Titre : Comœdia illustré : journal artistique bi-mensuel / [directeur-gérant : M. de Brunoff]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-08-01
Contributeur : Brunhoff, Maurice de (1861-1937). Directeur de publication
Contributeur : Hébertot, Jacques (1886-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745943n
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 août 1910 01 août 1910
Description : 1910/08/01 (A2,N21). 1910/08/01 (A2,N21).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9704370f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, FOL-YF-183
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/07/2016
634 C 0 M CE 1) 1 ILLUSTRÉ
LE THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION
A l'occasion, de la fête nationale, d'autres ont célébré, comme il
convient, l'anniversaire glorieux de l'émancipation de la patrie et
du bouleversement social de la France. Nous rappelons, nous,
Que le 14 juillet 1789 ne vit pas seulement l'écroulement d'un régime
politique, depuis long-
temps rongé à sa base,
mais aussi la trans-
formation complète
et radicale de l'art
français et en parti-
culier du théâtre. Il
naquit, ce jour-là, un
théâtre nouveau, qui,
s'il tomba plus d'une
fois dans l'exagération
et la licence, n'en
prépara pas moins
inconsciemment la
grande révolution lit-
téraire de 1829-1830,
laquelle ne fut, en réa-
lité, qu'un 1789-1793
de l'art stus toutes
ses formes.
Ce n'est pas que la
valeur de ce théâtre
soit considérable; loin
de là : aucun grand
nom, aucun homme
de génie, Mais comme
on sent dans les piè-
ces d'alors l'ardente
jouissance de la liber-
té nouvelle ! Comme
on s'en donne à cœur
joie sur les tyrannies
disparues ! comme on
célèbre avec ivresse
cette République lit-
téraire bienfaisante !...
TALMA A L'ÉPOQUE DE LA RÉVOLUTION, gravure de Hollier.
Déjà, en 1784, Beaumarchais
avec le Mariage de Figaro avait
vivement commencé la fusillade des
préjugés et des abus de l'ancien
régime. Quelques années après, la
Comédie-Française se voyait con-
trainte de représenter des satires
plus violentes et plus directes, et
le 4 novembre 1789, elle affichait Charles IX ou l Ecole des Rois,
de Marie-Joseph Chénier. Cette œuvre, qui était la première tragédie
vraiment nationale, et qui servit réellement de débuts à Talma,
retenu jusqu'alors dans l'obscurité par 1» rigueur des règlements,
cette œuvre, dis-je, eut un immense
retentissement. Mal reçue par le
parti royaliste, elle fit de tels enne-
mis à Qhénier et à Talma, que
ceux-ci crurent devoir avertir le pu-
blic que désormais ils porteraient
sur eux des pistolets pour se défendre
contre les « spadassins » parmi les-
quels ils comptaient surtout les co-
médiens qui, soutenus par les gen-
tilshommes de la chambre, regar-
daient Charles IX comme une pièce
incendiaire, et s'opposaient à ses
représentations. Talma, ayant forcé
le théâtre à donner une représentation
de Charles IX sur la demande de
Mirabeau, on prononça son exclusion.
Alors le public se mêla à la querelle;
une troupe de conjurés se donna ren-
dez-vous à la Comédie-Fran;aise et
demanda Talma à grands cris. Cela
dura deux soirs. Le second soir, Fleu-
ry s'avança et dit : « Messieurs, ma
société, persuadée que M. Talma a
La page de garde du Couvent, pièce de la Révolution.
Le décor du 1er acte. — Un parloir.
trahi ses intérêts et compromis la tranquillité publique, a déclaré
à l'unanimité qu'elle n'aurait plus aucun rapport avec lui jusqu'à
ce que l'autorité en ait décidé. » Fleury se retira auj'milieu des
huées. La Comédie-Française, appelée devant la municipalité,, se vit
condamnée à jouer avec Talma, mais elle résista et l'autorité se
vit obligée d'ordonner la clôture du théâtre, qui ne fut rouvert que
lorsque les comédiens eurent rapporté leur arrêté. On y joua, alors,
l'Esclavage des nègres, de Olympe de Gouges, cette femme bizarre qui,
selon le mot de H.Lucas, « ressemble à unpythonissesur le trépied de
la Révolution » et dont la pièce sombra sous une tempête de sifflets.
L'année 1790, au cours de laquelle la liberté des théâtres fut consa-
l'rpp iI/>hllh nar une comédie de Flins des Oliviers. le Réveil d'E-bi
nénide, dont le point
de départ est assez
ingénieux. Epiméni-
de, endormi sous le
règne de Louis XIV,
se réveille sous celui
de Louis XVI. On con-
çoit son étonnement
extrême. Il s'informe
auprès de deux jeu-
nes gens qui veulent
bien le renseigner;
l'un d'eux vante
Louis XVI:
Son auguste et douce
[présence
Appore le bonheur à
[son peuple calmé.
