Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-07-16
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 juillet 1852 16 juillet 1852
Description : 1852/07/16 (Numéro 198). 1852/07/16 (Numéro 198).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 198.
BifiHSAUX : rue de Valois (Palais-Royal), n' l©i
1852.-VENDREDI 10 JUILLET,
9sux os L'ABoatasixsar.1
fiais .13 F. PAR TMMESTBîS
PAKTEMSNS. 18 P.'. • "H
ci* numéro : àft cmnmsi
. posjr lbs vira ëtbinqees , s& report r
aa tableau qui sera publié dans le jouros 1 ,
les 10 et it de chaque mois,
, Les.abcmcmens datent des 1« et 16
de chaque morj
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D ekaih, directeur:
régisseur, le,, plfiee de la B out
PAiUS, 15' JUlLLtT.
. Losj oùrnaui anglais comménceîi'l'à doîP
ner sur les élections irlandaises des détails qui
ne j lislifient que trop les appréhensions qu'on
avait conçues'.' Depuis plusieurs semaines,
ce pays est en proie à une agitation crois
santé. D'un côté, la fraction du clergé ca
tholique', qui subit en politique la funeste
influence de l'archevêque < de Tuam prê
che l'opposition au gouvernement et hrie-
naoe de déchaîner la guerre civile ; de l'au
tre , les affiliés des loges o'rarigistes n'é-
. pargnent pas les provocations aux catholi
ques. De tels fermens de discordes,soigneuse
ment entretenus au sein d'une population
ignorante, grossière et naturellement jpoitée
à la violence , ne pouvaient manquer de
produire leur fruit. Aussi voyons-nous
sans étonnement que des. rixes et des
émeutes ont eu lieu à Cork, à Limerick et
dans plusieurs autres villes. Ces scènes de
désordre forment un pénible contraste avec
la tranquillité parfaite et la régularité qui
ont présidé aux élections anglaises. Ainsi le
même peuple, s'il est éclairé par l'instruc
tion et façonné par une longue pratique de
la liber!'', usera de ses droits avec calme et
avec dignité, et fera de l'exercice de sa
souveraineté une occasion de troubles et de
violences tant qu'il n'aura pas appris'ses de?
voirs à l'école de l'expérience.
Les élections de l'Irlandeet celles des com
tés d'Angleterre ne se termineront qu'au mi
lieu delà semaine prochaine. C'estÉors seu
lement qu'on pourra apprécier avec.certitude
laposition du ministère actuel et celledes par
tis qui prétendent lui enlever le pouvoir. On a
paru surpris, de ce côté du détroit, des calculs
contradictoires auxquels se livrent les jour
naux anglais, et quelques écrivains ont en
registré comme autant» de défaites pour le
cabinet de lord Derby toutes les victoires
que s'altribueLt les feuilles radicales de
Londres. C'est méconnaître singulièrement
là situation de l'Angleterre.
Gommecçonspar constaterqueles électeurs
se sont rendus au scrutin avec une médiocre
ardr ur. Gela résulte de la comparaison du
chiffre des volans avec.celui des électeurs et'
du grand nombi e des électionsnon contestées,
c'est-à dire où Iesanciens députés n'ont pas
£u de concurrens et ont été réélus par accla
mation. La façon dont les questions se po
saient devan t le corps électoral n'a pas peu
contribué à cette tiédeûr des élections. On-a
parlé beaucoup dans les journaux et uti peu
sur les hustings dulife-échangeyet des ré
formes de sir Robert Peel ; mais les oppo-
saris d'aujourd'hui savent à merveille que
les tories ne sont pas plus disposés qu'eux-
mème^-à revenir sur . les mesures de sir Ro
bert Peel, attendu que c'est le parti torv qui
les.a votées. Les tories prétendent seulement-
que sir Robert Peel s'est écarté de la prudence
et de ses propres idées le jour où il a supprimé
entièrement les droits sur le blé, et qif%les
wliigs ont fait une faute plus grave encore
Je jour où ils ont aboli complètement l'acte
denavigaiion.,
Toute la question entre le cabinet et ses
adversaires était donc de savoir s'il vaudrait
mieux laisser les choses dans le statu quo, ou
établir sur le blé un droit derS shillings, qui
remplirait le trésor et protégerait l'agricul-
turenationalesansaugmenterleprix du pain.
Ce n'est point avec de* pareilles questions
qu'où pasîionneim peuple. Que!que avantage
que les agriculteurs pussent trouver à réta
blissement d'un droit modéré, Quelque res
sentiment qu'éprouvent les armateurs de
l'abolition de l'acte de navigation, les uns
et les autres savaient qu'ils avaient con
tre eux les intérêts -commerciaux et ma
nufacturiers-aujourd'hui prépondérans eir
AngfeteTretlls^savaient, en outre, que pour
prendre l'initiative d'un retour sur les faits
accomplis , le gouvernement demandait,
non-seulement une majoiité incontesta
ble, niais une majorité éclatante, et telle
qu'il était impossible de l'obtenir dans l'état
de division du pays. La question du libre-
échange et de la protection était donc réelle
ment horg de cause, et sir James Graham
avait eu raison de dire que la vraie déclara
tion à exiger de tout candidat, c'était de dire
s'il était pour ou contre le ministère de lord
Derby. " -
Les diverses oppositions ont eu beau pein
dre le cabinet actuel sous les couleurs les
plus noires, elles n'ont réussi ni à alar
mer ni même à émouvoir . les électeurs.
Oxi peut prévoir déjà que le ministère sor tira
fortifié de la lutte et qu'il.n'aura poiut de
majorité. Le parti tory était' la fraction la
plus nombreuse et la plus compacte de la
dernière chambre des communes ; il comptait
260 voix dans une chambre de 634 mem
bres; pour devenir majorité à lui seul,
f il aurait fallu qu'il gagnât 70 voix; il n'en
gagnera guèreque la moitié; par conséquent
l'existence d'une majorité proleclionni te
dans la - future chambre des communes est
dès ce moment impossible. Il s'en suit
pas que, sur les questions politiques, lord-
Derby n'arrivera pas à se créer une ma
jorité. C'est une question que nous examine
rons plus tard.
Les tories prouvent- qu'ils ont gagné un
certain nombre de voix qu'on ne peut évaluer
à moins d'«ne trentaine; les feuilles radica
les, de leur côté, crient victoire : qui donc
a souftriit dans la lutte? Les nuances in
termédiaires : les peelites et les wbigs. Les
tories refusent avec raison de prendre à leur
compte les pertes nombreuses", essuyées par
les hommes qui, en s'intitulant conserva
teurs, se sont montrés les adversaires les
plus acharnés du nouveau ministère. Les
tories ont combattu partout les peelites,
et quand ils n'ont pas pu emporter l'é
lection, ils l'ont fait tourner au p/olît des
candidats radicaux. Que les .feuilles radi
cales se félicitent de ^oir une douzaine de
radicaux remplacer autant de peelites, cela
est tout naturel; mais l'opposition n'y ga
gne pas une seule voix, et sir James Graham*
est le seul à y perdre. • , .
Après les peelites, dont les dfiux liers sont
demeurés sur le carreau, la fraction qui a le
plus souffert est la fraction whig; Lord Jokn
Russeli a perdu plusieurs de sos anciens
collègues et de ses meilleurs lieutenar.s :
sir John Romilly, lordEbrington, M. Parker
et bon nombre d 'adhéreDS. Ses droits à être
le chef de l'opposition s'en trouvent affai
blis d'autant; et c'est là un grand avantage
pour le nouveau ministère. Lcfrd Derby, ap
puyé sur une'masse compacte de trois cents
députés, n'aufa devant lui que sir Jaines
Graham'et lord John Russeli', c'est-à-dire des
généraux à peu près sans soldats ; et la pha
lange des radicaux , c'est-à-dire une armée
sans généraux, et où tout le monde veut com
mander. " CUOIIEVAL-CLA.RIGNY.
Le tableau du revenu public-, pendant le
premier semestre de, i'arnjée courante, est
satisfaisant à tous les points de vue; il té
moigne d'une bonne situation financière; il
témoigne également d'une bonne situation
industrielle et commerciale; car l'augmenta
tion du produit des impôts'indirects est le
résultat de l'accroissement des transactions
de toute sorte et des. différentes consomma
tion?. w ■
L'augmentation dé, S851 sur I8o0 n'avait
été, puur le premier semestre, que d.e 13 mil
lions; l'augmeut uion tie 1852 sur 'iHol s'é-
&v<>, pour la màuae. période, à près de
26 millions, c'est-à dire au dejuble. Ces cliif-,
fres peuvent servir à mesurer les progrès de
la fortune publique aux deux époques.
Ma s, pour mieux apprécier encore l'im
portance des résultats obtenus pendant le
premier semestre de l'année .courante, il
faut se rappeler que le dernier trimestre de
l'année 1831 avait donné un déficit de 12
millions. • .
. Ainsi, au mouvement rétrograde qui avait
affecté la fia de l'année derniere, et qui avait
absorbé l'augmentation obtenue pendant les
trois premiers trimestres, a succédé un
mouvement ascensionnel qui a 'produit,
pour ce semestre seulement, un .bénéfice
d'environ 26 millions.- . '
Sur ces 26 millions, il n'y en a que 6
qui apparliennent au premier trimestre;
plus de 19 proviennent du second. Le com
mencement de l'année avait subi l'influence
des inquiétudes qui accompagnent toujours
les grands changement politiques, et que
les tentatives insurrectionnelles du socialis
me avaient pu momentanément accroître
dans certaines contrées du Centre et du Mi
di. Dès que le gouvernement s'est affermi,
le progrès a pris une allure ,plus décidée.
Le mois d'avril a donné l'énorme bénéfice!
de 9 millions et demi sur le mois correspon
dant de l'année dernière; et, si l'augmenta
tion est retombée à 3 militons et demi, pour
lemois.de mai, elle s'est relevée à 6 millions^
et demi pour-le mois de juin. ■
Si le mouvement progressif eîu "second*-
.trimestre se continue pendant le reste do-
l.'année, l'augmentation pour l'exercice en
tier dépasserait 60 millions.
