Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-07-18
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 18 juillet 1852 18 juillet 1852
Description : 1852/07/18 (Numéro 200). 1852/07/18 (Numéro 200).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
KUSEilO 200
IJIMEAÏJX. : rue de Valois Palals-Uoyal}, m
1852.-DIMANCHE 48 JUILLET.
*ltIX SE X.'AIBOWHNeïBIfiM'ï'
PAHIS.» *3 F. PAR TIlIMESTftS
DÉPAHTEMSNS. 16 F. —
ON HUMÉRO : «0 CENTIMES.
fous les pays ETEiNGEBa, as reporter
au tableau qui sera publié dans le journal
les 10 et 23 de chaque mois.
Les abonnement datent dit i" et 16
dt chaque mois.
. S'adresser, franco; pour la rédaction, â h
Les articles déposés ne
PAiUS, 17 JUILLET.
On n'a pas oublié les discussions que
souleva, l'année dernière, la -dépréciation
survenue daDS le prix de l'or. Il faut,
disaient quelques réformateurs empressés,
nous-hâter de révisernos lois monétaires; si
nous tarions, nous allons être envahis par
une monnaie qui, d'ici à vingt ou trente
années , doit perdre vraisemblablement, la
moitié ou les deux tiers de sa valeur. L'ex
périence des derniers mois a montré que ces
appréhensions étaient prématurées.
Rappelons les faits en peu de mots, et
Cherchons à discerner la vérité en recourant
à l'observation qui peut seule fournir des
lumières sur un sujet aussi difficile et aussi
délicat.
La quantité d'or frappée en France de
puis l'établissement du système décimal jus
qu'en 1849, s'élevait à un peu plus de 4 ,300
millions. Mais il s'en fallait de beaucoup que
toute cette monnaie existât encore. La plus
grande partie avait été exportée, et, d'après
les évaluations administratives, il n'en res
tait pas plus de A à 500 millions, en pré
sence d'une masse d'argent monnayé mon
tant à plus de trois millards et demi, c'est-
à-dire sept à huit fois plus considérable que
celle de l'or. Tout à coup on apporta une
grande quantité d'or à. nos hôtels des mon
naies pour le faire frapper à l'empreinte na
tionale. Notre monnayage en or, qui n'avait
été que de 2 millions en 1846 et de 8 en 1847,
monta successivement de 27 millions en
1849 à 8o millions en 1850 et à 270 millions
en 1851.
Il eu résulta que l'or perdit la prime qu'il
avait obtenue presque constamment. On sait
que notre système monétaire reconnaît et
admet deux monnaies légales, deux unités
monétaires bien distinctes, l'argent et l'or,
dont les poids pour la'même valeur sont
dans le rapport de 1 à 15.50. Cependant,
comme les proportions fixes établies entre
les valeurs respectives de l'argent et de l'or
ne peuvent être que fictives, "comme l'ar
gent et l'or obéissent ainsi que toutes les au
tres marchandises aux lois économiques de
l'offre et de la demande, l'or avait conservé
jùsques dans ces derniers temps une valeur
supérieure à la valeur légale. Depuis trente
ans, le rapport moyen de l'argent à l'or
s'était-presque; constamment maintenu à
environ 15 3/4. En d'autres termes, la prime
de l'or étaitdel2àl5 francs pari,000 francs.
Or, cette prime disparut sous l'influence de
l'accroissement des quantités mises en circu
lation, etle rapport commercial entre lesdeux
métaux tendit à se confondre avec le rap
port monétaire i u légal, c'est-à-dire à reve
nir au taux de 15.50 fixé par la loi.
Il y avait là certainement un fait de nature
à fixer l'attention des hommes d'État. Non pas
'que la baisse de l'or, tant qu'elle n'allait pas
plus loin, pût être à regretter. Loin de là, on
ne pouvait que se féliciter de voir les va-
Isurs relatives de l'or et de l'argent se
mettre en harmonie avec les proportions
légales. Nous étions dans la vérité de notre
système monétaire. La pièce de 20 fr. ne va-
lai^ bien réellement que 20 fr., et les trans
actions ne pouvaient que gagner en facilité
à cette concordance parfaite entre la valeur
nominale etla valeur vénale de nosmonnaies.
Mais cette dépréciation de l'or devait-elle al
ler plus loin? Etait-elle le résultat de causes
accidentelles, ou de causes permanentes et
continues? C'était là le point important à
examiner, avant de toucher à notre système
monétaire.
Comme la dépréciation de l'or sur notre
marché s'était manifestée en même temps
que la découverte des nouveaux gîtes auri-
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
gt.-
cn*ckef.
On /abonne, da*s les département, aux Messagtries tt aux Directions de poste>—A Loudre3» thet MM! CûWIï ti FlLî?
— A Strasbourg, chez M. A lexandre;, pour l'Alletnagn
IS'adrester, franco? pour l'administration, à M. D ïnain, directeur 5
Le* annonces sont reçue* au bureau du Journal; et chez M. PÀNIS, régisseur, 10, place de la Bourse
fèresde la Califc#**erfïl était assez naturel d'en
chercher la cause dans l'accroissement de pro
duction du métal. Cette opinion ne tarda pas à
se répandre. On prétendit que nous étions ën
train d'échanger notre argent, marchandise
pour laquèlle il.n'y avait pas de dépréciation
imminente, contre une autre marchandi
se, l'or, que l'abondance devait bientôt
avilir ; que nous faisions un vrai marché de
dupe ; que nous nous exposions à perdre un
milliard ou pltis. Vinrent ensuite les remè
des. Ou proposait, tantôt de faire intervenir
le législateur pour régler, à certaines épo
ques périodiques, le rapport entre les mon
naies des deux_métaux d'après les variations
survenues dans leurs valeurs commerciales,
tantôt de suivre l'exemple de la Hollande et
de démonétiser l'or.
Cependant le gouvernement n'avait pas at
tendu toutes ces rumeurs pour s'occuper de la
question. Dès la fin de 1850, M. Fould, alors
ministre des finances, avait chargé une com
mission, composée d;hommes compétens, de
l'étudier sous ses différentes faces. Cette
commission avait terminé ses travaux dans
le courant de 1851, et, bien qu'elle n'ait pas
publié de rapport, on connaît ses conclu
sions. Elle décida qu'il n'y avait rien à faire
pour le moment, si ce. n'est de s'éclairer
sur la puissance productive des nouveaux
gîtes aurifères et de suivre attentivement les
variations de valeur des métaux précieux
sur les divers marchés.
Pour que la commission eût.élé amenée à
ces conclusions, il fallait qu'après s'être en
tourée de tous les renseignemens et s'être
livrée à une enquête sérieuse,elle eût recon
nu que la baisse de l'or provenait beaucoup
moins de la production californienne que
de circonstances spéciales et temporaires.
- La quantité d'or extraite des .mines de la
Californie n'avait pas encore été assez grande
pour pouvoir affecter sensiblement le cours
de l'or. Si l'influence de la Californie de
vait se faire sentir un jour, ce ne serait
qu'au boutd'un certain nombre d'années, à la
suite d'une production considérable et conti
nue. La plus grande partie de l'or californien
était d'ailleurs restée aux Etats-Unis, où elle
avaittrouvé immédiatement son emploi. Elle
y avait été frappée à l'empreinte nationale, et
l'or tendait à reprendre l'importance qu'il
avait perdue dans la circulation monétaire
de l'Union américaine. ~
D'autres causes avaient agi d'une manière
bien plus directe et bien autrement marquée
sur le cours de l'or en Europe et notamment
en Fiance.
C'était, d'abord, la démonétisation de l'or
en Hollande. La Hollande, par des raisons
complexes sur lesquelles il serait inutile de
revenir ici, s'était décidée à substituer une
monnaie d'argent à sa monnaie d'or. Ce chan
gement radical du système monétaire de la
Hollandeeutpour résultat dejeter toutà coup
une masse de plus de 400 millions d'or sur
les marchés de métaux précieux. Il agit
de deux manières : d'une part7 en repor
tant sur la spéculation tout l'or hollan
dais que l'échange régulier avait absorbé
j usqu'alors, et, d'autre part, en faisant re
paraître au jour une masse de guillaumes
qui restaient conservés dans les coffres. Une
certaine portion vint en France, et il a été
constaté que plus delà moitié dfe l'or apporté
à la monnaie de Paris en 1850, provenait de
florins hollandais.
Une au Ira cause avait encore contribué à
attirer l'or en France. Si l'on consulte nos
états de douane, x>n voit que, dans ces der
nières années, la valeur de nos exportations
a constamment dépassé celle de nos impor-.
tations de 2 à 300 millions de francs. Com
ment l'étranger s'était-il acquitté envers nous
de cet excédant de valeur? N'était-il pas
probable qu'il avait dû nous en payer une
partie en numéî'aife et notamment en or?
Ce qui avait pu surtout favoriser ce mou
vement, c'étaient les émissions successives
de papier qui avaient eu lieu dans plusieurs
pays, surtout en Allemagne et en Autriche.
On sait que le papier tend à .chasser la mon
naie métallique. Circulant avec une grande
rapidité dans les contrées de l'est et du midi
de l'Europe, il avait dû nécessairement , en.
raison même de l'exagération des émissions,
y rendre l'or et.l'argent roulans plus rares
qu'ils n'étaient. Si une fraction de ce numé
raire était allée s'amasser dans les caisses par
ticulières de ces pays, une autre fraction avait
certainement reflué vers les nations mieux
partagées sous le rapport de la liberté de la
circulation des valeurs. Elle avait dû prendre
surtout la direction de la France, puis que
la balance générale de notre commerce avec
l'étranger était en notre faveur.
