BUIKtl 'Si : fueiae Fatal* (Palais-Royal). n. 10.
B 1882. - LUNDI 15 SEPTEMBRE.
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PARIS- 12 SEPTEMBRE
Le Moniteur publie les réflexions suivantes
Sur la session des conseils généraux :
a La session des conseils généraux vient da
finir;- elle a répondu à l'attente du gouver
nement et de la France. Jamais session n'a
vait été à la fois plus calme et plus féconde.
Dégagés de cette publicité trompeuse qui
transformait leurs délihêyations en discus
sions politiques, toujours stériles quand elles
.«■étaient pas dangereuses; retrempés dans
l'élection populaire, tranquilles sur le pré
sent, confians dans l'avenir, les conseils ont
Sait.- sérieusement les affaires des départe
mens, sa'ns autre préoccupation que le be
soin d'exprimer au chef de l'Etat la recon
naissance publique, et le désir si naturel de
voir se consolider la sécurité et la prospérité
du pays.
» Quelle différence entre l'état actuel des
choses et celui de la session dernière ! 11 y a
un an, quand les conseils généraux étaient
réuuiSj les deux grands pouvoirs de l 'Etat
Tenaient de se séparer dans un antagonisme
menaçant. En lutte avec le Président, en
lutte avec elle-même, en-lutte surtout avec
le sentiment-du pays, l'Assemblée, fatiguée
de son impuissance et de seS divisions, était
allée dans les départemens, où une partie de
ses membres attisaient le feu qui n'y était
déjà que trop ardent. La fatale échéance de
1852 se dressait devant tous, pleine d'épou
vante pour les un?, pour les autres de sinis
tres espérances : les sociétés secrètes, avec
leurs théories sauvages, étaient là partout
organisées, formidables; de toutes parts on
s'apprêtait à une lutte fratricide et suprême.
Jamais la France, jamais l'Europe n'avaient
couru de tels dangers,
r » Organes plus immédiats des sentimens du
pays, les conseils généraux n'avaientpu que
pousser le cri d'alarme et supplier, quoique
sans espoir d'être écoutés,- les différentes
fractions de l'Assemblée, de s'entendre pour
réviser uoe Constitution qui nous menait à
la ruine. La Frauee en était réduite à ne
demander qu'à vivre. Que pouvaient alors
les conseils des départemens ? Aussi, nulle
par t, aucune entreprise ; sérieuse ne fut
ni tentée,, ni conçue. On expédit les af
faires courantes y on vota l'entretien' des
routes et des édifices publics ; on parla en
core, mais seulement pour la forme, de ces
grandes lignes de chemins de fer qu'on n'es
pérait plus; on répéta d'anciens vœux; com
me pour ne pas sortir d'habitudi s acquises ;
mais plus de projets ni d'avenir. Les pro
priétés, à vil prix, ne trouvaient point d'a
cheteurs ; en vain la Providence versait de
puis quatre ans en abondance ses trésors sur
le pays, ni le riche ni le pauvre n'en profi
taient ; les produits avaient beau descendre
au dessous de leur valeur, le travail man
quant à l'ouvrier, l'argent lui manquait aussi
pouf subvenir' à ses premiers besoins 5 la
peur cachait les capitajx; l'industrie, sans
débouché comme sans crédit, fermait ses
ateliers, et chaque jour le commerce voyait
rétrécir, le cercle de ses rapports. Que de fois
n'a-t-on pas entendu dire a ceux qui ont au
jourd'hui retrouvé l'aisance et la fortune,
qu'ils donneraient la moitié de leurs biens
pour être assurés de conserver le reste I
» Ce sacrifice n'a point été nécessaire; un
àctô vigoureux a suffi pour tout sauver. En
unclind'œil et comme par enchantement,
tes propriétés et'leurs produits se sont rele
vés, la confiance a remis les capitaux en cir
culation, l'argent est devenu plus abondant
ét;à>meilleur marché que jamais; l'industrie
çt le travail se sont ranimés, le commerce a
renoué et étendu ses relitions, les transac
tions de nos ports et nos exportations ont
pris un immense accroissement; les entrer
prises les plus considérables et lès plus fé
condes ont été aussitôt.commencées que dé
crétées; la France s'est couverte d'ateliers de
Iravail ; Paris, celle grande et première vic
time de nos discordes civiles et'de là stagna
tion des affaires, a donné l'exemple d'une
activité inouïe ; l'industrie du bâtiment, la
mèrè de toutes les autres, s'y est ranimée
avec une vigueur qui semble vouloir tout re
nouveler et tout embellir. ^.
