Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-04-11
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 avril 1852 11 avril 1852
Description : 1852/04/11 (Numéro 102). 1852/04/11 (Numéro 102).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 102.
B8IRMV\ : rue de Valoi* (Palais-Royal), nu 10;
B 18§â. - DIMANCHE 11 AVRIL.
PRIX DE L'&BOKNESSÎEHT
PÀBIS .18 F. PAR TRIMISTRr;
DÉPARTEMENS. 1© F. —
EN NUMÉRO : SO CENTIMES:
VOUR LES PAYS ÈTRANG^Vg, SS npOrtei
au tableau qui sera publié dans le journal,
les 10 et SS de chaque mois.
lu abotmmens datent des 1 er et le
rfe chaque moit.
«ST*
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
S 'adresser , franco, pour la rédaction, à M.' C bchev AL-C labmky, rédacteur en chef. |0« t'abonne, dams les départez/uns, aux Messagerie» et aux JHrectiofU de poste*— A Londres, chez MMJ Co*9 & IVIJ » cesser, franco, pour l'administration, d M. D knàin , directeur?
Les articles déposés ne sont pas rendus; | • — A Strasbourg, chez M. AlEURDSS, pour rAllemame, |Les annonces sont reçues au bureau du journal ; :et ohe* M. PANIS, régisseur, 10, plaoe de la Bi
L'imprimerie étant fermée le jour
de Pâques, LE COSSTITIITIOXNEL ne
paraîtra ps lundi 13 avril.
PARIS, 10 AVRIL.
LE GOUVERNEMENT BE LA RÉVOLUTION
Les derniers jours de 1848 avaient vu naî
tre à Londres la Société d'Agitation Répu
blicaine qui avait pour objet de centraliser
les fonds, la correspondance et la direction
de la démagogie européenne, et dont le co
mité supérieur était chargé d'expédier le
mot d'ordre à toutes les sociétés secrètes du
continent. Cette société vient de se dissoudre,
il y a quelques semaines. L'arrivée d'un mi
nistère tory au pouvoir a fait appréhender
des entraves à l'action de l'association. Trop
voisins du continent les agitateurs ne pou-
- paient se flatter d'échapper suffisamment à
la surveillance des gouvernemens, enfin la
législation anglaise mettait un obstacle in
vincible à l'organisation toute militaire que
la démagogie veut se donner.
La société d'agitation, en se dissolvant, ne
cesse pas d'exister, elle se transforme en
une association plus vaste, et elle transporte
au-delà de l'Atlantique le centre de ses opé
rations. La fréquence et la régularité des
communications entre l'ancien etle nouveau
monde lui font appréhender peu d'inconvé-
niens d'un déplacement de mille lieues, qui
n 'imposera guères qu'un retard de dix
jours à l'expédition dès ordres. Un comité
demeurera d'ailleurs à Londres pour pour
voir aux cas d'urgence. En revanche, les
expéditions contre Cuba et le Mexique, les
préparatifs faits aux Etats-Unis lors de l'in
surrection de l'Irlande, ont montré quelles
facilités la législation américaine offrait pour
des armemens clandestins. %
Gotlfried Kinkel, dont nous avons déjà
entretenu nos lecteur», a appris le premier
aux démagogues tout le parti qu'ils pouvaient
tirer de l'immense population allemande
•disséminée dans les États-Unis. Il ne voyait
pour sa part dans ses compatriotes que des
contribuables dont il fallait exploiter les res-
sentimens pour créer un budget à la révolu
tion. La société d'agitation y a vu le point
d'appui qui lui manquaiten Angleterre ; elle
à compris qu'elle trouverait aux États-Unis
plus de liberté et de sécurité, une popula
tion facile à fanatiser, des journaux tout créés
et un revenu assuré. Elle a donc résolu de
s'affilier tous les comités révolutionnaires
créés par Kinkel au* États-Unis et d'émigrer
elle-iaême par delà l'Atlantique, en né lais
sant que des succursales en Europe.
Deux délégués, avec le titre et les pouvoirs
de plénipotentiaires, MM. Gregg et Fickler,
ont travaillé, au nom de la société d'avia
tion, à réunir en une vaste organisation tous
les élémens révolutionnaires que les éyéne-
mens ont jetés aux Etais-Unis ; et; le jour où
la Ligue Révolutionnaire pour l'Europe a été
définitivement constituée, la société d'agita
tion a été déclarée dissoute. Un congrès gé
rerai des révolutionnaires de tous les pays
èst convoqué pour le 17 mai 1852 à New-
York; toutes les émigrations sont invitées à
s'y faire représenter par des délégués. L'ob
jet de ce congrès est de ratifier solennelle
ment les statuts de la ligue révolutionnaire,
jet de déterminer le pays par ftquel elle com
mencera ses opérations.
La pensée qui a présidé à la formation de
la ligue révolutionnaire est celle qui a ins
piré à Gottfried Kintel le discours que nous
avons publié, et à M. Mazzini son récent ma
nifeste à la démocratie ; cette pensée, c'est
"qu'une action immédiate est nécessaire; c'est
en second lieu que toutes les sectes démago
giques doivent faire taire leurs préférences et
leurs antipathies pour agir ensemble, sauf à
vider plus tard leurs démêlés. Il faut donc
amener tous les élémens démocratiques, si
son à se fondre en un sôul parti, du moins
à coopérer à l'accomplissement de l'objet
commun, qui est le renversement de la mo
narchie dans toute l'Europe, et son rempla
cement par la république.
Union de toute la démagogie et emploi im
médiat de toutes ses forces combinées, voilà
donc la mission que se donne la ligue ré
volutionnaire. Elle se propose, en outre,
d'entretenir une perpétuelle agitation tant
en Europe qu'en Amérique, afin de ne lais
ser jamais au ferment révolutionnaire -le
temps de se calmer; de réunir long-temps
d'avance des ressources pécuniaires qui per
mettent de faire un effort considérable ; en
fin d'amasser des munitions et des armes, et
de former un personnel militaire tout prêt
à fonctionner au premier signal. Yoici main
tenant quelle est en résumé son organisa
tion :
Il sera formé dans chaque comté des Etats-
Unis une compagnie militaire qui devra se
pourvoir d'armes et de munitions, et une
association auxiliaire qui versera une cotisa
tion hebdomadaire dans la caisse générale. La
direction des affaires appartiendra à un con
grès formé des délégués de toutes les asso-.
dations, et dans l'intervalle des sessions à
un comité exécutif. Un triumvirat politi
que, élu par le congrès, aura,,-en outre,
des pouvoirs illimités pour agir de concert
avec toutes les nations et' prendre toutes les
mesures propres à hâter ou effectuer une
révolution en Europe. Enré°lité > le congrès
et le comité exécutif n'auront que l'adminis
tration intérieure de la ligue, le vrai pou
voir appartiendra aux triumvirs, qui de
meurent maîtres d'employer à la ruine de
tel ou tel gouvernement toutes les ressour
ces recueillies par cette immense association.
La Convention qui a rédigé la Constitution
de la ligue a fixé, comme nous l'avons dit,
au 17 mai, la réunion du premier congrès
révolutionnaire, et l'élection du triumvirat.
Avant de se séparer, elle a voté une adresse
au p euple que nous croyons devoir traduire.
Nous ne publierons pas les noms qui sont
au bas de cette adresse : la grande majorité
sont allemands et trahissent l'origine du
mouvement. Nous ferons suivre cette adres
se des statuts de la liguo révolutionnaire :
nous croyons que ces statuts n'ont besoin
d'aucun commentaire.
C uchevâl- C larigny.
CONSTITUTION DE LA LIGUE RÉVOLUTIONNAIRE
POUR L'EUROPE, ADOPTÉE AU CONGRÈS RÉVO
LUTIONNAIRE TENU A PHILADELPHIE.
Citoyen?,
Le congrès de la ligue révolutionnaire pour l'Eu
rope vient soumettre le résultat de ses délibéra
tions au jugement du peuple, dont toutes lés frac
tions étaient représentées dans son sein.
Sincèrement résolus à trouver les moyens de
mettre un terme à la . situation désespérante du
peuple d'Europe, si altéré de liberté, et fermement
convaincus que le premier pas décisif vers l'ac-
comjilissement de ce but était la cordiale coopéra
tion de tous ceux qui le poursuivent, nous avions
à chercher le terrain neutre sur lequel tous les
partis pouvaient honorablement et volontiers unir
leurs efforts.
LaDémocratie Révolutionnaire ne peut manquer
de voir que l'objet de la ligue, tel qu'il est exposé
dans l'article 2 de la Constitution, a é. é défini en
vue des difficultés qui naissent de la distinction entre
les idées d'union et de programme. Nous sommes
convaincus que résoudre le problème aux dépens de?
justes prétentions de quelqu'une des fractions de
parti, en confondant ainsi l'union avec la subordi
nation, aurait été se méprendre entièrement sur
notre tâche. Noiis tenons que la lutte des partis,
des opinions, des esprits, est féconde en bienfaits,
est nécessaire, es-f éternelle. La liberté de penser
est la première source des aspirations politiques,
la méthode la plus légitime pour les réaliser,
et le dernier point de leur perfection. L'objet
principal de Ja révolution est de protéger les li-
' bres luttes de la pensée contre l'intervention per
turbatrice des forces matérielles. Les points spéci
fiés dans cet article ne doivent donc pas être envi
sagés comme les conditions d'un traite- Hàe pair,
mais comme les conditions d'un armistice en
vertu duquel nous quittons nos camps sépa
rés pour former une phalange compacte jus
qu'à la ruine de l'ennemi commun. Quand cet
ennemi commun aura été abattu, non-seulement
en apparence, mais, en réalité, alors les alliés vic
torieux pourront se disputer les dépouilles : mais
nous avons la ferme confiance que cette seconde
lutte aura un tout autre caractère que la première.