Il ne s'entoure pas
[d'une garde étran-
gère :
A u sein de ses enfants
[que peut craindre
[un bon père ?
Plus on levoitdeprès,
[et plusil est aimé...
— Pardon, dit Epi-
[ménide, dites-moi
... Près d'ici, j'aper-j
[pus tout à l'heure \
Des hommes:qui mar- j
[chaient modeste
[ment vêtus. ■>. '
Les bourgeois, pour
[les voir sortant de
[leurs demeures,
S'écriaient : « Les voilà, ces sages
[citoyens
De l'Etat et du roi les plus fer-
[mes soutiens ! »
— Ce sont les députés, répon-
dent les guides dans une périphrase
extraordinaire, le mot député, en
ce temps-là, ne pouvant entrer dans un vers. Bref, on apprend ^
Epiménide qu'on a réformé les procédures criminelles, que la liberté
de la presse n'est pas un vain mot, que les parlements ont perdude
leur importance, que le roi a déserté Versailles etc... C'étaient là e
bons éléments de succès et ce vau-
deville à tiroirs réussit beaucoup.
Les pièces purement patriotiques
furent inaugurées peu après par
le Tombeau de Désilles, œuvre faite
en l'honneur d'un jeune officier qui
s'était précipité devant la bouche
d'un canon dans l'espérance d'épar-
gner entre ses frères d'armes une
effusion de sang. L'Assemblée na-
tionale crut devoir rendre hommage
à sa mémoire et plusieurs ouvrages
dramatiques s'inspirèrent de sa belle
action. Les soldats aiguisaient en
scène leurs sabres sur le tombeau
de Désilles en jurant de mourir
pour la patrie.
En 1791 circula une pièce fort
irrespectueuse pour le clergé, qui
ne fut pas jouée de suite, mais que
tout le monde lisait. Elle avait pour
titre la J ourn 'e au Vatican ou e
Mariage du Pape et la première en
avait eu lieu à Rome, au théâtre de
la Liberté, le 2 avril 1790. C'était une bonne bouffonnerie a un w
que irrésistible et d'une valeur bien supérieure a celle du JV
Directeur, qui lui succéda, mais dont le succès fut ensuite de b
coup dépassé par celui des Victimes cloîtrées, de Monvel. Au 4 ^
de cette dernière comédie, les deux cachots simultanément
à la vue des spectateurs produisaient un énorme effet et iar la
naissance des victimes causa des transports d'enthousiasme.
première représentation eut lieu un incident assez bizarre et y
LE THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION
A l'occasion, de la fête nationale, d'autres ont célébré, comme il
convient, l'anniversaire glorieux de l'émancipation de la patrie et
du bouleversement social de la France. Nous rappelons, nous,
Que le 14 juillet 1789 ne vit pas seulement l'écroulement d'un régime
politique, depuis long-
temps rongé à sa base,
mais aussi la trans-
formation complète
et radicale de l'art
français et en parti-
culier du théâtre. Il
naquit, ce jour-là, un
théâtre nouveau, qui,
s'il tomba plus d'une
fois dans l'exagération
et la licence, n'en
prépara pas moins
inconsciemment la
grande révolution lit-
téraire de 1829-1830,
laquelle ne fut, en réa-
lité, qu'un 1789-1793
de l'art stus toutes
ses formes.
Ce n'est pas que la
valeur de ce théâtre
soit considérable; loin
de là : aucun grand
nom, aucun homme
de génie, Mais comme
on sent dans les piè-
ces d'alors l'ardente
jouissance de la liber-
té nouvelle ! Comme
on s'en donne à cœur
joie sur les tyrannies
disparues ! comme on
célèbre avec ivresse
cette République lit-
téraire bienfaisante !...
TALMA A L'ÉPOQUE DE LA RÉVOLUTION, gravure de Hollier.
Déjà, en 1784, Beaumarchais
avec le Mariage de Figaro avait
vivement commencé la fusillade des
préjugés et des abus de l'ancien
régime. Quelques années après, la
Comédie-Française se voyait con-
trainte de représenter des satires
plus violentes et plus directes, et
le 4 novembre 1789, elle affichait Charles IX ou l Ecole des Rois,
de Marie-Joseph Chénier. Cette œuvre, qui était la première tragédie
vraiment nationale, et qui servit réellement de débuts à Talma,
retenu jusqu'alors dans l'obscurité par 1» rigueur des règlements,
cette œuvre, dis-je, eut un immense
retentissement. Mal reçue par le
parti royaliste, elle fit de tels enne-
mis à Qhénier et à Talma, que
ceux-ci crurent devoir avertir le pu-
blic que désormais ils porteraient
sur eux des pistolets pour se défendre
contre les « spadassins » parmi les-
quels ils comptaient surtout les co-
médiens qui, soutenus par les gen-
tilshommes de la chambre, regar-
daient Charles IX comme une pièce
incendiaire, et s'opposaient à ses
représentations. Talma, ayant forcé
le théâtre à donner une représentation
de Charles IX sur la demande de
Mirabeau, on prononça son exclusion.