En décomposant le tableau^ on reconnaît
que l'accroissement porte sur toutes les bran
ches du'revenu publie, à l'exception de l'im- .<
pôt sur les sucres ineiigèries. Nousne parlons .
pas do la diminution du produit des paque
bots-postes, qui provient de la remise du
service des paqueboîs de la Méditerranée en
tre les mains cfe là compagnie des Message
ries nationales. . '
Les droits d'enregistrement, de greffe,
d'hypothèques, etc., présentent un excédant
de 4,488.000, et le dryit de timbre un excé
dant de 960,000 fr. Ce sont, parmi nos im
pôts indirects, ceux gui ont le plus de peine _
à se relever: Ils sont loin encore des. pro- ~
duits qu'ils donnaient avant la révolution
de 1818. Il importe d'en rechercher les cau
ses, et nous ne saurions trop appeler sur ce
point l'attention du gouvernement.
Ce sont les droits de douaaos. qui offrent
l'augmentation la plus" considérable. Les
droits ?ur les marchandises diverses se sont •
accrus de 8,280,000 francs ; les droits
sur les sucres des colouies franc lises' de
5,149,000 francs; les droits sur les sucres
étrangers de 919.000 francs. L'augmenta
tion du produit dès droits sur les. mar
chandises jdiversçs. xsl^utaat. plus-
faisante, qu'elle correspond à une grande eTc-
tivité de notre industrie manufacturière. Ces
marchandises diverses uont, en effet, pour
la.plupart, des matières premières, que nos
fabriques mettent en Oeuvre, et dont le tra
vail occupe des millions d'ouvriers L'accrois-
sement jies sueres coloniaux prouve que la
production se réorganise dans nos gosses- .
sions d'outre-mer. Quant aux sucres"étran-
gersf'nous ne saurions nous applaudir de
voir leur introduction s'augmenter, quand
la coji-ommatiem du.'.sucre indigène s'est
réduite au point à &.causer un déficit.de..
1,562,000 fr. au tpésor.é - ■ •«
Ou rcmarquo. que la/ taxe sur la consom
mation des sels s'est accrue de 2,700,000"
lr.,;queles boissons donnent un boni de »■
2,30Q,COO fr., les tabacs de 1.620.000, les
postes de 1,584,000 fr, - , .
Pendant que le proeluit de nos impôts in
directs suit une marche.progressi ve 5 nos im
pôts directs.renlrêrit avec une facilité inouïe,
que l'on peut altribuer\également à l'abon
dance du numéraire et à la confiance gé
nérale dans l'avenir du gouvernement. Les
contributions recouvrées s'élèvent,à 182 mil
lions. C'est 44 0/0 du montant des rôles et
11 millions de plus, que le montant des ter
mes échus. L'année, dernière, à la même
■époque, les recouv reine as ne représentaient
ue^3 0/0 des rôles, et l'avance sur les ter
mes échus n'f'tait que de "4,81 i,000 fr. En
fin, les frais de poursuites, qui n'étaient
déjà, l'année dernière, que de 2 fr. 40 c.
pour 1,000 fr., sont encore descendus à 2
ir. 09 c. ,
lit, à propos" ele ce dernier chiffre, nous
devons relever la faute d'impression commise
nar le Moniteur, qui dit que la proportion des
frais de poursuite a été de 2 fr.- 09 pour cent,
ce qui serait énorme; le journal officiel de
vra faire demain la rectification que nous
faisons aujourd'hui ; l'administratinn des fi
nances, dont il reproduit les tableaux, avait
certainement mis 2 fr. 09 pour mille francs.
. j. bl'ilatj
Notre correspondant de Berne nous adresse
quelques observations sur la situation géné
rale de la Suisse,«t plus particulièrement sur
celle des cantons de Friboùrg et de Neu-
cbâtel. •
En général, on remarque une modification
d.'ins la marchedes partis. La situation des af
faires en France, depuis le 2 décembre, pa
raît avoir adouci, daus certains cantons, les
aspérités du îadicalisme; on ne peut nier
que les idées modérées ont fait de sensibles
progrès dans les masses. Les meneurs, qui
ne peuvent méconnaître ce travail incessant,
sont forcés eux-mêmes de teinir un langage
plus en rapport avec la situation.
L'assemblée de Po«ieux a mis en évidence
dans le canton de Fribûurg„des idées con-,
ssrvatrices qu'on'ri'y croyait pas si puissan
tes. Il en est déjà résulté, delà part du granel
conseil de ce. canton, le retrait du serment
électoral, première victoire qui semble de
voir satisfaire les moins exigeans, mais qui
est lourde devoir suffire à ceux qui parais
sent marcher dans la voie ultra montai ne.
Le gouvernement de Fribnurg ne peut lut
ter contre une majorité écrasante; son sys
tème d'absolutisme radical est usé et" il
faut qu'il le modifie. Le bannissement de
l'évêque, la fermeture du sémiuaire, les at
taques dirigées contre les conservateurs, ont
indisposé des populations essentiellement
catholiques. Pour gouverner un tel canton,
il faut oe la prudence, de la fermeté, uuies à
des sentiniens religieux dont la modération
ne donne pas prise aux,i/Jées anti-cléricales.
Le canton de Nsuchà'tel est dans une posi
tion.internationale plus délicate; à l'exem
ple de la Fr'auce de,ît?Î8iil a eu sa révolution
républicaine dans le mois de mars de .a mé-'
me année. Les droits 'du prince de Neuchâiel,
roi dePrussc, ont été méconnus. De làdesré
clamations qui ont amené les arràngemens
deLondresquisansrétablir immédiatement la
puissance du prince, laissent entrevoir cette
solution .comme le seul moyen' d'arriver à
satisfaire les exigences du monarque prussien
et'en même temps les traités de Vienne. Le
peuple vient d'avoir ses comices à Valangin;
^le puiii du prince, formé de. la bourgeoisie^
était composé d'environ quatre mi:le citoyens™
neucbàtelois; celui de la" république d'envi
ron "six mille individus, dont une partie Suis
ses des autres cantcms. Les deux partis qui
divisent Neuchàtel se sont ainsi trouvés
classés d'après le nombre et l'importance
qu'ils occupent dans le pays. Si la souverai
neté populaire et l'élection viennent trancher
une question de suzeraineté, .il serait fort
possible que le roi perdit ses droits. L'avenir
nous apprendra ce que les autorités fédéra
les décideront. 1
Si l'on met de côté les difficultés de Fri
boùrg et Neuchàtel, la situation des autres
cantons paraît être normale. Les questions
matérielles, celle dés chemins de fer sur
tout, -^préoccupent vivemeyt la population,
les députés du conseil national et du conseil
des E'als.
, Le parti qui' gouverne à Bu$ne paraît peu
goûter celte innovation. En général le gou
vernement bernois oublie trep facilement
qu'il n'est au pouvoir qu'à: la laveur d'une
majorité"peu Nombreuse , et qu'il* -a besoin
de buaueoup 9e prudence,pour se soutenir.
Los tendances du gouvernement bernois
sont essentiellement ultrà-cons^r'vatrices ; il
vïent de dissoudre la société du Grutli, de
rendre la liberté "de la'presse presque impos
sible. Les conseils fédéraux se sont émus de
ces décisions en désaccord avec la Goustitur
tion fédérale. D'autres velléité s d'iiuge rtaïn
despotisme ont beaucoup donhé'Ti'^eriser
aux vrais libéraux et aux amis de la ; souve
raineté du peuple. Il se prépare contre les
rêves d'un conservatisme imprudent, une
campagne qui ne tournera pas à l'avantage
du gouvernement salué naguère avec tant
d'acclamations; -
Pour ce qurconcerne le canton de Sôleure,
il marche admirablement dans la voie d'un
libéralisme sage et modéré. Le canton d'Ar-
govie paraît se remettre de l'indécision où
ses Constitutions rejetées ne cessaient de le
conduire. Lucerne voit la lutte du radica
lisme et du conservatisme se dissiper au
milieu de la fatigue des combats électoraux.
- Les petits cantons, Uri, Schwitz, Unter-
wald et Zug, savent, par leur sagesse et leur
modération, rester les modèles de la confé
dération.
Bàle voit ainsi que Zurich et Saini-Gall,
son "industrie admirable prospérer; le ti ava'l
ds l'ouvrier et l'activité du riche calment
toutes les passions poiitiquoâ; 'et vont faire
luire pour la Suisse des jours- de prospérité.
Dans les cantons de .Vaud et de Genève,
l'influence des évéaemeris de France a rame--
né la sécurité et'accéléré le départ de la plu
part des réfugiésl^Dans l'un, la valeur des
propriétés a beaucoup augmenté. Dans l'au
tre, la confiance paraît générale ; conserva
teurs et radicaux modérés" paraissent s'unir
pour faire trêve aux vieilles luttes des par
tis. * .,-u .
Dans les cantons français , l'influence de
la France est immense, et les gouvernehaens
de Vand et de Genève sentent la nécessité de
se rallier à ces principes d'ordre et de sage
liberté qui seront la sauvegarde du gouver
nement fédéral. l. boniface.
Oti conçoit facilement que dans ce tnoment rien
tip, soit encore décidé, tnins nous espérons que la
voie qui conduit entf-nte est aplanie plu»
uu'on ne l'a cru jeisqcfici. Quant à CPt 'te entente, il
faudra -fait», abstraction: de toute arrière-pensée
politique, mais on ne pourra pas éviter de tenir
compte de tous- les imérètVmatériels. • Â5sez de
difficultés, par conséquent, s'opposent-àl'arrange- 1
ment définitif; mais comme les deux puissances
allemandes sont, pour aiiiSi dire, pou.ssées vers lei
concert allemand, si l'ori'.rie veut pas que le dua
lisme paralyse tout développement national, il faut
espérer qu'on parviendra à-vaincre ces difficultés.
Le Journal de Francfort publie l'article
suivant, sur la question du Zollverein :
M. (le Bismarck-Scbcerihausen est de retour à
Francfort. Il n'y a guère de p-r.-onnes qui yé-
teiidront que M. l'envoyé de Prusse à la diète n'a
pus ( te chargé d'une mission extraordinaire au
près du gouvernement autrichien. Les journaux
affirment que M. de Bismarck était porteur d'une
lettre autographe de son souverain ; ils ajoutent
qu'il en a remis une autre de l'empereur à son
souverain. Le retour subit de M. de Bismarck
prouve suffisamment qu'il n'était pas desiiné à
remplacer M. le comte Aciiim durant l'absence de
ce dernier. ' .
On peut être convaincu que ce diplomate n'a
pu être chargé d'une mission qui compromettrait
lai t soit neu li politique commerciale delà Prusse
et l'avenir de ce p ys, qui s'appuie sur un glorieux
p-.issé. M. de Bi-marck appartient au parti qui ne
voit "l'avenir de, la Prusse que dans un développe
ment indépendant, et qui n'est que pour des'eon-
::e?sions cniiipatiblt s avec ce développement. Aussi
pe,ut on être- convaincu que la mission de M: de
Bismarck était entier, meut différente de celle que
quelques journaux lui ont prêtée, à savoir qu'il
avait reçu l'ordre d'offrir directement à l'Autriche
[".ooi^'tn-lé gouvernement pru-sien avait refusé à ia.—*|
coalition cie Darn-stadt.
Cep- ndabt autre chose est de faire une pareille
démarche, et autre chose est de se rapprocher de
"'Autriche pour pouvoir conclure un traité de com
merce avec ce vaste empire, dès que le Zollverein
sera reconstitué-. Il ne s'ag t pour l'Autriche que
d'obienir une pareille garantie; cl'e ne demande
ridi de mi aux que le rétablissement du Zollva-en
et en même temps un lrai:é de commerce entre le
Zol verein e t cet empire, un traité qui, lo n d ecdi r
ter le but d'une union douanière allemande géné
rale, sert piu ôt à la favoriser.
Peut-être la Prusse n'a-t-elle pas voulu ceder
aux menaces de la coalition de Darmstadt ; mais
il est impossible qu'elle s'oppose à tout rappro
chement de la politique commerciale dé l'Autriche.
Nous ne pouvons pas, dit la Prusse, négocier
a'v< c l'Autriche avant que le Zollverein ne soit
éorganisé. Nous ne pouvons pas, dit à son tour
l'Aujjpche, conseillera nos alliés de Darmstadt d'ad-
lif-rer àcette réorganisation avant que nous n'ayons
obtenu des garanties pour un traité de commerce
avi.c le nouveau Zollverein. 11 est possible que la
Prusse se décUs - à stipuler les bases d'un pareil
trailé avec l'Autriche ; il est encore possible qu'à
ce prix-là les Etafs appartenant à la.coalition de
DannsVadt adhèrent de nouveau ju Z->lW«rein, ou
plutôt consentent à y laisser rentrer la' Prusse, car
le Zollverein n'existe en réalité qu'entre ces Eiats
qui ne l'ont pas dénoncé. Telle nous parait être la
situation.' ...
On se rappelle que les sieurs Gent, Longo-
mazino et Ode, condamnés à la déportatioa,
par le tribunal militaire de Lyon, ontété em
barqués à Brest, le 20 décembre 1851, à bord
de la Moselle , pour être conduits au lieu de
leur destination. Une let tre d u commandant de
la station-navale de l'Océanie, en rade de Val-
paraiso, à la date du. 22 avril 1852, donne
les détails les plus circonstanciés- sur l'atti
tude, le langage et le caractère de ces trois
condamnés.
Valparaiso, 22 avril 1852.
La petite colonie pénale embarquée sur la Mo- ,
selle se compose de trois familles: Gent et îafcm-.
me ; Longomazino sa femme et deux petits en
cans ; Ode,-sa femme et deux petits enfans-égale
ment eu bas âge ; en tout dix personnes. Gent,
par son intelligence, par son éducation, par le rô
le qu'il a joué, se présente là comme la ! iète et le '
meneur; sa longue et épaisse barbe, son attitude
arrogante , quand il n'oublie pas son rôle , lui r
donnent cei'te tournure'si commune dans les.
rues de Paris depuis la révolution de février;
il' affecte des airs aristocratiques et d'une tphè- ,
re fort au-dessus de celle dé ses compagnons,
avec lesquels il se montre humilié d'être cônfon-
du, et dont il ne' supporte le contact qu'avec ré
pugnance. Longomazino,- avec sa taille d'Hercule,
représente la force et l'action ; mii-, dans l'état
d'impuissance où il se irouve réduit; sa violence
habituelle sommeille. Ode, inférieur à Gent par
l'intelligeuce, inférieur à Longomazino pir son
extérieur amoindri, obéit, quoique en rechignant,
à la domination des deux autres. • ■
Pour loger tout ce monel-, la prévoyance atten
tive de l'administration a disposé la Moselle aveh
un soin tout particulier; l'arriéré de ln battarie
lair est presque exclusive ment co isaeré.
Les difficultés de la turveillànce sont de (leur
sortes: 1° surveillance întéiieare pour prévenir
toute affiliation avi c les hommes du bor.i ; on y a
pourvu par l'interdiction, sous peines sevères, de
toute commun cation avec les déport-'s.
2° Surveillance extérieure pour éviter l'évasion.
Contre, ce danger, l'ordre de maintenir les sabords
fermés pendant la nuit, et, dans les rades, deux
cauoti suspendus, l'un à l'arrière, l'autre à tri
bord, à la hauteur des sabords, peu-tant chacun un
factionnaire avec un fusil chargé.
Par mesure d'hygiène, il leur est permis ne se
promener sur le pont une heure le matin et trois
heures dans l'après-midi; le comannlant y a
même ajouté une heure après le diner.
Dès l'arrivée à bord des déportée, le 20 décem
bre, les caractères hostiles ou differens se révélè
rent, et les dissensions intestines éclatèrent. Tout
d'abord, chacun pt étendit au droit de choisir la
meilleure chambre.
• Longomazino vida la discussion en Rétablissant
d'aulocite dans la. plus grande.Devant cet exercice
du droit de la force, Ode et Gent s'inclinèrent, puis ,
tirèrent au sort les deux chambres restantes, et le
sort se déclara pour Ode.
Evidemment, de pareilles gens ne sont pas de
taille à se mettre au-Jessus des malaises de la vie
du bord et de son action irritante. D'abord ce fù-
rent d'aigres* réclamations de ménage, pour des
œufs, pour du charbon , que Gent avait laissés à
terre; puis vinrent des querelles à propos de
labac acheté en commun, des cmpnriemcns ce
Gent parce qu'il n'a pas. pu se procurer, des pro
visions fraîches à Ténériïïe. Un jour même les
esprits sMrriièrent au point que Longomazino et
Ode se battirent à coups de poing, et qu'il fallut
l'intervention d'un gendarme pour les séparer,
^i ns toutes ces misères, amenées par la vie claus
trale et toute de privati ons de la mer, ne méritent
pas d'autre attention.
Us essaient aussi de se ménager des intelligences
parmi les hommes de l'équipage. Longomaziro
trouva le moyen d'entrer en conversation avec le
maître armurief; la punition exemplaire de ce sous-»
officier c upa court à toutes ces pratiques. ' ,
■ Alors il s'agit dé-prendre une attitude à l'égard
de 1 autorité. On avait-eté assez doux d abord; on
crut plus avantageux de se poser en victim.;.Ge it
voulut même, sans doute pour laisser trace et
fou-nir une pièce probante à l'avenir, écrire au
commandant une lettre oèi il se plaint « d'être
traité, sur Zi Musrlle, avec une rigueur à laquelle
les prisons dî ,-Lyon et surtout de lirest nel'avaient
pas accoutum^. »
En généraljtdans - la^traversée de Brest à Rio-
FEUÎLLETON DU CONSTITUTIONNEL^ 16 JUILLET.
IL FAIT- DUE JEUNESSE SE PASSE/
XIII.
Quelques jours après la mémorable soijée
dans laquelle Tristan avait fait de si brillans
débuts au jeu de boston, la marquise de
Morvilliers et le - vicomte de Fenestrange,
qui avaient dîné ensemble étaient allés «'as
seoir au bout de la grand e allée de tilleuls du
jardin, où le caf« avait été servi sur.un gué
ridon rustique. Louise était restée au sajonj*
obéissant à un sentiment de réserve et de
circonspection dout elle ne se départait ja
mais, et elle laissait errer machinalement ses'
doigts sur le piano, évoquant successive
ment les souvenirs mélodiques qu'elle avait
rapportés de son couvent, et s'abandonnant
à celte douce rêverie qu'inspire la musique.
Le' vicomte avait deîgusté, en gourmet
émérite, une demi-tasse de délicieux moka,
àlaquelle il n'avait point manqué de joineire
les accompagoeumis obligés eu pareille'ma
tière, surtout quand on a eu l'honneur de
servir dans la garde royale. Cependant il était
taciturne et préoccupe. .
Ce fut la marquise qui prit la parole.
— Eh quoi! vicomte, s'écria-t-elle, voilà
près ei'un quart d'heure que vous n'avez
.ouvert la bouche... pour parler, sVntaad!..
fît que vous vous tene z là tranquille sur vo
tre chaise, comme une statue de mon jar
din; vous, d'ordinaire le mouvement per
pétuel! Qu'est-ce que cela veut dire? Sdric-z-
vous malade?
— Moi, marquise? nullement.
— Si vous voulez fumer, ne vous gênez
pas, pourvu que vous vous teniez â distance
respectueuse. ■
— Merci ! j'ai fumé îavant le dîner ; et
d'ailleurs, il faudra que je vous quitte de
bonne heure, chère marquise, pour aller
faire ma toilette. Je suis invité àune fête que
donne ce soir un ami de Tristan. Nous de-
♦ la reproduction est interdite-
vons nous y rendre ensemble.
— Quelle est cette fête;?
—Ma foi ! jfi-n'en sais rien. L'amphitryon
est un boyard russe qu'on nomme te prfnce
R itnnoff, et qeii est sourd comme s'il avait
tiré le canon toute sa vie. U m'a dit que ce
ne serait pas trop collet-monté enjait de
femmes. Sans cela, je vous prie de croire
que je n'irais pas m'ennuyer là.
— Mauvais seijeH!...
—-Que voulez-vous, marquise? Il faut bien
que jeunesse se passe.
-r-A cinquante-cinq ans! vicomte, vous
vouiez rire. La jeunesse est passée depuis
long-temps.
r- Qui sait? Il y a des gens qui sont déjà
vieux à trente ans; il y en a ei'autres qui
sont encore jeunes à soixante. J'espère bit n
être teiujours de ces derniers, si vous voulez
me le permettre, chère et belle marquis^. '
Eu parlant ainsi, le vicomte s'incliuaet
porta galamment à ses lèvres le bout des
doigts de Mme do Morvilliers.
— J'ai toujours entendu dire, reprit cette
de;rmère, qu'il fallait souffrir ce qu'on ne
pouvait empêcher. Mais, continua-t-elie,
tout ceci no m'apprend pas le grave motif
de votre préoccupation de tout à l'heure.
— Vous le voulez saveiir à. toute force,
soit; mais vous me promettez de ne point
vous en montrer offensée, marquise ?
— J'y ferai mon possible, vii-oaite.
— Eh bien! en écoutant les chants du ros
signol que vous avez là-bas dans votre h6'.cl
sous ifs apparences d'une charmante petite?
Vendéenne de.dix-huit ou dix-neuf ans',
n'est-ce pas?
—• Seriez-vous aussi amoureux de celle-là,
par hasard?... .
—Eh! par ma foi!.. Mais non, elle est trop
jeune pour un vieil oiseau de proie tel que
moi. Oh! je me rends justice; je pourrais
être son père ; et, au fait, il n'est pas bien
sûr que je ne le sois pas. Ne m'a- t-clle pas
dit qu'elle était des environs de Fvnestrange?
A ces elerniers mots, une vive rougeur s'é
tait empreinte sur la physionomie de la
marquise.
-r- Vicomte, s'écrïa-t elie - avec impétuo
sité, mais non sans qtielqne confusion, il y
a entre rqus "des souvenirs si douloureux,
que vous devriez, ce me semble, éviter de les
révoilier, surtout avec une légère:té si cou
pable.
— Pardon ! oh ! mille fois pardon ! reprit
le vicomte avec componctioii et humilité; jg
comprends que je vous ai peinée e t oîTen.-ée
à la t'ois; et pourtant, puisque vous voulez
savoir le motif ele ma préoccupation de tout
à l'heure, je ri-que fort de me rendre tout
à fait indigne de ce pardon, en. vous ebsant
que les chants de votre [Mite Vendéenne
m'ont reporté à une époque de ma vu; qui
me sera toujours bien chère. Vous souvieut-
il, marquise, du temps où, traqués par la
polie» du di-rnier règue qui avait eu vent ele
no? projets - de restauration, nous parcou
rions en fugitifs avec uoe auguste princes
se, dont vous vous étiez faite la compixne,
les ajoncs e t les bruyères ele notre belle Ven
dée, recevant tour à tour l'hospitalité dans
les châteaux et dans Us granges, partageant
le pain noir des vieux gars du Bocage, cou
chant souvent sur ia dure, bravant les .in
tempéries du ciel... Oh ! qu'il s'est dépensé,
.àcette époque de notre vie, degaîié. de cou
rage, d'entraiuet de bon ne humeur!... Pour
nous autres hommes, il n'y a rien d'étrange
à cela, nous ne faisions efue notre devoir;
mais vous, femmes !... .vous, habituées à
toutes les recherches délicates de la vie élé
gante !...
— Vicomte, nous avions pour nous, dans
ce temps-là, la jeunesse.
—Oui... la jeunesse... et l'amour... Au fait,
vous ne pouvez m'empewher de me souve
nir'que j'ai été amoureux, de vous alors...
oh ! comme je ne l'ai jamiis été de ma vie
d'aucune femme. Ah ! marquise, que vous
éti> z jolie !... et combien j'ai été coupable en-
'Vers Mme de Fenestrangel...
— Ne parlons plus de cela, vicomte. Vous
le savez, le ciel lui-même a voulu nous en-
•lever tout sujet de nous souvenir d'un passé
dans lequel j'ai été bien légère, bien coupa
ble aussi, moi, et que j'ai expié depuis lors
bien cruellement. Mais ; dans sa m^ericorde,
Dieu nous a accordé une compensation :
c'est cette bonne amitié qui nous lie et qui
survit, dans notre cœur, à un sentiment plus
te-ndre. Oui, mon cher vicomte, croyez que
j 'ai été biei) heureuse de vous revoir. Aussi
bien, ilyapourmoi un charme ineffable dans
cette pensée,,que le même joufjquittoe ren
dait un aneiâfl-ami tel que vous*, me rendait
-aussi"mon fils. Vous le saviez, rioi^s autres
femmes, nous sommes toujours un peu fa
talistes/ Eh bien ! désormais, Txistau et vous,
vous êtes -liés inséparablement dans mon
nme. C'(St à-vous, vicomte, que je dois.Je re
tour de mon fils; je ne l'oublierai jamais.
. lieras ! ma pauvre amie, je voudrais de
grand cœur vous .avoir rendu un pareil ser
vice: mais je ne saurais m'attribuer vis-à-vis
• de vous un mérite que je n'ai pas, etvous ou
bliez vous-même que deux beaux yeux noirs
que j'ai trouvés ici ontiéto un hnm çon bien
autrement puissant que-tous lesEeuestrange
du monde pour attirer ce gaillard-là à l'hôtel
de Morviliiers.
— 0 ciel ! que dites-vous?
— Je dis la vérité, parbleu! Est-ce que
vous ne vous êtes pas ap rçue de l'amour
naissant de notre cher Tristan pour volre
johe lectrice? Il néglige Florentine" : à pré
sent, et celle-ci s'en plaint haute-ment.
— Aveugle que j'étais ! Et • moi qui, dans
: ma crédyle tendress», m'imaginais que mon
: fils ne venait ici. que pour sa mère ! Je n'ai
fait que changer de rivale, voilà tout.
—-Eh ! mou Dit u ! c'est do l'homéopathie
toute pure ! Est-ce que vous n'y croyez pas,
à l'homéopathie, .marquise?
—- Mais enfin, mou ami, si Tristan aime
Louise, comme vous le pensez, jl doit bien
savoir que cet amour ne peut le condui^'à
rien.
—Vous croyez?
— J'en suis tiire. Cette jeune fille est un
tréior de.pureié et d'innocence, c'est un dé-
vôt sacré que l'ai reçu, i-t que je dois rendre
intact.
— C'est différent. -
— A aucun titre, Louise ne'peut être la
maîtresse de mon fils. Ce serait une tache
pour lui, pour moi-même! Oh 1 je com
prends maintenant qu'il faut qu'eîie s'éloi
gne, qu'elle parte bien vite.
— Tant pis !
— Que voulez-vous eiire?
— Je veux dire qu'il est foi t à craindre
qu'une fois Louko éloignée, Florentine ne
reprenne sur Tristan tout son empire.
— Hélas! c'est là toute ma crainte; mais
enfin, vicomte, que furie z-vous à ma place?
— Moi ! je ne laisserais pas partir la petite
Vendéenne.
^-Vicomte, laisez-vous! Vous êtes un
homme affreux 1
La marquisedemeura pensive durant quel
ques instans, en proie à toutes les préoccu
pations douloureuses que venait de réveiller
en elle la révélation qu'elle venait de recevoir
de Fenestrange.
A la fin, celui-ci se leva pour prendre con-,
gé et aller vaquer aux soins de sa toilette,
avant de se rendre à la fête que donnait ce-
soir-li le [irince Ratanoff.
— Bonsoir, vicomte! Dohnez-moi votre
bras, dit Mme de Morvilliers d'une voix fai
ble ; je me sens- mal à l'aise, et je vais ren-,
trer me coucher.*
— Déjà ! reprit Fenestrange... Miis Tris
tan va venir : ne l'attendez-vous pas? Vou
lez-vous que je vous envoie votre lectrice ?
cela vous di-îlraira.
— Ni lui ! ni elle! s'écria impétueusement
lamirquisf; ce sont des ingrats tous les deux !
Us s'aiment ou ils sont bien près de s'ai
mer, sans doute. Et moi !... et moi, pauvre
mère! que me reste-t-il en échange de
to ite cette affection, de toute cette tendresse
que Dieu a plac es .dans mon cϝr?.Des
soins! des égards!.Ah! vicomte, plaignez- :
moi ! je suis bien malheureuse !
Le vicomte ne répondit pas ; mais il était
facile de voir qu'il s'associait, aussi compté- ;
• femenl que la légèreté de son caractère le
lui [H'Tn e t lit - , aux tristes préoccupations
de la chambre à coucher de Ja marquise, il
lui serra affectueusement la main en la porr
tant à ses lèvres, et lui dit d'une voix pres
que émue :
— Bonsoir, chère marquise, dormez bien
cette nuit, et que Dieu vous envoie les son
ges qu'il réserve aux bonnes mères. Après
tout, croyez que tôt ou tard Tristan vous
reviendra... 11 faut bien que jeunesse se
passe. *
Voyons ce que devenait, pendant ce temps-
là, la rivale plus ou moins avérée de Mlle
Florentine Chevillard.
^Louise , ■ comme on l'a vu , était restée
au salon, laissarit- errer capricieusement
sês doigts sur le piano, et occupée à re- ;
passer élans sa mémefrre toutes les mélodie s
qu'elle avait apprises en* Vendre. Entre
toutes ces mélodies, il en était une dout
le prélude revenait incessamment à sa pen- •
sée, par une sorte de corrélation intime avec
l'une des circonstances le plus fatalement
décisives de s.on existence jusqu'alors si cal
me, si monotone même.* C'était cette vieille
ballade du Baron dê Jàuioz, dont elle avait;
chanté seulement un fragment dans- la mé
morable soiree où Tristan s'était pris, pour
la première fois, en l'écoutant, à oublier
'Florentine. C'est en vain qu'tffrayée dès
long-lem.ps..de ce qu'il pouvait y avoir de
prophétique pour elle dans les-paroles de-
cette ballade, Louise avait toujours évité
d'en chanter les premières strophes."C'est en.
vain que ce soir-là surtout,- elle appelait à
son aide toutes les ressources d'une mémoire
musicale des plus riches et des plus com
plaisantes; toujours le funèbre refrain qui
forme comme.le prologue de la sombre his-.
toire de Tma, la jolie lavandière, revenait
errer sur les lèvres de la jeune lectriee.
Lavant un jour à la ri* ière,
J'entendis l'oiseau noir chanter : .
«Tina, tu ne t'en doutes guère,
■ » Le baron vient de t'acheter. »
C'était comme une musique mystérieuse
qui semblait descendre dans l'ame de Louise
avec le crépuscule du Soir, et elle ne pouvait *
se persuader que c'était elle-même qui pro
duisait ces sons, tant ils lui semblaient rem
plis d'une étrange et sauvage harmonie. Il
n'était pas jusqu'à l'isolement dans lequel
elle se trouvait, au milieu de ce grand salon
dont les hflisorips emilntoai! ni
tait pas jusqu'au silence même de l'antique
hôtel de Morvilliers, en quelque sorta en
dormi aux rayons dû la lune naissante, dans
ce quartier silencieux et désert de la rue de
Varennes, qui ne concourussent à porter le
trouble et un effroi indéfinissable dans le
ceEur de Louise.,
Tout-à-coup elle tressaillit. En jetant ma
chinalement un coup-d'œil dans l'une des
glaces du salon? elle s'hait "aperçuè qu'elfe
BifiHSAUX : rue de Valois (Palais-Royal), n' l©i
1852.-VENDREDI 10 JUILLET,
9sux os L'ABoatasixsar.1
fiais .13 F. PAR TMMESTBîS
PAKTEMSNS. 18 P.'. • "H
ci* numéro : àft cmnmsi
. posjr lbs vira ëtbinqees , s& report r
aa tableau qui sera publié dans le jouros 1 ,
les 10 et it de chaque mois,
, Les.abcmcmens datent des 1« et 16
de chaque morj
- S'adresser, franco, pour la rédaction, à M. G dchevajl- C u.rigny,
Les articles déposés ne sont pas rendus
acteur en chef.
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
i ■ ■ ; '
Vit s'abonne, dans lit dèpartemesu, aux Messageries ,et aux Directioni de porte.-
> —A Strasbourg,ckeihl. A uxa ND ez , .vaut V£
-A Lond'-et, che% MM. CçwiE et fus;
Âlle.magnèi ' ' 1 r
S'adresser, francoj pour l'administration, à M.
Les annonces sont reçues au bureau du journal; et.obex M; PANIS,
D ekaih, directeur:
régisseur, le,, plfiee de la B out
PAiUS, 15' JUlLLtT.
. Losj oùrnaui anglais comménceîi'l'à doîP
ner sur les élections irlandaises des détails qui
ne j lislifient que trop les appréhensions qu'on
avait conçues'.' Depuis plusieurs semaines,
ce pays est en proie à une agitation crois
santé. D'un côté, la fraction du clergé ca
tholique', qui subit en politique la funeste
influence de l'archevêque < de Tuam prê
che l'opposition au gouvernement et hrie-
naoe de déchaîner la guerre civile ; de l'au
tre , les affiliés des loges o'rarigistes n'é-
. pargnent pas les provocations aux catholi
ques. De tels fermens de discordes,soigneuse
ment entretenus au sein d'une population
ignorante, grossière et naturellement jpoitée
à la violence , ne pouvaient manquer de
produire leur fruit. Aussi voyons-nous
sans étonnement que des. rixes et des
émeutes ont eu lieu à Cork, à Limerick et
dans plusieurs autres villes. Ces scènes de
désordre forment un pénible contraste avec
la tranquillité parfaite et la régularité qui
ont présidé aux élections anglaises. Ainsi le
même peuple, s'il est éclairé par l'instruc
tion et façonné par une longue pratique de
la liber!'', usera de ses droits avec calme et
avec dignité, et fera de l'exercice de sa
souveraineté une occasion de troubles et de
violences tant qu'il n'aura pas appris'ses de?
voirs à l'école de l'expérience.
Les élections de l'Irlandeet celles des com
tés d'Angleterre ne se termineront qu'au mi
lieu delà semaine prochaine. C'estÉors seu
lement qu'on pourra apprécier avec.certitude
laposition du ministère actuel et celledes par
tis qui prétendent lui enlever le pouvoir. On a
paru surpris, de ce côté du détroit, des calculs
contradictoires auxquels se livrent les jour
naux anglais, et quelques écrivains ont en
registré comme autant» de défaites pour le
cabinet de lord Derby toutes les victoires
que s'altribueLt les feuilles radicales de
Londres. C'est méconnaître singulièrement
là situation de l'Angleterre.
Gommecçonspar constaterqueles électeurs
se sont rendus au scrutin avec une médiocre
ardr ur. Gela résulte de la comparaison du
chiffre des volans avec.celui des électeurs et'
du grand nombi e des électionsnon contestées,
c'est-à dire où Iesanciens députés n'ont pas
£u de concurrens et ont été réélus par accla
mation. La façon dont les questions se po
saient devan t le corps électoral n'a pas peu
contribué à cette tiédeûr des élections. On-a
parlé beaucoup dans les journaux et uti peu
sur les hustings dulife-échangeyet des ré
formes de sir Robert Peel ; mais les oppo-
saris d'aujourd'hui savent à merveille que
les tories ne sont pas plus disposés qu'eux-
mème^-à revenir sur . les mesures de sir Ro
bert Peel, attendu que c'est le parti torv qui
les.a votées. Les tories prétendent seulement-
que sir Robert Peel s'est écarté de la prudence
et de ses propres idées le jour où il a supprimé
entièrement les droits sur le blé, et qif%les
wliigs ont fait une faute plus grave encore
Je jour où ils ont aboli complètement l'acte
denavigaiion.,
Toute la question entre le cabinet et ses
adversaires était donc de savoir s'il vaudrait
mieux laisser les choses dans le statu quo, ou
établir sur le blé un droit derS shillings, qui
remplirait le trésor et protégerait l'agricul-
turenationalesansaugmenterleprix du pain.
Ce n'est point avec de* pareilles questions
qu'où pasîionneim peuple. Que!que avantage
que les agriculteurs pussent trouver à réta
blissement d'un droit modéré, Quelque res
sentiment qu'éprouvent les armateurs de
l'abolition de l'acte de navigation, les uns
et les autres savaient qu'ils avaient con
tre eux les intérêts -commerciaux et ma
nufacturiers-aujourd'hui prépondérans eir
AngfeteTretlls^savaient, en outre, que pour
prendre l'initiative d'un retour sur les faits
accomplis , le gouvernement demandait,
non-seulement une majoiité incontesta
ble, niais une majorité éclatante, et telle
qu'il était impossible de l'obtenir dans l'état
de division du pays. La question du libre-
échange et de la protection était donc réelle
ment horg de cause, et sir James Graham
avait eu raison de dire que la vraie déclara
tion à exiger de tout candidat, c'était de dire
s'il était pour ou contre le ministère de lord
Derby. " -
Les diverses oppositions ont eu beau pein
dre le cabinet actuel sous les couleurs les
plus noires, elles n'ont réussi ni à alar
mer ni même à émouvoir . les électeurs.
Oxi peut prévoir déjà que le ministère sor tira
fortifié de la lutte et qu'il.n'aura poiut de
majorité. Le parti tory était' la fraction la
plus nombreuse et la plus compacte de la
dernière chambre des communes ; il comptait
260 voix dans une chambre de 634 mem
bres; pour devenir majorité à lui seul,
f il aurait fallu qu'il gagnât 70 voix; il n'en
gagnera guèreque la moitié; par conséquent
l'existence d'une majorité proleclionni te
dans la - future chambre des communes est
dès ce moment impossible. Il s'en suit
pas que, sur les questions politiques, lord-
Derby n'arrivera pas à se créer une ma
jorité. C'est une question que nous examine
rons plus tard.
Les tories prouvent- qu'ils ont gagné un
certain nombre de voix qu'on ne peut évaluer
à moins d'«ne trentaine; les feuilles radica
les, de leur côté, crient victoire : qui donc
a souftriit dans la lutte? Les nuances in
termédiaires : les peelites et les wbigs. Les
tories refusent avec raison de prendre à leur
compte les pertes nombreuses", essuyées par
les hommes qui, en s'intitulant conserva
teurs, se sont montrés les adversaires les
plus acharnés du nouveau ministère. Les
tories ont combattu partout les peelites,
et quand ils n'ont pas pu emporter l'é
lection, ils l'ont fait tourner au p/olît des
candidats radicaux. Que les .feuilles radi
cales se félicitent de ^oir une douzaine de
radicaux remplacer autant de peelites, cela
est tout naturel; mais l'opposition n'y ga
gne pas une seule voix, et sir James Graham*
est le seul à y perdre. • , .
Après les peelites, dont les dfiux liers sont
demeurés sur le carreau, la fraction qui a le
plus souffert est la fraction whig; Lord Jokn
Russeli a perdu plusieurs de sos anciens
collègues et de ses meilleurs lieutenar.s :
sir John Romilly, lordEbrington, M. Parker
et bon nombre d 'adhéreDS. Ses droits à être
le chef de l'opposition s'en trouvent affai
blis d'autant; et c'est là un grand avantage
pour le nouveau ministère. Lcfrd Derby, ap
puyé sur une'masse compacte de trois cents
députés, n'aufa devant lui que sir Jaines
Graham'et lord John Russeli', c'est-à-dire des
généraux à peu près sans soldats ; et la pha
lange des radicaux , c'est-à-dire une armée
sans généraux, et où tout le monde veut com
mander. " CUOIIEVAL-CLA.RIGNY.
Le tableau du revenu public-, pendant le
premier semestre de, i'arnjée courante, est
satisfaisant à tous les points de vue; il té
moigne d'une bonne situation financière; il
témoigne également d'une bonne situation
industrielle et commerciale; car l'augmenta
tion du produit des impôts'indirects est le
résultat de l'accroissement des transactions
de toute sorte et des. différentes consomma
tion?. w ■
L'augmentation dé, S851 sur I8o0 n'avait
été, puur le premier semestre, que d.e 13 mil
lions; l'augmeut uion tie 1852 sur 'iHol s'é-
&v<>, pour la màuae. période, à près de
26 millions, c'est-à dire au dejuble. Ces cliif-,
fres peuvent servir à mesurer les progrès de
la fortune publique aux deux époques.
Ma s, pour mieux apprécier encore l'im
portance des résultats obtenus pendant le
premier semestre de l'année .courante, il
faut se rappeler que le dernier trimestre de
l'année 1831 avait donné un déficit de 12
millions. • .
. Ainsi, au mouvement rétrograde qui avait
affecté la fia de l'année derniere, et qui avait
absorbé l'augmentation obtenue pendant les
trois premiers trimestres, a succédé un
mouvement ascensionnel qui a 'produit,
pour ce semestre seulement, un .bénéfice
d'environ 26 millions.- . '
Sur ces 26 millions, il n'y en a que 6
qui apparliennent au premier trimestre;
plus de 19 proviennent du second. Le com
mencement de l'année avait subi l'influence
des inquiétudes qui accompagnent toujours
les grands changement politiques, et que
les tentatives insurrectionnelles du socialis
me avaient pu momentanément accroître
dans certaines contrées du Centre et du Mi
di. Dès que le gouvernement s'est affermi,
le progrès a pris une allure ,plus décidée.
Le mois d'avril a donné l'énorme bénéfice!
de 9 millions et demi sur le mois correspon
dant de l'année dernière; et, si l'augmenta
tion est retombée à 3 militons et demi, pour
lemois.de mai, elle s'est relevée à 6 millions^
et demi pour-le mois de juin. ■
Si le mouvement progressif eîu "second*-
.trimestre se continue pendant le reste do-
l.'année, l'augmentation pour l'exercice en
tier dépasserait 60 millions.
En décomposant le tableau^ on reconnaît
que l'accroissement porte sur toutes les bran
ches du'revenu publie, à l'exception de l'im- .<
pôt sur les sucres ineiigèries. Nousne parlons .
pas do la diminution du produit des paque
bots-postes, qui provient de la remise du
service des paqueboîs de la Méditerranée en
tre les mains cfe là compagnie des Message
ries nationales. . '
Les droits d'enregistrement, de greffe,
d'hypothèques, etc., présentent un excédant
de 4,488.000, et le dryit de timbre un excé
dant de 960,000 fr. Ce sont, parmi nos im
pôts indirects, ceux gui ont le plus de peine _
à se relever: Ils sont loin encore des. pro- ~
duits qu'ils donnaient avant la révolution
de 1818. Il importe d'en rechercher les cau
ses, et nous ne saurions trop appeler sur ce
point l'attention du gouvernement.
Ce sont les droits de douaaos. qui offrent
l'augmentation la plus" considérable. Les
droits ?ur les marchandises diverses se sont •
accrus de 8,280,000 francs ; les droits
sur les sucres des colouies franc lises' de
5,149,000 francs; les droits sur les sucres
étrangers de 919.000 francs. L'augmenta
tion du produit dès droits sur les. mar
chandises jdiversçs. xsl^utaat. plus-
faisante, qu'elle correspond à une grande eTc-
tivité de notre industrie manufacturière. Ces
marchandises diverses uont, en effet, pour
la.plupart, des matières premières, que nos
fabriques mettent en Oeuvre, et dont le tra
vail occupe des millions d'ouvriers L'accrois-
sement jies sueres coloniaux prouve que la
production se réorganise dans nos gosses- .
sions d'outre-mer. Quant aux sucres"étran-
gersf'nous ne saurions nous applaudir de
voir leur introduction s'augmenter, quand
la coji-ommatiem du.'.sucre indigène s'est
réduite au point à &.causer un déficit.de..
1,562,000 fr. au tpésor.é - ■ •«
Ou rcmarquo. que la/ taxe sur la consom
mation des sels s'est accrue de 2,700,000"
lr.,;queles boissons donnent un boni de »■
2,30Q,COO fr., les tabacs de 1.620.000, les
postes de 1,584,000 fr, - , .
Pendant que le proeluit de nos impôts in
directs suit une marche.progressi ve 5 nos im
pôts directs.renlrêrit avec une facilité inouïe,
que l'on peut altribuer\également à l'abon
dance du numéraire et à la confiance gé
nérale dans l'avenir du gouvernement. Les
contributions recouvrées s'élèvent,à 182 mil
lions. C'est 44 0/0 du montant des rôles et
11 millions de plus, que le montant des ter
mes échus. L'année, dernière, à la même
■époque, les recouv reine as ne représentaient
ue^3 0/0 des rôles, et l'avance sur les ter
mes échus n'f'tait que de "4,81 i,000 fr. En
fin, les frais de poursuites, qui n'étaient
déjà, l'année dernière, que de 2 fr. 40 c.
pour 1,000 fr., sont encore descendus à 2
ir. 09 c. ,
lit, à propos" ele ce dernier chiffre, nous
devons relever la faute d'impression commise
nar le Moniteur, qui dit que la proportion des
frais de poursuite a été de 2 fr.- 09 pour cent,
ce qui serait énorme; le journal officiel de
vra faire demain la rectification que nous
faisons aujourd'hui ; l'administratinn des fi
nances, dont il reproduit les tableaux, avait
certainement mis 2 fr. 09 pour mille francs.
. j. bl'ilatj
Notre correspondant de Berne nous adresse
quelques observations sur la situation géné
rale de la Suisse,«t plus particulièrement sur
celle des cantons de Friboùrg et de Neu-
cbâtel. •
En général, on remarque une modification
d.'ins la marchedes partis. La situation des af
faires en France, depuis le 2 décembre, pa
raît avoir adouci, daus certains cantons, les
aspérités du îadicalisme; on ne peut nier
que les idées modérées ont fait de sensibles
progrès dans les masses. Les meneurs, qui
ne peuvent méconnaître ce travail incessant,
sont forcés eux-mêmes de teinir un langage
plus en rapport avec la situation.
L'assemblée de Po«ieux a mis en évidence
dans le canton de Fribûurg„des idées con-,
ssrvatrices qu'on'ri'y croyait pas si puissan
tes. Il en est déjà résulté, delà part du granel
conseil de ce. canton, le retrait du serment
électoral, première victoire qui semble de
voir satisfaire les moins exigeans, mais qui
est lourde devoir suffire à ceux qui parais
sent marcher dans la voie ultra montai ne.
Le gouvernement de Fribnurg ne peut lut
ter contre une majorité écrasante; son sys
tème d'absolutisme radical est usé et" il
faut qu'il le modifie. Le bannissement de
l'évêque, la fermeture du sémiuaire, les at
taques dirigées contre les conservateurs, ont
indisposé des populations essentiellement
catholiques. Pour gouverner un tel canton,
il faut oe la prudence, de la fermeté, uuies à
des sentiniens religieux dont la modération
ne donne pas prise aux,i/Jées anti-cléricales.
Le canton de Nsuchà'tel est dans une posi
tion.internationale plus délicate; à l'exem
ple de la Fr'auce de,ît?Î8iil a eu sa révolution
républicaine dans le mois de mars de .a mé-'
me année. Les droits 'du prince de Neuchâiel,
roi dePrussc, ont été méconnus. De làdesré
clamations qui ont amené les arràngemens
deLondresquisansrétablir immédiatement la
puissance du prince, laissent entrevoir cette
solution .comme le seul moyen' d'arriver à
satisfaire les exigences du monarque prussien
et'en même temps les traités de Vienne. Le
peuple vient d'avoir ses comices à Valangin;
^le puiii du prince, formé de. la bourgeoisie^
était composé d'environ quatre mi:le citoyens™
neucbàtelois; celui de la" république d'envi
ron "six mille individus, dont une partie Suis
ses des autres cantcms. Les deux partis qui
divisent Neuchàtel se sont ainsi trouvés
classés d'après le nombre et l'importance
qu'ils occupent dans le pays. Si la souverai
neté populaire et l'élection viennent trancher
une question de suzeraineté, .il serait fort
possible que le roi perdit ses droits. L'avenir
nous apprendra ce que les autorités fédéra
les décideront. 1
Si l'on met de côté les difficultés de Fri
boùrg et Neuchàtel, la situation des autres
cantons paraît être normale. Les questions
matérielles, celle dés chemins de fer sur
tout, -^préoccupent vivemeyt la population,
les députés du conseil national et du conseil
des E'als.
, Le parti qui' gouverne à Bu$ne paraît peu
goûter celte innovation. En général le gou
vernement bernois oublie trep facilement
qu'il n'est au pouvoir qu'à: la laveur d'une
majorité"peu Nombreuse , et qu'il* -a besoin
de buaueoup 9e prudence,pour se soutenir.
Los tendances du gouvernement bernois
sont essentiellement ultrà-cons^r'vatrices ; il
vïent de dissoudre la société du Grutli, de
rendre la liberté "de la'presse presque impos
sible. Les conseils fédéraux se sont émus de
ces décisions en désaccord avec la Goustitur
tion fédérale. D'autres velléité s d'iiuge rtaïn
despotisme ont beaucoup donhé'Ti'^eriser
aux vrais libéraux et aux amis de la ; souve
raineté du peuple. Il se prépare contre les
rêves d'un conservatisme imprudent, une
campagne qui ne tournera pas à l'avantage
du gouvernement salué naguère avec tant
d'acclamations; -
Pour ce qurconcerne le canton de Sôleure,
il marche admirablement dans la voie d'un
libéralisme sage et modéré. Le canton d'Ar-
govie paraît se remettre de l'indécision où
ses Constitutions rejetées ne cessaient de le
conduire. Lucerne voit la lutte du radica
lisme et du conservatisme se dissiper au
milieu de la fatigue des combats électoraux.
- Les petits cantons, Uri, Schwitz, Unter-
wald et Zug, savent, par leur sagesse et leur
modération, rester les modèles de la confé
dération.
Bàle voit ainsi que Zurich et Saini-Gall,
son "industrie admirable prospérer; le ti ava'l
ds l'ouvrier et l'activité du riche calment
toutes les passions poiitiquoâ; 'et vont faire
luire pour la Suisse des jours- de prospérité.
Dans les cantons de .Vaud et de Genève,
l'influence des évéaemeris de France a rame--
né la sécurité et'accéléré le départ de la plu
part des réfugiésl^Dans l'un, la valeur des
propriétés a beaucoup augmenté. Dans l'au
tre, la confiance paraît générale ; conserva
teurs et radicaux modérés" paraissent s'unir
pour faire trêve aux vieilles luttes des par
tis. * .,-u .
Dans les cantons français , l'influence de
la France est immense, et les gouvernehaens
de Vand et de Genève sentent la nécessité de
se rallier à ces principes d'ordre et de sage
liberté qui seront la sauvegarde du gouver
nement fédéral. l. boniface.
Oti conçoit facilement que dans ce tnoment rien
tip, soit encore décidé, tnins nous espérons que la
voie qui conduit entf-nte est aplanie plu»
uu'on ne l'a cru jeisqcfici. Quant à CPt 'te entente, il
faudra -fait», abstraction: de toute arrière-pensée
politique, mais on ne pourra pas éviter de tenir
compte de tous- les imérètVmatériels. • Â5sez de
difficultés, par conséquent, s'opposent-àl'arrange- 1
ment définitif; mais comme les deux puissances
allemandes sont, pour aiiiSi dire, pou.ssées vers lei
concert allemand, si l'ori'.rie veut pas que le dua
lisme paralyse tout développement national, il faut
espérer qu'on parviendra à-vaincre ces difficultés.
Le Journal de Francfort publie l'article
suivant, sur la question du Zollverein :
M. (le Bismarck-Scbcerihausen est de retour à
Francfort. Il n'y a guère de p-r.-onnes qui yé-
teiidront que M. l'envoyé de Prusse à la diète n'a
pus ( te chargé d'une mission extraordinaire au
près du gouvernement autrichien. Les journaux
affirment que M. de Bismarck était porteur d'une
lettre autographe de son souverain ; ils ajoutent
qu'il en a remis une autre de l'empereur à son
souverain. Le retour subit de M. de Bismarck
prouve suffisamment qu'il n'était pas desiiné à
remplacer M. le comte Aciiim durant l'absence de
ce dernier. ' .
On peut être convaincu que ce diplomate n'a
pu être chargé d'une mission qui compromettrait
lai t soit neu li politique commerciale delà Prusse
et l'avenir de ce p ys, qui s'appuie sur un glorieux
p-.issé. M. de Bi-marck appartient au parti qui ne
voit "l'avenir de, la Prusse que dans un développe
ment indépendant, et qui n'est que pour des'eon-
::e?sions cniiipatiblt s avec ce développement. Aussi
pe,ut on être- convaincu que la mission de M: de
Bismarck était entier, meut différente de celle que
quelques journaux lui ont prêtée, à savoir qu'il
avait reçu l'ordre d'offrir directement à l'Autriche
[".ooi^'tn-lé gouvernement pru-sien avait refusé à ia.—*|
coalition cie Darn-stadt.
Cep- ndabt autre chose est de faire une pareille
démarche, et autre chose est de se rapprocher de
"'Autriche pour pouvoir conclure un traité de com
merce avec ce vaste empire, dès que le Zollverein
sera reconstitué-. Il ne s'ag t pour l'Autriche que
d'obienir une pareille garantie; cl'e ne demande
ridi de mi aux que le rétablissement du Zollva-en
et en même temps un lrai:é de commerce entre le
Zol verein e t cet empire, un traité qui, lo n d ecdi r
ter le but d'une union douanière allemande géné
rale, sert piu ôt à la favoriser.
Peut-être la Prusse n'a-t-elle pas voulu ceder
aux menaces de la coalition de Darmstadt ; mais
il est impossible qu'elle s'oppose à tout rappro
chement de la politique commerciale dé l'Autriche.
Nous ne pouvons pas, dit la Prusse, négocier
a'v< c l'Autriche avant que le Zollverein ne soit
éorganisé. Nous ne pouvons pas, dit à son tour
l'Aujjpche, conseillera nos alliés de Darmstadt d'ad-
lif-rer àcette réorganisation avant que nous n'ayons
obtenu des garanties pour un traité de commerce
avi.c le nouveau Zollverein. 11 est possible que la
Prusse se décUs - à stipuler les bases d'un pareil
trailé avec l'Autriche ; il est encore possible qu'à
ce prix-là les Etafs appartenant à la.coalition de
DannsVadt adhèrent de nouveau ju Z->lW«rein, ou
plutôt consentent à y laisser rentrer la' Prusse, car
le Zollverein n'existe en réalité qu'entre ces Eiats
qui ne l'ont pas dénoncé. Telle nous parait être la
situation.' ...
On se rappelle que les sieurs Gent, Longo-
mazino et Ode, condamnés à la déportatioa,
par le tribunal militaire de Lyon, ontété em
barqués à Brest, le 20 décembre 1851, à bord
de la Moselle , pour être conduits au lieu de
leur destination. Une let tre d u commandant de
la station-navale de l'Océanie, en rade de Val-
paraiso, à la date du. 22 avril 1852, donne
les détails les plus circonstanciés- sur l'atti
tude, le langage et le caractère de ces trois
condamnés.
Valparaiso, 22 avril 1852.
La petite colonie pénale embarquée sur la Mo- ,
selle se compose de trois familles: Gent et îafcm-.
me ; Longomazino sa femme et deux petits en
cans ; Ode,-sa femme et deux petits enfans-égale
ment eu bas âge ; en tout dix personnes. Gent,
par son intelligence, par son éducation, par le rô
le qu'il a joué, se présente là comme la ! iète et le '
meneur; sa longue et épaisse barbe, son attitude
arrogante , quand il n'oublie pas son rôle , lui r
donnent cei'te tournure'si commune dans les.
rues de Paris depuis la révolution de février;
il' affecte des airs aristocratiques et d'une tphè- ,
re fort au-dessus de celle dé ses compagnons,
avec lesquels il se montre humilié d'être cônfon-
du, et dont il ne' supporte le contact qu'avec ré
pugnance. Longomazino,- avec sa taille d'Hercule,
représente la force et l'action ; mii-, dans l'état
d'impuissance où il se irouve réduit; sa violence
habituelle sommeille. Ode, inférieur à Gent par
l'intelligeuce, inférieur à Longomazino pir son
extérieur amoindri, obéit, quoique en rechignant,
à la domination des deux autres. • ■
Pour loger tout ce monel-, la prévoyance atten
tive de l'administration a disposé la Moselle aveh
un soin tout particulier; l'arriéré de ln battarie
lair est presque exclusive ment co isaeré.
Les difficultés de la turveillànce sont de (leur
sortes: 1° surveillance întéiieare pour prévenir
toute affiliation avi c les hommes du bor.i ; on y a
pourvu par l'interdiction, sous peines sevères, de
toute commun cation avec les déport-'s.
2° Surveillance extérieure pour éviter l'évasion.
Contre, ce danger, l'ordre de maintenir les sabords
fermés pendant la nuit, et, dans les rades, deux
cauoti suspendus, l'un à l'arrière, l'autre à tri
bord, à la hauteur des sabords, peu-tant chacun un
factionnaire avec un fusil chargé.
Par mesure d'hygiène, il leur est permis ne se
promener sur le pont une heure le matin et trois
heures dans l'après-midi; le comannlant y a
même ajouté une heure après le diner.
Dès l'arrivée à bord des déportée, le 20 décem
bre, les caractères hostiles ou differens se révélè
rent, et les dissensions intestines éclatèrent. Tout
d'abord, chacun pt étendit au droit de choisir la
meilleure chambre.
• Longomazino vida la discussion en Rétablissant
d'aulocite dans la. plus grande.Devant cet exercice
du droit de la force, Ode et Gent s'inclinèrent, puis ,
tirèrent au sort les deux chambres restantes, et le
sort se déclara pour Ode.
Evidemment, de pareilles gens ne sont pas de
taille à se mettre au-Jessus des malaises de la vie
du bord et de son action irritante. D'abord ce fù-
rent d'aigres* réclamations de ménage, pour des
œufs, pour du charbon , que Gent avait laissés à
terre; puis vinrent des querelles à propos de
labac acheté en commun, des cmpnriemcns ce
Gent parce qu'il n'a pas. pu se procurer, des pro
visions fraîches à Ténériïïe. Un jour même les
esprits sMrriièrent au point que Longomazino et
Ode se battirent à coups de poing, et qu'il fallut
l'intervention d'un gendarme pour les séparer,
^i ns toutes ces misères, amenées par la vie claus
trale et toute de privati ons de la mer, ne méritent
pas d'autre attention.
Us essaient aussi de se ménager des intelligences
parmi les hommes de l'équipage. Longomaziro
trouva le moyen d'entrer en conversation avec le
maître armurief; la punition exemplaire de ce sous-»
officier c upa court à toutes ces pratiques. ' ,
■ Alors il s'agit dé-prendre une attitude à l'égard
de 1 autorité. On avait-eté assez doux d abord; on
crut plus avantageux de se poser en victim.;.Ge it
voulut même, sans doute pour laisser trace et
fou-nir une pièce probante à l'avenir, écrire au
commandant une lettre oèi il se plaint « d'être
traité, sur Zi Musrlle, avec une rigueur à laquelle
les prisons dî ,-Lyon et surtout de lirest nel'avaient
pas accoutum^. »
En généraljtdans - la^traversée de Brest à Rio-
FEUÎLLETON DU CONSTITUTIONNEL^ 16 JUILLET.
IL FAIT- DUE JEUNESSE SE PASSE/
XIII.
Quelques jours après la mémorable soijée
dans laquelle Tristan avait fait de si brillans
débuts au jeu de boston, la marquise de
Morvilliers et le - vicomte de Fenestrange,
qui avaient dîné ensemble étaient allés «'as
seoir au bout de la grand e allée de tilleuls du
jardin, où le caf« avait été servi sur.un gué
ridon rustique. Louise était restée au sajonj*
obéissant à un sentiment de réserve et de
circonspection dout elle ne se départait ja
mais, et elle laissait errer machinalement ses'
doigts sur le piano, évoquant successive
ment les souvenirs mélodiques qu'elle avait
rapportés de son couvent, et s'abandonnant
à celte douce rêverie qu'inspire la musique.
Le' vicomte avait deîgusté, en gourmet
émérite, une demi-tasse de délicieux moka,
àlaquelle il n'avait point manqué de joineire
les accompagoeumis obligés eu pareille'ma
tière, surtout quand on a eu l'honneur de
servir dans la garde royale. Cependant il était
taciturne et préoccupe. .
Ce fut la marquise qui prit la parole.
— Eh quoi! vicomte, s'écria-t-elle, voilà
près ei'un quart d'heure que vous n'avez
.ouvert la bouche... pour parler, sVntaad!..
fît que vous vous tene z là tranquille sur vo
tre chaise, comme une statue de mon jar
din; vous, d'ordinaire le mouvement per
pétuel! Qu'est-ce que cela veut dire? Sdric-z-
vous malade?
— Moi, marquise? nullement.
— Si vous voulez fumer, ne vous gênez
pas, pourvu que vous vous teniez â distance
respectueuse. ■
— Merci ! j'ai fumé îavant le dîner ; et
d'ailleurs, il faudra que je vous quitte de
bonne heure, chère marquise, pour aller
faire ma toilette. Je suis invité àune fête que
donne ce soir un ami de Tristan. Nous de-
♦ la reproduction est interdite-
vons nous y rendre ensemble.
— Quelle est cette fête;?
—Ma foi ! jfi-n'en sais rien. L'amphitryon
est un boyard russe qu'on nomme te prfnce
R itnnoff, et qeii est sourd comme s'il avait
tiré le canon toute sa vie. U m'a dit que ce
ne serait pas trop collet-monté enjait de
femmes. Sans cela, je vous prie de croire
que je n'irais pas m'ennuyer là.
— Mauvais seijeH!...
—-Que voulez-vous, marquise? Il faut bien
que jeunesse se passe.
-r-A cinquante-cinq ans! vicomte, vous
vouiez rire. La jeunesse est passée depuis
long-temps.
r- Qui sait? Il y a des gens qui sont déjà
vieux à trente ans; il y en a ei'autres qui
sont encore jeunes à soixante. J'espère bit n
être teiujours de ces derniers, si vous voulez
me le permettre, chère et belle marquis^. '
Eu parlant ainsi, le vicomte s'incliuaet
porta galamment à ses lèvres le bout des
doigts de Mme do Morvilliers.
— J'ai toujours entendu dire, reprit cette
de;rmère, qu'il fallait souffrir ce qu'on ne
pouvait empêcher. Mais, continua-t-elie,
tout ceci no m'apprend pas le grave motif
de votre préoccupation de tout à l'heure.
— Vous le voulez saveiir à. toute force,
soit; mais vous me promettez de ne point
vous en montrer offensée, marquise ?
— J'y ferai mon possible, vii-oaite.
— Eh bien! en écoutant les chants du ros
signol que vous avez là-bas dans votre h6'.cl
sous ifs apparences d'une charmante petite?
Vendéenne de.dix-huit ou dix-neuf ans',
n'est-ce pas?
—• Seriez-vous aussi amoureux de celle-là,
par hasard?... .
—Eh! par ma foi!.. Mais non, elle est trop
jeune pour un vieil oiseau de proie tel que
moi. Oh! je me rends justice; je pourrais
être son père ; et, au fait, il n'est pas bien
sûr que je ne le sois pas. Ne m'a- t-clle pas
dit qu'elle était des environs de Fvnestrange?
A ces elerniers mots, une vive rougeur s'é
tait empreinte sur la physionomie de la
marquise.
-r- Vicomte, s'écrïa-t elie - avec impétuo
sité, mais non sans qtielqne confusion, il y
a entre rqus "des souvenirs si douloureux,
que vous devriez, ce me semble, éviter de les
révoilier, surtout avec une légère:té si cou
pable.
— Pardon ! oh ! mille fois pardon ! reprit
le vicomte avec componctioii et humilité; jg
comprends que je vous ai peinée e t oîTen.-ée
à la t'ois; et pourtant, puisque vous voulez
savoir le motif ele ma préoccupation de tout
à l'heure, je ri-que fort de me rendre tout
à fait indigne de ce pardon, en. vous ebsant
que les chants de votre [Mite Vendéenne
m'ont reporté à une époque de ma vu; qui
me sera toujours bien chère. Vous souvieut-
il, marquise, du temps où, traqués par la
polie» du di-rnier règue qui avait eu vent ele
no? projets - de restauration, nous parcou
rions en fugitifs avec uoe auguste princes
se, dont vous vous étiez faite la compixne,
les ajoncs e t les bruyères ele notre belle Ven
dée, recevant tour à tour l'hospitalité dans
les châteaux et dans Us granges, partageant
le pain noir des vieux gars du Bocage, cou
chant souvent sur ia dure, bravant les .in
tempéries du ciel... Oh ! qu'il s'est dépensé,
.àcette époque de notre vie, degaîié. de cou
rage, d'entraiuet de bon ne humeur!... Pour
nous autres hommes, il n'y a rien d'étrange
à cela, nous ne faisions efue notre devoir;
mais vous, femmes !... .vous, habituées à
toutes les recherches délicates de la vie élé
gante !...
— Vicomte, nous avions pour nous, dans
ce temps-là, la jeunesse.
—Oui... la jeunesse... et l'amour... Au fait,
vous ne pouvez m'empewher de me souve
nir'que j'ai été amoureux, de vous alors...
oh ! comme je ne l'ai jamiis été de ma vie
d'aucune femme. Ah ! marquise, que vous
éti> z jolie !... et combien j'ai été coupable en-
'Vers Mme de Fenestrangel...
— Ne parlons plus de cela, vicomte. Vous
le savez, le ciel lui-même a voulu nous en-
•lever tout sujet de nous souvenir d'un passé
dans lequel j'ai été bien légère, bien coupa
ble aussi, moi, et que j'ai expié depuis lors
bien cruellement. Mais ; dans sa m^ericorde,
Dieu nous a accordé une compensation :
c'est cette bonne amitié qui nous lie et qui
survit, dans notre cœur, à un sentiment plus
te-ndre. Oui, mon cher vicomte, croyez que
j 'ai été biei) heureuse de vous revoir. Aussi
bien, ilyapourmoi un charme ineffable dans
cette pensée,,que le même joufjquittoe ren
dait un aneiâfl-ami tel que vous*, me rendait
-aussi"mon fils. Vous le saviez, rioi^s autres
femmes, nous sommes toujours un peu fa
talistes/ Eh bien ! désormais, Txistau et vous,
vous êtes -liés inséparablement dans mon
nme. C'(St à-vous, vicomte, que je dois.Je re
tour de mon fils; je ne l'oublierai jamais.
. lieras ! ma pauvre amie, je voudrais de
grand cœur vous .avoir rendu un pareil ser
vice: mais je ne saurais m'attribuer vis-à-vis
• de vous un mérite que je n'ai pas, etvous ou
bliez vous-même que deux beaux yeux noirs
que j'ai trouvés ici ontiéto un hnm çon bien
autrement puissant que-tous lesEeuestrange
du monde pour attirer ce gaillard-là à l'hôtel
de Morviliiers.
— 0 ciel ! que dites-vous?
— Je dis la vérité, parbleu! Est-ce que
vous ne vous êtes pas ap rçue de l'amour
naissant de notre cher Tristan pour volre
johe lectrice? Il néglige Florentine" : à pré
sent, et celle-ci s'en plaint haute-ment.
— Aveugle que j'étais ! Et • moi qui, dans
: ma crédyle tendress», m'imaginais que mon
: fils ne venait ici. que pour sa mère ! Je n'ai
fait que changer de rivale, voilà tout.
—-Eh ! mou Dit u ! c'est do l'homéopathie
toute pure ! Est-ce que vous n'y croyez pas,
à l'homéopathie, .marquise?
—- Mais enfin, mou ami, si Tristan aime
Louise, comme vous le pensez, jl doit bien
savoir que cet amour ne peut le condui^'à
rien.
—Vous croyez?
— J'en suis tiire. Cette jeune fille est un
tréior de.pureié et d'innocence, c'est un dé-
vôt sacré que l'ai reçu, i-t que je dois rendre
intact.
— C'est différent. -
— A aucun titre, Louise ne'peut être la
maîtresse de mon fils. Ce serait une tache
pour lui, pour moi-même! Oh 1 je com
prends maintenant qu'il faut qu'eîie s'éloi
gne, qu'elle parte bien vite.
— Tant pis !
— Que voulez-vous eiire?
— Je veux dire qu'il est foi t à craindre
qu'une fois Louko éloignée, Florentine ne
reprenne sur Tristan tout son empire.
— Hélas! c'est là toute ma crainte; mais
enfin, vicomte, que furie z-vous à ma place?
— Moi ! je ne laisserais pas partir la petite
Vendéenne.
^-Vicomte, laisez-vous! Vous êtes un
homme affreux 1
La marquisedemeura pensive durant quel
ques instans, en proie à toutes les préoccu
pations douloureuses que venait de réveiller
en elle la révélation qu'elle venait de recevoir
de Fenestrange.
A la fin, celui-ci se leva pour prendre con-,
gé et aller vaquer aux soins de sa toilette,
avant de se rendre à la fête que donnait ce-
soir-li le [irince Ratanoff.
— Bonsoir, vicomte! Dohnez-moi votre
bras, dit Mme de Morvilliers d'une voix fai
ble ; je me sens- mal à l'aise, et je vais ren-,
trer me coucher.*
— Déjà ! reprit Fenestrange... Miis Tris
tan va venir : ne l'attendez-vous pas? Vou
lez-vous que je vous envoie votre lectrice ?
cela vous di-îlraira.
— Ni lui ! ni elle! s'écria impétueusement
lamirquisf; ce sont des ingrats tous les deux !
Us s'aiment ou ils sont bien près de s'ai
mer, sans doute. Et moi !... et moi, pauvre
mère! que me reste-t-il en échange de
to ite cette affection, de toute cette tendresse
que Dieu a plac es .dans mon cϝr?.Des
soins! des égards!.Ah! vicomte, plaignez- :
moi ! je suis bien malheureuse !
Le vicomte ne répondit pas ; mais il était
facile de voir qu'il s'associait, aussi compté- ;
• femenl que la légèreté de son caractère le
lui [H'Tn e t lit - , aux tristes préoccupations
lui serra affectueusement la main en la porr
tant à ses lèvres, et lui dit d'une voix pres
que émue :
— Bonsoir, chère marquise, dormez bien
cette nuit, et que Dieu vous envoie les son
ges qu'il réserve aux bonnes mères. Après
tout, croyez que tôt ou tard Tristan vous
reviendra... 11 faut bien que jeunesse se
passe. *
Voyons ce que devenait, pendant ce temps-
là, la rivale plus ou moins avérée de Mlle
Florentine Chevillard.
^Louise , ■ comme on l'a vu , était restée
au salon, laissarit- errer capricieusement
sês doigts sur le piano, et occupée à re- ;
passer élans sa mémefrre toutes les mélodie s
qu'elle avait apprises en* Vendre. Entre
toutes ces mélodies, il en était une dout
le prélude revenait incessamment à sa pen- •
sée, par une sorte de corrélation intime avec
l'une des circonstances le plus fatalement
décisives de s.on existence jusqu'alors si cal
me, si monotone même.* C'était cette vieille
ballade du Baron dê Jàuioz, dont elle avait;
chanté seulement un fragment dans- la mé
morable soiree où Tristan s'était pris, pour
la première fois, en l'écoutant, à oublier
'Florentine. C'est en vain qu'tffrayée dès
long-lem.ps..de ce qu'il pouvait y avoir de
prophétique pour elle dans les-paroles de-
cette ballade, Louise avait toujours évité
d'en chanter les premières strophes."C'est en.
vain que ce soir-là surtout,- elle appelait à
son aide toutes les ressources d'une mémoire
musicale des plus riches et des plus com
plaisantes; toujours le funèbre refrain qui
forme comme.le prologue de la sombre his-.
toire de Tma, la jolie lavandière, revenait
errer sur les lèvres de la jeune lectriee.
Lavant un jour à la ri* ière,
J'entendis l'oiseau noir chanter : .
«Tina, tu ne t'en doutes guère,
■ » Le baron vient de t'acheter. »
C'était comme une musique mystérieuse
qui semblait descendre dans l'ame de Louise
avec le crépuscule du Soir, et elle ne pouvait *
se persuader que c'était elle-même qui pro
duisait ces sons, tant ils lui semblaient rem
plis d'une étrange et sauvage harmonie. Il
n'était pas jusqu'à l'isolement dans lequel
elle se trouvait, au milieu de ce grand salon
dont les hflisorips emilntoai! ni
tait pas jusqu'au silence même de l'antique
hôtel de Morvilliers, en quelque sorta en
dormi aux rayons dû la lune naissante, dans
ce quartier silencieux et désert de la rue de
Varennes, qui ne concourussent à porter le
trouble et un effroi indéfinissable dans le
ceEur de Louise.,
Tout-à-coup elle tressaillit. En jetant ma
chinalement un coup-d'œil dans l'une des
glaces du salon? elle s'hait "aperçuè qu'elfe
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