Enfin, les exportations considérables de
céréales, que nous avions dirigées sur
l'Angleterre pendant ces dernières,années,
avaient provoqué une importation considé
rable d'or britannique. Le cours du change
sur Londres était tombé, sous l'influence de
ces envois de grains, à des prix extrêmement
bas, et le souverain anglais, qui a une va
leur intrinsèque de 25 f. 20 c. était descendu
jusqu'à 24 fr. 80 cênt. Que faisaient alors
les. banquiers des divers pays? Ils ache
taient du papier sur Londres, le faisaient
encaisser, et donnaient l'ordre d'en expédier
le montant à Paris en souverains, qui étaient
portés aussitôt à la Monnaie pour y être con
vertis en pièces de 20 fr. C'était, tous frais
déduits, un bénéfice d'environ 20 centimes
par pièce de 20 fr. ou de 1 0/0. L'opération
était lucrative, mais, comme on voit, toute
de circonstance et principalement subordon
née à nos envois de céréales en Angleterre. '
Si ces diverses causes étaient, en effet, les
causes réelles qui avaient attiré l'or en Fran
ce et qui en avaient fait disparaître la pri
me , on comprend que, par cela mê
me qu'elles étaient temporaires, elles n'é
taient pas de'nature à nécessiter un brusque
changement dans notre législation des mon
naies. Il n'y avait pas de motif suffisant pour
démonétiser l'or, c'est-à-dire pour aban
donner une monnaie commode et qui ren
dait de grands services dans les transac
tions. Aurait-il fallu du moins en arrêter '
la fabrication, comme oa l'avait prdposé
par un moyen terme? Mais c'eût été con
trarier les opérations commerciales; c'eût
cté entraver notamment nos exportations
de grains, et s'éxposer à priver notre agri
culture, si souffrante, d'un débouché qui lui
venait en aide dans un moment où elle avait
tant de peine à placer ses produits.
On ne prit donc aucune détermination, et
l'expérience a prouvé qu'il n'y "avait pas, en
effet, péril en la demeure. Parmi les causes
précédentes, plusieurs ont cessé d'agir. Nos
envois de céréales en Angleterre s'étant ra
lentis, le change sur Londres est remonté,
et nous l'avons vu,.après s'être élêvé jusqu'à
25 fr. 50, varier de25fr. 30 c. 25 fr.40 c.,de
telle sorte que les opérations que nous signa
lions plus haut ont complètement cessé. Pen
dant quenos importations d'or diminuent, le
développement considérable imprimé à nos'
affaires industrielles par le coup d'Etat du 2
décembre etpar l'affermissement de la sécu
rité publique, offre un aliment à l'augmen
tation survenue dansnotre masse monétaire.
Enfin, l'action combinée de toutes ces in
fluences a déjà rendu une prime à l'or, non
plus, il est vrai, une prime de 10 à 15 fr.
comme autrefois, mais une prime de 3 fr.,
qui suffit pour nous garantir, en ce moment
du moins, contre tous les dangers dont on
nous menaçait.
Maintenant, s'ensuit-il que nous voulions
nier l'importance économique de la décou
verte des nouveaux gîtes aurifères ? Ce se
rait aller au-delà de notre pensée. Ce n'est
plus seulement la Californie, c'est l'Austra
lie qui vient ajouter à la production de l'or. Si
burs exploitations se soutenaient et se dé
veloppaient sur ut^e grande échelle, elles
pourraient évidemment altérer, au bout
d'une certaine période de temps, les rap
ports existans entre les valeurs des deux
métaux précieux. Il y a là, nous le recon
naissons, une question grave que le gouver
nement ne doit pas perdre de vue. On a par
lé d'une sorte de congrès monétaire entre
les différentes puissances. Nous ne savons
si ce bruit repose sur quelque fondement.
Mais ce serait peut-être le meilleur moyen
d'éviter les tiraillemens et les crises qui
pourraient résulter plus tard de solutions im
provisées, de mesures prisés isolément. ' y -
J. Burat.
Le Globe du 16 juillet confesse que l'avan
tage des oppositions réunies sur le ministère
est déjà réduit à 24 voix. Il donne, en effet,
258 voix à l'opposition et 234 au ministère.
Le journal de lord Paimerston, le Morning-
Post, qui connaissait un moins grand nom
bre d'élections, fait un calcul un peu diffé
rent. Il attribue 248 voix à l'opposition.et
228 au ministère. II reste encore 162 élections
à connaître.
Le Journal des Débats, qui a tant de pré
sentions à l'esprit, devrait bien laisser aux
paperassiers et aux traînards du libre-échan
ge un sophisme dont Jean-Baptiste Say, il y
a quelque quarante ans, reconnaissait la
fausseté avec une franchise que n'imitent
point se£ disciples.
Nous avons dit que les hommes d'Etat qui
gouvernent aujourd'hui l'Angleterre préfé
reraient s'en tenir, s'ils le pouvaient, à la
transaction proposée, il y a dix ans, par lord
John Russell, et mettre sur le blé ,uu droit
très modique, qui serait une ressource pro
ductive pour le trésor, et n'enchérirait pas
le prix du pain.
Là-dessus le Journal des Débats lève les
bras au ciel, et se pâme comme une douai
rière envers qui l'on manque à l'étiquette.
Mettre un droit sur le blé sans que ce droit
augmente le prix du pain ! Qui a jamais ouï
dire pareille chose ? Fi donc ! ce sont façons
de parler particulières aux protectionistes.
Nous sommes prêts à nous incliner devant
l'école économique qui prétend régir le mon
de, et conduire les affaires avec des équa
tions algébriques ; nous sommes pleins du
respect le plus profond pour les théorèmes
et les vaudevilles du Journal des Débats :
qu'on nous permette seulement une très
humble question.
En 1848, on a supprimé le droit sur la
viande, etou a, par ce seul fait, privé la ville
de Paris d'un revenu considérable : le prix
de la viande n'a éprouvé aucune diminution.
On a rétabli ledroit intégralement, la viande
n'a pas augmenté. Le droit n'entre donc pas
pour une fraction appréciable dans, le prix
de la viande vendue au détail !
Le budget " de 1852 a opéré une réduction
dans les droits perçus sur les boissons. C'est
par millions qu'on a évalué les sommes que
cette réductiou cesserait de faire entrer dans
les caisses du trésor et dans les caisses muni
cipales. Le Journal des Débats n'a pas été le
dernier à démontrer par de savans calculs
que cette réduction des droits ne pouvait
avoir pour conséquence aucuiie diminution
dans le prix des boissons dégrevées.
Quand, il s'est agi cette année, dans la
chambre des communes, de supprimer le
droit sur le papier, comme une des causes
qui rendaient les journaux très chers en An
gleterre, le Times, qui est pourtant un des co
ryphées du libre-échange, a établi fort perti-,
nemment que la suppression'du droit serait
pour lui une économiede l,600fr. par jour,
mais n'amènerait aucune réduction dans ses
prix, attendu quele droit sur le papier entrait
dans le prix de chaque numéro pour une frac
tion infinitésimale dont il serait impossible
à un journal de tenir compte à ses acheteurs.
Pourquoi ce qui est vrai de la viande, des'
liquides, du papier, ' de tout ce qui est de
consommation journalière et se vend par
immenses quantités, ne serait-il pas vrai du
pain ? Que les savans du libre-échange qui
excellent dans.les calculs, cherchent la. frac*
tion de centime que représente par livre de
pain le droit de 1 shilling par quarter de blé,
qui existe encore pour six mois en Angle-
-terre, et qu'ils nous disent comment le bou
langer, l'an prochain* en tiendra compte à
l'acheteur. Cette fraction de centimerepré
sente pourtant plusieurs millions pour le
trésor britannique. C ucheval- C lamgny,
L'article 30, ajouté à la loi du budget pour
1853, par suite d'un amendement proposé
par M. Véron, membre du Corps Législatif,
porte qu'à partir du 1 er août 1852, toute af
fiche inscrite dans un lieu public sur les
murs, sur une construction quelconque ,
ou même sur toile, au moyen de la peinture
ou de tout •autre procédé, donnera lieu à un
droit d'affichage fixé à 50 c. pour les affiches
d'un mètre carré et au-dessous, ét à 1 fr.
pour celles d'une dimension supérieure.
Un règlement d'administration publique
doit déterminer le mode d'exécution pour la
perception de cet impôt.
En attendant, l'administration municipale
de Caen vient de prendre l'arrêté suivant,
qui pourra bien atténuer un peu le produit
du nouvel impôt; mais personne ne s'en
plaindra,
11 y a là, en effet, deux choses distinctes ;
d'abord la permission d'apposer les affiches
peintes, qui ne semblerait devoir jamais
être accordée pour les édifices publics, et qui
doit toujours être réclamée des particuliers,,
avant l'exécution ; puis laréglementation du
mode d'affichage. t. boniface.
Voici l'arrêté du maire de Caen :
Le maire de la ville de Caen,
Vu l'art. 3' titreJI, de la loi du 16-24 août 1790,
l'art. H delà loi du 18-22 mars 1791, les art.. 471
et 47S du Code pénal, et l'art. 11 de la loi du 18
juillet 1837 ;
Considérant que les affiches peintes sur les murs
et sur les édifices salissent les lieux où elles sont
apposées et même deviennent une cause de dégra
dation;
. Considérant qu'il est du devoir de l'administra
tion municipale d'empêcher la dégradation des
édifices publics confiés à ses soins ;
Considérant que, si l'administration municipale
ne prend pas sur elle d'interdire ces sortes d'affi
ches d'une manière absolue, dans toute l'étendue
de la ville, parce que c'est aux particuliers à per
mettre ou à refuser l'autorisation de les apposer
sur les propriétés'privées, il est prudent de pré
venir les contestations bruyantes et les rixes dont
lesdites affiches sont souvent l'occasion ;
Considérant qu'en attendant l'arrêté général sur
l'affichage que prépare l'administration munici
pale. il y a urgence de réprimer par des mesures
provisoires l'abus des affiches peintes qui devient
de jour en jour plus fréquent;
Arrête :
Art. 1 er . Il est interdit de peindre des affiches
3ur les murs et les édifices pub'ics.
