Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-10-08
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 08 octobre 1852 08 octobre 1852
Description : 1852/10/08 (Numéro 282). 1852/10/08 (Numéro 282).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 282.
teMSÎilACSL'ïJrHe, de ValélsKEPaïaSg-Moyai), M'
1852. -1/EKDÏUEDESiOCTOBIllFî»
PARIS ET DEPARTEMENS
8 m. pour trois mois.
32 fr. pour l'année.
tin numéro : 15 centimes.
pouk les pays étkangers , se reporter au
tableau publié dans lo journal|, les'10 et
- 25 de chaque mois.
S'adresser , franco, pour la rédaction, à M. Cugheval-Claiugny, rédacteur en chef.
ï Les articles déposés ne sont pas rendus.
JOUPAL POLITIQUE, LjiTTÉBAIRE, UNIVERSEL.
On s'abonne, dans les dêpartemens, aux Messageries et aux\Directions de poste.—A Londres, chez MM. Cowif çt pils. I
• ! ; . —A Strasbourg, chez M- A lexandre , pour l'Allemagne. . ]
jgjg , S'adresser, franco, pour f administration,
WF à k. djbnain, directeur.
Les annonces sont reçues chez M. PANIS, régisseur, 10, place de la Bourse;
et au bureau du journal.
PARIS, 7 OCTOBRE.
L'assemblée de Francfort n'a pu fonder
l'unilé politique de l'Allemagne : l'unité
commerciale, dont le Zollverein semblait
être le fondement naturel, paraît destinée à
échouer également. Le congrès douanier de
Berlin vient en effet de se dissoifdre, et tout
espoir de reconstituer le Zollverein sur ses
anciennes bases paraît aujourd'hui perdu.
C'est la Prusse qui a pris elle-même l'initia
tive de la rupture des conférences. Une pa
reille mesure, qui peut avoir pour consé
quence de'couper l'Allemagne en deux, et
de raviver l'antagonisme du nord et du mi
di, ne pouvait manquer de produire au-delà
du Rhin la plus vive sensation.
En opposant, le 30 août, un refus aux de
mandes de la coalition de Darmstadt, la
Prusse avait fixé au 15 septembre la reprise
des conférences. Les Etats du midi n'avaient
point vu dans cette date un terme fatal ; ils
consultèrent l'Autriche et ils cherchèrent
avant tout à s'entendre entre eux sur une
réponse commune. Aussi, au 15 septembre,
leurs plénipotentiaires déclarèrent-ils qu'ils
étaient encore sans instructions. M.de Pom-
meresche, président des conférences, indi
qua aussitôt une séance pour le 17 septem
bre, et il n'y convoqua que les Etats qui
avaient donné leur adhésion au manifeste
prussien du 30 août, c'est-à-dire le Hano
vre, l'Oldenbourg et les petits Elats de la
Thurihge. On ne s'accorda point sur le
Sens de cette mesure. Voulait-elle dire que
là Prusse, interprétant comme un refus dé'
finitif le silence des Etats du midi, ne vou
lait plus continuer les conférences avec eux,
çt voulait traiter exclusivement avec les
Etats qui lui étaient fidèles ? Etait-ce seuler
ment chez la Prusse le désir çaturel de con
férer avec ses alliés et de fortifier son
union avec eux? Les journaux soutinrent
l'une et l'autre thèse; quelques feuilles de
Vienne accusèrent la Prusse de rompre aVec
le midi, quelques journaux prussiens pro
testèrent contre cette interprétation. Le gou
vernement prussien ne s'expliqua point;
d'ailleurs, les conférences indiquées n'eu
rent pas lieu par suite, de l'absence du
plénipotentiaire lianovrien. ■■■■■■
; Les Etats du midi continuèrent donc leurs
conférences à Munich; ils tombèrent d'accord
sur une réponse au manifeste prussien du
30 août. Cette réponse a reçu une publicité
officieuse," et nous l'avons fait connaître à nos
lecteurs. Lanécessité où le plénipotentiaire de.
Bade crut être de demander la ratification
du grand-duc, fit différer d'une couple de
jours la communication officielle de cette
réponse. Le plénipotentiaire bavarois à Ber
lin, M. de Meixner, en avait déjà le texte
entre les mains, lorsque,le 27 septembre/ la
^veille du jour où il comptait la communi
quer, le ministène prussien fit remettre par
ses envoyés à chacun des gouvernemens du
midi une note qui déclarait les conféren
ces rompues. M. de Manteuffel y disait
que le gouvernement prussien avait inu
tilement attendu une réponse à la deman
de faite par lui, « que les négociations pour
« un traité de commerce et de douanes
» avec l'Autriche ne fussent entamées qu'a-
» près le renouvellement du traité pour
» le renouvellement et l'extension du Zollve-
» rein.» M. de Manteuffel déclarait que son
gouvernement ne saurait attendre plus long
temps; mais il ajoutait que la Prusse était
prête à renouer les négociations; avec les
Etats [qui donneraient préalablement leur
assentiment à la déclaration du 30 août.
• M. de Menteuflel, on' le, voit, s'avisait Un
peu tard de faire du.-18 septembre une date
impérative, et, comme il était de notoriété
publique que la réponse des Etats du Midi
était toute prête, le soin que la Prusse met
tait à la devancer de vingt-quatre heures
était évidemment un calcul. La Prusse con
naissait le sens de cette réponse à ses propo
sitions,et comme elle ne voulait pas'prolonger
la discussion sur un point qu'elle était réso
lue à ne pas céder, elle abritait une rupture*
inévitable, spus une question de procédé." La|
noie.de M. de Manteuffel n'était donc qu'un
refus anticipé des nouvelles instances des
coalisés , et elle transformait en un ultima
tum le manifeste du 30 août, il fallait dé
sormais, comme la Prusse l'avait déclaré le
mois précédent, ou ajourner le traité avec
l'Autriche ou renoncer à faire partie du
Zollverein.
Les plénipotentiaires des Etats du midi
- s'adressèrent, comme ils en étaient conve
nus , le 28'septembre, à M. de Pomme-
fesche pour lui annoncer qu'ils avaient
reçu les instructions qu'ils attendaient et
l'inviter à fixer une séance pour qu'ils pus
sent faire une communication à la confé
rence. M. de Pommeresche répondit im
médiatement qu'il lui était ' impossible de
déférer à ce désir, en vue du contenu de la
dépêche de M. de Manteuffel dont il leur
adressait copie. C'était signifier que les con-'
férences étaient closes. Les plénipotentiaires
de la coalition rédigèrent une protestation
en s'appuyant sur ce que rien dans la note,'
prussienne du 30 août n'indiquait l'inten
tion d'une rupture immédiate-des conféren
ces dans le cas où la réponse n'arriverait
pas au temps' fixé , et ils y joignirent une
copie de là déclaration, de leurs gouverne
mens.
Nous avons déjà annoncé le départ de Ber
lin de tous les plénipotentiaires du midi, sauf
M. de Meixner qui est un des commissaires
du Zollverein. Les conférences sont donc
rompues, elles le sont par la volonté et par le
fait de la Prusse. Le gouvernement prussien
a publié dans la Gazette de Prusse, pour justi
fier sa résolution, un long exposé des négo
ciations. Ce manifeste cherche à établir qu'au
cune entente n'était possible, et qiie la Prusse
était arrivée à la dernière limite des con
cessions. Les conditions de durée du Zoll
verein, dit le manifeste, étaient dans la
confiance réciproque et dans l'esprit d"e con
corde qui animaient tou^ les membres de
l'association; la Prusse, après avoir rempli
tous ses engagemens, avait droit de compter
sur la bonne volonté de ses alliés pour re
nouveler et agrandir le Zollverein; quoique
cette bonne volonté lui ait manqué, la Prusse
attend l'avenir avec calmé et confiance.
La mesure prise par la Prusse ne manque
ni de hardiesse ni d'habileté, mais elle a
besoin d'être soutenue. Elle place dans une
situation difficile les Etats du midi "Ijui ti
raient du Zollverein le plus clair de leurs re
venus, et qui se trouyent exclus de l'unipn
sans être assurés de trouver un dédommage
ment du côté de l'Autriche. En outre, le Zoll
verein est' cher aux Allemands, comme un
premier pas vers l'unité ; il a créé des habi
tudes au commerce et à l'industrie'du midi;
et ,il n'est pas douteux que sa' rupture n'a
larme de nombreux et puissans intérêts.
Déjà une des chambres de laHesse-Darmstadt
à protesté contre la participation du gouver-
nenientde Darmstadt aux conférencesde Mu
nich, et on redoute des troubles dans les dis 1 -
tricts manufacturiers de là Saxe. On annonce
même que , dans l'appréhension de quel
ques désordres, et.pour prêter main forte
au gouvernement saxon, l'Autriche a con
centré 35,000 hommes en Bohême. La Prus
se a donc des chances en sa faveur, quand
elle se flatte d'obliger les gouvernemens du
midi à passer l'un après l'autre sous les four
ches caudines. Mais son succès dépend de la
conduite que tiendront le Hanovre et l'Au
triche.
Le Hanovre se regaxde-t-il comme lié vis-
à vis de la Prusse?.En concluant avec elle
le traité de septembre dernier, le Hano
vre, chef d'une ^association séparée, croyait
traiter avec le Zollverein, c'est-à-dire avec
la presque totalité de l'Allemagne. Aurait-
fait les mêmes sacrifices s'il s'était agi
uniquement de traiter avec la Prusse et les
Etats de la Thùringe, et de courir le risque
de se fermer toute l'Allemagne dumidi? Peut-
on lui imposer les mêmes charges, en lui
aisant perdre une grandie.partie des avan
tages promis ? Si - le Hanovre accepte comme
obligatoire le traité de septembre; la Prusse
,â "autour d'elle les élémens d'un Zollverein
nouveau. Si le Hanovre se tient pour déga
gé, il ne reste plus avec la Prusse que les pe
tits Etats de la Tburinge, et le Zollverein
est définitivement perdu. .
Il est une autre cause d'échec possible
pour la Prusse : cfcst que l'Autriche, encou
ragée par le succès de sôn dernier emprunt,
et confiante dans l'avenir de ses finances, ne
se décide à garantir aux Etats du midi l'in
tégrité de leur revenu douanier. Ceux-ci trou->
veraient alors dans une union avec l'Autriche
tous les avantages financiers que leur offrait»
le Zollverein; et aucun obstacle ne s'oppose^
rait à la formation d'une union austro-alle
mande, qui serait bientôt en relation avec l'u
nion austro-italienne aujourd'hui complète.
