco Spada de plus en plus
étonné, et par qui?
— Par le gouverneur lui-même... AU!
j'oubliais, mon père, mais vous m'avez parlé j
de tant de choses, j'oubliais de vous dire que
le gouverneur et sa nièce, et un capitaine de i
disions de leurs amis, sout venus tout à i
l J 'heure me demander l'hospitalité, et qo.e, |
malgré votre défense, je 11'ai pas cru devoir 1
fermer la porte de ce château à une si belle '
dame et à un si grand seigneur, et qu'il? i
sont ici, dans la pièce voisine, où i',3 ofttj
bien voulu accepter une CQilatlpu que je s
leur ai fait servir à la hâte.' If esi-ce pas, j
mon père, que i'ai eu raison de transgres- !
ser vos ordres, et que vous ne me gronderez j
pas? ...
— Moi te gronder, mon Angéla ! Tu n'y
songes pas, mon enfant ! ■
- Tout en prononçant ces mats, Marco.Spada,
devient pâle comme Ja mort, mais? il se dé- j
tourne vivement pour cacher son émotion,'
Sa première pensée, en se trouvant face,à face
avec son pluSi cruel ennemi, est de l'étraogler
bel èt bien ; d'autant plus qu'un piquet de
dragons, ramené par le capitaine Pepinelli,
qui Croyait avoir vu des bandits rôdant dans
la cour, cerne déjà le château. Mais le gou
verneur, au plus fort du danger, montre
un ki grand sang-froid; tant dé générosité
et$e bravoure, il s'offre de si bonne grâce
à risquer sa vie, s'il le faut, pour qu'on
ne touche pas à un cheveu de la fille
de son ' hôte, que le brigand, désarmé et
touché par un procédé si noble, n'engage
même pas un combat dont l'issue n'est jpoint
douteuse, et, malgré la supériorité de ses
forces et l'avantage dé sa position, le,laisse
aller sain et sauf, et lui promet de §e rendre
à son bal. Tout ceci se passe de,la façon du •
monde la plus naturelle sans que le gouver
neur ni sa nièce, ui la fille même du bandit
puissent, par le plus léger indice, soupçon
ner la vérité. Il a suffi d'un signe impercep
tible de leur ch^f pour .faire rentrer les
gands sous terre, et laisser tout.l'Uahneur
au triomphe, à ce capitaine imbéoile et à ses
douze dragons, • '
Au second acte, nous rencontrons tout
potre mondé chea le gouverneur ;,et vous
jugez des traces du bandit qui, po ur obéir â
,UH caprice de sa.QUe, vient se jeter lui-mê
me dans la gueule du.lion. S'il ne s'agissait
que.de ,§a vie, comme il la donnerait avec
Bonheur l Mais être .reconnu et tlétri devant
son Angéla, voir succéder la haine et le mé
pris dans ce cœur où'il a i'êgné jusqu'ici Sang
partage, lêtre .maudit, renié par' son en-
jtant, la voir expirer peut-^tre sous ses yeux
de douleur et de bonté, voilà ce qui çléchire
on. ce moment cet homme si calme en appa- •
soiit à ses pieds, tous les hommag.es sont
polir elle; on l'entoure, on l'admire, on la
supplie de chanter quelque mélodie nouvel
le.ou quelque tendre duo, et.à peine a-t-elle
a,cheve ses dernières notes, ce sont des cris»'
,des extases, des applaudisse mens sans rek£
che et ,&tus fin. Le gouverneur, euchanté,
s'âvançe pour l\ii làire ses çoinpliraeus pt lui
1HJRMU&: rae de Valois (ï*alais-Ilojal), 11. ÎO.
--'a « 0 »- î. , ~ » <■ ' *'■ " - ■'
B 1852. SAMEDI 25 DECEMBRE.
-Prii de l'àboMeàenL
DEPARTEBIEWa:
10 pr. pour trois mois.
PARIS :
18 fk. pour trois mois.
insf numéro : so centimes.
pour les pats ÉTRANGEiis, se reporter an
. tableau publié dans le journal, les 10 et
25 de chaque mois. -
Toute lettre non affranchie sera rigoureusement
Les articles déposés ne sont pas rendus.
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
On s'abonne, dans les départemens, aux Messager ies et aux Directions de poste.—A Lunires, chez MM. CowiE et fils.
— A Strasbourg, chez M. A lexandre , pour l 'Allemagne. -
S'adresser, franco , peur ffldminwtrution,
à h. demain j directeur,
| Les annonces sont reçue-, 11 ez M 'PaMS , régisseur, 10, place de la Bourse ;
| et au bureau, du journal.
F MUS, 24 DECEMBRE.
••• '» '• ■ . ; l - Jil ;
M. le ministre d'Etat a donné lec
ture hier au Sénat du décret organi
que réglant ■,* conformément à l'arti
cle 4 du sénatus-consulte du 7 novem
bre, l'Ordre de la succession au trône
dans la famille Bonaparte.
En voici le texte :
NAPOLÉON, 1 .