Alors le public se mêla à la querelle;
une troupe de conjurés se donna ren-
dez-vous à la Comédie-Fran;aise et
demanda Talma à grands cris. Cela
dura deux soirs. Le second soir, Fleu-
ry s'avança et dit : « Messieurs, ma
société, persuadée que M. Talma a
La page de garde du Couvent, pièce de la Révolution.
Le décor du 1er acte. — Un parloir.
trahi ses intérêts et compromis la tranquillité publique, a déclaré
à l'unanimité qu'elle n'aurait plus aucun rapport avec lui jusqu'à
ce que l'autorité en ait décidé. » Fleury se retira auj'milieu des
huées. La Comédie-Française, appelée devant la municipalité,, se vit
condamnée à jouer avec Talma, mais elle résista et l'autorité se
vit obligée d'ordonner la clôture du théâtre, qui ne fut rouvert que
lorsque les comédiens eurent rapporté leur arrêté. On y joua, alors,
l'Esclavage des nègres, de Olympe de Gouges, cette femme bizarre qui,
selon le mot de H.Lucas, « ressemble à unpythonissesur le trépied de
la Révolution » et dont la pièce sombra sous une tempête de sifflets.
L'année 1790, au cours de laquelle la liberté des théâtres fut consa-
l'rpp iI/>hllh nar une comédie de Flins des Oliviers. le Réveil d'E-bi
nénide, dont le point
de départ est assez
ingénieux. Epiméni-
de, endormi sous le
règne de Louis XIV,
se réveille sous celui
de Louis XVI. On con-
çoit son étonnement
extrême. Il s'informe
auprès de deux jeu-
nes gens qui veulent
bien le renseigner;
l'un d'eux vante
Louis XVI:
Son auguste et douce
[présence
Appore le bonheur à
[son peuple calmé.
Il ne s'entoure pas
[d'une garde étran-
gère :
A u sein de ses enfants
[que peut craindre
[un bon père ?
Plus on levoitdeprès,
[et plusil est aimé...
— Pardon, dit Epi-
[ménide, dites-moi
... Près d'ici, j'aper-j
[pus tout à l'heure \
Des hommes:qui mar- j
[chaient modeste
[ment vêtus. ■>. '
Les bourgeois, pour
[les voir sortant de
[leurs demeures,
S'écriaient : « Les voilà, ces sages
[citoyens
De l'Etat et du roi les plus fer-
[mes soutiens ! »
— Ce sont les députés, répon-
dent les guides dans une périphrase
extraordinaire, le mot député, en
ce temps-là, ne pouvant entrer dans un vers. Bref, on apprend ^
Epiménide qu'on a réformé les procédures criminelles, que la liberté
de la presse n'est pas un vain mot, que les parlements ont perdude
leur importance, que le roi a déserté Versailles etc... C'étaient là e
bons éléments de succès et ce vau-
deville à tiroirs réussit beaucoup.
Les pièces purement patriotiques
furent inaugurées peu après par
le Tombeau de Désilles, œuvre faite
en l'honneur d'un jeune officier qui
s'était précipité devant la bouche
d'un canon dans l'espérance d'épar-
gner entre ses frères d'armes une
effusion de sang. L'Assemblée na-
tionale crut devoir rendre hommage
à sa mémoire et plusieurs ouvrages
dramatiques s'inspirèrent de sa belle
action. Les soldats aiguisaient en
scène leurs sabres sur le tombeau
de Désilles en jurant de mourir
pour la patrie.
En 1791 circula une pièce fort
irrespectueuse pour le clergé, qui
ne fut pas jouée de suite, mais que
tout le monde lisait. Elle avait pour
titre la J ourn 'e au Vatican ou e
Mariage du Pape et la première en
avait eu lieu à Rome, au théâtre de
la Liberté, le 2 avril 1790. C'était une bonne bouffonnerie a un w
que irrésistible et d'une valeur bien supérieure a celle du JV
Directeur, qui lui succéda, mais dont le succès fut ensuite de b
coup dépassé par celui des Victimes cloîtrées, de Monvel. Au 4 ^
de cette dernière comédie, les deux cachots simultanément
à la vue des spectateurs produisaient un énorme effet et iar la
naissance des victimes causa des transports d'enthousiasme.
première représentation eut lieu un incident assez bizarre et y
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.94%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.94%.
- Auteurs similaires Brunhoff Maurice de Brunhoff Maurice de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Brunhoff Maurice de" or dc.contributor adj "Brunhoff Maurice de")Hébertot Jacques Hébertot Jacques /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Hébertot Jacques" or dc.contributor adj "Hébertot Jacques")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 26/36
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k9704370f/f26.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k9704370f/f26.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k9704370f/f26.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k9704370f/f26.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k9704370f
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k9704370f
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k9704370f/f26.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest