Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-09-23
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 124053 Nombre total de vues : 124053
Description : 23 septembre 1852 23 septembre 1852
Description : 1852/09/23 (Numéro 267). 1852/09/23 (Numéro 267).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6697802
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
iTOMÉRO 261.
BSKMI5AW&. : rue de Valois (Palai*-5*ovaI)> a. IO.
1852, — JEUDI 25 SEPTEMBRE.
Prix de l'abonnement.
PARIS ET BEPARTESKEKS :
s fe. pour trois mois.
S% fr. pour l'année.
un numéro : 15 centimes.'
pour les pats éthasgers , sa repor
ter àu tableau publié dans e journal;
les 10 et 25 de chaque mois. N
S'adresser, franco, pour la rédaction, à M3 CtCHfVAl^CuaiG!
Le» articles déposés ne sont pas rendus,
docteur m chef.
JOUMAI POLITI0IJE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
IOa s'abonne, dans les département, aux Messageries et aux Directions de poste.—A Londres, chez MM; Ccwis et ïus.{
I . — A Strasbourg, chez M. Alexandre, pour l'Allemagne. î
S'adresser, francs, pour l'administration
\à M. DENAIN, directeurl
L' s annonces sont reçues chez«M. PÀN1S, régisseur, 10, place de la Bourse ; f
et au bureau du journal.
PR1Ï ^ABONNEMENT
peu»
PARIS ET LES DtPARTIffiENS.
P oop trois Miels. . 8 ffr.
Pour six mois. . . 16f r.
Pour ï 'asmée. . . . 52 fr.
Le prix d'abonnement du CONSTITU
TIONNEL est au-dessous de celui de tous les
journaux politiques.
PARIS, Si SEPTEMBRE
Nous avons fait connaître hier les motifs
qui avaient engagé le gouvernement à aug
menter les droits à l'importation des houil
les belges; nous croyons utile, afin de mon
trer toute la portée de cette mesure, d'expo
ser aujourd'hui l'état de la législation sur
les houilles, l'accroissement qui en était ré
sulté dans les importations des charbons
étrangers, et enfin la situation qu'elle avait
faite à nos exploitations.
La législation douanière sur les houilles a
subi des modifications nombreuses depuis
vingt ans. Jusqu'en 1835, les droits d'entrée
avaient été de 1 fr. sur tout le littoral, de
30 centimes sur la frontière de terre, excep
té sur celle de la Meuse, de la Moselle et des
Ardennes, où ils avaient été réduits à 10 et
45 centimes. A partir de cette époque, di
vers changemens furent successivement in
troduits dans la tarification. Il serait trop
long de les énumérer ici, et il suffira de dire
que la loi du 6 mai 1841, qui régissait en
core l'importation des houilles au moment de
la promulgation dudernier décret, avait fixé
les droits de la manière suivante : par mer,
50 cent, de Dunkerque aux Sables-d'Olon-
ne, 30 centimes sur le reste du littoral ; par
terre 15 centimes, excepté sur la partie com
prise entre la mer et Halluin, où le droit fut
porté à 50 cent, afin qu'on ne pût pas frauder
le droit par mer, et pour la Meuse et la Mo
selle où il resta de 10 centimes.
Ainsi, en résumé, le tarif à l'importation
par mer avait été abaissé de 1 fr. à 50 centi
mes sur le littoral de Dunkerque aux Sables-
d'Olonnè et à 30 centimes sur le reste de la
frontière maritime ; le tarif à l'importation
par terre de 30 à 15 centimes. C'était une
réduction de moitié et des deux-tiers sur les
deux zones maritimes, de moitié sur la
frontière de terre. _
Avant de chercher quelles furent les con
séquences de cette réduction ,-il est néces
saire d'indiquer succinctement les causes
d'infériorité qui ne permettent pas à nos
exploitations de se soutenir sans le seceuis
de la protection. Nos bassins houilltrs les
plus étendus et les plus riches sont grou
pés auteur des montagnes centrales ce
la France , et ne communiquent avec les
régions maritimes que p..r des voies de
navigation difficiles ou surchargées de frais
onéreux. Ceux qui sont les mieux placés-
pour soutenir la concurrence étrangère ,
c'est -à -dire ceux du nord et de l'ouest,
ne contiennent guère que des couches peu
puissantes , et sont en'grande partie re
couverts par ce qu'on appelle des morts-
terrains , qui rendent l'établissement des
exploitations très dispendieux. Le travail
des mines y est d'ailleurs plus rétribué
qu'en Belgique et en Angleterre. Il faut
encore ajouter que notre législation des mi
nes a organisé une surveillance, un impôt et
des redevances qui sont des charges parti
culières à notre pays. Ce sont ces différentes
causes, et surtout l'imperfection ou la cherté
de nos voies de transport, qui nous font une
obligation impérieuse de protéger nos houil
lères.
Cela posé, quels ont été les résultats de
l'abaissement des tarifs? On en jugera par
les chiffres suivans que nous avons relevés
sur les documens administratifs.
La consommation de "la houille a sextuplé
depuis 1815; elle était alors de 11 millions
de quintaux métriques; elle était montée à
24: millions en 1830,et elle atteignait 66 mil
lions en 1846, dernière année dont nous
connaissions le chiffre officiel.
Yoici maintenant comment la production
nationale et l'importation étrangère se sont
réparti notre approvisionnement.
En 1815, sur une consommation de 11
millions de quintaux, nos houillères four
nissaient les trois-quarts et l'étranger un
quart seulement.
En 1830, sur une consommation de 24
millions de quintaux, la même proportion
s'était maintenue entre te production indi
gène et l'importation.
A partir de 1833, les droits ayant été suc
cessivement réduits de 1 fr. à 50 cent., et à
30 cent, sur le littoral, de 30 à 15 cent, sur
la frontière de terre, on voit la part de l'é
tranger s'accroître sans cesse et prendre de
plus en plus grandes proportions.
Ainsi, en 1846, sur une consommation de
66 millions de* quintaux, la production in
digène en a fourni -44 et l'étranger 22.
D'où il résulte que, depuis la réduction
des droits, la part de la productionjiationale
est descendue des trois-quarts au deux-tiers,
tandis que la part de l'importation étrangère
est montée du quart au tiers.
Depuis 1846, ce mouvement a fait de nou
veaux progrès. En 1849, la production na
tionale a rétrogradé de 44 à 40 millions, et
l'importation s'est au contraire accrue de 22
à 24 millions. Il est permis de croire que la
production s'est relevée, en 1850 et en 1851,
à ce qu'elle était en 1846: Mais l'importa
tion, poursuiyant sa marche ascensionnelle,
a atteint, en comprenant la quantité intro
duite sous forme de coke, 29 millions de
quintaux cil 1850.
Nous touchons donc au moment où l'im
portation étrangère va bientôt entrer pour
moitié dans notre consommation.
Certes le développement extraordinaire
des importations, tandis que la production
nationale reste stationnaire, est un fait gr..: ve,
qui mérite de fixer l'attention du gouverne
ment, et qui exige une série de mesures des
tinées à combattre cette invasion.
Il est juste de reconnaître que la progres
sion si rapide des importations a eu lieu àu
profit de l'Angleterre, plus encore qu'au
profit de la Belgique. Eu suivant les ta
bleaux de douanes depuis 1815 jusqu'en
1850, on trouve que l'importation an
glaise s'est élevée de 224,000 quintaux à
près de 7'raillions, c'est-à-dire qu'elle s'est
accrue dans la proportion de l à 30. Ce sont
la, pour le dire en passant, di s chiffres qui.
répondent à la pétition de la chambre de
commerce de Rouen en faveur d'un nouvel"
abaissement de tarif sur le littoral. Aujour
d'hui les houilles anglaises arrivent à Rouen,
à Angers, à Bordeaux; qu'on réduise encore
le droit, elles iront à Paris, à Tours, à Or
léans; elles remonteront la Garonne, tt nous
n'aurons bientôt plus qu'à-"fermer nos ex
ploitations.
Si les importations belges ne se sont pas
accrues dans une proportion aussi ^orme
que les importations anglaises, elles n'en
ont pas moins fait cependant de très grands
progrès. Elles se sont élevées, dan 11 période
de 1815 à 1850, de 1,984.000 quintaux à
19^646,000. On voit donc qu'elles ont dé
cuplé.
Nous avons vu que le droit sur les houil
les belges avait été réduit, depuis une or
donnance de 1837, confirmée par la lei de
1841, de 30 à 15 centimes par quintal. Mais
ce n'est pas le seul avantage dont elles aient
profité*. Les canaux du nord/ qui présentent
la navigationla plus perfectionnée, ont abais
sé leurs tarifs de péage, de telle f orte que le
fret est tombé de moiiié. La canalisation de la
Sambre a ouvert une voie nouvelle aux char
bons de Charleroi. E; fin les chemins de fer,
mis en communication avec les houillères,
leur ont offert de nouvelles facilités.' pour
l'envoi de leurs produits dans nos départe-
mens septentrionaux. Dans l'état actuel, le
fret de Mous à P.iris est descendu à 8 fr. par
tonne, celui de Charleroi à 10 fr., et le che
min de fer du Nord, qui vient d'organiser'
unmatérielspéeial pour ce transport, amè
ne les houilles de Mons à Paris pour 11 fr.
la tonne, en attendant que l'êciièyement de
l'embranchement de Saint Quentin à Mau-
beuge lui permette d'en faire .autant pour
les houilles de Charleroi.