Par la grâce de Dieu et la volonté natio
nale, Empereur des Français,
A tous présens et à venir, salut : *
Vu l'art. 4 du sénatus-consulte du 7 no
vembre, ratifié par le plébiscite des 21 et 22
du même mois, aux termes duquel il nous
appartient de régler, par un décret organi
que adressé au Sénat, l'ordre de succession
au trône dans la famille Bonaparte , pour le
cas où nous ne laisserions aucun héritier di
rect, légitime ou adoptif;
Tout eu espérant qu'il nous sera donné de
réaliser les Vœux du pays et de contracter,
sous la protection divine, une alliance qui
nous permette de . laisser des héritiers di
rects; " - . . <
Ne voulant pas, néanmoins, que le trône,
relevé par la grâce de ,Dieu et la volonté na
tionale, puisse vaquer par défaut d'un suc
cesseur désigné par nous,
Avonà décrété et décrétons ce qui suit :
Art. 1". Dans le cas où nous ne laisserions
aucun héritier direct, légitime ou adoptif,
. Notre oncle bien-aime Jérôme - Napoléon-
Bonaparte et sa descendance-directe, natu-
• relie et légitime, provenant de son mariage
avec la princesse Catherine de Wurtemberg,
de mâle en mâle, par ordre de primogéni-
ture et à l'exclusion perpétuelle des femmes,
sont appelés à nous succéder.
Art. 2. Le présent décret, revêtu du sceau:
de l'Etat.,, sera porté au Sénat* par notre mi-
jïistre d'Etat, pour être-déposé dans ses ar
chives. r. ■ <- •>!' •*'•< » - •- '•
Fait au palais des Tuileries, le 18 décem
bre 1832. ■ '
N apoléon.
Par l'Empereur :
Le ministre d'Etat, Achille Fould.
Hier jeudi, le Sénat s'est réuni poui
délibérer sur le projet dé sénatus-con
sulte portant interprétation et modifi
cation dé la Constitution du 14 janvier
le. ; '
Ce projet a été adopté à la majorité
de 64 voix contréV.
"Voici le texte de l'exposé des motifs
du projet de ce sénatus-consulte, ; qui
avait été porté au Sénat dans sa séance
4u 6 décembre :
exposé des motifs du projet- de sénatus-con
sulte relatif a des modifications a ap
porter a, la constitution du 14 janvier
" 1852. >• -
Messieurs les sénateurs,
Consultée en 1848, en 1831, en 1852, com
me elle l'avait élé en l'an 8, en 1802, en
-l 804j la France a constamment faitla'même
'réponse, et manifesté chaque fois, sa volonté;
avec plus d'édat. •:
Fidèle à d'impérissables souvenirs de gloi
re, reconnaissante et des services passes et
des services nouveaux, elle a voulu que le
noble héritier du plus grand nom dés temps
modernes devint l'héritier d'un grand pou
voir. Elle a voulu; pour la seconde fois, pas
ser dés agitations impuissantes et stériles de
la République à la prospérité et à la.gran
deur de l'Empire, en rétablissant le trône de
■cette dynastie populaire que sà gloire, son
courage, son constant dévouement à la pa
trie, ses malheurs même, lui rendent si sym
pathique et si chère.
; Cette volonté, révélée par des acclamations
enthousiastes pendant le voyage du Prince,
'ri. été sanctionnée par tin vole libre, réfléchi,
universel, noble consécration d'un gouver
nement patriotique et sincère. L'accroisse
ment continu des ' suffrages a prouvé que
l 'exercice du pouvoir fortifiait la popularité
du chef de l'Etat et avait rendu plus vive la
reconnaissance qu'il inspire." Là, surtout, où
l 'esprit d'anarchie semblait avoir fait plus de
ravages, l'assentiment. et l'entraînement plus marqué : heureux
symptôme qui prouve à quel point le souve
nir des calamités de la guerre civile fait sen
tir à tous le prix d'une autorité forte et pa
ternelle !
Le sénatus-consulte organique du 7 no
vembre a consacré de nouveau les fyases de
la Constitution du 14 janvier 18o2 : aussi,
malgré l'importance de la transformation
gouvernementale qui vient de s'opérer, les
modifications que S. M. nous a chargés de
vous proposer ne sont ni très graves ni
très nombreuses, et sont, ' pour la plupart,
inspirées par l'expérience faite depuis quel
ques mois.
Elles s'appliquent aux droits et prérogati
ves de l'Empereur, à la famille impériale, à
la situation du Sénat, aux attributions du
Corps Législatif.
Nous aurons l'honneur de vous les expo
ser successivement.
L'article l or résout une difficulté de droit
public plus doctrinale que pratique. Tous les
gouvernemens monarchiques qui se sont
siiccédé en France ont considère comme un
attribut de la puissance -souveraine le droit
d'accorder des amnisties. Tous ont usé de
cette faculté. Elle ne saurait, sans de graves
inconvéniens politiques, être contestée ou
déniée au chef de l'Etat.
La Constitution de 1804 conférait à l'Em
pereur la présidence du Sénat, et resserrait
ainsi les liens qui unissent ce grand corps
au chef de l'Etat. Le projet vous propose de
rétablir cette prérogative, qui ajoute un nou
vel éclat à la haute dignité dont vous êtes
revêtus.
L'art. 6. de la Constitution du 14 janvier
donne au chef du pouvoir exécutif le droit
de faire les traités de paix, d'alliance et de
commerce. Lorsque la nation française traite
avec une autre nation, l'Empereur doit être _
son seul représentant; ce droit est écrit dans
toutes les constitutions monarchiques qui
ont régi la France depuis 1789.
Cependant une interprétation imposée par
des exigences parlementaires avait altéré,
cette haute attribution, et en avait, pour
ainsi dire, subordonné l'exercice à la sanc
tion du pouvoir législatif. On avait consacré,
en droit public, que les tarifs établis ou mo
difiés par un traité de commerce ne seraient
définitifs qu'après avoir été convertis eu-lois
par les chambres.
Ainsi, le droit constitutionnel du souve
rain était atteint indirectement. La conven
tion internationale n'était que conditionnel
le, malgré la ratification du prince. Le con
trat était discuté, remis en question devant
les assemblées, hors la présence et sans le
concours de&mandataires de la nation étran
gère. Il pouvait, en définitive, être modifié
ou détruit.
Une faculté aussi exorbitante est incom
patible avec la dignité de l'Empire; eile dé
place le droit sans profit pour la nation. Les
stipulations douanières insérées dans un
traité d'alliance sont presque toujours domi
nées par de bautes questions politiques que
le chef de l'Etat doit seul trancher. L'Empe
reur, en effet, éclairé par les conférences di
plomatiques, peut toujours apprécier les
intérêts généraux, politiques et industriels
des deux pays, mieux que le Corps Législatif,
placé nécessairement • à un point de vue ex
clusif, et devant lequel ne' sont pas repré
sentés les intérêts de l'autre nation contrac
tante. C'est donc avec raison (jue le gouver
nement vous propose de déclarer que les
traités de commerce portant modification
de tarifs auront force de loi par le fait sul de
leur promulgation.
L'art. 4 fin projet dispose que les grands
travaux d'utilité publique et. les entreprises
d'intérêt général pourront être ordonnés ou
autorisés par des décrets impériaux.
De pareils actes sont essentiellement des
actes de haute administration. Le pouvoir
exécutif est resté jusqu'én 1830 investi de ce
droit, écrit, notamment dans les lois de
1807 et de 1810 II. n'en a été dépossédé que
par celles des 21 avril 1832 et 3 mai 1841.
Ces dernières lois étaient empreintes de l'es
prit général du temps, qui ; tendait à l'em
piétement du pouvoir parlementaire sur le
pouvoir exécutif. Or nous savons tous
quelle confusion d'idées et de droits, quelle
énérvation de toutes les forces vives du
pay#,-ees tendances-entraînèrent avec-elles.
La rapidité et la simplicité d'action sont
aussi indispensables pour un grand pays que
pour un grand pouvoir.
La nécessité des forpties législatives ralen
tissait déjà beaucoup les, grandes entreprises
lorsque les assemblées étaient en quelque
sorte en permanence. Pendantcombien d'an
nées n'a-t-elle pas retardé la création de nos
chemins de fer, au grand détriment de la
prospérité et de la sécurité nationales !
Maintenant que la durée des sessions est
réduite à trois mois, la lenteur serait plus
marquée, et le préjudice plus considérable.
D'ailleurs, le. gouvernement, isolé des pas
sions locales qui ont engendré ces luttes ar
dentes dont nous n'avons pas' perdu le sou
venir, embrassant avec sollicitude et par un
examen d'ensemble les besoins généraux du
pays, est mieux placé pour décider de si
graves questions avec promptitude et impar
tialité.
Les avantages de cette féconde initiative
ont déjà été éprouvés et recueillis. C'est à la
grande satisfaction du pays qu'immédiate
ment après le 2 décembre les plus importans
travaux d'utilité publique, si tong-temps ré
clamés, ont été décrétés.
Sous celte vive impulsion, les capitaux,
long-temps comprimés par l'incertitude de
l'avenir, se sont engagés dans les affaires ; la
prospérité industrielle et financière du pays
s'est reconstituée.
Contre cette dévolution faite au pouvoir
exécutif, pourraient être élevées deux objec
tions, tirées, l'une de ce que les finances du
pays pourraient être imprudemment enga
gées ; l'autre, du respect dû au droit de pro
priété privée, droit que les législateurs n'ont
cru pouvoir mieux honorer et consacrer
qu'en le plaçant au rang des droits publics.
(Art. 26 de la Constitution du 14 janvier
1852.)
Mais, d'une part, toutes les garanties sont
données à la fortune du pays, car les dé
crets qui ordonnent ces trayaux sont rendus
dans les formes et avec les solennités du rè
glement d'administration publique, et les
crédits extraordinaires ouverts pour l'exécu
tion sont soumis à, la sanction du Corps Lé
gislatif dans sa plus prochaine session.
D'autre part, la disposition qui vous est
proposée n'est qu'un retour à la loi de 1810.
Et qui ignore que celte loi, dont les bases lu
rent posées par Napoléon I" dans une note
célèbre écrite à Schœnbrunn, eutpour but et
pour résultatde donner à Japropriété privée
les garanties les plus sûres et les plu» mul
tipliées? Or, ces garantiesj'puisées dans l'in
tervention de l'autorité juliciaire, augmen
tées par-tes lois de 183 i et de 1841 qui con
fient au jury la fixation de l'indemnité due
au propriétaire dépossédé, conservent toute
leur puissance protectrice..
L'article 5 reconnaît à l'Empereur le droit
de modifier par des décrets impériaux le dé
cret du 22 mars 1852 qui règle les grands
pouvoirs de l'Etat entre eux et avec le pou
voir exécutif. Ce décret, qui applique le mé
canisme de la Constitution, ne contient que
des dispositions purement réglementaires.
Il est l'œuvre du pouvoir exécutif; c'est donc
par lui que doivent être faites toutes les rec
tifications dopt l'expérience aurait démon
tré les avantages.
Néanmoins, il était utile de prévenir, par
une rédaction explicite, des doutes qui au
raient pu naître de ce qu'à la date du 22
mars 1852, le prince exerçait le pouvoir
constituant.
Vous devez, aux termes du sénatus-con
sulte du 7 novembre, régler la position de la
famille impériale. L'Empereur vous propose
d'adopter, presque textuellement, les dispo
sitions de la Constitution de -1804. Les mem
bres de la famille impériale seront appelés
princes français.
