52 RODVMNA
tures et qui s'intitule : Ce qu'il faut lire dans sa vie. Mais
ce livre s'adresse à un public restreint, bien décidé à lire,
et qui n'a pas peur des lectures fortes.
Il faudrait que le même travail soit fait pour un public
qui demande avant tout aux livres une distraction et qui
se croit incapable de l'effort d'attention exigé par un
ouvrage de critique, de philosophie ou de haute littérature.
Il conviendrait que l'auteur, qui se chargerait de diriger
ce public, ne se montrât point trop sévère. Il recommande-
rait un roman, non parce qu'il est bien écrit, mais parce
que l'intérêt n'en faiblit point du commencement à la fin.
Cependant il ne craindrait pas d'indiquer ce qu'il y a de
lassant dans les romans dont tout l'attrait est dans l'intri-
gue ; entre deux romans qui paraissent d'abord également
attrayants, il avouerait sa préférence pour celui qui traduit
plus de goût, un sentiment plus délicatement humain,
plus d'élévation de caractère. Il saurait révéler aux lecteurs
des coins ignorés de leur sensibilité. Il les aiderait à distin-
guer ce qui est commun de ce qui est noble. Et peut-être
arriverait-il à les persuader que certains ouvrages sérieux,
pour peu qu'on les lise sans parti pris, sont beaucoup plus
abordables qu'on ne croit : la plupart des livres de Taine,
par exemple, se lisent aisément et, en commençant par ses
Essais de critique et d'histoire, qui ont l'avantage d'être
composés d'études assez courtes, on gagnerait peut-être le
désir de parcourir les Notes sur Paris, les Notes sur
l'Angleterre, le Voyage en Italie et même la Philosophie de
l'art et les Origines de la France contemporaine. De même
Michelet séduira plus d'un lecteur qui, après avoir absorbé
un tome de son Histoire, n'aura pas de cesse qu'il n'ait dé-
voré tous les autres.
Depuis quelques années, plusieurs maisons de librairie
ont mis à la portée de ce public un grand nombre d'ouvrages
à bon marché. Dans la collection Calmann-Lévy à 95 centi-
mes, la moitié au moins des volumes parus ont une valeur
certaine. Il est indispensable, entre autres, d'avoir lu :
Le crime de Sylvestre Bonnard, d'Anatole France, Poil-de-
Carotte, de Jules Renard, La Faustin, d'Edmond de
Goncourt, La Conquête de Plassans, de Zola, Le Passé
vivant, d'Henri de Régnier, Les sœurs Vatard, de Huysmans,
Messieurs-les-ronds-de-cuir, de Courteline, L'Homme invi-
sible, de Wells, La Fauve, de Rosny, La Becquée, de René
Boylesve, La Lumière qui s'éteint, de Kipling. De même,
dans la collection Fayard, il faut citer : L'abbé Jules,
d'Octave Mirbeau, Les Diaboliques, de Barbey d'Aurevilly,