Alors, l'Allemagne du midi serait complète
ment soustraite à l'influence prussienne. La
Germanie serait définitivement coupée en
deux. L'avenir : seul nous dira laquelle de
toutes ces hypothèses doit se réaliser.
Cucheval-Clarigny.
VOYAGE DU PRINCE-PRESIDENT.
Le prince-President est arrivé aujourd'hui
à Bordeaux. Les préparatifs faitspour le rece
voir sont immenses et dépassent tout ce qui
a été fait jusqu'ici. Le chef de l'Etat passera
à Bordeaux les journées, de vendredi et de
samedi, et ne repartira que dimanche pour
Angoulême.
Toulouse, 6 octobre, trois lieure-
(lu soir.
Le à trois heures du soir, le prince s'est ren
du au Capitole, s'est, présenté au balcon ej a été ac
clamé par plus de 50,000 spectateurs aux cris de
Vive l'Empereur, ! vive Napoléon III !
Au spectacle, qui présentait un coup-d'œil fée
rique, l'enthousiasme a été d'une énergie inexpri
mable. Les dames agitaient leurs mouchoirs en
criant : Vive l'Empereur !
Au retour, la foule encombrait les rues pouf
saluer le prince des mômes cris.
, Ce matin, à sept heures et demie, S. A. a quitté
Toulouse. Malgré une pluie battante, la population
se pressait sur son passage, en poussant les mô
mes vivats.
Les paroles manquent.' pour exprimer l'exalta
tion de la réception à Toulouse.
Agen, 6 ootobre, 5 h. 1/2 du soin
Le prince entre dans'la ville, il est reçu avec le
plusgrand'eiithousiasm'e par la population et'par la
garnison. Les acclamations sont unanimes et les
cris de : Vive l'Empereur ! les dominent toutes.
La santé de S. A. est parfaite.
Agen, 6 octobre, 6 h. 1/2 du soir.
Mai gré la pluie, à son arrivée S. A. a été saluée
avec frénésie de cris de Vive l'Empereur ! par les
populations venues en masse, Le clergé, l'évéque
en tête, a reçu le prince, à la cathédrale. Ssn en
trée à la préfecture a amené une nouvelle explo
sion de cris de Vive l'Empereur ! et une avalan
che de bouquets et de couronnes.
Agen, 1 octobre, 7 li. du matin.
Le prince a offert hier au soir, à la préfecture,
un dîner de quarante couverts., La présentation
des autorités a eu lieu ensuite. 11 y a eu récep
tion des dames. Partout la présence de S; A. a
fait éclater le plus .vif enthousiasme. La fête du
Gravier était magnifique. La ville resplendissait
d'illuminations.
Agen, 7 octobre, 8 h. du matin.
Le départ a eu lieu au milieu des acclamations
les plus enthousiastes. Nqlle part S. A. n'a reçu
un accueil plus sympathique. Elle paraissait vive
ment émue.
L'état des eaux promet une navigation facile.
Bordeaux, 7 octobre, 4 1/2 du soir.
Le prince vient d'arriver à Bordeaux. Partout
les populations des deux rives l'ont salué par des
manifestations enthousiastes et par des cris de :
Vive l'Empereur ! L'entrée à Bordeaux dépasse
tout ce qu'on imagine.
Bordeaux, 8 h. du soir.
L'enthousiasme des populations est à son com
ble. Toutes les dames se pressent sur le grand es
calier «le la préfecture-; les jeunes filles déposent
des fleurs aux pieds du prince. De toutes parts se
font entendre les cris de Vive l'Empereur ! vive
Napoléon III! vive le Sguveur de la. France !
--Toute» les nouvelles de cette ville, eu date
d'hisr et renies ce soir, annonçaient que tout était
préparé pour lui faire le plus chaleureux accueil
La ville était encombrée par les députatioiis, non-
seulement de la Gironde, mais encore des dêpar
temens voisins. '
I
A la suite du décret du 17 mars 1852, qui
a annulé la perception du dixième du droit
d'octroi faite au profit du trésor, le conseil
municipal de Bordeaux a résolu de faiie pro
fiter particulièrement les vins de cette réduc
tion. Par suite de diverses déductions, il a
été reconnu que.les vins qui antérieurement
au décret du. mois de mars, payaient 16 l'r. 99
c. par barrique, pourraient ne plus paver
que 7 fr. 26 c., et c'est aujourd'hui même
que cette mesure a dû être mise à exécu
tion. C'est une réduction de 38 fr. 92 c. par
tonneau.
On ne pouvait mieux célébrer l'arrivée
du prince-Président. L. Boniface.
dix
On écrit de Carcassonne, 3 octobre, à~
heures'du soir :
,« I/accueil fait au prince-Président à la limite
du département de l'Aude faisait prévoir celui que
lui réservait lfr«hef-lieu. L'antique cité de César
gardait pour l'héritier de l'Empereur une de ces
réceptions dont le souvenir reste à jamais gravé
dans la mémoire de tous ceux qui ont pu en être
les témoins. .
» Dans toutes les localités qu'il a traversées, le
prince a trouvé des ares de triomphe, des estra
des drapées avec richesse et élégance, des guir
landes de verdure, les fenêtres de toutes les m'ai-
sons pavoisées, les angles de chaque rue ornés de
faisceaux reliés par des éoussons et surmontés par
des aigles, des devises où se reproduit toujours le
môme hommage : A Louis-Napoléon! à Napo
léon III! tive l'Empereur !
» 'Le préfet, l'évéque, et le général Gilan, com
mandant le département, s'étaient rendus à Nar-
bonne avec une partie des autorités du départe
ment et ont accompagné le prince.
., ' » Â 'son entrée, S. A. a été reçue par le maire,
M. Ed.' Bosc, entouré du conseil d'arrondisse-
ùient, du conseil municipal, de la magistrature
et du clergé. Le maire a harangué le prince, et
les derniers mots de son discours ont été suivis
d'une immense acclamation de Vive l'Empereur!
» A deux heures, le prince a fait son entrée à
cheval, au bruit de l'artillerie, au son des cloches,
au milieu des cris enthousiastes de toute la popu
lation. —
» A la préfecture, il avait été attendu par cent
jeunes filles qui lui ont offert des fleurs; l'une
d'elles lui a adressé un compliment, auquel il a
répondu par les paroles les plus gracieuses. Après
quelques instans - de repas, le prince est sorti par
la porte du jardin ; il a parcouru les boulevards
du Palais et du Cburs, où il a trouvé rangés les
délégués des communes et les anciens militaires
de l'Empire, ees dignes descendans des braves que
César signalait comme les « hommes forts et vail-
lans de Carcassonne, qui vinrent lui prêter l'ap
pui de leurs bras. >>• '
» Les délégués des communes étaient conduits
par les maires, adjoints et conseillers municipaux;
les 43u communes du département avaient répon
du il l'appel pour se rendre au clief-lieu ; on en
cite plusieurs où tout le monde a marché, et où
on a dû tirer au sort, le nom de de,ux ou trois
hommes valides qui resteraient pour avoir soin
dos troupeaux.
» Des bannières de couleurs diverses, du plus
gracieux effet, toutes entourées d'une guirlande
de feuilles d'or, et portant, au milieu, dans une
couronne de laurier aux feuilles d'or, les initiales
L.-N. et au bas le nom de la commune, guident
et divisent les arrondissemens, les cantons et
les communes. Il est impossible de décrire l'émo
tion populaire, l'élan des masses, l'enthousiasme
universel, en un mot, qui se traduit toujours par
le cri de Vive l'Empereur !
' » Après la revue des communes, le prince a
passé celle de l'armée. Le 2 e hussards; une batte
rie du 3 e d'artillerie, un bataillon du 07 e et un
autre du 20 e! léger, rangés en batailleront offert
un superbe spectacle, et ont défilé aux cris de :
Vive l'Empereur ! Un arc de triomphe élégant,
élevé devant la porte principale d'une caserne,
portait ces mots : Fiat imperium.
• ». En rentrant, le prince a reçu les différons
corps, toutes les autorités et tous les fonctionnai
res du département.
» Un grand couvert a réuni les principaux fonc
tionnaires du département..
« La ville est brillamment illuminée ; pendant
qu'un spectacle gratis, des danses publiques et un
icu d'artifice offraient leurs divertissemens il la
population, le prince était reçu à la mairie, où
un bal lui était donné par la municipalité. Les
cris répétés de Vive l'Empereur ! ont salué sa pré
sence.
» La journée avait commencé par un acte de
bienfaisance de la municipalité, qui avait décidé
qu'une distribution-de pain et de viande serait
laite aux pauvres do la ville. Le prince a voulu
qu'elle se terminât de la môme manière, et il a
ordonné qu'une somme fût distribuée aux moins I Montbrisoi*, de Bagnères, sont publiés au-
- heureux des vieux soldats de l'empire. »
'*' {Moniteur.)
On écrit de Toulouse, lundi -4 octobre, à
midi (ava.nt l'arrivée du prince) :
« Depuis huit jours, un mouvement extraordi
naire s'était déjà produit dans la ville; les hôtels
ne suffisaient plus pour tous les voyageurs ; les
; habitons de la ville mettaient à la disposition des
étrangers une partie de leurs logemens particu
liers. Les voitures publiques n'ayant pu organi
ser des services proportionnés aux besoins du mo
ment, les routes confinant à Toulouse offrent de
puis hier le coup d'œil le plus curieux. Des char
rettes de toute forme amènent des familles com
plètes, père, mère, vieillards et enfans; on dit
que des communes entières ont émigré en masse.
» La joie de voir bientôt le prince, le neveu du
grand empereur, deux fois sauveur de la société
française, de la civilisation européenne, anime ces
franches figures de villageois, aux costumes va
riés et pittoresques. Le pont si large de Toulouse
n'a été que lentement et péniblement dégagé, par
une police bien dirigée, de l'encombrement qui
s'y était, produit ce matin, par suite de la multi
plicité des arrivages.