Le fils aîné de l'Empereur portera le titre
de Prince impérial.
Les actes civils de la famille seront dres
sés par le ministre d'Etat et déposés aux ar
chives du Sénat.
Il importe que les princes appelés éven
tuellement à l'hérédité puisent aux sources
les plus sûres la connaissance des affaires de
l'Etat. Aussi, dès l'âge de dix-liuit ans de
viendront-ils,membres du Sénat et du con
seil d'Etat.^ „
L'"'
moins, le Président delà ltépublique pouvait
aecoider à dos membre du Sénat, en raison
de services rendus et de leur position de
; fortune, une dotation personnelle.
Celte obligation imposée au chef de l'Etat
d'apprécier une position de fortuue toujours
relative et variable, de rechercher lesquels,
parmi tant d'hommes éminens et vénérés du
pays, ont rendu les plus grands et les plus
utiles services, ne présenie-t-elle pas dans
son accomplissement des écueils et des pé
rils?
Cette faculté exercée individuellement vis-
à-vis de quelques membres du Sénat est-elle
compatible avec la dignitéde cegrand corps?
Dépositaire du pacte fondamental et des
libertés consacrées par la Constitution, in
vesti du droit d'annuler tout acte arbitraire
ou illégal, le Sénat remplit, selonl'expression
du Prince, le rôle indépendant, salutaire, con
servateur des ancieûs parlemens ; la stabilité et
la permanence des institutions impériales
doivent lui donner une importance nouvelle,
et élever encore les conditions de son auto
rité, les garanties de son indépendance.
Aussi l'Empereur a-t-il voulu, d'une part,
que le nombre des sénateurs directement
nommés par lui ne pût excéder cent cin
quante. Il n'a pas voulu que la force; les
traditions de ce haut pouvoir pussent être
altérées; ou compromises à l'aide de nomi
nations nombreuses et subites dictées par
des circonstances politiques passagères, ou
d&s entraîneniens bientôt regrettés;
L'Empereur a pensé; en même temps,
qu'une règle commune devait être appliquée
au Sénat, et qu'une même dotation annuelle
et viagère devait être attachée aux fonctions
inamovibles de sénateur. Cette mesuré, qui
crée à tous les membres d'un même corps
une situation d'égalité, permet au chef de
l'Etat d'appeler a la plus haute dignité, sans
examen préalable de sa situation de fortune,
le citoyen illustré par l'éclat du talent, la no
blesse du caractère, la grandeur des servi
ces rendus.
Relativement au Corps Législatif, le gou
vernement vous demande de poser quelques
règles sur le vote du budget et sur la publi
cation des discussions du Corps Législatif. Il
vous demande aussi de fixer pour les dépu
tés une indemnité proportionnelle aux sacri
fices que leur impose l'accomplissement de
leurs devoirs publics.
• Le libre examen .du budget est la princi
pale attribution du Corps Législatif. Par le
vote des recettes, il est le défenseur, le gar
dien de la fortune nationale: par l'examen
des dépenses, il étend son contrôlé salutaire
sur tous les services publics.
Mais, dans l'exercice de cette surveillance,
le pouvoir parlementaire a, par des empiéte
ment graduels, entravé l'initiative et l'action
dit-pouvoir exécutif, dont il aggravait en
même temps la responsabilité.
Soùs l'Empire, la loi de finances portait
règlement des exercices clos, établissait la
situation en recette et en dépense, créditait
l'exercice courant et l'exercice futur, et don
nait des évaluations sommaires par dépar-
teméns ministériels/ ' -
Le gouvernement de la Restauration ob
serva les mêmes règles jusqu'en 1822 ; le
chiifre des dépenses était communiqué aux
chambres au milieu de l'exercice qu'il s'a
gissait de créditer. Le chef de l'Etat conser
vait la faculté d'utiliser, par des vire mens
d'un service à l'autre, les fonds restés sans
emploi. ' "
Le nombre des divisions s'accrut lente
ment; le budget de 1830 contenait à peu
près cent chapitres.
Lorsque le gouvernement de Juillet s'éta
blit,l'opposition dont il était sorti proposa
et fit décider, en janvier 1831, dans lereglè-
ment du budget de 1828, que le vote des dé
penses aurait lieu désormais par chapitres spé
ciaux, ne contenant que des services corrélatifs
ou de même nature, et avec interdiction de por
ter des fonds disponibles d'un chapitre à l'autre.
Ce premier succès obtenu, les commissions
de budget en développèrent rapidement les
conséquences, et,'sous le nom de chapitres,
elles tendirent à réaliser la spécialité par ar
ticles. Chaque fois qu'on voulait concentrer
une allocation ou une réduction sur un objet
déterminé, on faisait sortir du chapitre 1 ar
ticle qu'on avait en vue, et ou le transfor
mait en ua chapitre spécial. C est par suite
de ces décompositions successives que le
nombre des chapitres du budget seleve
aujourd'hui à plus de quatre cents.
Qu'est-il résulté de cet envahissement de
l'administration par les assemblées ?
Un relâchement dans la hiérarchie admi
nistrative, la nécessité d'exagérer les éva
luations des services pour né pas être pris
au dépourvu;
Un entraînement naturel à faire la dépen-,
se unè ibis votée ; ;
Par suite, l'impossibilité pour uu ministre
de combiner un plan sérieux d'économie dans
cette comptabilité compassée et -méticuleuse
qui ne lui laisse aucune liberté d'action; ;
En résumé donc, une augmentation,quel
quefois fictive, trop souvent réelle, de la dé4
pensé; par suite, des annulations de crédits
et des , demandes de crédits supplémentai
res ; des difficultés et des lenteurs dans le
contrôle de la cour des comptes.
