Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-08-23
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 124053 Nombre total de vues : 124053
Description : 23 août 1852 23 août 1852
Description : 1852/08/23 (Numéro 236). 1852/08/23 (Numéro 236).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6697493
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 236.
ffs&ïs bs l'ababbshea'*
PASIS....... 18 F. PAS TBIMSSTBSj
dépahtemens. ï® f. —
un numéro : s® ckhtikesi
pour les pays éthangkbs sb reports?
au tableau qui sera publié dan* le joum»],'
es 10 et 25 do chaque moisi
Let dattni du 1« ti 1<
dt chaqut BiofiJI
î im# ¥mëé»M i (Palais -Royal), ^ M.m
f 859.-"LUJ!tfDI m AOUT.
S'adresser, franco, pour la rédaction , à MS CtJCHEVÀl-ClABlGîrr, Rédacteur en chef. jOn s'abonne, dans let département
Les articles déposés ne sont pas rendus;
wrs, aux Messageries et aux Directions de postflt—A Londres, chez MM, CowÎE et fils.|
Strasbourg, chez M. A lexa>dre, pour l'Allemagne. I
S'adresser , franco, pour l 'administration, â M .pENAiN, directeur i
Lee annonças «ont reçues au bureau an Soura&l; st eîiex M. PANIS, régisseur, 10, place de Boura#
PARIS, 22 AOUT,
Nous avons publié la protestation que les
évêques de Savoie ont adressée au sénat pié
montais, contre la loi qui rétablit le mariage
civil dans tous les Etats sardes. Les observa
tions que ce document nous a suggérées ont
produit un résultat inespéré, et dont on ne
saurait trop se féliciter : elles ont provoqué
une véritable rétractation de cette protesta
tion.
Nous nous étions étonnés de voir des évê
ques menacer d'excommunier et de priver
des prières de l'Eglise, pendant sa vie et à sa
mort, le chrétien qui, obéissant à la loi
de son pays, ne se contenterait pas de
faire bénir son mariage à l'église, et se pré
senterait devant le magistrat municipal pour
faire constater légalement son union. Nous
ne pouvions croire que le fait d'obéir à la
loi suffît pour rendre le mariage nul,
pour faire descendre l'épouse la plus chré
tienne au rang de concubine, pour frapper
des enfans de bâtardise. Nous avions corn-,
pris, en effet, que les évêques de Savoie
exigeaient des fidèles, sous peine d'excom
munication, de sè refuser au mariage civil
comme à un acte d'impiété, et de s'en tenir
strictement au mariage religieux. Cette inter
prétation nous paraissait résulter des paroles
mêmes que nous avions reproduites; et c'est
ainsi, en effet, que tous les journaux du Pié
mont, de la Savoie, de la France et de la Belgi
que ont entendu la protestation des évêques
de Savoie. Nous étions si loin de nous trom
per, que deux feuilles religieuses, pour dé
fendre "cette protestation, n'ont trouvé rien
de mieux à faire que d'attaquer le mariage
civil' tel qu'il est établi en France.
Yoici cependant que M. l'archevêque de
Chambéry, par l'intermédiaire et par l'or
gane de son vicaire-généfal, M. le chanoine
Chamousset, a adressé à la Gazette officielle de
Savoie, en réponse à nos observations, une
lettre où nous lisons les déclarations sui
vantes :
« Avant d'écrire ces lignes, le rédacteur du
'Constitutionnel n'avait pas lu «u n'avait pas com
pris la d> claratien des évêques de Savoie ; car il
leur fait dire des choses qu'ils n'ont jamais dites
et qu'ils n'ent jamais eu la pensée de dire. j
» Ils n'ont point contesté au gouvernement le
droit de régler tout ce qui concerne les intérêts
temporels des époux. j
» Ils n'ont point désapprouvé la conduite de
ceux qui rempliraient les formalités prescrites par
la loi civile, avant ou après le mariage canonique.
» Il tt'ont menacé des censures de l'Eglise qu<
les personnes qui, fiées catholiques et élevées danr
l'Eglise catholique, se borneraient à contracter un
mariage purement civil devant le juge dé mande
ment ou devant le syndic, sans tenir compte du
décret du très saint concile de Trente qui déclare
nul tout mariage non contracté devant le propre
" curé des épeux et deux témoins.
» L'ensemble de leur déclaration prouve évidem
ment qu'ils n'entendent point condamner le ma
riage civil contracté avant ou après le mariage
canonique, mais seulement le mariage purement
civil contracté devant le juge ou devant lesjndic,
» sans tenir compte du mariage canonique. »
Nous disons que ce n'est pas là line expli
cation, mais la rétractation la plus complète
qui se puisse imaginer. -
M. le vicaire-général de Chambéry nous
assure que les évêques "de Savoie n'enten
dent pas condamner le mariage civil, con
tracté avant ou après le mariage canoni
que, et qu'ils n'ont menacé des censures
ecclésiastiques que les personnes qui se
borneraient à contracter un mariage ci
vil sans faire bénir leur union à l'église.
Tel ne pouvait être le sens de la protesta
tion; autrement elle n'aurait pas eu dérai
son d'être. Là loi Boncompagni ne laisse
pas, comme la loi française, aux citoyens
la liberté de faire ou de ne pas faire bé
nir leur union; elle exige que les époux
soient mariés à l'église avant de sè présenter
devant le magistrat municipal. Par consé
quence l'hypothèse d'époux se contentantdu.
mariage civil et s'abstenant de la bénédiction
religieuse ne peut pas se réaliser en Piémont.
Il faut donc croire que les évêques de Sa
voie n'avaient pas lu la loi contre laquelle ils
s'élevaient avec une telle amertume de lan
gage : ou il faut admettre qu'en protes
tant contre cette loi, et en la qualifiant
d'irréligieuse, d'immorale et d'anti-sociale,
ils entendaient bien réellement condamner
et interdire absolument le mariage civil ; et
alors la lettre de M. le vicaire-général de
Chambéry est une rétractation et un désa
veu de la protestation. «
Nous n'insisterons pas, car nous n'avons
nul désir d'envenimer par des récriminations
une querelle déplorable. C'est dans l'intérêt
des principes que nous avons cru devoir ré
tablir les faits. Nous ne pouvons d'ailleurs
que nous féliciter de voir les évêques de Sa
voie déposer peu à peu l'irritation qui lés
avait entraînés à une démarche irréfléchie,
et rendre justice aux intentions loyales et
conciliantes du gouvernement piémontais.
Nulle part plus qu'en Piémont la bonne har
monie n'est nécessaire entre l'Eglise et l'E
tat : .le clergé est l'auxiliaire naturel de l'au
guste maison de Savoie dans la lutte contre
la dépiagogie et les passions révolutionnai
res; mais le clergé piémontais doit aux in
térêts de la religion et à la paix de son pays
de ne pas susciter gratuitement des obsta
cles à la royauté constitutionnelle et de ne
pas compliquer de difficultés nouvelles une
tâche déjà si malaisée. v
Si les principes posés par M. le vicaire-
général de Chambéry dans sa lettre à la Ga
zette officielle de Savoie sont, co mm e il le dé
clare, ceux que professent tous les évêques de
Savoie et de Piémont, nous ne voyons aucune
difficulté sérieuse entre le gouvernement
sarde" et Pépiscopat. Il est incontestable que
le catholique sincère, tout engagé qu'il peut
être aux yeux de la loi par l'acte civil,
ne peut se regarder comme marié et en droit
d'user de son titre d'époux, qu'autant que
son union aura été bénie conformément aux
rites de la religion. S'il se contente du
mariage civil, il ne peut se dire catholi
que, car il manque à une des obligations
les plus saintes de la religion qu'il pré
tend professer. L'acte civil, constatation lé
gale et authentique du mariage, ne peut,
pour un chrétien sincère, suppléer et ren
dre inutile le sacrement. Si le gouvernement
piémontais avait élevé la prétention de dis
penser du mariage religieux, et d'obliger
l'Eglise à se contenter du mariage civil comme
d'un équivalent, nous aurions compris, nous
aurions honoré et encouragé les protestations
deséyêques de Savoie. Maisle gouvernement
piémontais, comme le prouve le texte même
de la loi Boncompagni, n'a jamais voulu
porter atteinte au mariage religieux : il a
seulement voulu constater par un acte ci
vil et authentique les.unions dont ses tri
bunaux civils sont appelés chaque»jour à
regier les effets temporels. C'est parce que
les évêques de SaVoie ont paru vouloir
lui refuser ce droit incontestable partout, et
incontesté déjà à Naples, en Belgique e.t en
France, que nous avons élevé la voix pour
rappeler les limites dés deux pouvoirs.
. ctjcheval- ciarigny.
Nousavons annoncé, il y a quelques jours,
que les bruits répandus sur un projet de
traité de commerce avec l'Angleterre étaient,
dénués de toute espèce de fondement. Nous
ajoutions en même temps que le gouverne
ment ferait bien de les démentir d'une ma
nière officielle. Une déclaration dans ce sens,
disions-nous, produirait le meilleur effet,
dissiperait le4 alarmes et ne pourrait que se
conder le magnifique mouvement d'affaires
dont nous sommes témoins en ce moment.
Cette déclaration, que nous avions sollicitée,
le gouvernement la publie aujourd'hui dans
le Moniteur-, elle est conçue dans les termes
les plus satiifaisans, et nous nous empres
sons de la reproduire. j. bubit.
On lit dans le Moniteur :
« On,répand dans plusieurs départemens la
nouvelle que le gouvernement français est
sur le point de conclure des traités de com
merce qui ouvriraient les frontières aux fers
et houilles de la Grande-Bretagne ei de la
Belgique. Nous croyons pouvoir affirmer que
ce bruit, qui est de nature à jeter quelque
perturbation dans les opérations de l'in
dustrie - métallurgique, est dénué de fon
dement. Il faut se défier des rumeurs de ce
genre, qui émanent le plus souvent, soit de
la malveillance des adversaires du gouverne
ment, soit de l'intérêt peu scrupuleux de la
spéculation privée. Pans ces importantes
matières, l'administration du prince-Prési
dent ne se départira pas de la prudence dont
il a fait la règle de sa conduite. »
h'Indépendance nous apporte ..ce matin les
détails suivans, sur les négociations suivies
avec la Belgique :
« Des nouvelles de Paris donnent comme à peu
près certaine la conclusion d'un arrangement sa
tisfaisant pour la Belgique et la France.
» Le traité de 1845 ne serait pas renouvelé.
» Les deux gouvernemens signeraient une con
vention littéraire comme ' gage de leur désir mu
tuel de maintenir et de continuer les bonnes re- -
lations commerciales qui unissent les deux pays.