» Bq présence de cette prodigieuse transfor
mation, commeut les conseils généraux eus-
sent-ils pu retenir l'expression de la satis
faction et de la reconnaissance publique?
Aussi, toutes leurs, adresses au chef de l'Etat
commencent-elles par-cet hommage si légi
time. Les hommes de cœur qui se sont asso
ciés à la résolution du prince; l'armée, dont
le courage et la discipline ont tant contribné
à son succès, tous les bons citoyens qui y ont
aidé^et applaudi au moment du danger, ont
une juste part dans ce .témoignage unanime
de la gratitude nationale.
» Les conseils généraux ne se sont pas bor
nés à l'expression de ce sentiment ; daos tou
tes leurs adresses ils ont uni le témoignage
de leur confiance à celui de leur reconnais
sance. Ils y ont encore ajouté l'assurance de
leur concours loyal, empressé, absolu, parce
qu'il était impossible à des hommes dévoués
aux véritables intérêts des populations de ne
pas se montrer heureux d'aider l'élu du
peuple dans » sa mission de réparation et de
progrès social.
» A tousces sentimens s'en joignait un au
tre non moins naturel, non moins inspiré
par les circonstance?; c'est la crainte de voir
cesser un état de choses si prospère, c'est le
désir'de le voir durer. Quand on vient d'é
chapper à la tempête, peut-on né pas désirer
le maintien du calme? Il ne faut donc pas"
s'étonner si presque toutes les adresses des
conseils-généraux se terminent par des vœux
en faveur de la-stabilité. La forme est diffé-
îte, le fond dans toutes est le même. Re
mercier le chef de l'Etat d'avoir sauvé le pays,
'assurer de la confiance et du "concours de
tous, faire des vœux pour la stabilité de son
mouvoir tutélairej telle est la substance de
toutes ces adresses. Elles se ressemblent sans
avoir été concertées, parce qu'elles ont tou
tes été dictées par la grande voix d a pays. »
Depuis près d'un mois les journaux amé
ricains que nous apporte chaque malle des
Etats-Unis sont remplis;de détails sur la
grande fermentation qui règne dans l'île de
Cuba, sur les publications révolutionnaires,
qui s'y multiplient sans que les autorités en
découvrent l'origine, et sur les arrestations
fréquentes que fait opérer le gouverneur-gé
néral : quelques-uns parlent même de nom
breux conspirateurs fusillés nuitamment. De
eur côté, les journaux de Madrid traitent tous
ces récits d'impostures, et,sur la foi de leurs
correspondances, proclament que Cuba n'a
jamais été plus tranquille et plus prospère.
Nous n'avons aucun moyen de décider
entre les récits des uns et les protestations
des autres; nous sommes très disposés à
croire exagéré, et même mensonger, tout ce
que débitent les journaux américains, mais
celte persévérance même de leur part à rap
peler sans cesse l'attention publique sur
Cuba, et à présente!" cette île commeà la veille
d'une insurrection, nous paraît un symptôme
significatif. Il faudrait ne pas connaître les
Américains pour se inépréndre sur une tac
tique qui est le précurseur infaillible -de
quelque tentative désespéree. Nous sommes
convaincus que le dernier mois de 1852 ou
es deux premiers de 1853 ne s'écouleront
pas sans qu'une nouvelle expédition soit .di
rigée contre- Cuba.
Le moment sera favorable. Jusqu'ici c'est
l'intervention des autorités fédérales qui a
paralysé et fait échouer .les expéditions con
tre Cuba. Or, en novembre prochain, aura
lieu l'élection du président qui, en mars '
1833, remplacera M. Fillmore ; le pouvoir
du président actuel touchera donc A son
terme-et sera singulièrement énervé : tous
les fonctionnaires se regarderont comme
au terme de leurs fonctions, surtout si
l'élection, en donnant la victoire au candi
dat démocrate,fait prévoir pour le printemps
un complet renouvellement des administra
tions publiques. Les démocrates, qui ont
toujours élé favorables aux projets de con
quête, pèseront de toutes leurs forces sur les
détenteurs momentanés du pouvoir, afin
d'empêcher qu'aucun obstacle sérieux n'ar
rête les nouveaux flibustiers : l'indifférence,
la peur de se compromettre et la corruption
feront le resté.
La prochaine. expédition ne ressemblera
-en rien à celle de Lopez : on ne voit point
d'émigrés ni de généraux de hasard parcou
rir les Etats-Unis et enrôler de pauvres
diables qui, pour quelques dollars et une
part de butin, se laissent conduire à la bou
cherie; il ne s'agit pas d'un coup de main,
ou, comme on "dit aux Etafs-Unis, d'une
chasse au buffle ; il n'en a pas fallu davantage ~
pour prendre le Texas, pour prendre la Ca
lifornie et pour piller sept ou huit fois les
douanes du Mexique; mais le sort de Lope z a
montré que cela ne suffisait point pour enle
ver Cuba. L'entreprise, cette fois, sera exclu
sivement américaine; tout étranger, quelle
que soit, sa nation, et tout créole en sont
sévèrement exclus.
Les autorités espagnoles n'auront point
affaire à quelques aventuriers isolés, mais à
une vaste conspiration qui a pris naissance
dans les Etats du sud de l'Union, et qui em
brassera bientôt -la confédération entière. 11
s'agit d'une société secrète qui s'est for
mée dans l'ombre, et qui se croit aujourd'hui
assez forte pour ne plus redouter le grand
jour, puisqu'elle vient d'acquérir, pour en
faire son organe et son moyen de ralliement,
un des principaux journaux de New-York,
le Courrier and Enquirer,qm compte un nom
bre considérable d'abonnés. Cette société se
propose de soustraire à la domination euro
péenne et monarchique, et de réunir aux
Etats-Unis : Cuba, Haïti, la Jamaïque^ et suc-
cessjvement toutes les Antilles. Nous n'avons
pas besoin de rappeler qu'il y a deux ans déjà,
une société de capitalistes américains propo-;
sait de conquérir à ses frais Haïti et de l'an
nexer aux Etats-Unis, à la condition de se
rembourser de ses avances, en vendant com
me esclaves, Soulouque, sa cour et ses su
jets. . ■
La société dont nous parlons s'intitule :
l'Ordre de l'Etoile-Unique (Order ofthe Lonè
Star). Ce nom est un souvenir de l'histoire
du Texas. Lo drapeau des Etats-Unis compte
autant d'étoiles d'argent que la ûonfédéra-
tion ' comprend d'Etats.. Lorsque Samuel
Houston et,les autres aventuriers américains
qui voulaient arracher le Texas au Mexique
pour l'annexer aux Elats-Unis, eurent réus
si dans leur entreprise, ils donnèrent pour
drapeau à la jeune république une seule
étoile, et pendant les quatre ou cinq années
de son existence .indépendante, le Texas ne
futdésignépar les partisans de l'annexion que
sous le nom de l'Etat dont l'étoile unique de
vait se confondre avec les étoiles américaines.
La nouvelle société, qui ne veut proclamer
l'indépendance de Cuba que pour ajouter,
comme dit le Courrier and Enquirer, une
étoile au ciel Américain, ne pouvait prendre
un nom qui résumât plus clairement ses
projets. • ' *
j /^Deux sentimens très vivaccs dans le cœur
des Américains contribuent puissamment à
la popularité de ces sortes d'entreprises. Le
premier est la jalousie des Européens ; tout
ce qui tend à affaiblir ou à détruire la domi
nation et l'influence du vieux monde dans
les mers, les îles et le sol de l'Amérique,
est toujours bien venu aux Etats-Unis. Le
second de ces sentimens est. la rivalité qui
existe entre les Etats à esclaves et les Etats
libres : ceux-ci grandissent rapidement,
croissent en nombre, et ont dans l'acquisition
du Canada la perspective d'une prépondé
rance assurée ; les Etats à esclaves, resser
rés entre l'Océan et le grand désert de l'ouest,
ne peu vent,s'étendre qu'aux dépens.du Mexi
que et des Antilles : de là le regard de con
voitise qu'ils jettent sur Cuba, Haïti et la Ja
maïque.
L'organisateur de l'ordre del'Etoile-Unique
a élé le docteur. Wren, del'Alabama; mais
c'est en Louisiane que. la société a pris d'a
bord son principal développement. Elle est
destinée à se ramifier dans toute l'étendue de
la confédération, et à avoir une assemblée
générale ou. conseil dans chaque E ta t. Dès que
tr,ois sectionssont constituées dans un Etat,
• -chacune d'elles nomme au scrutin deux de
ses membres, chargés de siéger au con
seil ou assemblée générale de l'Etat. Cette
assemblée générale a le droit de faire des
règlemens et de prendre, dâns l'étendue de
sa circonscription, toutes les. mesures uti
les au développement de l'association. Cha
que assemblée générale députe deux de 'ses
membres au conseil suprême, chargé de la
direction générale. Ce conseil suprême a
la disposition des fonds recueillis, il a le
droit d'imposer des cotisations obligatoires
sous peine de suspension, de nommer des
agens, de prendre toute décision utile à l'or
dre, et il est le pouvoir judiciaire de l'asso
ciation.
- Ainsi donc un conseil suprême et secret
pour toute la confédération américaine, une
assemblée générale dans chaque Etat, et des
sections et sous-sections à l'infini, tel est le
cadre de l'ordre de l'Etoile-Unique. Il paraît
qu'il est déjà complètement organisé dans
huit ou dix des Etats du sud, et qu'il comp--
te plus de cinquante sections comprenant
un effectif d'environ 13,000 personnes. Ce
n'est que depuis quelques mois, à la suite
d'un voyage du docteur Wren, qu'a commen-
jcé lë recrutement dans l'Etat de New-York,
et l'on y compte déjà huit ou dix sections,
dans lesquelles sont entrées une foule -de
personnes riches, bien posées dans le mon
de financier, qui regardent l'entreprise com
me une excellente spéculation et qui sont
prêtes à faire pour elle des avances considé
rables.
■ Nous avons sous les yeux les statuts de
l'ordre : ils comprennent douze chapitres et ;
quarante-quatre sections ou articles, plus
quatre articles additionnels. La devise de l'or
dre est: « Forti et fideli nil difficile, —rien
n'est difficile avec lé courage et k fidélité. »
Voici quel est le préambule des statuts :
- Nous, soussignés, membres de l'ordre de l'Etoile
Unique, désireux d'étendre le champ de la liberté,
persuadés que la liberté et le républicanisme'sont
indispensables au bonheur de l'hommeet au com
plet développement de ses qualités et de son in
telligence, convaincus que le devoir de tout
'homme est d'aider les autres ' dans la mesure de
sou'pouvoir "â atteindre le bonheur, et regardant
comme un des premiers devoirs des républicains
américains d'essayer par tous les moyens légaux
et efficaces la diffusion dans le monde des princi
pes de liberté et de républicanisme qui leur ont
été transmis par leurs ancêtres, de venir en aide
et en appui aux faibles, de s'associer et de sympa
thiser aveç les opprimés : en vue de la réalisation
de ces principes et de ces objets, nous nous orga
nisons en l'ordre de l'Etoile-Unique, et nous éta
blissons et ordonnons les règles suivantes, etc.
Une analyse de ces - statuts - entraînerait
trop loin. Trois degrés, qui ne peuvent être
franchis que successivement, sont établis
dans l'ordre. Chaque membre doit payer
trois dollars ou 15 fr. en recevant le premier
degré d'initiation, et cinq dollars en rece
vant chacun des deux autres. 11 est assujetti
en outre à une cotisation mensuelle qui ne
peut être inférieure à 2 ftv 50 c.; mais la
plupart des sections ont augmenté le taux
de cette cotisation. On n'est admis dans une
section que du consentement des membres
qui la composent et au scrutin secret : trois
boules noires font ajourner l'admission
jusqu'après une enquête et une seconde
épreuve, et "cinq boules noires la font re
jeter. Les réunions et les délibérations des
assemblées générales et du conseil suprême
doivent demeurer secrètes. Deux officiers,
sous le nom de sentinelle intérieure et de
sentinelle extérieure, sont chargés spéciale^
ment de la surveillance nécessaire, et sont
responsables de l'admission de tout profane
à une réunion à laquelle il n'aurait pas droit
d'assister.
En résumé, il existe aujourd'hui aux Etats-
Unis une' société secrète, comptant déjà
quinze mille adhérens, ayant réuni des fonds
qui s'élèvent à plusieurs millions, disposant
d'un journal répandu, jouissant de la faveur
d'une grande partie de la population et de
plusieurs législatures locales, qui se propose,
comme but de ses efforts, -de conquérir tou
tes les Antilles pour les annexer aux Etats-
Unis. C'est à l'Espagne, c'est à toutes les
puissances qui ont des colonies dans les mers
américaines ; .à se tenir sur leurs gardes.
C ucdeval C larigny; "
Le département du Nord est, comme on
sait, un de ceux où les populations labo- :
rieuses sont le plus agglomérées. Les ou
vriers sont entassés dans les villes, et, parmi
les logemens qu'ils habitent, un certain
nombre est loin d'offrir des • conditions
d'hygiène vraiment satisfaisantes. On com
prend donc que c'est surtout dans cette con
trée que les commissions instituées en vertu
de la loi d'avril 1850 pour l'amélioration des
logemens insalubres, peuvent rendre de
grands services.
Il: résulte des documens officiels que les
commissions chargées de cette mission im
portante dans les différentes villes du dé
partement du Nord, la poursuivent avec le
zèle le plus louable. Toutes les demeu
res occupées par les classes laborieuses ,
sont visitées avec soin et en détail. On or,don-:
ne la reconstruction ou la suppression dès
logemens qui ne sont pas susceptibles, d'être
améliorés, et l'on prescrit les mesurés à exé
cuter' dans ceux què des travaux partiels
peuvent assainir. '
La commission de. Lille, après s'être livrée
à des investigations minutieuses ^qûi ne sont
pas encore terminées, a déjà déposé 1,143
rapports. 804 habitations... ont été jugées
dàùs des conditions si radicalement ' mau
vaises qïï'e-Ues ont été condamnées, savoir 1 :-
fi2fi raves i<)7 rrjàces. de rez-dê-chaussée, 71
'chambres- entresols ^greniers, 4,-maison»
entières ou corps de bâtiriL^t ; 1,978 loge
mens ont été signalés comme uC v aot être
assainis ; savoir : 541 caves, 672 piècè*4ô
rez-de-chaussée, 765 chambres, pièces d'ea-
tresol ou greniers. La commission^ comme
on voit, a surtout porté son attention sur
les caves et sur les pièces de rez-de-chaussée,
qui avaient été souvent dénoncées comme
les habitations les plus insalubres. Une bonne
partie de ces caves vont disparaître, et celleg
qui subsisteront encore seront préservée®
contre les dangers de l'humidité; _ ..
Tous ces travaux, dit un journal dé Lille,'
la Liberté, sont en cours d'exécution. Beau
coup de petites maisons, auparavant humi
des, malsaines, privées a'air et de jour, opt
été reconstruites dans de bonnes .conditiens
d'hygiène. Des cours entières ont reçu des
améliorations tellement importantes qu'elles
équivalent à une reconstruction. Enfin, des
ruelles infectes et boueuses, appartenant; à.
des particuliers, ont été. réparées et assainies
au moyen d'un bon écoulement des eaux
ménagères.
La commission de Cambrai n'a pas déployé
moins de dévoûmènt et d'activité. Le nom
bre. des logemens désignés comme insalu
bres ne s'élève d'ailleurs qu'à 92. Sur ce nom
bre, 24 seulement ont élé déclarés inhabita
bles, et 08 devront recevoir différens travaux
d'assainissement. Des 24 premiers, 21, sont
déjà fermés. • - •'
A Dunkerque, la commission n'a trouvé
que 21 logemens qu'elle a condamnés com
me n'étant pas susceptibles d'assainissement.
Toutes ces commissions sont jinanimes à
reconnaître que les propriétaires montrent
beaucoup de bonne volonté à exécuter les -
changemens et les appropriations qui leur
sont demandés. Les difficultés qu'on rencon
tre proviennent uniquement de la situation
besogneuse de quelques-uns de ces proprié
taires, aui ne sont eux-mêmes que des our
vriers. Dans ce cas, on leur accorde quelque,
latitude de temps afin d'alléger autant que
possible les charges que les changemens in
diqués font peser sur eux.
D'autres mesures ont encore été prises
dans le département du. Nord pour entrete
nir le goût de la propreté parmi les ou
vriers. Quelques bureaux de bienfaisance
donnent des primes aux indigens dont les
logemens sont les mieux tenus. C'est là une
excellente idée, et il peut en résulter une
louable émulation parmi les ménages pau
vres, qui contracteront ainsi des habitudes
toutes favorables à leur santé.
Une autre mesure , digne d'être signalée,
c'est l'œuvre instituée par le bureau de bien
faisance de Lille, sous le.nom d'CEuvre des
loyers. L'ouvrier, trop, souvent habitué à
vivre au jour lé jomy a de la peine à s'impo
ser les économies nécessaires pour payer le
loyer de son habitation, ou, lorsqu'il a mis
de côté quelque somme pour cet usage, il n'a
pas moins de peine à la conserver jusqu'à
l'échéance du terme. Voici ce que font quel
ques bureaux de charité, au' moyen de fonds
spéciaux qui leur ont été remis. Ils reçoivent
dès indigens, chaque, dimanche, des verse-
meiis. partiels à cQmpte sur leurs loyers ; ils
remboursent, dès les premiers jours du mois
suivant, ces dépôts augmentés d'une prime
de 10 Ô/O ; mais le déposant ne peut cdnti-
nuer., ses versemens hebdomadaires qu'en
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 13 SEPT.
■THÉÂTRES.
©BÈON. ~ Ouverture.— Marit de Beaumarchais, dra-
_ jn« en quatre, actes précédés d'un prologue, imité
..■de Goethe, par M. Galopps d'Onquatre. Les Filles
_ surit dot, comédie ea trois actes do MU. Lefrànc
«t Bernard Lopex.— Ahuigd. — lïoquelaurê, dra
me en cinq actes do M. D'ugué.
L'ouverture de l'Odéon vient d'avoir lieu
en prose. Si le langage des dieux disparaît
du faubourg Saint-Germain, où le rétrou-
.vera-t-ou ? Cependant le principal auteur de
la soirée était une espèce de poète déjà con
nu sous le nom de Galoppe d'Onquaire.
Par poète, j'entends un homme qui, vers
la lin de son âge mûr, s'est avisé d'a
juster des rimes au bout de lignes plus
longues les unes que les autres. Toujours
est-il que ce procédé lui a valu un suc
cès; on n'a point oublié la Femme de quaran
te ans. M. Galoppe d'Onquaire essaya du dra
me après la comédie. Malheureusement Mel-
pomène lui tut moins favorable que Thalie;
ou plutôt Thalie ann si grand taible'pour
lui,que son drame, malgré ses prétentions à,
la noirceur et au pathétique, excita autant
de transports d'hilarité que si c'eût été
un>ï comédie de carnaval. Partant de là,
M. d'tinquaire s'en est allé à l'Odéon avec
de siaplcs effets de prose. On l'a natu-
rtliommt accueilli comme- un homme su
périeur, d'une réputation laite; ou lui a
dit, chapeau bas : Àh! Monsieur l'auteur,
v
nous sommes vos humbles serviteurs ! — si-
bien que le crédule Odéon s'est persuadé, en
affichant Marie de Beaumarchais, drame en
quatre actes, imité de Goethe,par M.Galoppe
d'Onquaire, qu'il nous donnait l'œuvré dé
l'une des célébrités contemporaines: Honni
soit qui mal y pense ! Devant M. d'Onquaire,
tous les prétendans se sont effacés ; pièces
nouvelles et jeunes auteurs ont cédé le pas.
Voulant reconnaître dignement les hon
neurs rendus à son rang, l'ancien poète ne
s'est pas eontenté d'imiter Goethe ; il a fait"
appel à sa propre muse. Cette déesse l'a en
tendu : de leurs pudiques ébats, il nous est
né un prologue en vers dont l'Odéon a
bien le droit d'être fier. -Je ne songeais pas
au'prologue, quand je me plaignais de man
quer de poésie un soir d'ouverture. A vrai
dire, celte poésie ne brille pas par l'excès de
lyrisme, elfe rentre même dans lés condi
tions les plus modestes de la versification ;
mais, poésie ou non, ce sont toujours des
vers; par cela seul, la réputation littéraire
de l'Odéon est sauvée. Notez que je ne m'a
muserai pas.à chicaner M. d'Onquaire sur
son prologue, lequel contient tout le sel at-
tique qu'on peut désirer en pareille circons
tance, les politesses ordinaires, et des rimes
suffisantes. M. d'Onquaire est de nos poètes
familiers et sans grande prétention qui s'ex
priment en vers comme le pourrait faire
M.Moùrdain, n'usant de l'eau de la source
sacrée que pour tremper leur prose, exacts
aux élans de l'inspiration; enfin de ces poè
tes remplis d'ordre qui planteraient des
pommes de terre sur les sommets de l'Hé-
îicon.
'Quant au Clavije de Goethe, il n'a encore
été imité et traduit que sept ou huit fois
pour la scène française : par Marsolier,
par Palmezeaux et par tant d'autres ; no
tamment par les deux collaborateurs ,
dont je ne me rappelle seulement plus
les noms, qui firent jouer un Beaumarchais
en Espagne a ce petit théâtre Beaumarchais
qu'on vient précisément de rouvrir la se
maine derniere, et qui est toujours si
tué à l'extrémité des boulevards, aux envi
rons de l'emplacement naguère occupé par
le jardin de l'auteur du Mariage de Figaro.
Ne croyez-vous pas qu'il était indispensable,
à la suite de tentatives si nombreuses sur la
rive droite, de se livrer à une nouvelle imi
tation du Clavijo spécialement destinée aux
populations de la rivé gauche? La rive
gauche est toujours jalouse et pleine de zèle
malgré son éloigaement 'du centre. Tôt ou
ou tard il faut la satisfaire. Ainsi on y a connu
la découverte de l'Amérique un siècle seule--
ment après la rive droite; la tragédie, soixan
te ansaprès qu'elle était morte de l'autre côté
de la rivière ; etvoyez à quels progrès l'esprit
humain est destiné, grâce aux nouveaux
systèmes de locomotion qui suppriment les
distances, le Clavijo de M. d'Onquaire arrive
à l'Odéon lorsque les autres théâtres de Paris
ont eu leur dernière imitation de Goethe il y
a huit ou dix ans à peine.
Je n'adme ts que deux manières de diriger
le Second-Théâtre-Français : l'une qui con
siste à le rapprocher des autres quartiers,
en jouant avec une bonne troupe des pièces
entièrement nouvelles; à le mettre, pour
ainsi dire, pard'éclutanssuccès, dans le cœur
de Paris ; l'autre qui le maintient dans un
fier éloignement, sans communication avec
le reste de la capitale, et qui en fait exclusi
vement la scène de la rive gauche. M. Alta-
roche paraît avoir choisi la seconde manière,
afin, sans douté, de s'assurer l'estime de son
arrondissement, car on conviendra que la
situation de l'Odéon doit paraître bien, agréa
ble aux spectateurs qui habitent le carrefour
Bussv. '
Pour en revenir à la représentation de la
pièce de M. Galoppe d'Onquaire, que leshabi^
tans de la rive gauche trouveront, jé l'espè
re, d'une incontestable nouveauté, .et con
sidéreront presque à l'égal d'une autre dé
couverte de l'Amérique, comme une con
quête sur les théâtres étrangers , j'avouerai,
toutes réserves faites en faveur de l'aimable
et dernier imitateur français, que le Clavijo
véritable; le Clavijo de Goethe ne me paraît
pas précisément atteindre à la perfection, et
que je ne sérais pas étonné que ce chef-
d'œuvre-fût, même en allemand, une assez
mauvaise pièce. Voilà plusieurs fois déjà
que j'ose, au nom de la clarté, au nom de
fa passisa sincère, au nom de l'esprit- fran
çais coz-mettre ce sacrilège de mettre en
doute l 'infaillibilité et la sublime obscurité
de Goethe ; je vais bien certainement faire
horreur à la rive gauche; je la supplie de
m'excuser à causé de la licence extraordi
naire qui règne dans la critique de la rive
droite.—Le Clavijo de Goethe est un drame
bâti, dirait-on, à la hâte, diffus, confus, et,
qui pis est., ennuyeux. Il y a loin delà au
mémoire de Beaumarchais qui a fourni le
sujet de la pièce, et que.Voltaire appelait la
plus émouvante des tragédies. Ce qui reste
de saisissant dans: le Clavijo appartient à
Beaumarchais; Goethe avait été séluit, en
traîné, par l'irrésistible récit; il l'a conservé,
et par là du moins son drame a des côtés:
étonnaos de vie et de réalité. Je vous doimé
| à deviner en .mille ce que M. Galoppe-d'On-
quaire a imaginé pour surpasser Goethe et
Beaumarchais à la fois I-, Il a imaginé dé
supprimer, le récit, et de se substituer lui-
meme, avec des scènes de son goût" et des
détails tirés de sa verve au mémoire, et à la
pièce allemande I
Après cela, il est bien modeste, notre M.
d'Onquaire, de se poser en simple imitateur;
qu'il se dise, donc hardiment inventeur, Mon
sieur, affichez, je vous en supplie, toutes les
prétentions qui vous appartiennent, si ce
n'est par gloriole personnelle, du moins
p v our né" point humilier les gens que vous
prétendez imiter.
Au dénoûment de son drame, Goethe tue,
comme on sait, Clavijo, lequel; en réalité,
survécut plus de quarante ans à son démêle
de 1764 avec la famille Curon. La péripétie,
quoique mensongère,—et il n'est guère per
mis de mentir aux faits lorsqu'ils viennent
de s'accomplir, et sous les yeux'mêmes des
personnages,—la péripétie, en tant que coup
de théâtre et vraisemblance de caractères,
est logique et terrible. Naturellement gra
cieux, M. d'Onquaire n'a pas voulu du meur
tre de Clavijo; on aurait pu espérer qu'il au
rait alors rétabli le dénoûment historique.
Point : M. d'Onquaire est trop ami des guir
landes pour cela; n'oublions, pas qu'il a sou-;
vent obtenu les faveurs des Muses; il léur
devait une réparation comme tout galant
homme aux demoiselles séduites;'c'est pour
quoi, remplaçant ia mort par un mariage, il
fait définitivement épouser Mlle Càron par
Clavijo. Allez-vous-èn, gens de la noce !
La belle figure que Beaumarchais fait dans
cet hyménée I II n'y a pas, de Géronte plus ac
compli; quand à Clavijo, l'auriez-vous oru?
il devient naïf, sentimental et vertueux! C'est
d'un goût exquis. Ajoutez que lM. d'On
quaire a parsemé l'intrigue de madrigaux^
et que lé dialogue est rempli de naïvetés si -
déhcate« qu'on se croirait dans une bergerié
de pauvres moutons pris de la clavelée. En
fin, M. d'Onquaire, sous le prétexte d'imiter
Goethe, fait l'Allemand plus qu'il n'est permis,
même à l'université de Bonn ®u l'on fabrique
encore des contrefaçons de Werther; M. d'On
¬ quaire d'un bout à l'autre de son imitation
semble courir à la recherche des vérghist
meinnicht; il n'est pas simplement Allemand,
il est Tyrolien ; il pousse des la, la, ou, rnhl
il roucoule, il vous affadit, il vise au roma
nesque, et je suis étonne seulement qu'il
n'ait pas /ait mettre à tous ses personnages
la plumé de faisan au chapeau et la guitare
en bandoulière, à l'instar de ces chanteurs'de
cafés qui personnifient, pour les ames ten
dres, la sentimentale et rêveuse Allemagne;
Marie de Beaumarchais, y compris le pro
logue en vers, ne mènera pas l'Odéon .bien
loin. A part M. Bouchet, qui est un comé-,
dien exercé et très sûr ; à part M. Pieis
ron, très bien taillé pour le rôle de Cla
vijo, on nous a montré un spécimen de
troujpe le plus surprenant qu'on ait jamais
vu sur cette scène où tant de choses et d'ê
tres extraordinaires ont cependant figuré. Je
me garderai, bien de nommer les deux da
mes qui paraissent danslèdrame,—decrainte
de les faire reconnaître ut.e autre fois -
mais je rie puis m'empêcher de déclarer*
qu'elles surpassent tout ce qu'on peut at
tendre de la tradition foraine, rehaussée 1
ar la volonté consciencieuse de se mettre
la hauteur de la seconde' scène française.'
Il y a .cependant à' l'Odéon quelques jeu-
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