2. Il est également interdit d'apposer ces sortes
d'affiches sur les maisons particulières, sans une
autorisation expresse émanant du propriétaire et
dont l'auteur de l'affiche devra justifier.
3. Les contraventions au présent arrêté seront
poursuivies devant les tribunaux compétens, sans
préjudice des réparations civiles qui pourraient
être exigées.
4. En attendant la promulgation de l'arrêté
général sur l'alficbage, l'exécution du présent ar
rêté provisoire est confiée à toute la vigilance de
MM. les commissaires de police.
A l'Hôtel-de-Ville, le 13 juillet 1852.
F.-G. BERTRAND. '
Le packet le Tay est arrivé hier à Sou-
thampton,-avec" des lettres de Rio-Janeiro,
du 14 juin.
La fièvre jaune sévissait encore à Rio, mais
on s'attendait à sa prochaine disparition, car
la saison d'hiver était venue, avec ses pluies
périodiques qui rafraîchissent la tempéra
ture. Un très grand nombre de colons étran
gers avaient récemment débarqué à Rio.
Dans le nombre, on compte un millier d'é
migrés allemands et etifcron quinze cents
Portugais, venant de Porto ou des Açqres.
Les affaires étaient en pleine activité : il y
avait, au moment du départ du courrier,
une fièvre d'opérations industrielles telle
que celle qui s'est manifestée en France lors
de la création des chemins de fer. Les entre
prises par actions trouvaient d'abondans
capitaux, que la cessation absolue de la
traite a laissés disponibles; Notre correspon
dant nous cite plusieurs de ces affaires qui
faisaient fureur. Un chemin de' fet 1 va être
construit entre Rio et Saint Paul de Miuas,
sur un parcours de cinquante à soixante
lieues ; toutes les actions de ce chemin ont
été enlevées en quinze jours. La même fa
veur a accueilli un projet de chemin de Rio
à Pétropclis, une entreprise' de navigation
sur la rivièreMacury, et une autre entrepri
se de colonisation des riches domaines de
San-Francisco appartenant au prince de
Joinville.
La commission d'adresse nommée par les
chambres avait présenté son projet d'adresse
dans les derniers jours du mois de mai :
cette œuvre, toute favorable à la politique du
gouvernement, a été adoptée "par les cham
bres, après deux jours de discussion, et à la
suite d'un très beau discours de M. le mi
nistre des affaires étrangères Paulino de
Souza. L'opposition, sentant son impuissan
ce, s'est résignée à ne pas entraver le travail
législatif, et plusieurs lois importantes ortt
été votées presque sans débat.
L'affaire de la Plata était dans une situa
tion excellente^ Le gouvernement de Monte
video s'est décidé à exécuter les traités con
clus avec le Brésil, ainsi que le faisaient
pressentir nos correspondances du mois der
nier.
Urquiza a été nommé représentant de la
confédération Argentine à l'extérieur. Il a
déjà prescrit la réunion à Santa-Fé du con-r
gres, qui doit arrêter les bases de la Consti
tution fédérale.
Nous empruntons ces. détails à notre cor
respondance particulière. Nous reviendrons
sur l'ensemble de la situation du Brésil et
de l'Amérique du Sud.
Le.secrétaire delà rédaction, L. bonifacb.
Nous lisons dans la.-Gazette des Postes de
Francfort, sous la rubrique de Vienne et à
la date du 12 juillet, la déclaration suivante :
«Nous pouvons affirmer, d'après une sour
ce digne de foi, que les troupes françaises
quitteront décidément Rome à la fin de l'an
née ; le gouvernement français a déjà fait
des ouvertures à ce sujet à notre gouverne
ment. »
Le journal autrichien le Wanderer donne
la nouvelle suivante, dont nous lui laissons
la responsabilité ;
« Plusieurs puissances européennes ont
déjà accepté la proposition du gouverne
ment britannique de convoquer un congrès
à Londres, à l'effet de s'entendre sur le rè
glement des monnaies. On cite notamment
la France, le Danemarck, la Suède, l'Espa"-
gne et le Portugal. Les invitations seront ul
térieurement adressées aux Etats d* l'Alle
magne. Le congrès ne commencera ses déli
bérations qu'aumois de novembre prochain.
Cependant un bureau de statistique sera
établi pour faire les travaux préparatoires. »
INDE ANGLAISE.
Les nouvelles reçues de l'Inde par la
dernière malle remontent au 3 juin pour
Bombay, et au 5 pour Calcutta. On avait
appris,'par les dépêches officielles de Ran-
goun, que le général Godwiu avait attaqtzé
le port de'Bassein et qu'il s'en était facile
ment emparé. Les troupes anglaises n'ont
perdu que trois hommes; on compte parmi les
blessés sept officiers et vingt-quatre soldats.
Bassein est situé sur une riviere qui porte
son nom. et qui communique avec la bran
che occidentale de l'irà'waddy. Ce port est
d'un accès plus facile que celui deRangoun;
mais les navires d'un certain tonnage nepeu-
vent remonter la rivière à une grande dis
tance de l'embouchure.
Le général Godwin a laissé à Bassei^ une
garnison assez forte pour mettre cette ville à
l'abri d'un coup de main. Les Anglais oc
cupent donc, aujourd'hui les trois ports de
l'empire birman, Rangoun, Martaban et
Bassein, et ils sont complètement maîtres
de la côte. Il ne parait pas que la cour
d'Ava ait jusqu'ici manifesté aucun désir
d'entrer en négociations çour arrêter l'in
vasion britannique et prévenir la reprise
des hostilités à la campagne, prochaine. Ce
silence ne saurait inquiéter les Anglais qui
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 18 JUILLET.
LES TROIS SÉPARATIONS.
Paris se souvient encore du bal donné cet
hiver par Mme la comtesse de F..., et ce
pendant Paris est, à l'heure présente, plus
yie.ux de cinq grands mois !
Constater un -i rare excès de mémoire de
la part d'une ville qui peut être, à bon droit,
considérée comme la capitale de l'Oubli,
c'eat en dire plus long en deux lignes qu'eq
dix pages, et me voilà dispensé, j'imagine,
d'énumérer les prodiges et les splendeurs de
cette fête, — le rêve d'un poète enivré de
hachich et d'opium ! Laissez donc courir, en
toute liberté, la folie du logis dans les
champs dazur du monde idéal et impossi
ble ; Je vous préviens seulement que votre
imagination, si jeune qu'elle soit, si riche
que je la suppose, n'atteindra jamais aux
merveilles délicates et charmantes de la réa
lité.
Le hasard réunit à ce bal trois femmes,
trois amies de pension, qu'un versificateur,
au temps où les Muses avaient un Almanach,
eût certainement comparées aux trois Grâces.
La plus âgée n'avait pas vingt-cinq ans, et
elles né s'étaient pas vues depuis le jour où,
chargées de couronnes", elles quittèrent l'une
de ces aristocratiques institutions d.e demoi
selles qui florissent dans la partie haute des
Champs-Elysées, à l'ombre de l'arc de triom
phe de l'Etoile. Leur dernier adieu, leur der
nier baiser, elles l'avaient échangé dans la
cour des Messageries Laffitte et Gaillard.
— Tu ne m'oublieras pas, ma bonne Es
telle?
- —- Tu m'aimeras toujours, ma chère Pau
line?
— Tu penseras à moi souvent, n'est-ce
pas, Louise?
Comme elles parlaient ainsi, cinq heures
sonnèrenta l norloge des Messageries; et les
diligences s ebranlerent de toute part. Pau-
* line s'en allait a Marseille, Estelle partait
pour Bordeaux, Louise retournait à Stras
bourg.
Au^i long-temps que les diligences che
minèrent de compagnie dans la rue Saint-
Honoré. les jeunes voyageuses penchèrent
leurs jolies têtes à la portière, agitèrent leurs
mouchoirs et se sourirent doucement au
travers des larmes qui noyaient leurs yeux.
Pendant la première année qui suivit cette
dure séparation, une correspondance active
fut échangée entre les trois jaunes filles.' Ou
s'aimait de loin.comme on s'était aimé de
près, et Dieu sait si l'on se promettait de
s'ai mer toujours ! La deuxième année venue,
la fièvre épistolaire se ralentit un peu. Du
rant le cours de l'année suivante, les trois
amies se marièrent à quelques mois d'inter
valle, et, à dater de ce momenl, les lettres de
vinrent de plus en plus rares, jusqu'au j oui-
où elles cessèrent tout-à-fait.
Ce fut une grande fête pour ces cœurs désu
nis que cette rencontre fortuite au bal de
Mme de F...; les jeunes femmes s'empressè
rent de quitter les salons dans lesquels on
dansait, et se réfugièrent dans un petit bou
doir écarté, un véritable nid de satin et de
brocaieile. -
A peine eurent-elles pris place sur un di
van circulaire, leurs mains se serrèrent dans
de vives étreintes, et elles se considérèrent
long-temps saris parler.
La première, Pauline,'rompitle silence.
— 0 chère Estelle ! ô chère Louise, est-ce
que vous n'êtes pas heureuses ? demanda-t-
elle à voix basse.
Les deux jeunes femmes étouffèrent un
soupir.
— Et toi, Pauline, es-tu donc heureu
se ? demandèrent-elles d'une commune voix.
A son tour, Pauline soupira et ne répon
dit pas.
Les trois amies, se tenant toujours par la
main, continuèrent à s'observer tristement;
spectacle charmant et douloureux tout
ensemble, ces jeunes visages, déjà pâlis par
la douleur, ces beaux fronts couronnés de
eamélias et de violettes de Parme, que l'in
fortune avait plissés avaht l'âge.
Instinctivement, elles se prirent à songer
à cet heureux temps, si vite écoulé, où èlles
s'étaient connues dans l'institution de Mme
Labarre. Leur jeunesse si calme, si joyeuse,
apparut soudain à leurs regards attendris,
comme si elle se fût rf-flétée dans un miroir
magique. Voici le grand jardin, théâtre de
leurs courses follesaux heures trop cour tes de.
la récréation; voici lebanc de pierre, adossé au
tronc rugueux d'un vieil acacia sur lequel,
le soir, elles se racontaient leurs rêves
d'avenir, tandis que les oiseaux babil
laient dans les feuilles. Elles revirent le
dortoir et ses couchettes blanches, qui sem
blaient autant de petites chapelles, avec
leurs rideaux blancs auxquels la main pieuse
des jeunes filles avait suspendu le bénitier
en faïence bleue, l'image de la sainte, leur
patronne, et le buis bénit du dimanche des
Rameaux. Et quels doux sommeils l'ange
.gardien envoyait, lanuit, à toutes ces jeunes
imaginations qui s'endormaient dans la
prière et se réveillaient dans un sourire!
Ainsi, durant quelques minutes, emportées
sur l'aile rapide des souvenirs, elles oubliè
rent le temps présent et vécurent de leur vie
passée.
Mais le rêve futde coiirte durée; les bruits
de la"fête, l'éclat des lustres et des girando
les, les accords de l'orchestre les rappelèrent
bientôt au sentiment de la réalité. Elles s'é-'
taient séparées jeunes filles, elles se retrou
vaient jeunes femmes; et chacune d'elles
pressentait en son cœur, et par sa propre
expérience, que ses deux autres compagnes
avaient dû se déchirer douloureusement aux
ronces du chemin.
—Mes amies, me? steurs, dit celle qui s'ap
pelait Louise, répondez-moi franchement :
Avez-vous conclu de mon silence que je ne
vous aimais plus et que je vous avais ou
bliées?
— Non, dit Pauline.
— Non, répéta Estelle.
— Et vous avez eu raison, reprit Louise ;
Dieu m'est témoin que je n'ai point, moi,
songé à vous accuser d'ingratitude le jour
où je n'ai plus eu de vos chères nouvelles.
Hélas ! elles ne sont pas" heureuses et elles
répugnent à m'attrister de leur tristesse, ai-
je pensé tout d'abord. A présent que je vous
ai vues, et alors même que nous n'échange
rions aucune intime confidence, je resterais
persuadée que mes pressentimens ne sont
que trop justifiés. Cette clairvoyance, ai-je
besoin de vous le dire, c'est en moi-rh'ème
que je l'ai puisée. Je vous connais trop bien
l'une et l'autre, j'ai lu trop souvent et trop
avant dans vos cœurs, pour qu'il me soit
permis d'en ignorer les exquises délicatesses.
Si elles continuent à m'écrire, pensais-je,
c'est que Dieu a béni leur foyer domestique,
et le récit de "leurs joies sera un allégement
à mes peines; si elles imitent mon silence,
c'est qu'elles souffrent comme je souffre. -
Tôt ou tard, nous nous retrouverons, et
nous pleurerons ensemble.
Tandis qu'elle disait ces tristes paroles ,
les musiciens de Straussr exécutaient leurs
mélodies les plus vives et les plus folles ,
comme dans l'opéra de Mozart où don Juan
chante sous le balcon de sa maîtresse une
chanson empreinte de langueur et de mélan
colie, alors que les accompagnemens de l'or
chestre pétillent d'entrain, de gaîté et de
bonne humeur.
• — Ainsi donc, reprit Estelle, ce beau
voyage de la vie , entrepris par nous avec
tant d'illusions et de naïfs enchantement ,
nous a conduites au même but : la douleur!
J'ai vingt-quatre ans à peine ; et, dans quel
ques mois sans doute, je plaiderai avec mon
mari en séparation de corps et de biens.
Louise et Pauline tressaillirent à ces pa
roles.
— Ne, fais pas cela ! interrompit Louise.
— N'exécute pas un tel projet! s'écria
Pauline.
— Le mariage vous a doiiG biçn réussi à
toutes deux, que vous me donniez ce con
seil? demanda la jeune femme,avec une
nuance d'amertume.
— Juge toi-même, dit Pauline ; il y aplus
d'un an que mon mari et moi uous vivons
séparés, de biens. ■
— Et toi, Louise? dit Estelle.
Louise garda le silence.
— Tu ne réponds pas ?
' — Hélas! dit-elle enfin d'une voix brisée,
un jugement rendu par le tribunal civil de
Strasbourg , a prononcé la séparation de
corps entre M. de .... et moi.
— Eh bien ! dit Estelle, ma destinée sera
semblable à la vôtre, mes amies. Pourquoi
ne suivrais-je pas votre exemple? pourquoi
ne ferais-je'pas cé que vous avez fait?
— Pourquoi? interrompit Louise, mais
parce qu'il n'est pas de condition pire que la
mienne ; parce que je suis veuve et mariée
à la fois; parce que c'est là, un remède ef
froyable, qui ne guérit rien et dont on souf
fre plus encore que de sa blessure. Ah! pau
vre chère ! Dieu te garde de passer par cette
épreuve cruelle de l'audience et du procès.
Si pure que tu sois, si irréprochable qu'ait
été ta conduite, il y aurç toujours un avocat
qui essaiera de te salir et - qui forcera ton
front rougissant à se courber sous le poids
de ses insinuations et de ses calomnies. In
terroge Pauline ; d'avancç, je connais sa ré
ponse.
— Sois patiente et résignée jusqu'à l'hé
roïsme, jusqu'au martyre, s'il le faut, dit
Pauline,plutôt que de recourir à une si dure
extrémiwLa société nous a tracé une ligne
droite; malheur à celle de nous qui s'en
écarte ! L'opinion publique ne se préoccu
pera pas de savoir si le bon droit est ou n'est
pas de ton côté-. elle te condamnera d'ua ar
rêt sans appel.
— Mais je suis à bout de patience et de
forces! s'écria Estelle; mais vous ne savez
pas combien l'on m'outrage chaque jour!
mais vous ne sentez pas, vous, à quel point
mon cœur est torturé, et comme il saigne
par toutes les plaies qu'on lui a faites! Et
vous me parlez de résignation ! La résigna
tion est la vertu des faibles et des lâches !
— Tu te trompes, chère enfant, c'est la
vertu des forts, dit Louise d'une voix grave.
Ah ! lu ne sais pas, nul ne peut savoir par
quels repentirs incessans, par quels remords
continuels j'expie î'audace de ma lutte et
les témérités de ma révolte. Crois-tu donc
que mon coeur n'ait pas été torturé et brisé
tout autant que le tien? Eh bien ! je n'hésite
pas à le dire : en présence de la situation
que j'ai provoquée et que la loi m'a faite,
j'en suis venue à regretter mes misères pas
sées. .
— C'est que tu n'as pas souffert ce que j'e
•souffre ! s'écria Estelle. Vois mes yeux, ils
sont brûlés par .l'insomnie et par les* larmes.
Te souviens-tu de ces belles tresses blondes
dont j'étais si orgueilleuse à la pension?
Encore un peu, et la fièvre m'en aura dé
pouillée.
— Regarde mon front, dit Pauline.; est-ce
que la. douleur n'y a pas imprimé sa griffe
de fer? ' 1
— Et moi, demanda Louise, 'trouves-tu
que les chagrins m'aient respectée davanta
ge? Ecoute nos conseils, chère sœur; crois.à
notre expérience, et que la faute par nous
commise te soit un exemple et une leçon.
Désespérer de l'avenir, cela équivaut à un
blasphème. N'est-cé pas désespérer de la bon
té de Dieu ? Pourquoi renoncerais-tu à l'es
poir de conquérir de nouveau le bonheur, à
force de vertu, de douceur et de patience ? Or,
sois-en convaincue : le jour où tu provoque
ras un éclat judiciaire,ce jour-là, entre le boii-
heur et toi, il se dressera une infranchissable
barrière ; et le reste .de ta vie, tu le passeras
à déplorer cette détermination fatale, arrêtée
dans une heure de découragement et de co
lère. Hélas ! je la connais.cette heure d'acca
blement et de défaillance! La séparation de
corps m'apparaissait alors comme une ven
geance... OH! malheureuse! c'est sur moi-
même que je me suis vengée !
Parlant ainsi, et d'un geste rapide, la jeune
femme essuya, avec son mouchoir garni de
dentelles, les larmes qui roulaient sur ses
joues amaigries.
— Ah ! pour tenir un tel langage, il faut
que vous ayez souffert moins que moi, re
prit Estelle après un moment de silence.
Un pâle sourire effleura les lèvres de Pau
line et de Louise.
— Moi, dit Pauline, j'ai lié ma destinée à
celle d'un joueur. Ce mot seul explique mon
martyre et résume mes supplices.
— Moi, dit Louise, j'ai épousé un homme
jaloux ; et cette jalousie aveugle, injuste,
brutale, m'a fait répandre plus de pleuis
amers que tu ne compterais d'étoiles dans
IJIMEAÏJX. : rue de Valois Palals-Uoyal}, m
1852.-DIMANCHE 48 JUILLET.
*ltIX SE X.'AIBOWHNeïBIfiM'ï'
PAHIS.» *3 F. PAR TIlIMESTftS
DÉPAHTEMSNS. 16 F. —
ON HUMÉRO : «0 CENTIMES.
fous les pays ETEiNGEBa, as reporter
au tableau qui sera publié dans le journal
les 10 et 23 de chaque mois.
Les abonnement datent dit i" et 16
dt chaque mois.
. S'adresser, franco; pour la rédaction, â h
Les articles déposés ne
PAiUS, 17 JUILLET.
On n'a pas oublié les discussions que
souleva, l'année dernière, la -dépréciation
survenue daDS le prix de l'or. Il faut,
disaient quelques réformateurs empressés,
nous-hâter de révisernos lois monétaires; si
nous tarions, nous allons être envahis par
une monnaie qui, d'ici à vingt ou trente
années , doit perdre vraisemblablement, la
moitié ou les deux tiers de sa valeur. L'ex
périence des derniers mois a montré que ces
appréhensions étaient prématurées.
Rappelons les faits en peu de mots, et
Cherchons à discerner la vérité en recourant
à l'observation qui peut seule fournir des
lumières sur un sujet aussi difficile et aussi
délicat.
La quantité d'or frappée en France de
puis l'établissement du système décimal jus
qu'en 1849, s'élevait à un peu plus de 4 ,300
millions. Mais il s'en fallait de beaucoup que
toute cette monnaie existât encore. La plus
grande partie avait été exportée, et, d'après
les évaluations administratives, il n'en res
tait pas plus de A à 500 millions, en pré
sence d'une masse d'argent monnayé mon
tant à plus de trois millards et demi, c'est-
à-dire sept à huit fois plus considérable que
celle de l'or. Tout à coup on apporta une
grande quantité d'or à. nos hôtels des mon
naies pour le faire frapper à l'empreinte na
tionale. Notre monnayage en or, qui n'avait
été que de 2 millions en 1846 et de 8 en 1847,
monta successivement de 27 millions en
1849 à 8o millions en 1850 et à 270 millions
en 1851.
Il eu résulta que l'or perdit la prime qu'il
avait obtenue presque constamment. On sait
que notre système monétaire reconnaît et
admet deux monnaies légales, deux unités
monétaires bien distinctes, l'argent et l'or,
dont les poids pour la'même valeur sont
dans le rapport de 1 à 15.50. Cependant,
comme les proportions fixes établies entre
les valeurs respectives de l'argent et de l'or
ne peuvent être que fictives, "comme l'ar
gent et l'or obéissent ainsi que toutes les au
tres marchandises aux lois économiques de
l'offre et de la demande, l'or avait conservé
jùsques dans ces derniers temps une valeur
supérieure à la valeur légale. Depuis trente
ans, le rapport moyen de l'argent à l'or
s'était-presque; constamment maintenu à
environ 15 3/4. En d'autres termes, la prime
de l'or étaitdel2àl5 francs pari,000 francs.
Or, cette prime disparut sous l'influence de
l'accroissement des quantités mises en circu
lation, etle rapport commercial entre lesdeux
métaux tendit à se confondre avec le rap
port monétaire i u légal, c'est-à-dire à reve
nir au taux de 15.50 fixé par la loi.
Il y avait là certainement un fait de nature
à fixer l'attention des hommes d'État. Non pas
'que la baisse de l'or, tant qu'elle n'allait pas
plus loin, pût être à regretter. Loin de là, on
ne pouvait que se féliciter de voir les va-
Isurs relatives de l'or et de l'argent se
mettre en harmonie avec les proportions
légales. Nous étions dans la vérité de notre
système monétaire. La pièce de 20 fr. ne va-
lai^ bien réellement que 20 fr., et les trans
actions ne pouvaient que gagner en facilité
à cette concordance parfaite entre la valeur
nominale etla valeur vénale de nosmonnaies.
Mais cette dépréciation de l'or devait-elle al
ler plus loin? Etait-elle le résultat de causes
accidentelles, ou de causes permanentes et
continues? C'était là le point important à
examiner, avant de toucher à notre système
monétaire.
Comme la dépréciation de l'or sur notre
marché s'était manifestée en même temps
que la découverte des nouveaux gîtes auri-
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
gt.-
cn*ckef.
On /abonne, da*s les département, aux Messagtries tt aux Directions de poste>—A Loudre3» thet MM! CûWIï ti FlLî?
— A Strasbourg, chez M. A lexandre;, pour l'Alletnagn
IS'adrester, franco? pour l'administration, à M. D ïnain, directeur 5
Le* annonces sont reçue* au bureau du Journal; et chez M. PÀNIS, régisseur, 10, place de la Bourse
fèresde la Califc#**erfïl était assez naturel d'en
chercher la cause dans l'accroissement de pro
duction du métal. Cette opinion ne tarda pas à
se répandre. On prétendit que nous étions ën
train d'échanger notre argent, marchandise
pour laquèlle il.n'y avait pas de dépréciation
imminente, contre une autre marchandi
se, l'or, que l'abondance devait bientôt
avilir ; que nous faisions un vrai marché de
dupe ; que nous nous exposions à perdre un
milliard ou pltis. Vinrent ensuite les remè
des. Ou proposait, tantôt de faire intervenir
le législateur pour régler, à certaines épo
ques périodiques, le rapport entre les mon
naies des deux_métaux d'après les variations
survenues dans leurs valeurs commerciales,
tantôt de suivre l'exemple de la Hollande et
de démonétiser l'or.
Cependant le gouvernement n'avait pas at
tendu toutes ces rumeurs pour s'occuper de la
question. Dès la fin de 1850, M. Fould, alors
ministre des finances, avait chargé une com
mission, composée d;hommes compétens, de
l'étudier sous ses différentes faces. Cette
commission avait terminé ses travaux dans
le courant de 1851, et, bien qu'elle n'ait pas
publié de rapport, on connaît ses conclu
sions. Elle décida qu'il n'y avait rien à faire
pour le moment, si ce. n'est de s'éclairer
sur la puissance productive des nouveaux
gîtes aurifères et de suivre attentivement les
variations de valeur des métaux précieux
sur les divers marchés.
Pour que la commission eût.élé amenée à
ces conclusions, il fallait qu'après s'être en
tourée de tous les renseignemens et s'être
livrée à une enquête sérieuse,elle eût recon
nu que la baisse de l'or provenait beaucoup
moins de la production californienne que
de circonstances spéciales et temporaires.
- La quantité d'or extraite des .mines de la
Californie n'avait pas encore été assez grande
pour pouvoir affecter sensiblement le cours
de l'or. Si l'influence de la Californie de
vait se faire sentir un jour, ce ne serait
qu'au boutd'un certain nombre d'années, à la
suite d'une production considérable et conti
nue. La plus grande partie de l'or californien
était d'ailleurs restée aux Etats-Unis, où elle
avaittrouvé immédiatement son emploi. Elle
y avait été frappée à l'empreinte nationale, et
l'or tendait à reprendre l'importance qu'il
avait perdue dans la circulation monétaire
de l'Union américaine. ~
D'autres causes avaient agi d'une manière
bien plus directe et bien autrement marquée
sur le cours de l'or en Europe et notamment
en Fiance.
C'était, d'abord, la démonétisation de l'or
en Hollande. La Hollande, par des raisons
complexes sur lesquelles il serait inutile de
revenir ici, s'était décidée à substituer une
monnaie d'argent à sa monnaie d'or. Ce chan
gement radical du système monétaire de la
Hollandeeutpour résultat dejeter toutà coup
une masse de plus de 400 millions d'or sur
les marchés de métaux précieux. Il agit
de deux manières : d'une part7 en repor
tant sur la spéculation tout l'or hollan
dais que l'échange régulier avait absorbé
j usqu'alors, et, d'autre part, en faisant re
paraître au jour une masse de guillaumes
qui restaient conservés dans les coffres. Une
certaine portion vint en France, et il a été
constaté que plus delà moitié dfe l'or apporté
à la monnaie de Paris en 1850, provenait de
florins hollandais.
Une au Ira cause avait encore contribué à
attirer l'or en France. Si l'on consulte nos
états de douane, x>n voit que, dans ces der
nières années, la valeur de nos exportations
a constamment dépassé celle de nos impor-.
tations de 2 à 300 millions de francs. Com
ment l'étranger s'était-il acquitté envers nous
de cet excédant de valeur? N'était-il pas
probable qu'il avait dû nous en payer une
partie en numéî'aife et notamment en or?
Ce qui avait pu surtout favoriser ce mou
vement, c'étaient les émissions successives
de papier qui avaient eu lieu dans plusieurs
pays, surtout en Allemagne et en Autriche.
On sait que le papier tend à .chasser la mon
naie métallique. Circulant avec une grande
rapidité dans les contrées de l'est et du midi
de l'Europe, il avait dû nécessairement , en.
raison même de l'exagération des émissions,
y rendre l'or et.l'argent roulans plus rares
qu'ils n'étaient. Si une fraction de ce numé
raire était allée s'amasser dans les caisses par
ticulières de ces pays, une autre fraction avait
certainement reflué vers les nations mieux
partagées sous le rapport de la liberté de la
circulation des valeurs. Elle avait dû prendre
surtout la direction de la France, puis que
la balance générale de notre commerce avec
l'étranger était en notre faveur.
Enfin, les exportations considérables de
céréales, que nous avions dirigées sur
l'Angleterre pendant ces dernières,années,
avaient provoqué une importation considé
rable d'or britannique. Le cours du change
sur Londres était tombé, sous l'influence de
ces envois de grains, à des prix extrêmement
bas, et le souverain anglais, qui a une va
leur intrinsèque de 25 f. 20 c. était descendu
jusqu'à 24 fr. 80 cênt. Que faisaient alors
les. banquiers des divers pays? Ils ache
taient du papier sur Londres, le faisaient
encaisser, et donnaient l'ordre d'en expédier
le montant à Paris en souverains, qui étaient
portés aussitôt à la Monnaie pour y être con
vertis en pièces de 20 fr. C'était, tous frais
déduits, un bénéfice d'environ 20 centimes
par pièce de 20 fr. ou de 1 0/0. L'opération
était lucrative, mais, comme on voit, toute
de circonstance et principalement subordon
née à nos envois de céréales en Angleterre. '
Si ces diverses causes étaient, en effet, les
causes réelles qui avaient attiré l'or en Fran
ce et qui en avaient fait disparaître la pri
me , on comprend que, par cela mê
me qu'elles étaient temporaires, elles n'é
taient pas de'nature à nécessiter un brusque
changement dans notre législation des mon
naies. Il n'y avait pas de motif suffisant pour
démonétiser l'or, c'est-à-dire pour aban
donner une monnaie commode et qui ren
dait de grands services dans les transac
tions. Aurait-il fallu du moins en arrêter '
la fabrication, comme oa l'avait prdposé
par un moyen terme? Mais c'eût été con
trarier les opérations commerciales; c'eût
cté entraver notamment nos exportations
de grains, et s'éxposer à priver notre agri
culture, si souffrante, d'un débouché qui lui
venait en aide dans un moment où elle avait
tant de peine à placer ses produits.
On ne prit donc aucune détermination, et
l'expérience a prouvé qu'il n'y "avait pas, en
effet, péril en la demeure. Parmi les causes
précédentes, plusieurs ont cessé d'agir. Nos
envois de céréales en Angleterre s'étant ra
lentis, le change sur Londres est remonté,
et nous l'avons vu,.après s'être élêvé jusqu'à
25 fr. 50, varier de25fr. 30 c. 25 fr.40 c.,de
telle sorte que les opérations que nous signa
lions plus haut ont complètement cessé. Pen
dant quenos importations d'or diminuent, le
développement considérable imprimé à nos'
affaires industrielles par le coup d'Etat du 2
décembre etpar l'affermissement de la sécu
rité publique, offre un aliment à l'augmen
tation survenue dansnotre masse monétaire.
Enfin, l'action combinée de toutes ces in
fluences a déjà rendu une prime à l'or, non
plus, il est vrai, une prime de 10 à 15 fr.
comme autrefois, mais une prime de 3 fr.,
qui suffit pour nous garantir, en ce moment
du moins, contre tous les dangers dont on
nous menaçait.
Maintenant, s'ensuit-il que nous voulions
nier l'importance économique de la décou
verte des nouveaux gîtes aurifères ? Ce se
rait aller au-delà de notre pensée. Ce n'est
plus seulement la Californie, c'est l'Austra
lie qui vient ajouter à la production de l'or. Si
burs exploitations se soutenaient et se dé
veloppaient sur ut^e grande échelle, elles
pourraient évidemment altérer, au bout
d'une certaine période de temps, les rap
ports existans entre les valeurs des deux
métaux précieux. Il y a là, nous le recon
naissons, une question grave que le gouver
nement ne doit pas perdre de vue. On a par
lé d'une sorte de congrès monétaire entre
les différentes puissances. Nous ne savons
si ce bruit repose sur quelque fondement.
Mais ce serait peut-être le meilleur moyen
d'éviter les tiraillemens et les crises qui
pourraient résulter plus tard de solutions im
provisées, de mesures prisés isolément. ' y -
J. Burat.
Le Globe du 16 juillet confesse que l'avan
tage des oppositions réunies sur le ministère
est déjà réduit à 24 voix. Il donne, en effet,
258 voix à l'opposition et 234 au ministère.
Le journal de lord Paimerston, le Morning-
Post, qui connaissait un moins grand nom
bre d'élections, fait un calcul un peu diffé
rent. Il attribue 248 voix à l'opposition.et
228 au ministère. II reste encore 162 élections
à connaître.
Le Journal des Débats, qui a tant de pré
sentions à l'esprit, devrait bien laisser aux
paperassiers et aux traînards du libre-échan
ge un sophisme dont Jean-Baptiste Say, il y
a quelque quarante ans, reconnaissait la
fausseté avec une franchise que n'imitent
point se£ disciples.
Nous avons dit que les hommes d'Etat qui
gouvernent aujourd'hui l'Angleterre préfé
reraient s'en tenir, s'ils le pouvaient, à la
transaction proposée, il y a dix ans, par lord
John Russell, et mettre sur le blé ,uu droit
très modique, qui serait une ressource pro
ductive pour le trésor, et n'enchérirait pas
le prix du pain.
Là-dessus le Journal des Débats lève les
bras au ciel, et se pâme comme une douai
rière envers qui l'on manque à l'étiquette.
Mettre un droit sur le blé sans que ce droit
augmente le prix du pain ! Qui a jamais ouï
dire pareille chose ? Fi donc ! ce sont façons
de parler particulières aux protectionistes.
Nous sommes prêts à nous incliner devant
l'école économique qui prétend régir le mon
de, et conduire les affaires avec des équa
tions algébriques ; nous sommes pleins du
respect le plus profond pour les théorèmes
et les vaudevilles du Journal des Débats :
qu'on nous permette seulement une très
humble question.
En 1848, on a supprimé le droit sur la
viande, etou a, par ce seul fait, privé la ville
de Paris d'un revenu considérable : le prix
de la viande n'a éprouvé aucune diminution.
On a rétabli ledroit intégralement, la viande
n'a pas augmenté. Le droit n'entre donc pas
pour une fraction appréciable dans, le prix
de la viande vendue au détail !
Le budget " de 1852 a opéré une réduction
dans les droits perçus sur les boissons. C'est
par millions qu'on a évalué les sommes que
cette réductiou cesserait de faire entrer dans
les caisses du trésor et dans les caisses muni
cipales. Le Journal des Débats n'a pas été le
dernier à démontrer par de savans calculs
que cette réduction des droits ne pouvait
avoir pour conséquence aucuiie diminution
dans le prix des boissons dégrevées.
Quand, il s'est agi cette année, dans la
chambre des communes, de supprimer le
droit sur le papier, comme une des causes
qui rendaient les journaux très chers en An
gleterre, le Times, qui est pourtant un des co
ryphées du libre-échange, a établi fort perti-,
nemment que la suppression'du droit serait
pour lui une économiede l,600fr. par jour,
mais n'amènerait aucune réduction dans ses
prix, attendu quele droit sur le papier entrait
dans le prix de chaque numéro pour une frac
tion infinitésimale dont il serait impossible
à un journal de tenir compte à ses acheteurs.
Pourquoi ce qui est vrai de la viande, des'
liquides, du papier, ' de tout ce qui est de
consommation journalière et se vend par
immenses quantités, ne serait-il pas vrai du
pain ? Que les savans du libre-échange qui
excellent dans.les calculs, cherchent la. frac*
tion de centime que représente par livre de
pain le droit de 1 shilling par quarter de blé,
qui existe encore pour six mois en Angle-
-terre, et qu'ils nous disent comment le bou
langer, l'an prochain* en tiendra compte à
l'acheteur. Cette fraction de centimerepré
sente pourtant plusieurs millions pour le
trésor britannique. C ucheval- C lamgny,
L'article 30, ajouté à la loi du budget pour
1853, par suite d'un amendement proposé
par M. Véron, membre du Corps Législatif,
porte qu'à partir du 1 er août 1852, toute af
fiche inscrite dans un lieu public sur les
murs, sur une construction quelconque ,
ou même sur toile, au moyen de la peinture
ou de tout •autre procédé, donnera lieu à un
droit d'affichage fixé à 50 c. pour les affiches
d'un mètre carré et au-dessous, ét à 1 fr.
pour celles d'une dimension supérieure.
Un règlement d'administration publique
doit déterminer le mode d'exécution pour la
perception de cet impôt.
En attendant, l'administration municipale
de Caen vient de prendre l'arrêté suivant,
qui pourra bien atténuer un peu le produit
du nouvel impôt; mais personne ne s'en
plaindra,
11 y a là, en effet, deux choses distinctes ;
d'abord la permission d'apposer les affiches
peintes, qui ne semblerait devoir jamais
être accordée pour les édifices publics, et qui
doit toujours être réclamée des particuliers,,
avant l'exécution ; puis laréglementation du
mode d'affichage. t. boniface.
Voici l'arrêté du maire de Caen :
Le maire de la ville de Caen,
Vu l'art. 3' titreJI, de la loi du 16-24 août 1790,
l'art. H delà loi du 18-22 mars 1791, les art.. 471
et 47S du Code pénal, et l'art. 11 de la loi du 18
juillet 1837 ;
Considérant que les affiches peintes sur les murs
et sur les édifices salissent les lieux où elles sont
apposées et même deviennent une cause de dégra
dation;
. Considérant qu'il est du devoir de l'administra
tion municipale d'empêcher la dégradation des
édifices publics confiés à ses soins ;
Considérant que, si l'administration municipale
ne prend pas sur elle d'interdire ces sortes d'affi
ches d'une manière absolue, dans toute l'étendue
de la ville, parce que c'est aux particuliers à per
mettre ou à refuser l'autorisation de les apposer
sur les propriétés'privées, il est prudent de pré
venir les contestations bruyantes et les rixes dont
lesdites affiches sont souvent l'occasion ;
Considérant qu'en attendant l'arrêté général sur
l'affichage que prépare l'administration munici
pale. il y a urgence de réprimer par des mesures
provisoires l'abus des affiches peintes qui devient
de jour en jour plus fréquent;
Arrête :
Art. 1 er . Il est interdit de peindre des affiches
3ur les murs et les édifices pub'ics.
2. Il est également interdit d'apposer ces sortes
d'affiches sur les maisons particulières, sans une
autorisation expresse émanant du propriétaire et
dont l'auteur de l'affiche devra justifier.
3. Les contraventions au présent arrêté seront
poursuivies devant les tribunaux compétens, sans
préjudice des réparations civiles qui pourraient
être exigées.
4. En attendant la promulgation de l'arrêté
général sur l'alficbage, l'exécution du présent ar
rêté provisoire est confiée à toute la vigilance de
MM. les commissaires de police.
A l'Hôtel-de-Ville, le 13 juillet 1852.
F.-G. BERTRAND. '
Le packet le Tay est arrivé hier à Sou-
thampton,-avec" des lettres de Rio-Janeiro,
du 14 juin.
La fièvre jaune sévissait encore à Rio, mais
on s'attendait à sa prochaine disparition, car
la saison d'hiver était venue, avec ses pluies
périodiques qui rafraîchissent la tempéra
ture. Un très grand nombre de colons étran
gers avaient récemment débarqué à Rio.
Dans le nombre, on compte un millier d'é
migrés allemands et etifcron quinze cents
Portugais, venant de Porto ou des Açqres.
Les affaires étaient en pleine activité : il y
avait, au moment du départ du courrier,
une fièvre d'opérations industrielles telle
que celle qui s'est manifestée en France lors
de la création des chemins de fer. Les entre
prises par actions trouvaient d'abondans
capitaux, que la cessation absolue de la
traite a laissés disponibles; Notre correspon
dant nous cite plusieurs de ces affaires qui
faisaient fureur. Un chemin de' fet 1 va être
construit entre Rio et Saint Paul de Miuas,
sur un parcours de cinquante à soixante
lieues ; toutes les actions de ce chemin ont
été enlevées en quinze jours. La même fa
veur a accueilli un projet de chemin de Rio
à Pétropclis, une entreprise' de navigation
sur la rivièreMacury, et une autre entrepri
se de colonisation des riches domaines de
San-Francisco appartenant au prince de
Joinville.
La commission d'adresse nommée par les
chambres avait présenté son projet d'adresse
dans les derniers jours du mois de mai :
cette œuvre, toute favorable à la politique du
gouvernement, a été adoptée "par les cham
bres, après deux jours de discussion, et à la
suite d'un très beau discours de M. le mi
nistre des affaires étrangères Paulino de
Souza. L'opposition, sentant son impuissan
ce, s'est résignée à ne pas entraver le travail
législatif, et plusieurs lois importantes ortt
été votées presque sans débat.
L'affaire de la Plata était dans une situa
tion excellente^ Le gouvernement de Monte
video s'est décidé à exécuter les traités con
clus avec le Brésil, ainsi que le faisaient
pressentir nos correspondances du mois der
nier.
Urquiza a été nommé représentant de la
confédération Argentine à l'extérieur. Il a
déjà prescrit la réunion à Santa-Fé du con-r
gres, qui doit arrêter les bases de la Consti
tution fédérale.
Nous empruntons ces. détails à notre cor
respondance particulière. Nous reviendrons
sur l'ensemble de la situation du Brésil et
de l'Amérique du Sud.
Le.secrétaire delà rédaction, L. bonifacb.
Nous lisons dans la.-Gazette des Postes de
Francfort, sous la rubrique de Vienne et à
la date du 12 juillet, la déclaration suivante :
«Nous pouvons affirmer, d'après une sour
ce digne de foi, que les troupes françaises
quitteront décidément Rome à la fin de l'an
née ; le gouvernement français a déjà fait
des ouvertures à ce sujet à notre gouverne
ment. »
Le journal autrichien le Wanderer donne
la nouvelle suivante, dont nous lui laissons
la responsabilité ;
« Plusieurs puissances européennes ont
déjà accepté la proposition du gouverne
ment britannique de convoquer un congrès
à Londres, à l'effet de s'entendre sur le rè
glement des monnaies. On cite notamment
la France, le Danemarck, la Suède, l'Espa"-
gne et le Portugal. Les invitations seront ul
térieurement adressées aux Etats d* l'Alle
magne. Le congrès ne commencera ses déli
bérations qu'aumois de novembre prochain.
Cependant un bureau de statistique sera
établi pour faire les travaux préparatoires. »
INDE ANGLAISE.
Les nouvelles reçues de l'Inde par la
dernière malle remontent au 3 juin pour
Bombay, et au 5 pour Calcutta. On avait
appris,'par les dépêches officielles de Ran-
goun, que le général Godwiu avait attaqtzé
le port de'Bassein et qu'il s'en était facile
ment emparé. Les troupes anglaises n'ont
perdu que trois hommes; on compte parmi les
blessés sept officiers et vingt-quatre soldats.
Bassein est situé sur une riviere qui porte
son nom. et qui communique avec la bran
che occidentale de l'irà'waddy. Ce port est
d'un accès plus facile que celui deRangoun;
mais les navires d'un certain tonnage nepeu-
vent remonter la rivière à une grande dis
tance de l'embouchure.
Le général Godwin a laissé à Bassei^ une
garnison assez forte pour mettre cette ville à
l'abri d'un coup de main. Les Anglais oc
cupent donc, aujourd'hui les trois ports de
l'empire birman, Rangoun, Martaban et
Bassein, et ils sont complètement maîtres
de la côte. Il ne parait pas que la cour
d'Ava ait jusqu'ici manifesté aucun désir
d'entrer en négociations çour arrêter l'in
vasion britannique et prévenir la reprise
des hostilités à la campagne, prochaine. Ce
silence ne saurait inquiéter les Anglais qui
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 18 JUILLET.
LES TROIS SÉPARATIONS.
Paris se souvient encore du bal donné cet
hiver par Mme la comtesse de F..., et ce
pendant Paris est, à l'heure présente, plus
yie.ux de cinq grands mois !
Constater un -i rare excès de mémoire de
la part d'une ville qui peut être, à bon droit,
considérée comme la capitale de l'Oubli,
c'eat en dire plus long en deux lignes qu'eq
dix pages, et me voilà dispensé, j'imagine,
d'énumérer les prodiges et les splendeurs de
cette fête, — le rêve d'un poète enivré de
hachich et d'opium ! Laissez donc courir, en
toute liberté, la folie du logis dans les
champs dazur du monde idéal et impossi
ble ; Je vous préviens seulement que votre
imagination, si jeune qu'elle soit, si riche
que je la suppose, n'atteindra jamais aux
merveilles délicates et charmantes de la réa
lité.
Le hasard réunit à ce bal trois femmes,
trois amies de pension, qu'un versificateur,
au temps où les Muses avaient un Almanach,
eût certainement comparées aux trois Grâces.
La plus âgée n'avait pas vingt-cinq ans, et
elles né s'étaient pas vues depuis le jour où,
chargées de couronnes", elles quittèrent l'une
de ces aristocratiques institutions d.e demoi
selles qui florissent dans la partie haute des
Champs-Elysées, à l'ombre de l'arc de triom
phe de l'Etoile. Leur dernier adieu, leur der
nier baiser, elles l'avaient échangé dans la
cour des Messageries Laffitte et Gaillard.
— Tu ne m'oublieras pas, ma bonne Es
telle?
- —- Tu m'aimeras toujours, ma chère Pau
line?
— Tu penseras à moi souvent, n'est-ce
pas, Louise?
Comme elles parlaient ainsi, cinq heures
sonnèrenta l norloge des Messageries; et les
diligences s ebranlerent de toute part. Pau-
* line s'en allait a Marseille, Estelle partait
pour Bordeaux, Louise retournait à Stras
bourg.
Au^i long-temps que les diligences che
minèrent de compagnie dans la rue Saint-
Honoré. les jeunes voyageuses penchèrent
leurs jolies têtes à la portière, agitèrent leurs
mouchoirs et se sourirent doucement au
travers des larmes qui noyaient leurs yeux.
Pendant la première année qui suivit cette
dure séparation, une correspondance active
fut échangée entre les trois jaunes filles.' Ou
s'aimait de loin.comme on s'était aimé de
près, et Dieu sait si l'on se promettait de
s'ai mer toujours ! La deuxième année venue,
la fièvre épistolaire se ralentit un peu. Du
rant le cours de l'année suivante, les trois
amies se marièrent à quelques mois d'inter
valle, et, à dater de ce momenl, les lettres de
vinrent de plus en plus rares, jusqu'au j oui-
où elles cessèrent tout-à-fait.
Ce fut une grande fête pour ces cœurs désu
nis que cette rencontre fortuite au bal de
Mme de F...; les jeunes femmes s'empressè
rent de quitter les salons dans lesquels on
dansait, et se réfugièrent dans un petit bou
doir écarté, un véritable nid de satin et de
brocaieile. -
A peine eurent-elles pris place sur un di
van circulaire, leurs mains se serrèrent dans
de vives étreintes, et elles se considérèrent
long-temps saris parler.
La première, Pauline,'rompitle silence.
— 0 chère Estelle ! ô chère Louise, est-ce
que vous n'êtes pas heureuses ? demanda-t-
elle à voix basse.
Les deux jeunes femmes étouffèrent un
soupir.
— Et toi, Pauline, es-tu donc heureu
se ? demandèrent-elles d'une commune voix.
A son tour, Pauline soupira et ne répon
dit pas.
Les trois amies, se tenant toujours par la
main, continuèrent à s'observer tristement;
spectacle charmant et douloureux tout
ensemble, ces jeunes visages, déjà pâlis par
la douleur, ces beaux fronts couronnés de
eamélias et de violettes de Parme, que l'in
fortune avait plissés avaht l'âge.
Instinctivement, elles se prirent à songer
à cet heureux temps, si vite écoulé, où èlles
s'étaient connues dans l'institution de Mme
Labarre. Leur jeunesse si calme, si joyeuse,
apparut soudain à leurs regards attendris,
comme si elle se fût rf-flétée dans un miroir
magique. Voici le grand jardin, théâtre de
leurs courses follesaux heures trop cour tes de.
la récréation; voici lebanc de pierre, adossé au
tronc rugueux d'un vieil acacia sur lequel,
le soir, elles se racontaient leurs rêves
d'avenir, tandis que les oiseaux babil
laient dans les feuilles. Elles revirent le
dortoir et ses couchettes blanches, qui sem
blaient autant de petites chapelles, avec
leurs rideaux blancs auxquels la main pieuse
des jeunes filles avait suspendu le bénitier
en faïence bleue, l'image de la sainte, leur
patronne, et le buis bénit du dimanche des
Rameaux. Et quels doux sommeils l'ange
.gardien envoyait, lanuit, à toutes ces jeunes
imaginations qui s'endormaient dans la
prière et se réveillaient dans un sourire!
Ainsi, durant quelques minutes, emportées
sur l'aile rapide des souvenirs, elles oubliè
rent le temps présent et vécurent de leur vie
passée.
Mais le rêve futde coiirte durée; les bruits
de la"fête, l'éclat des lustres et des girando
les, les accords de l'orchestre les rappelèrent
bientôt au sentiment de la réalité. Elles s'é-'
taient séparées jeunes filles, elles se retrou
vaient jeunes femmes; et chacune d'elles
pressentait en son cœur, et par sa propre
expérience, que ses deux autres compagnes
avaient dû se déchirer douloureusement aux
ronces du chemin.
—Mes amies, me? steurs, dit celle qui s'ap
pelait Louise, répondez-moi franchement :
Avez-vous conclu de mon silence que je ne
vous aimais plus et que je vous avais ou
bliées?
— Non, dit Pauline.
— Non, répéta Estelle.
— Et vous avez eu raison, reprit Louise ;
Dieu m'est témoin que je n'ai point, moi,
songé à vous accuser d'ingratitude le jour
où je n'ai plus eu de vos chères nouvelles.
Hélas ! elles ne sont pas" heureuses et elles
répugnent à m'attrister de leur tristesse, ai-
je pensé tout d'abord. A présent que je vous
ai vues, et alors même que nous n'échange
rions aucune intime confidence, je resterais
persuadée que mes pressentimens ne sont
que trop justifiés. Cette clairvoyance, ai-je
besoin de vous le dire, c'est en moi-rh'ème
que je l'ai puisée. Je vous connais trop bien
l'une et l'autre, j'ai lu trop souvent et trop
avant dans vos cœurs, pour qu'il me soit
permis d'en ignorer les exquises délicatesses.
Si elles continuent à m'écrire, pensais-je,
c'est que Dieu a béni leur foyer domestique,
et le récit de "leurs joies sera un allégement
à mes peines; si elles imitent mon silence,
c'est qu'elles souffrent comme je souffre. -
Tôt ou tard, nous nous retrouverons, et
nous pleurerons ensemble.
Tandis qu'elle disait ces tristes paroles ,
les musiciens de Straussr exécutaient leurs
mélodies les plus vives et les plus folles ,
comme dans l'opéra de Mozart où don Juan
chante sous le balcon de sa maîtresse une
chanson empreinte de langueur et de mélan
colie, alors que les accompagnemens de l'or
chestre pétillent d'entrain, de gaîté et de
bonne humeur.
• — Ainsi donc, reprit Estelle, ce beau
voyage de la vie , entrepris par nous avec
tant d'illusions et de naïfs enchantement ,
nous a conduites au même but : la douleur!
J'ai vingt-quatre ans à peine ; et, dans quel
ques mois sans doute, je plaiderai avec mon
mari en séparation de corps et de biens.
Louise et Pauline tressaillirent à ces pa
roles.
— Ne, fais pas cela ! interrompit Louise.
— N'exécute pas un tel projet! s'écria
Pauline.
— Le mariage vous a doiiG biçn réussi à
toutes deux, que vous me donniez ce con
seil? demanda la jeune femme,avec une
nuance d'amertume.
— Juge toi-même, dit Pauline ; il y aplus
d'un an que mon mari et moi uous vivons
séparés, de biens. ■
— Et toi, Louise? dit Estelle.
Louise garda le silence.
— Tu ne réponds pas ?
' — Hélas! dit-elle enfin d'une voix brisée,
un jugement rendu par le tribunal civil de
Strasbourg , a prononcé la séparation de
corps entre M. de .... et moi.
— Eh bien ! dit Estelle, ma destinée sera
semblable à la vôtre, mes amies. Pourquoi
ne suivrais-je pas votre exemple? pourquoi
ne ferais-je'pas cé que vous avez fait?
— Pourquoi? interrompit Louise, mais
parce qu'il n'est pas de condition pire que la
mienne ; parce que je suis veuve et mariée
à la fois; parce que c'est là, un remède ef
froyable, qui ne guérit rien et dont on souf
fre plus encore que de sa blessure. Ah! pau
vre chère ! Dieu te garde de passer par cette
épreuve cruelle de l'audience et du procès.
Si pure que tu sois, si irréprochable qu'ait
été ta conduite, il y aurç toujours un avocat
qui essaiera de te salir et - qui forcera ton
front rougissant à se courber sous le poids
de ses insinuations et de ses calomnies. In
terroge Pauline ; d'avancç, je connais sa ré
ponse.
— Sois patiente et résignée jusqu'à l'hé
roïsme, jusqu'au martyre, s'il le faut, dit
Pauline,plutôt que de recourir à une si dure
extrémiwLa société nous a tracé une ligne
droite; malheur à celle de nous qui s'en
écarte ! L'opinion publique ne se préoccu
pera pas de savoir si le bon droit est ou n'est
pas de ton côté-. elle te condamnera d'ua ar
rêt sans appel.
— Mais je suis à bout de patience et de
forces! s'écria Estelle; mais vous ne savez
pas combien l'on m'outrage chaque jour!
mais vous ne sentez pas, vous, à quel point
mon cœur est torturé, et comme il saigne
par toutes les plaies qu'on lui a faites! Et
vous me parlez de résignation ! La résigna
tion est la vertu des faibles et des lâches !
— Tu te trompes, chère enfant, c'est la
vertu des forts, dit Louise d'une voix grave.
Ah ! lu ne sais pas, nul ne peut savoir par
quels repentirs incessans, par quels remords
continuels j'expie î'audace de ma lutte et
les témérités de ma révolte. Crois-tu donc
que mon coeur n'ait pas été torturé et brisé
tout autant que le tien? Eh bien ! je n'hésite
pas à le dire : en présence de la situation
que j'ai provoquée et que la loi m'a faite,
j'en suis venue à regretter mes misères pas
sées. .
— C'est que tu n'as pas souffert ce que j'e
•souffre ! s'écria Estelle. Vois mes yeux, ils
sont brûlés par .l'insomnie et par les* larmes.
Te souviens-tu de ces belles tresses blondes
dont j'étais si orgueilleuse à la pension?
Encore un peu, et la fièvre m'en aura dé
pouillée.
— Regarde mon front, dit Pauline.; est-ce
que la. douleur n'y a pas imprimé sa griffe
de fer? ' 1
— Et moi, demanda Louise, 'trouves-tu
que les chagrins m'aient respectée davanta
ge? Ecoute nos conseils, chère sœur; crois.à
notre expérience, et que la faute par nous
commise te soit un exemple et une leçon.
Désespérer de l'avenir, cela équivaut à un
blasphème. N'est-cé pas désespérer de la bon
té de Dieu ? Pourquoi renoncerais-tu à l'es
poir de conquérir de nouveau le bonheur, à
force de vertu, de douceur et de patience ? Or,
sois-en convaincue : le jour où tu provoque
ras un éclat judiciaire,ce jour-là, entre le boii-
heur et toi, il se dressera une infranchissable
barrière ; et le reste .de ta vie, tu le passeras
à déplorer cette détermination fatale, arrêtée
dans une heure de découragement et de co
lère. Hélas ! je la connais.cette heure d'acca
blement et de défaillance! La séparation de
corps m'apparaissait alors comme une ven
geance... OH! malheureuse! c'est sur moi-
même que je me suis vengée !
Parlant ainsi, et d'un geste rapide, la jeune
femme essuya, avec son mouchoir garni de
dentelles, les larmes qui roulaient sur ses
joues amaigries.
— Ah ! pour tenir un tel langage, il faut
que vous ayez souffert moins que moi, re
prit Estelle après un moment de silence.
Un pâle sourire effleura les lèvres de Pau
line et de Louise.
— Moi, dit Pauline, j'ai lié ma destinée à
celle d'un joueur. Ce mot seul explique mon
martyre et résume mes supplices.
— Moi, dit Louise, j'ai épousé un homme
jaloux ; et cette jalousie aveugle, injuste,
brutale, m'a fait répandre plus de pleuis
amers que tu ne compterais d'étoiles dans
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