» On assure que cette convention, tout en con
sacrait le princips de la suppression de la contre
façon, renferme des stipulations favorables à l'en-
tree en France des livres édités en Belgique. »
'Nous avons annoncé ce matin que les ba
ses de la convention à intervenir entre là
France et la Belgique pour la suppression de
la contrefaçon littéraire étaient déjà arrêtées.
Nous apprenons que les conditions du nou
veau traité de commerce qui doit être subs
titué à la convention de 1845, sont défini
tivement réglées, et que la signature des
deux traités ne saurait se faire attendre long
temps.
Le secrétaire de la rédaction, t. boniface.
. On fait circuler le bruit de la dissolution
de la garde nationale. On a peine à concevoir
que la malveillance ait pu imaginer une nou
velle aussi complètement fausse et aussi in
vraisemblable le lendemain du jour où le
prince-Président de la République a été ac
cueilli par la garde nationale avec les témoi
gnages de la plus respectueuse sympathie et
du plus vif enthousiasme. (Moniteur.)
Le Moniteur publie depuis -quelques jour3
la série des vœux politiques émis par les con
seils d'arrondissement. Noiis attendrons que
cette publication soit terminée pour donner
la statistique complète ae ces vœux.
Par deux décrets, en date du 21 août, les
collèges électoraux de la troisième et de la
quatrième circonscription du département
de la Seine sont convoqués pour le 26 sep
tembre, à l'effet d'élire chacun un député en
remplacement du général Cavaignac et de
M. Carnot, qui ont été déclarés démission
naires dans la séance du 30 mars du Corps
Législatif.
Par décret du 21 août, l'intérim du mi
nistère jie la guerre, pendant l'absence de
M. le général de Saint-Arnaud, est confié à
M. Ducos, ministre de la marine. .
Un décret en date du 21 août nomme M.
le contre-amiral Febvrier-Despointës au
commandement èn chef des deux divisions
navales des côtes occidentales de l'Amérique
et de l'Océanie.
Ce décret est rendu sur un rapport du mi
nistre de la marine, dans lequel la réunion
des deux stations sous une même autorité,
est motivée sur ce qu'il y a d'avantageux
pour la puissance nâvale dans la concentra
tion dés forces et l'unité de direction. « La po
litique de la France et l'intérêt de notre com
merce, dit M. le ministre, exigent que les bâ-
timens de l'Etat se montrent sur toutes les
mers du globe ; mais plus nos stations sont
éparses ou multipliées, plus il impoHe^qu'à
un moment donné elles puissent se réunir,
concentrer leurs moyens d'action et se ran
ger sous l'autorité d'un chef unique. s>
La nouvelle mesure n'est d'ailleurs qu'un
développement de celle par laquelle déjà nos
deux divisions navales de l'Inde et de la Chi
ne ont été placées sous un même comman
dement.
M. le contre-amiral Febvrier des Pointes,
qui était major-général de 1 ! marine à Brest,
est, aux termes d'un décret du 21 août, rem
placé dans ce poste par M. le.contre-amiral
comte 4e Gourdon.
La Gazette d'Aug bourg contient une nou
velle qui mérite aêtre portée à la connais
sance des nombreux armateurs français qui
font le commerce de la Baltique. Une com
pagnie anglaise vient de se former sous la
protection de la Russie et avec l'appui de
plusieurs maisons de Hambourg pour éta
blir un service régulier de bateaux à va
peur entre Hull et Saint-Pétersbourg. L'ob
jet principal de, cette compagnie est d'é
chapper au péage du Sund en" passant de
la mer du Nord dans la mer Baltique
par l'Elbe et le canal de Gotha, réparé et
agrandi, au lieu de contourner le Dane-
marck, comme les navires sont obligés de
le faire aujourd'hui. La réalisation de cette
entreprise porterait un coup funeste aux fi
nances du Danemarck, dont le péage des dé
troits est une des ressources les plus assu-'
rées. On ajoute même que le gouvernement
danois a pris assez d'ombrage des projets
depuis long-temps annoncés d'améliorer le
canal de. Gotha, pour se montrer disposé à
une révision et à une réglementation nou
velle, par voie diplomatique, des péages du
Sund et du Grœnsund.
Le secrétaire de la rédaction, l. boniface
On écrit de Vienne au Journal de Franc
fort, à la date du 16 août :
« La. mission du prince Holienlohe à Vienne peut
être considérée comme terminée; notre cabinet
s'est prononcé dans le sens du gouvernement pa
pal. Il en résulte que les troupes étrangères sor
tiront de l'Etat de l'Eglise, et cela le 1 er janvier
1853. Le gouvernement dudit Etat avait, il est
vrai, désiré que les troupes françaises s'embar
quassent plus tôt, mais comme il n'a pu donner
de réponse satisfaisante aux observations du
général Gémeau, par rapport à la réorganisa
tion de l'armée papale, il a dû céder aux vœux du
cabinet françûs. Quant à cette réorganisation; elle
ést eneore défectueuse dans bien des points, et le
zèle que l'on montre partout pour servir sous les
drapeaux du pape paraît être médiocre ; on espère
cependant que tout sera réglé pour le 1 er janvier
prochain, et qu'alors il n'y aura plus de raison à
ce que l'armée française séjourne davantage dans
l'Etat de l'Eglise. » •
On nous écrit de Lisbonne, à la date du
Ï1 août :
« Aujourd'hui a eu lieu l'adjudication aux en
chères de la construction du chemin de fer de Lis
bonne à la frontière d'Espagne. Les ministres, le
fisral général des finances et la commission spé
ciale des chemins de fer, s'étaient réunis à cet effet
au secrétariat du royaume. A quatre heures et de
mie, la séance a été ouverte ; elle était présidée par
le maréchal. Un grand nombre de personnes nota
bles y assistaient. Le président a annoncé que trois
propositions avaient été présentées au gouverne
ment, mais qu'une seule avait rempli les formalités
prescrites ; que, des deux autres, l'une proposait
seulement la construction de la ■ première section
de la ligne et que l'autre contenait à peine les
bases de. la formation d'une compagnie ; qu'en
conséquence le gouvernement ne pouvait prendre
ces deux dernières propositions en considération,
mais qu'il acceptait la première. Celle-ci est faite
par une société de capitalistes anglais qui s'est
constituée à Londres sous la raison sociale : Com-
,pagnie cen'rale péninsulaire des chemins de fer
de Portugal.»
Le Moniteur de la Meurthe publie les
détails suivans sur l'accident arrivé au che
min de fer de Strasbourg :
a Une pluie abondante n'avait cessé de tomber
toute la journée et pendant toute la nuit; la terre,
détrempée, d'une nature argileuse, s'est affaissée
■ sous les traverses qui supportent le rail gauche,
et le poids de la machine a produit un écàrtement
de la. voie, qui l'a fait elle-même dérailler, et venir
frapper contre la pile du pont de la route nationale,
n° 4.
» Quoique le "convoi ne marchât pas avec sa
vitesse ordinaire, le choe a été tel, que le tender
s'est placé en travers derrière la locomotive, que
les truis wagons de marchandises qui suivaient ont
- volé en éclats et que le premier wagon de voya
geurs a sauté, on ne sait comment, pardessus
tout ce qui le précédait, c'est-à-dire ceux de mar
chandises et quatre chaises de poste qui n'ont été
qu'endommagées, pour s'asseoir presque sur la
machine renversée. Trois ou quatre personnes qui
se trouvaient dans ce wagon n'ont reçu que de lé
gères contusions.
... » Les derniers wagons ont subi une'rude com
motion qui ne les a fait dérailler qu'en partie, mais
sans leur causer de dommages apparens.
, » Cet accident a eu lieu à cinq heures et demie
du matin, à 9 kil. de Nancy, au train-poste n" 23,
parti de Paris le 19 à sept heures trente minutes
du soir. Le convoi se composait de 17 wagons dont
J3 de marchandises, 4 trucs supportant autant de
voitures particulières, 4 wagons de première classe,
1 mixte et 6 de seconde classe.
» La plupart des voyageurs partis de Paris
avaient été laissés en route, et il n'en restait guè
re qu'une quarantaine. Quelques personnes seu
lement étaient montées à la station de Nancy. Les
blessés, dans ce sinistre, que la Providence a ren
du moins déplorable qu'il pouvait l'être, sont au
nombre de treize, dont huit assez grièvement,
sans cependant offrir de danger pour leur exis
tence.
» Les conducteurs de la machine ont été les
plus maltraités. Lancés sur les bords du chemin,
ils ne sont pas miraculeusement restés sur la
place. Le chauffeur, le graisseur et l'agent des
postes sont ceux qui ont reçu les plus fortes bles
sures. Trois voyageurs seulement sont dans une
situation qui n'a rien d'alarmant, mais plus grave
que celle de leurs compagnons de route,qui n'ont
eu que de faibles contusions.
» Deux de ces personnes, ramenées avec les au
tres blessés du lieu du sinistre à Nancy, dans les
omnibus qui font le service de Saint-Nicolas, et
qui fort heureusement se sont trouvés à passer là
peu après l'accident, ont été déposées à l'hôtel du
Commerce, où un premier pansement leur a été
fait. Cinq employés du chemin de fer ont été trans
portés à l'hôpital Saint-Charles, où tous les soins
qu'exigeait leur triste position leur ont été prodi
gués de la part des médecins et des religieuses de
cet établissement avec le zèle que la charité sait"
inspirer,
» M. le préfet, accompagné de M. le maire de
Nancy, a fait ce matin une seconde visite aux
blessés, qui sont dans un état aussi satisfaisant
que possible. i
» La communication avec Strasbourg est réta
blie. » — (Paul D. de Lascaux.)
Le Journal de la Meurthe nous apporte un
récit plus détaillé de cet accident, dont les
suites, déjà bien graves, pouvaient être si
terribles :
« Les pluies diluviennes qui ont eu lieu pen
dant ces derniers jours ont causé des dommages
de tous genres. En plusieurs endroits, les tems-
semens du chemin de fer ont dû souffrir. Les ter
res qui n'ont pas eu le temps de se tasser, sur la
section nouvellement ouverte, ne pouvaient man
quer d'être déplacées. Entre Nancy et Saint-Nico
las, en-deçà des ponts-jumeaux de Saint-Phlin, et
avant d'arriver à l'endroit où la route franchit la
voie qui se trouve en dontrebas de 7 mètres envi
ron, les eaux avaient occasioné des dégâts extrê
mement graves. Elles avaient, pendant" quelques
minutes, changé la voie en torrent, enlevé le bal
last et dégarni les traverses à ce point, que l'ex
trémité de plusieurs de ces pièces de bois ne po
saient plus sur le sol, et n'étaient soutenues à leur
n.iveau que par les rails. En outre, le terrain en
vironnant avait sensiblement perdu de sa solidité.
Les larges fossés destinés à l'écoulement des eaux
que recevait nécessairement cette vaste tranchée,
n'avaient cessé de déborder, et les terres qui sup
portaient lés rails et le ballast étaient complète
ment noyées.
» Le train-poste parti de Paris avant-hier jeudi,
à sept heures vingt minutes du soir, était arrivé à
la gare de Nancy â cinq heures. C'était un retard
de près de deux heures. Ce retard, au reste, s'était
produit plusieurs fois déjà, et ne préoccupa per
sonne. A cinq heures et quart, le même train-poste
quittait la gare de Nancy et se dirigeait sur Stras
bourg. Il se composait de dix-sept voitures : la lo
comotive et son tender, un wagon de bagages, trois
trucs portant des voitures, et onze wagons- de
voyageurs. Au bout de dix minutes, le machiniste
s'apercevait que le terrain n'était pas très bon, et,
prudemment, ralentissait sa marche. Ce ralentis
sement était assez marqué pour faire croire aux
voyageurs que le convoi s'arrêtait. On était à 10
ou 20 mètres du pont sous lequel passe le chèmin
de fer, quand les traverses manquèrent sous les
roues de la locomotive. La locomotive dérailla
aussitôt.
» En moins de temps quql n'en faut pour y son
ger, la locomotive vient donner contre le talus
qui s'appuie sur la culée du viaduc, et y enfonce
profondément ses deux roues de devant. Le tender
est pressé et complètement rasé par le wagon des
bagages, que viennent à leur tour écraser les trois
trùes- chargés de voitures. Trois des wagons du
train, lancés par un reste d'impulsion, s'élèvent
sur cet amas de débris, à moitié brisés déjà par le
choc. Les autres s'arrêtent enfin.
» Nous n'avons pas besoin de peindre la confu
sion qui succède à cette catastrophe. Les cris de
douleur et d'effroi se mêlent, et, en effet, au pre
mier abord, on dut craindre les plus effroyables
malheurs. Les voyageurs qui ont conservé assez
de présence d'esprit parviennent cependant à sor
tir des wagons et à porter secours aux blessés. La
gare de Nancy est prévenue, des voitures : sont ra
pidement expédiées, M. le docteur E. Simonin,
médecin de l'administration du chemin de fer,
s'empresse de se rendre sur les lieux et prodigue
aux malades les premiers soins.
«Treize personnes ont été transportées à_l'hô-
pital Saint-Charles de Nancy ; voici leurs noms :
» Reau, comptable de chemin de fer à Chartres^
plaie au Iront; Guilluy, directeur du ga? à Diep
pe, fracture de la clavicule; Schnom, chauffeur,
contusions et plaies à la tête, commotion cérébra
le ; Leblanc, courrier des dépêches, plaies à l'occi
put, commotion cérébrale; Fontaine, graisseur,
plaies à la lèvre et au front, commotion cérébrale;
Paillette, chef de train, contusion à la colonne
vertébrale; Vasseur, mécanicien, plaies au front,
contusions, une femme inconnue, pas de blessu
res, commotion générale, et cinq autres dont l'é
tat n'exige pas même de traitement et ne doi
vent pas être mentionnées.
» En tout, sept blessés dont l'état n'inspire au
cune espèce d'inquétude. Tel est, en résumé, la
conséquence d'un accident qu'on ne saurait trop
d plorer.
« Quant au matériel, il a dû nécessairement
beaucoup souffrir. Pour comble de désastre, le
foyer renversé avait mis le feu au wagon les ba
gages, et le terrible événement d\i chemin de Ver
sailles s'était ainsi trouvé trop bien expliqué. Mais
les voyageurs avaient pu quitter'promptement les
wagons, et le feu a été éteint à l'aide de sable et
de boue.
» A onze heures, on voyait encore entassés, au
près du pont, et sur la voie, la locomotive , son
tender, le wagon "de bagages, les trois trucs et
les trois wagons du train. Les.ivagons sont à peu
près démolis ; deux des trucs portaient des chai
ses de poste qui ont été gravement endomma
gées. Un troisième portail une voiture des pom
pes funèbres qui allait en Suisse chercher le
corps d'une dame pour le rapporter à Paris.
Cette voiture a peu souffert. Vers une heure, on a
pu, à l'aide de câbles, la remonter sur la route.
On s'eH occupé activement de débarrasser la voie.
Le train venant de Lunéville, arrivé à deux heu
res au même endroit, a fait descendre les voya
geurs, qui ont été reprendre, un peu plus loin, un
train venu de Nancy, et qui les attendait pour les
amener ici. La locomotive de Lunéville est restée
sur place, et a fait pendant quelques heures l'es
sai de la voie que l'on répare.
» Il paraît positif que la voie était déjà compro
mise depuis quelques jours. Les convois passaient
à petite vitesse sur cette partie de la route. Mais
on était bien loin de penser que les choses fu»-
seot à ce point. Hier matin,, en relevant les traver-
on tro uvait l'eau à quelque vingt centimètres
seulement. Des travaux supplémentaires vont être
entrepris, et l'on peut s'en rapporter à l'habileté
de nos ingénieurs pour conjurer le retour d'un
fait qui ne s'explique que par la précipitation ap
portée à l'ouverture de la section et l'effet pro
duit par une pluie exceptionnelle sur un terrain
non encore éprouvé.
» Nous devons ajouter que des rapports officiels,'
destinés à rassurer le public, ont été adressés à
Paris, immédiatement après l'événement connu,
par les différentes autorités. » — (A. Lemachoi3.)
Nous apprenons que le ministre des tra
vaux publics a fait partir un ingénieur pour
Nancy, avec la mission de lui faire un rap
port sur ce trisse événement.
La Ré publique.de, Tarbes, publie en tète de
son numéro du 19 août, un premier avertis
sement qu'elle vient de recevoir en ces ter
mes :
Le préfet du département des Hautes-Pyrénées^
Vu l'article publié parle journal la République,
de Tarbes, du 17 de ce mois, commençant par ces
mots : « Trois prix ont été courus » et finissant
par céux-ri : « fussent l'objet de la moindre in
convenance. »
Vu le décret du 17 février 1832 ;
Considérant que le journal la République laisse
percer depuis quelque temps une hostilité mal dé
guisée envers "l'autorité départementale ; que l'ar
ticle dont il est parlé ci-dessus, notamment, dé
passe les bornes d'un compte-rendu loyal et véri-
dique, et contient, dans une intention perfide et
malveillante, des insinuations de nature à exciter
la mésintelligence entre diverses autorités et à
faire croire au public que cette. mésintelligence
existe.
Arrête :
Art. 1 er . Un premier avertissement est donné au
journal la République, de Tarbes, dans la person
ne de son imprimeur-gérant, signataire de l'are
ticle. #
Fait à Tarbes, le 18 août 1852.
Le préfet, o. masst.
NOUVELLES ÉTRANGÈRES.
ANGLETERRE.
Hier a eu lieu à Leeds l'inauguration de la sta
tue de sir Robert Peel, en presence d'au moins
40,000 personnes, Cette statue, de huit pieds six
pouces de hauteur, est placée sur un piédestal de
granit d'Ecosse de onze pieds et demi. L'auteur
e-t M. Behnes, sculpteur ordinaire de S. M. L'œu
vre est patfaite ; elle représente sir Robert Peel
dans l'attitude qu'il prenait quand il parlait à la
chambre des communes, tenant à la main droite un
rouleau de papier, et la main gaùche placée sur la
hanche^ La ressemblance est frappants et fait hon
neur à l'artiste. (Express.)
— C'est un fait remarquable qu'il existe aujour
d'hui cinquante-trois pairs sans héritiers,mâles
connus ou présomptifs. Conséquemm-nt, à leur dé*
cès sans enfans, leurs titres seront éteints. Parmi
les noms les plus remarquab'ïés de ces cinquante-
trois pairs, on trouve le duc de Cambridge, les
comtes Coruwallis,Durham, Fitz-Hardiuge, Oxford,
Glengall, etc. ; les vicomtes Ber. sford, Canning,
Melbourne, e(c. ; les barons Brougham, Fairfax,
Douglas, Holland, Howden, Lyndtiurst, iNugent,
Redesdale, tte. Depuis quelques années, les titres
suivans se sont éteints. : Ducs d'Orset, Sussex;
marquis Wellesley, comtes Liverpool, Hoscom-
mon, etc. ' (Morning-Herald.)
ALLEMAGNE.
berlin, 19 août.—La prochaine séance du con
grès douanier aura lieu demain. Le bruit court,
dans les cercles bien informés, que.la conférence
douanière pourrait bien se disioudre, attendu que le
gouvernement prussien a résolu de ne céder dans
aucun cas.
Les états de la coalition ont abandonné l'idée de
l'union douanière austro-allemande ; mais ils in
sisteront pour la conclusion immédiate d'un traité
de commerce avec l'Autriche.
Sur la demande de M de Varennes, ambassadeur
de France, le Kladerartatsch (Charivari ), a reçu un
avertissement semblable à celui qui a été donné
dernièrement/à la Nouvelle Gazette de Prusse. Ces
deux journaux sont les seuls qui jusqu'à présent
aient été l'objet d'une pareille mesure.
(Gaz. de l'Empire d'Allemagne.)
— 11 partit ici 10a journaux politiques, indus
triels, littéraires et scientifiques. 23 de cés jour
naux sont soumis à la loi du timbre. .
(Gaz. du Weser.)
19 août. — La réouverture du congrès douanier
aura lieu vendredi, même en l'absence de M. le
baron de Manteuffel. (Gaz. de Spener.)
— On assure que le roi se rendra directement
par bateau à vapeur de Putbus à Stettin, pour as
sister, le 25 et le 27, aux manœu vres du deuxième
corps d'armée. On assure que l'empereur d'Autri
che et le roi de Bavière auront une entrevue à
Carlsbad. (Nouu. Gazette de Prusse.)
SUISSE.
Dans sa Séance du 17 août, le conseil des Etats
a statué sur les projets d'arrêtés du conseil natio
nal concernant les concessions délivrées par les
cantons de Saint-Gall, Lucerne, Vaud et Thurgovie
pour la construction de chemins de fer.
Les propositions de la commission nommée au
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 23 AOUT.
THÉÂTRES.
PAiiis-ËeYAL : Le Misanthrope et l'Auvergnat, vau
deville en un acte, de MM. Labiche, Siraudin et
Lubise.' Les Eaux de Spa, vaudeville en un acte,
de M. Jules ù ?comt«. — V acdevii.le : Méridien,
vaudeville en un acte, de MM. Pol Mercier, Des-
landes ec Clairville.
La comédie va renaître, on sent qu'elle est
dans l'air; nos poètes sans prétention, — ces
grands observateurs de la mouche qui vole,
— sont prêts à la saisir. Où la fantaisie,
l'humour et le comique vont-ils se nicher? La
semaine dernière un théâtre de genre nous
donnait la comédie de mœurs , un autre
nous donne cette semaine ie vaudeville phi
losophique.
Voulez -vous une grande leçon de mora
le — et de quelle moral?-! — celle que les ca
ricaturistes contemporains ont mise en vo
gue ; — alkz au Palais-Royal, vous y verrez
jouer la piece étonnante qu'on appelle le
Misanthrope et l'Auvergnat. Alceste est en
scène, vous dis-je, sous les traits-bouffons
de Sainvillel C'est- Alceste lui-même, moins
les rubans verts, et tel que le comportent les
réalités actuelles de notre vie bourgeoise et
les. exigences du genre; mais enfin nous
avons l'homme de Molière. Il a pris du ven
tre, il a le sourire railleur aotantque sa. face
lippue s'y prête, il est devenu bourgeois de
Paris, il est vertueux, il aime la veftu, et il
est guéri de sa vertu par la vertu même. Le mi
santhrope de Molière s'en va désolé; Sainville
exprime toute sa satisfaction au public, avant
la chute du rideau, par un. couplet de cir
constance. On se passe de Célimène dans le
nouveau Misanthrope ; s'il y avait une Céli
mène, il eut Mlût qu'Alceste l'épousât pour
ne point manquer aux traditions dupetitgen-
re; quantà Philinte,—voyez jusqu'où vont la
force, l'audace et le paradoxe de nos jeunes
auteurs, Philinte,—et c'est pourtant un sim
ple Auvergnat,—corrige le misanthrope sans
même employer l'arme du rais6lm(;ment.
Tout est en action ; ce que les anciens poè
tes disaient, on le joue maintenant; on ne
s'arrête-plus aux tirades, il faut absolument
des cabrioles, fans quoi les spectateurs pré
tendraient qu'on ieur manque de respect et
que l'art est dans le marasme.
Va donc pour la cabriole, pour la roustis-
sure , pour la farce; et trop heureux som
mes-nous si la farce est gaie, courte et ori
ginale 111 y a des gens lugubres et conscien
cieux qui ; prenant leur grosse tête à deux
mains, méditent pendant des mois, entiers
quelque sujet banal, et mettent leurs belles
platitudes en versjaunés comme le ûénuphar;
ces gens se disent auteurs comiques, avec ap
probation de toutes les académies. Il y a en
core des gens doués par la nature d'un sang-
lroid invincible, d'une entière stérilité d'i
magination, qui se, croient appelés, bien
moins par vocation que par spéculation, à
devenir fantaisistes. Ces malheureux se tor
dent le cervéau elles membres, cherchant la
fantaisie à l'aide des procédés mécaniques les
plus terribles ; au besoin ils se feraient désar
ticuler pour avoir dans la démarche quelque
chose d'étrange; s'ils réussissent à se don
ner une entorse et à se rendre boiteux pour
la vie r les voilà ravis, tout fier? de leur infir
mité et regardant avec mépris les gens qui
marchent droit, ils entretiennent des folles
du logis dont ils se croient les amans de cœur,
et au besoin font une muse de leur cuisinière,
d'où il résulte que tous les plats sont brûlés
et que l'estomac pâtit et se gâte, alors mê
me que la raison résiste à tant d'atta
ques. Perdre la raison, ô rêve! Prendre
la fièvre chaude, et se perdre dans les
nuages de la fantaisie, 6 bonheur ! Quelque
fois nos forcenés fantaisistes obtiennent de
leurs efforts continus un ramollissement de,
cerveau, mais le plus souvent ils sont sauvés
par leur constitution; dans les plus grands
accès, au milieu de leurs plus folles extrava
gances. on peut toujours les comparer à ces
éplleptiques de fantaisie, qui écument à
l'aide d'un petit morceau de savon ; vienne
un sergent de ville, l'attaqua, la fantaisie si
vous l'aimez mieux, est bien vite passée.
Parlez-moi de la comédie et de la fantaisie
du théâtre du Palais-Royal ; comédie sans
souci, fantaisie à laquelle on ne songeait
pas, et c'est la bonne !
Les poètes de la maison ne prévoient pas
les malheurs de si loin ; ils ne s'enferment
guères dans le silence du cabinet, ils se
promènent au contraire le plus qu'ils peu
vent, regardant autour d'eux ce qui se
passe ; cela d'instinct ; et bien loin de
faire les profonds observateurs à la cheve
lure en coup de vent, à l'attitude olympienne,
à l'œil perçant, qui ne regardent jamais rien
tant, lorsqu'ils ont l'air de regarder lë mieux
l'humanité, que leur orgueil au fond d'eux-
mêmes ; ils observent tout simplement,
sans s'en douter, et sans qu'on s'en
doute. A la bonne heure ! Ils ne se sur
font point ; ils sont naturels, sincères ,
aussi gais qu'ils le peuvent, fallût-il prodi
guer le gros sel, et cela vaut mieux pour des v
comiques que d'être entièrement dessalés;
ils sont satiriques au besoin, vous l'avez
vu récemmeut dans les Avocats du Gym
nase,; ils ont de l'humour, de l'imprévu,
et je vais bien étonner les fantaisistes de
profession en disant cela : ils sont, je crois,
les seuls qui aient parfois de la fautaisie, tant
il est vrai que le don dénaturé est inimitable,
qu'il faut l'avoir ou ne l'avoir point, que l'art
même ne supplée pas à l'inspiration, et
qu'à cette aimable et rare fantaisie de quel
ques heureux esprits on ne parviendra ja
mais à substituer la grimace, fût-elle érigée
en système et en école. Des systèmes sur la
fantaisie! la théorie de la fantaisie! et une
école de fantaisistes ! ô Aristote ! et ils rient
de ta règle et de ta docte cabale,!
Biais venons aux preuves. D'abord, où
trouver une fantaisie pareille à celle de, nom
mer une pièce le Misanthrope et l'Auvergnat 1
Le titre n'est rien encore en comparaison des
fantaisies, des originalités, des impossibilités
duscenario; et pourtant ilsoat rendu l'impos
sible possible et l'invraisemblance vraisem
blable, au point de vue philosophique du
moins. Le cômique des situations est tel, qu'on
ne demande plus d'intrigue.Un vaudeville sans
intrigue, qu'est-ce de moins qu'une comé
die? Ne cherchez point Arthur, ne demandez
pas Pauline ! Il n'y a pas de veuve coupa
ble ou sensible, pas de mari trompé, pas
de quiproquo/point d'amoureux enfin, ni
d'amoureuse, ni de passion, ni de maria
ge, rien qui sente le roman ordinaire
et l'éternelle péripétie. La pièce pourrait
peut-être se comparer à l'une des conversa
tions que Socrate entretenait avec ses disci
ples,— quoique d'un genre tout différent, et
d'un style moins élevé. Mais Socrate devait
boire la ciguë; malgré son stoïcisme, la pro
chaine perspective de l'immortalité l'eût ren
du forcément assez grave, ne l'tût-il pas été de
nature ; tandis que nos auteurs, ces philoso
phes modernes, ces sages du Palais-Royal,
ont fait vœu sans doute de vider après
le succès I ps bouteilles d'Aï mousseux. Aussi
la gaîté petille-t-elle d'avance dans leurs ver
res. On les traitera de cynique^ nos chers
poètes. —Quoi! n'avez-vous pas honte d'être
si plaisans ? leur diront les messieurs de la
larme à l'œil , toute cette bande de mélancoli
ques, la bande navrée qui se morfond avec dé
lices dans des flots d'encre de la petite-vertu.
O cyniques ! faites comme nous, prenez le
crêpe, portez aussi le deuil... le deuil de
l'esprit gaulois, de la galté française, le deuil
de la comédie ! —La belle jeunesse répond en
agitant, ses grelots,tous les grelots de Momus,
—dont on a fait dessonnettes dans les autres
répertoires;—el le rép ond aussi par certains si
gnes qui en disent plus que de longs discours,
par des signes expressif» que vous me dispen
serez de définir, car nous ne sommes pas
ici au tr éàtre du Palais-Royal.
Toujours est-il que le notable bourgeois
Chiffonntt, riche propriétaire, ame pro
fondément honnête, est en proie comme
Alceste , — lequel, si je ne me trompe ,
était rentier aussi; de plus, noble, beau,
et tout à fait propre à devenir aimable,
pour peu qu'il eût voulu laisser paraître"
d'amabilité , — Chilfonnet, dis-je, est en
proie à la misanthropie. Mais, au lieu d'ê
tre noire, la misanthropie du nouvel Al
ceste est gaie. Chilfonnet se dit que la vertu
a disparu de la surface de la terre, et cet ac
cident le fait rire aux dépens de l'humanité»
Ah ! la vile engence ! Il ne reste que Chilfon
net dans le monde civilisé pour représenter
en sa vertueuse personne la noble image du
Créateur. Tous les autres sontdes coquins. Le
coquin de coutelier, qui vend des rasoirs qui
ne coupent pas; I t coquine de servante qui
vole sur le marché ! Partout le mensonge;
partout la fourbe, la fausseté partout, dans les
bouchesetsur les visages. Lasincéritén'exisla
que sur les lèvres de Chilfonnet, la probité ne
réside point ailleurs que dans le cœur de
Chiffonnât! ce qui l'autorise à justement mé
priser tous ses semblables et,à vilipender
l'espèce. C'est au point que le vice général
finit par flatter la vanité de ce mî#anlhrope, et *
que cet ami (iê la vertu serait désolé de rencon
trer d'honnêtes gens,dans la crainte de perdTi e
un peu de son lustre. Combien de Chifl'onnets
hors du théâtre! Celui qui nous occupe jouit
donc de sa supériorité, et perd fortuitement,
dans l'exercice de ses fonctions, un porte
feuille qui contient quatre mille francs. Nou
velle occasion de récriminer et de déclamer :
—Un hoimêie hoxarrie trouvera l'argent et le
gardera, dit amèrement Chilfonnet. — J e
crois qu'il aimerait mieux perdre tout qu e
ffs&ïs bs l'ababbshea'*
PASIS....... 18 F. PAS TBIMSSTBSj
dépahtemens. ï® f. —
un numéro : s® ckhtikesi
pour les pays éthangkbs sb reports?
au tableau qui sera publié dan* le joum»],'
es 10 et 25 do chaque moisi
Let dattni du 1« ti 1<
dt chaqut BiofiJI
î im# ¥mëé»M i (Palais -Royal), ^ M.m
f 859.-"LUJ!tfDI m AOUT.