» Ce n'est là que le mouvement individuel; les
députations organisées des dêpartemens voisins et
de tous les arrondissemens, cantons et communes
de la Haute-Garonne ne sont attendues que pour le
second jour de la fôte. On cite, par avance, des
arrondissemens où le chiffre des députations s'é
lèvera à 12, à 15 et même à 20,000 ames. Les pla
ces publiques de la ville, les ruas qui ne seront
pas sur le passage du prince seront nécessaire
ment transformées en bivacs, et le flot populaire
refluera à une ou deux lieues à la ronde.
» Le soleil a dissipé la pluie qui, depuis deux
jours, donnait des inquiétudes sur l'éclat d'une
fôte dont les préparatifs sont si brillans, et qui s'a
chèvent en ce moment. Les dispositions que ma
nifestent les populations autorisent à dire que'
Toulouse se signalera, parmi les localités visitées
par S. A. I., par l'ardeur des témoignages de son
dévoûment et de sa reconnaissance pour le prince
qui l'a délivrée des anarchistes et des agitateurs
révolutionnaires. » (Idem.)
Nous lisons dans le Messager du Midi :.
« Nous ne nous étions pas trompés, hier, lors
que nous avons dit que c'étaient probablement
(les femmes de transportés qui stationnaient sur
la route aux environs de la Bégude, pour, y atten
dre le passage du prince. Une scène bien tou
chante a eu lieu sur ce point.
» Toutes ces malheureuses femmes se sont je
tées à genoux avec leurs enfans sur la route, en
criant : Grâce ! grâce! Le prince a fait arrêter sa
voiture ; alors une d'entre les suppliantes, mère
de quatre enlans, a demandé au nom de toutes la
grâce des transportés, et elle a remis au prince
la pétition signée par elle et ses compagnes.
• » Louis-Napoléon l'a reçue avec son affabilité
ordinaire, et il a promis à celles qui l'imploraient
de s'occuper sérieusement du sort de leurs maris.
» Le cortège s'est arrêté pendant une demi-heu
re à la Bégude, où le prince a accepté un déjeûner
qui lui a été offert par son premier médecin, M.
le docteur Henri Conneau, membre du Corps Lé
gislatif. M. le docteur Conneau est né dans un vil
lage voisin de la Bégude, à Servian : il y a toute
sa famille, et il était parti la veille de Montpellier
pour avoir 1 occasion de la présenter au prince,
qui l'a reçue avec les marques de la sympathie la
plus profonde. , "
« La marche du - cortège a continué. Le prince
admirait la riche Végétation de la vallée de l'Hé
rault et surtout la merveilleuse production de nos
vignobles, si beaux à voir en ce moment; Il a mê
me voulu goûter un raisin cueilli sur le cep : il a
fait arrêter sa voiture près de la Bégude et il s'est
fait donner, par un garde-champôtre, une grappe
d'un'champ-voisin de la route.
» Voici le discours de. M. l'abbé Durand, curé
de Saint-Nazaire, de Béziers, et la réponse que le
prince lui a faite :
« Prince, ...
» Le clergé de la ville de Béziers et de son arron-,
dissement est heureux et fier de pouvoir vous offrir,
avec tout le reste do la France; l hommage de son
respect, de sa reconnaissance, et de son dévoûment.
« Témoins des. ravages déplorables du socialisme
et de ses hideux excès, ils nous appartient plus qu'à
beaucoup d'autres de bénir votre pouvoir libérateur
et de vous acclamer comme le sauveur du pnijs.
» Que la l 'rovidenco, Monseigneur, continue do
vous diriger et, de vous soutenir dans la haute et glo
rieuse mission qu'elle vous a confiée. Tel est notre
vœu le plus ardent, tel' sera l'objet constant des fer
ventes prières de l'archiprêtre do Béziers et de tout
ce cierge qui l'entoure.
» Daignez, prince, en agréer l'assurance. »
» Le prince a répondu ;
« Je vous remercie, Monsieur le curé, de ce
que vous venez de me dire. Ce pays a été beau-
» coup agité, mais il est maintenant rentré dans
le calme. Cela est dû au concours des hommes
de bien et du clergé, qui s'est montré digne de
sa mission et a donné, comme toujours, l'exem
ple de toutes les vertus. »
Les vœux- des conseils d'arrondissement de
Vannes, de Ploërmel, de Saint-Etienne, de
I jourd'hui.
Le conseil de Vannes reconnaît l'immense'
service que Louis-Napoléon a rendu à la
France par l'acte du 2 décembre; il apprécié, ;
l'énergie et la sagesse des mesures qui en '
.ont été la suite, et qui, en ménageant tous
les intérêts sociaux, sont de nature à conci-,
lier tous les partis. • ^ ,
Le conseil de Ploërmel émet le vœu que
la Providence fasse au prince-Président la
grâce de continuer, suivant ses desseins,
l'œuvre de salut qu'il a si heureusement
commencée.
Les autres conseils demandent l'Empire
en termes formels.
Le conseil de Bagnères s'exprime en ces;
termes :
« Considérant que la condition essentielle pour
la prospérité d'un pays est la stabilité de son gou
vernement;
» Que la Constitution ne satisfait pas pleine^
ment à cette condition, et que les dix années;
qu'elle nous donne ne sont qu'uno trêve pendant ,
laquelle les partis se prépareront à des luttes nou
velles, toujours fatales au pays;
» Que les acclamations populaires r qui accueil
lent partout le voyage triomphal du chef de l'Etat
sont une. preuve manifeste du vœu des popula
tions ;
» Le conseil, émet le vœu que le Sénat, usant
de l'initiative que l'art. 31 de la Constitution lui
confère, propose au peuple français le rétablisse
ment de l'Empire héréditaire dans la personne du
prince Louis-Napoléon,»
A la réception de la nouvelle qu'une ma
chine infernale avait été découverte à Mar
seille, un journal autrichien- a publié un ar
ticle qui reçoit une certaine importance de
sa reproduction au Moniteur. Nous publions;
cet article, ainsi que les réflexions qui 1 e
précèdent dans le journal du gouvernement :
«La dépêche télégraphique annonçant la décou
verte d'un complot ourdi à Marseille pour attenter
à la vie du Président a produit à Vienne une vive
sensation : La pensée d'une catastrophe qui aurait
pu terminer d'une manière tragique un voyage
commencé sous des auspices si rassurans pour la
tranquillité de la France,, a péniblement, affecté
les esprits. On en jugera par l'article suivant de
la Correspondance autrichienne, insérée dans le
Wiener Lloyd du 28 septembre 1852 :
« Un terrible attentat vient, d'après une dépê-'
che du gouvernement, insérée dans le Moniteur
d'être tentée àMarseille, Grâces soient rendues aux
précautions qui l'ont empêché d'être exécuté!
D'incalculables malheurs de famille et une im
mense désolation ont été ainsi évités. •*
» Nous reconnaissons, dans ce projet, ce parti
qui agit daus l'ombre, pour lequel tous les moyens
sont bons à exécuter, et qui"ne recule pas devant'
le meurtre politique. Il n'y a pas d'expression as
sez forte pour flétrir la conception d'un dessein
aussi horrihle. La connaissance de l'histoire et
des mobiles de la nature humaine doit avoir de
puis long-temps inspiré aux auteurs d'un pro
jet aussi abominable la persuasion que le meur
tre politique n'atteint jamais le but qu'il se
propose, mais bien plutôt, par suite d'u
ne loi inévitable de la nature , aboutit à un
résultat contraire. Le parti qui tente un tel tari
fait creuse, de sa propre main, le tombeau qui
doit l'engloiitir. Il élargit par là l'ahime qui ïe .sé
pare des partis raisonnables ; il éloigne beaucoup
de ses propres partisans dont les sentimens ' hu
mains doivent repousser l'emploi de moyens aussi
diaboliques, et qui, tout en adoptant, soit par
vanité, soit par des espérances coupables, soit
par leur propre faiblesse, des. théories subversi
ves, trouvent cependant la prat.iipie du meurtre
et de l'incendie trop épouvantable. ' '
» U, est vrai qu'en ce moment-ci. la, sit uation est
critique en France; l'état actuel des clibs.es sem
blé reposer sur la tête seule du Président., Les
auteurs du complot comptaient sur le -trouble et
la confusion que son exécution aurait fait naître
en France et en Europe.
■ » Cependant, nous en sommes très fermement
convaincus, ils se seraient complètement trempés.
La suite, inévitable d'un tel événement aurait été
que tous les hommes qui Ont aidé le Président,,
soit par leurs actions, soit par leurs conseils, dans
le rétablissemenfde l'ordre social, se .seraient réu
nis et auraient saisi lesrônesdugouvérncmentd'u-
no main si énergique, queia.parti du désordre n'y
eût gagné en rien. Ces hommes se seraient bien
gardés de reconstituer- le chaos d'une assemblée
nationale, de faire" renaître les intrigues parlemen
taires et démagogiques ,'et de rétablir ainsi, de
leurs propres mains, la régime qu'ils ont eux-mê
mes renversé. Un forfait aussi criminel aurait ra
dicalement guéri les faibles et. les irrésolus. Le
Président est le représentant d'un principe dont
la force et la valeur s'étendent, plus loin que ' la
durée probable de sa vie. Ce principe rassurant
domine aujourd'hui le pays, quelles que soient les
circonstances ; et cette conviction consolante doit
trahquilliser les esprits, pour aussi sombres qu'eus
sent été les destinées réservées à la France.
FENUiJON DU CONSTITUTIONNEL, 8 OCTOBRE.
li.% COMTKSSi:
DE MALILÉON.
XXXIII.
ou les choses s'embrouillent d'une furieuse
h manière.—une proposition délicate.
A la suite de cette petite scène, je restai
près de quinze jours sans voir Lucien : évi
demment il me boudait. J'alhii frapper trois
fois à sa porte : trois fois on me dit qu'il ve-
ijaitde sortir. Il est vrai qu'il se tenait moins
qub jamais chez lui et qu'il était toujours en
campagne. L'Auvergnat aux gages de lacha-
uoint'S.-e assurait qu'il passait une partie de
ses journées 'à l'hôtel Mauléon , et qu'à
îjioins d'y avoir son bonnet de- nuit, il n'é
tait pas possible d'y vivre sur un/pied de fa
miliarité plus complété^ D'autres rapports
analogues m'amvaient de divers points :
ceux-ci l'avaient vu au bois dans la-voiture de
la comtesse, ceux-là au théâtre, dans saloge,
iiu jour de grande représentation.. Ainsi l'in
timité se confirmait. Et pourtant il circulait
des versions opposées , venant de gens au
courant dos choses, et qui contribuaient à
entretenir un peu d'incertitude dans mon
espri - . - ,
Voici dans quels termes et de quelle part.
