Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-08-21
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 août 1852 21 août 1852
Description : 1852/08/21 (Numéro 234). 1852/08/21 (Numéro 234).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 254;
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au tableau qui sera publie- dans le journa^
©s if et 25 de chaque moisi
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S'adresser, franco, pour la rédaction, à Mi CflCHtVAlïCLXBlGNY ,
Les articles déposés ne sont pas rendus^
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actevr en
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
ckefi [Os s'abonne, dans let département, aux Messageries et aux Directions de poste.—A Londres, chez MM Cowie et fils.! S 'adresser , franco, pour l' administration, à M,[DenàiN, directeur 'J
| aiii Strasbourg, chez M. Alexandre, pour l'Allemagne, ' |Lm annonce* sort reçues au lmréâ«
PARIS, 20 AOUT.
Le Moniteur publie aujourd'hui un arti
cle sur les conseils généraux plein d'idées
justes et de l'esprit le plus conciliant. Nous
croyons devoir le reproduire.
' ^ LE D' L. VÉR0N.
Le mode de nomination des conseils géné
raux a souvent changé. Sous le Consulat,
l'Empire et la Restauration , les conseillers
généraux étaient choisis par le pouvoir
central ; la loi du 22 juin 1833 les a fait
nommer par les électeurs censitaires; en
484,8, ils ont été élus par le suffrage univer
sel ,'et c'est encore le suffrage universel qui
•vient de les renouveler, en vertu de la loi du
mois de juin dernier. Le gouvernement n'a
pas voulu qu'ils eussent- une autre origine
•que celle du chef de l'Etat et du Corps-Légis
latif, et, s'il s'est réservé Je droit d'en dési
gner les présidens et les secrétaires, c'est afin
que, dans la mise en œuvre de la Constitu
tion nouvelle", tous les élémens marchent en
parfaite harmonie.
Le gouvernement avait compté sur le bon
sens et les sympathies des populations; leur
confiance a répondu à la sienne. La presque
unanimité des électeurs s'est prononcée en
faveur des hommes sincèrement résolus à se
conder le pouvoir dans son œuvre de pacifi
cation et d'amélioration sociale.
On connaît les attributions des conseils gé
néraux. Tout ce_ qui intéresse les départe-
mens : répartition de l'impôt, budget dépar
temental,^ emprunts, acquisitions, aliéna
tions, édifices publics, voies de communi
cation. instruçtion primaire, établissemens
agricoles ou de bienfaisance ; tout cela est
soumis à la délibération, au contrôle ou à
la surveillance des conseils généraux ; t et,
dans plusieurs questions d'intérêt national,
qui ne dépendent pas de leurs décisions, la
loi leur accorde le droit de donner leur avis
ou de formuler dès vœux.
Le décret du 26 mars, qui a si largement
décentralisé l'administration, ne peut qu'a
jouter à leur importance. La plupart des af
faires, qui n'étaient qu'instruites dans les dè
partemens pour être décidées à Paris, seront
désormais] ugées en dernier ressortaux chefs-
lieux de préfecture. Dans ce nouvel état' de
choses, le zèle et les lumières des conseils
généraux ne feront pas défaut à l'adminis
tration départementale, toutes les fois qu'elle
aura besoin de les consulter.
, Jusqu'ici les conseils généraux ont prouvé
qu'ils comprenaient leur mission, en pre
nant une part active à toutes les mesures
d'intérêt public. Grâce à leur intelligence
des besoins du pays et au concours qu'ils
ont prêté au gouvernement, la France,
qui, sous le rapport des voies de communi
cation, était en arrière de plusieurs nations
voisines , se trouve aujourd'hui parmi les
plus avancées ; à côté des canaux et des che
mins de fer qui s'achèvent, des routes
•nationales qui se rectifient, l'inïmense ré
seau de nos-routes départementales, com
plété par les chemins de grande et de
petite vicinalité, relie entre, eux tous les
points du territoire et permet à la civili
sation de pénétrer jusque dans les derniers
hameaux; les plus modestes villages sont
pourvus de maisons d'école, où les enfans
des deux sexes, -pauvres et riches, reçoivent
cette instruction élémentaire; condition pre
mière de tout développement intellectuel,
tnoral et religieux; les salles d'asiles, les crè-
ehes, les sociétés de secours mutuels se sont
établies au grand avantage des classes labo
rieuses; lés édifices d'utilité générale ont été
construits ouréparés ; l'agriculture a vu par
tout ses efforts encouragés, ses progrès ré
compensés; il n'est pas jusqu'à L'hygiène pu
blique qui n'ait re£u, desconseils généraux,
une impulsion salutaire.
À tous les services rendus par ces con
seils, il faut en ajouter un autre plus im
portant encore : ils ont su, par leur con
duite, s'associer -d'avance à l'acte providen
tiel du 2 décembre. Etroitement liés avec
les populations au milieu desquelles ils
vivaient, les conseils généraux connais
saient mieux que personne les dangers, les
besoins, les vœux du pays ; ils en ont été les
fidèles interprètes, en proclamant, àdeux re
prises et presque unanimement, la nécessité
de réviser une Constitution qui conduisait fa
talement la France àl'abîme. Cette double ma
nifestation de là volonté nationale a été, pour
■i 'élu du peuple, comme la ratification antici
pée de la mesure énergique qui nous a sauvés.
k Quelque bien qu'ils aient fait, les conseils
généraux, pas plus que le gouvernement,
n'ont entièrement rempli leur tâche. Que de
choses restent encore a faire! Achever les
entreprises • eopinesncées ; satisfaire , par
de nouveaux moyens, aux intérêts et aux
besoins nouveaux; coordonner avec les
chemins de fir les anciennes voies de com
munication ; réaliser et répandre ces insti
tutions populaires récemment converties en
lois; redoubler d'efforts pour donner à l'a
griculture l'enseignement et les encourage-
mens qu'elle réclame enco/e, et la faire en
fin profiter des avantages que lui promet
l'établissement du crédit foncier dans tous
les dèpartemens ; telle est, du moins en
grande partie, la mission réservée au con
cours des conseils généraux avec l'adminis
tration du pays.
Mais, pour la remplir, il est une condition
qui domine toutes les autres, sans laquelle
les plus belles institutions sont impuissantes
et les meilleures intentions stériles. C'est
le bon état des finances. Les dèpartemens
n'y sont pas seuls intéressés ; leurs finances
et celle^ (le l'Etat se tiennent par des rapports
étroits, le même budget les renferme, elles
souffrent ou prospèrent par les mêmes cau
ses. Les efforts du pouvoir pour ménager
les ressources et alléger les charges publi
ques profiteraient peu aux contribuables si
les dèpartemens se laissaient entraîner dans
une direction contraire.'
Ces considérations ne peuvent manquer
de frapper les conseillers nouvellement élus ;
ils auront aussi devant les jeux le double
exemple que leur donne le gouvernement.
Jamais les différentes branches des travaux
publics n'avaient reçu pareille impulsion :
chemins de fer , monumens nationaux ,
constructions utiles, en quelques mois,
tout a été décrété et entrepris, au sortir
d'une révolution qui semblait avoir ruiné
la France : et cependant, loin d'augmenter
les impôts , le gouvernement a trouvé le
moyen de les diminuer ! Après avoir dégre
vé de 27 millions la contribution foncière et
de 6 millions la somme des droits d'enregis
trement," il a renoncé à sa part dans le pro
duit des octrois, et-il inspirait une telle con
fiance qu'il a pu réduire de 18 millions l'in
térêt de la dette.
Tout est possible à une volonté forme et
sage, appuyée sur l'ordre et la sécurité pu
blique. Les conseils généraux suivront le
gouvernement dans la vo : e fécondé où il est
entré le premier, et contribueront ainsi pour
une large part à l'accomplissement de la no
ble tâche qu'il s'est imposée : l'amélioration
du sort du peuple et la pacification des es
prits.
Les intentions du chef de l'Etat sont con
nues; les populations ne doutent ni de son
affection, ni de son dévoûment ; mais, pour
réaliser ses vues géuéreuses, il a besoin du
concours actif et loyal de toutes les in
fluences du pays. Déjà, une partie de son
œuvre providentielle est accomplie ; l'or
dre matériel n'est plus troublé ; la confiance
a ramené, avec le travail, l'aisance et la
prospérité: cependant les funestes effets des
doctrines anti-sociales n'ont pas entièrement
disparu; il reste encore des cœurs ulcé
rés à guérir, des intelligences égarées à
ramener, des préventions et des haines à
détruire. C'est surtout au rétablissement
et à l'affermissement de. l'ordre moral que
doivent travailler de concert tous ceux qui,
par leur fortune , leurs talens ou leurs
services, exercent quelque autorité sur
les populations. Nos malheureuses discordes
civiles nous ont fait assez de mal; il est
temps d'y mettre un terme. Pénétré de ces
sentimens , l'élu du peuple ne s'est pas con
tenté de faire un appel à la conciliation, il en
a donné, tout récemment encore, un écla
tant exemple. Les mandataires du pays s'ef
forceront, chacun dans sa sphère, de rame
ner tous les partis au seul qui soit désor
mais honorable et possible, celui que la vo
lonté nationale a deux fois proclamé le parti
de la France. -
Que n'a-t-onpasdit, en 1848, sur les mer
veilles de l'association entre les ouvriers !
C'était à l'association qu'il était réservé'de
détruire le salariat, ce dernier legs de la
barbarie, de faire disparaître l'exploitation
de l'homme par l'homme, et de consommer
l'émancipation des classes laborieuses. Une
espèce de vertige s'était emparéede toutes les
têtes, et les illusions étaient devenues telle
ment générales, que l'Assemblée constituante
jugea nécessaire de^ faciliter, même au prix
de sacrifices, une grande expérience qui pût
éclairer les esprits sur les mérites de cette
prétendue solution du problème social. Une
loi du 5 juillet 1848, votée sans contradic
tion et sans débat, ouvrit un crédit de 3 mil
lions'destiné à être distribué, àtitre de prêt,,
à des associations librement contractées, soit
entre ouvriers, soit entre patrons et ouvriers.