Les dispositions du projet- qui vous est
présenté feront disparaître cette confusion
de pouvoirs et cès complications dangereu
ses : le budget des dépenses sera voté par
ministère. Des décrets de l'Empereur, ren
dus en conseil d'Etat, subdiviseront les fonds
en chapitres, et pourront ordonner des vire-
mens de crédits d'un service à un autre.
Ainsi un budget, voté ordinairement'dix-
huit mois avant sa mise en exereice, pourra'
toujqursêtremodifié et approprié parle pou
voir exécutif aux besoins nouveaux, nés dé
circonstances imprévues ou d'événemens
politiques accomplis dans cet intervalle.
La garantie de la spécialité des chapitres
n'en sera pas moins maintenue; la régula
rité des dépenses sera contrôlée par Un exa
men solennel et approfondi de la cour des
comptes, et le Corps Législatif conservera la
surveillance de l'emploi des fonds votés par
l'examen et le vote de la loi des comptes.
En vertu de l'art. 42 de la Constitution, les
rapports^ les plus ordinaires du Corps légis
latif avec le pays s'établissent par la commu
nication aux journaux et la publication quo
tidienne du résumé des séances préparé par
les soins du président.
Jusqu'à présent, ce résumé a été confondu
avec le procès-verbal des séances. Il est né
cessaire de revenir à la saine application de
la Constitution. Pour atteindre ce but, il
suffira de ne plus confondre désormais deux:
choses tre-s distinctes : le procès-verbal des
opérations et des votes, qui sera seul soumis
à l'approbation du Corps Législatif, et l'ana
lyse sommaire des discours, qui sera faite
sous la surveillance du président. Pour fa
ciliter cette tâche et donner à ce travail les
plus grandes garanties d'impartialité, le pro
jet vous propose d'adjoindre au président du
Corps Législatif une commission composée
des sept présidens des bureaux.
L'art. 37 de la Constitution du 14 janvier
a déclaré gratuites les fondions de député
au Corps Législatif.
Le gouvernemènt vous demande de con
sacrer, au contraire, le principe de l'indem
nité, adopté par la Constitution de 1804.
Il ne faut pas imposer à ceux qui se dé
vouent à l'examen des intérêt du pays, des
sacrifices trop onéreux. On écarterait de ce
noble mandat ces hommes éclairés* intelli-
gens, laborieux, investis de la confiance pu
blique, mais auxquels leur modeste position
ne permet pas d'abandonner, sans compen
sation, des professions dont les bénéfices
sont leur principale fortune. Un gouverne
ment sage, loin de les éloigner, doit attirer
à lui toutes les forces intellectuelles de la
nation. Le législateur a assez fait pour la
complète indépendance des membres du
Corps Législatif en proclamant l'incompati
bilité de leur mandat avec toutes fonctions
publiques salariées.
Tels sont, outre la modification de la for
mule du serment les seuls chagemens pro
posés à la Constitution du 14 janvier ; car
les,art. 2, 9, 11,15,17, 18,19, dont l'abro
gation est demandée, sont ou dés disposi
tions contraires aux mesures qui viennent
d'être indiquées, ou des règlespurement re
latives à la réélection du Président de la île-
publique et à la duréélimité de son pouvoir.
Ces derniers articles sont abrogés par la
proclamation de l'Empire.
Ainsi, le projet soumis aux délibératiois
du Sénat ne touche à aucune dés garan
ties nationales. L'établissement de l'Em
pire. qui rend à la France le repos,la gran
deur. l'ordre, la sécurité dans l'avenir, ne lui
coûte aucune des libertés légitimes qui seu
les peuvent se concilier avec un grand pou
voir fondé sur l'amour :d'un grand peuple.
- Les commissaires du gouvernement,
J. Baroche , E. Rouher, Delangle*
Mgr Garibaldi a reçu les lettres qui l'ac
créditent en qualité de nonce du saint-siége
auprès de l'Empereur.
M. le prince de CSsigliano, ministre des
affaires» étrangères de Toscane; a annoncé
officiellement à M. le chargé d'affaires de
France; à Florence la satisfaction avec la
quelle S. A. I. et R. le grand-duc Léopold,
archiduc ! d'Autriche, avait appris l'avéne-
ment au trône de Sa Majesté Impériale.
De nouvelles ■ lettres de créance vont être
adressées à M. le prince Poniatowski,
Ainsi que nous le faisions pressentir,
l'Empereur n'est point revenu à Paris auj,
joura'hui ; on ne croit même pas que S. M.
arrive demain. * - ;
M. Renson, capitaine d'élat-major, aide-
de-camp du général Pélissier, a eu hier, à
Compiègne, l'nonnéur de présenter à l'Em
pereur les drapeaux pris à Laghouat. M.
Renson était accompagné de deux spahis.
S.' M. a félicité M. le capitaine Renson de sa
belle conduite en Afrique, et lui a conféré
en récompense le grade de chef d'escadron
d'état-inàjori Elle a remis aux dèùx spahis,
dont la belle conduite a été aussi l'objet d'u
ne mentibn toute spéciale, la médaille mili
taire:
On nous écrit de"'Stockholm, le 14 dé
cembre : '
« Aujourd'hui, à midi, la princesse royale est
heureusement àccbuchée d'un prince. Des salves
d'artillerie ont annoncé cet heureux événement et
un Te Deum, auquel ont assisté les deux reines et
la famille royale, a immédiatement été célébré
dans la chapelle du château.