Ou disait, avec une certain^ alfeclation, que
Lucien n'était"" qu'èn'gùïgé'de chandelier,
^ - ' •' ' *• • ■ •' ' ^ J 1 11
La reproduction est interdite.
et pour masquer des feux bien autrement
sérieux que les siens; on disait qu'il en était
pour ses assiduités, et que la comtesse se
servait de lui en le jouant. On ajoutait qu'a
vec un caractère moins naïf et une candeur
moins entière, il se. serait déjà aperçu de
ce.manége qui se poursuivait à ses dépens et
presque sous ses veux. Tels étaient les pro
pos, et la position de ceux qui les tenaient
n'en faisait qu'accroître la grayité. C'étaient
des habitués de l'hôtel; des personnages im
portons, des hommes répandus dans le mon
de ; leur persistance à propager ces bruits
indiquait, suffisamment qu'il s'y attachait
un certain intérêt, et peut-ètre, eri bien cher
chant, en rapprochant les faits, en s'aidant
des circonstances, aurait-on découvert au
fond de tout cela une main prudente et avi
sée, colle de Mme de Mauléon. J'ajoute que
rien ne m'en a donné la preuve et que j'en
suis resté sur mes conjectures.
Mais que faire des lors? à qui se fier? la
quelle des deux versions admettre ? Lucien
était-il heureux? était-il joué? Voilà le pro
blème. D'un côté, rien de plus naturel
que de croire à un'caprice de la comtesse;
mon jeune homme était fait pour l'inspirer
et par bien des détails il tenait du héros
de roman. Cette adoration, née dans la soli
tude et nourrie d'hommages silencieux,
ce culte en plein air et le grave accident
qy i en avait été la suite, tout témoignait pour
lui, lui ouvrait les voies,, lui servait'de ti
tres, même avant qu'il se fût déclaré. Quels
gages pouvait-on exiger de plus, quelles
preuves? Gages, preuves, il avait tout fourni
d'avance et sans espoir de retour. Puis, où
est le cœur, même le plus blasé, - qui ré
siste aux élans d'une véritable "passion! et
lés plus blasés-: ne sont-ils p^sceux" qui-pren-
nent le plus de goût aux premiers épanouis
semens de l'ame? Ainsi, vingt motifs exis- -
taientpour que les choses eussent marché
toutes seules et rapidement. Quelle objec
tion y aurait pu faire la comtesse ? La crain
te d'un amour trop sérieux; le cas était rare,'
et, pour une fois, elle en pouvait courir la
chance.
Et cependant, rien n'était moins démon
tré que le succès cfe Lucien. Ne pouvait-il
pas avoir commis quelqu'une de ces mala
dresses que les femmes ne pardonnent pas ?
Ne pouvait-il pas avoir rencontré quelque
rivalité puissante ? La comtesse avait à ses
pieds des hommes doués des plus nobles et
des plus brillantes facultés de l'esprit ! Les-"
délaisserait-elle pour un enfant obscur, sans
nom, arrivé à peine de sa province ? Se rési
gnerait-elle à déchoir jusque-là? "Le 1 -pour
rait-elle, entourée comme elle l'était et as
siégée de conseils hostiles à cet amour de
fantaisie? Le doute était permis,et les bruits
qui couraient y ajoutaient un crédit nou
veau. Si bien qu'après avoir pesé les choses
avec un soin minutieux, j'en revenais à l'al
ternative que je m'étais posée dès le début,
et me trouvais dans l'impossibilité de con
clure. Est-il heureux ? est-il joué? Peut-être
était-il l'un et l'autre.
J'en étais là de mes incertit udes, lorsqu'un
matin*Lucien vint de lui-même chez moi. Il
y avait un temps infini qu'il ne m'avait fait
cet lionneur,etilétait facilede deviner qu'i*n
motif pressant l'entraînait seul • à cette dé
marche. J'eus néanmoins à le voir un plaisir
réel. L'histoire de l'enfant prodigue est tou
jours vraie, toujours vivante ; elle est un peu
l-'histoire du cœur humain. On aime les in
grats, on les regrette, quoi qu'ils fassent, et,
au premier retour, on oublie tout'pour tuer
le veau gras. A déi'auUle veau, j'olt'ris à Lu
cien de-partager les biftecks qu'on venait de
me servir. Avec quelques huîtres et un sau-
terne réseryé pour les grands jours, nous
avions la base d'un déjeûner de famille. Le
jeune homme s'excusa; il ne semblait pas
avoir le cœur aux festins : comme je n'avais
aucun motif d'infliger cet affront à'mon fru
gal ordinaire, je m'assis et attaipiai ce que
j'avais sous la main.
— Vous êtes rare comme les beaux jours!
lui dis-je. Auriez-vous besoin de moi, Lu
cien? ■ ■ :
— Oui, mon cousin; me répondit-il. Mais
achevez; rien ne presse.
Jamais je ne l'avais vu si solennel. Le vi-
sage était calme, quoique pâle; on y lisait un
sentiment de résolution très vif et très ar
rêté. Plus je l'examinais, plus je voyais qu'il
s-'agissait d'un acte sérieux, conçu et accom
pli avec un certain apprêt. Afin de m'en as
surer plus proniptement, j'anrégeai mon
modeste repas, et, lorsque tout fut en ordre,
je m'assis prés de lui
— Eli bien ! lui dis-je, de quoi s'agit-il ?
—Il s'agit d'une affaire d'honneur,me ré
pondit-il avec un cal me qui n'avait rien d'af
fecté.
— Vraiment,Lucien! m'écriai-je. Une af
faire d'honneur! Vous en.êtes déjà là.
- —Oui, mon cousin, me dit-il avec le même
sang-froid.
De toutes les conjectures possibles, celle-
ci était la plus éloignée 'de înon esprit ; aussi
aecueillis-je l'ouverture de Lucien avec une
surprise mêlée de crainte. D'un coup-d'œil
je mesurai les dangers qu'il allait courir, et
ifta tendresse, s'en alarma. •
: •— C'est donc pour un motif grave ? lui
dis-je.
• — Très grave, mon cousin ; vous en par-
lerais-jé sans cela? -
— Mais encore, Lucien
— Assez, mon cousin, nous en causerons
plus tard. Pour lè moment il n'y a qu'un
mot d'utile. M'assisterez-vôus, oui "ou non?
— Si, je vous assisterai, Lucien! m'écriai-
je avec douleur. Voilà un doute qui me na
vre. Cruel enfant! Pour .qui me prenez-vous?.
Parce que vous vous détachez, croyez-vous
que je me détache? Moi! vous laisser enga
ger sans que je sois présent ! Mais j'irais sur
mes genoux, si mes pieds s'y refusaient.
Voyous ; un peu de confiance et tirons au
clair tout ceci. Avec qui en avez-vous, Lucien?
— Avec le peintre Maxime, mon cousin.
— Maxime, dis-je, uu ami de la comtesse
de Mauléon ?
— Maxime tout court, mon cousin; sup
primez les qualités. . ■
— Il se pique, donc il est joué ; pensai-je
en moi-même. Soit, repris-je, en m'adfes-
sant à lui; et qu'avez-vous eu avec Maxime?
■—Moi' rien, mon cousin; c'est lui qui-le
prend mal Des airs de. pacha! un ton hau
tain!
— Le peintre se lâche, me dis-je; alors, Lu
cien est heureux, c'est évident. Ali ! le défi
est venu de Maxime? ajoutai-jeà haute voix.
— Mon Dieu ! mon cousin, répliqua: le jeu
ne homme avec un peu d'humeur, de lui ou
de moi, de moi ou de lui, qu'importe ? De
tous les deux, si vous le voulez. Vous êtes
bien vétilleux. Sait-on jamais, dans les que
relles, qui commence et qui finit ? A quoi bon
d'ailleurs ? Dès qu'on se bat, tout est dit : il
n'est nul besoin.de tant d'histoires !
—■ Décidément, je m'y/perds, me dis-je.
Tantôt c'est lui qui boude, tantôt c'est le
peiutre.: Est-il heureux V est-il joué ? C'est
plus problématiquejque jamais.
Quoi qu'en put croire mon jeune homme,
il était impossible de se, rendre sur-le .terrain
sans avoir quelques détails sur l'affaire et
sans connaître la manière dont elle s'était
engagée. Je revins à la charge par trois fois.,
toujours inutilement. - ^
— Trêve là dessus, me dit-il, ou je prends
deux militaires pour seconds.
— Mon Dieu! Lucien, un mot seulement !
— Pas une syllabe, mon cousin, pas une
syllabe, et allons au fait. Je puis, compter
sûr vous, n'est-ce pas? ' ' •
— En doutez-vous, Lucien ?
— Non, mon cousin, je n'en doute, pas ;.
je connais trop votre cœur,; merci'mi|le fois!
Et vous chargez-vous de trouver l'autre té
moin? ' ■■ ....... , ■ .: ■ !..
— t SoiULucien* ... . ,
— Eh-bien ! voilà nos nrraqgemens pris.
Ce soir nous fixerons l!heureet l'endroit.
D'ici là, ayez un ami,, tout le reste me re
garde. A ce soir. •
Il me quitta sur ces mots sans que sa fer
meté se fût un instant démentie. Resté seul,
je me mis à réfléchir sur ce qui.venait de s,e
passer. Décidément, il était impossible de
l'établir un peu de confiance entre eè jeune
homme et moi. Même pour un . cas sérieux
et, malgré les efforts les plus vifs, je n'avaii?
pu obtenir de lui ajitre chose que des défai
tes. Il me traînait à .un rendez-vous d'Iion-
neur, où sa vie était en jeu, où ma respon
sabilité était engagée, sans me fournir i oiri-
bre, les apparences d'une explication. Il
m'obligeait a marcher, bon gré mal gré., sans .
tenir compte de mes scrupules et sous la
seule menace de se passer de m (à. C Y 1 tait
abuser : tout autre à,ma. place l'eût aban
donné à son destin. Ma tendresse fut la plus
forte, et d'ailleurs je ne lui imputais que la
moindre partie de ces. torts. Derrière cecij
c'est encore la comtesse que je voyais; elle
pqyssait cet enfant vers vers
toutes les violences. Mais cominên't? niais à
teMSÎilACSL'ïJrHe, de ValélsKEPaïaSg-Moyai), M'
1852. -1/EKDÏUEDESiOCTOBIllFî»
PARIS ET DEPARTEMENS
8 m. pour trois mois.
32 fr. pour l'année.
tin numéro : 15 centimes.
pouk les pays étkangers , se reporter au
tableau publié dans lo journal|, les'10 et
- 25 de chaque mois.
S'adresser , franco, pour la rédaction, à M. Cugheval-Claiugny, rédacteur en chef.
ï Les articles déposés ne sont pas rendus.
JOUPAL POLITIQUE, LjiTTÉBAIRE, UNIVERSEL.
On s'abonne, dans les dêpartemens, aux Messageries et aux\Directions de poste.—A Londres, chez MM. Cowif çt pils. I
• ! ; . —A Strasbourg, chez M- A lexandre , pour l'Allemagne. . ]
jgjg , S'adresser, franco, pour f administration,
WF à k. djbnain, directeur.
Les annonces sont reçues chez M. PANIS, régisseur, 10, place de la Bourse;
et au bureau du journal.
PARIS, 7 OCTOBRE.
L'assemblée de Francfort n'a pu fonder
l'unilé politique de l'Allemagne : l'unité
commerciale, dont le Zollverein semblait
être le fondement naturel, paraît destinée à
échouer également. Le congrès douanier de
Berlin vient en effet de se dissoifdre, et tout
espoir de reconstituer le Zollverein sur ses
anciennes bases paraît aujourd'hui perdu.
C'est la Prusse qui a pris elle-même l'initia
tive de la rupture des conférences. Une pa
reille mesure, qui peut avoir pour consé
quence de'couper l'Allemagne en deux, et
de raviver l'antagonisme du nord et du mi
di, ne pouvait manquer de produire au-delà
du Rhin la plus vive sensation.
En opposant, le 30 août, un refus aux de
mandes de la coalition de Darmstadt, la
Prusse avait fixé au 15 septembre la reprise
des conférences. Les Etats du midi n'avaient
point vu dans cette date un terme fatal ; ils
consultèrent l'Autriche et ils cherchèrent
avant tout à s'entendre entre eux sur une
réponse commune. Aussi, au 15 septembre,
leurs plénipotentiaires déclarèrent-ils qu'ils
étaient encore sans instructions. M.de Pom-
meresche, président des conférences, indi
qua aussitôt une séance pour le 17 septem
bre, et il n'y convoqua que les Etats qui
avaient donné leur adhésion au manifeste
prussien du 30 août, c'est-à-dire le Hano
vre, l'Oldenbourg et les petits Elats de la
Thurihge. On ne s'accorda point sur le
Sens de cette mesure. Voulait-elle dire que
là Prusse, interprétant comme un refus dé'
finitif le silence des Etats du midi, ne vou
lait plus continuer les conférences avec eux,
çt voulait traiter exclusivement avec les
Etats qui lui étaient fidèles ? Etait-ce seuler
ment chez la Prusse le désir çaturel de con
férer avec ses alliés et de fortifier son
union avec eux? Les journaux soutinrent
l'une et l'autre thèse; quelques feuilles de
Vienne accusèrent la Prusse de rompre aVec
le midi, quelques journaux prussiens pro
testèrent contre cette interprétation. Le gou
vernement prussien ne s'expliqua point;
d'ailleurs, les conférences indiquées n'eu
rent pas lieu par suite, de l'absence du
plénipotentiaire lianovrien. ■■■■■■
; Les Etats du midi continuèrent donc leurs
conférences à Munich; ils tombèrent d'accord
sur une réponse au manifeste prussien du
30 août. Cette réponse a reçu une publicité
officieuse," et nous l'avons fait connaître à nos
lecteurs. Lanécessité où le plénipotentiaire de.
Bade crut être de demander la ratification
du grand-duc, fit différer d'une couple de
jours la communication officielle de cette
réponse. Le plénipotentiaire bavarois à Ber
lin, M. de Meixner, en avait déjà le texte
entre les mains, lorsque,le 27 septembre/ la
^veille du jour où il comptait la communi
quer, le ministène prussien fit remettre par
ses envoyés à chacun des gouvernemens du
midi une note qui déclarait les conféren
ces rompues. M. de Manteuffel y disait
que le gouvernement prussien avait inu
tilement attendu une réponse à la deman
de faite par lui, « que les négociations pour
« un traité de commerce et de douanes
» avec l'Autriche ne fussent entamées qu'a-
» près le renouvellement du traité pour
» le renouvellement et l'extension du Zollve-
» rein.» M. de Manteuffel déclarait que son
gouvernement ne saurait attendre plus long
temps; mais il ajoutait que la Prusse était
prête à renouer les négociations; avec les
Etats [qui donneraient préalablement leur
assentiment à la déclaration du 30 août.
• M. de Menteuflel, on' le, voit, s'avisait Un
peu tard de faire du.-18 septembre une date
impérative, et, comme il était de notoriété
publique que la réponse des Etats du Midi
était toute prête, le soin que la Prusse met
tait à la devancer de vingt-quatre heures
était évidemment un calcul. La Prusse con
naissait le sens de cette réponse à ses propo
sitions,et comme elle ne voulait pas'prolonger
la discussion sur un point qu'elle était réso
lue à ne pas céder, elle abritait une rupture*
inévitable, spus une question de procédé." La|
noie.de M. de Manteuffel n'était donc qu'un
refus anticipé des nouvelles instances des
coalisés , et elle transformait en un ultima
tum le manifeste du 30 août, il fallait dé
sormais, comme la Prusse l'avait déclaré le
mois précédent, ou ajourner le traité avec
l'Autriche ou renoncer à faire partie du
Zollverein.
Les plénipotentiaires des Etats du midi
- s'adressèrent, comme ils en étaient conve
nus , le 28'septembre, à M. de Pomme-
fesche pour lui annoncer qu'ils avaient
reçu les instructions qu'ils attendaient et
l'inviter à fixer une séance pour qu'ils pus
sent faire une communication à la confé
rence. M. de Pommeresche répondit im
médiatement qu'il lui était ' impossible de
déférer à ce désir, en vue du contenu de la
dépêche de M. de Manteuffel dont il leur
adressait copie. C'était signifier que les con-'
férences étaient closes. Les plénipotentiaires
de la coalition rédigèrent une protestation
en s'appuyant sur ce que rien dans la note,'
prussienne du 30 août n'indiquait l'inten
tion d'une rupture immédiate-des conféren
ces dans le cas où la réponse n'arriverait
pas au temps' fixé , et ils y joignirent une
copie de là déclaration, de leurs gouverne
mens.
Nous avons déjà annoncé le départ de Ber
lin de tous les plénipotentiaires du midi, sauf
M. de Meixner qui est un des commissaires
du Zollverein. Les conférences sont donc
rompues, elles le sont par la volonté et par le
fait de la Prusse. Le gouvernement prussien
a publié dans la Gazette de Prusse, pour justi
fier sa résolution, un long exposé des négo
ciations. Ce manifeste cherche à établir qu'au
cune entente n'était possible, et qiie la Prusse
était arrivée à la dernière limite des con
cessions. Les conditions de durée du Zoll
verein, dit le manifeste, étaient dans la
confiance réciproque et dans l'esprit d"e con
corde qui animaient tou^ les membres de
l'association; la Prusse, après avoir rempli
tous ses engagemens, avait droit de compter
sur la bonne volonté de ses alliés pour re
nouveler et agrandir le Zollverein; quoique
cette bonne volonté lui ait manqué, la Prusse
attend l'avenir avec calmé et confiance.
La mesure prise par la Prusse ne manque
ni de hardiesse ni d'habileté, mais elle a
besoin d'être soutenue. Elle place dans une
situation difficile les Etats du midi "Ijui ti
raient du Zollverein le plus clair de leurs re
venus, et qui se trouyent exclus de l'unipn
sans être assurés de trouver un dédommage
ment du côté de l'Autriche. En outre, le Zoll
verein est' cher aux Allemands, comme un
premier pas vers l'unité ; il a créé des habi
tudes au commerce et à l'industrie'du midi;
et ,il n'est pas douteux que sa' rupture n'a
larme de nombreux et puissans intérêts.
Déjà une des chambres de laHesse-Darmstadt
à protesté contre la participation du gouver-
nenientde Darmstadt aux conférencesde Mu
nich, et on redoute des troubles dans les dis 1 -
tricts manufacturiers de là Saxe. On annonce
même que , dans l'appréhension de quel
ques désordres, et.pour prêter main forte
au gouvernement saxon, l'Autriche a con
centré 35,000 hommes en Bohême. La Prus
se a donc des chances en sa faveur, quand
elle se flatte d'obliger les gouvernemens du
midi à passer l'un après l'autre sous les four
ches caudines. Mais son succès dépend de la
conduite que tiendront le Hanovre et l'Au
triche.
Le Hanovre se regaxde-t-il comme lié vis-
à vis de la Prusse?.En concluant avec elle
le traité de septembre dernier, le Hano
vre, chef d'une ^association séparée, croyait
traiter avec le Zollverein, c'est-à-dire avec
la presque totalité de l'Allemagne. Aurait-
fait les mêmes sacrifices s'il s'était agi
uniquement de traiter avec la Prusse et les
Etats de la Thùringe, et de courir le risque
de se fermer toute l'Allemagne dumidi? Peut-
on lui imposer les mêmes charges, en lui
aisant perdre une grandie.partie des avan
tages promis ? Si - le Hanovre accepte comme
obligatoire le traité de septembre; la Prusse
,â "autour d'elle les élémens d'un Zollverein
nouveau. Si le Hanovre se tient pour déga
gé, il ne reste plus avec la Prusse que les pe
tits Etats de la Tburinge, et le Zollverein
est définitivement perdu. .
Il est une autre cause d'échec possible
pour la Prusse : cfcst que l'Autriche, encou
ragée par le succès de sôn dernier emprunt,
et confiante dans l'avenir de ses finances, ne
se décide à garantir aux Etats du midi l'in
tégrité de leur revenu douanier. Ceux-ci trou->
veraient alors dans une union avec l'Autriche
tous les avantages financiers que leur offrait»
le Zollverein; et aucun obstacle ne s'oppose^
rait à la formation d'une union austro-alle
mande, qui serait bientôt en relation avec l'u
nion austro-italienne aujourd'hui complète.
Alors, l'Allemagne du midi serait complète
ment soustraite à l'influence prussienne. La
Germanie serait définitivement coupée en
deux. L'avenir : seul nous dira laquelle de
toutes ces hypothèses doit se réaliser.
Cucheval-Clarigny.
VOYAGE DU PRINCE-PRESIDENT.
Le prince-President est arrivé aujourd'hui
à Bordeaux. Les préparatifs faitspour le rece
voir sont immenses et dépassent tout ce qui
a été fait jusqu'ici. Le chef de l'Etat passera
à Bordeaux les journées, de vendredi et de
samedi, et ne repartira que dimanche pour
Angoulême.
Toulouse, 6 octobre, trois lieure-
(lu soir.
Le à trois heures du soir, le prince s'est ren
du au Capitole, s'est, présenté au balcon ej a été ac
clamé par plus de 50,000 spectateurs aux cris de
Vive l'Empereur, ! vive Napoléon III !
Au spectacle, qui présentait un coup-d'œil fée
rique, l'enthousiasme a été d'une énergie inexpri
mable. Les dames agitaient leurs mouchoirs en
criant : Vive l'Empereur !
Au retour, la foule encombrait les rues pouf
saluer le prince des mômes cris.
, Ce matin, à sept heures et demie, S. A. a quitté
Toulouse. Malgré une pluie battante, la population
se pressait sur son passage, en poussant les mô
mes vivats.
Les paroles manquent.' pour exprimer l'exalta
tion de la réception à Toulouse.
Agen, 6 ootobre, 5 h. 1/2 du soin
Le prince entre dans'la ville, il est reçu avec le
plusgrand'eiithousiasm'e par la population et'par la
garnison. Les acclamations sont unanimes et les
cris de : Vive l'Empereur ! les dominent toutes.
La santé de S. A. est parfaite.
Agen, 6 octobre, 6 h. 1/2 du soir.
Mai gré la pluie, à son arrivée S. A. a été saluée
avec frénésie de cris de Vive l'Empereur ! par les
populations venues en masse, Le clergé, l'évéque
en tête, a reçu le prince, à la cathédrale. Ssn en
trée à la préfecture a amené une nouvelle explo
sion de cris de Vive l'Empereur ! et une avalan
che de bouquets et de couronnes.
Agen, 1 octobre, 7 li. du matin.
Le prince a offert hier au soir, à la préfecture,
un dîner de quarante couverts., La présentation
des autorités a eu lieu ensuite. 11 y a eu récep
tion des dames. Partout la présence de S; A. a
fait éclater le plus .vif enthousiasme. La fête du
Gravier était magnifique. La ville resplendissait
d'illuminations.
Agen, 7 octobre, 8 h. du matin.
Le départ a eu lieu au milieu des acclamations
les plus enthousiastes. Nqlle part S. A. n'a reçu
un accueil plus sympathique. Elle paraissait vive
ment émue.
L'état des eaux promet une navigation facile.
Bordeaux, 7 octobre, 4 1/2 du soir.
Le prince vient d'arriver à Bordeaux. Partout
les populations des deux rives l'ont salué par des
manifestations enthousiastes et par des cris de :
Vive l'Empereur ! L'entrée à Bordeaux dépasse
tout ce qu'on imagine.
Bordeaux, 8 h. du soir.
L'enthousiasme des populations est à son com
ble. Toutes les dames se pressent sur le grand es
calier «le la préfecture-; les jeunes filles déposent
des fleurs aux pieds du prince. De toutes parts se
font entendre les cris de Vive l'Empereur ! vive
Napoléon III! vive le Sguveur de la. France !
--Toute» les nouvelles de cette ville, eu date
d'hisr et renies ce soir, annonçaient que tout était
préparé pour lui faire le plus chaleureux accueil
La ville était encombrée par les députatioiis, non-
seulement de la Gironde, mais encore des dêpar
temens voisins. '
I
A la suite du décret du 17 mars 1852, qui
a annulé la perception du dixième du droit
d'octroi faite au profit du trésor, le conseil
municipal de Bordeaux a résolu de faiie pro
fiter particulièrement les vins de cette réduc
tion. Par suite de diverses déductions, il a
été reconnu que.les vins qui antérieurement
au décret du. mois de mars, payaient 16 l'r. 99
c. par barrique, pourraient ne plus paver
que 7 fr. 26 c., et c'est aujourd'hui même
que cette mesure a dû être mise à exécu
tion. C'est une réduction de 38 fr. 92 c. par
tonneau.
On ne pouvait mieux célébrer l'arrivée
du prince-Président. L. Boniface.
dix
On écrit de Carcassonne, 3 octobre, à~
heures'du soir :
,« I/accueil fait au prince-Président à la limite
du département de l'Aude faisait prévoir celui que
lui réservait lfr«hef-lieu. L'antique cité de César
gardait pour l'héritier de l'Empereur une de ces
réceptions dont le souvenir reste à jamais gravé
dans la mémoire de tous ceux qui ont pu en être
les témoins. .
» Dans toutes les localités qu'il a traversées, le
prince a trouvé des ares de triomphe, des estra
des drapées avec richesse et élégance, des guir
landes de verdure, les fenêtres de toutes les m'ai-
sons pavoisées, les angles de chaque rue ornés de
faisceaux reliés par des éoussons et surmontés par
des aigles, des devises où se reproduit toujours le
môme hommage : A Louis-Napoléon! à Napo
léon III! tive l'Empereur !
» 'Le préfet, l'évéque, et le général Gilan, com
mandant le département, s'étaient rendus à Nar-
bonne avec une partie des autorités du départe
ment et ont accompagné le prince.
., ' » Â 'son entrée, S. A. a été reçue par le maire,
M. Ed.' Bosc, entouré du conseil d'arrondisse-
ùient, du conseil municipal, de la magistrature
et du clergé. Le maire a harangué le prince, et
les derniers mots de son discours ont été suivis
d'une immense acclamation de Vive l'Empereur!
» A deux heures, le prince a fait son entrée à
cheval, au bruit de l'artillerie, au son des cloches,
au milieu des cris enthousiastes de toute la popu
lation. —
» A la préfecture, il avait été attendu par cent
jeunes filles qui lui ont offert des fleurs; l'une
d'elles lui a adressé un compliment, auquel il a
répondu par les paroles les plus gracieuses. Après
quelques instans - de repas, le prince est sorti par
la porte du jardin ; il a parcouru les boulevards
du Palais et du Cburs, où il a trouvé rangés les
délégués des communes et les anciens militaires
de l'Empire, ees dignes descendans des braves que
César signalait comme les « hommes forts et vail-
lans de Carcassonne, qui vinrent lui prêter l'ap
pui de leurs bras. >>• '
» Les délégués des communes étaient conduits
par les maires, adjoints et conseillers municipaux;
les 43u communes du département avaient répon
du il l'appel pour se rendre au clief-lieu ; on en
cite plusieurs où tout le monde a marché, et où
on a dû tirer au sort, le nom de de,ux ou trois
hommes valides qui resteraient pour avoir soin
dos troupeaux.
» Des bannières de couleurs diverses, du plus
gracieux effet, toutes entourées d'une guirlande
de feuilles d'or, et portant, au milieu, dans une
couronne de laurier aux feuilles d'or, les initiales
L.-N. et au bas le nom de la commune, guident
et divisent les arrondissemens, les cantons et
les communes. Il est impossible de décrire l'émo
tion populaire, l'élan des masses, l'enthousiasme
universel, en un mot, qui se traduit toujours par
le cri de Vive l'Empereur !
' » Après la revue des communes, le prince a
passé celle de l'armée. Le 2 e hussards; une batte
rie du 3 e d'artillerie, un bataillon du 07 e et un
autre du 20 e! léger, rangés en batailleront offert
un superbe spectacle, et ont défilé aux cris de :
Vive l'Empereur ! Un arc de triomphe élégant,
élevé devant la porte principale d'une caserne,
portait ces mots : Fiat imperium.
• ». En rentrant, le prince a reçu les différons
corps, toutes les autorités et tous les fonctionnai
res du département.
» Un grand couvert a réuni les principaux fonc
tionnaires du département..
« La ville est brillamment illuminée ; pendant
qu'un spectacle gratis, des danses publiques et un
icu d'artifice offraient leurs divertissemens il la
population, le prince était reçu à la mairie, où
un bal lui était donné par la municipalité. Les
cris répétés de Vive l'Empereur ! ont salué sa pré
sence.
» La journée avait commencé par un acte de
bienfaisance de la municipalité, qui avait décidé
qu'une distribution-de pain et de viande serait
laite aux pauvres do la ville. Le prince a voulu
qu'elle se terminât de la môme manière, et il a
ordonné qu'une somme fût distribuée aux moins I Montbrisoi*, de Bagnères, sont publiés au-
- heureux des vieux soldats de l'empire. »
'*' {Moniteur.)
On écrit de Toulouse, lundi -4 octobre, à
midi (ava.nt l'arrivée du prince) :
« Depuis huit jours, un mouvement extraordi
naire s'était déjà produit dans la ville; les hôtels
ne suffisaient plus pour tous les voyageurs ; les
; habitons de la ville mettaient à la disposition des
étrangers une partie de leurs logemens particu
liers. Les voitures publiques n'ayant pu organi
ser des services proportionnés aux besoins du mo
ment, les routes confinant à Toulouse offrent de
puis hier le coup d'œil le plus curieux. Des char
rettes de toute forme amènent des familles com
plètes, père, mère, vieillards et enfans; on dit
que des communes entières ont émigré en masse.
» La joie de voir bientôt le prince, le neveu du
grand empereur, deux fois sauveur de la société
française, de la civilisation européenne, anime ces
franches figures de villageois, aux costumes va
riés et pittoresques. Le pont si large de Toulouse
n'a été que lentement et péniblement dégagé, par
une police bien dirigée, de l'encombrement qui
s'y était, produit ce matin, par suite de la multi
plicité des arrivages.
» Ce n'est là que le mouvement individuel; les
députations organisées des dêpartemens voisins et
de tous les arrondissemens, cantons et communes
de la Haute-Garonne ne sont attendues que pour le
second jour de la fôte. On cite, par avance, des
arrondissemens où le chiffre des députations s'é
lèvera à 12, à 15 et même à 20,000 ames. Les pla
ces publiques de la ville, les ruas qui ne seront
pas sur le passage du prince seront nécessaire
ment transformées en bivacs, et le flot populaire
refluera à une ou deux lieues à la ronde.
» Le soleil a dissipé la pluie qui, depuis deux
jours, donnait des inquiétudes sur l'éclat d'une
fôte dont les préparatifs sont si brillans, et qui s'a
chèvent en ce moment. Les dispositions que ma
nifestent les populations autorisent à dire que'
Toulouse se signalera, parmi les localités visitées
par S. A. I., par l'ardeur des témoignages de son
dévoûment et de sa reconnaissance pour le prince
qui l'a délivrée des anarchistes et des agitateurs
révolutionnaires. » (Idem.)
Nous lisons dans le Messager du Midi :.
« Nous ne nous étions pas trompés, hier, lors
que nous avons dit que c'étaient probablement
(les femmes de transportés qui stationnaient sur
la route aux environs de la Bégude, pour, y atten
dre le passage du prince. Une scène bien tou
chante a eu lieu sur ce point.
» Toutes ces malheureuses femmes se sont je
tées à genoux avec leurs enfans sur la route, en
criant : Grâce ! grâce! Le prince a fait arrêter sa
voiture ; alors une d'entre les suppliantes, mère
de quatre enlans, a demandé au nom de toutes la
grâce des transportés, et elle a remis au prince
la pétition signée par elle et ses compagnes.
• » Louis-Napoléon l'a reçue avec son affabilité
ordinaire, et il a promis à celles qui l'imploraient
de s'occuper sérieusement du sort de leurs maris.
» Le cortège s'est arrêté pendant une demi-heu
re à la Bégude, où le prince a accepté un déjeûner
qui lui a été offert par son premier médecin, M.
le docteur Henri Conneau, membre du Corps Lé
gislatif. M. le docteur Conneau est né dans un vil
lage voisin de la Bégude, à Servian : il y a toute
sa famille, et il était parti la veille de Montpellier
pour avoir 1 occasion de la présenter au prince,
qui l'a reçue avec les marques de la sympathie la
plus profonde. , "
« La marche du - cortège a continué. Le prince
admirait la riche Végétation de la vallée de l'Hé
rault et surtout la merveilleuse production de nos
vignobles, si beaux à voir en ce moment; Il a mê
me voulu goûter un raisin cueilli sur le cep : il a
fait arrêter sa voiture près de la Bégude et il s'est
fait donner, par un garde-champôtre, une grappe
d'un'champ-voisin de la route.
» Voici le discours de. M. l'abbé Durand, curé
de Saint-Nazaire, de Béziers, et la réponse que le
prince lui a faite :
« Prince, ...
» Le clergé de la ville de Béziers et de son arron-,
dissement est heureux et fier de pouvoir vous offrir,
avec tout le reste do la France; l hommage de son
respect, de sa reconnaissance, et de son dévoûment.
« Témoins des. ravages déplorables du socialisme
et de ses hideux excès, ils nous appartient plus qu'à
beaucoup d'autres de bénir votre pouvoir libérateur
et de vous acclamer comme le sauveur du pnijs.
» Que la l 'rovidenco, Monseigneur, continue do
vous diriger et, de vous soutenir dans la haute et glo
rieuse mission qu'elle vous a confiée. Tel est notre
vœu le plus ardent, tel' sera l'objet constant des fer
ventes prières de l'archiprêtre do Béziers et de tout
ce cierge qui l'entoure.
» Daignez, prince, en agréer l'assurance. »
» Le prince a répondu ;
« Je vous remercie, Monsieur le curé, de ce
que vous venez de me dire. Ce pays a été beau-
» coup agité, mais il est maintenant rentré dans
le calme. Cela est dû au concours des hommes
de bien et du clergé, qui s'est montré digne de
sa mission et a donné, comme toujours, l'exem
ple de toutes les vertus. »
Les vœux- des conseils d'arrondissement de
Vannes, de Ploërmel, de Saint-Etienne, de
I jourd'hui.
Le conseil de Vannes reconnaît l'immense'
service que Louis-Napoléon a rendu à la
France par l'acte du 2 décembre; il apprécié, ;
l'énergie et la sagesse des mesures qui en '
.ont été la suite, et qui, en ménageant tous
les intérêts sociaux, sont de nature à conci-,
lier tous les partis. • ^ ,
Le conseil de Ploërmel émet le vœu que
la Providence fasse au prince-Président la
grâce de continuer, suivant ses desseins,
l'œuvre de salut qu'il a si heureusement
commencée.
Les autres conseils demandent l'Empire
en termes formels.
Le conseil de Bagnères s'exprime en ces;
termes :
« Considérant que la condition essentielle pour
la prospérité d'un pays est la stabilité de son gou
vernement;
» Que la Constitution ne satisfait pas pleine^
ment à cette condition, et que les dix années;
qu'elle nous donne ne sont qu'uno trêve pendant ,
laquelle les partis se prépareront à des luttes nou
velles, toujours fatales au pays;
» Que les acclamations populaires r qui accueil
lent partout le voyage triomphal du chef de l'Etat
sont une. preuve manifeste du vœu des popula
tions ;
» Le conseil, émet le vœu que le Sénat, usant
de l'initiative que l'art. 31 de la Constitution lui
confère, propose au peuple français le rétablisse
ment de l'Empire héréditaire dans la personne du
prince Louis-Napoléon,»
A la réception de la nouvelle qu'une ma
chine infernale avait été découverte à Mar
seille, un journal autrichien- a publié un ar
ticle qui reçoit une certaine importance de
sa reproduction au Moniteur. Nous publions;
cet article, ainsi que les réflexions qui 1 e
précèdent dans le journal du gouvernement :
«La dépêche télégraphique annonçant la décou
verte d'un complot ourdi à Marseille pour attenter
à la vie du Président a produit à Vienne une vive
sensation : La pensée d'une catastrophe qui aurait
pu terminer d'une manière tragique un voyage
commencé sous des auspices si rassurans pour la
tranquillité de la France,, a péniblement, affecté
les esprits. On en jugera par l'article suivant de
la Correspondance autrichienne, insérée dans le
Wiener Lloyd du 28 septembre 1852 :
« Un terrible attentat vient, d'après une dépê-'
che du gouvernement, insérée dans le Moniteur
d'être tentée àMarseille, Grâces soient rendues aux
précautions qui l'ont empêché d'être exécuté!
D'incalculables malheurs de famille et une im
mense désolation ont été ainsi évités. •*
» Nous reconnaissons, dans ce projet, ce parti
qui agit daus l'ombre, pour lequel tous les moyens
sont bons à exécuter, et qui"ne recule pas devant'
le meurtre politique. Il n'y a pas d'expression as
sez forte pour flétrir la conception d'un dessein
aussi horrihle. La connaissance de l'histoire et
des mobiles de la nature humaine doit avoir de
puis long-temps inspiré aux auteurs d'un pro
jet aussi abominable la persuasion que le meur
tre politique n'atteint jamais le but qu'il se
propose, mais bien plutôt, par suite d'u
ne loi inévitable de la nature , aboutit à un
résultat contraire. Le parti qui tente un tel tari
fait creuse, de sa propre main, le tombeau qui
doit l'engloiitir. Il élargit par là l'ahime qui ïe .sé
pare des partis raisonnables ; il éloigne beaucoup
de ses propres partisans dont les sentimens ' hu
mains doivent repousser l'emploi de moyens aussi
diaboliques, et qui, tout en adoptant, soit par
vanité, soit par des espérances coupables, soit
par leur propre faiblesse, des. théories subversi
ves, trouvent cependant la prat.iipie du meurtre
et de l'incendie trop épouvantable. ' '
» U, est vrai qu'en ce moment-ci. la, sit uation est
critique en France; l'état actuel des clibs.es sem
blé reposer sur la tête seule du Président., Les
auteurs du complot comptaient sur le -trouble et
la confusion que son exécution aurait fait naître
en France et en Europe.
■ » Cependant, nous en sommes très fermement
convaincus, ils se seraient complètement trempés.
La suite, inévitable d'un tel événement aurait été
que tous les hommes qui Ont aidé le Président,,
soit par leurs actions, soit par leurs conseils, dans
le rétablissemenfde l'ordre social, se .seraient réu
nis et auraient saisi lesrônesdugouvérncmentd'u-
no main si énergique, queia.parti du désordre n'y
eût gagné en rien. Ces hommes se seraient bien
gardés de reconstituer- le chaos d'une assemblée
nationale, de faire" renaître les intrigues parlemen
taires et démagogiques ,'et de rétablir ainsi, de
leurs propres mains, la régime qu'ils ont eux-mê
mes renversé. Un forfait aussi criminel aurait ra
dicalement guéri les faibles et. les irrésolus. Le
Président est le représentant d'un principe dont
la force et la valeur s'étendent, plus loin que ' la
durée probable de sa vie. Ce principe rassurant
domine aujourd'hui le pays, quelles que soient les
circonstances ; et cette conviction consolante doit
trahquilliser les esprits, pour aussi sombres qu'eus
sent été les destinées réservées à la France.
FENUiJON DU CONSTITUTIONNEL, 8 OCTOBRE.
li.% COMTKSSi:
DE MALILÉON.
XXXIII.
ou les choses s'embrouillent d'une furieuse
h manière.—une proposition délicate.
A la suite de cette petite scène, je restai
près de quinze jours sans voir Lucien : évi
demment il me boudait. J'alhii frapper trois
fois à sa porte : trois fois on me dit qu'il ve-
ijaitde sortir. Il est vrai qu'il se tenait moins
qub jamais chez lui et qu'il était toujours en
campagne. L'Auvergnat aux gages de lacha-
uoint'S.-e assurait qu'il passait une partie de
ses journées 'à l'hôtel Mauléon , et qu'à
îjioins d'y avoir son bonnet de- nuit, il n'é
tait pas possible d'y vivre sur un/pied de fa
miliarité plus complété^ D'autres rapports
analogues m'amvaient de divers points :
ceux-ci l'avaient vu au bois dans la-voiture de
la comtesse, ceux-là au théâtre, dans saloge,
iiu jour de grande représentation.. Ainsi l'in
timité se confirmait. Et pourtant il circulait
des versions opposées , venant de gens au
courant dos choses, et qui contribuaient à
entretenir un peu d'incertitude dans mon
espri - . - ,
Voici dans quels termes et de quelle part.
Ou disait, avec une certain^ alfeclation, que
Lucien n'était"" qu'èn'gùïgé'de chandelier,
^ - ' •' ' *• • ■ •' ' ^ J 1 11
La reproduction est interdite.
et pour masquer des feux bien autrement
sérieux que les siens; on disait qu'il en était
pour ses assiduités, et que la comtesse se
servait de lui en le jouant. On ajoutait qu'a
vec un caractère moins naïf et une candeur
moins entière, il se. serait déjà aperçu de
ce.manége qui se poursuivait à ses dépens et
presque sous ses veux. Tels étaient les pro
pos, et la position de ceux qui les tenaient
n'en faisait qu'accroître la grayité. C'étaient
des habitués de l'hôtel; des personnages im
portons, des hommes répandus dans le mon
de ; leur persistance à propager ces bruits
indiquait, suffisamment qu'il s'y attachait
un certain intérêt, et peut-ètre, eri bien cher
chant, en rapprochant les faits, en s'aidant
des circonstances, aurait-on découvert au
fond de tout cela une main prudente et avi
sée, colle de Mme de Mauléon. J'ajoute que
rien ne m'en a donné la preuve et que j'en
suis resté sur mes conjectures.
Mais que faire des lors? à qui se fier? la
quelle des deux versions admettre ? Lucien
était-il heureux? était-il joué? Voilà le pro
blème. D'un côté, rien de plus naturel
que de croire à un'caprice de la comtesse;
mon jeune homme était fait pour l'inspirer
et par bien des détails il tenait du héros
de roman. Cette adoration, née dans la soli
tude et nourrie d'hommages silencieux,
ce culte en plein air et le grave accident
qy i en avait été la suite, tout témoignait pour
lui, lui ouvrait les voies,, lui servait'de ti
tres, même avant qu'il se fût déclaré. Quels
gages pouvait-on exiger de plus, quelles
preuves? Gages, preuves, il avait tout fourni
d'avance et sans espoir de retour. Puis, où
est le cœur, même le plus blasé, - qui ré
siste aux élans d'une véritable "passion! et
lés plus blasés-: ne sont-ils p^sceux" qui-pren-
nent le plus de goût aux premiers épanouis
semens de l'ame? Ainsi, vingt motifs exis- -
taientpour que les choses eussent marché
toutes seules et rapidement. Quelle objec
tion y aurait pu faire la comtesse ? La crain
te d'un amour trop sérieux; le cas était rare,'
et, pour une fois, elle en pouvait courir la
chance.
Et cependant, rien n'était moins démon
tré que le succès cfe Lucien. Ne pouvait-il
pas avoir commis quelqu'une de ces mala
dresses que les femmes ne pardonnent pas ?
Ne pouvait-il pas avoir rencontré quelque
rivalité puissante ? La comtesse avait à ses
pieds des hommes doués des plus nobles et
des plus brillantes facultés de l'esprit ! Les-"
délaisserait-elle pour un enfant obscur, sans
nom, arrivé à peine de sa province ? Se rési
gnerait-elle à déchoir jusque-là? "Le 1 -pour
rait-elle, entourée comme elle l'était et as
siégée de conseils hostiles à cet amour de
fantaisie? Le doute était permis,et les bruits
qui couraient y ajoutaient un crédit nou
veau. Si bien qu'après avoir pesé les choses
avec un soin minutieux, j'en revenais à l'al
ternative que je m'étais posée dès le début,
et me trouvais dans l'impossibilité de con
clure. Est-il heureux ? est-il joué? Peut-être
était-il l'un et l'autre.
J'en étais là de mes incertit udes, lorsqu'un
matin*Lucien vint de lui-même chez moi. Il
y avait un temps infini qu'il ne m'avait fait
cet lionneur,etilétait facilede deviner qu'i*n
motif pressant l'entraînait seul • à cette dé
marche. J'eus néanmoins à le voir un plaisir
réel. L'histoire de l'enfant prodigue est tou
jours vraie, toujours vivante ; elle est un peu
l-'histoire du cœur humain. On aime les in
grats, on les regrette, quoi qu'ils fassent, et,
au premier retour, on oublie tout'pour tuer
le veau gras. A déi'auUle veau, j'olt'ris à Lu
cien de-partager les biftecks qu'on venait de
me servir. Avec quelques huîtres et un sau-
terne réseryé pour les grands jours, nous
avions la base d'un déjeûner de famille. Le
jeune homme s'excusa; il ne semblait pas
avoir le cœur aux festins : comme je n'avais
aucun motif d'infliger cet affront à'mon fru
gal ordinaire, je m'assis et attaipiai ce que
j'avais sous la main.
— Vous êtes rare comme les beaux jours!
lui dis-je. Auriez-vous besoin de moi, Lu
cien? ■ ■ :
— Oui, mon cousin; me répondit-il. Mais
achevez; rien ne presse.
Jamais je ne l'avais vu si solennel. Le vi-
sage était calme, quoique pâle; on y lisait un
sentiment de résolution très vif et très ar
rêté. Plus je l'examinais, plus je voyais qu'il
s-'agissait d'un acte sérieux, conçu et accom
pli avec un certain apprêt. Afin de m'en as
surer plus proniptement, j'anrégeai mon
modeste repas, et, lorsque tout fut en ordre,
je m'assis prés de lui
— Eli bien ! lui dis-je, de quoi s'agit-il ?
—Il s'agit d'une affaire d'honneur,me ré
pondit-il avec un cal me qui n'avait rien d'af
fecté.
— Vraiment,Lucien! m'écriai-je. Une af
faire d'honneur! Vous en.êtes déjà là.
- —Oui, mon cousin, me dit-il avec le même
sang-froid.
De toutes les conjectures possibles, celle-
ci était la plus éloignée 'de înon esprit ; aussi
aecueillis-je l'ouverture de Lucien avec une
surprise mêlée de crainte. D'un coup-d'œil
je mesurai les dangers qu'il allait courir, et
ifta tendresse, s'en alarma. •
: •— C'est donc pour un motif grave ? lui
dis-je.
• — Très grave, mon cousin ; vous en par-
lerais-jé sans cela? -
— Mais encore, Lucien
— Assez, mon cousin, nous en causerons
plus tard. Pour lè moment il n'y a qu'un
mot d'utile. M'assisterez-vôus, oui "ou non?
— Si, je vous assisterai, Lucien! m'écriai-
je avec douleur. Voilà un doute qui me na
vre. Cruel enfant! Pour .qui me prenez-vous?.
Parce que vous vous détachez, croyez-vous
que je me détache? Moi! vous laisser enga
ger sans que je sois présent ! Mais j'irais sur
mes genoux, si mes pieds s'y refusaient.
Voyous ; un peu de confiance et tirons au
clair tout ceci. Avec qui en avez-vous, Lucien?
— Avec le peintre Maxime, mon cousin.
— Maxime, dis-je, uu ami de la comtesse
de Mauléon ?
— Maxime tout court, mon cousin; sup
primez les qualités. . ■
— Il se pique, donc il est joué ; pensai-je
en moi-même. Soit, repris-je, en m'adfes-
sant à lui; et qu'avez-vous eu avec Maxime?
■—Moi' rien, mon cousin; c'est lui qui-le
prend mal Des airs de. pacha! un ton hau
tain!
— Le peintre se lâche, me dis-je; alors, Lu
cien est heureux, c'est évident. Ali ! le défi
est venu de Maxime? ajoutai-jeà haute voix.
— Mon Dieu ! mon cousin, répliqua: le jeu
ne homme avec un peu d'humeur, de lui ou
de moi, de moi ou de lui, qu'importe ? De
tous les deux, si vous le voulez. Vous êtes
bien vétilleux. Sait-on jamais, dans les que
relles, qui commence et qui finit ? A quoi bon
d'ailleurs ? Dès qu'on se bat, tout est dit : il
n'est nul besoin.de tant d'histoires !
—■ Décidément, je m'y/perds, me dis-je.
Tantôt c'est lui qui boude, tantôt c'est le
peiutre.: Est-il heureux V est-il joué ? C'est
plus problématiquejque jamais.
Quoi qu'en put croire mon jeune homme,
il était impossible de se, rendre sur-le .terrain
sans avoir quelques détails sur l'affaire et
sans connaître la manière dont elle s'était
engagée. Je revins à la charge par trois fois.,
toujours inutilement. - ^
— Trêve là dessus, me dit-il, ou je prends
deux militaires pour seconds.
— Mon Dieu! Lucien, un mot seulement !
— Pas une syllabe, mon cousin, pas une
syllabe, et allons au fait. Je puis, compter
sûr vous, n'est-ce pas? ' ' •
— En doutez-vous, Lucien ?
— Non, mon cousin, je n'en doute, pas ;.
je connais trop votre cœur,; merci'mi|le fois!
Et vous chargez-vous de trouver l'autre té
moin? ' ■■ ....... , ■ .: ■ !..
— t SoiULucien* ... . ,
— Eh-bien ! voilà nos nrraqgemens pris.
Ce soir nous fixerons l!heureet l'endroit.
D'ici là, ayez un ami,, tout le reste me re
garde. A ce soir. •
Il me quitta sur ces mots sans que sa fer
meté se fût un instant démentie. Resté seul,
je me mis à réfléchir sur ce qui.venait de s,e
passer. Décidément, il était impossible de
l'établir un peu de confiance entre eè jeune
homme et moi. Même pour un . cas sérieux
et, malgré les efforts les plus vifs, je n'avaii?
pu obtenir de lui ajitre chose que des défai
tes. Il me traînait à .un rendez-vous d'Iion-
neur, où sa vie était en jeu, où ma respon
sabilité était engagée, sans me fournir i oiri-
bre, les apparences d'une explication. Il
m'obligeait a marcher, bon gré mal gré., sans .
tenir compte de mes scrupules et sous la
seule menace de se passer de m (à. C Y 1 tait
abuser : tout autre à,ma. place l'eût aban
donné à son destin. Ma tendresse fut la plus
forte, et d'ailleurs je ne lui imputais que la
moindre partie de ces. torts. Derrière cecij
c'est encore la comtesse que je voyais; elle
pqyssait cet enfant vers vers
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