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/LA MUSIQUE DANS LA COMÉDIE DE MOLIÈRE. 163
se défient et se provoquent ; mais, en leurs refrains alternés,
: ils s'accordent à reconnaître que l'Amour est leur maître,
; tandis que Mars, empanaché et solennel, déclare à son
tour qu'il n'a jamais eu d'autre vainqueur. Les chants
du dieu de la guerre ont une gravité toute classique, une
beauté qui fait pressentir Gluck ; les chansons de Momus
sont d'une rondeur bouffonne dont la noblesse constraste
avec les dessins animés et ténus des violons accompagnant
ï la voix à l'aigu ; enfin les trompettes et timbales du chœur
r final sonnent avec un éclat digne à la fois de tant de dieux
immortels et du grand Roi en l'honneur de qui avait été
donnée la fête.
Si c'était là une fin d'art, — c'était du moins une fin de
: collaboration, — il est certain qu'elle s'acheva en beauté.
III
Il n'est malheureusement pas niable qu'en perdant
Lulli, Molière, au point de vue musical, a tout perdu. Ses
efforts pour maintenir ses spectacles au niveau où leur
ollaboration les avait placés furent impuissants contre
la défection et l'hostilité d'un tel compagnon. Marc-Antoine
Charpentier, qui le remplaça, était certainement un
honnête musicien, élevé à bonne école et ayant les
meilleures traditions ; mais il n'avait pas le génie d'inven-
tion ni d'entreprise : la succession était trop lourde pour
lui.
Fétis prétend qu'ayant été dans sa jeunesse victime,
comme tant d'autres, de la jalousie de Lulli, Charpentier
« affectait de s'éloigner de sa manière dans tous ses
ouvrages ». Voilà, si cela est vrai, une preuve de plus
que les rancunes particulières et les sentiments mesquins
ne sont bons à rien. La musique que Charpentier écrivit
pour les dernières comédies de Molière est, en effet, d'un
autre style que celle des intermèdes de Lulli ; mais elle
vaut moins, assurément. Il semble même, à en lire cer-
taines parties, que Molière, résigné, ait laissé faire sans
plus prendre la peine de donner les directions qui
n'avaient pas fait défaut jusqu'alors. La Comtesse
II
se défient et se provoquent ; mais, en leurs refrains alternés,
: ils s'accordent à reconnaître que l'Amour est leur maître,
; tandis que Mars, empanaché et solennel, déclare à son
tour qu'il n'a jamais eu d'autre vainqueur. Les chants
du dieu de la guerre ont une gravité toute classique, une
beauté qui fait pressentir Gluck ; les chansons de Momus
sont d'une rondeur bouffonne dont la noblesse constraste
avec les dessins animés et ténus des violons accompagnant
ï la voix à l'aigu ; enfin les trompettes et timbales du chœur
r final sonnent avec un éclat digne à la fois de tant de dieux
immortels et du grand Roi en l'honneur de qui avait été
donnée la fête.
Si c'était là une fin d'art, — c'était du moins une fin de
: collaboration, — il est certain qu'elle s'acheva en beauté.
III
Il n'est malheureusement pas niable qu'en perdant
Lulli, Molière, au point de vue musical, a tout perdu. Ses
efforts pour maintenir ses spectacles au niveau où leur
ollaboration les avait placés furent impuissants contre
la défection et l'hostilité d'un tel compagnon. Marc-Antoine
Charpentier, qui le remplaça, était certainement un
honnête musicien, élevé à bonne école et ayant les
meilleures traditions ; mais il n'avait pas le génie d'inven-
tion ni d'entreprise : la succession était trop lourde pour
lui.
Fétis prétend qu'ayant été dans sa jeunesse victime,
comme tant d'autres, de la jalousie de Lulli, Charpentier
« affectait de s'éloigner de sa manière dans tous ses
ouvrages ». Voilà, si cela est vrai, une preuve de plus
que les rancunes particulières et les sentiments mesquins
ne sont bons à rien. La musique que Charpentier écrivit
pour les dernières comédies de Molière est, en effet, d'un
autre style que celle des intermèdes de Lulli ; mais elle
vaut moins, assurément. Il semble même, à en lire cer-
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