» La convalescence du roi et celle de la prin
cesse Eugénie sont en progrès. "
» Le gouvernement a reçu ce çnatin du minis
tre, du roi à Paris là notification de l'avènement
de S. M. l'Empereur des Français, laquelle n'est
pas encore parvenue au ministre de France. D«
nouvelles lettres de créance vont être ^dressées
au comte de Lowenhielm. Vu la persistance de
l'état de faiblesse du roi, le ministre des affairt s
étrangères n'a piint encore pu avoir accès auprès
de S. M. »
Le ministère Aberdeea n'est pas encore
constitué, mais, s'il faut s'en rapporter au
Times, sa composition sera promptement
terminée. Nous nous abstiendrons de re
produire les combinaisons diverses et contra
dictoires qui sont indiquées par -les jour
naux, et qui servent de prétexte au blâme
ou à l'éloge qu'ils distribuent, selon Heur
nuance, aux candidats ministériels.
Lord Aberdeen n'assistait pas a la séance
d'hier à la chambre des lords. Mais le comte
Derby a pris la parole pour annoncer à l;i
chambre qu'il avait reçu une dépêche du
comte d'Aberdeen, qui le priait de deman
der l'ajournement de la chambre à lundi,
a Le noble comte, a ajouté lord Derby, a
lieu de croire que d'ici là ses arrangemeiiS
seront complétés.» L'ajournement a été pro
noncé,
La séance de la chambre des communes a
été courte et sans intérêt. Le seul incident à
signaler, c'est une motion de lord Dudley-
Stuart, qui demande la copie de tous les pa
piers relatifs à la reconnaissance de l'Empire:
français par l'Angleterre. Cette motion sera
développée après les vacances de-Noël.
DÉPÊCHE ÉLÉCTRIO'JÉ.
Londres, yenH^ ri( ji 24 décembre.
Le Morning-Chro^ llc i e publie la liste mi-
FEUILLETCS DU CONSTITUTIONNEL, 25 DÉCEMBRE.
THÉATJ1E IMPÉRIAL DE L'OPÉRA-COMIQUE
MAftCO SPADA,
Opèra-comique en trois actes, paroles de M. Scribe,
) musique de M. Auber.—Débuts .dç MUe.Duprez.
Qui a dit que Marco Spada serait peut-être
ledernier ouvrage ex le dernier triomphe du
maître illustre, le doyen, Thonaeur et le
éhef de l'école française ï Qui a pu pio
noncer cette parole irréfléchie ou exprimer
un doule aussi dénué de vraisemblance '
Parce qu'on a eompte ■ les années par les
succès, qu'on a seme d une main prodi
gue des milliers de pages charmantes, de
chants délicieux, de mélodies - populaire
parce qu'on a fait le bonheur et la joie de
îrois générations d'admirateurs ■;< qu'on a
été traduit dans -toutes les tangos-; et
qu'on a été chanté dans tous les pays «du
monde, en viendradire au génie : voilà la fin
- de ta carrière, et voilà le couronnement de
i -ton œuvre ; tu n'iras pas plus lom On vien
dra dire à l'arbre verdissant d'une Seve iné
puisable : voilâ tes derniers fruits et ta der
nière fleur; et à-la terre bénie du soieil, on
. Viendra dire : tu ne porteras plus de moi«
- sons] Ceux qui ont pu croire un instant que
l'auteur .de ia Muette, du Domino, éÉ-PAmbas
sadrice, du Moçori, de Haydée, de la Sirène et
■dé tant d'autres chefs d'amvrn, s'arrêterait
épuisé comme un athlète au bout de sa
eo«rse, n'étaient donc pas, l'autre soir, à l'O-
pér a-Comique ; car s'ils ayaienfcpuvoirel en
tendre les tressaillemens, les tuensports de
cette salle émue et frémissante; s ; ilsavaient
recueilli dans les entr'acùs les avis de tous
les musiciens, de tous les de tous
les critiques ; s'ils s'en étaient surtout i-ap-
portés à leur propre impression et- à leur
propre jugement; ce qui 34 encore, en fin
dé compte; le meilleur parti à prendre et le
pitf& *ûr, ils sauraient, à i/en pas doubler,
«ne jamais Auber n'a été plus jeune, plus
fécond, plus original, plus charmant, plus
spirituel etplusZjeufque dans cç^te partitioîi
de Marco Spada, qui ne sera, nous y comp
tons bien, ni son dernier mot dans l'art ni le
dernier fleuron de sa couronne.
Chose étonnante et que Rossini lui-même^
a remarquée, M. A.uber, qui n'a jamais été
en Italie, est de tous les compositeurs celui
qui a Je plus la mélodie, la fécondité, l'a
bondance, la facilité, la grâce et la'couleur
italiennes! Lorsque, dans les derniers temps
de son séjour en France, .011 adressait à Ros
sini les hommages qui lui sont dus, voiilant
rendre u.ux Français compliment pour com
pliment et justice pour justice, il disait avec
un accent sincère : « Ahi Messieurs , je n'ai
pourtant pas fait la Muettel » Quelle louan
ge pourrions-nous ajouter à cet éclatant
témoignage d'admiration et d'estime, tom
bant si juste et Venu de si haut!
f ne fois encore M, Auber, aidé de son
spirituel et ancien collaborateur, a demandé
a l'Italie, qui lui a si souvent porté bonheur,'
son inspiration et son sujet. Nous sommes
dans la campagne romaine, à quelques lieues
d'Albano, près d'une forêt que je ne me sou
viens pas d'avoir jamais traversée, moi qui
connais Rome et ses environs mieux que
tous les dragons du pape et que tous les bri
gands de M. Scribe. Mais, puisque M. Scri
be l'assure, il faut que la forêt existe.
Il paraît même qu'elle est plantée d'éra
bles, de peupliers, de chênes et de pins gi-
gantesquesy et que des chevaux barbes d'un
sang généreux,et des haqueuées d'une blan
cheur immaculée s'y proqaènent en toute
liberté, après avoir rompu la branche à la
quelle leurs cavaliers les avaient attachés
■ par la bride. Quoi de plus aisé que de
s'y méprendre et de sauter sur" un cheval
arabe lorsqu'on descend-d'une haquenée ?
• La nuit, tous les chevaux -sont gris*. C'est ce
qui fait que la jeuue et belle marquise de
San-Pietri, après avoir couru Je cerf en com
pagnie de son oncle, le gouverneur de Rome,
et de son patito, le capitaine Pepinelli, s'est
trompée dé monture, à la nuit tombante, et à
peine â-t- elle caressé de sa bianciie m^in I2. cri
nière épaisse et soyeuse du coursier inconnu,
qu'elle se sent, la pauvre femme, emportée
comme une Ûèche à travers la forêt. Le gou
verneur et Jb capijlaine lancent leurs chev aux
au galop pour rejoindre la belle fugitive, et
les voilà tous les trois, l'oncle, la nièce et le
sigisbé, tombant des nues dans la cour d'une
habitation.singulière, villa délicieuse au-de-
dans, forteresse fru-dehors,dontlepont-levis
s'es't abaisse'de lui-même et comme obéis
sant. à.unsignal invisible.
Point de gardiens dans ce château mysté
rieux, point.de palefreniers pour aider la si-
gnora à mettre pied à terre, point de va
lets pour annoncer les visiteurs. Le gouver
neur et sa nièce montent par un escalier de
marbre, parcourent les antichambres, les
galeries, les serres sans y rencontrer face
humaine, et se trouvent clans un charmant
petit salon aux colonnes de stuc, au pavé
de mosaïque et à la voûte ornée de fres
ques d'une rare beauté. Cependant le capi
taine Pepinelli (et c'est là le seul acte de cou
rage qu'il se permet dans toute la pièce),
armé d'un candélabre, se met bravement
à la recherche d'un être quelconque qui
puisse lui donner des-nouvelles du maître ou
des habitans de ce logis. De son côté, la
marquise, restée dans l'obscurité avec son
oncle, et tremblant à la pensée du terrible
Marco Spada, qui répand la consterna
tion et l'effroi dans les Etats-Romains, s'ap
puie, sans y prendre garde, à un panneau,
et quelle est sa terreur, lorsqu'elle sent que
le panneau cède à sa pression ! Le gouver
neur de; Rome, qui a juré d'exterminer tous
les brigands,et qui croit pour cela les tenir,
se moque des frayeurs de sa nièce, et, trou
vant à tâtons sous sai main un bouton de
soxinetté, il le lire à tout hasard, et,
ô merveille ! aussitôt la voix fraîche et
pure d'une jeune fille se fait entendre,
une maiij caressante et douce cherche à
presser la main du gouverneur ; on le sup
plia tendrement de se laisser embrasser. La
situation est délicate ; mais le capitaine Pe
pinelli rentre heureusement avec son flam
beau. La jeune fille , étonnée, mais nulle
ment émue, recule à la vue des étrangers, et
leur demande avec beaucoup de dignité de
quel droit et cqimï |ent, contre tous les usages
et toutes les bienséances; ils se sont intro
duits chez elle sans se faire annoncer. Le
gouverneur sourit, le capitaine veut parler;
mais la marquise, avec cet air aisé d'une
grande dame que rien n'embarrasse plus du
moment qu'elle se sent garantie- contre tout
danger, explique à la jeune personne par
quelle méprise et de quelle laçon étrange
elle est entrée dans le chateau. ■- ■
— Madame, dit alors la jeune fille avec le
ton de la plus exquise courtoisie, vous etes
chez le baron de la Torrida. et le cheval que
vous avez pris pour le vôtre, est a moi. Je
l'ai prêté ce matin à mon pere, qui ne tar
dera pas à rentrer, et, selon toute apparen
ce, vous ramènera votre haquenée. Veuillez
vous reposer un instant avec ces Messieurs
et daignez accepter quelques raft'aîcbisse-
mens. Il est vrai que mon père me défènd
de recevoir des étrangers en son absence;
mais je désobéirai, Madame, et lorsque mon
père vops âura vue, il ne me refusera pas
"mon pardon,
Un coup de feu, très rapproché, ébranle
en ce moment les croisées du salon. La
marquise est saisie d'une nouvelle panique,
son oncle fronce le sourcil, le capitaine res
pire, dés sels; mais la jeune fille, accoutu
mée à de pareilles alertes, rassure gracieu
sement ses hôtes et les prie dé passer dans
Une salle-voisine où la collation est ser
vie. Il-était temps; la croisée s'eritr'ouvre
ayee fracas, et un jeune homme/à la mine
bardie, s'élance dans le salon. Vous remar
querez que, dans ce ch|te4u inaccessible,
environné de toutes parts 4é fossés profonds
et de remparts crénçlés, tout le monde entre
comme dans la place Saint-Pierre. Mais cebi
est un détail. Le jeune hottimé qui pénètre
chez lesgehspar la fenêtre a sauvé la vie à la
fille du tjArqn,etselqn l'imprescriptible usagé
du ronjan et du théâtre, il vient réclamer sa
récompense, fout en le grondant de «a dé
marche téméraire, 011 lui fait comprendre
qu'il est aimé, que le baron n'ignore pas ses
sentlmens et ne les ; blâme point, pourvu
que le sauveur de sa fille, qui a gardé jus
qu'ici l'incognito, se fasse présenter d'une
manière convenable ; oç le pria enfin de se.
retirer-, car on entend le son du cor qui an
nonce l'arrivée du baron.
Le voilà, c'est bien lui, la jeune fille ne
s'est pas trompée, c'est le baron "de la Tor
rida ou,comme vous l'avez déjà deviné, c'est
le brigand Marco Spada. lise jette au cou de
sa fille, ange de pureté et d'innocence qui
ne se doute pas que son père est un bandit; il
la contemple avec unravlssement ineffable; il
la comble de baisers,de caresses et de présens.
Angéla, qui n'a point de secrets pour son
père, lui raconte tout d'abord la visite de
son jeune amoureux, et comment il a pro
mis de se faire connaître et de demander sa
main, en toute forme, si son père veut bien
la conduire dans un bal qui sera donné le jour
suivant chez Je gouverneur. « Etj'ai répondu
pour vous,mon bon père, ajoute Angela, de;
sa voix la plus douce et la plus insinuante,
que vous ne me refuseriez p,s oette grâce,
que vous n'avez jamais rien refusé à votre
fille chérie, et que nous irions certainement
au'bal chez monseigneur le gouverneur, :
— Chez le gouverneur de I\ome! s'écrie
Spada, en bondissant sur son siège, impos-
sihle,ma fille ! Mais je ne lèconnaispas, inoi,
ce gouverneur ! Mais' tu es folle, ma chère
enfant ! Mais on ne va pas chez les gens sans
y être invité !
— Aussi, sommes-nous priés, mon père,
dit la jeune fille avec ce ton de dignité et de
grâce qui ferait croire qu'elle a été élevée
dans le plus grand monde.
—Priés! dit Marco Spada de plus en plus
étonné, et par qui?
— Par le gouverneur lui-même... AU!
j'oubliais, mon père, mais vous m'avez parlé j
de tant de choses, j'oubliais de vous dire que
le gouverneur et sa nièce, et un capitaine de i
disions de leurs amis, sout venus tout à i
l J 'heure me demander l'hospitalité, et qo.e, |
malgré votre défense, je 11'ai pas cru devoir 1
fermer la porte de ce château à une si belle '
dame et à un si grand seigneur, et qu'il? i
sont ici, dans la pièce voisine, où i',3 ofttj
bien voulu accepter une CQilatlpu que je s
leur ai fait servir à la hâte.' If esi-ce pas, j
mon père, que i'ai eu raison de transgres- !
ser vos ordres, et que vous ne me gronderez j
pas? ...
— Moi te gronder, mon Angéla ! Tu n'y
songes pas, mon enfant ! ■
- Tout en prononçant ces mats, Marco.Spada,
devient pâle comme Ja mort, mais? il se dé- j
tourne vivement pour cacher son émotion,'
Sa première pensée, en se trouvant face,à face
avec son pluSi cruel ennemi, est de l'étraogler
bel èt bien ; d'autant plus qu'un piquet de
dragons, ramené par le capitaine Pepinelli,
qui Croyait avoir vu des bandits rôdant dans
la cour, cerne déjà le château. Mais le gou
verneur, au plus fort du danger, montre
un ki grand sang-froid; tant dé générosité
et$e bravoure, il s'offre de si bonne grâce
à risquer sa vie, s'il le faut, pour qu'on
ne touche pas à un cheveu de la fille
de son ' hôte, que le brigand, désarmé et
touché par un procédé si noble, n'engage
même pas un combat dont l'issue n'est jpoint
douteuse, et, malgré la supériorité de ses
forces et l'avantage dé sa position, le,laisse
aller sain et sauf, et lui promet de §e rendre
à son bal. Tout ceci se passe de,la façon du •
monde la plus naturelle sans que le gouver
neur ni sa nièce, ui la fille même du bandit
puissent, par le plus léger indice, soupçon
ner la vérité. Il a suffi d'un signe impercep
tible de leur ch^f pour .faire rentrer les
gands sous terre, et laisser tout.l'Uahneur
au triomphe, à ce capitaine imbéoile et à ses
douze dragons, • '
Au second acte, nous rencontrons tout
potre mondé chea le gouverneur ;,et vous
jugez des traces du bandit qui, po ur obéir â
,UH caprice de sa.QUe, vient se jeter lui-mê
me dans la gueule du.lion. S'il ne s'agissait
que.de ,§a vie, comme il la donnerait avec
Bonheur l Mais être .reconnu et tlétri devant
son Angéla, voir succéder la haine et le mé
pris dans ce cœur où'il a i'êgné jusqu'ici Sang
partage, lêtre .maudit, renié par' son en-
jtant, la voir expirer peut-^tre sous ses yeux
de douleur et de bonté, voilà ce qui çléchire
on. ce moment cet homme si calme en appa- •
soiit à ses pieds, tous les hommag.es sont
polir elle; on l'entoure, on l'admire, on la
supplie de chanter quelque mélodie nouvel
le.ou quelque tendre duo, et.à peine a-t-elle
a,cheve ses dernières notes, ce sont des cris»'
,des extases, des applaudisse mens sans rek£
che et ,&tus fin. Le gouverneur, euchanté,
s'âvançe pour l\ii làire ses çoinpliraeus pt lui
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