Le moment est venu; après trois années
de pratique, de rechercher et de constater
les résultats de celAe grande expérience. Un
Mémoire, lu récemment à l'Académie-des
sciences morales, par M. Louis Reybaud, et
publié par le Journal des Economistes, nous
fournit à ce sujet des renseignemens pleins
d'intérêt. Il suffira d'en résumer les faits
principaux pour désiller complètement les
yeux de nos populations laborieuses, qui
sont déjà revenues de tant d'erreuis.
On sait qu'un conseil d'encouragement,
formé par le ministre, fut chargé de régler
l'emploi des 3 millions, et de choisir, parmi
les -projets, ceux qui présentaient le carac
tère le plus sérieux. Il y eut, cela se conçoit,
affluence de demandes et concours de sollici
teurs. On évalue à six-cents le nombre des
dossiers qui furent envoyés au conseil d'en
couragement, et, parmi ces demandes, quel
ques-unes embrassaient des corps d'état tout
entiers, comme celles des cordonniers, par
exemple, qui se présentaient avec une véri
table armée d'associés, trente mille person
nes, hommes et femmes, Hien dé plus cu
rieux , d'ailleurs, que les projets de statuts qui
étaient envoyés. Les uns, émanés d'ouvriers,
portaient surtout l'empreinte de l'inexpé
rience; les autres trahissaient, au contraire, la
main des docteurs en socialisme, et se dis
tinguaient par les déclarations de principes
les plus étranges dans un acte de société
commerciale. On y trouvait des articles por
tant. que la société avait pour but l'amélio
ration du sort des travailleurs, qu'elle était
essentiellement démocratique, qu'elle devait
servir à la propagation du bien-être divisé,
qu'elle imposait, comme devoir 'de la frater
nité, une coopération active et le perfection-
nemenPprogressif des produits, etc., etc.
La première chose à faire, en présence
de ces propositions informes, incohérentes
et quelquefois ridicules, c'était de ppser les
règles générales qui devaient présidtr à des
associations de ce genre. C'est ce que fit le
conseil d'encouragement. Il dressa lui-même
deux types de statuts, l'un pour les associa
tions entre ouvriers et l'autre pour les as
sociations entre patrons et ouvriers. Les
associations entre ouvriers furent placées
sous le régime de la société en nom collec
tif, comme le seul convenable et même le-
seul possible. On se montra, du reste, fort
accommodant sur les conditions.Mais telle est
la force des choses,qu'il fallut reconnaître les
salaires, admettre leur inégalité suivant les
aptitudes, répartir les-bénéfices dans la'pro
portion des services rendus. Ajoutons qu'il
fallut encore autoriser l'emploi d'auxiliaires,
qui n'étaient en réalité que de simples sa
lariés. Ainsi le monument d'égalité et de fra
ternité, qu'on avait prétendji éleVer sur.de
nouveauxprincipes,avaitdiî>parupièceàpièce
pour faire place aux règles de justice distri
bué ve qui étaient en usage. Quant aux asso
ciations entre patrons et ouvriers, elles furen,t
organisées de manière à ce que les ouvriers y
fussent traités comme de simples intéressés
dans les bénéfices. La vérité c'est que la plu
part de ,ces associations se rattachaient A
des établissemens anciens, que la crise ma
nufacturière de 1848 avait ébranlés, et aux
quels, pour appeler les choses par leur nom,
le gouvernement accordait un secours, à la
condition de faire participer les ouvriers à
leurs profits. Cette participation des ouvriers
atix bénéficès n'était d'ailleurs qu'une irri
tation de ce qui se pratiquait déjà à l'égard
des employés dans quelques maisons de com
merce et dans plusieurs établissemens in
dustriels. ,
f ■
Une fois ces bases arrêtées, on procéda à
la répartition du fonds de 3 millions. Le con
seil d'encour.agement, dit M. Louis Reybaud,
y mit du zèle et dë la conscience ; mais les
difficultés d'une pareille tâche le dominaient.
IXi bons choix, une distribution judicieuse
'n'svu'àii r.t pu avoir li?u qu'à la suite d'en
quêtes délaillées sur l'objet même de chaque
association et sur les personnes qui de
vaient la composer. Tôùt cela était impossi-
.blei Les erreurs et les .surprises étaient donc
inévitables : il y en eut, et il y en aura
toujours toutes les fois que l'on voudra
faire jouer à l'Etat le rôle de commanditaire
et de banquier. Quoi qu'il en soit, les 3 mil
lions furent répartis ; mais comme quelques
allocations furent supprimées ou réduites
par différentes causes, la somme engagée
dans ces essais d'association ne représente
que 2,590.000 fr. -
' Le nombre des associations entre lesquel
les cette somme fut partagée, est de 36,
dont 30 avaient leur siège à Paris et 26
dans les dèpartemens. A Paris, sur les
30 associations , 27* avaient été contrac
tées entre ouvriers seulement, et 3 en
tre patrons et ouvriers; tandis que, dans
les dèpartemens, sur les 26 autorisées
15 étaient entre patrons et ouvriers et 11 en
tre ouvriers seulement. C'est,-comme on
voit, dans la capitale que les associations
ouvrières, proprement dites, ont été princi
palement essayées. Les 30 associations pari
siennes comprenaient 434 associés. Elles
fiaient d'ailleurs consti tuées suivant des pro
portions très différentes. Sur les 434 asso
ciés, 194 se groupaient dans 6 associations
qui avaient reçu 178,000 fr., tandis que les
240 autres en formaient 24 qui avaient reçu
612.000 fr.; ce qui représentait 922 fr. par
tête dans le premier cas et 2,2S0 fr. par tête
dans le second. Il y avait même telle asso
ciation (fabricans de châles) qui ne comptait
que 18 membres, et qui avait reçu 200,000
-fr., soft plus de 11,000 fr. par associé. Nous
Venons de dire que, sur les 26 associations
des dèpartemens, il y en avait 15 entre pa
trons et ouvriers ; ces 15 associations ont
absorbé à elles seules la moitié à peu près
de la somme employée, c'est à-dire 2,220,000
fr., soit en moyenne plus de 80,000 fr. cha
cune; quant aux 11 associations entre ou
vriers, elles ont reçu 480,000 f., dont 300,000
fr. ont été accordés à deux associations d'ou
vriers en soie de la ville de Lyon. Il se
rait trop long d'énumérerles industries aux
quelles ces associations appartenaient. Nous
remarquerons , seulement, que la plupart
des industries, à Paris, consistaient en in
dustries parcellaires, tandis qu'au contraire,
cLins les dèpartemens", elles étaient de la na
ture de celles qui s'exercent dans les usines
et qui exigent l'emploi d'un matériel plus
ou moins dispendieux.
Quelle est aujourd'hui la situation de ces
56 associations auxquelles on a fait-des con
ditions si avantageuses; dont oh n'a exigé
que 3 0/0 quand les prêts ne dépassaient pas
25.000 Ir. et 5 0/0 quand ils étaient plus
considérantes.; qui n'ont été assujetties qu'à
»itn remboursement annuel, réparti sur toute
la durée de la société, vingt ans en moyenne,
et calculé de manière" à ne peser que fai
blement sur les premières années d'exploi
tation-; que le conseil d'encouragement n'a
cessé de .suivre avec toute la sollicitude d'un
tuteur éclairé et bienveillant?
Voici le jugement que porte M. Louis Rey
baud d'après Tei amen des livres et des écri
tures de commerce. Les unes oftt dévoré leur
capital sans fournir de travail'utile ; les au
tres parviennent à écouler quelques mar
chandises, mais en si petite quantité, que les
frâis généraux sont loin d'être couverts ;
dans l'un et l'autre cas, la ruine est au bout.
Quelques-unes, il est vrai, présentent des
invintaires où les pertes et profits se
balancent, et qui même se soldent en
bénéfice; malheureusement, il y a Beaucoup
d'illusions sous la plupart de ces chiffres ; il
faudrait savoir ce que valent en réalité les
marchandises en magasins et les créances à
recouvrer. Ce qui prouve d'ailleurs que tou
tes ces associations sont loin d'être en pleine
prospérité, c'est que très peu d'entre elles
joliissënt d'un crédit privé et personnel.
^Màis nous pouvons citer des faits plus con-
cluans. Vers le milieu de 1851, c'est à dire
deux années après l'installation de ces associa
tions, on a fait dresser un état des révoca
tions de prêts. Qu'en résulte-t-il? Que,
dans cette/période, 18 établissemens, ayant
reçu 589,000 francs, avaient cessé d'exister,
savoir : 10 à Paris, représentant 142,000 fr.,
et 8 en province, représentant 447,000 fr.
Ainsi, après une première campagne, 18
établissemens sur 56, ou près du tiers de
l'armée, étaient déjà hors de combat. Mais,
depuis cette époque, 12 nouvelles révoca
tions de prêts, montant à 365,000 fr., ont
été prononcées, 8 à Paris'pour une som
me de 202,000 fr., 4 dans les dèpartemens
pour une somme de 163,000 fr. En résumé,
30 établissemens sur 56, ou plus de la moi
tié, sont en pleine dissolution.-La proportion
des morts est, pour les établissemens de Pa
ris, de 18 sur 30, et, pour ceux des dèpar
temens, de 12 sur 26.
Nous ne sommes pas d'ailleurs au bout
des mécomptes et.des échecs. M. Louis Rey
baud estime que, sur les trente associations
de Paris, il en reste à peine 7 ou 8 douées
de quelque vitalité, et, sur les 26 des dépar
tement, 5 ou 6 tout au plus ; ce "qui rédui
rait à 12 ou 14 sur 56, c'est-à-dire à moins du
quart, le nombre des établissemens suscepti
bles de survivre. Le calcul paraît même avoir
été fait largement en faveur des associations.
On les voit, en effet, solliciter, presque toutes,
et à très peu d'exceptions près,' la remise
des annuités dues pour l'intérêt et l'amortis
sement des sommes prêtées. Il y a mieux.
Les associations en voie de prospérité s'ap
puient sur leur prospérité même pour récla
mer de nouvelles allocations, et, si l'on vou
lait faire droit à ces demandes, il faudrait
accorder encore une somme au moins égale
à celle qui a été distribuée.
Signalerons-nous les motifs graves qui ont
entraîné la ré /ocation des prêts ? C'est un
gérant qui emporte la caisse et les registres
de'la comptabilité; ce sont des associés qui
ne travaillent pas et qui se partagent les ■
avances du trésor jusqu'à épuisement ; ce
sont des sociétés, abandonnées par tous les
membres, de telle sorte que, lorqu'on
se transporte "àu siège social, on n'y
trouve plus personne ; ce sont des dois
réels, de mauvais emplois de matières, des
suppositions de signatures pour des sous
criptions d'actions ; ce sont ici des ou
vriers sans gérahs, là des gérans sans ou
vriers; ce sont des faillites déclarées quel
ques mois à peine après les versemens opérés
par l'administration; ce sont des ouvriers
qui réclament eux-mêmes une liquidation
pour dégager leur responsabilité et recou
vrer leur libre-arbitre.
Telle est, dans le moment actuel, la situa
tion des associations que l'Etat a fondées de
ses mains et aux frais du trésor. La grande
majorité a succombé; le petit nombre de
celles qui résistent ne le doivent qu'à une
sorte d'abandon des principes qui avaient
présidé, à leur création, ainsi qu'à la trans
formation de leurs premiers élémens, "et.,
si elles parviennent à se maintenir, ce
ne sera qu'à la condition d'emprunter à
l'industrie régulière ses méthodes de ges
tion, son unité, sa stricte discipline. Je
craindrais de passer pour un esprit en
clin au pis-aller, dit M. L. Reybaud, si
je. disais quel est le nombre de celles que
je crois, après un examen attentif des
faits , susceptibles ' de franehir heureuse
ment cette dernière épreuve. j. burat.
Déjà MM. Bincau, ministre des finances, et
Persigny, ministre de l'intérieur, sont en congé.
M. Fould, nommé président du conseil général des
Hautes-Pyrénées, va partir pour Tarbes. M. For-
toul se rend, de son côté, à Digpfe, pour présider
le conseil des Basses-Alpes.
. De nouveaux congés vont être rendus nécessai
res par la tenue des conseils généraux, si tous les
ministres désignés comme présidens de ces con
seils allaient y siéger : M. Abbatucci devrait se
rendre à Orléans, M. de Saint-Arnaud à Bor
deaux,- M. Magne, à Périgueux, M. deMaupas, à
Troyes.
Il ne resterait à Paris que MM. Drouyn de
Lhuys et Ducos. l. boniface.
Un supplément de la Gazette de Londres an
nonce que, dans un conseil de cabinet tenu
à Osborne le 18 août, la reine d'Angleterre a
chargé le lord.haut chancelier de : proroger
le parlement du20 aoi)tau21 octobre.Com
me le texte de la proclamationroyale n'ajoute
pas la formule consacrée que le parlement
se réunira ce jour-là pour l'expédition des
affaires, il en résulte que l'époque de la con
vocation des chambres n'est pas encore défi
nitivement fixée ; néanmoins elle ne saurait
être reculée au-delà des premiers jours d»
novembre prochain. t. boniface.
Nous avons aujourd'hui , 20, des nouvelles d'Al
ger du 15 au matin. C'est encore un jour gagné
dans nos communications avec nos possessions
d'Afrique.
La statue en bronze du maréchal Bugeaud
était dressée sur son piédestal à Alger, au centre
de la place d'Isly. - L'inauguration de cette statue
devait être le principal épisode dè la fête du 1S août.
Le Moniteur algérien rend compte des prépa
ratifs faits pour cette solennité.
« Trois tribunes circulaires élégamment décorées
ont été, dit-il, construites en face dé la statue : celle
du milieu, plus élevée que les deux autres,
est destinée à recevoir le gouverneur-général,
la famille du maréchal, les représentans du prinr-
ce-Président de la République et dû ministre de
la guerre , les membres de la commission dé
souscription du monument, et lesdélégués de tous
les services civils et militaires ; les autres sont ré
servées à l'armée ou aux fonctionnaires des admi
nistrations et à la population civile. Une députa-
tion de 150 militaires pris dans les trois divisions
de l'Algérie, parmi les officiers, sous-officiers et sol-
d îts qui ont assisté à la bataille d'Isly, formeront,
autour de la statue, une garde d'honneur. Après les
discours qui seron t prononcés par le gouverneur-gé
néral, par lès représentans du prince-Président et du
ministre de la guerre et parle secrétaire général du
gouvernement, président de' la commission de
souscription, le mariage de deux orphelins, choisis
dans les établissemens de Ben-Aknoun et de Mus
tapha, et dotés sur les fonds mêmes de la sous
cription, sera célébré au pied du monument. Les
troupes défileront énsuite devant leur ancien gé
néral.
» Le monument est d'un aspect imposant et sé
vère qui n'exclut pas l'élégance et qui est remar
quable surtout par l'harmonie des proportions.
L'Algérie, qui renferme dans ses entrailles tant de
richesses géologiques, devait nécessairement faite
les frais du piédestal, aussi a-t on choisi pour lè
construire des porphyres provenant des roches du
Cap de Fer, à l'est du golfe de Stora, dans, la pro
vince de Constantine. L'extraction de ces porphy
res a présenté de très grandes difficultés, qui ont
été^ très heureusement vaincues, grâce au dé
voûment et à l'intelligence de M. l'ingénieur
des ponts-et-chaussées Bilhard , chef de l'ar
rondissement de PhilippevilJe. Les divers ser
vices militaires et la marine nationale ont éga
lement prêté un concours précieux à cette opé
ration, que le patriotisme de tous conduisait avec
une activité entraînante. Il n'est pas sans intérêt,"
du reste, de rappeler rapidement ici les détails de
cette pelite campagne accomplie avec succès par
des hommes qui ont eu à lutter contre les intem
péries de la saison et contre les difficultés maté
rielles que présentait le maniement des lour
des masses de pierres , sur un sol profondé
ment raviné et sur une côte hérissée d'écueils.
» Dans la nuit du 15 au 16 février 1852, deux
gondoles partaient de Philippeville pour le Cap
de Fer avec une trentaine d'ouvriers et le matériel
nécessaire à l'opération. Elles abordent au Cap
le 16 , dans la journée et jettent sur la côte
les outils qu'on est obligé de transporter à dos de
mulet, auprès des masses à exploiter. Bientôt, le
temps devient affreux, les auxiliaires militaires
qui devaient renforcer le chantier sont, pendant
plusieurs jours, dans l'impossibilité de quitter
Philippevilie; c'est à peine si on peut faire parve
nir, par la voie de terre, des vivres aux travailleurs.
Cependant, les travaux n'en commencent pas moins
sous la direction de l'ingénieur, et, dans les pre
miers jours de mars, on avait réussi à détacher un
bloc immense qu'on s'occupait de partager pour en
former les différentes parties du piédestal. Les
travaux continuent malgré la tempête ; on travaille
la nuit pour retrouver le temps perdu pendant le
jour. On softde la côte pour trouver le pointjp
plus favorable à l'accostage et à l'embarquement
des blocs équarris, on établit les plans inclinés et
les agrès pour les faire parvenir à la mer. La ma
rine de son côté prépare, à Alger, un ponton dont
les dimensions sont combinées avec l'état des
lieux ; un bateau à vapeur spécial est affecté au
remorquage du ponton. Ce bateau ( l'Euphrate)
part d Alger le 8 mai pour aller prendre un pre
mier chargement de blocs dans lequel se trouve la
pièce principale, qui ne pèse pas moins de 16 ton
neaux. Le bordage s'effectue heureusement, et les
blocs arrivent le 23 mai à Alger, où ils sont im
médiatement mis en oeuvre. Maïs avant que le ba
teau ait pu revenir au Câp-de-Fer, les événemens
qui ont agité la province de Constantine nécessi
tent le rappel des troupes et des travailleurs. Le
chantier du Cap-de-Fer est évacué précipitamment
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 21 AOUT.
GBÏMOD DE LA REYN1ÈRE.
IX.
Ll# PÈRES DE IA TABLE.
Suspendez au plafond les jambons de
Rayonne et de Westphalie, couronnés de
lauriers 1 Que les terrines dé Nérac s'unis
sent aux pâtés d'esturgeons et d'alouettes !
Que l'orgueilleuse carpe du Rhin s'étale à
côté de la délicate truite genevoise I Mariez
au rouge éclatant des écrevisses le vert
joyeux, des asperges; et, sur la nappe co
quettement nouée à ses quatre coins, entas
sez, sans crainte de profusion, les bouteilles
en forêt : celles-ci, nettes et solides, laissant-
briller à travers leurs flancs le vin rosé de la
Bourgogne; celles-là, les fluettes bordelaises,
arrachées violemment au travail des sœurs
d'Arachné et toutes couvertes encore dejeurs
festons poudreux 1
Allumez les bougies, tenez les portes clo
ses; que le silence, fils de l'ittente, soit à
peine troublé pajr ce léger bruit que donne
le sourire, en échappant à des lèvres impa
tientes ou par ces derniers soupirs-qu'exba-
leut les viandes gémissantes subitement ra
vies à la cuisson. Petits nuages odorans for
més par la vapeur des'naets, amoncelez-vous
au-dessus de nos têtes et faites une atmos
phère à nous enivrer !—Lesdéficesde la table
veulent leur harmonie graduée, douce et ré
fléchie d'abord, comme le potage qui l'ins
pire; puis légère, sautillante même, à l'unis
son des relevés et des entrées , excitante com
me un filet de lièvre glaeé a l'essence d'an
chois, distinguée comme, une purée de gi
bier à la turque, ou simplement idyllique
comme une balotine d'agneau en musette ;
ensuite elle devient sévère avec les bouts de
table, solennelle avec les grosses pièces et les
plats de rôt ; moment important ! milieu dé--
cisif!
Le Consulat et l'Empire ramenèrent l'ap
pétit en France. Ce fut une belle époque, à
l'abri de tout sarcasme. Nul mieux que le
somptueux Càmbacérès ne pouvait renouer
la chaîne des traditions gastronomiques ; il
se montra à la hauteur de sa mission et fit
de son hôtel, situé sur la place du Garrousel,
un temple à Cornus, où les adorateurs ne
manquèrent pas. A leur tête était le célèbre
d'Aigrefeuille, anciea procureur-général de
la cour des Aides de Montpellier, un oracle
en matière de dégustation, visage vermeil et
rebondi, esprit éclairé et artiste. Cambacérès.
etd'Aigrefeuille! A moins d'ingratitude, voilà
deux noms que nous ne pourrons jamais ou
blier ni désunir; ils ont ouvert les battans du
XIX° siècle et crié les premiers : Le dîner est
servi! Autour d'eus se pressaitun bataillond'é-
lite, unbatailionsacré : Joseph Roques, appré
ciateur savant de toutes les combinaisons
alimentaires : le marquis de Cussy, un raf
finé des meilleurs temps; Brillat-Stvarin,
magistrat aimable, qui, lesjours d'audience,
incommodait tous ses collègues par l'odeur
du gibier qu'il apportait dans ses poches
pour le faire faisander ; Camerani, l'homme
du potage étourdissant qui porte sou nom,
le phénix des potages, un potage qui, pour
être bien fait, ne revient pas à moins de
soixante francs — pour deux personnes.
Fut-ce un effet de la diète subie.trop long
temps sous la Révolution? Le nombre des
gourmands augmenta. A ces temps désas
treux, où deux onces d'un pain noir et mal
sain formaient toute la nourriture d'un ha
bitant de Paris; où, avec une rame d'assi
gnats, on ne pouvait, dans les campagnes,
obtenir un sac de farine, succédèrent des
temps de Cocagne, où la table ne fut pas mise
seulement pour quelques privilégiés, mais
pour tout le monde. L« cabaret devint restau
rant : il s'appela les Provençaux^ le Rocher de
Cancale, le Cadran bleu. La Révolution avait
ruiné tous les maîtres de maison et mis les
bons cuisiniers sur le pavé ; il ne leur res
tait plus qu'à s'employer au service du pu
blic : c'est ce qu'ils firent; et- ce qui n'était
qu'une ressource extrême, imparti conseillé
par la nécessité, devint pour eux l'urigine
d'une fortuue extraordinaire. Outre qu'ils
popularisaient un art longtemps circonscrit
dans les régions supérieures, ils travaillaient
à leur gloire, et se forgeaient des noms qui
'durent encore. Ils furent d'abord aidés dans
cette transformation par cette inondation su
bite de législateurs sans domici le et par cette
crue de nouveaux riches qui, nevoul'iiit point
tout d'un coup ouvrir maison et afficher un
luxe qui aurait pu les trahir, entrcdaèrent
par leur exemple tous les Pari.-iens au res
taurant. Encouragées par le retour du nu
méraire, les halles commencèrent à se re
peupler ; au son des écus, les bœufs dei'Au-
vergneetde la NormanJie presseront leur
pas grave pour arriver plus tôt sous la hache
des bouchers; les moutons-du Cotentin et
des Ardennes accourur nt a toutes jambes
pour se métamorphoser en eclanches et en
cotelettès.
Heureusement inspirées, et s associant au
mouvement général," des sociétés particuliè
res s'étaient établies •:. la société du Gigot
deCTaen, la société des'Gobe-Mouches, fon
dée et présidée par Jourgniac de &nnt-
Méard, connu par sa relation si dramati
que des massacres de l'Abbaye, auxquels il
échappa à force de présence d'esprit et de
verve. A plus de soixante ans, Snint-Méard
avait encore le bonheur de faire six repas par
jour, ou, pour mieux dire, il n'en faisait
qu'un séul, lequel commençait le matin et fi-
nissaitle soir, pour recommencer quelquefois
dans la nuit. Ce fut pourl'élat-major de la so
ciété des Gobe-Mouches qu'un pâtissier exé
cuta une ruche entourée d'une multitude d'a
beilles, taut en pâte d'office qu'en pastillage.—
Dans cette même catégorie, bien qu'avec une
étiquetto spéciale, raugeonsaussi les réunions
du Caveau, ces Soupers de Momus, ces Dî
ners du Vaudeville, où la chanson, bien que
considérée comme élément principal, n'em
pêchait ni de manger ni deboire, au contraire-.
Un prmerbe quia obtenu les honneurs de l'a
lexandrin, ou un alexandrin qui est devenu
proverbe, je ne sais pas au juste, affirme que.
rien n'est facile à digérer comme les mor
ceaux caquetés; — qu'est-ce que c'est donc-
alors que les morceaux chantés! Du reste,
àueun doute n'est permis sur la solidité des
repas des sociétés chantantes, lorsqu'on songe
ue parmi les convives habituels, il y avait
es gourmands réputés, ayant fait et faisant
tous les jours leurs preuves, ttls que le gros
et rubicond Ducray-Duminil, Cadet-Gassi-
court, Picard, Dieulafoi, et celui qui s'écriait
si' gaiement :
A quatre heures, lorsque j'entre
Chez le traiteur du quartier»
Je veux que toujours mon ventre „
Se présente le pienuer !
Un poète pratique, celui-là, buvant le vin
qu'il chantait, aimant pour tout de bon l'I
ris oulaFanehettedont il célébrait les appas,
pésaugiers, enfin !
On suppose bien qu'une telle réaction ne
trouva pas Grimod insensible ; moins que
jamais il ne voulut consentir à se laisser
distaneer. Malheureusement la révolution
a.
avait pratiqué des-brèches immenses aux
biens des fermiers-généraux ; tout au plus
s'il pouvait encore, de mois en mois, renou
veler quelques-uns de ces festins qui avaient
fait sa réputation au siècle précédent. Or,
pour peu que nous, soyons parvenu à don
ner une idée de son caractère, il est évi
dent que Grimod n'était pas homme à se
contenter d'une place secondaire. S'il lui
était impossibla d'être le premier, au moins
avait-il l'orgueil d'être classé à part, d'être
le seul. Après de longues méditations, il crut
avoir enfin trouvé le biais qu'il cherchait :
sans.renoncer au-beau rôle d'amphitryon, il
s'empara du rôle, non moins beau et alors
unique, de professeur. Professeur de l'art
manducatoire ! Sur ce terrain il était assuré
de ne rencontrer aucune rivalité ; son auto
rité bien connue allait prévaloir d'un bout
de la France à l'autre ; son jugement allait
planer sur les tables l'es plus orgueilleuses,
et l'ensemble de ses décisions doterait -le
monde d'un code chaque jour consulté , le
code la Reynière !
Ce fut alors qu'il fonda l 'Almanach des
Gourmands, recueil inestimable, commencé
en 1803 ei continué jusqu'en 1811, avec un
succès attesté par de nombreuses réimpres
sions. Il avait découvert sa vraie voie, celle
où son talent d'écrivain, enflammé par une
passion éternellement vivace et soutenu par
des connaissances particulières et profondes,
était le plus susceptible de relief.
X.
L'ALM4.NA.Cn DES. GOURMANDS.
L'Almanach des Gourmands k par un vieil
amateur » (Maradan, libraire), contient tout
ce qu'il importe de savoir, depuis les recet
tes les plus rares et les découvertes les plus
importantes, jusqu'aux innombrables ma
nières de friser et de bâtonner les serviettes;—
comment il faut s'y prendre pour les plier
en coquille simple ou double, en forme de
melon, de coq,' de rat, de perdrix, de faisan,,
de poule avec ses poussins ou de pigeon qui
couve dans un panier; comment on leur fait
figurer deux chapons dans un pâté, t un liè
vre, deux lapins, un coelion de lait, un chien
avec son collier, un brochet, une carpe, un
turbot, une mitre, un poulet d'Inde, une tor
tue, une croix de Lorraine ou une croix du
Saint-Esprit. Le premier volume, qui a eu
trois éditions en fort peu de temps, est
divisé en douze chapitres, indiquant les
productions qui correspondent aux douze
mois de l'année ; les autres volumes, moins
resserrés dans leur plan, et par conséquent
moins succincts, renferment des articles
précieux sur les braisés, les coulis, les
progrès de l'art du four , les ambigus, etc.,
ainsi que des considérations pleines de solli
citude sur la santé des cuisiniers. Un Itiné
raire nutritif, ou promenade dans les prin
cipaux magasins/complète utilement ces
travaux; en donnant l'adresse des fournis
seurs les mieux accrédités.' Chacune des an
nées de.l 'Almanach des Gourmands, est dédiée
à un mangeur illustre, à commencer par
d'Aigrefeuille et à. finir par le docteur Gas-
taldy, mort des suites d'une indigestion à la
fable de Mgr de Belloy, archevêque de Paris
et gourmet émérite lui-même.
Le suceès- de l 'Almanach des Gourmands
rapporta à son auteur un si grand nombre
de cadeaux de toute espèce, tels que bour
riches de gibier, marées princieres, pâ
tés de guignards de Chartres, rouges-gor
ges de Metz, qu 'il lui devint indispensable
d'appeler autour dc .lui un jury . dégusta
teur, composé d'hommes experts , pour
l'aider à se prononcer sur le mérite de ces
envois. Ce jury se réunissait une fois par
i mm S* WssB0$i if s a!ala-It@yal), ih^téï
.852 .r -SAME0I.21 AOOT.
s>mx B3 fABOKMSsaaat
PARIS 13 F. PÀH THSilSTEXi
X)|PABTX5iSNS. "BSï. —
UN HTJMÉftO : ®0 C2I4TIM22»
POU» LES PAYS ÉTBANGÎSBS SS JSpOïtSÎ
au tableau qui sera publie- dans le journa^
©s if et 25 de chaque moisi
■Les tb&mttntnt datent dtt 1" ti 18
dt chaqus «ftcû'g
S'adresser, franco, pour la rédaction, à Mi CflCHtVAlïCLXBlGNY ,
Les articles déposés ne sont pas rendus^
->S
actevr en
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
ckefi [Os s'abonne, dans let département, aux Messageries et aux Directions de poste.—A Londres, chez MM Cowie et fils.! S 'adresser , franco, pour l' administration, à M,[DenàiN, directeur 'J
| aiii Strasbourg, chez M. Alexandre, pour l'Allemagne, ' |Lm annonce* sort reçues au lmréâ«
PARIS, 20 AOUT.
Le Moniteur publie aujourd'hui un arti
cle sur les conseils généraux plein d'idées
justes et de l'esprit le plus conciliant. Nous
croyons devoir le reproduire.
' ^ LE D' L. VÉR0N.
Le mode de nomination des conseils géné
raux a souvent changé. Sous le Consulat,
l'Empire et la Restauration , les conseillers
généraux étaient choisis par le pouvoir
central ; la loi du 22 juin 1833 les a fait
nommer par les électeurs censitaires; en
484,8, ils ont été élus par le suffrage univer
sel ,'et c'est encore le suffrage universel qui
•vient de les renouveler, en vertu de la loi du
mois de juin dernier. Le gouvernement n'a
pas voulu qu'ils eussent- une autre origine
•que celle du chef de l'Etat et du Corps-Légis
latif, et, s'il s'est réservé Je droit d'en dési
gner les présidens et les secrétaires, c'est afin
que, dans la mise en œuvre de la Constitu
tion nouvelle", tous les élémens marchent en
parfaite harmonie.
Le gouvernement avait compté sur le bon
sens et les sympathies des populations; leur
confiance a répondu à la sienne. La presque
unanimité des électeurs s'est prononcée en
faveur des hommes sincèrement résolus à se
conder le pouvoir dans son œuvre de pacifi
cation et d'amélioration sociale.
On connaît les attributions des conseils gé
néraux. Tout ce_ qui intéresse les départe-
mens : répartition de l'impôt, budget dépar
temental,^ emprunts, acquisitions, aliéna
tions, édifices publics, voies de communi
cation. instruçtion primaire, établissemens
agricoles ou de bienfaisance ; tout cela est
soumis à la délibération, au contrôle ou à
la surveillance des conseils généraux ; t et,
dans plusieurs questions d'intérêt national,
qui ne dépendent pas de leurs décisions, la
loi leur accorde le droit de donner leur avis
ou de formuler dès vœux.
Le décret du 26 mars, qui a si largement
décentralisé l'administration, ne peut qu'a
jouter à leur importance. La plupart des af
faires, qui n'étaient qu'instruites dans les dè
partemens pour être décidées à Paris, seront
désormais] ugées en dernier ressortaux chefs-
lieux de préfecture. Dans ce nouvel état' de
choses, le zèle et les lumières des conseils
généraux ne feront pas défaut à l'adminis
tration départementale, toutes les fois qu'elle
aura besoin de les consulter.
, Jusqu'ici les conseils généraux ont prouvé
qu'ils comprenaient leur mission, en pre
nant une part active à toutes les mesures
d'intérêt public. Grâce à leur intelligence
des besoins du pays et au concours qu'ils
ont prêté au gouvernement, la France,
qui, sous le rapport des voies de communi
cation, était en arrière de plusieurs nations
voisines , se trouve aujourd'hui parmi les
plus avancées ; à côté des canaux et des che
mins de fer qui s'achèvent, des routes
•nationales qui se rectifient, l'inïmense ré
seau de nos-routes départementales, com
plété par les chemins de grande et de
petite vicinalité, relie entre, eux tous les
points du territoire et permet à la civili
sation de pénétrer jusque dans les derniers
hameaux; les plus modestes villages sont
pourvus de maisons d'école, où les enfans
des deux sexes, -pauvres et riches, reçoivent
cette instruction élémentaire; condition pre
mière de tout développement intellectuel,
tnoral et religieux; les salles d'asiles, les crè-
ehes, les sociétés de secours mutuels se sont
établies au grand avantage des classes labo
rieuses; lés édifices d'utilité générale ont été
construits ouréparés ; l'agriculture a vu par
tout ses efforts encouragés, ses progrès ré
compensés; il n'est pas jusqu'à L'hygiène pu
blique qui n'ait re£u, desconseils généraux,
une impulsion salutaire.
À tous les services rendus par ces con
seils, il faut en ajouter un autre plus im
portant encore : ils ont su, par leur con
duite, s'associer -d'avance à l'acte providen
tiel du 2 décembre. Etroitement liés avec
les populations au milieu desquelles ils
vivaient, les conseils généraux connais
saient mieux que personne les dangers, les
besoins, les vœux du pays ; ils en ont été les
fidèles interprètes, en proclamant, àdeux re
prises et presque unanimement, la nécessité
de réviser une Constitution qui conduisait fa
talement la France àl'abîme. Cette double ma
nifestation de là volonté nationale a été, pour
■i 'élu du peuple, comme la ratification antici
pée de la mesure énergique qui nous a sauvés.
k Quelque bien qu'ils aient fait, les conseils
généraux, pas plus que le gouvernement,
n'ont entièrement rempli leur tâche. Que de
choses restent encore a faire! Achever les
entreprises • eopinesncées ; satisfaire , par
de nouveaux moyens, aux intérêts et aux
besoins nouveaux; coordonner avec les
chemins de fir les anciennes voies de com
munication ; réaliser et répandre ces insti
tutions populaires récemment converties en
lois; redoubler d'efforts pour donner à l'a
griculture l'enseignement et les encourage-
mens qu'elle réclame enco/e, et la faire en
fin profiter des avantages que lui promet
l'établissement du crédit foncier dans tous
les dèpartemens ; telle est, du moins en
grande partie, la mission réservée au con
cours des conseils généraux avec l'adminis
tration du pays.
Mais, pour la remplir, il est une condition
qui domine toutes les autres, sans laquelle
les plus belles institutions sont impuissantes
et les meilleures intentions stériles. C'est
le bon état des finances. Les dèpartemens
n'y sont pas seuls intéressés ; leurs finances
et celle^ (le l'Etat se tiennent par des rapports
étroits, le même budget les renferme, elles
souffrent ou prospèrent par les mêmes cau
ses. Les efforts du pouvoir pour ménager
les ressources et alléger les charges publi
ques profiteraient peu aux contribuables si
les dèpartemens se laissaient entraîner dans
une direction contraire.'
Ces considérations ne peuvent manquer
de frapper les conseillers nouvellement élus ;
ils auront aussi devant les jeux le double
exemple que leur donne le gouvernement.
Jamais les différentes branches des travaux
publics n'avaient reçu pareille impulsion :
chemins de fer , monumens nationaux ,
constructions utiles, en quelques mois,
tout a été décrété et entrepris, au sortir
d'une révolution qui semblait avoir ruiné
la France : et cependant, loin d'augmenter
les impôts , le gouvernement a trouvé le
moyen de les diminuer ! Après avoir dégre
vé de 27 millions la contribution foncière et
de 6 millions la somme des droits d'enregis
trement," il a renoncé à sa part dans le pro
duit des octrois, et-il inspirait une telle con
fiance qu'il a pu réduire de 18 millions l'in
térêt de la dette.
Tout est possible à une volonté forme et
sage, appuyée sur l'ordre et la sécurité pu
blique. Les conseils généraux suivront le
gouvernement dans la vo : e fécondé où il est
entré le premier, et contribueront ainsi pour
une large part à l'accomplissement de la no
ble tâche qu'il s'est imposée : l'amélioration
du sort du peuple et la pacification des es
prits.
Les intentions du chef de l'Etat sont con
nues; les populations ne doutent ni de son
affection, ni de son dévoûment ; mais, pour
réaliser ses vues géuéreuses, il a besoin du
concours actif et loyal de toutes les in
fluences du pays. Déjà, une partie de son
œuvre providentielle est accomplie ; l'or
dre matériel n'est plus troublé ; la confiance
a ramené, avec le travail, l'aisance et la
prospérité: cependant les funestes effets des
doctrines anti-sociales n'ont pas entièrement
disparu; il reste encore des cœurs ulcé
rés à guérir, des intelligences égarées à
ramener, des préventions et des haines à
détruire. C'est surtout au rétablissement
et à l'affermissement de. l'ordre moral que
doivent travailler de concert tous ceux qui,
par leur fortune , leurs talens ou leurs
services, exercent quelque autorité sur
les populations. Nos malheureuses discordes
civiles nous ont fait assez de mal; il est
temps d'y mettre un terme. Pénétré de ces
sentimens , l'élu du peuple ne s'est pas con
tenté de faire un appel à la conciliation, il en
a donné, tout récemment encore, un écla
tant exemple. Les mandataires du pays s'ef
forceront, chacun dans sa sphère, de rame
ner tous les partis au seul qui soit désor
mais honorable et possible, celui que la vo
lonté nationale a deux fois proclamé le parti
de la France. -
Que n'a-t-onpasdit, en 1848, sur les mer
veilles de l'association entre les ouvriers !
C'était à l'association qu'il était réservé'de
détruire le salariat, ce dernier legs de la
barbarie, de faire disparaître l'exploitation
de l'homme par l'homme, et de consommer
l'émancipation des classes laborieuses. Une
espèce de vertige s'était emparéede toutes les
têtes, et les illusions étaient devenues telle
ment générales, que l'Assemblée constituante
jugea nécessaire de^ faciliter, même au prix
de sacrifices, une grande expérience qui pût
éclairer les esprits sur les mérites de cette
prétendue solution du problème social. Une
loi du 5 juillet 1848, votée sans contradic
tion et sans débat, ouvrit un crédit de 3 mil
lions'destiné à être distribué, àtitre de prêt,,
à des associations librement contractées, soit
entre ouvriers, soit entre patrons et ouvriers.
Le moment est venu; après trois années
de pratique, de rechercher et de constater
les résultats de celAe grande expérience. Un
Mémoire, lu récemment à l'Académie-des
sciences morales, par M. Louis Reybaud, et
publié par le Journal des Economistes, nous
fournit à ce sujet des renseignemens pleins
d'intérêt. Il suffira d'en résumer les faits
principaux pour désiller complètement les
yeux de nos populations laborieuses, qui
sont déjà revenues de tant d'erreuis.
On sait qu'un conseil d'encouragement,
formé par le ministre, fut chargé de régler
l'emploi des 3 millions, et de choisir, parmi
les -projets, ceux qui présentaient le carac
tère le plus sérieux. Il y eut, cela se conçoit,
affluence de demandes et concours de sollici
teurs. On évalue à six-cents le nombre des
dossiers qui furent envoyés au conseil d'en
couragement, et, parmi ces demandes, quel
ques-unes embrassaient des corps d'état tout
entiers, comme celles des cordonniers, par
exemple, qui se présentaient avec une véri
table armée d'associés, trente mille person
nes, hommes et femmes, Hien dé plus cu
rieux , d'ailleurs, que les projets de statuts qui
étaient envoyés. Les uns, émanés d'ouvriers,
portaient surtout l'empreinte de l'inexpé
rience; les autres trahissaient, au contraire, la
main des docteurs en socialisme, et se dis
tinguaient par les déclarations de principes
les plus étranges dans un acte de société
commerciale. On y trouvait des articles por
tant. que la société avait pour but l'amélio
ration du sort des travailleurs, qu'elle était
essentiellement démocratique, qu'elle devait
servir à la propagation du bien-être divisé,
qu'elle imposait, comme devoir 'de la frater
nité, une coopération active et le perfection-
nemenPprogressif des produits, etc., etc.
La première chose à faire, en présence
de ces propositions informes, incohérentes
et quelquefois ridicules, c'était de ppser les
règles générales qui devaient présidtr à des
associations de ce genre. C'est ce que fit le
conseil d'encouragement. Il dressa lui-même
deux types de statuts, l'un pour les associa
tions entre ouvriers et l'autre pour les as
sociations entre patrons et ouvriers. Les
associations entre ouvriers furent placées
sous le régime de la société en nom collec
tif, comme le seul convenable et même le-
seul possible. On se montra, du reste, fort
accommodant sur les conditions.Mais telle est
la force des choses,qu'il fallut reconnaître les
salaires, admettre leur inégalité suivant les
aptitudes, répartir les-bénéfices dans la'pro
portion des services rendus. Ajoutons qu'il
fallut encore autoriser l'emploi d'auxiliaires,
qui n'étaient en réalité que de simples sa
lariés. Ainsi le monument d'égalité et de fra
ternité, qu'on avait prétendji éleVer sur.de
nouveauxprincipes,avaitdiî>parupièceàpièce
pour faire place aux règles de justice distri
bué ve qui étaient en usage. Quant aux asso
ciations entre patrons et ouvriers, elles furen,t
organisées de manière à ce que les ouvriers y
fussent traités comme de simples intéressés
dans les bénéfices. La vérité c'est que la plu
part de ,ces associations se rattachaient A
des établissemens anciens, que la crise ma
nufacturière de 1848 avait ébranlés, et aux
quels, pour appeler les choses par leur nom,
le gouvernement accordait un secours, à la
condition de faire participer les ouvriers à
leurs profits. Cette participation des ouvriers
atix bénéficès n'était d'ailleurs qu'une irri
tation de ce qui se pratiquait déjà à l'égard
des employés dans quelques maisons de com
merce et dans plusieurs établissemens in
dustriels. ,
f ■
Une fois ces bases arrêtées, on procéda à
la répartition du fonds de 3 millions. Le con
seil d'encour.agement, dit M. Louis Reybaud,
y mit du zèle et dë la conscience ; mais les
difficultés d'une pareille tâche le dominaient.
IXi bons choix, une distribution judicieuse
'n'svu'àii r.t pu avoir li?u qu'à la suite d'en
quêtes délaillées sur l'objet même de chaque
association et sur les personnes qui de
vaient la composer. Tôùt cela était impossi-
.blei Les erreurs et les .surprises étaient donc
inévitables : il y en eut, et il y en aura
toujours toutes les fois que l'on voudra
faire jouer à l'Etat le rôle de commanditaire
et de banquier. Quoi qu'il en soit, les 3 mil
lions furent répartis ; mais comme quelques
allocations furent supprimées ou réduites
par différentes causes, la somme engagée
dans ces essais d'association ne représente
que 2,590.000 fr. -
' Le nombre des associations entre lesquel
les cette somme fut partagée, est de 36,
dont 30 avaient leur siège à Paris et 26
dans les dèpartemens. A Paris, sur les
30 associations , 27* avaient été contrac
tées entre ouvriers seulement, et 3 en
tre patrons et ouvriers; tandis que, dans
les dèpartemens, sur les 26 autorisées
15 étaient entre patrons et ouvriers et 11 en
tre ouvriers seulement. C'est,-comme on
voit, dans la capitale que les associations
ouvrières, proprement dites, ont été princi
palement essayées. Les 30 associations pari
siennes comprenaient 434 associés. Elles
fiaient d'ailleurs consti tuées suivant des pro
portions très différentes. Sur les 434 asso
ciés, 194 se groupaient dans 6 associations
qui avaient reçu 178,000 fr., tandis que les
240 autres en formaient 24 qui avaient reçu
612.000 fr.; ce qui représentait 922 fr. par
tête dans le premier cas et 2,2S0 fr. par tête
dans le second. Il y avait même telle asso
ciation (fabricans de châles) qui ne comptait
que 18 membres, et qui avait reçu 200,000
-fr., soft plus de 11,000 fr. par associé. Nous
Venons de dire que, sur les 26 associations
des dèpartemens, il y en avait 15 entre pa
trons et ouvriers ; ces 15 associations ont
absorbé à elles seules la moitié à peu près
de la somme employée, c'est à-dire 2,220,000
fr., soit en moyenne plus de 80,000 fr. cha
cune; quant aux 11 associations entre ou
vriers, elles ont reçu 480,000 f., dont 300,000
fr. ont été accordés à deux associations d'ou
vriers en soie de la ville de Lyon. Il se
rait trop long d'énumérerles industries aux
quelles ces associations appartenaient. Nous
remarquerons , seulement, que la plupart
des industries, à Paris, consistaient en in
dustries parcellaires, tandis qu'au contraire,
cLins les dèpartemens", elles étaient de la na
ture de celles qui s'exercent dans les usines
et qui exigent l'emploi d'un matériel plus
ou moins dispendieux.
Quelle est aujourd'hui la situation de ces
56 associations auxquelles on a fait-des con
ditions si avantageuses; dont oh n'a exigé
que 3 0/0 quand les prêts ne dépassaient pas
25.000 Ir. et 5 0/0 quand ils étaient plus
considérantes.; qui n'ont été assujetties qu'à
»itn remboursement annuel, réparti sur toute
la durée de la société, vingt ans en moyenne,
et calculé de manière" à ne peser que fai
blement sur les premières années d'exploi
tation-; que le conseil d'encouragement n'a
cessé de .suivre avec toute la sollicitude d'un
tuteur éclairé et bienveillant?
Voici le jugement que porte M. Louis Rey
baud d'après Tei amen des livres et des écri
tures de commerce. Les unes oftt dévoré leur
capital sans fournir de travail'utile ; les au
tres parviennent à écouler quelques mar
chandises, mais en si petite quantité, que les
frâis généraux sont loin d'être couverts ;
dans l'un et l'autre cas, la ruine est au bout.
Quelques-unes, il est vrai, présentent des
invintaires où les pertes et profits se
balancent, et qui même se soldent en
bénéfice; malheureusement, il y a Beaucoup
d'illusions sous la plupart de ces chiffres ; il
faudrait savoir ce que valent en réalité les
marchandises en magasins et les créances à
recouvrer. Ce qui prouve d'ailleurs que tou
tes ces associations sont loin d'être en pleine
prospérité, c'est que très peu d'entre elles
joliissënt d'un crédit privé et personnel.
^Màis nous pouvons citer des faits plus con-
cluans. Vers le milieu de 1851, c'est à dire
deux années après l'installation de ces associa
tions, on a fait dresser un état des révoca
tions de prêts. Qu'en résulte-t-il? Que,
dans cette/période, 18 établissemens, ayant
reçu 589,000 francs, avaient cessé d'exister,
savoir : 10 à Paris, représentant 142,000 fr.,
et 8 en province, représentant 447,000 fr.
Ainsi, après une première campagne, 18
établissemens sur 56, ou près du tiers de
l'armée, étaient déjà hors de combat. Mais,
depuis cette époque, 12 nouvelles révoca
tions de prêts, montant à 365,000 fr., ont
été prononcées, 8 à Paris'pour une som
me de 202,000 fr., 4 dans les dèpartemens
pour une somme de 163,000 fr. En résumé,
30 établissemens sur 56, ou plus de la moi
tié, sont en pleine dissolution.-La proportion
des morts est, pour les établissemens de Pa
ris, de 18 sur 30, et, pour ceux des dèpar
temens, de 12 sur 26.
Nous ne sommes pas d'ailleurs au bout
des mécomptes et.des échecs. M. Louis Rey
baud estime que, sur les trente associations
de Paris, il en reste à peine 7 ou 8 douées
de quelque vitalité, et, sur les 26 des dépar
tement, 5 ou 6 tout au plus ; ce "qui rédui
rait à 12 ou 14 sur 56, c'est-à-dire à moins du
quart, le nombre des établissemens suscepti
bles de survivre. Le calcul paraît même avoir
été fait largement en faveur des associations.