La détermination consciencieuse de mener à fin
une révolution radicale et complète, a été le motif
de notre conduite ; et c'est à toi, peuple souverain,
que nous demandons de ratifier nos actes, par la
promptitude avec laquelle, sur les fondemens que
nous venons de jeter, tu élèveras l'édifice d'une
immense, d'une universelle fusion de tous les élé
mens révolutionnaires.
Debout donc et à l'œuvre. Notre cause est no
ble, elle est sacrée. Faisons tomber les barrières
qui compriment l'élan des peuples actifs, intelli-
gens et animés du feu divin. Restituons tous les
hommes à l'humanité. Que le cri de ralliement
dans la lutte soit : L'union dans la ligne révolu
tionnaire.
Philadelphie, 1" février 1852.
(Suivent les signatures.)
Art, 1. — Titre de l'association.
Le titre de l'association sera : la Ligue révolu
tionnaire apaéricaine pour l'Europe.
- Art. II. — Objet de la ligue.
L'objet de la Ligue sera la libéralisation radicale
du continent européen, aux conditions suivantes :
1° Le renversement de la monarchie et l'éta
blissement de la république, parce que dans la ré
publique seuie toute les horreurs de la tyrannie
pèuvent être prévenues.
2° Le suffrage direct et universel, avec le droit
pour la majorité des constituàns de rappeler leur
mandataire, parce que ce droit seul assuré la su
prématie de la volonté populaire dans la pratique
des institutions populaires.
3° L'abolition [des armées permanentes et l'in
violabilité du droit du peuple à porter des armes;
parce que la ressource dernière de la résistance à
main armée est la seule protection contre les plans
d'usurpation violente.
4° L'union, en vue de ce qui précède, de tous les
hommes, de toutes les associations, de tous les
partis, de tous les peuples dans la destruction de
l'oppression, par ce que, sans ce concert d'efforts, le
pouvoir organisé des tyrans est invincible.
Art. III. — Moyens d'action.
1° L'agitation, tant en Europe, qu'en Amérique;
2° L'accumulation d'un fonds révolutionnaire;
3° La formation d'organisations armées, dési
reuses de prendre une part personnelle à la lutte,
et de s'y préparer par des exercices militaires.
Art. IV. — Organisation intérieure.
t° Formation d'associations auxiliaires et de
corps militaires dans chaque ville et chaque dis
trict du l'Union où les elémens s'en trouveront.
Toute association révolutionnaire peut se donner
une organisation à elle et des règlemens particu
liers, à la condition d'y faire entrer les clauses sui
vantes :
A. Tout membre à son entrée doit s'engager à
travailler à l'accomplis?ement de l'objet commun;
il doit souscrire aux règlemens tant de la Ligue que
de l'association auxiliaire, s'engageant ainsi à obéir
aux décisions de l'urfë et de l'autre. En cas de re
traite ou d'expulsion, il perd tout droit de reven
dication sur l'avoir de la Ligue.
B. Toute association est libre d'ordonner et de
recueillir des cotisations pour être employées à
son but particulier. Mais en outre, et avant tout,
tout membre est obligé de verser au minimum 5
centimes' par semaine au profit de la caisse révo
lutionnaire , il en sera tenu un compte séparé.
C. Toute association, en adhérant à la Ligue,
doit se mettre en rapport avec le comité exécutif
en lui transmettant sa constitution, ses règlemens
et la liste de ses membres. Elle doit aussi lui
adresser un rapport trimestriel sur sa situation,
ses espérances, le nombre de ses membres, les
modifications qu'elle a subies. Elle doit transmet
tre également, à l'expiration de chaque trimestre,
le produit des contributions ordinaires et extraor
dinaires en faveur de la caisse révolutionnaire.
D. Le comité exécutif de la Ligue a le pouvoir
d'inviter chaque association à nommer des com
missaires qui devront être pourvus de lettres-pa
tentes par le comité central, et qui auront pour
fonctions de recueillir des souscriptions en dehors
des associations et de former des associations nou
velles.
E. Toute association élira un président, un se
crétaire et un trésorier, qui la représenteront dans
ses relations avec lés autres associations et avec le
comité central. Les trésoriers devront fournir des
garanties pour les fonds qui leur seront confiés.
F. Pour arriver à une action commune', toutes
les associations révolutionnaires sont placées sous
FEUILLETON ffl] CONSTITUTIONNEL, 11AVR.
LA VIE A REBOURS,
AB1I11D.
SECOND VOLUME.
XVI. %
LES RONCES DU CHEMIN.
La découverte qu'Adrienne venait de faire
changeait les conditions et pour ainsi dire le
ressort de sa vie. Jusqu'alors elle avait mar
ché d'un pas léger et joyeux dans les sen
tiers de la confiance, remplis de lumière et
d'épanouissement, tît il fallait les quitter
pour prendre le chemin du doute, voué aux
ténèbres et à la contrainte. Armand l'avait
voulu ainsi ; elle n'était plus libre dans son
choix. Au fond du cœur, peut-être regret
tait-elle son ignorance et les joies tranquilles
qu'elle y puisait ; peut-être eût-elle aimé
à retrouver l'idéal de ses beaux jours, et à
l'emporter de nouveau vers les régions où
tout s'épure; mais à quoi bon ces préféren
ces et ces regrets? Les faits étaient là, dans
toute leur barbarie et toute leur brutalité.
Non, plus d'illusions désormais. Le bandeau
était tombé ; Adrienne avait vu clair dans sa
vie, et surtout elle avait vu clair dans le ca
ractère d'Armand.
"Voilà donc quel était le monde où ce mal
heureux s'était perdu ; voilà quels en étaient
les mœurs, les maniérés etle langage ! A y
songer, elle en éprouvait uioins de ^colère
que de pitié; elle ne trouvait plus I force
* La reproduction est interdite
de le blâmer, tant il lui semblait à plaindre.
Tout s'expliquait dès lors, les absences de
son mari et les prétextes puérils dont il les
couvrait, ces demandes répétées d'argent et
ces procès imaginaires que pouvait seule ad-,
mettre son incomparable candeur. Elle avait
été prise pour dupe ; elle le voyait, elle le
touchait du doigt, et pourtant elle n'en éprou
vait ni rancune, ni dépit. Elle avait eu le
beau rôle, après tout, et d'ailleurs peu lui
importait, elle se serait contentée du plus
modeste. Mais le plus triste de tout cela,
c'est qu'un vide profond venait de se faire à
ses côtés; il fallait dorénavant qu'elle se suf
fît à elle-même, qu'elle devînt son propre
tuteur. S'en remettre à Armand, elle ne le
pouvait plus. L'épreuve en était faite, et elle
avaii conclu contre lui; ce n'était plus un
guide, mais un enfant à surveiller, à par
donner et à aimer.
A tout prendre, la faute n'en était ni à elle,
ni à lui ; on les avait unis trop jeunes. Le
mariage est un acte sérieux et qui veut être
traité ainsi; autrement il blesse qui en
use, comme une arme abandonnée à d'inha
biles mains. A l'âge où le prêtre les bénit,
avaient-ils bien la conscience des devoirs
qu'ils s'imposaient? Savaient-ils ce qu'est la
vie et quelles épreuves elle réserve à ceux
qui la traversent en commun? Avaient-ils
pu peser ces chances, ces*obligations et en
accepter le fardeau avec connaissance de
cause? S'étaient-ils interrogés seulement,
étudiés l'un l'autre, pour savoir s'il y avait
entre eux quelque rapport de goûts, de carac
tères et d'humeurs ; s'il n'y régnait pas au
contraire des dissentimens trop profonds;
entin si des deux parts ou y apportait un lot
éga de fidélité, de dévoûment et de ten
dresse? Non, le hasard avait tout fait-, le
hasrrd .ou l'amour, ce qui est tout un; ils ex
piaient tous deux- cette imprévoyance. Un
jour, une heure, avaient suffi à la méprise;
une vie entière ne suffirait pas à la répara
tion.
Tels étaient les sentimetis qui agitèrent
Adrienne pendant le temps de sa convales
cence. Personne n'eût deviné les orages et
les combats de son cœur, à voir la fière rési
gnation dont ses traits étaient empreints. Ja
mais le son de sa voix n'avait été plus doux
ni sa grâce plus touchante. En l'observant
de près, on aurait pu quelquefois surprendre
une larme au bord de ses cils, ou un nuage
voilant à l'improviste l'éclat de son regard, ou
bien enfin desfrissonnemens subitsau retour
de certains mots ou au réveil de certains sou
venirs. Mais ce n'étaient là que de fugitifs
accidens et des impressions passagères. Le
fond du maintien, son caractère habituel
étaient un calme plein de dignité. Adrienne
avait fait passer sa douleur dans sa vie même;
elle la portait comme on porte un mal invé
téré et dont on ne doit jamais guérir. Cette
douleur ^n'était jamais absente; mais elle
échappait aux yeux, car elle lui était identi
fiée. C'était le deuil d'une ame vigoureuse
qui n'attendait pas de consolations et se re
fusait aux épanchemeuS.
Au milieu des résolutions qu'Adrienne
arrêta dans son esprit, et dont elle ne devait
plus revenir, se trouvait en première ligne
le dessein de ne jamais se trahir devant Ar
mand, et de ne point engager avec lui d'inu
tiles querelles. Elle voulait deux choses : res
pecter son repos et lui laisser ta liberté ; ni"
gè.e, ni récriminations, voilà sa loi. Surtout
elle voulait éviter que, se sentant dévoilé, il
ne crût au mépris plutôt qu'au pardon, et
que l'éclat de son indignité ne le ietât dans
la direction des autorités suprêmes de la Ligue, et
se conforment à ses décisions comme aux lois su
prêmes de la ligue. Cette aut;orité suprême est un
^congrès de toutes les associations révolutionnaires.
ARTJ V. "— Organisation du congrès.
1. Toute association comptant au moins dix
membres, et pas plus de cinquante, a droit à un
député.
2. Toute association qui compte plus de cin
quante membres a droit à un député additionnel
par chaque centaine de membres qui dépasse ce
chiffre.
3. Deux ou plusieurs associations, inférieures
chacune à cinquante membres, peuvent se réunir
pour envoyer un député.
4. Tout député doit être muni de lettres de
créance, portant le nombre de ses commettans.
5. Le congrès décide de l'admission des dépu
tés.
6. Aucune indemnité n'est allouée aux députés.
Chaque association règle avec ses députés les dé-
pen-es et frais de voyage.
7. Chaque congrès fixe l'époque et le lieu de
réunion du congrès suivant.
8. Les séances du congrès sont ainsi réglées :
A. Lecture et adoption du procès-verbal.
B. Réception et compte-rendu des lettres, mé
moires, etc.
C. Rapports des commissions.
D. Ordre dû jour.
E. Fixation de l'ordre du jour des séances sui
vantes.
9. La juridiction du congrès s'étend sur toutes
les affaires de la Ligue, et jusqu'à la modification
et la révision de la Constitution.
Art. VI. — Comité exécutif.
1 . — A. Dans l'intervalle des sessions du con
grès, la diréetion de la Ligue est remise à un co
mité exécutif.
B. Ce comité se compose de sept membres.
•w.Gr 11 «st élu par le congrès.
' D. Le congrès désigne la résidence du comité.
2. — yl. Dans les principales villes de chaque Etat,
il y aura un comité d'Etat f»nné des autorités de
l'association révolutionnaire locale. S'il y a plu
sieurs associations dans la même localité, elles
s'entendront pour élire le comité, d'Etat.
B. Le comité d'Etat reçoit les communications
du comité central e t les transmet aux associations ;
il transmet au comité central les propositions des
associations ; il établit des sociétés nouvelles, et en
général il n'épargne aucun effort pour faire avan
cer la cause révolutionnaire dans les limites de sa
juridiction.
3. — A. La caisse révolutionnaire est adminis
trée par le comité exécutif.
B. Elle se compose des versemens des individus
et des associations.
C. Le caissier du comité doit donner caution
pour les sommes qui lui sont confiées.
D. Dès que l'encaisse dépasse 500 francs, il doit
être placé en. valeurs portant intérêts.
4. — A. Le comité est investi du pouvoir exé
cutif et du droit d'administrer. Ses devoirs sont
défin's par l'art. III.
B. Pendant la session du congrès, il n'est plus
que l'exécuteur des décisions de cette assemblée. I
C. Dès que le congrès est assemblé et constitué 2
le comité doit lui adresser un message, contenant
l'exposé de tous les faits importans qui se sont
produits au sein de la ligue depuis la session pré
cédente, le résumé général de la situation des di
verses associations, le nombre des sociétaires, le
compte Je l'argent employé et de l'encaisse. Il doit
aussi, s'il en est requis, fournir au congrès tous
les documens en sa possession ét tous les rensei-
gnemens qu'il pourra se procurer.
, 5.—A Le comité exécutif doit demeurer dans les
relations les plus étroites avec le comité politique.
B. Le comité politique se compose de trois mem
bres qui seront élus par le prochain congrès,
C. Le comité politique a des pouvoirs illimités
pour prendre, d'accord avec les représentant ré-
vblutiannaires des autres nationalités, toutes les
mesures nécessaires pour seconder la révolution
européenne.
B. Le comité politique est représenté par son
président dans le comité central européen qui se
composera des présidens de tous les comités na
tionaux révolutionnaires.
E. Le comité politique est responsable devant
e congrès.
Le décret du 28 mars, en relevant la sur
taxe sur les sucres étrangers, a satisfait, dans
une certa»nç, mesure, aux réclamations de la
production nationale. L'augmentation de la
surtaxe a-t-elle été suffisante pour protéger
les sucres indigènes et coloniaux? Nous en
doutons ; mais l'expérience prononcera, et,
connaissant les principes du gouvernement
en matière de tarifs, on est fondé à croire
qu'il ne reculera pas devant une augmenta
tion nouvelle, si les faits ultérieurs en dé
montrent la nécessité.
Nous croyons toutefois devoir appeler, dès
aujourd'hui, son attention sur une disposi
tion dont les conséquences n'ont peut-être
des indignités plus grandes. L'ignoï ance où
il la supposàit était un dernier frein ; à tout
prix il fallait le maintenir. Tant qu'il croi
rait aux respects de sa femme, il serait encou
ragé à se respecter ; le jour où cette croyance
cesserait, il irait droit à l'avilissement. Dans
tout ceci, Adriennne agissait évidemment
pour lui et non pour elle; c'était dans ses
instinets ; elle répugnait à des calculs per
sonnels. L'essentiel d'ailleurs était de courir
au plus pressé, de se porter, au secours de
cette existence mal engagée, d'en redresser
la marche si c'était possible, d'en subir les
conséquences si rien ne fléchissait le destin.
Et à tout prendre n'avait-elle pas eu quelque
tort? N'avait-elle pas trop abandonné les rê
nes du gouvernement commun? N'aurait»
ellepas dû se montrermoins confiante, moins
naïve, moins aveugle?Plus contenu, peut-être
son mari eût-il été moins loin dans la voie des
égaremens; peut-être sa chute n'eût-elle
pas été aussi prompte, ni son dérèglement
aussi absolu. Dans tous les cas, il fallait dé
sormais en agir autrement, prévoir une re
chute et s'y préparer, passer de l'inertie à
l'action, de l'abandon à la surveillance, ne
rien laisser à la seule merci d'Armand, et
porter urne main ferme dans les affaires de
la maison. Telle était la conduite à tenir.
Pour en assurer le succès, il lui manquait
i deux forces, deux points d'appui; une révé
lation entière des faits et les conseils d'un
ami. Un ami, où le trouver? où le prendre?
En existait-il à qui elle pût se confier? Que
de qualités ne lui aurait-il pas fallu : un cœur
droit, un esprit sûr, un caractère élevé, en
un mot la perfection même? Par moneus.
elle en nommait bien un, on devine lequel.
Aucun de. ces titres ne lui manquait, et il y
ajoutait celui d'une grande naissance. Qe
pas été complètement aperçues au premier
abord. Le décret maintient, et avec raison, la
prohibition sur les sucres raffinés à l'étranger;
mais .il admet les sucres étrangers en pou
dre de nuance Supérieure au premier type,
moyennant une simple addition de droit de
3 francs, quelque beaux qu'ils soient, du
moment qu'ils contiennent plus de 1 0/0 de
matière étrangère autre que l'eau. Il y a là
une sorte de contradiction. Car les sucres
raffinés en pain, que l'on prohibe, contien
nent la plupart plus de 1 0/0 de matière
étrangère.
Que résultera-t-il de cette disposition ?
C'est que tous les sucres en poudre, de quel
que provenance"qu'ils soient, titrant moins
(le 99 0/0, entreront en ne payant que 66 fr.
de droit, décime cc mpris. Or ce qu'il importe
de .remarquer, c'est que ces sucres peuvent
être livrésdirectement àla consommationsans
passer par le raffinage, tandis que les sucres
coloniaux, qui sont presque tous à des types
inférieurs, et les sucres indigènes, en vertu
de lçur nature même, ne peuvent être con
sommés sans être soumis à cette opération.
Ajoutons que, lorsque ces sucres seront
réexportés sous iforme de raffinés, il y aura
encore ce désavantage pour la production
nationale, que les droits restitués à la sortie
dépasseront en réalité les droits payés à l'im
portation ; de telle sorte qu'il en restera dans
la consommation une' certaine quantité qui,
par le fait, n'aura pas acquitté l'impôt.
On voit, sans que nous insistions davan
tage, le danger que cette disposition fait cou
rir aux sucres des colonies ou de la métro
pole. 3. BUP.AT.
Les revenus indirects s'accroissent avec la
rapidité la plus remarquable.
Lesproduits du mois de jan\ "er 1852avaient
été inférieurs à ceux du mois de janvier
1851.
Les produits de février 1852 ont dépassé
ceux dé février 1851 d'environ 2 millions.
Les produits de mars 1852 dépassent ceux
de mars 1851 de près de 5 millions.
Cet accroissement si rapide est le signe
éclatant de la reprise des affaires et du dé
veloppement du travail.
Parmi ces élémens, il faut remarquer sur
tout l'enregistrement. Jusqu'en mars ses
produits avaient été très faibles, et, en jan
vier et février, ils égalaient à peine ceux des
mois correspondans de 1851 ; en mars, ils
dépassent ae 1,800,000 fr. ceux du mois de
mars précédent. (Moniteur.)
Le projet de loi sur la refonte des mon
naies de cuivre, qui est soumis en ce mo
ment au corps législatif, ouvre au ministre
des finances un crédit de 7,560,000 fr. pour
toutes les dépenses que nécessiteront le re
trait et la démonétisation des pièces actuel
le!, et la fabrication ainsi que l'émission des
monnaies de bronze qui doivent les rempla
cer.
Les personnes qui lisent le projet de loi
sans l'exposé des motifs pourraient considé
rer cette opération comme onéreuse pour le
trésor. Ce serait une erreur : le projet de loi,
tel qu'il a été présenté par le gouvernement
au conseil d'Etat, ne contenait aucune de
mande de crédit. La combinaison proposée
retire de la circulation 10 millions et demi
de kilogrammes de cuivre.
Les monnaies qui seront frappées en échan
ge n'emploieront que 5 millions de kilogram
mes de métal, et ne coûteront avec les frais
de fabrication que la somme déjà indiquée
de 7,560,000 fr., et cette dépense sera plus
que compensée par la vente des 5 millions
et demi de kilogrammes de cuivre qui reste
ront à la disposition de l'Etat. La recette
couvrira donc au moins la dépense.
Si le conseil d'Etat, tout en adoptant le
projet du gouvernement, en a modifié la ré
daction, c'est pour se conformer aux règles
rigoureuses de la comptabilité qui obligent
d'inscrire séparément les dépenses et les re
cettes. Ce n'est là qu'une mesure d'ordre. Il
est donc évident que la substitution d'une
monnaie commode et mieux frappée aux
pièces grossières et lourdes qui déshonorent
qu'elle en voyait, ce qu'elle en savait était de
nature à la toucher et à lui faire croire qu'il
ne serait pas au-dessous de ce rôle. Volon
tiers elle eût incliné à le lui offrir, mais de
secrets instincts l'en détournaient. Elle sen
tait vaguement que c'était se créer à l'ins
tant même une situation délicate et plei
ne de périls. Celui à qui elle songeait n'é
tait-il pas, ^'ailleurs, ce personnage mys
térieux qui naguère excitait ses soupçons
et lui donnait de l'ombrage? Ne s'était-il pas
obstiné à élever entr'eux une barrière, à y
maintenir un obstacle et un embarras? Pour
qu'elle parlât à un homme et d'elle-même
et de son mari n'était-il pas sage d'exiger
d'abord de lui un détachement personnel
'au-dessus de toute épreuve ? Or, cette con
dition manquait ici, et c'était a plus essen
tielle. De là un ajournement forcé daas le
choix d'un conseiller ; le temps et les cir
constances y pourvoiraient.
Ce qu'Adrienne pouvaitfaire sur-le-champ
sans crainte, sans danger, avec assurance,
c'était de poursuivre une enquête sur ce
passé et d'obtenir des révélations entières.
Hélas ! elle allait y recueillir plus de dou
leur que de profit ; mais la jeune femme ne
pouvait plus reculer ; et d'ailleurs, en élar
gissant la plaie, peut-être l'empêchait-on
de s'envenimer. Des désordres de tout gen
re avaient signalé l'absence d'Armand • dé
sordres de conduite, désordres de fortune;
elle voulait fout connaître, afin de tout par
donner; elle se sentait la force de tout com
prendre dans cet oubli discret et ce silence
généreux dont elle entendait couvrir les fau
tes de sou mari. Puis, pour le tirer de l'abî
me, nefallaini pas en sonder la profondeur,
juger de près les choses, savoir où en étaient
leurs communs intérêts et quelle brèche y
notre système monétaire
budget.
ne grève point
(idem.)
On lit dans le Journal des Débais :
« La commission du corps législatif, char
gée d'examiner le projet de loi sur la refonte
des monnaies de cuivre, s'est réunie hier et
avant-hier. Elle a entendu M. Pelouze, pré
sident de la commission des monnaies. On
assure qu'elle serait dans l'intention de pro
poser quelques amendemens.
» L'ordre du jour de mardi prochain 13,
indique une communication du gouverne
ment. On assure que cette communication
serait un Message du prince-Président qui
contiendrait l'exposé général des affaires du
pays depuis son dernier Message du mois de
novembre 1851.
» Le Sénat se réunirait, dit-on, mercredi
14f, dans ses bureaux, pour choisir la com
mission de la comptabilité et celle des péti
tions. »
Nous apprenons par des lettres du Midi
que M. Quentin-Bauchart et M. Emile Ber-
nier se trouvaient le 5 de ce mois à Avignon.
Après s'être fait rendre compte des causes de
l'arrestation des 173 détenus qui se trou
vaient dans les prisons du département, M.
le commissaire extraordinaire a prononcé la
mise en liberté de 89 d'entre eux; de plus il
a levé 216 internemens.
En quittant le département de Vaucluse,
M. Quentin-Bauchart et M. Bernier se sont
rendus à Marseille; on sait que le départe
ment des Bouches-du-Rhône a fourni son
contingent à l'insurrection qui asuivi les'
événemens du 2 décembre; quatre-vingt-
doaix détenus étaient renfermés au château
d'If; seize d'entre eux ont été désignés par la
commission mixte pour la transportation à
Cayenne, il n'y a pas eu lieu de s'en occu
per; sur les soixante-six autres condamnés à
la transportation en Algérie, M. le commis
saire extraordinaire en a fait mettre trente en
liberté.
Lorsque les détenus libérés ont-été débar
qués du château d'If sur le port de Marseille,
ils ont été l'objet de la part de leurs familles
réunies sur les quais, de scènes d'attendris
sement qui se sont terminées par des cris
unanimes de Vive Napoléon l vive le Prési
dent ! auxquels la population ouvrière s'est
chaleureusement associée.
Avant de quitter Marseille, M. le commis
saire extraordinaire aura encore à statuer
sur le sort des condamnés détenus au lazaret.
L. BONIFACE.
Voici une note exacte, jour par jour, des
décisions prises par le général Canrobert
pendant sa mission dans le département de
la Nièvre :
« Arrivé à Nevers, le 31 mars dernier, la com
mission départementale a été immédiatement con
voquée, et, après un examen minutieux et attentif
de tous les dos-iers, le général a prononcé la mise
en liberté ou l'adoucissement de la peine de 74 in
dividus sur 228 transportables de l'arrondissement
de Neveis.
» Le lendemain, 1 er avril, M. Canrohert est parti
pour Cosne, et, le même jour, il a statué sur les
i 85 condamnés qui se trouvent encore détenus
dans les prisons de cette ville; 35 ont été l'objet
de mesures de clémence, qui ont été accueillies
par les malheureux avec des témoignages non équi
voques de repentir et de reconnaissance. Avant de
quitter la prison, ils ont dû signer une demande
en grâce et l'engagement formel de renoncer à ja
mais aux intrigues politiques.
» Le 2 avril, le général s'est rendu à Clamecy ;
l'on sait que cette ville est le grand foyer démago
gique de la Nièvre. A divers titres, 592 individus
ont été condamnés à sortir de l'arrondissement; le
conseï de guerre a prononcé 72 condamnations,
dont 5 à mort ; la commission départementale mix
te a, de son côté, prononcé 361 transportations et
153 internemens.
» En présence de l'immense gravité des char
ges, M. le commissaire extraordinaire a dû, à son
grand regret, restreindre la clémence du prinee à
un très petit nombre d'individus ; ^2 seulement
ont été appelés à en ressentir les effets.
» Ainsi, récapitulation faite, le passage du gé- '
néral Canrobert dans la Nièvre a profité pour le
moment à 161 condamnés.
» Le général a porté particulièrement la clé
mence du prince sur les hommes pauvres, igno-
rans, d'un caractèrefaiblp, pères de famille ou fils
de parensâgés. Il s'est montré justement sévère à
l'égard des riches et de tousceux dont l'intelligence
ou. l'éducation témoignent qu'ils ont agi en toute
connaissance de cause.
» Le général a encore marqué la trace de son
passage par des bienfaits répandus au nom du
prince ; tandis que d'une main il sanctionnait les
avaient faites l'usure et la prodigalité ? Sur
tout cela elle attendait des explications com
plètes; elle pouvait y périr y succomber,
mais elle n'assisterait plus en aveugle au
naufrage de ses biens et de son amour.
C'était dans ce but qu'elle avait songé à
l'oncle Séverin et lui avait demandé une
entrevue. Pérsonne ne pouvait mieux que
lui l'initier aux détails de la vie d'Ar
mand et lui dévoiler l'état de ses affai
res. Les indiscrétions de la tourelle ne lais
saient aucun doute là-dessus. Ce pauvre
oncle, avec ses manies de jeune homme,
n'avait su garder, vis-à-vis d'Armand, ni
l'autorité de son titre, ni la dignité de son
âge; il était pour lui un compagnon et une
victime, rien de plus. Evidemment il n'igno
rait rien de ses aventures et de ses embarras
d'argent; s'il voulait être sincère, Adrienne
saurait tout par lui. Aussi était-elle résolue
à n'épargner aucun effort pour lui arraché»
cette confidence ; c'était, depuis sa décou
verte, le premier acte essentiel qu'elle accom
plît ; elle se promit bien de s'en tirer à son
honneur.
Quand l'oncle Séverin entra dans sa cham
bre, à l'heure assignéej elle était assise près
d'un guéridon et achevait son déjeûner. On
la traitait encore en malade, et l'ordinaire
était frugal :
— Touchez-là, mon oncle, dit-elle en lui
tendant la main, et prenez un fauteuil ) mais
je ne vous invite pas, les portions sont trop
petites. -
1 lui baisa galamment la main et s'assit
il tenait son cure-dents et s'en escrimait avec
la vivacité d'un homme qui sort de fable.
— C'est fait, répondit-il, j'aime mieux vo
tre réfectoire d'en bas. Nous venons d'y ex
pédier un pâté de venaison qui était une
B8IRMV\ : rue de Valoi* (Palais-Royal), nu 10;
B 18§â. - DIMANCHE 11 AVRIL.
PRIX DE L'&BOKNESSÎEHT
PÀBIS .18 F. PAR TRIMISTRr;
DÉPARTEMENS. 1© F. —
EN NUMÉRO : SO CENTIMES:
VOUR LES PAYS ÈTRANG^Vg, SS npOrtei
au tableau qui sera publié dans le journal,
les 10 et SS de chaque mois.
lu abotmmens datent des 1 er et le
rfe chaque moit.
«ST*
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
S 'adresser , franco, pour la rédaction, à M.' C bchev AL-C labmky, rédacteur en chef. |0« t'abonne, dams les départez/uns, aux Messagerie» et aux JHrectiofU de poste*— A Londres, chez MMJ Co*9 & IVIJ » cesser, franco, pour l'administration, d M. D knàin , directeur?
Les articles déposés ne sont pas rendus; | • — A Strasbourg, chez M. AlEURDSS, pour rAllemame, |Les annonces sont reçues au bureau du journal ; :et ohe* M. PANIS, régisseur, 10, plaoe de la Bi
L'imprimerie étant fermée le jour
de Pâques, LE COSSTITIITIOXNEL ne
paraîtra ps lundi 13 avril.
PARIS, 10 AVRIL.
LE GOUVERNEMENT BE LA RÉVOLUTION
Les derniers jours de 1848 avaient vu naî
tre à Londres la Société d'Agitation Répu
blicaine qui avait pour objet de centraliser
les fonds, la correspondance et la direction
de la démagogie européenne, et dont le co
mité supérieur était chargé d'expédier le
mot d'ordre à toutes les sociétés secrètes du
continent. Cette société vient de se dissoudre,
il y a quelques semaines. L'arrivée d'un mi
nistère tory au pouvoir a fait appréhender
des entraves à l'action de l'association. Trop
voisins du continent les agitateurs ne pou-
- paient se flatter d'échapper suffisamment à
la surveillance des gouvernemens, enfin la
législation anglaise mettait un obstacle in
vincible à l'organisation toute militaire que
la démagogie veut se donner.
La société d'agitation, en se dissolvant, ne
cesse pas d'exister, elle se transforme en
une association plus vaste, et elle transporte
au-delà de l'Atlantique le centre de ses opé
rations. La fréquence et la régularité des
communications entre l'ancien etle nouveau
monde lui font appréhender peu d'inconvé-
niens d'un déplacement de mille lieues, qui
n 'imposera guères qu'un retard de dix
jours à l'expédition dès ordres. Un comité
demeurera d'ailleurs à Londres pour pour
voir aux cas d'urgence. En revanche, les
expéditions contre Cuba et le Mexique, les
préparatifs faits aux Etats-Unis lors de l'in
surrection de l'Irlande, ont montré quelles
facilités la législation américaine offrait pour
des armemens clandestins. %
Gotlfried Kinkel, dont nous avons déjà
entretenu nos lecteur», a appris le premier
aux démagogues tout le parti qu'ils pouvaient
tirer de l'immense population allemande
•disséminée dans les États-Unis. Il ne voyait
pour sa part dans ses compatriotes que des
contribuables dont il fallait exploiter les res-
sentimens pour créer un budget à la révolu
tion. La société d'agitation y a vu le point
d'appui qui lui manquaiten Angleterre ; elle
à compris qu'elle trouverait aux États-Unis
plus de liberté et de sécurité, une popula
tion facile à fanatiser, des journaux tout créés
et un revenu assuré. Elle a donc résolu de
s'affilier tous les comités révolutionnaires
créés par Kinkel au* États-Unis et d'émigrer
elle-iaême par delà l'Atlantique, en né lais
sant que des succursales en Europe.
Deux délégués, avec le titre et les pouvoirs
de plénipotentiaires, MM. Gregg et Fickler,
ont travaillé, au nom de la société d'avia
tion, à réunir en une vaste organisation tous
les élémens révolutionnaires que les éyéne-
mens ont jetés aux Etais-Unis ; et; le jour où
la Ligue Révolutionnaire pour l'Europe a été
définitivement constituée, la société d'agita
tion a été déclarée dissoute. Un congrès gé
rerai des révolutionnaires de tous les pays
èst convoqué pour le 17 mai 1852 à New-
York; toutes les émigrations sont invitées à
s'y faire représenter par des délégués. L'ob
jet de ce congrès est de ratifier solennelle
ment les statuts de la ligue révolutionnaire,
jet de déterminer le pays par ftquel elle com
mencera ses opérations.
La pensée qui a présidé à la formation de
la ligue révolutionnaire est celle qui a ins
piré à Gottfried Kintel le discours que nous
avons publié, et à M. Mazzini son récent ma
nifeste à la démocratie ; cette pensée, c'est
"qu'une action immédiate est nécessaire; c'est
en second lieu que toutes les sectes démago
giques doivent faire taire leurs préférences et
leurs antipathies pour agir ensemble, sauf à
vider plus tard leurs démêlés. Il faut donc
amener tous les élémens démocratiques, si
son à se fondre en un sôul parti, du moins
à coopérer à l'accomplissement de l'objet
commun, qui est le renversement de la mo
narchie dans toute l'Europe, et son rempla
cement par la république.
Union de toute la démagogie et emploi im
médiat de toutes ses forces combinées, voilà
donc la mission que se donne la ligue ré
volutionnaire. Elle se propose, en outre,
d'entretenir une perpétuelle agitation tant
en Europe qu'en Amérique, afin de ne lais
ser jamais au ferment révolutionnaire -le
temps de se calmer; de réunir long-temps
d'avance des ressources pécuniaires qui per
mettent de faire un effort considérable ; en
fin d'amasser des munitions et des armes, et
de former un personnel militaire tout prêt
à fonctionner au premier signal. Yoici main
tenant quelle est en résumé son organisa
tion :
Il sera formé dans chaque comté des Etats-
Unis une compagnie militaire qui devra se
pourvoir d'armes et de munitions, et une
association auxiliaire qui versera une cotisa
tion hebdomadaire dans la caisse générale. La
direction des affaires appartiendra à un con
grès formé des délégués de toutes les asso-.
dations, et dans l'intervalle des sessions à
un comité exécutif. Un triumvirat politi
que, élu par le congrès, aura,,-en outre,
des pouvoirs illimités pour agir de concert
avec toutes les nations et' prendre toutes les
mesures propres à hâter ou effectuer une
révolution en Europe. Enré°lité > le congrès
et le comité exécutif n'auront que l'adminis
tration intérieure de la ligue, le vrai pou
voir appartiendra aux triumvirs, qui de
meurent maîtres d'employer à la ruine de
tel ou tel gouvernement toutes les ressour
ces recueillies par cette immense association.
La Convention qui a rédigé la Constitution
de la ligue a fixé, comme nous l'avons dit,
au 17 mai, la réunion du premier congrès
révolutionnaire, et l'élection du triumvirat.
Avant de se séparer, elle a voté une adresse
au p euple que nous croyons devoir traduire.
Nous ne publierons pas les noms qui sont
au bas de cette adresse : la grande majorité
sont allemands et trahissent l'origine du
mouvement. Nous ferons suivre cette adres
se des statuts de la liguo révolutionnaire :
nous croyons que ces statuts n'ont besoin
d'aucun commentaire.
C uchevâl- C larigny.
CONSTITUTION DE LA LIGUE RÉVOLUTIONNAIRE
POUR L'EUROPE, ADOPTÉE AU CONGRÈS RÉVO
LUTIONNAIRE TENU A PHILADELPHIE.
Citoyen?,
Le congrès de la ligue révolutionnaire pour l'Eu
rope vient soumettre le résultat de ses délibéra
tions au jugement du peuple, dont toutes lés frac
tions étaient représentées dans son sein.
Sincèrement résolus à trouver les moyens de
mettre un terme à la . situation désespérante du
peuple d'Europe, si altéré de liberté, et fermement
convaincus que le premier pas décisif vers l'ac-
comjilissement de ce but était la cordiale coopéra
tion de tous ceux qui le poursuivent, nous avions
à chercher le terrain neutre sur lequel tous les
partis pouvaient honorablement et volontiers unir
leurs efforts.
LaDémocratie Révolutionnaire ne peut manquer
de voir que l'objet de la ligue, tel qu'il est exposé
dans l'article 2 de la Constitution, a é. é défini en
vue des difficultés qui naissent de la distinction entre
les idées d'union et de programme. Nous sommes
convaincus que résoudre le problème aux dépens de?
justes prétentions de quelqu'une des fractions de
parti, en confondant ainsi l'union avec la subordi
nation, aurait été se méprendre entièrement sur
notre tâche. Noiis tenons que la lutte des partis,
des opinions, des esprits, est féconde en bienfaits,
est nécessaire, es-f éternelle. La liberté de penser
est la première source des aspirations politiques,
la méthode la plus légitime pour les réaliser,
et le dernier point de leur perfection. L'objet
principal de Ja révolution est de protéger les li-
' bres luttes de la pensée contre l'intervention per
turbatrice des forces matérielles. Les points spéci
fiés dans cet article ne doivent donc pas être envi
sagés comme les conditions d'un traite- Hàe pair,
mais comme les conditions d'un armistice en
vertu duquel nous quittons nos camps sépa
rés pour former une phalange compacte jus
qu'à la ruine de l'ennemi commun. Quand cet
ennemi commun aura été abattu, non-seulement
en apparence, mais, en réalité, alors les alliés vic
torieux pourront se disputer les dépouilles : mais
nous avons la ferme confiance que cette seconde
lutte aura un tout autre caractère que la première.
La détermination consciencieuse de mener à fin
une révolution radicale et complète, a été le motif
de notre conduite ; et c'est à toi, peuple souverain,
que nous demandons de ratifier nos actes, par la
promptitude avec laquelle, sur les fondemens que
nous venons de jeter, tu élèveras l'édifice d'une
immense, d'une universelle fusion de tous les élé
mens révolutionnaires.
Debout donc et à l'œuvre. Notre cause est no
ble, elle est sacrée. Faisons tomber les barrières
qui compriment l'élan des peuples actifs, intelli-
gens et animés du feu divin. Restituons tous les
hommes à l'humanité. Que le cri de ralliement
dans la lutte soit : L'union dans la ligne révolu
tionnaire.
Philadelphie, 1" février 1852.
(Suivent les signatures.)
Art, 1. — Titre de l'association.
Le titre de l'association sera : la Ligue révolu
tionnaire apaéricaine pour l'Europe.
- Art. II. — Objet de la ligue.
L'objet de la Ligue sera la libéralisation radicale
du continent européen, aux conditions suivantes :
1° Le renversement de la monarchie et l'éta
blissement de la république, parce que dans la ré
publique seuie toute les horreurs de la tyrannie
pèuvent être prévenues.
2° Le suffrage direct et universel, avec le droit
pour la majorité des constituàns de rappeler leur
mandataire, parce que ce droit seul assuré la su
prématie de la volonté populaire dans la pratique
des institutions populaires.
3° L'abolition [des armées permanentes et l'in
violabilité du droit du peuple à porter des armes;
parce que la ressource dernière de la résistance à
main armée est la seule protection contre les plans
d'usurpation violente.
4° L'union, en vue de ce qui précède, de tous les
hommes, de toutes les associations, de tous les
partis, de tous les peuples dans la destruction de
l'oppression, par ce que, sans ce concert d'efforts, le
pouvoir organisé des tyrans est invincible.
Art. III. — Moyens d'action.
1° L'agitation, tant en Europe, qu'en Amérique;
2° L'accumulation d'un fonds révolutionnaire;
3° La formation d'organisations armées, dési
reuses de prendre une part personnelle à la lutte,
et de s'y préparer par des exercices militaires.
Art. IV. — Organisation intérieure.
t° Formation d'associations auxiliaires et de
corps militaires dans chaque ville et chaque dis
trict du l'Union où les elémens s'en trouveront.
Toute association révolutionnaire peut se donner
une organisation à elle et des règlemens particu
liers, à la condition d'y faire entrer les clauses sui
vantes :
A. Tout membre à son entrée doit s'engager à
travailler à l'accomplis?ement de l'objet commun;
il doit souscrire aux règlemens tant de la Ligue que
de l'association auxiliaire, s'engageant ainsi à obéir
aux décisions de l'urfë et de l'autre. En cas de re
traite ou d'expulsion, il perd tout droit de reven
dication sur l'avoir de la Ligue.
B. Toute association est libre d'ordonner et de
recueillir des cotisations pour être employées à
son but particulier. Mais en outre, et avant tout,
tout membre est obligé de verser au minimum 5
centimes' par semaine au profit de la caisse révo
lutionnaire , il en sera tenu un compte séparé.
C. Toute association, en adhérant à la Ligue,
doit se mettre en rapport avec le comité exécutif
en lui transmettant sa constitution, ses règlemens
et la liste de ses membres. Elle doit aussi lui
adresser un rapport trimestriel sur sa situation,
ses espérances, le nombre de ses membres, les
modifications qu'elle a subies. Elle doit transmet
tre également, à l'expiration de chaque trimestre,
le produit des contributions ordinaires et extraor
dinaires en faveur de la caisse révolutionnaire.
D. Le comité exécutif de la Ligue a le pouvoir
d'inviter chaque association à nommer des com
missaires qui devront être pourvus de lettres-pa
tentes par le comité central, et qui auront pour
fonctions de recueillir des souscriptions en dehors
des associations et de former des associations nou
velles.
E. Toute association élira un président, un se
crétaire et un trésorier, qui la représenteront dans
ses relations avec lés autres associations et avec le
comité central. Les trésoriers devront fournir des
garanties pour les fonds qui leur seront confiés.
F. Pour arriver à une action commune', toutes
les associations révolutionnaires sont placées sous
FEUILLETON ffl] CONSTITUTIONNEL, 11AVR.
LA VIE A REBOURS,
AB1I11D.
SECOND VOLUME.
XVI. %
LES RONCES DU CHEMIN.
La découverte qu'Adrienne venait de faire
changeait les conditions et pour ainsi dire le
ressort de sa vie. Jusqu'alors elle avait mar
ché d'un pas léger et joyeux dans les sen
tiers de la confiance, remplis de lumière et
d'épanouissement, tît il fallait les quitter
pour prendre le chemin du doute, voué aux
ténèbres et à la contrainte. Armand l'avait
voulu ainsi ; elle n'était plus libre dans son
choix. Au fond du cœur, peut-être regret
tait-elle son ignorance et les joies tranquilles
qu'elle y puisait ; peut-être eût-elle aimé
à retrouver l'idéal de ses beaux jours, et à
l'emporter de nouveau vers les régions où
tout s'épure; mais à quoi bon ces préféren
ces et ces regrets? Les faits étaient là, dans
toute leur barbarie et toute leur brutalité.
Non, plus d'illusions désormais. Le bandeau
était tombé ; Adrienne avait vu clair dans sa
vie, et surtout elle avait vu clair dans le ca
ractère d'Armand.
"Voilà donc quel était le monde où ce mal
heureux s'était perdu ; voilà quels en étaient
les mœurs, les maniérés etle langage ! A y
songer, elle en éprouvait uioins de ^colère
que de pitié; elle ne trouvait plus I force
* La reproduction est interdite
de le blâmer, tant il lui semblait à plaindre.
Tout s'expliquait dès lors, les absences de
son mari et les prétextes puérils dont il les
couvrait, ces demandes répétées d'argent et
ces procès imaginaires que pouvait seule ad-,
mettre son incomparable candeur. Elle avait
été prise pour dupe ; elle le voyait, elle le
touchait du doigt, et pourtant elle n'en éprou
vait ni rancune, ni dépit. Elle avait eu le
beau rôle, après tout, et d'ailleurs peu lui
importait, elle se serait contentée du plus
modeste. Mais le plus triste de tout cela,
c'est qu'un vide profond venait de se faire à
ses côtés; il fallait dorénavant qu'elle se suf
fît à elle-même, qu'elle devînt son propre
tuteur. S'en remettre à Armand, elle ne le
pouvait plus. L'épreuve en était faite, et elle
avaii conclu contre lui; ce n'était plus un
guide, mais un enfant à surveiller, à par
donner et à aimer.
A tout prendre, la faute n'en était ni à elle,
ni à lui ; on les avait unis trop jeunes. Le
mariage est un acte sérieux et qui veut être
traité ainsi; autrement il blesse qui en
use, comme une arme abandonnée à d'inha
biles mains. A l'âge où le prêtre les bénit,
avaient-ils bien la conscience des devoirs
qu'ils s'imposaient? Savaient-ils ce qu'est la
vie et quelles épreuves elle réserve à ceux
qui la traversent en commun? Avaient-ils
pu peser ces chances, ces*obligations et en
accepter le fardeau avec connaissance de
cause? S'étaient-ils interrogés seulement,
étudiés l'un l'autre, pour savoir s'il y avait
entre eux quelque rapport de goûts, de carac
tères et d'humeurs ; s'il n'y régnait pas au
contraire des dissentimens trop profonds;
entin si des deux parts ou y apportait un lot
éga de fidélité, de dévoûment et de ten
dresse? Non, le hasard avait tout fait-, le
hasrrd .ou l'amour, ce qui est tout un; ils ex
piaient tous deux- cette imprévoyance. Un
jour, une heure, avaient suffi à la méprise;
une vie entière ne suffirait pas à la répara
tion.
Tels étaient les sentimetis qui agitèrent
Adrienne pendant le temps de sa convales
cence. Personne n'eût deviné les orages et
les combats de son cœur, à voir la fière rési
gnation dont ses traits étaient empreints. Ja
mais le son de sa voix n'avait été plus doux
ni sa grâce plus touchante. En l'observant
de près, on aurait pu quelquefois surprendre
une larme au bord de ses cils, ou un nuage
voilant à l'improviste l'éclat de son regard, ou
bien enfin desfrissonnemens subitsau retour
de certains mots ou au réveil de certains sou
venirs. Mais ce n'étaient là que de fugitifs
accidens et des impressions passagères. Le
fond du maintien, son caractère habituel
étaient un calme plein de dignité. Adrienne
avait fait passer sa douleur dans sa vie même;
elle la portait comme on porte un mal invé
téré et dont on ne doit jamais guérir. Cette
douleur ^n'était jamais absente; mais elle
échappait aux yeux, car elle lui était identi
fiée. C'était le deuil d'une ame vigoureuse
qui n'attendait pas de consolations et se re
fusait aux épanchemeuS.
Au milieu des résolutions qu'Adrienne
arrêta dans son esprit, et dont elle ne devait
plus revenir, se trouvait en première ligne
le dessein de ne jamais se trahir devant Ar
mand, et de ne point engager avec lui d'inu
tiles querelles. Elle voulait deux choses : res
pecter son repos et lui laisser ta liberté ; ni"
gè.e, ni récriminations, voilà sa loi. Surtout
elle voulait éviter que, se sentant dévoilé, il
ne crût au mépris plutôt qu'au pardon, et
que l'éclat de son indignité ne le ietât dans
la direction des autorités suprêmes de la Ligue, et
se conforment à ses décisions comme aux lois su
prêmes de la ligue. Cette aut;orité suprême est un
^congrès de toutes les associations révolutionnaires.
ARTJ V. "— Organisation du congrès.
1. Toute association comptant au moins dix
membres, et pas plus de cinquante, a droit à un
député.
2. Toute association qui compte plus de cin
quante membres a droit à un député additionnel
par chaque centaine de membres qui dépasse ce
chiffre.
3. Deux ou plusieurs associations, inférieures
chacune à cinquante membres, peuvent se réunir
pour envoyer un député.
4. Tout député doit être muni de lettres de
créance, portant le nombre de ses commettans.
5. Le congrès décide de l'admission des dépu
tés.
6. Aucune indemnité n'est allouée aux députés.
Chaque association règle avec ses députés les dé-
pen-es et frais de voyage.
7. Chaque congrès fixe l'époque et le lieu de
réunion du congrès suivant.
8. Les séances du congrès sont ainsi réglées :
A. Lecture et adoption du procès-verbal.
B. Réception et compte-rendu des lettres, mé
moires, etc.
C. Rapports des commissions.
D. Ordre dû jour.
E. Fixation de l'ordre du jour des séances sui
vantes.
9. La juridiction du congrès s'étend sur toutes
les affaires de la Ligue, et jusqu'à la modification
et la révision de la Constitution.
Art. VI. — Comité exécutif.
1 . — A. Dans l'intervalle des sessions du con
grès, la diréetion de la Ligue est remise à un co
mité exécutif.
B. Ce comité se compose de sept membres.
•w.Gr 11 «st élu par le congrès.
' D. Le congrès désigne la résidence du comité.
2. — yl. Dans les principales villes de chaque Etat,
il y aura un comité d'Etat f»nné des autorités de
l'association révolutionnaire locale. S'il y a plu
sieurs associations dans la même localité, elles
s'entendront pour élire le comité, d'Etat.
B. Le comité d'Etat reçoit les communications
du comité central e t les transmet aux associations ;
il transmet au comité central les propositions des
associations ; il établit des sociétés nouvelles, et en
général il n'épargne aucun effort pour faire avan
cer la cause révolutionnaire dans les limites de sa
juridiction.
3. — A. La caisse révolutionnaire est adminis
trée par le comité exécutif.
B. Elle se compose des versemens des individus
et des associations.
C. Le caissier du comité doit donner caution
pour les sommes qui lui sont confiées.
D. Dès que l'encaisse dépasse 500 francs, il doit
être placé en. valeurs portant intérêts.
4. — A. Le comité est investi du pouvoir exé
cutif et du droit d'administrer. Ses devoirs sont
défin's par l'art. III.
B. Pendant la session du congrès, il n'est plus
que l'exécuteur des décisions de cette assemblée. I
C. Dès que le congrès est assemblé et constitué 2
le comité doit lui adresser un message, contenant
l'exposé de tous les faits importans qui se sont
produits au sein de la ligue depuis la session pré
cédente, le résumé général de la situation des di
verses associations, le nombre des sociétaires, le
compte Je l'argent employé et de l'encaisse. Il doit
aussi, s'il en est requis, fournir au congrès tous
les documens en sa possession ét tous les rensei-
gnemens qu'il pourra se procurer.
, 5.—A Le comité exécutif doit demeurer dans les
relations les plus étroites avec le comité politique.
B. Le comité politique se compose de trois mem
bres qui seront élus par le prochain congrès,
C. Le comité politique a des pouvoirs illimités
pour prendre, d'accord avec les représentant ré-
vblutiannaires des autres nationalités, toutes les
mesures nécessaires pour seconder la révolution
européenne.
B. Le comité politique est représenté par son
président dans le comité central européen qui se
composera des présidens de tous les comités na
tionaux révolutionnaires.
E. Le comité politique est responsable devant
e congrès.
Le décret du 28 mars, en relevant la sur
taxe sur les sucres étrangers, a satisfait, dans
une certa»nç, mesure, aux réclamations de la
production nationale. L'augmentation de la
surtaxe a-t-elle été suffisante pour protéger
les sucres indigènes et coloniaux? Nous en
doutons ; mais l'expérience prononcera, et,
connaissant les principes du gouvernement
en matière de tarifs, on est fondé à croire
qu'il ne reculera pas devant une augmenta
tion nouvelle, si les faits ultérieurs en dé
montrent la nécessité.
Nous croyons toutefois devoir appeler, dès
aujourd'hui, son attention sur une disposi
tion dont les conséquences n'ont peut-être
des indignités plus grandes. L'ignoï ance où
il la supposàit était un dernier frein ; à tout
prix il fallait le maintenir. Tant qu'il croi
rait aux respects de sa femme, il serait encou
ragé à se respecter ; le jour où cette croyance
cesserait, il irait droit à l'avilissement. Dans
tout ceci, Adriennne agissait évidemment
pour lui et non pour elle; c'était dans ses
instinets ; elle répugnait à des calculs per
sonnels. L'essentiel d'ailleurs était de courir
au plus pressé, de se porter, au secours de
cette existence mal engagée, d'en redresser
la marche si c'était possible, d'en subir les
conséquences si rien ne fléchissait le destin.
Et à tout prendre n'avait-elle pas eu quelque
tort? N'avait-elle pas trop abandonné les rê
nes du gouvernement commun? N'aurait»
ellepas dû se montrermoins confiante, moins
naïve, moins aveugle?Plus contenu, peut-être
son mari eût-il été moins loin dans la voie des
égaremens; peut-être sa chute n'eût-elle
pas été aussi prompte, ni son dérèglement
aussi absolu. Dans tous les cas, il fallait dé
sormais en agir autrement, prévoir une re
chute et s'y préparer, passer de l'inertie à
l'action, de l'abandon à la surveillance, ne
rien laisser à la seule merci d'Armand, et
porter urne main ferme dans les affaires de
la maison. Telle était la conduite à tenir.
Pour en assurer le succès, il lui manquait
i deux forces, deux points d'appui; une révé
lation entière des faits et les conseils d'un
ami. Un ami, où le trouver? où le prendre?
En existait-il à qui elle pût se confier? Que
de qualités ne lui aurait-il pas fallu : un cœur
droit, un esprit sûr, un caractère élevé, en
un mot la perfection même? Par moneus.
elle en nommait bien un, on devine lequel.
Aucun de. ces titres ne lui manquait, et il y
ajoutait celui d'une grande naissance. Qe
pas été complètement aperçues au premier
abord. Le décret maintient, et avec raison, la
prohibition sur les sucres raffinés à l'étranger;
mais .il admet les sucres étrangers en pou
dre de nuance Supérieure au premier type,
moyennant une simple addition de droit de
3 francs, quelque beaux qu'ils soient, du
moment qu'ils contiennent plus de 1 0/0 de
matière étrangère autre que l'eau. Il y a là
une sorte de contradiction. Car les sucres
raffinés en pain, que l'on prohibe, contien
nent la plupart plus de 1 0/0 de matière
étrangère.
Que résultera-t-il de cette disposition ?
C'est que tous les sucres en poudre, de quel
que provenance"qu'ils soient, titrant moins
(le 99 0/0, entreront en ne payant que 66 fr.
de droit, décime cc mpris. Or ce qu'il importe
de .remarquer, c'est que ces sucres peuvent
être livrésdirectement àla consommationsans
passer par le raffinage, tandis que les sucres
coloniaux, qui sont presque tous à des types
inférieurs, et les sucres indigènes, en vertu
de lçur nature même, ne peuvent être con
sommés sans être soumis à cette opération.
Ajoutons que, lorsque ces sucres seront
réexportés sous iforme de raffinés, il y aura
encore ce désavantage pour la production
nationale, que les droits restitués à la sortie
dépasseront en réalité les droits payés à l'im
portation ; de telle sorte qu'il en restera dans
la consommation une' certaine quantité qui,
par le fait, n'aura pas acquitté l'impôt.
On voit, sans que nous insistions davan
tage, le danger que cette disposition fait cou
rir aux sucres des colonies ou de la métro
pole. 3. BUP.AT.
Les revenus indirects s'accroissent avec la
rapidité la plus remarquable.
Lesproduits du mois de jan\ "er 1852avaient
été inférieurs à ceux du mois de janvier
1851.
Les produits de février 1852 ont dépassé
ceux dé février 1851 d'environ 2 millions.
Les produits de mars 1852 dépassent ceux
de mars 1851 de près de 5 millions.
Cet accroissement si rapide est le signe
éclatant de la reprise des affaires et du dé
veloppement du travail.
Parmi ces élémens, il faut remarquer sur
tout l'enregistrement. Jusqu'en mars ses
produits avaient été très faibles, et, en jan
vier et février, ils égalaient à peine ceux des
mois correspondans de 1851 ; en mars, ils
dépassent ae 1,800,000 fr. ceux du mois de
mars précédent. (Moniteur.)
Le projet de loi sur la refonte des mon
naies de cuivre, qui est soumis en ce mo
ment au corps législatif, ouvre au ministre
des finances un crédit de 7,560,000 fr. pour
toutes les dépenses que nécessiteront le re
trait et la démonétisation des pièces actuel
le!, et la fabrication ainsi que l'émission des
monnaies de bronze qui doivent les rempla
cer.
Les personnes qui lisent le projet de loi
sans l'exposé des motifs pourraient considé
rer cette opération comme onéreuse pour le
trésor. Ce serait une erreur : le projet de loi,
tel qu'il a été présenté par le gouvernement
au conseil d'Etat, ne contenait aucune de
mande de crédit. La combinaison proposée
retire de la circulation 10 millions et demi
de kilogrammes de cuivre.
Les monnaies qui seront frappées en échan
ge n'emploieront que 5 millions de kilogram
mes de métal, et ne coûteront avec les frais
de fabrication que la somme déjà indiquée
de 7,560,000 fr., et cette dépense sera plus
que compensée par la vente des 5 millions
et demi de kilogrammes de cuivre qui reste
ront à la disposition de l'Etat. La recette
couvrira donc au moins la dépense.
Si le conseil d'Etat, tout en adoptant le
projet du gouvernement, en a modifié la ré
daction, c'est pour se conformer aux règles
rigoureuses de la comptabilité qui obligent
d'inscrire séparément les dépenses et les re
cettes. Ce n'est là qu'une mesure d'ordre. Il
est donc évident que la substitution d'une
monnaie commode et mieux frappée aux
pièces grossières et lourdes qui déshonorent
qu'elle en voyait, ce qu'elle en savait était de
nature à la toucher et à lui faire croire qu'il
ne serait pas au-dessous de ce rôle. Volon
tiers elle eût incliné à le lui offrir, mais de
secrets instincts l'en détournaient. Elle sen
tait vaguement que c'était se créer à l'ins
tant même une situation délicate et plei
ne de périls. Celui à qui elle songeait n'é
tait-il pas, ^'ailleurs, ce personnage mys
térieux qui naguère excitait ses soupçons
et lui donnait de l'ombrage? Ne s'était-il pas
obstiné à élever entr'eux une barrière, à y
maintenir un obstacle et un embarras? Pour
qu'elle parlât à un homme et d'elle-même
et de son mari n'était-il pas sage d'exiger
d'abord de lui un détachement personnel
'au-dessus de toute épreuve ? Or, cette con
dition manquait ici, et c'était a plus essen
tielle. De là un ajournement forcé daas le
choix d'un conseiller ; le temps et les cir
constances y pourvoiraient.
Ce qu'Adrienne pouvaitfaire sur-le-champ
sans crainte, sans danger, avec assurance,
c'était de poursuivre une enquête sur ce
passé et d'obtenir des révélations entières.
Hélas ! elle allait y recueillir plus de dou
leur que de profit ; mais la jeune femme ne
pouvait plus reculer ; et d'ailleurs, en élar
gissant la plaie, peut-être l'empêchait-on
de s'envenimer. Des désordres de tout gen
re avaient signalé l'absence d'Armand • dé
sordres de conduite, désordres de fortune;
elle voulait fout connaître, afin de tout par
donner; elle se sentait la force de tout com
prendre dans cet oubli discret et ce silence
généreux dont elle entendait couvrir les fau
tes de sou mari. Puis, pour le tirer de l'abî
me, nefallaini pas en sonder la profondeur,
juger de près les choses, savoir où en étaient
leurs communs intérêts et quelle brèche y
notre système monétaire
budget.
ne grève point
(idem.)
On lit dans le Journal des Débais :
« La commission du corps législatif, char
gée d'examiner le projet de loi sur la refonte
des monnaies de cuivre, s'est réunie hier et
avant-hier. Elle a entendu M. Pelouze, pré
sident de la commission des monnaies. On
assure qu'elle serait dans l'intention de pro
poser quelques amendemens.
» L'ordre du jour de mardi prochain 13,
indique une communication du gouverne
ment. On assure que cette communication
serait un Message du prince-Président qui
contiendrait l'exposé général des affaires du
pays depuis son dernier Message du mois de
novembre 1851.
» Le Sénat se réunirait, dit-on, mercredi
14f, dans ses bureaux, pour choisir la com
mission de la comptabilité et celle des péti
tions. »
Nous apprenons par des lettres du Midi
que M. Quentin-Bauchart et M. Emile Ber-
nier se trouvaient le 5 de ce mois à Avignon.
Après s'être fait rendre compte des causes de
l'arrestation des 173 détenus qui se trou
vaient dans les prisons du département, M.
le commissaire extraordinaire a prononcé la
mise en liberté de 89 d'entre eux; de plus il
a levé 216 internemens.
En quittant le département de Vaucluse,
M. Quentin-Bauchart et M. Bernier se sont
rendus à Marseille; on sait que le départe
ment des Bouches-du-Rhône a fourni son
contingent à l'insurrection qui asuivi les'
événemens du 2 décembre; quatre-vingt-
doaix détenus étaient renfermés au château
d'If; seize d'entre eux ont été désignés par la
commission mixte pour la transportation à
Cayenne, il n'y a pas eu lieu de s'en occu
per; sur les soixante-six autres condamnés à
la transportation en Algérie, M. le commis
saire extraordinaire en a fait mettre trente en
liberté.
Lorsque les détenus libérés ont-été débar
qués du château d'If sur le port de Marseille,
ils ont été l'objet de la part de leurs familles
réunies sur les quais, de scènes d'attendris
sement qui se sont terminées par des cris
unanimes de Vive Napoléon l vive le Prési
dent ! auxquels la population ouvrière s'est
chaleureusement associée.
Avant de quitter Marseille, M. le commis
saire extraordinaire aura encore à statuer
sur le sort des condamnés détenus au lazaret.
L. BONIFACE.
Voici une note exacte, jour par jour, des
décisions prises par le général Canrobert
pendant sa mission dans le département de
la Nièvre :
« Arrivé à Nevers, le 31 mars dernier, la com
mission départementale a été immédiatement con
voquée, et, après un examen minutieux et attentif
de tous les dos-iers, le général a prononcé la mise
en liberté ou l'adoucissement de la peine de 74 in
dividus sur 228 transportables de l'arrondissement
de Neveis.
» Le lendemain, 1 er avril, M. Canrohert est parti
pour Cosne, et, le même jour, il a statué sur les
i 85 condamnés qui se trouvent encore détenus
dans les prisons de cette ville; 35 ont été l'objet
de mesures de clémence, qui ont été accueillies
par les malheureux avec des témoignages non équi
voques de repentir et de reconnaissance. Avant de
quitter la prison, ils ont dû signer une demande
en grâce et l'engagement formel de renoncer à ja
mais aux intrigues politiques.
» Le 2 avril, le général s'est rendu à Clamecy ;
l'on sait que cette ville est le grand foyer démago
gique de la Nièvre. A divers titres, 592 individus
ont été condamnés à sortir de l'arrondissement; le
conseï de guerre a prononcé 72 condamnations,
dont 5 à mort ; la commission départementale mix
te a, de son côté, prononcé 361 transportations et
153 internemens.
» En présence de l'immense gravité des char
ges, M. le commissaire extraordinaire a dû, à son
grand regret, restreindre la clémence du prinee à
un très petit nombre d'individus ; ^2 seulement
ont été appelés à en ressentir les effets.
» Ainsi, récapitulation faite, le passage du gé- '
néral Canrobert dans la Nièvre a profité pour le
moment à 161 condamnés.
» Le général a porté particulièrement la clé
mence du prince sur les hommes pauvres, igno-
rans, d'un caractèrefaiblp, pères de famille ou fils
de parensâgés. Il s'est montré justement sévère à
l'égard des riches et de tousceux dont l'intelligence
ou. l'éducation témoignent qu'ils ont agi en toute
connaissance de cause.
» Le général a encore marqué la trace de son
passage par des bienfaits répandus au nom du
prince ; tandis que d'une main il sanctionnait les
avaient faites l'usure et la prodigalité ? Sur
tout cela elle attendait des explications com
plètes; elle pouvait y périr y succomber,
mais elle n'assisterait plus en aveugle au
naufrage de ses biens et de son amour.
C'était dans ce but qu'elle avait songé à
l'oncle Séverin et lui avait demandé une
entrevue. Pérsonne ne pouvait mieux que
lui l'initier aux détails de la vie d'Ar
mand et lui dévoiler l'état de ses affai
res. Les indiscrétions de la tourelle ne lais
saient aucun doute là-dessus. Ce pauvre
oncle, avec ses manies de jeune homme,
n'avait su garder, vis-à-vis d'Armand, ni
l'autorité de son titre, ni la dignité de son
âge; il était pour lui un compagnon et une
victime, rien de plus. Evidemment il n'igno
rait rien de ses aventures et de ses embarras
d'argent; s'il voulait être sincère, Adrienne
saurait tout par lui. Aussi était-elle résolue
à n'épargner aucun effort pour lui arraché»
cette confidence ; c'était, depuis sa décou
verte, le premier acte essentiel qu'elle accom
plît ; elle se promit bien de s'en tirer à son
honneur.
Quand l'oncle Séverin entra dans sa cham
bre, à l'heure assignéej elle était assise près
d'un guéridon et achevait son déjeûner. On
la traitait encore en malade, et l'ordinaire
était frugal :
— Touchez-là, mon oncle, dit-elle en lui
tendant la main, et prenez un fauteuil ) mais
je ne vous invite pas, les portions sont trop
petites. -
1 lui baisa galamment la main et s'assit
il tenait son cure-dents et s'en escrimait avec
la vivacité d'un homme qui sort de fable.
— C'est fait, répondit-il, j'aime mieux vo
tre réfectoire d'en bas. Nous venons d'y ex
pédier un pâté de venaison qui était une
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