Titre : Comœdia illustré : journal artistique bi-mensuel / [directeur-gérant : M. de Brunoff]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-05-15
Contributeur : Brunhoff, Maurice de (1861-1937). Directeur de publication
Contributeur : Hébertot, Jacques (1886-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745943n
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 15 mai 1910 15 mai 1910
Description : 1910/05/15 (A2,N16). 1910/05/15 (A2,N16).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97043743
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, FOL-YF-183
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/07/2016
LES SALOMÉS
SALOMÉ de STRAUSS, à l'Opéra. — SALOMÉ de A. MARIOTTE, à la Gaîté
A L'OPÉRA
IMPRESSIONS DE "GÉNÉRALE"
AUSSITÔT à l'orchestre, André Messager, lève son bâton:
- c'est le rideau. Point d'ouverture.
Nous voici devant le palais d'Hérode, gardé par le jeune
capitaine Narraboth et ses hommes; face à nous, le puits par
lequel on accède au souterrain où gît le prophète terrible
et chaste, Iokanaan. La lune projette sa lumière bleue
sur le décor nocturne — Salomé-Garden paraît drapée d'un
manteau trop théâtral.— Aussitôt la jeune vierge impudique
conçue par l'imagination morbide d'Oscar Wilde, se démène
sur la vaste scène, en grandes enjambées et en gestes vio-
lents et multiples. Iokanaan fait entendre sa voix, — la
splendide voix de Dufranne qui monte du souterrain. —
La salle écoute religieusement.
A nous Willy !... Nous nous retournons un instant
et nos regards rencontrent le fin sourire du spirituel et docu-
menté critique, lequel partage notre impression, et le
témoigne par des hochements de tête expressifs. — Cela
veut dire : « les discours de Iokanaan sont d'une musicalité
« vraiment nouvelle à nos tympans ; les thèmes s'en-
« chevêtrent et se poursuivent sans qu'on puisse discerner
« la moindre intention mélodique.» (Cette intention existe
pourtant au départ des thèmes, mais elle se noie aussitôt.
dans l'océan symphonique). Salomé-Garden est trépi-
dante ; sa névrose s'affirme en gestes
de plus en plus « saccadés. »
Mais l'orchestre s'amplifie et fait écla-
ter la sonorité puissante de ses timbres.
C'est un déchaînement d'une frénésie
incomparable, qui donne une sensation
de beauté sauvage et multiforme.
Le monstre orchestral, — fondu dans
un ensemble d'une rare cohésion, —
ne se calmera, sous la baguette impé-
rieuse et sagace de Messager, qu'au
moment du ballet qui est d'une écri-
ture très appropriée à l'époque et au
lieu, sur des rythmes d'une saveur tout
orientale. On respire. L'air circule à
travers les sonorités assagies, sous un
rythme enfin défini.
Salomé, — Miss Garden — danse,
et réfrêne aussi ses névroses. Elle est
toute eurythmie. Bravo !
La chanteuse très tragique va bien-
tôt faire de nouveau éclater ses notes
invocatrices dans un soprano aigu redes-
cendant soudain aux basses du con- ,
tralto — après l'insistance calme de la phrase têtue où elle de mande
la tête du prophète.
SALOMÉ de STRAUSS, à l'Opéra. — SALOMÉ de A. MARIOTTE, à la Gaîté
A L'OPÉRA
IMPRESSIONS DE "GÉNÉRALE"
AUSSITÔT à l'orchestre, André Messager, lève son bâton:
- c'est le rideau. Point d'ouverture.
Nous voici devant le palais d'Hérode, gardé par le jeune
capitaine Narraboth et ses hommes; face à nous, le puits par
lequel on accède au souterrain où gît le prophète terrible
et chaste, Iokanaan. La lune projette sa lumière bleue
sur le décor nocturne — Salomé-Garden paraît drapée d'un
manteau trop théâtral.— Aussitôt la jeune vierge impudique
conçue par l'imagination morbide d'Oscar Wilde, se démène
sur la vaste scène, en grandes enjambées et en gestes vio-
lents et multiples. Iokanaan fait entendre sa voix, — la
splendide voix de Dufranne qui monte du souterrain. —
La salle écoute religieusement.
A nous Willy !... Nous nous retournons un instant
et nos regards rencontrent le fin sourire du spirituel et docu-
menté critique, lequel partage notre impression, et le
témoigne par des hochements de tête expressifs. — Cela
veut dire : « les discours de Iokanaan sont d'une musicalité
« vraiment nouvelle à nos tympans ; les thèmes s'en-
« chevêtrent et se poursuivent sans qu'on puisse discerner
« la moindre intention mélodique.» (Cette intention existe
pourtant au départ des thèmes, mais elle se noie aussitôt.
dans l'océan symphonique). Salomé-Garden est trépi-
dante ; sa névrose s'affirme en gestes
de plus en plus « saccadés. »
Mais l'orchestre s'amplifie et fait écla-
ter la sonorité puissante de ses timbres.
C'est un déchaînement d'une frénésie
incomparable, qui donne une sensation
de beauté sauvage et multiforme.
Le monstre orchestral, — fondu dans
un ensemble d'une rare cohésion, —
ne se calmera, sous la baguette impé-
rieuse et sagace de Messager, qu'au
moment du ballet qui est d'une écri-
ture très appropriée à l'époque et au
lieu, sur des rythmes d'une saveur tout
orientale. On respire. L'air circule à
travers les sonorités assagies, sous un
rythme enfin défini.
Salomé, — Miss Garden — danse,
et réfrêne aussi ses névroses. Elle est
toute eurythmie. Bravo !
La chanteuse très tragique va bien-
tôt faire de nouveau éclater ses notes
invocatrices dans un soprano aigu redes-
cendant soudain aux basses du con- ,
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