Si l'on compare la navigation du centre à
la navigation du nord, on comprendra mieux
la situation défavorable faite à nos princi
paux bassins liouillers. Un bateau, expédié
de Mons ou de Charleroi, porte 2,500 hectoli
tres, c'est-à-dire le plus fort chargement que
comportent les voies canalisées ; il ne paie
qu'un droit de péage de 10 centimes par ton
ne et par myriamètre ; tandis que les bateaux
expédiés de nos houillères centrales par les
voies canalisées de la Saône ou de. la Seine
ne peuvent charger que 12 à 1,400 hec
tolitres , et paient les droits de péage de
11 à 22 centimes. Qu'on fasse le calcul,
et l'on verra que les houilles du centre sup
portent, par le-fait de l'imperfection des
voies navigables et par l'élévation du péage,
des charges bien supérieures aux droits de
douane. N'eût-il pas été équitable de leur
continuer une protection vraiment efficace
jusqu'au moment où l'amélioration et le bon
marché des transports leur eût permis de
soutenir la concurrence jetés houilles étran
gères sur les principaux marchés du pays ?
Ce simple exposé suffit pour prouver que
l'augmentation du tarif sur les houilles,
provoquée par le refus du gouvernement
belge de faire droit aux demandes du gou
vernement français, n'a pas seulement pour
but de peser sur la Belgique, mais qu'elle
doit favoriser le développement de nos ex
ploitations comprimées par l'accroissement
rapidedes importations étrangères. Saasdoute
nous n'aurions pas relevé les droits, à la
Belgique eût consenti à nous donner quel
que compensation du traite ment de faveur
que nous accordions à ses charbons. Mais,
du moment qu'ede se refusait à nous con
céder des avantages équivalons, il était tout
naturel de lui retirer une faveur dont eile
avait si largem: nt profité, et que nous ne
lui faisions qu'aux dépens de nos produc
teurs nationaux,
On objectera que Ctuxde nos départemens
qui consomment la houille belge vont se
trouver également frappés par cette mesure.
Il est piobable, en effet, que le charbon de
Mons ou de Charleroi subira un renchéris -
sement dans quelquf s localités. Mais ce ren
chérissement r;e nous semble pas de nature
à leur causer un préjudice bien grave. La
houille se paie, en moyenne, 2 fr. dans
le département du Nord, et 3 fr. 10 sur le
marché de Paris. L'augmentation de 15 cen
times sur le droit ne représente doue qu'un
treizième pour le département du Nord, et
q;j'un vingt-troisième, pour Paris. Ce n'est
pas là une augmentation qu'on puisse mettre
en comparaison avec la diminution du fret,
qui, comme nous i'a\or;s dit plus haut, a
baissé de moitié sur les canaux du Nord.
Les industries atteintes par cet accroisse
ment de prix se rappelleront- d'ailleurs
qu'elles sont également protégées, quelques-
unes mêmes par la prohibition, et qu'elles
ne sauraient se plaindre de voir l'industrie
houillère replacée dans une meilleure situa
tion.'
Cette mesure donnera, d'ailleurs une im
pulsion nouvelle aux travaux d'exploitation
et de recherche dans les départe mens d .i Nord
etduPas-de Calais. On sait ique le s houillères
de cette partie delà France sont ouvei tes dans
le prolongement du Jprraiii du bassin belge
qui pénètre en Franco, en &'enfonçant de
plus en plus sous les dépôts de calcaire
crjyeux qui forment le sol. C'est seulement
de la fia du siècle dernier que date la décou
verte des mines d'Anzin. Depuis 'celte épo
que , on a trouvé successivement les gîtes
de D.nam, de Doucliy, de Vicoigne, d'Ani-
che, etc., et toutes .nos houillères du Nord
embrassent déjà 50,000 hectares. Mais ce
n'est pas tout. Les travaux commencés,,
il y n. cinq ou six ans, pour suivre à
l'CnTist de Douai le prolongement des cou
ches carbonifères , ont pleinement réus
si, et six compagnies , réparties dans l'es
pace compris entre Douai et Béthune,
viennent d'ajouter encore un espace con
sidérable à l'étendue constatée de notre
domaine houiller. Mais, pour atteindre la
houille dans ces nouveaux gîtes, il faut percer
150 à 200 mètres de morts-terrains dans les
quels on rencontre des courans d'eau sou
terrains très difficiles à traverser. Ce sont
des puits dont le fonçage exige beaucoup de
temps et beaucoup d'argent. L'augmentation
des droits sur les houilles encouragera ces
entreprises nouvelles, et elle peut leur
donner un tel essor,que la contrée se couvre
d'exploitations qui enlèvent aux houillères
belges la plus grande partie de notre marché.
Il y a encore, dans la nouvelle mesure, un
point de vue qu'on ne doit pas négliger,
c'est celui du trésor. Elle procurerait uue
augmentation de recette déplus de 3 mil
lions de francs. Elle*viendrait ainsi en aide à
nos finances et contribuerait à rétablir l'équi
libre dans notre budget
Nous en avons dit assez pour montrer que
la mesure est vraiment sérieuse. Il se peut
que le gouvernement la rapporte, si la Bel-
giquejaccède aux demandes qu'il lui a 'soumi
ses. Mais si elle persiste à refuser, nous n'a
vons pas à regretter une augmentation de
tarif qui donnera une impulsion favorable
à notre industrie minérale, et qui nous ai
dera à mettre en valeur toutes les richesses
houillères enfouies sous notre sol.
h BURAT.
Les mesures annoncées hier par le Moni
teur ont été connues aussitôt à Bruxelles, par
une communication électrique. Les jour
naux publient le dispositif du décret et en
attendent, le texte avant de se livrer à un
commentaire.
L'Emancipation dit qu'il n'y aura pas de'
séance royale pour l'ouv- rture de la session
lundi prochain.' Le ministre de l'intérieur,
au dire de ce journal, fera uaexpocédes
-négociations avec la France.
L'Indépendance annonce aussi qu'il n'y au
ra pas de discours royal :
« Les chambres, dit ce journal, sont convoquées
pour le 27 de ce mois. Quelques jours encore, et
la situation sera exposée clairement, nettement,
sans ambages, aux yeux du pays.Toutefois, si nos
renieignemens sont exacts, la session ne sera pas
ouverte par le roi, et, par conséquent, il n'y aura
pas de discours de la couronne. Mais hàtons-nous
d'ajôutcr que cette réserve n'a nullement sa sour
ce dans le désir d'éluder un débat que le minis
tère a, plus que qui que es soit, intérêt à rendre
aussi complet, aussi approfondi, aussi net que-pos
sible.
» Donc , c<-la est bien entendu, le gouverne
ment, en l'absence d'une h irangue royal-- à l'ou-
vérlure de la session, n'entend évit-r le débat sur
ancu.-o des questions à propos desquelles^ il p'aira
à l'opp iiition de l'engager. 11 se présentera prêt à
répondre à toutes les attaques, et si l'opposition
est impatiente d'ouvrir le feu , elle le pourra dès
la première séance.
» Disons plus, elle le pourra même avant toute
discussion ; il ne dépend que d'elle, si elle se croit
assez forte pour cela, de renverser le cabinet avant
qu'il ne prenne place sur les bancs de la chambre.
» Le mi.iistère, en efFtt, est très décidé à faire
de la réélection de M. Verhaegen à la présidence
' une question de cabinet. »
Le roi Léopold, on le voit clairement par
cet exposé, ne veut pas engager sa politi
que. Il se réserve de suivre le vœu de là
chambre pour le maintien ou le renvoi de
fon cabinet. C'est réserver en même temps
la question des rapports avec la France, et
l'on aperçoit facilement que rien ne sera fait
à cet égard avant que la représentation na
tionale se soit prononcée. l. boniface.
DEPECHES OïFïCIELLES.
Bourgoin, 21 septembre, onze heures
et demie du matin.
Le prince a fait ton entrée dens le cépar-
tem nt de l'Isère, à neuf heures et un quart
du matin, au milieu d'un immense con
cours de populations. Les principales autori
sés, le président du conseil général, les dé
putés et le maire de Vienne, les anciens sol
dats de la vieille armée, l'ont reçu à Saint-
Priest devant un magnifique arc de triomphe'
qui,, marquait la limite du département. Les
cris les plus énergiques de : Vive l'Empe
reur I ont salué son passage.
Partout, à Saint-Laurent-de-Mure, à la
Verpillière, à la Grève, à Bourgoin, le prin
ce est accueilli avec -le plus vif enthou
siasme.
Lyon, le 22 septembse, sept heures
et demie.
La marche du prince à travers le département
n'est qu'une suite de triomphes. La réception à
Bourgoin a été admirable. Le clergé, la magistra
ture, le conseil d'arrondissement de la Tour-Dupin,
122 maires de communes rurales, mille vieux sol
dats de l'Empire, huit compagnies de sapeurs-
pompiers, les fonctionnaires et une immense po
pulation qu'on peut évaluer à 23,000 âmes ont
acclamé S. A. aux cris mille tois répétés de Vive
l'Empereur ! A Eclose, à Champier, à Lafiette, à
Rive, même accueil, mêmes transports d'enthou
siasme et. de joie. A Lafiette surtout, le prince
s'est arrèfé quelques minutes , et a remercié
les populations accourues en foule de toute l'éten
due des trois arrondissemens. La santé de S. A. est
parfaite.
Lyon, 22 septembre, huit heures qua
rante-cinq minutés matin.
Grenoble, hier soir sept heures.
Le prince vient d'entrer à Grenoble, au bruit de
l'artillerie de la citadelle et aux acclamatians de
la population tout entière agglomérée sur la route
de Lyon, sur l'esplanade et sur les quais. Les cris
les plus énergiques de Vive l'Empereur ! se sont
fait entendre depuis l'instant où le prince a été
aperçu jusqu'à celui où il est entré dans ses âp-
pariemens.
S. A. a été reçue à la porte de France par le maire
de Grenoble, conseiller,'général,et député, qui lui en
a offert le s clés. La cour d'appel, le clergé, le conseil
généra!, les maires des environs, lesfonciiônFiaires
de tout ordre environnaient le chef de l'Etat et lui
ont fait jusqu'à la préfecture un cortège triomphal.
Un immense enthousiasme règne dans toute la
ville. Tous les édifices publics et les maisons par
ticulières sont illaminés. Tout respire la joie
qu'inspire aux patriotiques habitans du Dauphirié
la présence du*neveu de l'Empereur.
VOYAGE DU PHIXCE-PRESIDEÏVT.
(Extrait du Monihur.)
Lyon, ! 9 septembre.
Ls même enthousiasme qui avait accueilli le
prir.ee à son arrivée-à Saint-Etienne l'accompagne
plus persistant encore à son départ.
Le prince est reçu à la gare par MM Henri Bon-
baïd, Paul et Charles Séguin, administrateurs dé
léguas du chemin de fer de S int-Etienoe à Lyon,
et Gervois, ingénieur des ponts-et-chaussees et di
recteur de l'administration. Pour cette circonstan
ce, des wagons et des voitures neuves sont inau
gurés; le wagon du prince, garni en soie, porte
aux quatre angles quatre aigles d'or; les décora
tions intérieures et extérieures sont du meilleur
goût.
A la sortie de la gare, le spectacle le plus impo
sant est offert au prince. On sait que le cheminde
fer rie Saint-Elienne est le premier qui sitétécons-
irnit en France , et ce'ui d; l'Europe où se f;:t le
plus grand mouvement'de marchandise». A peine
en dehors de la gare, on voit se dérouler un im
mense convoi de trois mille wagons chargés de
charbon et de coke autour duquel se presse toute
une population.
Mais c'est encore à la sortie du souterrain de
Terre-Noire qu'un speciàcle magique vient frapper
tous les yeux : à peine est-on arrivé au jour
qu'on voit un flot de population se presser à la
tortie du tunnel; des rangées dejeunes filles vê
tues de blanc font retentir l'air des cris de Vive
l Empereur! et font pleuvoir des masses de fleurs
sur le cortège.
De Slint-Etienne à Saint-Ghamond, parlout la
population accourt; pas une haie qui ne soit gar
nie, pas un rocher qui ne serve de point d'appui à
un spectateur, pas un tertre où une famille ne
soit groupée.
On arrive à Saint-Cbamond ; autour d'un arc-
de-triomphe élégant sont rangés le maire, le con
seil municipal, le curé, le juge de paix à la tèle
de la population.
Le prince passe en revue la garde nationale et
les diverses compagnies des mineurs, des feran-
diers, des rabaniers, dont Saint-Chamond est le
principal centre de fabrication.
Le tunnel de Rive-de-Gier est franchi ; on ar
rive dans l'un des grands centres de l'industrie de
la métallurgie et dés mines.
Les autorités entourent le prince, et la popula
tion te presse pour le voir et l'entendre.
Quelques croix de la Lcgion-d'Honneup ont été
données, entre autres, à M. Godet et Petin, maî
tres de forges, anciens ouvriers.
M. le ministre de l'intérieur, de l'agriculture çi
du commerce a présenté âu prince M. Verpilleui,
ouvrier intelligent qui, par son travail et sa pro
bité, a su conquérir, avec la fortune, là position
la plus honorable parmi ses concitoyens. ,
Plus tardj le convoi traverse la concession des
mines de Sainte-Croir ; des ouvriers quittent leur
travail, s'avancent sur la ligne, crient Vive l'Errl-
pereur! et retournent à leurs fourneaux,
Le convoi est à Givors ; il est entré dans le dé
partement du Rhône. Les députations du conseil
général et du conseil départemental dp Rhône re
çoivent lé prince, qui accepte un déjeûner chez M.
Henri Dugas; vingt minutes après, le convoi se
remet en marche.
Lorsque lé prince a paru à cheval, toute une
foule, émue, frémissante, enthousiaste, animée dès
mêmes impressions, s'est précipitée à sa rencon
tre en faisant retentir l'air des cris de Vive l'Em
pereur ! Chacun était àvide de voir l'homme pro
videntiel qui arrivait précédé des acclamations de
la Franee, le prince qu'entouraient à un si haut
degré l'admiration et la reconnaissance du peuple.
Les maisons étaient pavoisées et regorgeaient
de spectateurs ; les femmes agitaient leurs mou
choirs, jetaient des fleurs sur le passage du prince,
et mêlaient leurs applaudissemens à ceui de la .
foule. C'est ail milieu de cette foule, âu bruit ae
ces acclamations, que le prince s'est dirigé lente
ment vers l'hôtel de la préfecture. Le prince y a .
reçu : . \
S. E, le cardinal archevêque et son clergé;
Les sénateurs ;
Les membres du Corps Législatif accourus en
foule à LyOn :
Le général en chef et ses aides de camp ; ■
La cour d'appel ;
Les fonctionnaires du département.
A quatre heures et demie, le prince s'est rendu
au palais archiépiscopal d'où il a assisté aux réga
tes prépaies sur la Saôn'<«. Là encore, sa présente
a excité des transports et des cris d'enthousiasme.
A six heures, le prince est rentré à la préfecture
où il à réuni dans un grand couvert les hauts
fonctionnaires. M. de La r-uora, ministre de la
guerre de S. M. le roi de Sardaigne, et M. Paleo-
capa, préfet de Chambéry. Ce soir, il doit assister
au bal qui aura lieu au grand théâtre.
En un mot, l'ovation que le prince a reçue à
Lyon a été complète. La secondé capitale de la
France a payé noblement sort tribut de reconnais
sance au prince à qui la patrie doit ses nouvelles
destinées ; elle a voulu s'associer àu mouvement
qui s'opère en ce moment dans l'esprit et dans le
cœur des populations, et dont l'expression irrésis
tible est résumée d.ms ce cri : Vive VEmp'ér'ciï?-!
Eile a voulu prouver enfin au prince Louis-Napo
léon qu'elle n'a point oublié les paroles qu'il iui
avait adressées lors de si dernière visité, et qûe
ces paroles avaient trouvé de l'écho dans le coeeir
de tous les Lyonnais.
Lyon, dimanche, 19 septembre 1852,
six heures du soir.
Le prince-président est arrivé à Lyon à trois
heures. L'acclamation unanime ae : Vive l'Empe
reur! qui l'avait accueilli a Bourges, l'a suivi jus
qu'à Lyon, et i'àccompagnera, grandissant encore,
jusqu'à la fin de son voyage.
C'eit au sein de la cite lyonnaise surtout que ce
cri devait trouver de l'écho. Lyon, la ville de la
gran-ie industrie, est toute pleine encore des sou
venirs de l'Empire et des bienfaits de l'Empereur. •
C'est Lyon qui, la première, salua de ses accla
mations le vainqueur d'Egypte, qui venait arrâ-
ch«r la. France à l'anarchie; c'est Lyon, la cité fi
dèle, gui l'accueillit avec les mêmes acclamatiohs
à son retour de l'île d'Elbe en 1815.
A chaque pas, on rencontre dans cette ville des
monumens de sa munificence. Il efFaça les ruines
que le marteau révolutionnaire avait faites dans
cette riche cité ; il releva ees édifices, protégea
son commerce, ses arts, ton industrie, et couvrit
toujours des marques de sa généreuse sollicitude
les manufactures lyonnaises.
Aujourd'hui, comme aux beaux jours du con
sulat, Lyon, après les tristes années de guerre ci
vile que nous venons de traverser, voit reriîlitre
dans se- murs f t pair, l'ordre, l'industrie, h» ri
chesse publique.
C'est «u neveu du Premier Consul, c'est à l'hé
ritier de l'Empereur que la ville de Lyon doit ces
bienfaits; au>si la ville de Lyon s'est-elle précipi
tée tout entière à sa rencontre, pour lui témoigner
sa reconnaissance et ses sympathies profondes.
Oui, les cris de Vive l'Empereur! devaient trou-;
ver de l'écho dans le cœur des Lyonnais, car ils
n'ont jamais oublié ces paroles de l'Empereur :
Lyt nnais, je vous aime !
Nous ne chercherons point à retracer tons les
détails de la réception officielle que li ville de
Lyon vient de faire à L uis-Napoléon ; nous n'eus
bornerons aujourd'hui à en raconter les princi
paux incidens.
Dès le matin, le préfet, le secrétaire-général, les
membres du conseil général et des conseils d'ar
rondissement se sont j ortés au-devant du prince
jusqu'à Givors, limite du département du Rhône.
Un grand nombre dé députés, de généraux, de
fonctionnaires publics s'étaient réunis à eux. '
Le programme de la municipalité lyonnaise,
pour la récëption du prince, était splendidé; l'en
thousiasme populaire l'a dépassé de beaucoup.
Cette immense cité tout entière s'était associée de
cœur et d't.sprit à la pensée qui animait ses ma
gistrats; afin d'offrir au prince une réception di
gne de lui par l'ensembls et l'unanimité de ses ef
forts et de ses acclamations.
A son arrivée à l'embarcadère du chemin de fer,
dans la presque île de Perraclie, en face même de
la place où s'élève la statue de l'Empereur, qui
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 23 SEPTEMBRE
L.1
DE MAULÉON.
XXI.
bn philosophe rustique. — de la géométbie
envisagée bans ses rapports avec l'état
social.
C'était, en effet, Trinachon qui avait #mis
Lucien sur la voie d'où je m'efforçais de le
détourner, mais point dans les circonstan
ces, ni par les moyens dont se préoccu
pait la chanoinesse. Le philosophe ne faisait
d'embauchage qu'au profit de ses idées et dans
l'intérêt d'une découverte qui devait inonder
la terre de pains de gruau et de 'ruisseaux de
lait. Il vivait dans un ciel trop élevé au-des-
sus du nôtre, pour se livrer au commerce
équivoque dont Eulalie l'accusait. Personne
au contraire n'était plus détaché que lui des
servitudes de l'existence, comme on pouvait
le voir à ses hauts-de-chausses peu herméti
ques et À ses bas sur les talons. Encore un
pas dans cette voie, et il eût marché vêtu de
son seul système, cestume léger et inaccep
table en l'état de nos mœurs.
Son système, voilà où Trinachon s'absor
bait jusqu'à l'abrutissement. Il était de cette
race de somnambules intellectuels qui dor
ment les yeux ouverts, et dans leur rêve ne
distinguent rien de ce qui se passe autour
* La reproduction est interdite.
d'eux. L'espèce abonde; de nos jours. Ceux-ci
supprimeront d'un trait de plume les pas
sions qui leur déplaisent, ceux-là les em
ploieront à des industries de leur goût : par
exemple, la paresfe à la pêche à la ligne;
l'envie à la fabrication des petits couteaux;
d'autres iront plus loin encore, et s'attaque
ront à ce préjugé absurde, qui veut que l'on
ai t quelque chose à soi, le pré dont on hé
rite, l'argent que l'on gagne, la maison que
l'on bâtit, le frac eju'on endosse, la montre
qu'on enfouit, de peur des filous, dans les
profondeurs d'un gilet. Tousaurontun petit
monde à eux/peuplé de petits êtres de. leur
composition, un monde accompli, sans vice
ni taré, où le miel suintera de tous les ar
bres et où le vin coulera à plein robinet.
Trinachon en était là ; il avait sa marotte,
son monde à l'envers. Comme le disait la
chanoinesse, le fond du système consistait à
poser en principe que jusqu'à ce jour l'hu
manité s'est méprise sur la destination de"
ses organes, et qu'au lieu de poursuivre sa
marche à l'aide des pieds, e lle y pourrait
consacrer la tête avec de grands avantages et
très peu d'inconvéniens. A l'appui, l'inven
teur réclamait une expérience exécutés sur
une grande échelle et par des crâne.s sans
prévention. C'était bien cela en peu de 1
.mots et dans un tour succinct. Seulement
cette explication était celle qui se débitait
au vulgaire et aux esprits rebelles à de plus
hautes démonstrations. Pour les intelligen
ces raffinées, il existait une théorie emprun
tée à la science pure, et où -cette transposi
tion des organes était justifiée par ies lois
exactes de la gravitation et l'exemple con
cluant des antipodes. Le tout se terminait
par une géométrie nouvelle à l'usage des
mouveœefs de l'ame etdesperfectioonemens
de l'état social. .
Telle était la pensée dornininte de Trini-
choo, celle qui le plaçait au-dessus de ne>s
faiblesse» et de nos habitudes de propreté.
En raison d'une conception si vaste, il se
croyait autorisé à se nettoyer le moins pos
sible, à pousser très loin ie service de ses col
lets d'habits, et à ne se séparer de son linge
qu'à son corps défendant, et à, la derniere
extrémité. C'était bie-n d'un philosophe, dans
la plus rigide acception du mot. Eu agissant
de la sorte, Trinachon n'excédait pas les li
mites de son droit, et iLrestait dans la vérité
de sa situation. Il rappela"ces granels stoï
ciens qui ne regardaient jamais à leursmains,
alla de se mieux préserver eh s souillures- de
l'ame; il résumait deux sages renommés
des temps anciens : Cratès, qui eut tant de
bonnes fortunes, et Ri is, qui portait toute :-a
garderobe sur lui.
On conç ût que, sous une pareille armure,
Trinachon fût inaccessible à de petites intri
gues et à de petites trahisons. C'était dense à la
légère que la chanoinesse élevait con tre lui ce
chef d'accusation. Le seul tortele cet hom
me était de chercher partout des victimes.
Il ne rôdait dans le monde qu'avec cet es
poir, et quand il en rencontrait une, il s'atta
chait à ses flancs et ne rabandonn,-iit qu'a
près y avoir enfoncé son aiguillon. Point de
trêve "dans cette pour.Hute, point de repos.
Avec ce tact qui caractérise le-, philosophas,
il s'adressait de préférence à la jeunesse,
comme plus maniable et plus accessible aux
nouvelles impressions. C'est de ce côté sur
tout qu'il se plaisait à répandre des flots de
géométrie appliquée à notre état social, et
s'efforçaitde démontrer àquelle dépravation
l'homme a obéi en cherchant son équilibre
ailleurs que sur la tête.
D'ailleurs, en sa qualité de penseur, Tri
nachon était reçu partout et avec de certains
égards; il passait pour profond, et c'est un
mot qui impose ; on aime mieux l'accepter
que fie le vérifier, et, une fois acquis, rien
n'eu altère la vertu. On est alors et l'on reste
profond pour tout le monde, en province
comme à Paris, par un beau jour comme par
un jour pluvieux, malgré les épidémies, mal
gré les révolutions, à travers le temps et l'es
pace, sur le continent et au-delà des mers. C'est
un titre indélébile; aucun caustique ne l'ef
facerait. Trinachon en jouissait donc avec
cette confiance qui riait d'une longue et tran
quille possession ; il en éj.ait même venu',à
ce point ri ajouter foi à sa profondeur ft de
s'y complaire. Pourquoi eût il résisté au sen
timent général et repoussé la position qu'on
lui faisait ? Trop d'avantages y élaient atta
ché*. et en première ligne celui de pouvoir
être inintelligible avec impunité.
Ce fut sous ces auspices que le philoso
phe eu'- accès daus 1 s salons oe la comtesse
d; Mauléon, et y fit sur-le-champ une très
belle figure. Pour tout autre, la tenuii eût
été un obstacle; chez lui, c'était un mérite et
une saveur de plus. C'-s airs rustiques seyait nt
à un homme profond; ils comportent une
partie de son originalité ; ils étaient sou ca
chet, son étiquette. On l'eût moins corn pi is
avec d'autres « heveux et a'àutres doigts,
des habits plus neufs ttdes souliers exposés
plus soumit au eontact .de la brosse. Si n'eût
plu s été Trinachon, il n'eût plus renoué la
chaîne des temps, ui résumé à lui seul deux
sageâ de l'antiquité. - D 'ailleurs la comtesse
l'riceïxi iliuit ainsi, le comblait d'attentions et
lui donnait volontiers les places d'honneur.
' Aucun personnage politique, aucune célé
brité littéraire n 'av;;i, m le pas sur lui; il
était accrédité chez elle et fort avant dans ses
bonnes grâces ; celte préférence suffisait pour
couvrir toutes les lacunes du vêtement.
Dans cette situation, il était facile de com
prendre que Lucien eût trouvé auprès du
philosophe les moyens de s'introduire chez
ta comtesse de Mauléon. Seulement le détail
des circonstances m'échappait, et ce détail
était essentiel à connaître pour disputer avec
fruit le peu de terrain qui n'étaitpoint encore
livré. La chanoinesse parlait de nombreuses
conférences entre Lucien et Trinachon. Mais
que s'y était-il dit ? Jusqu'où les choses
avaient-elles été poussées ? Lucien était-il
allé jusqu'à un aveu, ou bien ne s'était-il pas
départi de sa réserve ? Comment cette invi
tation avait elle été demandée et obtenue?
Qui en avait eu la pensée? Qui en avait lancé
le premier mot? Voilà ce que j'ignorais et
ce qu'il m'importait de savoir. 11 me sem
blait que j'y trouverais de nouveaux élémens
de défense et des conseils sur la conduite à
tenir; je m'y attachais comme un naufragé
s'attache à un dernier débris.
J'interrogeai donc Lucien, et d'abord il
résista : jamais je ne lui avais vu des allures
si discrètes à mon égard : le trait était nou
veau. J'insistai, j'y mis de la chaleur et du
sentiment, j'invoquai les droits de l'amitié,
l'intérêt sincère que je lui portais et dont je
croyais iui avoir donné des preuves. Il céda
alors, plutôt fléchi qu'entraîné,-et comme
s'il obéissait à un devoir; ce fut desabouche
que je recueillis le détail de ses entrevues
avecTrinachou, et dont je ne détacherai que'
ce qui est nécessaire pour l'éclaircissement
de mon récit.
XXII.
une ssène fui rappelle les philosophes du
portique. — ou deux idées fixes se trou
vent en présence.
Ce fut dans un» soirée poétique gué Lu
cien rencontra pour la première fois l'inven
teur de la géométrie appliquée à l'état so
cial. La lecture qu'il avait faite chez la cha
noinesse n'était pas demeurée sans bruit ex
térieur, et ce petit succès y avait amené de
nouveaux visages. Dans le nombre était celui
de Trinachon. Le' philosophe était à l'affût
de ces sortes d'événemens ; il'allait où va la
foule, le nez au vent, l'œil aux aguets,
épiant toujours et partout une place pour
sort système. Il avait entendu parler d'un •
jeune poète d'avenir, et il évaluait d'avarice
tous les avantages qu'il y aurait à s'assurer
du concours d'une lyre, d'une lyre qui se
rait bien à lui, et qui célébrerait l'humanité
dans la posture qu'il rêvait pour elle, les
pirds en l'air, la tête en bas. C'était de la
poésie à l'envers, des effets nouveaux, et à
ce titre l'offre avait de'quoi séduire.
Voilà sous l'empire de quel sentiment Tri
nachon aborda Lucien ; il espérait le gagner
à ses plans, peut-être même l'entraîner à
un essai. Son début ne fut pas néanmoins
heureux. Le jeune homme était neuf encore
à la vie des salons; il ignorait îe respect qui
s'attache à la personne d'un penseur, et son
premier mouvement fut de regarder d'assez
haut cet inconnu, qui le prenait sur un pied
de familiarité au moins prématurée. Il ne
semblait pas à Lucien que ce ton fût justifié
ni par l'éclat du costume, ni par la gran
deur de l'air; il se demandait quel était ce
rustique mortel qui l'abordait comme s'ils
fussent nés dans le même hameau et eussênt
conduit des troupeaux ensemble. Sonaccueil
fut donc digne et froid ; mais Trinachon ne
parut pas s'en émouvoir; il n'apercevait
rien des choses de ce monde et ne voyait
clair que dans le sien. Sur-le-champ il entra
dans son sujet et y vogua à pleines voiles; il
expliqua cwmmi&nt il comptait rtenouvelèr
BSKMI5AW&. : rue de Valois (Palai*-5*ovaI)> a. IO.
1852, — JEUDI 25 SEPTEMBRE.
Prix de l'abonnement.
PARIS ET BEPARTESKEKS :
s fe. pour trois mois.
S% fr. pour l'année.
un numéro : 15 centimes.'
pour les pats éthasgers , sa repor
ter àu tableau publié dans e journal;
les 10 et 25 de chaque mois. N
S'adresser, franco, pour la rédaction, à M3 CtCHfVAl^CuaiG!
Le» articles déposés ne sont pas rendus,
docteur m chef.
JOUMAI POLITI0IJE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
IOa s'abonne, dans les département, aux Messageries et aux Directions de poste.—A Londres, chez MM; Ccwis et ïus.{
I . — A Strasbourg, chez M. Alexandre, pour l'Allemagne. î
S'adresser, francs, pour l'administration
\à M. DENAIN, directeurl
L' s annonces sont reçues chez«M. PÀN1S, régisseur, 10, place de la Bourse ; f
et au bureau du journal.
PR1Ï ^ABONNEMENT
peu»
PARIS ET LES DtPARTIffiENS.
P oop trois Miels. . 8 ffr.
Pour six mois. . . 16f r.
Pour ï 'asmée. . . . 52 fr.
Le prix d'abonnement du CONSTITU
TIONNEL est au-dessous de celui de tous les
journaux politiques.
PARIS, Si SEPTEMBRE
Nous avons fait connaître hier les motifs
qui avaient engagé le gouvernement à aug
menter les droits à l'importation des houil
les belges; nous croyons utile, afin de mon
trer toute la portée de cette mesure, d'expo
ser aujourd'hui l'état de la législation sur
les houilles, l'accroissement qui en était ré
sulté dans les importations des charbons
étrangers, et enfin la situation qu'elle avait
faite à nos exploitations.
La législation douanière sur les houilles a
subi des modifications nombreuses depuis
vingt ans. Jusqu'en 1835, les droits d'entrée
avaient été de 1 fr. sur tout le littoral, de
30 centimes sur la frontière de terre, excep
té sur celle de la Meuse, de la Moselle et des
Ardennes, où ils avaient été réduits à 10 et
45 centimes. A partir de cette époque, di
vers changemens furent successivement in
troduits dans la tarification. Il serait trop
long de les énumérer ici, et il suffira de dire
que la loi du 6 mai 1841, qui régissait en
core l'importation des houilles au moment de
la promulgation dudernier décret, avait fixé
les droits de la manière suivante : par mer,
50 cent, de Dunkerque aux Sables-d'Olon-
ne, 30 centimes sur le reste du littoral ; par
terre 15 centimes, excepté sur la partie com
prise entre la mer et Halluin, où le droit fut
porté à 50 cent, afin qu'on ne pût pas frauder
le droit par mer, et pour la Meuse et la Mo
selle où il resta de 10 centimes.
Ainsi, en résumé, le tarif à l'importation
par mer avait été abaissé de 1 fr. à 50 centi
mes sur le littoral de Dunkerque aux Sables-
d'Olonnè et à 30 centimes sur le reste de la
frontière maritime ; le tarif à l'importation
par terre de 30 à 15 centimes. C'était une
réduction de moitié et des deux-tiers sur les
deux zones maritimes, de moitié sur la
frontière de terre. _
Avant de chercher quelles furent les con
séquences de cette réduction ,-il est néces
saire d'indiquer succinctement les causes
d'infériorité qui ne permettent pas à nos
exploitations de se soutenir sans le seceuis
de la protection. Nos bassins houilltrs les
plus étendus et les plus riches sont grou
pés auteur des montagnes centrales ce
la France , et ne communiquent avec les
régions maritimes que p..r des voies de
navigation difficiles ou surchargées de frais
onéreux. Ceux qui sont les mieux placés-
pour soutenir la concurrence étrangère ,
c'est -à -dire ceux du nord et de l'ouest,
ne contiennent guère que des couches peu
puissantes , et sont en'grande partie re
couverts par ce qu'on appelle des morts-
terrains , qui rendent l'établissement des
exploitations très dispendieux. Le travail
des mines y est d'ailleurs plus rétribué
qu'en Belgique et en Angleterre. Il faut
encore ajouter que notre législation des mi
nes a organisé une surveillance, un impôt et
des redevances qui sont des charges parti
culières à notre pays. Ce sont ces différentes
causes, et surtout l'imperfection ou la cherté
de nos voies de transport, qui nous font une
obligation impérieuse de protéger nos houil
lères.
Cela posé, quels ont été les résultats de
l'abaissement des tarifs? On en jugera par
les chiffres suivans que nous avons relevés
sur les documens administratifs.
La consommation de "la houille a sextuplé
depuis 1815; elle était alors de 11 millions
de quintaux métriques; elle était montée à
24: millions en 1830,et elle atteignait 66 mil
lions en 1846, dernière année dont nous
connaissions le chiffre officiel.
Yoici maintenant comment la production
nationale et l'importation étrangère se sont
réparti notre approvisionnement.
En 1815, sur une consommation de 11
millions de quintaux, nos houillères four
nissaient les trois-quarts et l'étranger un
quart seulement.
En 1830, sur une consommation de 24
millions de quintaux, la même proportion
s'était maintenue entre te production indi
gène et l'importation.
A partir de 1833, les droits ayant été suc
cessivement réduits de 1 fr. à 50 cent., et à
30 cent, sur le littoral, de 30 à 15 cent, sur
la frontière de terre, on voit la part de l'é
tranger s'accroître sans cesse et prendre de
plus en plus grandes proportions.
Ainsi, en 1846, sur une consommation de
66 millions de* quintaux, la production in
digène en a fourni -44 et l'étranger 22.
D'où il résulte que, depuis la réduction
des droits, la part de la productionjiationale
est descendue des trois-quarts au deux-tiers,
tandis que la part de l'importation étrangère
est montée du quart au tiers.
Depuis 1846, ce mouvement a fait de nou
veaux progrès. En 1849, la production na
tionale a rétrogradé de 44 à 40 millions, et
l'importation s'est au contraire accrue de 22
à 24 millions. Il est permis de croire que la
production s'est relevée, en 1850 et en 1851,
à ce qu'elle était en 1846: Mais l'importa
tion, poursuiyant sa marche ascensionnelle,
a atteint, en comprenant la quantité intro
duite sous forme de coke, 29 millions de
quintaux cil 1850.
Nous touchons donc au moment où l'im
portation étrangère va bientôt entrer pour
moitié dans notre consommation.
Certes le développement extraordinaire
des importations, tandis que la production
nationale reste stationnaire, est un fait gr..: ve,
qui mérite de fixer l'attention du gouverne
ment, et qui exige une série de mesures des
tinées à combattre cette invasion.
Il est juste de reconnaître que la progres
sion si rapide des importations a eu lieu àu
profit de l'Angleterre, plus encore qu'au
profit de la Belgique. Eu suivant les ta
bleaux de douanes depuis 1815 jusqu'en
1850, on trouve que l'importation an
glaise s'est élevée de 224,000 quintaux à
près de 7'raillions, c'est-à-dire qu'elle s'est
accrue dans la proportion de l à 30. Ce sont
la, pour le dire en passant, di s chiffres qui.
répondent à la pétition de la chambre de
commerce de Rouen en faveur d'un nouvel"
abaissement de tarif sur le littoral. Aujour
d'hui les houilles anglaises arrivent à Rouen,
à Angers, à Bordeaux; qu'on réduise encore
le droit, elles iront à Paris, à Tours, à Or
léans; elles remonteront la Garonne, tt nous
n'aurons bientôt plus qu'à-"fermer nos ex
ploitations.
Si les importations belges ne se sont pas
accrues dans une proportion aussi ^orme
que les importations anglaises, elles n'en
ont pas moins fait cependant de très grands
progrès. Elles se sont élevées, dan 11 période
de 1815 à 1850, de 1,984.000 quintaux à
19^646,000. On voit donc qu'elles ont dé
cuplé.
Nous avons vu que le droit sur les houil
les belges avait été réduit, depuis une or
donnance de 1837, confirmée par la lei de
1841, de 30 à 15 centimes par quintal. Mais
ce n'est pas le seul avantage dont elles aient
profité*. Les canaux du nord/ qui présentent
la navigationla plus perfectionnée, ont abais
sé leurs tarifs de péage, de telle f orte que le
fret est tombé de moiiié. La canalisation de la
Sambre a ouvert une voie nouvelle aux char
bons de Charleroi. E; fin les chemins de fer,
mis en communication avec les houillères,
leur ont offert de nouvelles facilités.' pour
l'envoi de leurs produits dans nos départe-
mens septentrionaux. Dans l'état actuel, le
fret de Mous à P.iris est descendu à 8 fr. par
tonne, celui de Charleroi à 10 fr., et le che
min de fer du Nord, qui vient d'organiser'
unmatérielspéeial pour ce transport, amè
ne les houilles de Mons à Paris pour 11 fr.
la tonne, en attendant que l'êciièyement de
l'embranchement de Saint Quentin à Mau-
beuge lui permette d'en faire .autant pour
les houilles de Charleroi.
Si l'on compare la navigation du centre à
la navigation du nord, on comprendra mieux
la situation défavorable faite à nos princi
paux bassins liouillers. Un bateau, expédié
de Mons ou de Charleroi, porte 2,500 hectoli
tres, c'est-à-dire le plus fort chargement que
comportent les voies canalisées ; il ne paie
qu'un droit de péage de 10 centimes par ton
ne et par myriamètre ; tandis que les bateaux
expédiés de nos houillères centrales par les
voies canalisées de la Saône ou de. la Seine
ne peuvent charger que 12 à 1,400 hec
tolitres , et paient les droits de péage de
11 à 22 centimes. Qu'on fasse le calcul,
et l'on verra que les houilles du centre sup
portent, par le-fait de l'imperfection des
voies navigables et par l'élévation du péage,
des charges bien supérieures aux droits de
douane. N'eût-il pas été équitable de leur
continuer une protection vraiment efficace
jusqu'au moment où l'amélioration et le bon
marché des transports leur eût permis de
soutenir la concurrence jetés houilles étran
gères sur les principaux marchés du pays ?
Ce simple exposé suffit pour prouver que
l'augmentation du tarif sur les houilles,
provoquée par le refus du gouvernement
belge de faire droit aux demandes du gou
vernement français, n'a pas seulement pour
but de peser sur la Belgique, mais qu'elle
doit favoriser le développement de nos ex
ploitations comprimées par l'accroissement
rapidedes importations étrangères. Saasdoute
nous n'aurions pas relevé les droits, à la
Belgique eût consenti à nous donner quel
que compensation du traite ment de faveur
que nous accordions à ses charbons. Mais,
du moment qu'ede se refusait à nous con
céder des avantages équivalons, il était tout
naturel de lui retirer une faveur dont eile
avait si largem: nt profité, et que nous ne
lui faisions qu'aux dépens de nos produc
teurs nationaux,
On objectera que Ctuxde nos départemens
qui consomment la houille belge vont se
trouver également frappés par cette mesure.
Il est piobable, en effet, que le charbon de
Mons ou de Charleroi subira un renchéris -
sement dans quelquf s localités. Mais ce ren
chérissement r;e nous semble pas de nature
à leur causer un préjudice bien grave. La
houille se paie, en moyenne, 2 fr. dans
le département du Nord, et 3 fr. 10 sur le
marché de Paris. L'augmentation de 15 cen
times sur le droit ne représente doue qu'un
treizième pour le département du Nord, et
q;j'un vingt-troisième, pour Paris. Ce n'est
pas là une augmentation qu'on puisse mettre
en comparaison avec la diminution du fret,
qui, comme nous i'a\or;s dit plus haut, a
baissé de moitié sur les canaux du Nord.
Les industries atteintes par cet accroisse
ment de prix se rappelleront- d'ailleurs
qu'elles sont également protégées, quelques-
unes mêmes par la prohibition, et qu'elles
ne sauraient se plaindre de voir l'industrie
houillère replacée dans une meilleure situa
tion.'
Cette mesure donnera, d'ailleurs une im
pulsion nouvelle aux travaux d'exploitation
et de recherche dans les départe mens d .i Nord
etduPas-de Calais. On sait ique le s houillères
de cette partie delà France sont ouvei tes dans
le prolongement du Jprraiii du bassin belge
qui pénètre en Franco, en &'enfonçant de
plus en plus sous les dépôts de calcaire
crjyeux qui forment le sol. C'est seulement
de la fia du siècle dernier que date la décou
verte des mines d'Anzin. Depuis 'celte épo
que , on a trouvé successivement les gîtes
de D.nam, de Doucliy, de Vicoigne, d'Ani-
che, etc., et toutes .nos houillères du Nord
embrassent déjà 50,000 hectares. Mais ce
n'est pas tout. Les travaux commencés,,
il y n. cinq ou six ans, pour suivre à
l'CnTist de Douai le prolongement des cou
ches carbonifères , ont pleinement réus
si, et six compagnies , réparties dans l'es
pace compris entre Douai et Béthune,
viennent d'ajouter encore un espace con
sidérable à l'étendue constatée de notre
domaine houiller. Mais, pour atteindre la
houille dans ces nouveaux gîtes, il faut percer
150 à 200 mètres de morts-terrains dans les
quels on rencontre des courans d'eau sou
terrains très difficiles à traverser. Ce sont
des puits dont le fonçage exige beaucoup de
temps et beaucoup d'argent. L'augmentation
des droits sur les houilles encouragera ces
entreprises nouvelles, et elle peut leur
donner un tel essor,que la contrée se couvre
d'exploitations qui enlèvent aux houillères
belges la plus grande partie de notre marché.
Il y a encore, dans la nouvelle mesure, un
point de vue qu'on ne doit pas négliger,
c'est celui du trésor. Elle procurerait uue
augmentation de recette déplus de 3 mil
lions de francs. Elle*viendrait ainsi en aide à
nos finances et contribuerait à rétablir l'équi
libre dans notre budget
Nous en avons dit assez pour montrer que
la mesure est vraiment sérieuse. Il se peut
que le gouvernement la rapporte, si la Bel-
giquejaccède aux demandes qu'il lui a 'soumi
ses. Mais si elle persiste à refuser, nous n'a
vons pas à regretter une augmentation de
tarif qui donnera une impulsion favorable
à notre industrie minérale, et qui nous ai
dera à mettre en valeur toutes les richesses
houillères enfouies sous notre sol.
h BURAT.
Les mesures annoncées hier par le Moni
teur ont été connues aussitôt à Bruxelles, par
une communication électrique. Les jour
naux publient le dispositif du décret et en
attendent, le texte avant de se livrer à un
commentaire.
L'Emancipation dit qu'il n'y aura pas de'
séance royale pour l'ouv- rture de la session
lundi prochain.' Le ministre de l'intérieur,
au dire de ce journal, fera uaexpocédes
-négociations avec la France.
L'Indépendance annonce aussi qu'il n'y au
ra pas de discours royal :
« Les chambres, dit ce journal, sont convoquées
pour le 27 de ce mois. Quelques jours encore, et
la situation sera exposée clairement, nettement,
sans ambages, aux yeux du pays.Toutefois, si nos
renieignemens sont exacts, la session ne sera pas
ouverte par le roi, et, par conséquent, il n'y aura
pas de discours de la couronne. Mais hàtons-nous
d'ajôutcr que cette réserve n'a nullement sa sour
ce dans le désir d'éluder un débat que le minis
tère a, plus que qui que es soit, intérêt à rendre
aussi complet, aussi approfondi, aussi net que-pos
sible.
» Donc , c<-la est bien entendu, le gouverne
ment, en l'absence d'une h irangue royal-- à l'ou-
vérlure de la session, n'entend évit-r le débat sur
ancu.-o des questions à propos desquelles^ il p'aira
à l'opp iiition de l'engager. 11 se présentera prêt à
répondre à toutes les attaques, et si l'opposition
est impatiente d'ouvrir le feu , elle le pourra dès
la première séance.
» Disons plus, elle le pourra même avant toute
discussion ; il ne dépend que d'elle, si elle se croit
assez forte pour cela, de renverser le cabinet avant
qu'il ne prenne place sur les bancs de la chambre.
» Le mi.iistère, en efFtt, est très décidé à faire
de la réélection de M. Verhaegen à la présidence
' une question de cabinet. »
Le roi Léopold, on le voit clairement par
cet exposé, ne veut pas engager sa politi
que. Il se réserve de suivre le vœu de là
chambre pour le maintien ou le renvoi de
fon cabinet. C'est réserver en même temps
la question des rapports avec la France, et
l'on aperçoit facilement que rien ne sera fait
à cet égard avant que la représentation na
tionale se soit prononcée. l. boniface.
DEPECHES OïFïCIELLES.
Bourgoin, 21 septembre, onze heures
et demie du matin.
Le prince a fait ton entrée dens le cépar-
tem nt de l'Isère, à neuf heures et un quart
du matin, au milieu d'un immense con
cours de populations. Les principales autori
sés, le président du conseil général, les dé
putés et le maire de Vienne, les anciens sol
dats de la vieille armée, l'ont reçu à Saint-
Priest devant un magnifique arc de triomphe'
qui,, marquait la limite du département. Les
cris les plus énergiques de : Vive l'Empe
reur I ont salué son passage.
Partout, à Saint-Laurent-de-Mure, à la
Verpillière, à la Grève, à Bourgoin, le prin
ce est accueilli avec -le plus vif enthou
siasme.
Lyon, le 22 septembse, sept heures
et demie.
La marche du prince à travers le département
n'est qu'une suite de triomphes. La réception à
Bourgoin a été admirable. Le clergé, la magistra
ture, le conseil d'arrondissement de la Tour-Dupin,
122 maires de communes rurales, mille vieux sol
dats de l'Empire, huit compagnies de sapeurs-
pompiers, les fonctionnaires et une immense po
pulation qu'on peut évaluer à 23,000 âmes ont
acclamé S. A. aux cris mille tois répétés de Vive
l'Empereur ! A Eclose, à Champier, à Lafiette, à
Rive, même accueil, mêmes transports d'enthou
siasme et. de joie. A Lafiette surtout, le prince
s'est arrèfé quelques minutes , et a remercié
les populations accourues en foule de toute l'éten
due des trois arrondissemens. La santé de S. A. est
parfaite.
Lyon, 22 septembre, huit heures qua
rante-cinq minutés matin.
Grenoble, hier soir sept heures.
Le prince vient d'entrer à Grenoble, au bruit de
l'artillerie de la citadelle et aux acclamatians de
la population tout entière agglomérée sur la route
de Lyon, sur l'esplanade et sur les quais. Les cris
les plus énergiques de Vive l'Empereur ! se sont
fait entendre depuis l'instant où le prince a été
aperçu jusqu'à celui où il est entré dans ses âp-
pariemens.
S. A. a été reçue à la porte de France par le maire
de Grenoble, conseiller,'général,et député, qui lui en
a offert le s clés. La cour d'appel, le clergé, le conseil
généra!, les maires des environs, lesfonciiônFiaires
de tout ordre environnaient le chef de l'Etat et lui
ont fait jusqu'à la préfecture un cortège triomphal.
Un immense enthousiasme règne dans toute la
ville. Tous les édifices publics et les maisons par
ticulières sont illaminés. Tout respire la joie
qu'inspire aux patriotiques habitans du Dauphirié
la présence du*neveu de l'Empereur.
VOYAGE DU PHIXCE-PRESIDEÏVT.
(Extrait du Monihur.)
Lyon, ! 9 septembre.
Ls même enthousiasme qui avait accueilli le
prir.ee à son arrivée-à Saint-Etienne l'accompagne
plus persistant encore à son départ.
Le prince est reçu à la gare par MM Henri Bon-
baïd, Paul et Charles Séguin, administrateurs dé
léguas du chemin de fer de S int-Etienoe à Lyon,
et Gervois, ingénieur des ponts-et-chaussees et di
recteur de l'administration. Pour cette circonstan
ce, des wagons et des voitures neuves sont inau
gurés; le wagon du prince, garni en soie, porte
aux quatre angles quatre aigles d'or; les décora
tions intérieures et extérieures sont du meilleur
goût.
A la sortie de la gare, le spectacle le plus impo
sant est offert au prince. On sait que le cheminde
fer rie Saint-Elienne est le premier qui sitétécons-
irnit en France , et ce'ui d; l'Europe où se f;:t le
plus grand mouvement'de marchandise». A peine
en dehors de la gare, on voit se dérouler un im
mense convoi de trois mille wagons chargés de
charbon et de coke autour duquel se presse toute
une population.
Mais c'est encore à la sortie du souterrain de
Terre-Noire qu'un speciàcle magique vient frapper
tous les yeux : à peine est-on arrivé au jour
qu'on voit un flot de population se presser à la
tortie du tunnel; des rangées dejeunes filles vê
tues de blanc font retentir l'air des cris de Vive
l Empereur! et font pleuvoir des masses de fleurs
sur le cortège.
De Slint-Etienne à Saint-Ghamond, parlout la
population accourt; pas une haie qui ne soit gar
nie, pas un rocher qui ne serve de point d'appui à
un spectateur, pas un tertre où une famille ne
soit groupée.
On arrive à Saint-Cbamond ; autour d'un arc-
de-triomphe élégant sont rangés le maire, le con
seil municipal, le curé, le juge de paix à la tèle
de la population.
Le prince passe en revue la garde nationale et
les diverses compagnies des mineurs, des feran-
diers, des rabaniers, dont Saint-Chamond est le
principal centre de fabrication.
Le tunnel de Rive-de-Gier est franchi ; on ar
rive dans l'un des grands centres de l'industrie de
la métallurgie et dés mines.
Les autorités entourent le prince, et la popula
tion te presse pour le voir et l'entendre.
Quelques croix de la Lcgion-d'Honneup ont été
données, entre autres, à M. Godet et Petin, maî
tres de forges, anciens ouvriers.
M. le ministre de l'intérieur, de l'agriculture çi
du commerce a présenté âu prince M. Verpilleui,
ouvrier intelligent qui, par son travail et sa pro
bité, a su conquérir, avec la fortune, là position
la plus honorable parmi ses concitoyens. ,
Plus tardj le convoi traverse la concession des
mines de Sainte-Croir ; des ouvriers quittent leur
travail, s'avancent sur la ligne, crient Vive l'Errl-
pereur! et retournent à leurs fourneaux,
Le convoi est à Givors ; il est entré dans le dé
partement du Rhône. Les députations du conseil
général et du conseil départemental dp Rhône re
çoivent lé prince, qui accepte un déjeûner chez M.
Henri Dugas; vingt minutes après, le convoi se
remet en marche.
Lorsque lé prince a paru à cheval, toute une
foule, émue, frémissante, enthousiaste, animée dès
mêmes impressions, s'est précipitée à sa rencon
tre en faisant retentir l'air des cris de Vive l'Em
pereur ! Chacun était àvide de voir l'homme pro
videntiel qui arrivait précédé des acclamations de
la Franee, le prince qu'entouraient à un si haut
degré l'admiration et la reconnaissance du peuple.
Les maisons étaient pavoisées et regorgeaient
de spectateurs ; les femmes agitaient leurs mou
choirs, jetaient des fleurs sur le passage du prince,
et mêlaient leurs applaudissemens à ceui de la .
foule. C'est ail milieu de cette foule, âu bruit ae
ces acclamations, que le prince s'est dirigé lente
ment vers l'hôtel de la préfecture. Le prince y a .
reçu : . \
S. E, le cardinal archevêque et son clergé;
Les sénateurs ;
Les membres du Corps Législatif accourus en
foule à LyOn :
Le général en chef et ses aides de camp ; ■
La cour d'appel ;
Les fonctionnaires du département.
A quatre heures et demie, le prince s'est rendu
au palais archiépiscopal d'où il a assisté aux réga
tes prépaies sur la Saôn'<«. Là encore, sa présente
a excité des transports et des cris d'enthousiasme.
A six heures, le prince est rentré à la préfecture
où il à réuni dans un grand couvert les hauts
fonctionnaires. M. de La r-uora, ministre de la
guerre de S. M. le roi de Sardaigne, et M. Paleo-
capa, préfet de Chambéry. Ce soir, il doit assister
au bal qui aura lieu au grand théâtre.
En un mot, l'ovation que le prince a reçue à
Lyon a été complète. La secondé capitale de la
France a payé noblement sort tribut de reconnais
sance au prince à qui la patrie doit ses nouvelles
destinées ; elle a voulu s'associer àu mouvement
qui s'opère en ce moment dans l'esprit et dans le
cœur des populations, et dont l'expression irrésis
tible est résumée d.ms ce cri : Vive VEmp'ér'ciï?-!
Eile a voulu prouver enfin au prince Louis-Napo
léon qu'elle n'a point oublié les paroles qu'il iui
avait adressées lors de si dernière visité, et qûe
ces paroles avaient trouvé de l'écho dans le coeeir
de tous les Lyonnais.
Lyon, dimanche, 19 septembre 1852,
six heures du soir.
Le prince-président est arrivé à Lyon à trois
heures. L'acclamation unanime ae : Vive l'Empe
reur! qui l'avait accueilli a Bourges, l'a suivi jus
qu'à Lyon, et i'àccompagnera, grandissant encore,
jusqu'à la fin de son voyage.
C'eit au sein de la cite lyonnaise surtout que ce
cri devait trouver de l'écho. Lyon, la ville de la
gran-ie industrie, est toute pleine encore des sou
venirs de l'Empire et des bienfaits de l'Empereur. •
C'est Lyon qui, la première, salua de ses accla
mations le vainqueur d'Egypte, qui venait arrâ-
ch«r la. France à l'anarchie; c'est Lyon, la cité fi
dèle, gui l'accueillit avec les mêmes acclamatiohs
à son retour de l'île d'Elbe en 1815.
A chaque pas, on rencontre dans cette ville des
monumens de sa munificence. Il efFaça les ruines
que le marteau révolutionnaire avait faites dans
cette riche cité ; il releva ees édifices, protégea
son commerce, ses arts, ton industrie, et couvrit
toujours des marques de sa généreuse sollicitude
les manufactures lyonnaises.
Aujourd'hui, comme aux beaux jours du con
sulat, Lyon, après les tristes années de guerre ci
vile que nous venons de traverser, voit reriîlitre
dans se- murs f t pair, l'ordre, l'industrie, h» ri
chesse publique.
C'est «u neveu du Premier Consul, c'est à l'hé
ritier de l'Empereur que la ville de Lyon doit ces
bienfaits; au>si la ville de Lyon s'est-elle précipi
tée tout entière à sa rencontre, pour lui témoigner
sa reconnaissance et ses sympathies profondes.
Oui, les cris de Vive l'Empereur! devaient trou-;
ver de l'écho dans le cœur des Lyonnais, car ils
n'ont jamais oublié ces paroles de l'Empereur :
Lyt nnais, je vous aime !
Nous ne chercherons point à retracer tons les
détails de la réception officielle que li ville de
Lyon vient de faire à L uis-Napoléon ; nous n'eus
bornerons aujourd'hui à en raconter les princi
paux incidens.
Dès le matin, le préfet, le secrétaire-général, les
membres du conseil général et des conseils d'ar
rondissement se sont j ortés au-devant du prince
jusqu'à Givors, limite du département du Rhône.
Un grand nombre dé députés, de généraux, de
fonctionnaires publics s'étaient réunis à eux. '
Le programme de la municipalité lyonnaise,
pour la récëption du prince, était splendidé; l'en
thousiasme populaire l'a dépassé de beaucoup.
Cette immense cité tout entière s'était associée de
cœur et d't.sprit à la pensée qui animait ses ma
gistrats; afin d'offrir au prince une réception di
gne de lui par l'ensembls et l'unanimité de ses ef
forts et de ses acclamations.
A son arrivée à l'embarcadère du chemin de fer,
dans la presque île de Perraclie, en face même de
la place où s'élève la statue de l'Empereur, qui
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 23 SEPTEMBRE
L.1
DE MAULÉON.
XXI.
bn philosophe rustique. — de la géométbie
envisagée bans ses rapports avec l'état
social.
C'était, en effet, Trinachon qui avait #mis
Lucien sur la voie d'où je m'efforçais de le
détourner, mais point dans les circonstan
ces, ni par les moyens dont se préoccu
pait la chanoinesse. Le philosophe ne faisait
d'embauchage qu'au profit de ses idées et dans
l'intérêt d'une découverte qui devait inonder
la terre de pains de gruau et de 'ruisseaux de
lait. Il vivait dans un ciel trop élevé au-des-
sus du nôtre, pour se livrer au commerce
équivoque dont Eulalie l'accusait. Personne
au contraire n'était plus détaché que lui des
servitudes de l'existence, comme on pouvait
le voir à ses hauts-de-chausses peu herméti
ques et À ses bas sur les talons. Encore un
pas dans cette voie, et il eût marché vêtu de
son seul système, cestume léger et inaccep
table en l'état de nos mœurs.
Son système, voilà où Trinachon s'absor
bait jusqu'à l'abrutissement. Il était de cette
race de somnambules intellectuels qui dor
ment les yeux ouverts, et dans leur rêve ne
distinguent rien de ce qui se passe autour
* La reproduction est interdite.
d'eux. L'espèce abonde; de nos jours. Ceux-ci
supprimeront d'un trait de plume les pas
sions qui leur déplaisent, ceux-là les em
ploieront à des industries de leur goût : par
exemple, la paresfe à la pêche à la ligne;
l'envie à la fabrication des petits couteaux;
d'autres iront plus loin encore, et s'attaque
ront à ce préjugé absurde, qui veut que l'on
ai t quelque chose à soi, le pré dont on hé
rite, l'argent que l'on gagne, la maison que
l'on bâtit, le frac eju'on endosse, la montre
qu'on enfouit, de peur des filous, dans les
profondeurs d'un gilet. Tousaurontun petit
monde à eux/peuplé de petits êtres de. leur
composition, un monde accompli, sans vice
ni taré, où le miel suintera de tous les ar
bres et où le vin coulera à plein robinet.
Trinachon en était là ; il avait sa marotte,
son monde à l'envers. Comme le disait la
chanoinesse, le fond du système consistait à
poser en principe que jusqu'à ce jour l'hu
manité s'est méprise sur la destination de"
ses organes, et qu'au lieu de poursuivre sa
marche à l'aide des pieds, e lle y pourrait
consacrer la tête avec de grands avantages et
très peu d'inconvéniens. A l'appui, l'inven
teur réclamait une expérience exécutés sur
une grande échelle et par des crâne.s sans
prévention. C'était bien cela en peu de 1
.mots et dans un tour succinct. Seulement
cette explication était celle qui se débitait
au vulgaire et aux esprits rebelles à de plus
hautes démonstrations. Pour les intelligen
ces raffinées, il existait une théorie emprun
tée à la science pure, et où -cette transposi
tion des organes était justifiée par ies lois
exactes de la gravitation et l'exemple con
cluant des antipodes. Le tout se terminait
par une géométrie nouvelle à l'usage des
mouveœefs de l'ame etdesperfectioonemens
de l'état social. .
Telle était la pensée dornininte de Trini-
choo, celle qui le plaçait au-dessus de ne>s
faiblesse» et de nos habitudes de propreté.
En raison d'une conception si vaste, il se
croyait autorisé à se nettoyer le moins pos
sible, à pousser très loin ie service de ses col
lets d'habits, et à ne se séparer de son linge
qu'à son corps défendant, et à, la derniere
extrémité. C'était bie-n d'un philosophe, dans
la plus rigide acception du mot. Eu agissant
de la sorte, Trinachon n'excédait pas les li
mites de son droit, et iLrestait dans la vérité
de sa situation. Il rappela"ces granels stoï
ciens qui ne regardaient jamais à leursmains,
alla de se mieux préserver eh s souillures- de
l'ame; il résumait deux sages renommés
des temps anciens : Cratès, qui eut tant de
bonnes fortunes, et Ri is, qui portait toute :-a
garderobe sur lui.
On conç ût que, sous une pareille armure,
Trinachon fût inaccessible à de petites intri
gues et à de petites trahisons. C'était dense à la
légère que la chanoinesse élevait con tre lui ce
chef d'accusation. Le seul tortele cet hom
me était de chercher partout des victimes.
Il ne rôdait dans le monde qu'avec cet es
poir, et quand il en rencontrait une, il s'atta
chait à ses flancs et ne rabandonn,-iit qu'a
près y avoir enfoncé son aiguillon. Point de
trêve "dans cette pour.Hute, point de repos.
Avec ce tact qui caractérise le-, philosophas,
il s'adressait de préférence à la jeunesse,
comme plus maniable et plus accessible aux
nouvelles impressions. C'est de ce côté sur
tout qu'il se plaisait à répandre des flots de
géométrie appliquée à notre état social, et
s'efforçaitde démontrer àquelle dépravation
l'homme a obéi en cherchant son équilibre
ailleurs que sur la tête.
D'ailleurs, en sa qualité de penseur, Tri
nachon était reçu partout et avec de certains
égards; il passait pour profond, et c'est un
mot qui impose ; on aime mieux l'accepter
que fie le vérifier, et, une fois acquis, rien
n'eu altère la vertu. On est alors et l'on reste
profond pour tout le monde, en province
comme à Paris, par un beau jour comme par
un jour pluvieux, malgré les épidémies, mal
gré les révolutions, à travers le temps et l'es
pace, sur le continent et au-delà des mers. C'est
un titre indélébile; aucun caustique ne l'ef
facerait. Trinachon en jouissait donc avec
cette confiance qui riait d'une longue et tran
quille possession ; il en éj.ait même venu',à
ce point ri ajouter foi à sa profondeur ft de
s'y complaire. Pourquoi eût il résisté au sen
timent général et repoussé la position qu'on
lui faisait ? Trop d'avantages y élaient atta
ché*. et en première ligne celui de pouvoir
être inintelligible avec impunité.
Ce fut sous ces auspices que le philoso
phe eu'- accès daus 1 s salons oe la comtesse
d; Mauléon, et y fit sur-le-champ une très
belle figure. Pour tout autre, la tenuii eût
été un obstacle; chez lui, c'était un mérite et
une saveur de plus. C'-s airs rustiques seyait nt
à un homme profond; ils comportent une
partie de son originalité ; ils étaient sou ca
chet, son étiquette. On l'eût moins corn pi is
avec d'autres « heveux et a'àutres doigts,
des habits plus neufs ttdes souliers exposés
plus soumit au eontact .de la brosse. Si n'eût
plu s été Trinachon, il n'eût plus renoué la
chaîne des temps, ui résumé à lui seul deux
sageâ de l'antiquité. - D 'ailleurs la comtesse
l'riceïxi iliuit ainsi, le comblait d'attentions et
lui donnait volontiers les places d'honneur.
' Aucun personnage politique, aucune célé
brité littéraire n 'av;;i, m le pas sur lui; il
était accrédité chez elle et fort avant dans ses
bonnes grâces ; celte préférence suffisait pour
couvrir toutes les lacunes du vêtement.
Dans cette situation, il était facile de com
prendre que Lucien eût trouvé auprès du
philosophe les moyens de s'introduire chez
ta comtesse de Mauléon. Seulement le détail
des circonstances m'échappait, et ce détail
était essentiel à connaître pour disputer avec
fruit le peu de terrain qui n'étaitpoint encore
livré. La chanoinesse parlait de nombreuses
conférences entre Lucien et Trinachon. Mais
que s'y était-il dit ? Jusqu'où les choses
avaient-elles été poussées ? Lucien était-il
allé jusqu'à un aveu, ou bien ne s'était-il pas
départi de sa réserve ? Comment cette invi
tation avait elle été demandée et obtenue?
Qui en avait eu la pensée? Qui en avait lancé
le premier mot? Voilà ce que j'ignorais et
ce qu'il m'importait de savoir. 11 me sem
blait que j'y trouverais de nouveaux élémens
de défense et des conseils sur la conduite à
tenir; je m'y attachais comme un naufragé
s'attache à un dernier débris.
J'interrogeai donc Lucien, et d'abord il
résista : jamais je ne lui avais vu des allures
si discrètes à mon égard : le trait était nou
veau. J'insistai, j'y mis de la chaleur et du
sentiment, j'invoquai les droits de l'amitié,
l'intérêt sincère que je lui portais et dont je
croyais iui avoir donné des preuves. Il céda
alors, plutôt fléchi qu'entraîné,-et comme
s'il obéissait à un devoir; ce fut desabouche
que je recueillis le détail de ses entrevues
avecTrinachou, et dont je ne détacherai que'
ce qui est nécessaire pour l'éclaircissement
de mon récit.
XXII.
une ssène fui rappelle les philosophes du
portique. — ou deux idées fixes se trou
vent en présence.
Ce fut dans un» soirée poétique gué Lu
cien rencontra pour la première fois l'inven
teur de la géométrie appliquée à l'état so
cial. La lecture qu'il avait faite chez la cha
noinesse n'était pas demeurée sans bruit ex
térieur, et ce petit succès y avait amené de
nouveaux visages. Dans le nombre était celui
de Trinachon. Le' philosophe était à l'affût
de ces sortes d'événemens ; il'allait où va la
foule, le nez au vent, l'œil aux aguets,
épiant toujours et partout une place pour
sort système. Il avait entendu parler d'un •
jeune poète d'avenir, et il évaluait d'avarice
tous les avantages qu'il y aurait à s'assurer
du concours d'une lyre, d'une lyre qui se
rait bien à lui, et qui célébrerait l'humanité
dans la posture qu'il rêvait pour elle, les
pirds en l'air, la tête en bas. C'était de la
poésie à l'envers, des effets nouveaux, et à
ce titre l'offre avait de'quoi séduire.
Voilà sous l'empire de quel sentiment Tri
nachon aborda Lucien ; il espérait le gagner
à ses plans, peut-être même l'entraîner à
un essai. Son début ne fut pas néanmoins
heureux. Le jeune homme était neuf encore
à la vie des salons; il ignorait îe respect qui
s'attache à la personne d'un penseur, et son
premier mouvement fut de regarder d'assez
haut cet inconnu, qui le prenait sur un pied
de familiarité au moins prématurée. Il ne
semblait pas à Lucien que ce ton fût justifié
ni par l'éclat du costume, ni par la gran
deur de l'air; il se demandait quel était ce
rustique mortel qui l'abordait comme s'ils
fussent nés dans le même hameau et eussênt
conduit des troupeaux ensemble. Sonaccueil
fut donc digne et froid ; mais Trinachon ne
parut pas s'en émouvoir; il n'apercevait
rien des choses de ce monde et ne voyait
clair que dans le sien. Sur-le-champ il entra
dans son sujet et y vogua à pleines voiles; il
expliqua cwmmi&nt il comptait rtenouvelèr
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 78.28%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 78.28%.
- Collections numériques similaires La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1"
- Auteurs similaires Véron Louis Véron Louis /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Véron Louis" or dc.contributor adj "Véron Louis")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6697802/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6697802/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6697802/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k6697802/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6697802
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6697802
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k6697802/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest