Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-12-10
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 décembre 1907 10 décembre 1907
Description : 1907/12/10 (A1,N71). 1907/12/10 (A1,N71).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76453684
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
J'e Année.- NI, 71 (Quotidien)
ïrff Numéro * $ centimes
Mardi 10 Décembre 190r.
IVn BjH BfeSB B
«« K »■ ■ m mj I wiv EH fi 1* B9 k■L. 9 9 RMI
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKI.
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Bouleuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE ; 288'07
Presse Télégraphique : COMŒDlA.PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
— —
Pa" s et Départements. 24 fr. 12 fr.
tranger eO » 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDlA=PARIS
ABONNEMENTS :
, UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
1 \,J n Gentleman
James-W. Littlejames représente, à
Paris, Une forte maison anglaise. Physi-
quement, au moins, il la représente à
souhait. est un gaillard de bonne
talle, bien découplé, un peu trop gras. Il
mène, le soir, dans les petits théâtres et
les grands restaurants, une vie somp-
la e et régulière de paisible fêtard.
James-W. Littlejames est toujours ac-
compagné d'un cigare considérable et
bagu é, attribut aussi nécessaire à son
image que le trident au dieu des mers
ou la foudre à Zeus retentissant.
tas6 aIS Mr Littlejames, avec son visage
8urto fàt d'un coloris. joyeux, ressemble
e{l'éut au Dieu du Vin; il a la sérénité
et l'éclat des yeux du travailleur content
de lui- même, et bien nourri.
James-W. Littlejames donne, chaque
jour, son bureau, six bonnes heures
d'un lravail intelligent et net. Il profite
du mieux qu'il peut des qualités d'acti-
vité et de lucidité qu'il a reçues de la
nature. Il utilise ses dons; il en tire le
l sVUr Parti, et ne perd pas son temps
à s'occuper continuellement de ce que
fait son prochain. Il ressemble très peu
à ces hommes d'affaires français, dont le
grand Souci n'est pas de gagner de l'ar-
gent mais d'empêcher les autres d'en
gagner.- Il ne se ronge pas de remords
à l'idée .qu'un intermédiaire, dans une
affaire, peut obtenir une commission
trop forte ; il regarde seulement ce que
l'affaire lui rapporte à lui et il est très
satisfait qu'un courtier y soit intéressé,
même dans des proportions exagérées,
parce ^Ue' dit-il, il travaillera sérieuse-
ment a la faire réussir, y trouvant son
beurre. Il veut autour de lui des auxi-
liaires Intéressés, et non pas des gens de
bonne Volonté, et qui lui viennent en
Pgr pur sentiment. Ce n'est pas
n'es Méprise les sentimentaux ; mais
il n'es t. pas sûr de leur zèle et de leur
persévérance. Il dit que le sentiment est
comme le noble cheval que l'on veut
atteler au labour, et qui. donne un bel
effort de quelques secondes, pour se re-
1 tes. Ensuite pendant de longues heu-
res. L'Intérêt, bœuf patient, volon-
taire, continuellement stimulé, fournit un
travail moins brillant, mais plus sûr.
J'ai tenu à vous parler un peu lôngue-
~ment -3.*-Mr Lliilejaaae» nous revcr-
souvent), avant de vous le montrer
aujourd'hui dans une circonstance carac-
téristique.
Un soir, dans un restaurant des envi-
rons e la Madeleine, james-W. Little-
james finissait de souper. Son long ci-
gare entre le pouce et l'index, il avait
l'air de faire la leçon à un petit verre de
fine champagne qui se tenait humblement
devant lui. Des tziganes en habit noir lan-
çaient avec fougue par-dessus leurs épau-
les et ramenaient ensuite avec langueur
leurs archets caressants. En face de
Littlejames, quelques jeunes gens très
échauffés étaient venus s'asseoir, escor-
tant une jeune femme merveilleusement
blonde, sur qui les yeux heureux du
gent ernan s'arrêtèrent un instant assez
long aVec une complaisance bien natu-
relle C)r, les jeunes gens, comme j'ai
dit, avaient chaud ; ils avaient besoin de
da u bruit et de briller aux yeux de
l !ne,.. L'un d'eux s'approcha de
Mr Littlejames, et lui intima l'ordre de
n'avoir plus à regarder cette jeune per-
sonn e..
A quoi Mr Littlejames répondit paisi-
blement qu'il n'avait mis dans son re-
gard aucune intention, offensante. Il
ajouta qu'il ne regarderait plus cette
dame, non pas qu'il n'en eût plus le
désir, mais que, d'après cette observa-
tion Ull peu vive, peut-être juste cepen-
dant, il voyait qu'il avait sans doute re-
gardé cette personne, sans le vouloir, au
delà de la bienséance.
Loin de se retirer après cette sage ré-
ponse, le jeune homme, enhardi noble-
ment par cette reculade de Mr Littleja-
mes, Se laissa aller à des propos gros-
siers, UUxquels Mr Littlejames ne répon-
dit po l~t. Puis, il traita Mr Littlejames de
quoi celui-ci répondit qu'il avait
de son Propre courage une opinion très
précise, qu'il se savait d'une bravoure
moyen ne et suffisante, et que les opi-
nions des autres là-dessus lui impor-
taient peu, étant forcément moins docu-
mentées que la sienne.
l' tttle' etl fallut pas plus pour que Mr
Littlejames apparût comme un lâche avé-
ré aux yeux de ce jeune homme, qui
monter en lui-même un courage
extraodinaire. Et, comme Mr Littleja-
mes, tout en réglant son addition, se
coiffai hd un haut-de-forme étincelant, le
Onme, de sa canne, fit voler ce
haut-de-forme à quinze pas (quinze,
chiffre consacré). Mr Littlejames sortit
de son protefeuille une toute petite carte
qu'il remit au jeune homme, lequel lui
fit prése nt, en échange, d'un autre mor-
eau de carton.
errai chez vous demain, dit
Mr Littlejames, qui pour la première
fois depuis le commencement de cet en-
tretien, éprouva un peu d'émotion,
parce 1: 11 n'était pas sûr d'avoir pro-
la phrase correcte.
Puis, il Sortit en emportant son haut-
e endommagé.
le ***
Le souvenir de quelques relations
agr i4b, ,,, et ma vieille comoétence «n
i
affaires d'honneur me valurent, le len-
demain matin, la" visite de James-W.
Littlejames. Il me raconta l'incident de
la veille, et me pria d'aller, avec un de
nos amis communs, trouver le monsieur
en question. James-W. Littlejames ne
comprenait pas qu'on se battît en duel.
Mais, habitant la France, il voulait se
conformer à nos usages, qu'il ne discu-
tait pas, et qu'il supposait justifiés par
une tradition de plusieurs siècles.
— Je me battrai à l'épée, me dit-il.
J'ai pris, jadis, des leçons.
Il parut fort étonné, quand je lui dis
que la rencontre aurait lieu le lendemain
ou le surlendemain. Il me déclara qu'il
n'accepterait jamais cela, n'étant pas « en
condition », et qu'il lui fallait au moins
six semaines pour s'entraîner. Quand
un champion cycliste ou un boxeur dé-
fie un autre championne son sport, c'est
toujours l'homme défié qui choisit sa
date, car il n'est pas tenu d'être cons-
tamment fit and well. Par contre,
l'homme qui porte le défi, ou l'offen-
seur, est toujours présumé « prêt »,
puisqu'il a défié ou offensé quelqu'un
qui rie lui demandait rien. Je vais donc,
dit Mr Littlejames, employer ces six se-
maines à me « préparer ». Actuellement,
je soufflerais comme un bœuf, ridicule-
ment, au bout d'une minute de combat.
Je travaillerai progressivement un quart
d'heure, puis une demi-heure, puis une
heure par jour. Cela se trouve bien,
puisque je suis trop gras, et que, préci-
sément, je dois maigrir. Je me coucherai
de bonne heure, je me priverai de ci-
gares; ce qui, pendant quelque temps,
sera bon.
Je m'en allai trouver les témoins de
notre adversaire, porteur de ces condi-
tions insolites, mais très raisonnables, et
que j'étais bien résolu à imposer. Mais
je me trouvai en présence de deux hom-
mes fort sages, qui avaient su sermon-
ner leur client. Nous rédigeâmes un pro-
cès-verbal de conciliation, où l'autre
émettait des regrets le plus honorable-
ment du monde, et je rapportai ce pro-
cès-verbal à Mr Littlejames, qui fut un
peu désappointé, car il lui faudrait, me
dit-il, trouver un autre moyen de mai-
grir. Il accepta cependant le procès-
verbal parce que l'usage le voulait
ainsi. -
•""feTçsiarqrad tp'll se taîsMf^et qM At-
tendait encore quelque chose.
Il me dit sérieusement, au bout d'un
instant :
— Mais enfin, mon cher, se peut-il
que ces gentlemen n'aient pas fait de
proposition, ou demandé l'adresse de
mon fournisseur, relativement aux dé-
gâts du chapeau?.
Tristan BERNARD.
Nous publierons demain un article de.
J.-H. ROSNY
Evitez les contrefaçons
Mlle Gilberte Sergy, de VOdêqn, n'est
pas contente. Elle ne croit pas au dédou-
blement de la personnalité et elle s'étonne,
à bon droit, de voir des affiches annoncer
en gros caractères la présence, dans cer-
tains théâtres, de Mlle Gilberte Sargy.
Au surplus, elle entend mettre au clair
ce phénomène de l'au delà et taire inter-
venir, au besoin, les tribunaux pour taire
respecter son bon droit.
L'affaire, du reste, n'est point sans pré-
cédent. Déjà Mme Berthe Bady s'est trou-
vée en présence de son double, comme di-
sent les médiums: Mlle Berthe Bedy, et
nous entendîmes parler, pendant un cer-
tain temps, d'une certaine Mme Le Bergy.
Le truc n'est point nouveau et, disons-le
tout de suite, il n'est point à l'éloge de
ceux qui l'emploient. -
Il est infiniment plus simple, je le sais,
de prendre un nom tout - fait plutôt que
de s'en créer un. Malheureusement, la va-
leur du procédé a été jugée depuis long-
temps en matière commerciale, et toujours
d'une façon désavantageuse pour les imi-
tateurs.
Sans quoi les moindres petits cafés-con-
certs annonceraient demain les débuts de
Mme G. Niat ou de Mme Marie-E. De-
lille, sans parler de la divette Guy Le Bert,
qui ferait les délices de nos cafés-concerts.
Qu'un monsieur prenne tranquillement
pour nom de baptême le nom de Jules Cé-
sar ou celui de Platon, la chose n'a pas
une très grande importance et la plupart
des gens — je ne dis point tous, naturel-
lement, mais enfin une imposante majo-
rité — sait à quoi s'en tenir. Mais, des
qu'il s'agit de noms d'acteurs ou d'actri-
ces contemporains, il est difficile de sa-
voir, surtout à une époque où les tournées
sont en honneur à l'étranger; si l'on ne se
trouve pas réellement en présence d'un
sociétaire du Théâtre-Français ou de la
meilleure interprète d'un théâtre du bou-
levard.
De la meilleure foi du monde, le bon
public s'imagine avoir affaire à un artiste
célèbre de l'Opéra ou du Français et, pour
peu qu'il l'entende un quart d'heure ha-
billé d'un costume mordoré dans son ré-
pertoire de chansonnettes comiques, il en
conserve un souvenir qui n'est point à
l'éloge de nos grandes scènes subvention-
nées. •
Le préjudice est évident et ce n'est
point là une façon de débuter très re-
commandable. Sans compter qu'il peut ar-
river parfois que le débutant ait quelque
talent et que son fâcheux pseudonyme le
condamne à tout jamais à un rôle de con-
tre/acteur. qui pèsera sur toute sa car-
rière.
G. DE PAW-LOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures trois quarts, au
théâtre des Boultes-Parisiens, répétition
générale de L'Ingénu libertin, conte galant
en trois actes, de Louis Artús, musique de
Claude Terrasse.
L
a, rentrée de Mlle Marthe Brandès.
Ce fut une joie, pour les spectateurs
qui assistaient samedi à la causerie de in.
Nozière au Théâtre Sarah-Bernhardt, de
revoir Mlle Marthe Brandès.' Depuis plus
d'un an, l'exquise comédienne avait aban-
donné la scène et ses admirateurs trou-
vaient que cette retraite durait depuis trop
longtemps.
Elle lut, on le sait, une page, de ta
Faustin. En reparaissant devant le public,
pendant les premières lignes, son émotion
était visible ; elle avait la voix éteinte, la
gorge presque serrée, mais, peu à peu, se
reprenant, sa voix s'affermit, elle retrouva
ses admirables qualités dramatiques et son
succès fut triomphal.
Trois fois elle dut revenir saluer le pu-
blic qui ne lui ménagea pas ses ovations.
Et cela est du meilleur augure pour les dé;:
buts de la délicieuse artiste au Vaude-
ville
s
on nom.
Mme Simone Le Bargy a suivi le
conseil que Comœdia. se permettait -autre
jour de lui donner. Puisqu'il paraît certain,
après le récent procès Paulette Filiaux, que
le tribunal ne l'autorisera jamais à porter
le nom de son mari, au lieu de chercher
des pseudonymes variés, nous l'engagions
à faire imprimer désormais, sur les affi-
ches, son prénom au lieu de son nom. On
dira Simone comme on dit Réjane ou Ger-
main, comme on disait Rachel ou George.
Elle s'y est décidée, du moins elle l'an-
nonce à M. René Bures, du Matin, auquel
elle fait part, en outre, de son prochain ma-
»
riage avec M. Casimir-Perier.
Jadis les rois épousaient des bergères;
les fils de nos chefs d'Etat épousent au-
jourd'hui des artistes. Ce n'est point Co-
mœdia qui les en blâmera.
L
a victime!
1- M. Félix Duquesnel n'a vraiment
pas de chance avec Le uaULOls, ou a exer-
ce depuis de longues années la critique
dramatique. On se rappelle le compte rendu
sévère, qui lui fut consacré dans ce jourr.
naï, lors de 'ri ptiwhdn. In.
tervîêwé, M. Arthur Meyer. nç cache pas
son opinion sur les critiques qtri font des
pièces. Ce n'est pas tout. Avec sa modes-
tie habituelle, à la suite de son article sur
L'Affaire des Poisons, le critique du Gau-
lois annonçait qu'il parlerait longuement le
lendemain de la reprise de sa Maîtresse de
Piano à l'Ambigu.
On s'attendait donc à lire, sous sa si-
gnature particulièrement autorisée en la
matière, une de ces réclames pro domo
dont il a le secret. Son directeur ne le lui
a pas permis et, à la place du dithyrambe
dont il nous menaçait, Le Gaulois a sim-
plement publié quelques lignes banales, si-
gnées d'initiales inconnues et reléguées dé-
daigneusement au Courrier des Théâtres.
Et M. Félix Duquesnel, pour se conso-
ler, dit à qui veut l'entendre que, de tous
temps, les vrais artistes ont été persécutés.
Et il prépare une pièce nouvelle.
c
'était l'autre jour, à l'Hippodrome, à
l'issue de la représentation de Pro-
méthée.
Des amis enthousiastes s'empressaient
autour de l'heureux organisateur, Castelbon
de Beauxhostes, et le remerciaient des
émotions diverses qu'il avait su leur pro-
curer en faisant revivre, illustrée par l'ad-
mirable musique de Gabriel Fauré, la lé-
gende du Vautour rongeur de foie et de
La Boite de Pandore.
Un des maîtres de la critique se montra
particulièrement chaleureux:
« On doit vous savoir gré surtout, lui
dit-il, d'avoir pris l'initiative dune telle
manifestation d'art en l'honneur des plus
grandes vertus. Car il fut beaucoup; parlé
de foi.e, d'espérance. et ce fût une fête
de charité 1 »
N
ous parlions hier de l'acteur Baron
qui, âgé de plus de soixante-quinze
ans, s imposait encore à l'admiration et aux
applaudissements du publie dans le rôle, de
Rodrigue.
Et cependant, dans les derniers moments
de sa carrière, lorsqu'il se jetait aux ge-
noux de Chimène, il lui fallait, pour se re-
lever, l'aide de deux garçons de théâtre.
Le public devint moins indulgent et, un
jour que Baron jouait le rôle du jeune
prince dans Britannicus, le parterre se mit
à rire et interrompit le spectacle.
Baron, très ému mais non déconcerté,
s'avança. près de la rampe et, se croisant
les bras :
— Ingrat parterre que j'ai élevé! cria-
t-il.
Le mot fit fortune et, pendant un temps,
les spectateurs ne demandaient plus « un
parterre » au contrôle :
- Donnez-moi un « ingrat » 1 disaient-
ils.
R
endons à don Carlos.
M. Jules Claretie n'est pas seule-
ment administrateur général de notre
Théâtre-Français -et gardien — combien
vigilant! — du répertoire, il est encore, il
est surtout, journaliste et romanciër. <
Mais, même quand il est assis devant1
son pupitre d'écrivain, M. Jules Claretie
n'oublie pas les chefs-d'œuvre de la scène
française. Ils occupent sans cesse sa pensée
et inspirent sa prose abondante.
Malheureusement, les souvenirs qu'il en
garde ne sont pas toujours très précis.
Quelque confusion s'y manifeste, et l'émi-
nent académicien prête parfois à certains
héros de drame ou de tragédie les paroles
mémorables qui en illustrèrent d'autres.
On trouve ainsi dans lès premières pa-
ges d'un de ses romans, Candidat, une
fâcheuse méprise.
M. Jules Claretie fait s'arrêter un jeune
ambitieux devant le monument de Pitt, à
Londres, et il nous le montre, là, « inter-
rogeant la statue du ministre, comme Her-
nani le tombeau de Charles-Quint. »
Autrefois, c'était don Carlos qui adres-
sait à Çharlemagne un discours de plus
de trois cents vers. M. Claretie préférerait
que ce fût Hernani.
Cette transposition ravirait sans doute
M. Le Bargy, qui a considérablement am-
puté le fameux monologue, mais qu'en pen-
sérait Victor Hugo?
M
ounet-Sully paraîtra aujourd'hui au
théâtre des Arts. A ce propos,
une note rétrospective intéressante:
Il y a exactement quarante ans que le
doyen de la Comédie-Française abordait
pour la première fois la scène, et cela.
au théâtre des Arts. alors théâtre des
Batignolles, Le grand tragédien, qui, à cette
époque, était élève de Balande, débuta au
théâtre dans un à»propos : Les Hôtes de la
Francf, que donnait alors le théâtre des
Batignolles, dans lequel il vint figurer un
Fellah égyptien.
Après quelques représentations au théâ-
tre de Belleville et au théâtre de la rue
de la Tour-d'Auvergne, Mounet-Sully .re-
vint au théâtre des Bâtignolles, en 1867,
pour y jouer Un Caprice, d'Alfred de Mus-
set. L'année suivante (1868), il y revenait
pourra dernière fois remplir le rôle de
Jovelin des, Beàux Messieurs de Bois-Doré.
Par un curieux retour des choses, d'ici-
bas, aujourd'hui, à cinq heures, le grand
tragédien viendra rehausser, par l'éclat de
sa présence, l'une des plus fines manifes-
tations d'art que nous ayons à notre épo-
que. -
A propos de, la brillante reprise du Cid
que fait l'Odéon, sait-on que les deux
fameuses épées de don Rodrigue existent
encore?
Elles ont noms Tizona et Colada.
Tizona est à deux tranchants ; elle est
longue de quatre pieds et> large de trois
doigts à la *gafde. - Sur un côté de la lame,
près de la garde, on lit: Ave Maria, gratia
ptena Dominus; et, de l'autre: Yo so la
Tizona que foc tocha in la erra 1040. (je
suis la Tizona qui fut faite en 1040.)
Colflda est pareille à Tizonapour, la lon-
gueur et pour la forme. La garde figure
une croix ; d'un côté de la garde sont
gravés les mots: Si, No ! de l'autres No, no,
épées -appartiennent au musée
erartHÏerM de Madrid.
B
attez-vous. *
Il résulte des statistiques que jamais
saison théâtrale ne fut, comme celle-ci, fer-
tile en. duels.
Bientôt nul ne pourra se dire auteur dra-
matique s'il n'est en même temps épéiste.
Nous sommes loin du temps où Eugène
Labiche disait dans son discours de ré-
ception à l'Académie: « Messieurs, c'est
la première fois que je porte une épée, et
je n'ai jamais eu si peur] »
Et, d'ailleurs, comme nous le faisait re-
marquer judicieusement un critique, n'est-
ce pas la Comédie-Française qui donna le
signal de ces mœurs en représentant Le
Duel? (Authentique!!)
U
ne nouvelle publication musicale, des-
tinée, croyons-nous;, à intéresser le
public, va paraître le 15 courant. Il s agit
de La Musique de théâtre et de Salon.
Son programme est de donner 12 ou 20
francs de musique pour 50 centimes. Et
cette musique est tout simplement un re-
cueil des chefs-d'œuvre les plus connus.
Dans le premier numéro, La Fille de Mme
Angot. Ce numéro, luxueusement présenté,
ne sera vendu que 25 centimes.
L
e théâtre: et le repos dominical.
Nombreux sont, aux Etats-Unis, les
fanatiques du repos dominical. A leur ins-
tigation, h Cour suprême, saisie de la ques-
tion, vient de déclarer illégales les mati-
riées, lyriques ou dramatiques du dimanche,
de quelque nature qu'elles soient. Les con-
certs ne sont même pas exceptés.
Cette décision a produit une émotion
énorme. Elle causera, en effet, le plus
grand préjudice à tous les propriétaires de
salles de théâtre et de concert. Les jour-
naux réclament déjà une revision de la loi,
de façon que les spectacles ne soient pas
interdits le dimanche.
s
ilk fo% everi
Longtemps la soie fut considérée
comme le signe extérieur au mxe; ar
Moyen âge, l'usage en était même interdit
à' certaines classes.
L'industrie moderne a détruit ce privi-
lège avec la « soie artificielle »,. dont une
application curieuse est certainement la
confection du v nouveau manchon Auer,
« brevet Plaissetty ».
La durée de ce manchon, sa résistance
et son éclat sont incomparables.
N
e vendez pas vos bijoux, perles et pier.
res fines, ainsi que vos reconnaissan-
ces de bijoux, sans les monirer au comptoir
International, 44, Chaussée-d'Antin, qui
paie, très cher. Téléphone: 269-67.
NOUVELLE A LA MAIN
D
eux critiques connus» causaient l'autre
soir à côté de moi pendant un en-
tr'acte.
L'un d'eux détaillait avec complaisance
les perfections 4'une actrice que la joliesse
et la préciosité de sa personne rendent
plus célèbre que. faut-il le dire? la té-
nuité de s'a voix.
— Qu'en pensez-vous? demanda-t-il à
son confrère, n'est-ce pas un délicieux pe-
tit saxe? y v
- Peuh ! si vous : voulez, mais un saxe
aphone. ; ,
/Le Masque de Verre»
■1 l, '$r V ,
COMÉDIE. FRANÇAISE
L'AUTRE
Pièce en trois actes, en prose
de MM. Paul et Victor Margueritte
SOMMAIRE
ACTE I. — Claire Frenot a trompé, avec le di-
plomate Dartigues, son mari, avocat. Jacques
Frenot, ambitieux, ne savait pas aimer sa fem-
me et s'éloignait d'elle jusqu'en Amérique.
Après la faute, Claire, initiée par l'amant à
l'amour, est revenue à Jacques qui la regarde
enfin, la comprend et la désire, et aujourd'hui
elle hait Dartigues et adore son mari. Mais
elle ne supporte pas le remords. Il faut que,
malgré les conseils de son amie, Mme Châtel,
elle s'en délivre par l'aveu. L'apparition de
l'odieux Dartigues la décide: elle dit tout à
Jacques. Il veut la tuer, tuer l'autre, et ne
chasse même pas Claire. Il pardonne sans espé-
rer l'oubli. Qu'elle reste comme une soeur près
d'un frère 1
ACTE II. — Claire retrouve sa gaieté! EUe
s'épanouit avec les roses, joyeuse de marier sa
petite sœur Jeanne, et si belle que Jacques souf-
fre et la supplie de reprendre la vie intime.
Claire se défend; elle .prévoit les tortures inévi-
tables. Mais comment résisterait-elle, déjà sur
la poitrine de Jacques, à l'ardeur de son
amour ?
ACTE III. — Claire avait trop raison. Les
scènes de rancune et de mépris se renouvel-
lent. Ne vaut-il pas mieux se quitter, pour que
chacun puisse refaire sa vie ? Claire est prête.
jacques la retient encore; il l'aime toujours; il
s'approche d'elle, se penche pour l'étreiizdre et
recule d'horreur : au fond des pauvres grands
yeux tristes de Claire, il a vu l'autre.
Claire s'en va.
— Laisse-la partir, dit à Jacques, désespéré,
sa mère qui lui tend 'les bras.
Et c'est évident! On attendait cette
rupture depuis l'aveu de Claire, non
parce qu'elle avoue, mais parce qu'une
femme comme elle a trompé un homme
comme Jacques. Il ne peut pas pardon-
ner vraiment, c'est-à-dire oublier, et
l'héroïque aveu qui gâte tout, n'arran-
gera rien. Claire n'est pas une impru-
dente ou une naïve, ou une femme
cruelle lasse de souffrir seule d'un men-
songe. Elle asit par noblesse. Cette sim-
ple façon de révéler un adultère nous
donne, si nous ne sourions pas, la plus
haute idée d'une âme de femme. Et Jac-
ques ne nous semble pas d'une qualité
commune, c'est pourquoi ils sont.per-
dus. Un homme froid, sceptique et dé-
daigneux, très bon,. infiniment sage et
un peu mou, pardonnerait peut-être,
Jacques, amoureux lyrique, ne laissera
jamais passer, sans une apostrophe vi-
rulente, l'image de l'autre. Et Claire
ne ruse pas avec lui pour le calmer. Elle
lui dirait plutôt: « Rien à faire! l'autre
nous condamne à nous fuir ou à nous
déchirer jusqu'à la mort ! » Ajoutez que
Jacques est incapable de tromper sa
femme aimée, et sa femme, à présent la
plus honnête des femmes, de choisir un
- deuxième amant.
Au fait, pourquoi a-t-eile pris le pre-
mier? MM. Paul et Victor Margueritte
nous l'expliquent. Les motifs abondent :
fausses idées de Claire, égoïsme, mal-
adresse, absences de Jacques, séduction
brutale de l'autre. N'ayant pas vu ces
jeûnes mariés,- nous avons quelque
peine à les reconnaître. Médiocres, nous
dit-on, avant la faute de Claire, ils se
trouvent, après, exceptionnels. Bizarre
effet de l'adultère! Ce ménage quelcon-
que, destiné aux ordinaires et louches
ententes, une banale aventure le méta-
morphose: Il ne transige plus avec un
brusque idéal de pureté, — et il meurt.
Que vouliez-vous qu'il fît?
La pièce de MM. Margueritte reste
vraie dans la mesure où Claire et Jac-
ques le sont. Si un pareil couple existe'A
---
Mlle BERTHE CERNY '(photo, Henri 1mt~uS1f';~
comme il doit être réduit et nuancé panf,
la vie! D'un cas si complexe, le théâtre
n'admet que le résumé tragique, e'
L'Autre paraît bien, à la scène, une fi
de tragédie, un dénouement fatal qui se
justifierait en trois actes rapides.
Sans surprise, sans vive curiosité, oitf
se laisse émouvoir par la plainte douleur
reuse de Jacques et de Claire.- L' Autr
réussit un problème sentimental ou
Après le Pardon manquait d'éclat. MM.
Margueritte savent que la manière de
s'exprimer, au théâtre, n'est pas celle
du roman. Ils parlent pour l'oreille : on
écoute et on entend. Les phrases vivan-
tes, certes nombreuses, se croisent nette-
ment. Il arrive même que Jacques et
Claire donnent l'impression d'être d'é-
gale force à la réplique.
Je remarque, çà et là, un abus de toit
distingué. L'air de la Comédie-Fran-
çaise, sans doute! mais je regrette qu'il
me -soit défendu de parler des admira-
bles interprètes: je ne tarirais pas.
Au souvenir, l'aveu de Claire prend,
à tort, de l'importance comme s'il était
le sujet de la pièce. Il sera, du moins,
celui des conversations. C'est l'aveu
qu'on va discuter; c'est à cause de lui -
que le spectateur se tiendra d'abord sur
la réserve, c'est malgré lui que MM.
Paul et Victor Margueritte forçaient hier
le succès et faisaient applaudir, leur beau
talent fraternel et — j'en sais quelque
chose — indivisible.
JULES RENARD.
Comment ils ont joué
L'interprétation de L'Autre a été con-,
fiée à la jeune troupe de la Comédie-
Française. Seule, Mme du Minil repré-
sente le sociétariat. Tous les autres rôles
sont tenus par des pensionnaires parmi
lesquels — ceci n'est pas un reproche
— Mlle Berthe Cerny, MM. Grand et
Numa sont sur la brèche presque à cha-
que œuvre.
Mlle Cerny a fait de Claire Frénof
une créature de nervosité; elle respire
l'amour et elle a des révoltes contre elle-
même tout à fait intéressantes; elle ex-
prime à merveille le mépris que son être
moral peut professer contre son ê",
ïrff Numéro * $ centimes
Mardi 10 Décembre 190r.
IVn BjH BfeSB B
«« K »■ ■ m mj I wiv EH fi 1* B9 k■L. 9 9 RMI
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKI.
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Bouleuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE ; 288'07
Presse Télégraphique : COMŒDlA.PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
— —
Pa" s et Départements. 24 fr. 12 fr.
tranger eO » 20 »
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Adresse Télégraphique : COMŒDlA=PARIS
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, UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
1 \,J n Gentleman
James-W. Littlejames représente, à
Paris, Une forte maison anglaise. Physi-
quement, au moins, il la représente à
souhait. est un gaillard de bonne
talle, bien découplé, un peu trop gras. Il
mène, le soir, dans les petits théâtres et
les grands restaurants, une vie somp-
la e et régulière de paisible fêtard.
James-W. Littlejames est toujours ac-
compagné d'un cigare considérable et
bagu é, attribut aussi nécessaire à son
image que le trident au dieu des mers
ou la foudre à Zeus retentissant.
tas6 aIS Mr Littlejames, avec son visage
8urto fàt d'un coloris. joyeux, ressemble
e{l'éut au Dieu du Vin; il a la sérénité
et l'éclat des yeux du travailleur content
de lui- même, et bien nourri.
James-W. Littlejames donne, chaque
jour, son bureau, six bonnes heures
d'un lravail intelligent et net. Il profite
du mieux qu'il peut des qualités d'acti-
vité et de lucidité qu'il a reçues de la
nature. Il utilise ses dons; il en tire le
l sVUr Parti, et ne perd pas son temps
à s'occuper continuellement de ce que
fait son prochain. Il ressemble très peu
à ces hommes d'affaires français, dont le
grand Souci n'est pas de gagner de l'ar-
gent mais d'empêcher les autres d'en
gagner.- Il ne se ronge pas de remords
à l'idée .qu'un intermédiaire, dans une
affaire, peut obtenir une commission
trop forte ; il regarde seulement ce que
l'affaire lui rapporte à lui et il est très
satisfait qu'un courtier y soit intéressé,
même dans des proportions exagérées,
parce ^Ue' dit-il, il travaillera sérieuse-
ment a la faire réussir, y trouvant son
beurre. Il veut autour de lui des auxi-
liaires Intéressés, et non pas des gens de
bonne Volonté, et qui lui viennent en
Pgr pur sentiment. Ce n'est pas
n'es Méprise les sentimentaux ; mais
il n'es t. pas sûr de leur zèle et de leur
persévérance. Il dit que le sentiment est
comme le noble cheval que l'on veut
atteler au labour, et qui. donne un bel
effort de quelques secondes, pour se re-
1 tes. Ensuite pendant de longues heu-
res. L'Intérêt, bœuf patient, volon-
taire, continuellement stimulé, fournit un
travail moins brillant, mais plus sûr.
J'ai tenu à vous parler un peu lôngue-
~ment -3.*-Mr Lliilejaaae» nous revcr-
souvent), avant de vous le montrer
aujourd'hui dans une circonstance carac-
téristique.
Un soir, dans un restaurant des envi-
rons e la Madeleine, james-W. Little-
james finissait de souper. Son long ci-
gare entre le pouce et l'index, il avait
l'air de faire la leçon à un petit verre de
fine champagne qui se tenait humblement
devant lui. Des tziganes en habit noir lan-
çaient avec fougue par-dessus leurs épau-
les et ramenaient ensuite avec langueur
leurs archets caressants. En face de
Littlejames, quelques jeunes gens très
échauffés étaient venus s'asseoir, escor-
tant une jeune femme merveilleusement
blonde, sur qui les yeux heureux du
gent ernan s'arrêtèrent un instant assez
long aVec une complaisance bien natu-
relle C)r, les jeunes gens, comme j'ai
dit, avaient chaud ; ils avaient besoin de
da u bruit et de briller aux yeux de
l !ne,.. L'un d'eux s'approcha de
Mr Littlejames, et lui intima l'ordre de
n'avoir plus à regarder cette jeune per-
sonn e..
A quoi Mr Littlejames répondit paisi-
blement qu'il n'avait mis dans son re-
gard aucune intention, offensante. Il
ajouta qu'il ne regarderait plus cette
dame, non pas qu'il n'en eût plus le
désir, mais que, d'après cette observa-
tion Ull peu vive, peut-être juste cepen-
dant, il voyait qu'il avait sans doute re-
gardé cette personne, sans le vouloir, au
delà de la bienséance.
Loin de se retirer après cette sage ré-
ponse, le jeune homme, enhardi noble-
ment par cette reculade de Mr Littleja-
mes, Se laissa aller à des propos gros-
siers, UUxquels Mr Littlejames ne répon-
dit po l~t. Puis, il traita Mr Littlejames de
quoi celui-ci répondit qu'il avait
de son Propre courage une opinion très
précise, qu'il se savait d'une bravoure
moyen ne et suffisante, et que les opi-
nions des autres là-dessus lui impor-
taient peu, étant forcément moins docu-
mentées que la sienne.
l' tttle' etl fallut pas plus pour que Mr
Littlejames apparût comme un lâche avé-
ré aux yeux de ce jeune homme, qui
monter en lui-même un courage
extraodinaire. Et, comme Mr Littleja-
mes, tout en réglant son addition, se
coiffai hd un haut-de-forme étincelant, le
Onme, de sa canne, fit voler ce
haut-de-forme à quinze pas (quinze,
chiffre consacré). Mr Littlejames sortit
de son protefeuille une toute petite carte
qu'il remit au jeune homme, lequel lui
fit prése nt, en échange, d'un autre mor-
eau de carton.
errai chez vous demain, dit
Mr Littlejames, qui pour la première
fois depuis le commencement de cet en-
tretien, éprouva un peu d'émotion,
parce 1: 11 n'était pas sûr d'avoir pro-
la phrase correcte.
Puis, il Sortit en emportant son haut-
e endommagé.
le ***
Le souvenir de quelques relations
agr i4b, ,,, et ma vieille comoétence «n
i
affaires d'honneur me valurent, le len-
demain matin, la" visite de James-W.
Littlejames. Il me raconta l'incident de
la veille, et me pria d'aller, avec un de
nos amis communs, trouver le monsieur
en question. James-W. Littlejames ne
comprenait pas qu'on se battît en duel.
Mais, habitant la France, il voulait se
conformer à nos usages, qu'il ne discu-
tait pas, et qu'il supposait justifiés par
une tradition de plusieurs siècles.
— Je me battrai à l'épée, me dit-il.
J'ai pris, jadis, des leçons.
Il parut fort étonné, quand je lui dis
que la rencontre aurait lieu le lendemain
ou le surlendemain. Il me déclara qu'il
n'accepterait jamais cela, n'étant pas « en
condition », et qu'il lui fallait au moins
six semaines pour s'entraîner. Quand
un champion cycliste ou un boxeur dé-
fie un autre championne son sport, c'est
toujours l'homme défié qui choisit sa
date, car il n'est pas tenu d'être cons-
tamment fit and well. Par contre,
l'homme qui porte le défi, ou l'offen-
seur, est toujours présumé « prêt »,
puisqu'il a défié ou offensé quelqu'un
qui rie lui demandait rien. Je vais donc,
dit Mr Littlejames, employer ces six se-
maines à me « préparer ». Actuellement,
je soufflerais comme un bœuf, ridicule-
ment, au bout d'une minute de combat.
Je travaillerai progressivement un quart
d'heure, puis une demi-heure, puis une
heure par jour. Cela se trouve bien,
puisque je suis trop gras, et que, préci-
sément, je dois maigrir. Je me coucherai
de bonne heure, je me priverai de ci-
gares; ce qui, pendant quelque temps,
sera bon.
Je m'en allai trouver les témoins de
notre adversaire, porteur de ces condi-
tions insolites, mais très raisonnables, et
que j'étais bien résolu à imposer. Mais
je me trouvai en présence de deux hom-
mes fort sages, qui avaient su sermon-
ner leur client. Nous rédigeâmes un pro-
cès-verbal de conciliation, où l'autre
émettait des regrets le plus honorable-
ment du monde, et je rapportai ce pro-
cès-verbal à Mr Littlejames, qui fut un
peu désappointé, car il lui faudrait, me
dit-il, trouver un autre moyen de mai-
grir. Il accepta cependant le procès-
verbal parce que l'usage le voulait
ainsi. -
•""feTçsiarqrad tp'll se taîsMf^et qM At-
tendait encore quelque chose.
Il me dit sérieusement, au bout d'un
instant :
— Mais enfin, mon cher, se peut-il
que ces gentlemen n'aient pas fait de
proposition, ou demandé l'adresse de
mon fournisseur, relativement aux dé-
gâts du chapeau?.
Tristan BERNARD.
Nous publierons demain un article de.
J.-H. ROSNY
Evitez les contrefaçons
Mlle Gilberte Sergy, de VOdêqn, n'est
pas contente. Elle ne croit pas au dédou-
blement de la personnalité et elle s'étonne,
à bon droit, de voir des affiches annoncer
en gros caractères la présence, dans cer-
tains théâtres, de Mlle Gilberte Sargy.
Au surplus, elle entend mettre au clair
ce phénomène de l'au delà et taire inter-
venir, au besoin, les tribunaux pour taire
respecter son bon droit.
L'affaire, du reste, n'est point sans pré-
cédent. Déjà Mme Berthe Bady s'est trou-
vée en présence de son double, comme di-
sent les médiums: Mlle Berthe Bedy, et
nous entendîmes parler, pendant un cer-
tain temps, d'une certaine Mme Le Bergy.
Le truc n'est point nouveau et, disons-le
tout de suite, il n'est point à l'éloge de
ceux qui l'emploient. -
Il est infiniment plus simple, je le sais,
de prendre un nom tout - fait plutôt que
de s'en créer un. Malheureusement, la va-
leur du procédé a été jugée depuis long-
temps en matière commerciale, et toujours
d'une façon désavantageuse pour les imi-
tateurs.
Sans quoi les moindres petits cafés-con-
certs annonceraient demain les débuts de
Mme G. Niat ou de Mme Marie-E. De-
lille, sans parler de la divette Guy Le Bert,
qui ferait les délices de nos cafés-concerts.
Qu'un monsieur prenne tranquillement
pour nom de baptême le nom de Jules Cé-
sar ou celui de Platon, la chose n'a pas
une très grande importance et la plupart
des gens — je ne dis point tous, naturel-
lement, mais enfin une imposante majo-
rité — sait à quoi s'en tenir. Mais, des
qu'il s'agit de noms d'acteurs ou d'actri-
ces contemporains, il est difficile de sa-
voir, surtout à une époque où les tournées
sont en honneur à l'étranger; si l'on ne se
trouve pas réellement en présence d'un
sociétaire du Théâtre-Français ou de la
meilleure interprète d'un théâtre du bou-
levard.
De la meilleure foi du monde, le bon
public s'imagine avoir affaire à un artiste
célèbre de l'Opéra ou du Français et, pour
peu qu'il l'entende un quart d'heure ha-
billé d'un costume mordoré dans son ré-
pertoire de chansonnettes comiques, il en
conserve un souvenir qui n'est point à
l'éloge de nos grandes scènes subvention-
nées. •
Le préjudice est évident et ce n'est
point là une façon de débuter très re-
commandable. Sans compter qu'il peut ar-
river parfois que le débutant ait quelque
talent et que son fâcheux pseudonyme le
condamne à tout jamais à un rôle de con-
tre/acteur. qui pèsera sur toute sa car-
rière.
G. DE PAW-LOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures trois quarts, au
théâtre des Boultes-Parisiens, répétition
générale de L'Ingénu libertin, conte galant
en trois actes, de Louis Artús, musique de
Claude Terrasse.
L
a, rentrée de Mlle Marthe Brandès.
Ce fut une joie, pour les spectateurs
qui assistaient samedi à la causerie de in.
Nozière au Théâtre Sarah-Bernhardt, de
revoir Mlle Marthe Brandès.' Depuis plus
d'un an, l'exquise comédienne avait aban-
donné la scène et ses admirateurs trou-
vaient que cette retraite durait depuis trop
longtemps.
Elle lut, on le sait, une page, de ta
Faustin. En reparaissant devant le public,
pendant les premières lignes, son émotion
était visible ; elle avait la voix éteinte, la
gorge presque serrée, mais, peu à peu, se
reprenant, sa voix s'affermit, elle retrouva
ses admirables qualités dramatiques et son
succès fut triomphal.
Trois fois elle dut revenir saluer le pu-
blic qui ne lui ménagea pas ses ovations.
Et cela est du meilleur augure pour les dé;:
buts de la délicieuse artiste au Vaude-
ville
s
on nom.
Mme Simone Le Bargy a suivi le
conseil que Comœdia. se permettait -autre
jour de lui donner. Puisqu'il paraît certain,
après le récent procès Paulette Filiaux, que
le tribunal ne l'autorisera jamais à porter
le nom de son mari, au lieu de chercher
des pseudonymes variés, nous l'engagions
à faire imprimer désormais, sur les affi-
ches, son prénom au lieu de son nom. On
dira Simone comme on dit Réjane ou Ger-
main, comme on disait Rachel ou George.
Elle s'y est décidée, du moins elle l'an-
nonce à M. René Bures, du Matin, auquel
elle fait part, en outre, de son prochain ma-
»
riage avec M. Casimir-Perier.
Jadis les rois épousaient des bergères;
les fils de nos chefs d'Etat épousent au-
jourd'hui des artistes. Ce n'est point Co-
mœdia qui les en blâmera.
L
a victime!
1- M. Félix Duquesnel n'a vraiment
pas de chance avec Le uaULOls, ou a exer-
ce depuis de longues années la critique
dramatique. On se rappelle le compte rendu
sévère, qui lui fut consacré dans ce jourr.
naï, lors de 'ri ptiwhdn. In.
tervîêwé, M. Arthur Meyer. nç cache pas
son opinion sur les critiques qtri font des
pièces. Ce n'est pas tout. Avec sa modes-
tie habituelle, à la suite de son article sur
L'Affaire des Poisons, le critique du Gau-
lois annonçait qu'il parlerait longuement le
lendemain de la reprise de sa Maîtresse de
Piano à l'Ambigu.
On s'attendait donc à lire, sous sa si-
gnature particulièrement autorisée en la
matière, une de ces réclames pro domo
dont il a le secret. Son directeur ne le lui
a pas permis et, à la place du dithyrambe
dont il nous menaçait, Le Gaulois a sim-
plement publié quelques lignes banales, si-
gnées d'initiales inconnues et reléguées dé-
daigneusement au Courrier des Théâtres.
Et M. Félix Duquesnel, pour se conso-
ler, dit à qui veut l'entendre que, de tous
temps, les vrais artistes ont été persécutés.
Et il prépare une pièce nouvelle.
c
'était l'autre jour, à l'Hippodrome, à
l'issue de la représentation de Pro-
méthée.
Des amis enthousiastes s'empressaient
autour de l'heureux organisateur, Castelbon
de Beauxhostes, et le remerciaient des
émotions diverses qu'il avait su leur pro-
curer en faisant revivre, illustrée par l'ad-
mirable musique de Gabriel Fauré, la lé-
gende du Vautour rongeur de foie et de
La Boite de Pandore.
Un des maîtres de la critique se montra
particulièrement chaleureux:
« On doit vous savoir gré surtout, lui
dit-il, d'avoir pris l'initiative dune telle
manifestation d'art en l'honneur des plus
grandes vertus. Car il fut beaucoup; parlé
de foi.e, d'espérance. et ce fût une fête
de charité 1 »
N
ous parlions hier de l'acteur Baron
qui, âgé de plus de soixante-quinze
ans, s imposait encore à l'admiration et aux
applaudissements du publie dans le rôle, de
Rodrigue.
Et cependant, dans les derniers moments
de sa carrière, lorsqu'il se jetait aux ge-
noux de Chimène, il lui fallait, pour se re-
lever, l'aide de deux garçons de théâtre.
Le public devint moins indulgent et, un
jour que Baron jouait le rôle du jeune
prince dans Britannicus, le parterre se mit
à rire et interrompit le spectacle.
Baron, très ému mais non déconcerté,
s'avança. près de la rampe et, se croisant
les bras :
— Ingrat parterre que j'ai élevé! cria-
t-il.
Le mot fit fortune et, pendant un temps,
les spectateurs ne demandaient plus « un
parterre » au contrôle :
- Donnez-moi un « ingrat » 1 disaient-
ils.
R
endons à don Carlos.
M. Jules Claretie n'est pas seule-
ment administrateur général de notre
Théâtre-Français -et gardien — combien
vigilant! — du répertoire, il est encore, il
est surtout, journaliste et romanciër. <
Mais, même quand il est assis devant1
son pupitre d'écrivain, M. Jules Claretie
n'oublie pas les chefs-d'œuvre de la scène
française. Ils occupent sans cesse sa pensée
et inspirent sa prose abondante.
Malheureusement, les souvenirs qu'il en
garde ne sont pas toujours très précis.
Quelque confusion s'y manifeste, et l'émi-
nent académicien prête parfois à certains
héros de drame ou de tragédie les paroles
mémorables qui en illustrèrent d'autres.
On trouve ainsi dans lès premières pa-
ges d'un de ses romans, Candidat, une
fâcheuse méprise.
M. Jules Claretie fait s'arrêter un jeune
ambitieux devant le monument de Pitt, à
Londres, et il nous le montre, là, « inter-
rogeant la statue du ministre, comme Her-
nani le tombeau de Charles-Quint. »
Autrefois, c'était don Carlos qui adres-
sait à Çharlemagne un discours de plus
de trois cents vers. M. Claretie préférerait
que ce fût Hernani.
Cette transposition ravirait sans doute
M. Le Bargy, qui a considérablement am-
puté le fameux monologue, mais qu'en pen-
sérait Victor Hugo?
M
ounet-Sully paraîtra aujourd'hui au
théâtre des Arts. A ce propos,
une note rétrospective intéressante:
Il y a exactement quarante ans que le
doyen de la Comédie-Française abordait
pour la première fois la scène, et cela.
au théâtre des Arts. alors théâtre des
Batignolles, Le grand tragédien, qui, à cette
époque, était élève de Balande, débuta au
théâtre dans un à»propos : Les Hôtes de la
Francf, que donnait alors le théâtre des
Batignolles, dans lequel il vint figurer un
Fellah égyptien.
Après quelques représentations au théâ-
tre de Belleville et au théâtre de la rue
de la Tour-d'Auvergne, Mounet-Sully .re-
vint au théâtre des Bâtignolles, en 1867,
pour y jouer Un Caprice, d'Alfred de Mus-
set. L'année suivante (1868), il y revenait
pourra dernière fois remplir le rôle de
Jovelin des, Beàux Messieurs de Bois-Doré.
Par un curieux retour des choses, d'ici-
bas, aujourd'hui, à cinq heures, le grand
tragédien viendra rehausser, par l'éclat de
sa présence, l'une des plus fines manifes-
tations d'art que nous ayons à notre épo-
que. -
A propos de, la brillante reprise du Cid
que fait l'Odéon, sait-on que les deux
fameuses épées de don Rodrigue existent
encore?
Elles ont noms Tizona et Colada.
Tizona est à deux tranchants ; elle est
longue de quatre pieds et> large de trois
doigts à la *gafde. - Sur un côté de la lame,
près de la garde, on lit: Ave Maria, gratia
ptena Dominus; et, de l'autre: Yo so la
Tizona que foc tocha in la erra 1040. (je
suis la Tizona qui fut faite en 1040.)
Colflda est pareille à Tizonapour, la lon-
gueur et pour la forme. La garde figure
une croix ; d'un côté de la garde sont
gravés les mots: Si, No ! de l'autres No, no,
épées -appartiennent au musée
erartHÏerM de Madrid.
B
attez-vous. *
Il résulte des statistiques que jamais
saison théâtrale ne fut, comme celle-ci, fer-
tile en. duels.
Bientôt nul ne pourra se dire auteur dra-
matique s'il n'est en même temps épéiste.
Nous sommes loin du temps où Eugène
Labiche disait dans son discours de ré-
ception à l'Académie: « Messieurs, c'est
la première fois que je porte une épée, et
je n'ai jamais eu si peur] »
Et, d'ailleurs, comme nous le faisait re-
marquer judicieusement un critique, n'est-
ce pas la Comédie-Française qui donna le
signal de ces mœurs en représentant Le
Duel? (Authentique!!)
U
ne nouvelle publication musicale, des-
tinée, croyons-nous;, à intéresser le
public, va paraître le 15 courant. Il s agit
de La Musique de théâtre et de Salon.
Son programme est de donner 12 ou 20
francs de musique pour 50 centimes. Et
cette musique est tout simplement un re-
cueil des chefs-d'œuvre les plus connus.
Dans le premier numéro, La Fille de Mme
Angot. Ce numéro, luxueusement présenté,
ne sera vendu que 25 centimes.
L
e théâtre: et le repos dominical.
Nombreux sont, aux Etats-Unis, les
fanatiques du repos dominical. A leur ins-
tigation, h Cour suprême, saisie de la ques-
tion, vient de déclarer illégales les mati-
riées, lyriques ou dramatiques du dimanche,
de quelque nature qu'elles soient. Les con-
certs ne sont même pas exceptés.
Cette décision a produit une émotion
énorme. Elle causera, en effet, le plus
grand préjudice à tous les propriétaires de
salles de théâtre et de concert. Les jour-
naux réclament déjà une revision de la loi,
de façon que les spectacles ne soient pas
interdits le dimanche.
s
ilk fo% everi
Longtemps la soie fut considérée
comme le signe extérieur au mxe; ar
Moyen âge, l'usage en était même interdit
à' certaines classes.
L'industrie moderne a détruit ce privi-
lège avec la « soie artificielle »,. dont une
application curieuse est certainement la
confection du v nouveau manchon Auer,
« brevet Plaissetty ».
La durée de ce manchon, sa résistance
et son éclat sont incomparables.
N
e vendez pas vos bijoux, perles et pier.
res fines, ainsi que vos reconnaissan-
ces de bijoux, sans les monirer au comptoir
International, 44, Chaussée-d'Antin, qui
paie, très cher. Téléphone: 269-67.
NOUVELLE A LA MAIN
D
eux critiques connus» causaient l'autre
soir à côté de moi pendant un en-
tr'acte.
L'un d'eux détaillait avec complaisance
les perfections 4'une actrice que la joliesse
et la préciosité de sa personne rendent
plus célèbre que. faut-il le dire? la té-
nuité de s'a voix.
— Qu'en pensez-vous? demanda-t-il à
son confrère, n'est-ce pas un délicieux pe-
tit saxe? y v
- Peuh ! si vous : voulez, mais un saxe
aphone. ; ,
/Le Masque de Verre»
■1 l, '$r V ,
COMÉDIE. FRANÇAISE
L'AUTRE
Pièce en trois actes, en prose
de MM. Paul et Victor Margueritte
SOMMAIRE
ACTE I. — Claire Frenot a trompé, avec le di-
plomate Dartigues, son mari, avocat. Jacques
Frenot, ambitieux, ne savait pas aimer sa fem-
me et s'éloignait d'elle jusqu'en Amérique.
Après la faute, Claire, initiée par l'amant à
l'amour, est revenue à Jacques qui la regarde
enfin, la comprend et la désire, et aujourd'hui
elle hait Dartigues et adore son mari. Mais
elle ne supporte pas le remords. Il faut que,
malgré les conseils de son amie, Mme Châtel,
elle s'en délivre par l'aveu. L'apparition de
l'odieux Dartigues la décide: elle dit tout à
Jacques. Il veut la tuer, tuer l'autre, et ne
chasse même pas Claire. Il pardonne sans espé-
rer l'oubli. Qu'elle reste comme une soeur près
d'un frère 1
ACTE II. — Claire retrouve sa gaieté! EUe
s'épanouit avec les roses, joyeuse de marier sa
petite sœur Jeanne, et si belle que Jacques souf-
fre et la supplie de reprendre la vie intime.
Claire se défend; elle .prévoit les tortures inévi-
tables. Mais comment résisterait-elle, déjà sur
la poitrine de Jacques, à l'ardeur de son
amour ?
ACTE III. — Claire avait trop raison. Les
scènes de rancune et de mépris se renouvel-
lent. Ne vaut-il pas mieux se quitter, pour que
chacun puisse refaire sa vie ? Claire est prête.
jacques la retient encore; il l'aime toujours; il
s'approche d'elle, se penche pour l'étreiizdre et
recule d'horreur : au fond des pauvres grands
yeux tristes de Claire, il a vu l'autre.
Claire s'en va.
— Laisse-la partir, dit à Jacques, désespéré,
sa mère qui lui tend 'les bras.
Et c'est évident! On attendait cette
rupture depuis l'aveu de Claire, non
parce qu'elle avoue, mais parce qu'une
femme comme elle a trompé un homme
comme Jacques. Il ne peut pas pardon-
ner vraiment, c'est-à-dire oublier, et
l'héroïque aveu qui gâte tout, n'arran-
gera rien. Claire n'est pas une impru-
dente ou une naïve, ou une femme
cruelle lasse de souffrir seule d'un men-
songe. Elle asit par noblesse. Cette sim-
ple façon de révéler un adultère nous
donne, si nous ne sourions pas, la plus
haute idée d'une âme de femme. Et Jac-
ques ne nous semble pas d'une qualité
commune, c'est pourquoi ils sont.per-
dus. Un homme froid, sceptique et dé-
daigneux, très bon,. infiniment sage et
un peu mou, pardonnerait peut-être,
Jacques, amoureux lyrique, ne laissera
jamais passer, sans une apostrophe vi-
rulente, l'image de l'autre. Et Claire
ne ruse pas avec lui pour le calmer. Elle
lui dirait plutôt: « Rien à faire! l'autre
nous condamne à nous fuir ou à nous
déchirer jusqu'à la mort ! » Ajoutez que
Jacques est incapable de tromper sa
femme aimée, et sa femme, à présent la
plus honnête des femmes, de choisir un
- deuxième amant.
Au fait, pourquoi a-t-eile pris le pre-
mier? MM. Paul et Victor Margueritte
nous l'expliquent. Les motifs abondent :
fausses idées de Claire, égoïsme, mal-
adresse, absences de Jacques, séduction
brutale de l'autre. N'ayant pas vu ces
jeûnes mariés,- nous avons quelque
peine à les reconnaître. Médiocres, nous
dit-on, avant la faute de Claire, ils se
trouvent, après, exceptionnels. Bizarre
effet de l'adultère! Ce ménage quelcon-
que, destiné aux ordinaires et louches
ententes, une banale aventure le méta-
morphose: Il ne transige plus avec un
brusque idéal de pureté, — et il meurt.
Que vouliez-vous qu'il fît?
La pièce de MM. Margueritte reste
vraie dans la mesure où Claire et Jac-
ques le sont. Si un pareil couple existe'A
---
Mlle BERTHE CERNY '(photo, Henri 1mt~uS1f';~
comme il doit être réduit et nuancé panf,
la vie! D'un cas si complexe, le théâtre
n'admet que le résumé tragique, e'
L'Autre paraît bien, à la scène, une fi
de tragédie, un dénouement fatal qui se
justifierait en trois actes rapides.
Sans surprise, sans vive curiosité, oitf
se laisse émouvoir par la plainte douleur
reuse de Jacques et de Claire.- L' Autr
réussit un problème sentimental ou
Après le Pardon manquait d'éclat. MM.
Margueritte savent que la manière de
s'exprimer, au théâtre, n'est pas celle
du roman. Ils parlent pour l'oreille : on
écoute et on entend. Les phrases vivan-
tes, certes nombreuses, se croisent nette-
ment. Il arrive même que Jacques et
Claire donnent l'impression d'être d'é-
gale force à la réplique.
Je remarque, çà et là, un abus de toit
distingué. L'air de la Comédie-Fran-
çaise, sans doute! mais je regrette qu'il
me -soit défendu de parler des admira-
bles interprètes: je ne tarirais pas.
Au souvenir, l'aveu de Claire prend,
à tort, de l'importance comme s'il était
le sujet de la pièce. Il sera, du moins,
celui des conversations. C'est l'aveu
qu'on va discuter; c'est à cause de lui -
que le spectateur se tiendra d'abord sur
la réserve, c'est malgré lui que MM.
Paul et Victor Margueritte forçaient hier
le succès et faisaient applaudir, leur beau
talent fraternel et — j'en sais quelque
chose — indivisible.
JULES RENARD.
Comment ils ont joué
L'interprétation de L'Autre a été con-,
fiée à la jeune troupe de la Comédie-
Française. Seule, Mme du Minil repré-
sente le sociétariat. Tous les autres rôles
sont tenus par des pensionnaires parmi
lesquels — ceci n'est pas un reproche
— Mlle Berthe Cerny, MM. Grand et
Numa sont sur la brèche presque à cha-
que œuvre.
Mlle Cerny a fait de Claire Frénof
une créature de nervosité; elle respire
l'amour et elle a des révoltes contre elle-
même tout à fait intéressantes; elle ex-
prime à merveille le mépris que son être
moral peut professer contre son ê",
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