S'adresser, franco, pour la rédaction , à MS CtJCHEVÀl-ClABlGîrr, Rédacteur en chef. jOn s'abonne, dans let département
Les articles déposés ne sont pas rendus;
wrs, aux Messageries et aux Directions de postflt—A Londres, chez MM, CowÎE et fils.|
Strasbourg, chez M. A lexa>dre, pour l'Allemagne. I
S'adresser , franco, pour l 'administration, â M .pENAiN, directeur i
Lee annonças «ont reçues au bureau an Soura&l; st eîiex M. PANIS, régisseur, 10, place de Boura#
PARIS, 22 AOUT,
Nous avons publié la protestation que les
évêques de Savoie ont adressée au sénat pié
montais, contre la loi qui rétablit le mariage
civil dans tous les Etats sardes. Les observa
tions que ce document nous a suggérées ont
produit un résultat inespéré, et dont on ne
saurait trop se féliciter : elles ont provoqué
une véritable rétractation de cette protesta
tion.
Nous nous étions étonnés de voir des évê
ques menacer d'excommunier et de priver
des prières de l'Eglise, pendant sa vie et à sa
mort, le chrétien qui, obéissant à la loi
de son pays, ne se contenterait pas de
faire bénir son mariage à l'église, et se pré
senterait devant le magistrat municipal pour
faire constater légalement son union. Nous
ne pouvions croire que le fait d'obéir à la
loi suffît pour rendre le mariage nul,
pour faire descendre l'épouse la plus chré
tienne au rang de concubine, pour frapper
des enfans de bâtardise. Nous avions corn-,
pris, en effet, que les évêques de Savoie
exigeaient des fidèles, sous peine d'excom
munication, de sè refuser au mariage civil
comme à un acte d'impiété, et de s'en tenir
strictement au mariage religieux. Cette inter
prétation nous paraissait résulter des paroles
mêmes que nous avions reproduites; et c'est
ainsi, en effet, que tous les journaux du Pié
mont, de la Savoie, de la France et de la Belgi
que ont entendu la protestation des évêques
de Savoie. Nous étions si loin de nous trom
per, que deux feuilles religieuses, pour dé
fendre "cette protestation, n'ont trouvé rien
de mieux à faire que d'attaquer le mariage
civil' tel qu'il est établi en France.
Yoici cependant que M. l'archevêque de
Chambéry, par l'intermédiaire et par l'or
gane de son vicaire-généfal, M. le chanoine
Chamousset, a adressé à la Gazette officielle de
Savoie, en réponse à nos observations, une
lettre où nous lisons les déclarations sui
vantes :
« Avant d'écrire ces lignes, le rédacteur du
'Constitutionnel n'avait pas lu «u n'avait pas com
pris la d> claratien des évêques de Savoie ; car il
leur fait dire des choses qu'ils n'ont jamais dites
et qu'ils n'ent jamais eu la pensée de dire. j
» Ils n'ont point contesté au gouvernement le
droit de régler tout ce qui concerne les intérêts
temporels des époux. j
» Ils n'ont point désapprouvé la conduite de
ceux qui rempliraient les formalités prescrites par
la loi civile, avant ou après le mariage canonique.
» Il tt'ont menacé des censures de l'Eglise qu<
les personnes qui, fiées catholiques et élevées danr
l'Eglise catholique, se borneraient à contracter un
mariage purement civil devant le juge dé mande
ment ou devant le syndic, sans tenir compte du
décret du très saint concile de Trente qui déclare
nul tout mariage non contracté devant le propre
" curé des épeux et deux témoins.
» L'ensemble de leur déclaration prouve évidem
ment qu'ils n'entendent point condamner le ma
riage civil contracté avant ou après le mariage
canonique, mais seulement le mariage purement
civil contracté devant le juge ou devant lesjndic,
» sans tenir compte du mariage canonique. »
Nous disons que ce n'est pas là line expli
cation, mais la rétractation la plus complète
qui se puisse imaginer. -
M. le vicaire-général de Chambéry nous
assure que les évêques "de Savoie n'enten
dent pas condamner le mariage civil, con
tracté avant ou après le mariage canoni
que, et qu'ils n'ont menacé des censures
ecclésiastiques que les personnes qui se
borneraient à contracter un mariage ci
vil sans faire bénir leur union à l'église.
Tel ne pouvait être le sens de la protesta
tion; autrement elle n'aurait pas eu dérai
son d'être. Là loi Boncompagni ne laisse
pas, comme la loi française, aux citoyens
la liberté de faire ou de ne pas faire bé
nir leur union; elle exige que les époux
soient mariés à l'église avant de sè présenter
devant le magistrat municipal. Par consé
quence l'hypothèse d'époux se contentantdu.
mariage civil et s'abstenant de la bénédiction
religieuse ne peut pas se réaliser en Piémont.
Il faut donc croire que les évêques de Sa
voie n'avaient pas lu la loi contre laquelle ils
s'élevaient avec une telle amertume de lan
gage : ou il faut admettre qu'en protes
tant contre cette loi, et en la qualifiant
d'irréligieuse, d'immorale et d'anti-sociale,
ils entendaient bien réellement condamner
et interdire absolument le mariage civil ; et
alors la lettre de M. le vicaire-général de
Chambéry est une rétractation et un désa
veu de la protestation. «
Nous n'insisterons pas, car nous n'avons
nul désir d'envenimer par des récriminations
une querelle déplorable. C'est dans l'intérêt
des principes que nous avons cru devoir ré
tablir les faits. Nous ne pouvons d'ailleurs
que nous féliciter de voir les évêques de Sa
voie déposer peu à peu l'irritation qui lés
avait entraînés à une démarche irréfléchie,
et rendre justice aux intentions loyales et
conciliantes du gouvernement piémontais.
Nulle part plus qu'en Piémont la bonne har
monie n'est nécessaire entre l'Eglise et l'E
tat : .le clergé est l'auxiliaire naturel de l'au
guste maison de Savoie dans la lutte contre
la dépiagogie et les passions révolutionnai
res; mais le clergé piémontais doit aux in
térêts de la religion et à la paix de son pays
de ne pas susciter gratuitement des obsta
cles à la royauté constitutionnelle et de ne
pas compliquer de difficultés nouvelles une
tâche déjà si malaisée. v
Si les principes posés par M. le vicaire-
général de Chambéry dans sa lettre à la Ga
zette officielle de Savoie sont, co mm e il le dé
clare, ceux que professent tous les évêques de
Savoie et de Piémont, nous ne voyons aucune
difficulté sérieuse entre le gouvernement
sarde" et Pépiscopat. Il est incontestable que
le catholique sincère, tout engagé qu'il peut
être aux yeux de la loi par l'acte civil,
ne peut se regarder comme marié et en droit
d'user de son titre d'époux, qu'autant que
son union aura été bénie conformément aux
rites de la religion. S'il se contente du
mariage civil, il ne peut se dire catholi
que, car il manque à une des obligations
les plus saintes de la religion qu'il pré
tend professer. L'acte civil, constatation lé
gale et authentique du mariage, ne peut,
pour un chrétien sincère, suppléer et ren
dre inutile le sacrement. Si le gouvernement
piémontais avait élevé la prétention de dis
penser du mariage religieux, et d'obliger
l'Eglise à se contenter du mariage civil comme
d'un équivalent, nous aurions compris, nous
aurions honoré et encouragé les protestations
deséyêques de Savoie. Maisle gouvernement
piémontais, comme le prouve le texte même
de la loi Boncompagni, n'a jamais voulu
porter atteinte au mariage religieux : il a
seulement voulu constater par un acte ci
vil et authentique les.unions dont ses tri
bunaux civils sont appelés chaque»jour à
regier les effets temporels. C'est parce que
les évêques de SaVoie ont paru vouloir
lui refuser ce droit incontestable partout, et
incontesté déjà à Naples, en Belgique e.t en
France, que nous avons élevé la voix pour
rappeler les limites dés deux pouvoirs.
. ctjcheval- ciarigny.
Nousavons annoncé, il y a quelques jours,
que les bruits répandus sur un projet de
traité de commerce avec l'Angleterre étaient,
dénués de toute espèce de fondement. Nous
ajoutions en même temps que le gouverne
ment ferait bien de les démentir d'une ma
nière officielle. Une déclaration dans ce sens,
disions-nous, produirait le meilleur effet,
dissiperait le4 alarmes et ne pourrait que se
conder le magnifique mouvement d'affaires
dont nous sommes témoins en ce moment.
Cette déclaration, que nous avions sollicitée,
le gouvernement la publie aujourd'hui dans
le Moniteur-, elle est conçue dans les termes
les plus satiifaisans, et nous nous empres
sons de la reproduire. j. bubit.
On lit dans le Moniteur :
« On,répand dans plusieurs départemens la
nouvelle que le gouvernement français est
sur le point de conclure des traités de com
merce qui ouvriraient les frontières aux fers
et houilles de la Grande-Bretagne ei de la
Belgique. Nous croyons pouvoir affirmer que
ce bruit, qui est de nature à jeter quelque
perturbation dans les opérations de l'in
dustrie - métallurgique, est dénué de fon
dement. Il faut se défier des rumeurs de ce
genre, qui émanent le plus souvent, soit de
la malveillance des adversaires du gouverne
ment, soit de l'intérêt peu scrupuleux de la
spéculation privée. Pans ces importantes
matières, l'administration du prince-Prési
dent ne se départira pas de la prudence dont
il a fait la règle de sa conduite. »
h'Indépendance nous apporte ..ce matin les
détails suivans, sur les négociations suivies
avec la Belgique :
« Des nouvelles de Paris donnent comme à peu
près certaine la conclusion d'un arrangement sa
tisfaisant pour la Belgique et la France.
» Le traité de 1845 ne serait pas renouvelé.
» Les deux gouvernemens signeraient une con
vention littéraire comme ' gage de leur désir mu
tuel de maintenir et de continuer les bonnes re- -
lations commerciales qui unissent les deux pays.
» On assure que cette convention, tout en con
sacrait le princips de la suppression de la contre
façon, renferme des stipulations favorables à l'en-
tree en France des livres édités en Belgique. »
'Nous avons annoncé ce matin que les ba
ses de la convention à intervenir entre là
France et la Belgique pour la suppression de
la contrefaçon littéraire étaient déjà arrêtées.
Nous apprenons que les conditions du nou
veau traité de commerce qui doit être subs
titué à la convention de 1845, sont défini
tivement réglées, et que la signature des
deux traités ne saurait se faire attendre long
temps.
Le secrétaire de la rédaction, t. boniface.
. On fait circuler le bruit de la dissolution
de la garde nationale. On a peine à concevoir
que la malveillance ait pu imaginer une nou
velle aussi complètement fausse et aussi in
vraisemblable le lendemain du jour où le
prince-Président de la République a été ac
cueilli par la garde nationale avec les témoi
gnages de la plus respectueuse sympathie et
du plus vif enthousiasme. (Moniteur.)
Le Moniteur publie depuis -quelques jour3
la série des vœux politiques émis par les con
seils d'arrondissement. Noiis attendrons que
cette publication soit terminée pour donner
la statistique complète ae ces vœux.
Par deux décrets, en date du 21 août, les
collèges électoraux de la troisième et de la
quatrième circonscription du département
de la Seine sont convoqués pour le 26 sep
tembre, à l'effet d'élire chacun un député en
remplacement du général Cavaignac et de
M. Carnot, qui ont été déclarés démission
naires dans la séance du 30 mars du Corps
Législatif.
Par décret du 21 août, l'intérim du mi
nistère jie la guerre, pendant l'absence de
M. le général de Saint-Arnaud, est confié à
M. Ducos, ministre de la marine. .
Un décret en date du 21 août nomme M.
le contre-amiral Febvrier-Despointës au
commandement èn chef des deux divisions
navales des côtes occidentales de l'Amérique
et de l'Océanie.
Ce décret est rendu sur un rapport du mi
nistre de la marine, dans lequel la réunion
des deux stations sous une même autorité,
est motivée sur ce qu'il y a d'avantageux
pour la puissance nâvale dans la concentra
tion dés forces et l'unité de direction. « La po
litique de la France et l'intérêt de notre com
merce, dit M. le ministre, exigent que les bâ-
timens de l'Etat se montrent sur toutes les
mers du globe ; mais plus nos stations sont
éparses ou multipliées, plus il impoHe^qu'à
un moment donné elles puissent se réunir,
concentrer leurs moyens d'action et se ran
ger sous l'autorité d'un chef unique. s>
La nouvelle mesure n'est d'ailleurs qu'un
développement de celle par laquelle déjà nos
deux divisions navales de l'Inde et de la Chi
ne ont été placées sous un même comman
dement.
M. le contre-amiral Febvrier des Pointes,
qui était major-général de 1 ! marine à Brest,
est, aux termes d'un décret du 21 août, rem
placé dans ce poste par M. le.contre-amiral
comte 4e Gourdon.
La Gazette d'Aug bourg contient une nou
velle qui mérite aêtre portée à la connais
sance des nombreux armateurs français qui
font le commerce de la Baltique. Une com
pagnie anglaise vient de se former sous la
protection de la Russie et avec l'appui de
plusieurs maisons de Hambourg pour éta
blir un service régulier de bateaux à va
peur entre Hull et Saint-Pétersbourg. L'ob
jet principal de, cette compagnie est d'é
chapper au péage du Sund en" passant de
la mer du Nord dans la mer Baltique
par l'Elbe et le canal de Gotha, réparé et
agrandi, au lieu de contourner le Dane-
marck, comme les navires sont obligés de
le faire aujourd'hui. La réalisation de cette
entreprise porterait un coup funeste aux fi
nances du Danemarck, dont le péage des dé
troits est une des ressources les plus assu-'
rées. On ajoute même que le gouvernement
danois a pris assez d'ombrage des projets
depuis long-temps annoncés d'améliorer le
canal de. Gotha, pour se montrer disposé à
une révision et à une réglementation nou
velle, par voie diplomatique, des péages du
Sund et du Grœnsund.
Le secrétaire de la rédaction, l. boniface
On écrit de Vienne au Journal de Franc
fort, à la date du 16 août :
« La. mission du prince Holienlohe à Vienne peut
être considérée comme terminée; notre cabinet
s'est prononcé dans le sens du gouvernement pa
pal. Il en résulte que les troupes étrangères sor
tiront de l'Etat de l'Eglise, et cela le 1 er janvier
1853. Le gouvernement dudit Etat avait, il est
vrai, désiré que les troupes françaises s'embar
quassent plus tôt, mais comme il n'a pu donner
de réponse satisfaisante aux observations du
général Gémeau, par rapport à la réorganisa
tion de l'armée papale, il a dû céder aux vœux du
cabinet françûs. Quant à cette réorganisation; elle
ést eneore défectueuse dans bien des points, et le
zèle que l'on montre partout pour servir sous les
drapeaux du pape paraît être médiocre ; on espère
cependant que tout sera réglé pour le 1 er janvier
prochain, et qu'alors il n'y aura plus de raison à
ce que l'armée française séjourne davantage dans
l'Etat de l'Eglise. » •
On nous écrit de Lisbonne, à la date du
Ï1 août :
« Aujourd'hui a eu lieu l'adjudication aux en
chères de la construction du chemin de fer de Lis
bonne à la frontière d'Espagne. Les ministres, le
fisral général des finances et la commission spé
ciale des chemins de fer, s'étaient réunis à cet effet
au secrétariat du royaume. A quatre heures et de
mie, la séance a été ouverte ; elle était présidée par
le maréchal. Un grand nombre de personnes nota
bles y assistaient. Le président a annoncé que trois
propositions avaient été présentées au gouverne
ment, mais qu'une seule avait rempli les formalités
prescrites ; que, des deux autres, l'une proposait
seulement la construction de la ■ première section
de la ligne et que l'autre contenait à peine les
bases de. la formation d'une compagnie ; qu'en
conséquence le gouvernement ne pouvait prendre
ces deux dernières propositions en considération,
mais qu'il acceptait la première. Celle-ci est faite
par une société de capitalistes anglais qui s'est
constituée à Londres sous la raison sociale : Com-
,pagnie cen'rale péninsulaire des chemins de fer
de Portugal.»
Le Moniteur de la Meurthe publie les
détails suivans sur l'accident arrivé au che
min de fer de Strasbourg :
a Une pluie abondante n'avait cessé de tomber
toute la journée et pendant toute la nuit; la terre,
détrempée, d'une nature argileuse, s'est affaissée
■ sous les traverses qui supportent le rail gauche,
et le poids de la machine a produit un écàrtement
de la. voie, qui l'a fait elle-même dérailler, et venir
frapper contre la pile du pont de la route nationale,
n° 4.
» Quoique le "convoi ne marchât pas avec sa
vitesse ordinaire, le choe a été tel, que le tender
s'est placé en travers derrière la locomotive, que
les truis wagons de marchandises qui suivaient ont
- volé en éclats et que le premier wagon de voya
geurs a sauté, on ne sait comment, pardessus
tout ce qui le précédait, c'est-à-dire ceux de mar
chandises et quatre chaises de poste qui n'ont été
qu'endommagées, pour s'asseoir presque sur la
machine renversée. Trois ou quatre personnes qui
se trouvaient dans ce wagon n'ont reçu que de lé
gères contusions.
... » Les derniers wagons ont subi une'rude com
motion qui ne les a fait dérailler qu'en partie, mais
sans leur causer de dommages apparens.
, » Cet accident a eu lieu à cinq heures et demie
du matin, à 9 kil. de Nancy, au train-poste n" 23,
parti de Paris le 19 à sept heures trente minutes
du soir. Le convoi se composait de 17 wagons dont
J3 de marchandises, 4 trucs supportant autant de
voitures particulières, 4 wagons de première classe,
1 mixte et 6 de seconde classe.
» La plupart des voyageurs partis de Paris
avaient été laissés en route, et il n'en restait guè
re qu'une quarantaine. Quelques personnes seu
lement étaient montées à la station de Nancy. Les
blessés, dans ce sinistre, que la Providence a ren
du moins déplorable qu'il pouvait l'être, sont au
nombre de treize, dont huit assez grièvement,
sans cependant offrir de danger pour leur exis
tence.
» Les conducteurs de la machine ont été les
plus maltraités. Lancés sur les bords du chemin,
ils ne sont pas miraculeusement restés sur la
place. Le chauffeur, le graisseur et l'agent des
postes sont ceux qui ont reçu les plus fortes bles
sures. Trois voyageurs seulement sont dans une
situation qui n'a rien d'alarmant, mais plus grave
que celle de leurs compagnons de route,qui n'ont
eu que de faibles contusions.
» Deux de ces personnes, ramenées avec les au
tres blessés du lieu du sinistre à Nancy, dans les
omnibus qui font le service de Saint-Nicolas, et
qui fort heureusement se sont trouvés à passer là
peu après l'accident, ont été déposées à l'hôtel du
Commerce, où un premier pansement leur a été
fait. Cinq employés du chemin de fer ont été trans
portés à l'hôpital Saint-Charles, où tous les soins
qu'exigeait leur triste position leur ont été prodi
gués de la part des médecins et des religieuses de
cet établissement avec le zèle que la charité sait"
inspirer,
» M. le préfet, accompagné de M. le maire de
Nancy, a fait ce matin une seconde visite aux
blessés, qui sont dans un état aussi satisfaisant
que possible. i
» La communication avec Strasbourg est réta
blie. » — (Paul D. de Lascaux.)
Le Journal de la Meurthe nous apporte un
récit plus détaillé de cet accident, dont les
suites, déjà bien graves, pouvaient être si
terribles :
« Les pluies diluviennes qui ont eu lieu pen
dant ces derniers jours ont causé des dommages
de tous genres. En plusieurs endroits, les tems-
semens du chemin de fer ont dû souffrir. Les ter
res qui n'ont pas eu le temps de se tasser, sur la
section nouvellement ouverte, ne pouvaient man
quer d'être déplacées. Entre Nancy et Saint-Nico
las, en-deçà des ponts-jumeaux de Saint-Phlin, et
avant d'arriver à l'endroit où la route franchit la
voie qui se trouve en dontrebas de 7 mètres envi
ron, les eaux avaient occasioné des dégâts extrê
mement graves. Elles avaient, pendant" quelques
minutes, changé la voie en torrent, enlevé le bal
last et dégarni les traverses à ce point, que l'ex
trémité de plusieurs de ces pièces de bois ne po
saient plus sur le sol, et n'étaient soutenues à leur
n.iveau que par les rails. En outre, le terrain en
vironnant avait sensiblement perdu de sa solidité.
