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1. Les anciens noms
de sommets dans la vallee
de Chamonix Pierre HENRY
Tous les sommets, ou presque, de la chaîne du Mont Blanc portent
aujourd'hui un nom dont l'origine est souvent lointaine.
L'article dont nous publions la première partie tente de retrouver ces origi-
nes.
Pour aborder les problèmes
que posent les anciennes
dénominations de sommets,
nous estimons qu'il faut
abandonner la position géné-
ralement prise au début de
ce siècle où ce qui ne correspondait pas
à l'opinion de l'auteur était taxé
d'erreur ou faute et essayer au
contraire de remonter à l'origine et aux
variations de ces noms en vivant, à
leur époque, avec l'esprit de ceux qui
les employaient.
On s'aperçoit alors qu'il s'agit
d'ignorance ou d'incertitudes dues
depuis les temps les plus reculés, à
l'indifférence atavique pour ce qui
n'est pas utile, c'est-à-dire tout ce qui
ne ressortit pas aux alpages du bétail et
un peu à la culture ; ceci naturellement
avant l'arrivée des « clients ».
Plutôt qu'une glose subtile de tex-
tes imprécis (pour notre époque), il faut
comprendre le pourquoi des termes.
Quatre impératifs s'imposent
alors :
a) La règle immuable dans tous les
pays de montagne est que le nom d'un
sommet ou point élevé où le bétail ne
peut aller provient d'un nom utilitaire
situé à son pied et qui lui sert de
repère, généralement un inalpage,
c'est-à-dire une montagne ou alpe,
selon la désignation déjà employée en
1283 [16, p. 87]; règle confirmée par
Saussure [1, II, 886]. Cette optique
mène à des distorsions, les noms pou-
vant varier suivant le lieu d'observa-
tion et surtout d'une vallée à l'autre.
b) Un fait expérimental est l'indif-
férence pour les sommets sans usage
qui n'interviennent qu'accidentelle-
ment dans la vie paysanne (avalan-
ches, crues glaciaires). Jusqu'au début
du XVIIIe siècle il n'y eut presque pas
de sommets dénommés sauf pour des
raisons d'aspect particulier ou de fré-
quentation spéciale (crystalliers, chas-
seurs).
c) L'opinion des anciens guides
quant aux noms des sommets n'était
pas l'argument massue que d'aucuns
ont mis en avant; nous n'en citerons
qu'un exemple ; en 1780 [50,
pp. 329-330], depuis la source de
l'Arveyron, le client discute avec ses
guides, qui ne sont pas d'accord entre
eux, pour savoir laquelle de cinq poin-
tes visibles est le sommet du Mont
Blanc et ceci vingt ans après l'annonce
de Saussure, proclamée dans les trois
paroisses, d'une récompense à qui le
gravirait [1, II, 1102]. Plus tard, la
plupart des noms provint des clients
que les guides ne souhaitaient pas
contredire par gentillesse et parce
qu'ils étaient leur gagne-pain; Saus-
sure a commencé en baptisant la cime
des Fours [1, II, 777] , les Pyramides
Calcaires [1, II, 903] , le Rocher de
l'Heureux Retour [1, IV, 1979] et le col
du Géant [1, IV, 2027]
Aujourd'hui, sur environ 300 noms
de sommets du massif du Mont Blanc,
un quart porte le nom d'alpinistes ou
guides, près de la moitié a été baptisée
de façon moderne par les alpinistes, le
quart restant seulement provient de
noms originaux avec souvent des ava-
tars notables.
L'influence des étrangers (c'est-
à-dire non Chamoniards) se montre
encore dans la prononciation qu'ils ont
fini par faire adopter aux habitants et
maintenant Diosaze, Servoze, Forclaze
sont courants dans la vallée alors que
Saussure écrivait Dioze, Serve, Forcle;
en 1784 [ 1, II, 665] il nomme son guide
Pierre Balme, mais cependant plus
tard Balmat.
d) Enfin, la généralisation,
ancienne mais abusive, de faire précé-
der le nom du sommet du terme « ai-
guille » a compliqué ou dénaturé cer-
taines dénominations. Aiguille, Eguille,
Aouille, Oeuille, Guglia... sont utilisés
dans toutes les Alpes occidentales et
sont assez justifiés par l'aspect, mais
ces vocables n'étaient pas systémati-
ques au XVIIIe siècle (Bordier 1773,
Bourrit 1776, Saussure 1760 à 1783),
on peut estimer qu'ils n'étaient, pour
un même sommet employés qu'une fois
sur deux; plus tard avec Viollet le Duc
(1878) il n'est pas plus systématique,
l'emploi en est discuté en 1909 [24,
passim]. Dans certains cas il n'aurait
jamais dû être utilisé quand le nom
personnifiait une ressemblance tels :
Géant, Bonhomme, Dru.
Le Géant traduit bien une compa-
raison visuelle, Aiguille du Géant intro-
duit une possession incompréhensible
et a ouvert la voie en 1882 à Dent du
Géant, partie pour le tout, agrémentée
ensuite d'une gencive!
Posons-nous la question de l'image
que peut nous représenter une aiguille
du Peigne ou une aiguille des Ciseaux.
Le Rocher du Bonhomme (Tréla-
tête) était primitivement le Bonhomme
ou Petit-Jean, synonymes dans le lan-
gage familier; on a placé à côté la Bon-
ne-Femme. Mais Saussure, savant aus-
tère et encore sous l'ombre de Calvin,
écrit à sa femme [2, VII, 1774] un trait
de joyeuse malice paysanne « C'est
une montagne terminée par une espèce
de tête fort élevée avec des rochers
pointus des deux côtés qui lui font des
espèces de cornes comme on fait les
cornes avec les doigts. Les plaisants du
pays disent que c'est à cause de ces
cornes qu'on l'appelle le Bonhomme ».
Toujours à Trélatête le nom local
de l'Aiguille de la (ou de) Bérangère
373
de sommets dans la vallee
de Chamonix Pierre HENRY
Tous les sommets, ou presque, de la chaîne du Mont Blanc portent
aujourd'hui un nom dont l'origine est souvent lointaine.
L'article dont nous publions la première partie tente de retrouver ces origi-
nes.
Pour aborder les problèmes
que posent les anciennes
dénominations de sommets,
nous estimons qu'il faut
abandonner la position géné-
ralement prise au début de
ce siècle où ce qui ne correspondait pas
à l'opinion de l'auteur était taxé
d'erreur ou faute et essayer au
contraire de remonter à l'origine et aux
variations de ces noms en vivant, à
leur époque, avec l'esprit de ceux qui
les employaient.
On s'aperçoit alors qu'il s'agit
d'ignorance ou d'incertitudes dues
depuis les temps les plus reculés, à
l'indifférence atavique pour ce qui
n'est pas utile, c'est-à-dire tout ce qui
ne ressortit pas aux alpages du bétail et
un peu à la culture ; ceci naturellement
avant l'arrivée des « clients ».
Plutôt qu'une glose subtile de tex-
tes imprécis (pour notre époque), il faut
comprendre le pourquoi des termes.
Quatre impératifs s'imposent
alors :
a) La règle immuable dans tous les
pays de montagne est que le nom d'un
sommet ou point élevé où le bétail ne
peut aller provient d'un nom utilitaire
situé à son pied et qui lui sert de
repère, généralement un inalpage,
c'est-à-dire une montagne ou alpe,
selon la désignation déjà employée en
1283 [16, p. 87]; règle confirmée par
Saussure [1, II, 886]. Cette optique
mène à des distorsions, les noms pou-
vant varier suivant le lieu d'observa-
tion et surtout d'une vallée à l'autre.
b) Un fait expérimental est l'indif-
férence pour les sommets sans usage
qui n'interviennent qu'accidentelle-
ment dans la vie paysanne (avalan-
ches, crues glaciaires). Jusqu'au début
du XVIIIe siècle il n'y eut presque pas
de sommets dénommés sauf pour des
raisons d'aspect particulier ou de fré-
quentation spéciale (crystalliers, chas-
seurs).
c) L'opinion des anciens guides
quant aux noms des sommets n'était
pas l'argument massue que d'aucuns
ont mis en avant; nous n'en citerons
qu'un exemple ; en 1780 [50,
pp. 329-330], depuis la source de
l'Arveyron, le client discute avec ses
guides, qui ne sont pas d'accord entre
eux, pour savoir laquelle de cinq poin-
tes visibles est le sommet du Mont
Blanc et ceci vingt ans après l'annonce
de Saussure, proclamée dans les trois
paroisses, d'une récompense à qui le
gravirait [1, II, 1102]. Plus tard, la
plupart des noms provint des clients
que les guides ne souhaitaient pas
contredire par gentillesse et parce
qu'ils étaient leur gagne-pain; Saus-
sure a commencé en baptisant la cime
des Fours [1, II, 777] , les Pyramides
Calcaires [1, II, 903] , le Rocher de
l'Heureux Retour [1, IV, 1979] et le col
du Géant [1, IV, 2027]
Aujourd'hui, sur environ 300 noms
de sommets du massif du Mont Blanc,
un quart porte le nom d'alpinistes ou
guides, près de la moitié a été baptisée
de façon moderne par les alpinistes, le
quart restant seulement provient de
noms originaux avec souvent des ava-
tars notables.
L'influence des étrangers (c'est-
à-dire non Chamoniards) se montre
encore dans la prononciation qu'ils ont
fini par faire adopter aux habitants et
maintenant Diosaze, Servoze, Forclaze
sont courants dans la vallée alors que
Saussure écrivait Dioze, Serve, Forcle;
en 1784 [ 1, II, 665] il nomme son guide
Pierre Balme, mais cependant plus
tard Balmat.
d) Enfin, la généralisation,
ancienne mais abusive, de faire précé-
der le nom du sommet du terme « ai-
guille » a compliqué ou dénaturé cer-
taines dénominations. Aiguille, Eguille,
Aouille, Oeuille, Guglia... sont utilisés
dans toutes les Alpes occidentales et
sont assez justifiés par l'aspect, mais
ces vocables n'étaient pas systémati-
ques au XVIIIe siècle (Bordier 1773,
Bourrit 1776, Saussure 1760 à 1783),
on peut estimer qu'ils n'étaient, pour
un même sommet employés qu'une fois
sur deux; plus tard avec Viollet le Duc
(1878) il n'est pas plus systématique,
l'emploi en est discuté en 1909 [24,
passim]. Dans certains cas il n'aurait
jamais dû être utilisé quand le nom
personnifiait une ressemblance tels :
Géant, Bonhomme, Dru.
Le Géant traduit bien une compa-
raison visuelle, Aiguille du Géant intro-
duit une possession incompréhensible
et a ouvert la voie en 1882 à Dent du
Géant, partie pour le tout, agrémentée
ensuite d'une gencive!
Posons-nous la question de l'image
que peut nous représenter une aiguille
du Peigne ou une aiguille des Ciseaux.
Le Rocher du Bonhomme (Tréla-
tête) était primitivement le Bonhomme
ou Petit-Jean, synonymes dans le lan-
gage familier; on a placé à côté la Bon-
ne-Femme. Mais Saussure, savant aus-
tère et encore sous l'ombre de Calvin,
écrit à sa femme [2, VII, 1774] un trait
de joyeuse malice paysanne « C'est
une montagne terminée par une espèce
de tête fort élevée avec des rochers
pointus des deux côtés qui lui font des
espèces de cornes comme on fait les
cornes avec les doigts. Les plaisants du
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