On les voit, en effet, solliciter, presque toutes,
et à très peu d'exceptions près,' la remise
des annuités dues pour l'intérêt et l'amortis
sement des sommes prêtées. Il y a mieux.
Les associations en voie de prospérité s'ap
puient sur leur prospérité même pour récla
mer de nouvelles allocations, et, si l'on vou
lait faire droit à ces demandes, il faudrait
accorder encore une somme au moins égale
à celle qui a été distribuée.
Signalerons-nous les motifs graves qui ont
entraîné la ré /ocation des prêts ? C'est un
gérant qui emporte la caisse et les registres
de'la comptabilité; ce sont des associés qui
ne travaillent pas et qui se partagent les ■
avances du trésor jusqu'à épuisement ; ce
sont des sociétés, abandonnées par tous les
membres, de telle sorte que, lorqu'on
se transporte "àu siège social, on n'y
trouve plus personne ; ce sont des dois
réels, de mauvais emplois de matières, des
suppositions de signatures pour des sous
criptions d'actions ; ce sont ici des ou
vriers sans gérahs, là des gérans sans ou
vriers; ce sont des faillites déclarées quel
ques mois à peine après les versemens opérés
par l'administration; ce sont des ouvriers
qui réclament eux-mêmes une liquidation
pour dégager leur responsabilité et recou
vrer leur libre-arbitre.
Telle est, dans le moment actuel, la situa
tion des associations que l'Etat a fondées de
ses mains et aux frais du trésor. La grande
majorité a succombé; le petit nombre de
celles qui résistent ne le doivent qu'à une
sorte d'abandon des principes qui avaient
présidé, à leur création, ainsi qu'à la trans
formation de leurs premiers élémens, "et.,
si elles parviennent à se maintenir, ce
ne sera qu'à la condition d'emprunter à
l'industrie régulière ses méthodes de ges
tion, son unité, sa stricte discipline. Je
craindrais de passer pour un esprit en
clin au pis-aller, dit M. L. Reybaud, si
je. disais quel est le nombre de celles que
je crois, après un examen attentif des
faits , susceptibles ' de franehir heureuse
ment cette dernière épreuve. j. burat.
Déjà MM. Bincau, ministre des finances, et
Persigny, ministre de l'intérieur, sont en congé.
M. Fould, nommé président du conseil général des
Hautes-Pyrénées, va partir pour Tarbes. M. For-
toul se rend, de son côté, à Digpfe, pour présider
le conseil des Basses-Alpes.
. De nouveaux congés vont être rendus nécessai
res par la tenue des conseils généraux, si tous les
ministres désignés comme présidens de ces con
seils allaient y siéger : M. Abbatucci devrait se
rendre à Orléans, M. de Saint-Arnaud à Bor
deaux,- M. Magne, à Périgueux, M. deMaupas, à
Troyes.
Il ne resterait à Paris que MM. Drouyn de
Lhuys et Ducos. l. boniface.
Un supplément de la Gazette de Londres an
nonce que, dans un conseil de cabinet tenu
à Osborne le 18 août, la reine d'Angleterre a
chargé le lord.haut chancelier de : proroger
le parlement du20 aoi)tau21 octobre.Com
me le texte de la proclamationroyale n'ajoute
pas la formule consacrée que le parlement
se réunira ce jour-là pour l'expédition des
affaires, il en résulte que l'époque de la con
vocation des chambres n'est pas encore défi
nitivement fixée ; néanmoins elle ne saurait
être reculée au-delà des premiers jours d»
novembre prochain. t. boniface.
Nous avons aujourd'hui , 20, des nouvelles d'Al
ger du 15 au matin. C'est encore un jour gagné
dans nos communications avec nos possessions
d'Afrique.
La statue en bronze du maréchal Bugeaud
était dressée sur son piédestal à Alger, au centre
de la place d'Isly. - L'inauguration de cette statue
devait être le principal épisode dè la fête du 1S août.
Le Moniteur algérien rend compte des prépa
ratifs faits pour cette solennité.
« Trois tribunes circulaires élégamment décorées
ont été, dit-il, construites en face dé la statue : celle
du milieu, plus élevée que les deux autres,
est destinée à recevoir le gouverneur-général,
la famille du maréchal, les représentans du prinr-
ce-Président de la République et dû ministre de
la guerre , les membres de la commission dé
souscription du monument, et lesdélégués de tous
les services civils et militaires ; les autres sont ré
servées à l'armée ou aux fonctionnaires des admi
nistrations et à la population civile. Une députa-
tion de 150 militaires pris dans les trois divisions
de l'Algérie, parmi les officiers, sous-officiers et sol-
d îts qui ont assisté à la bataille d'Isly, formeront,
autour de la statue, une garde d'honneur. Après les
discours qui seron t prononcés par le gouverneur-gé
néral, par lès représentans du prince-Président et du
ministre de la guerre et parle secrétaire général du
gouvernement, président de' la commission de
souscription, le mariage de deux orphelins, choisis
dans les établissemens de Ben-Aknoun et de Mus
tapha, et dotés sur les fonds mêmes de la sous
cription, sera célébré au pied du monument. Les
troupes défileront énsuite devant leur ancien gé
néral.
» Le monument est d'un aspect imposant et sé
vère qui n'exclut pas l'élégance et qui est remar
quable surtout par l'harmonie des proportions.
L'Algérie, qui renferme dans ses entrailles tant de
richesses géologiques, devait nécessairement faite
les frais du piédestal, aussi a-t on choisi pour lè
construire des porphyres provenant des roches du
Cap de Fer, à l'est du golfe de Stora, dans, la pro
vince de Constantine. L'extraction de ces porphy
res a présenté de très grandes difficultés, qui ont
été^ très heureusement vaincues, grâce au dé
voûment et à l'intelligence de M. l'ingénieur
des ponts-et-chaussées Bilhard , chef de l'ar
rondissement de PhilippevilJe. Les divers ser
vices militaires et la marine nationale ont éga
lement prêté un concours précieux à cette opé
ration, que le patriotisme de tous conduisait avec
une activité entraînante. Il n'est pas sans intérêt,"
du reste, de rappeler rapidement ici les détails de
cette pelite campagne accomplie avec succès par
des hommes qui ont eu à lutter contre les intem
péries de la saison et contre les difficultés maté
rielles que présentait le maniement des lour
des masses de pierres , sur un sol profondé
ment raviné et sur une côte hérissée d'écueils.
» Dans la nuit du 15 au 16 février 1852, deux
gondoles partaient de Philippeville pour le Cap
de Fer avec une trentaine d'ouvriers et le matériel
nécessaire à l'opération. Elles abordent au Cap
le 16 , dans la journée et jettent sur la côte
les outils qu'on est obligé de transporter à dos de
mulet, auprès des masses à exploiter. Bientôt, le
temps devient affreux, les auxiliaires militaires
qui devaient renforcer le chantier sont, pendant
plusieurs jours, dans l'impossibilité de quitter
Philippevilie; c'est à peine si on peut faire parve
nir, par la voie de terre, des vivres aux travailleurs.
Cependant, les travaux n'en commencent pas moins
sous la direction de l'ingénieur, et, dans les pre
miers jours de mars, on avait réussi à détacher un
bloc immense qu'on s'occupait de partager pour en
former les différentes parties du piédestal. Les
travaux continuent malgré la tempête ; on travaille
la nuit pour retrouver le temps perdu pendant le
jour. On softde la côte pour trouver le pointjp
plus favorable à l'accostage et à l'embarquement
des blocs équarris, on établit les plans inclinés et
les agrès pour les faire parvenir à la mer. La ma
rine de son côté prépare, à Alger, un ponton dont
les dimensions sont combinées avec l'état des
lieux ; un bateau à vapeur spécial est affecté au
remorquage du ponton. Ce bateau ( l'Euphrate)
part d Alger le 8 mai pour aller prendre un pre
mier chargement de blocs dans lequel se trouve la
pièce principale, qui ne pèse pas moins de 16 ton
neaux. Le bordage s'effectue heureusement, et les
blocs arrivent le 23 mai à Alger, où ils sont im
médiatement mis en oeuvre. Maïs avant que le ba
teau ait pu revenir au Câp-de-Fer, les événemens
qui ont agité la province de Constantine nécessi
tent le rappel des troupes et des travailleurs. Le
chantier du Cap-de-Fer est évacué précipitamment
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 21 AOUT.
GBÏMOD DE LA REYN1ÈRE.
IX.
Ll# PÈRES DE IA TABLE.
Suspendez au plafond les jambons de
Rayonne et de Westphalie, couronnés de
lauriers 1 Que les terrines dé Nérac s'unis
sent aux pâtés d'esturgeons et d'alouettes !
Que l'orgueilleuse carpe du Rhin s'étale à
côté de la délicate truite genevoise I Mariez
au rouge éclatant des écrevisses le vert
joyeux, des asperges; et, sur la nappe co
quettement nouée à ses quatre coins, entas
sez, sans crainte de profusion, les bouteilles
en forêt : celles-ci, nettes et solides, laissant-
briller à travers leurs flancs le vin rosé de la
Bourgogne; celles-là, les fluettes bordelaises,
arrachées violemment au travail des sœurs
d'Arachné et toutes couvertes encore dejeurs
festons poudreux 1
Allumez les bougies, tenez les portes clo
ses; que le silence, fils de l'ittente, soit à
peine troublé pajr ce léger bruit que donne
le sourire, en échappant à des lèvres impa
tientes ou par ces derniers soupirs-qu'exba-
leut les viandes gémissantes subitement ra
vies à la cuisson. Petits nuages odorans for
més par la vapeur des'naets, amoncelez-vous
au-dessus de nos têtes et faites une atmos
phère à nous enivrer !—Lesdéficesde la table
veulent leur harmonie graduée, douce et ré
fléchie d'abord, comme le potage qui l'ins
pire; puis légère, sautillante même, à l'unis
son des relevés et des entrées , excitante com
me un filet de lièvre glaeé a l'essence d'an
chois, distinguée comme, une purée de gi
bier à la turque, ou simplement idyllique
comme une balotine d'agneau en musette ;
ensuite elle devient sévère avec les bouts de
table, solennelle avec les grosses pièces et les
plats de rôt ; moment important ! milieu dé--
cisif!
Le Consulat et l'Empire ramenèrent l'ap
pétit en France. Ce fut une belle époque, à
l'abri de tout sarcasme. Nul mieux que le
somptueux Càmbacérès ne pouvait renouer
la chaîne des traditions gastronomiques ; il
se montra à la hauteur de sa mission et fit
de son hôtel, situé sur la place du Garrousel,
un temple à Cornus, où les adorateurs ne
manquèrent pas. A leur tête était le célèbre
d'Aigrefeuille, anciea procureur-général de
la cour des Aides de Montpellier, un oracle
en matière de dégustation, visage vermeil et
rebondi, esprit éclairé et artiste. Cambacérès.
etd'Aigrefeuille! A moins d'ingratitude, voilà
deux noms que nous ne pourrons jamais ou
blier ni désunir; ils ont ouvert les battans du
XIX° siècle et crié les premiers : Le dîner est
servi! Autour d'eus se pressaitun bataillond'é-
lite, unbatailionsacré : Joseph Roques, appré
ciateur savant de toutes les combinaisons
alimentaires : le marquis de Cussy, un raf
finé des meilleurs temps; Brillat-Stvarin,
magistrat aimable, qui, lesjours d'audience,
incommodait tous ses collègues par l'odeur
du gibier qu'il apportait dans ses poches
pour le faire faisander ; Camerani, l'homme
du potage étourdissant qui porte sou nom,
le phénix des potages, un potage qui, pour
être bien fait, ne revient pas à moins de
soixante francs — pour deux personnes.
Fut-ce un effet de la diète subie.trop long
temps sous la Révolution? Le nombre des
gourmands augmenta. A ces temps désas
treux, où deux onces d'un pain noir et mal
sain formaient toute la nourriture d'un ha
bitant de Paris; où, avec une rame d'assi
gnats, on ne pouvait, dans les campagnes,
obtenir un sac de farine, succédèrent des
temps de Cocagne, où la table ne fut pas mise
seulement pour quelques privilégiés, mais
pour tout le monde. L« cabaret devint restau
rant : il s'appela les Provençaux^ le Rocher de
Cancale, le Cadran bleu. La Révolution avait
ruiné tous les maîtres de maison et mis les
bons cuisiniers sur le pavé ; il ne leur res
tait plus qu'à s'employer au service du pu
blic : c'est ce qu'ils firent; et- ce qui n'était
qu'une ressource extrême, imparti conseillé
par la nécessité, devint pour eux l'urigine
d'une fortuue extraordinaire. Outre qu'ils
popularisaient un art longtemps circonscrit
dans les régions supérieures, ils travaillaient
à leur gloire, et se forgeaient des noms qui
'durent encore. Ils furent d'abord aidés dans
cette transformation par cette inondation su
bite de législateurs sans domici le et par cette
crue de nouveaux riches qui, nevoul'iiit point
tout d'un coup ouvrir maison et afficher un
luxe qui aurait pu les trahir, entrcdaèrent
par leur exemple tous les Pari.-iens au res
taurant. Encouragées par le retour du nu
méraire, les halles commencèrent à se re
peupler ; au son des écus, les bœufs dei'Au-
vergneetde la NormanJie presseront leur
pas grave pour arriver plus tôt sous la hache
des bouchers; les moutons-du Cotentin et
des Ardennes accourur nt a toutes jambes
pour se métamorphoser en eclanches et en
cotelettès.
Heureusement inspirées, et s associant au
mouvement général," des sociétés particuliè
res s'étaient établies •:. la société du Gigot
deCTaen, la société des'Gobe-Mouches, fon
dée et présidée par Jourgniac de &nnt-
Méard, connu par sa relation si dramati
que des massacres de l'Abbaye, auxquels il
échappa à force de présence d'esprit et de
verve. A plus de soixante ans, Snint-Méard
avait encore le bonheur de faire six repas par
jour, ou, pour mieux dire, il n'en faisait
qu'un séul, lequel commençait le matin et fi-
nissaitle soir, pour recommencer quelquefois
dans la nuit. Ce fut pourl'élat-major de la so
ciété des Gobe-Mouches qu'un pâtissier exé
cuta une ruche entourée d'une multitude d'a
beilles, taut en pâte d'office qu'en pastillage.—
Dans cette même catégorie, bien qu'avec une
étiquetto spéciale, raugeonsaussi les réunions
du Caveau, ces Soupers de Momus, ces Dî
ners du Vaudeville, où la chanson, bien que
considérée comme élément principal, n'em
pêchait ni de manger ni deboire, au contraire-.
Un prmerbe quia obtenu les honneurs de l'a
lexandrin, ou un alexandrin qui est devenu
proverbe, je ne sais pas au juste, affirme que.
rien n'est facile à digérer comme les mor
ceaux caquetés; — qu'est-ce que c'est donc-
alors que les morceaux chantés! Du reste,
àueun doute n'est permis sur la solidité des
repas des sociétés chantantes, lorsqu'on songe
ue parmi les convives habituels, il y avait
es gourmands réputés, ayant fait et faisant
tous les jours leurs preuves, ttls que le gros
et rubicond Ducray-Duminil, Cadet-Gassi-
court, Picard, Dieulafoi, et celui qui s'écriait
si' gaiement :
A quatre heures, lorsque j'entre
Chez le traiteur du quartier»
Je veux que toujours mon ventre „
Se présente le pienuer !
Un poète pratique, celui-là, buvant le vin
qu'il chantait, aimant pour tout de bon l'I
ris oulaFanehettedont il célébrait les appas,
pésaugiers, enfin !
On suppose bien qu'une telle réaction ne
trouva pas Grimod insensible ; moins que
jamais il ne voulut consentir à se laisser
distaneer. Malheureusement la révolution
a.
avait pratiqué des-brèches immenses aux
biens des fermiers-généraux ; tout au plus
s'il pouvait encore, de mois en mois, renou
veler quelques-uns de ces festins qui avaient
fait sa réputation au siècle précédent. Or,
pour peu que nous, soyons parvenu à don
ner une idée de son caractère, il est évi
dent que Grimod n'était pas homme à se
contenter d'une place secondaire. S'il lui
était impossibla d'être le premier, au moins
avait-il l'orgueil d'être classé à part, d'être
le seul. Après de longues méditations, il crut
avoir enfin trouvé le biais qu'il cherchait :
sans.renoncer au-beau rôle d'amphitryon, il
s'empara du rôle, non moins beau et alors
unique, de professeur. Professeur de l'art
manducatoire ! Sur ce terrain il était assuré
de ne rencontrer aucune rivalité ; son auto
rité bien connue allait prévaloir d'un bout
de la France à l'autre ; son jugement allait
planer sur les tables l'es plus orgueilleuses,
et l'ensemble de ses décisions doterait -le
monde d'un code chaque jour consulté , le
code la Reynière !
Ce fut alors qu'il fonda l 'Almanach des
Gourmands, recueil inestimable, commencé
en 1803 ei continué jusqu'en 1811, avec un
succès attesté par de nombreuses réimpres
sions. Il avait découvert sa vraie voie, celle
où son talent d'écrivain, enflammé par une
passion éternellement vivace et soutenu par
des connaissances particulières et profondes,
était le plus susceptible de relief.
X.
L'ALM4.NA.Cn DES. GOURMANDS.
L'Almanach des Gourmands k par un vieil
amateur » (Maradan, libraire), contient tout
ce qu'il importe de savoir, depuis les recet
tes les plus rares et les découvertes les plus
importantes, jusqu'aux innombrables ma
nières de friser et de bâtonner les serviettes;—
comment il faut s'y prendre pour les plier
en coquille simple ou double, en forme de
melon, de coq,' de rat, de perdrix, de faisan,,
de poule avec ses poussins ou de pigeon qui
couve dans un panier; comment on leur fait
figurer deux chapons dans un pâté, t un liè
vre, deux lapins, un coelion de lait, un chien
avec son collier, un brochet, une carpe, un
turbot, une mitre, un poulet d'Inde, une tor
tue, une croix de Lorraine ou une croix du
Saint-Esprit. Le premier volume, qui a eu
trois éditions en fort peu de temps, est
divisé en douze chapitres, indiquant les
productions qui correspondent aux douze
mois de l'année ; les autres volumes, moins
resserrés dans leur plan, et par conséquent
moins succincts, renferment des articles
précieux sur les braisés, les coulis, les
progrès de l'art du four , les ambigus, etc.,
ainsi que des considérations pleines de solli
citude sur la santé des cuisiniers. Un Itiné
raire nutritif, ou promenade dans les prin
cipaux magasins/complète utilement ces
travaux; en donnant l'adresse des fournis
seurs les mieux accrédités.' Chacune des an
nées de.l 'Almanach des Gourmands, est dédiée
à un mangeur illustre, à commencer par
d'Aigrefeuille et à. finir par le docteur Gas-
taldy, mort des suites d'une indigestion à la
fable de Mgr de Belloy, archevêque de Paris
et gourmet émérite lui-même.
Le suceès- de l 'Almanach des Gourmands
rapporta à son auteur un si grand nombre
de cadeaux de toute espèce, tels que bour
riches de gibier, marées princieres, pâ
tés de guignards de Chartres, rouges-gor
ges de Metz, qu 'il lui devint indispensable
d'appeler autour dc .lui un jury . dégusta
teur, composé d'hommes experts , pour
l'aider à se prononcer sur le mérite de ces
envois. Ce jury se réunissait une fois par
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