Les larges fossés destinés à l'écoulement des eaux
que recevait nécessairement cette vaste tranchée,
n'avaient cessé de déborder, et les terres qui sup
portaient lés rails et le ballast étaient complète
ment noyées.
» Le train-poste parti de Paris avant-hier jeudi,
à sept heures vingt minutes du soir, était arrivé à
la gare de Nancy â cinq heures. C'était un retard
de près de deux heures. Ce retard, au reste, s'était
produit plusieurs fois déjà, et ne préoccupa per
sonne. A cinq heures et quart, le même train-poste
quittait la gare de Nancy et se dirigeait sur Stras
bourg. Il se composait de dix-sept voitures : la lo
comotive et son tender, un wagon de bagages, trois
trucs portant des voitures, et onze wagons- de
voyageurs. Au bout de dix minutes, le machiniste
s'apercevait que le terrain n'était pas très bon, et,
prudemment, ralentissait sa marche. Ce ralentis
sement était assez marqué pour faire croire aux
voyageurs que le convoi s'arrêtait. On était à 10
ou 20 mètres du pont sous lequel passe le chèmin
de fer, quand les traverses manquèrent sous les
roues de la locomotive. La locomotive dérailla
aussitôt.
» En moins de temps quql n'en faut pour y son
ger, la locomotive vient donner contre le talus
qui s'appuie sur la culée du viaduc, et y enfonce
profondément ses deux roues de devant. Le tender
est pressé et complètement rasé par le wagon des
bagages, que viennent à leur tour écraser les trois
trùes- chargés de voitures. Trois des wagons du
train, lancés par un reste d'impulsion, s'élèvent
sur cet amas de débris, à moitié brisés déjà par le
choc. Les autres s'arrêtent enfin.
» Nous n'avons pas besoin de peindre la confu
sion qui succède à cette catastrophe. Les cris de
douleur et d'effroi se mêlent, et, en effet, au pre
mier abord, on dut craindre les plus effroyables
malheurs. Les voyageurs qui ont conservé assez
de présence d'esprit parviennent cependant à sor
tir des wagons et à porter secours aux blessés. La
gare de Nancy est prévenue, des voitures : sont ra
pidement expédiées, M. le docteur E. Simonin,
médecin de l'administration du chemin de fer,
s'empresse de se rendre sur les lieux et prodigue
aux malades les premiers soins.
«Treize personnes ont été transportées à_l'hô-
pital Saint-Charles de Nancy ; voici leurs noms :
» Reau, comptable de chemin de fer à Chartres^
plaie au Iront; Guilluy, directeur du ga? à Diep
pe, fracture de la clavicule; Schnom, chauffeur,
contusions et plaies à la tête, commotion cérébra
le ; Leblanc, courrier des dépêches, plaies à l'occi
put, commotion cérébrale; Fontaine, graisseur,
plaies à la lèvre et au front, commotion cérébrale;
Paillette, chef de train, contusion à la colonne
vertébrale; Vasseur, mécanicien, plaies au front,
contusions, une femme inconnue, pas de blessu
res, commotion générale, et cinq autres dont l'é
tat n'exige pas même de traitement et ne doi
vent pas être mentionnées.
» En tout, sept blessés dont l'état n'inspire au
cune espèce d'inquétude. Tel est, en résumé, la
conséquence d'un accident qu'on ne saurait trop
d plorer.
« Quant au matériel, il a dû nécessairement
beaucoup souffrir. Pour comble de désastre, le
foyer renversé avait mis le feu au wagon les ba
gages, et le terrible événement d\i chemin de Ver
sailles s'était ainsi trouvé trop bien expliqué. Mais
les voyageurs avaient pu quitter'promptement les
wagons, et le feu a été éteint à l'aide de sable et
de boue.
» A onze heures, on voyait encore entassés, au
près du pont, et sur la voie, la locomotive , son
tender, le wagon "de bagages, les trois trucs et
les trois wagons du train. Les.ivagons sont à peu
près démolis ; deux des trucs portaient des chai
ses de poste qui ont été gravement endomma
gées. Un troisième portail une voiture des pom
pes funèbres qui allait en Suisse chercher le
corps d'une dame pour le rapporter à Paris.
Cette voiture a peu souffert. Vers une heure, on a
pu, à l'aide de câbles, la remonter sur la route.
On s'eH occupé activement de débarrasser la voie.
Le train venant de Lunéville, arrivé à deux heu
res au même endroit, a fait descendre les voya
geurs, qui ont été reprendre, un peu plus loin, un
train venu de Nancy, et qui les attendait pour les
amener ici. La locomotive de Lunéville est restée
sur place, et a fait pendant quelques heures l'es
sai de la voie que l'on répare.
» Il paraît positif que la voie était déjà compro
mise depuis quelques jours. Les convois passaient
à petite vitesse sur cette partie de la route. Mais
on était bien loin de penser que les choses fu»-
seot à ce point. Hier matin,, en relevant les traver-
on tro uvait l'eau à quelque vingt centimètres
seulement. Des travaux supplémentaires vont être
entrepris, et l'on peut s'en rapporter à l'habileté
de nos ingénieurs pour conjurer le retour d'un
fait qui ne s'explique que par la précipitation ap
portée à l'ouverture de la section et l'effet pro
duit par une pluie exceptionnelle sur un terrain
non encore éprouvé.
» Nous devons ajouter que des rapports officiels,'
destinés à rassurer le public, ont été adressés à
Paris, immédiatement après l'événement connu,
par les différentes autorités. » — (A. Lemachoi3.)
Nous apprenons que le ministre des tra
vaux publics a fait partir un ingénieur pour
Nancy, avec la mission de lui faire un rap
port sur ce trisse événement.
La Ré publique.de, Tarbes, publie en tète de
son numéro du 19 août, un premier avertis
sement qu'elle vient de recevoir en ces ter
mes :
Le préfet du département des Hautes-Pyrénées^
Vu l'article publié parle journal la République,
de Tarbes, du 17 de ce mois, commençant par ces
mots : « Trois prix ont été courus » et finissant
par céux-ri : « fussent l'objet de la moindre in
convenance. »
Vu le décret du 17 février 1832 ;
Considérant que le journal la République laisse
percer depuis quelque temps une hostilité mal dé
guisée envers "l'autorité départementale ; que l'ar
ticle dont il est parlé ci-dessus, notamment, dé
passe les bornes d'un compte-rendu loyal et véri-
dique, et contient, dans une intention perfide et
malveillante, des insinuations de nature à exciter
la mésintelligence entre diverses autorités et à
faire croire au public que cette. mésintelligence
existe.
Arrête :
Art. 1 er . Un premier avertissement est donné au
journal la République, de Tarbes, dans la person
ne de son imprimeur-gérant, signataire de l'are
ticle. #
Fait à Tarbes, le 18 août 1852.
Le préfet, o. masst.
NOUVELLES ÉTRANGÈRES.
ANGLETERRE.
Hier a eu lieu à Leeds l'inauguration de la sta
tue de sir Robert Peel, en presence d'au moins
40,000 personnes, Cette statue, de huit pieds six
pouces de hauteur, est placée sur un piédestal de
granit d'Ecosse de onze pieds et demi. L'auteur
e-t M. Behnes, sculpteur ordinaire de S. M. L'œu
vre est patfaite ; elle représente sir Robert Peel
dans l'attitude qu'il prenait quand il parlait à la
chambre des communes, tenant à la main droite un
rouleau de papier, et la main gaùche placée sur la
hanche^ La ressemblance est frappants et fait hon
neur à l'artiste. (Express.)
— C'est un fait remarquable qu'il existe aujour
d'hui cinquante-trois pairs sans héritiers,mâles
connus ou présomptifs. Conséquemm-nt, à leur dé*
cès sans enfans, leurs titres seront éteints. Parmi
les noms les plus remarquab'ïés de ces cinquante-
trois pairs, on trouve le duc de Cambridge, les
comtes Coruwallis,Durham, Fitz-Hardiuge, Oxford,
Glengall, etc. ; les vicomtes Ber. sford, Canning,
Melbourne, e(c. ; les barons Brougham, Fairfax,
Douglas, Holland, Howden, Lyndtiurst, iNugent,
Redesdale, tte. Depuis quelques années, les titres
suivans se sont éteints. : Ducs d'Orset, Sussex;
marquis Wellesley, comtes Liverpool, Hoscom-
mon, etc. ' (Morning-Herald.)
ALLEMAGNE.
berlin, 19 août.—La prochaine séance du con
grès douanier aura lieu demain. Le bruit court,
dans les cercles bien informés, que.la conférence
douanière pourrait bien se disioudre, attendu que le
gouvernement prussien a résolu de ne céder dans
aucun cas.
Les états de la coalition ont abandonné l'idée de
l'union douanière austro-allemande ; mais ils in
sisteront pour la conclusion immédiate d'un traité
de commerce avec l'Autriche.
Sur la demande de M de Varennes, ambassadeur
de France, le Kladerartatsch (Charivari ), a reçu un
avertissement semblable à celui qui a été donné
dernièrement/à la Nouvelle Gazette de Prusse. Ces
deux journaux sont les seuls qui jusqu'à présent
aient été l'objet d'une pareille mesure.
(Gaz. de l'Empire d'Allemagne.)
— 11 partit ici 10a journaux politiques, indus
triels, littéraires et scientifiques. 23 de cés jour
naux sont soumis à la loi du timbre. .
(Gaz. du Weser.)
19 août. — La réouverture du congrès douanier
aura lieu vendredi, même en l'absence de M. le
baron de Manteuffel. (Gaz. de Spener.)
— On assure que le roi se rendra directement
par bateau à vapeur de Putbus à Stettin, pour as
sister, le 25 et le 27, aux manœu vres du deuxième
corps d'armée. On assure que l'empereur d'Autri
che et le roi de Bavière auront une entrevue à
Carlsbad. (Nouu. Gazette de Prusse.)
SUISSE.
Dans sa Séance du 17 août, le conseil des Etats
a statué sur les projets d'arrêtés du conseil natio
nal concernant les concessions délivrées par les
cantons de Saint-Gall, Lucerne, Vaud et Thurgovie
pour la construction de chemins de fer.
Les propositions de la commission nommée au
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 23 AOUT.
THÉÂTRES.
PAiiis-ËeYAL : Le Misanthrope et l'Auvergnat, vau
deville en un acte, de MM. Labiche, Siraudin et
Lubise.' Les Eaux de Spa, vaudeville en un acte,
de M. Jules ù ?comt«. — V acdevii.le : Méridien,
vaudeville en un acte, de MM. Pol Mercier, Des-
landes ec Clairville.
La comédie va renaître, on sent qu'elle est
dans l'air; nos poètes sans prétention, — ces
grands observateurs de la mouche qui vole,
— sont prêts à la saisir. Où la fantaisie,
l'humour et le comique vont-ils se nicher? La
semaine dernière un théâtre de genre nous
donnait la comédie de mœurs , un autre
nous donne cette semaine ie vaudeville phi
losophique.
Voulez -vous une grande leçon de mora
le — et de quelle moral?-! — celle que les ca
ricaturistes contemporains ont mise en vo
gue ; — alkz au Palais-Royal, vous y verrez
jouer la piece étonnante qu'on appelle le
Misanthrope et l'Auvergnat. Alceste est en
scène, vous dis-je, sous les traits-bouffons
de Sainvillel C'est- Alceste lui-même, moins
les rubans verts, et tel que le comportent les
réalités actuelles de notre vie bourgeoise et
les. exigences du genre; mais enfin nous
avons l'homme de Molière. Il a pris du ven
tre, il a le sourire railleur aotantque sa. face
lippue s'y prête, il est devenu bourgeois de
Paris, il est vertueux, il aime la veftu, et il
est guéri de sa vertu par la vertu même. Le mi
santhrope de Molière s'en va désolé; Sainville
exprime toute sa satisfaction au public, avant
la chute du rideau, par un. couplet de cir
constance. On se passe de Célimène dans le
nouveau Misanthrope ; s'il y avait une Céli
mène, il eut Mlût qu'Alceste l'épousât pour
ne point manquer aux traditions dupetitgen-
re; quantà Philinte,—voyez jusqu'où vont la
force, l'audace et le paradoxe de nos jeunes
auteurs, Philinte,—et c'est pourtant un sim
ple Auvergnat,—corrige le misanthrope sans
même employer l'arme du rais6lm(;ment.
Tout est en action ; ce que les anciens poè
tes disaient, on le joue maintenant; on ne
s'arrête-plus aux tirades, il faut absolument
des cabrioles, fans quoi les spectateurs pré
tendraient qu'on ieur manque de respect et
que l'art est dans le marasme.
Va donc pour la cabriole, pour la roustis-
sure , pour la farce; et trop heureux som
mes-nous si la farce est gaie, courte et ori
ginale 111 y a des gens lugubres et conscien
cieux qui ; prenant leur grosse tête à deux
mains, méditent pendant des mois, entiers
quelque sujet banal, et mettent leurs belles
platitudes en versjaunés comme le ûénuphar;
ces gens se disent auteurs comiques, avec ap
probation de toutes les académies. Il y a en
core des gens doués par la nature d'un sang-
lroid invincible, d'une entière stérilité d'i
magination, qui se, croient appelés, bien
moins par vocation que par spéculation, à
devenir fantaisistes. Ces malheureux se tor
dent le cervéau elles membres, cherchant la
fantaisie à l'aide des procédés mécaniques les
plus terribles ; au besoin ils se feraient désar
ticuler pour avoir dans la démarche quelque
chose d'étrange; s'ils réussissent à se don
ner une entorse et à se rendre boiteux pour
la vie r les voilà ravis, tout fier? de leur infir
mité et regardant avec mépris les gens qui
marchent droit, ils entretiennent des folles
du logis dont ils se croient les amans de cœur,
et au besoin font une muse de leur cuisinière,
d'où il résulte que tous les plats sont brûlés
et que l'estomac pâtit et se gâte, alors mê
me que la raison résiste à tant d'atta
ques. Perdre la raison, ô rêve! Prendre
la fièvre chaude, et se perdre dans les
nuages de la fantaisie, 6 bonheur ! Quelque
fois nos forcenés fantaisistes obtiennent de
leurs efforts continus un ramollissement de,
cerveau, mais le plus souvent ils sont sauvés
par leur constitution; dans les plus grands
accès, au milieu de leurs plus folles extrava
gances. on peut toujours les comparer à ces
éplleptiques de fantaisie, qui écument à
l'aide d'un petit morceau de savon ; vienne
un sergent de ville, l'attaqua, la fantaisie si
vous l'aimez mieux, est bien vite passée.
Parlez-moi de la comédie et de la fantaisie
du théâtre du Palais-Royal ; comédie sans
souci, fantaisie à laquelle on ne songeait
pas, et c'est la bonne !
Les poètes de la maison ne prévoient pas
les malheurs de si loin ; ils ne s'enferment
guères dans le silence du cabinet, ils se
promènent au contraire le plus qu'ils peu
vent, regardant autour d'eux ce qui se
passe ; cela d'instinct ; et bien loin de
faire les profonds observateurs à la cheve
lure en coup de vent, à l'attitude olympienne,
à l'œil perçant, qui ne regardent jamais rien
tant, lorsqu'ils ont l'air de regarder lë mieux
l'humanité, que leur orgueil au fond d'eux-
mêmes ; ils observent tout simplement,
sans s'en douter, et sans qu'on s'en
doute. A la bonne heure ! Ils ne se sur
font point ; ils sont naturels, sincères ,
aussi gais qu'ils le peuvent, fallût-il prodi
guer le gros sel, et cela vaut mieux pour des v
comiques que d'être entièrement dessalés;
ils sont satiriques au besoin, vous l'avez
vu récemmeut dans les Avocats du Gym
nase,; ils ont de l'humour, de l'imprévu,
et je vais bien étonner les fantaisistes de
profession en disant cela : ils sont, je crois,
les seuls qui aient parfois de la fautaisie, tant
il est vrai que le don dénaturé est inimitable,
qu'il faut l'avoir ou ne l'avoir point, que l'art
même ne supplée pas à l'inspiration, et
qu'à cette aimable et rare fantaisie de quel
ques heureux esprits on ne parviendra ja
mais à substituer la grimace, fût-elle érigée
en système et en école. Des systèmes sur la
fantaisie! la théorie de la fantaisie! et une
école de fantaisistes ! ô Aristote ! et ils rient
de ta règle et de ta docte cabale,!
Biais venons aux preuves. D'abord, où
trouver une fantaisie pareille à celle de, nom
mer une pièce le Misanthrope et l'Auvergnat 1
Le titre n'est rien encore en comparaison des
fantaisies, des originalités, des impossibilités
duscenario; et pourtant ilsoat rendu l'impos
sible possible et l'invraisemblance vraisem
blable, au point de vue philosophique du
moins. Le cômique des situations est tel, qu'on
ne demande plus d'intrigue.Un vaudeville sans
intrigue, qu'est-ce de moins qu'une comé
die? Ne cherchez point Arthur, ne demandez
pas Pauline ! Il n'y a pas de veuve coupa
ble ou sensible, pas de mari trompé, pas
de quiproquo/point d'amoureux enfin, ni
d'amoureuse, ni de passion, ni de maria
ge, rien qui sente le roman ordinaire
et l'éternelle péripétie. La pièce pourrait
peut-être se comparer à l'une des conversa
tions que Socrate entretenait avec ses disci
ples,— quoique d'un genre tout différent, et
d'un style moins élevé. Mais Socrate devait
boire la ciguë; malgré son stoïcisme, la pro
chaine perspective de l'immortalité l'eût ren
du forcément assez grave, ne l'tût-il pas été de
nature ; tandis que nos auteurs, ces philoso
phes modernes, ces sages du Palais-Royal,
ont fait vœu sans doute de vider après
le succès I ps bouteilles d'Aï mousseux. Aussi
la gaîté petille-t-elle d'avance dans leurs ver
res. On les traitera de cynique^ nos chers
poètes. —Quoi! n'avez-vous pas honte d'être
si plaisans ? leur diront les messieurs de la
larme à l'œil , toute cette bande de mélancoli
ques, la bande navrée qui se morfond avec dé
lices dans des flots d'encre de la petite-vertu.
O cyniques ! faites comme nous, prenez le
crêpe, portez aussi le deuil... le deuil de
l'esprit gaulois, de la galté française, le deuil
de la comédie ! —La belle jeunesse répond en
agitant, ses grelots,tous les grelots de Momus,
—dont on a fait dessonnettes dans les autres
répertoires;—el le rép ond aussi par certains si
gnes qui en disent plus que de longs discours,
par des signes expressif» que vous me dispen
serez de définir, car nous ne sommes pas
ici au tr éàtre du Palais-Royal.
Toujours est-il que le notable bourgeois
Chiffonntt, riche propriétaire, ame pro
fondément honnête, est en proie comme
Alceste , — lequel, si je ne me trompe ,
était rentier aussi; de plus, noble, beau,
et tout à fait propre à devenir aimable,
pour peu qu'il eût voulu laisser paraître"
d'amabilité , — Chilfonnet, dis-je, est en
proie à la misanthropie. Mais, au lieu d'ê
tre noire, la misanthropie du nouvel Al
ceste est gaie. Chilfonnet se dit que la vertu
a disparu de la surface de la terre, et cet ac
cident le fait rire aux dépens de l'humanité»
Ah ! la vile engence ! Il ne reste que Chilfon
net dans le monde civilisé pour représenter
en sa vertueuse personne la noble image du
Créateur. Tous les autres sontdes coquins. Le
coquin de coutelier, qui vend des rasoirs qui
ne coupent pas; I t coquine de servante qui
vole sur le marché ! Partout le mensonge;
partout la fourbe, la fausseté partout, dans les
bouchesetsur les visages. Lasincéritén'exisla
que sur les lèvres de Chilfonnet, la probité ne
réside point ailleurs que dans le cœur de
Chiffonnât! ce qui l'autorise à justement mé
priser tous ses semblables et,à vilipender
l'espèce. C'est au point que le vice général
finit par flatter la vanité de ce mî#anlhrope, et *
que cet ami (iê la vertu serait désolé de rencon
trer d'honnêtes gens,dans la crainte de perdTi e
un peu de son lustre. Combien de Chifl'onnets
hors du théâtre! Celui qui nous occupe jouit
donc de sa supériorité, et perd fortuitement,
dans l'exercice de ses fonctions, un porte
feuille qui contient quatre mille francs. Nou
velle occasion de récriminer et de déclamer :
—Un hoimêie hoxarrie trouvera l'argent et le
gardera, dit amèrement Chilfonnet. — J e
crois qu'il aimerait mieux perdre tout qu e
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 97.17%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 97.17%.
- Collections numériques similaires Pawlowski Gaston de Pawlowski Gaston de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Pawlowski Gaston de" or dc.contributor adj "Pawlowski Gaston de")
- Auteurs similaires Pawlowski Gaston de Pawlowski Gaston de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Pawlowski Gaston de" or dc.contributor adj "Pawlowski Gaston de")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6697493/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6697493/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6697493/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k6697493/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6697493
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6697493
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k6697493/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest