Titre : La Justice / dir. G. Clemenceau ; réd. Camille Pelletan
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-02-28
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32802914p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 28 février 1908 28 février 1908
Description : 1908/02/28. 1908/02/28.
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Provence-Alpes-Côte d'Azur
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/03/2011
TRENTE-ET-UNIEME ANNEE
VENDREDI 28 FEVRIER 190*.
E A Centime
M V Le Ruinéro
- PARIS BT DÉPARTEMENTS -
LA JUSTICE
I A Centimes
I \f Le numéro
- PARIS IT DÈI ARTBMINT* -
ABONNEMENTS
nmvui.-j-
tranci, Algérie tl Tunisie : 4 fr. par mois. - iO fr. par ««mettre.
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JOURNAL POLITIQUE DU MATIN
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20. RUE DE ORAMMONT. GO
4 P.Deroulede raparait
M. Pnul Déroulède rentre en scène !
Il vient 4e prononcer, à Rouen, un
grand discours pour réclamer la révi-
sion de la constitution.
M. Déroulède fait appel à l'union de
tous ilea républicains de bonne fui, de
tous les, démocrates, de tous les patrio-
tes convaincus. Il parle de fonder un
solide parti... révisionniste !
Boulangiste, nationaliste, puis en-
lin, révisioniste ! C'est la hantise de la
terminaison en iste ! Certes, M. Paul
Déroulède est un excellent homme que
ses adversaires eux-mêmes ont toujours
estimé et qui méritait de l'être, mais
c'est tin exalté qui, malgré lui demeu-
rera toujours un exalté ; prêt à pousser
S l'exagération ses moindres actes, n est
républicain, il le dit, il en est convaincu
et ses actes, jusqu'à présent, ont pu per-
mettre de douter de la solidité parfaite
SA» ses convictions. C'est un républicain
auquel ne répugne pas l'aide des pires
adversaires de la République et, il sera
bien difficile d'oublier que ce ne furent
§*as précisement des républicains qui
l'entourèrent au temps du boulangisme.
ou au temps moins éloignédu nationa-
lisme.
Aï. Déroulède est un fort honnête
homme et, malgré tout, un sympathi-
que, seulement M a été vraiment trop
mètê aux adversaires de la République
pour inspirer grande confiance à ceux
qu'il essaye de grouper en parti j-é-
sionniste. Les patriotes convaincus au
concours de qui il fait également ap-
pel, quels sont-ils ? Nos adversaires,
depuis des années, affirment, et l'on
5ait en qnHs termes qu'ils ont seuls
le "monopole du patriotisme.
Réactionnaires et cléricaux dénient à
tout républicain, l'amour ou même le
respect de la patrie.
Leurs Journaux en font foi.
* M. Paul Déroulède, pense-t-il pou-
voir jeter les bras- les uns des autres, les républi-
cains, les démocrates et ces patriotes
convaincus qui ne leur ont épargné
aucune injure, ces patriotes convaincus
qui se sont dressés contre la Justice,
contre l'Humanité, contre le Droit, con-
tre la République, en toutes circonstan-
ces ! &
Qu'il soit «le bonne foi, je n'en doute
pas oublier que c'est avec bonne foi
toujours de lionne foi, mais il ne faut
pas oublier que c'est avec bonne fol
qu'il tentait de faire marcher les trou-
pes sur l'Elysée. Et dame, lorsqu'il dé-
clare que ce n'est ni à un coup d'Etat,
ri fk un coup de force qu'il convient de
demander la revision de la Constitution
j'avoue qu'on ne peut s'empêcher de
regarder en arrière et de songer & ce
que pourrait être l'avenir, avec un soli-
8e parti révisionniste à la tête duquel
se trouverait. M. Pauî Déroulède, fut-il
cent fois, mille fois convaincu que, ni
â69 nouveaux ligueurs ni lui, ne songe-
ront jamais à sortir dâ inégalité pour
Obtenir !» revision de la Constitution,
n'est pour cela dis-je, que les républi-
cains, tout en conservant à -V. Paul Dé-
roulède «ne estimé et une sympathie
que nul ne lui refuse, se méfieront de
ses excellentes intentions. <
C'est pour eete que nous jugeons M.
Paul Déroulède. peu qualifié pour ten-
ter l'union repûblicains et des
« patriotes convaincus S sachant par ex- (
périence que ce sont, ce que valent CCj
derniers, o»i il les recruterait et le dan-
ger qu'il polirait, y avoir à les introduire
dans la maison dont, malgré M. Paul
Déroulède ils seraient fort tentés, de
nous faire sortir .
Salviac.
ÉCHOS
CARTE DE POUCE
Les inspecteurs de -la. police de Sûreté
«ont, comme on te sait, porteurs d'une carte
?jui les autorise à requérir l'assistance de la
orce publique pour l'arrestation des délin-
quants.
Cette carte ovale portait jadis d'an cûté
simplement le nom de l'agent, de l'autre un
, oeil symbolique. Cet ornement un peu ridi-
cule a, depuis, disparu, mais, pour le sur-
plus, la carte est restée la même.
! On a fini par s'apercevoir que cette carte
i d'identité avait un grave défaut, celui de
| n'identifier personne.
Le premier venu peut eû faire usage sans
qu'on puisse déceler la fraude. M. Mouquin,
directeur général des recherches, a décidé
de mettre un terme à cet état de choses en
proposant à M. Lépine le remplacement de
la vieille carte ovale par une carte en peau
de cuir rouge qui se plie en deux-
Cette carte portera la photographie de son
titulaire et son signalement anthropométri-
que.
M. Bertillon, qui ne mensurait jusqu'à
présent que les criminels, va être appelé à
opérer sur les agents de la Sûreté.
Ça le changera !
LES ANORMAUX AU REGIMENT
Une intéressante communication a été faite
à ce sujet par M. Abadie à ta Société de mé-
decine légale. Son travail établit que dans
les bataillons d'Afrique les deux tiers de
l'effectif sont des anormaux. Un grand nom-
bre ont débuté par l'alcoolisme. Beaucoup
étaient, avant l'engagement ou l'appel, des
enfants anormaux. Aussi l'auteur de ces ob-
servations conseille-t-il aux familles de ne
jamais faire engager un jeune homme anor-
mal, et c'est malheureusement un cas qui se
présente souvent.
GARDIENNES
Les vols dans les musées suscitent des
projets bizarres.
On sait qu'il fut récemment question de
les faire garder par des chiens- Maintenant
on parle de les faire garder par des femmes
On annonce gu'à la suite d'une pétition
d'un groupe féministe le ministre de l'ins-
truction publique et des beaux-arts vient
d'autoriser les femmes à poser leur candi-
dature aux postes de surveillante des mu-
sées et bibliothèques.
Ajoutons que, dans les milieux officiels,
on se montre un peu sceptique sur l'applica-
tion de cette mesure. Un fonctionnaire du
Louvre a dit à un de nos confrères :
- Voyez-vous des gardiennes en bicorne et
en redingote - comme 'Mme Dieulafoi -
circulant dans les salles. Espère-t-on qu'elles
ferraient peur aux malfaiteurs ?
ORDURES MENAGERES
Les procédés employés jusqu'ici pour la
destruction économique et hygiénique des
ordures ménagères laissent encore à désirer.
M. Dettmar, secrétaire général de l'asso-
ciation allemande des électriciens, propose
de transformer ces détritus en courant élec-
D'aptès les calculs de cet ingénieur, on
récolte chaque jour dans les villes environ
500 grammes d'ordures ménagères par tête
d'habitant. Quand ces immondices ne con-
tiennent pas plus de 60 à 70 0/0 d'eau, elles
sont incinérées sans absorber beaucoup de
chaleur ; au-dessous de cette teneur, elles
en produisent.
Les gadoues représentent donc un char-
bon économique susceptible d'être utilisé
pour actionner des dynamos.
'M. Dettmar estime que les ordures mé-
nagères suffiraient pour alimenter d'électri-
cité un chemin de fer métropolitain dans
les villes de moins de roo.ooo âmes; dans
les cités plus importantes, elles fourniraient
de 50 à 60 p/o de la force motrice néces-
saire- D'autre part, elles permettraient d'é-
clairer, pendant les périodes de moindre
consommation, les villes de deux cent mille
Ames.
Finalement, le prix de revient du courant
électrique serait inférieur d'au moins 50 0/0
au prix de revient obtenu avec la houille.
Lie contenu des t poubelles * servant à
faire marcher le « Métro »!
Mais, au fait, le voilà le moyen d'avoir
les transports économiques et populaires 1
UN METS NOUVEAU
Une nouvelle variété de conserves alimen-
taires va, si nous en croyons Nos Loi tirs,
être offerte à notre gourmandise. Ce sont les
conserves de queues de kangourou,
y ne importante usine australienne de con-
serves alimentaire^ recommande en ces ter-
mes le mets nouveau qu'elle va tenter d in-
troduire sur les marchés d'Europe ;
Le kangourou a été, jusqu'à ce jour, le plus
méconnu des animaux ! Seuls, quelques rare®
gourmets rendaient justice 4 ses mérites et ap-
préciaient comme il convient sa haute valeur
culinaire. Proclamons Jp vérité ! Un rôti de
kangourou fait avec soin est lè plus fin mor-
ceau que l'on puisse déguster. Les énormes
muscles de la queue, en particulier, fournissent
une chai." tendre, d'une saveur exquise, d'un
aspect appétissant, dune préparation tacite, et
qui ferait prendre en dégoût les gibiers les plus
routés et les viandes Gp boucherie, les plus
appréciées.
Un illustre médecin de l'hôpital de Melbourne
attribue à cette chair 4e précieuses vertus théra-
peutiques.
Contrairement à ce qui se produit générale-
ment. la mise en conserves, loin d affaiblir les
qualités de ce mets, les développe d'une façon
remarquais.
Il est évident que. dans ces conditions,
une conclusion s'impose: les auteurs du pros-
pectus ci-dessus la résument en cette formule
impérative :
Mange: des guettes de kangourou l
X
LE CERVIN
On sait qu'il est question d'établir un
chemin de fer à crémaillère peur conduire
les touriste» au sommet - au proche du
sommet - du Cervin, jusqu'ici vierge d'en-
treprises de ce genre. |
Le Cervin est une des rares montagnes de
Suisse qui aient conservé son caractère de
beauté sauvage. j
Aussi la société pour la sauvegarde du
pittoresque a-t-elle lancé une pétition protes-
tant contre ce projet.
Cette pétition a été signée par 67.979 per-
sonnes, dont 64.239 Suisses et 3 740 étran-
gers-
Elle sera remise d'ici peu au conseil fé-
déral.
EDISON
Une dépêche de New-York nous apprend
qu'Edison, qui souffrait d'une tumeur derriè-
re l'oreille, vient d'être opéré.
L'opération a eu lieu avant-hier et elle pa-
raît avoir réussi-
! Un grand mariage.
On a célébré, hier, à midi, en la chapelle
de la cité paroissiale de Saint-Honoré d'Ey-
lau, 66, avenue Malakoff, le mariage de
Mlle Germaine Lesieur, fille de M. Georges
Lesieur, ancien présidnt de la chambre de
commerce de Paris, officier de la Légion
d'honneur, avec M. Pierre Laguionie,, fils
de M. Gustave Laguionie, membre de la
chambre de commerce de Paris, officier de
la Légion d'honneur, directeur des grands
magasins du Printemps.
Les témoins étaient, pour la mariée : M.
Dupuis, maire de Saint-Brice, son grand-
père, et M- Jules Lesieur, son oncle; pour
le marié : M. Henri Dupré, son parrain, et
M. Alfred Grellou, ami de la famille.
La quête a été faite par Mlles Simone
Lesieur, Madeleine Laguionie, Gabrielle
Desmarais, Céline Lancashire, Marie Gran-
gé, Sophie Lancashire, Germaine Rabier,
qu'accompagnaient MM. Paul Morane, Mau-
rice Lesieur, Paul Lesieur, Henri Lesieur,
Philippe de Las Cases, Pierre Dupuis et
Georges Kugelmann.
La maîtrise de la paroisse, sous la direc-
tion de M. Decq, maître de chapelle, s'est
fait entendre pendant la cérémonie et a
exécuté, avec le concours de MM. Jean Re-
der, baryton, et Tisserand, ténor, le Vf ni
Creator de Durand ; Deus Abraham et Ave
Verum, de Théodore Dubois; Mors et vita,
de Gounod ; l'Ave Maria, de Mercadante, et
Tollite, de Saint-Saëns. M- Decq a, de plus,
exécuté au grand orgue le Choeur des Fian-
çailles de Lohengrin et la marche du T art-
nhoeuser-
Une assistance extrêmement nombreuse et
brillante, parmi laquelle on remarquait tou-
tes les notabilités du monde des arts, des
lettres, du commerce et de l'industrie, avait
tenue à apporter ses voeux aux deux jeunes
époux et à leurs familles, tant à la cérémo-
nie religieuse qu'au mariage civil célébré la
veille à la mairie du seizième arrondisse-
ment par M. Landrin, adjoint au maire. Ci-
tons : MM. Jean Dupuy, Chaumié, Jules
Siegfried, Delombre, anciens ministres ;
Peyrot, Poirier, Denoix, de Lais Cases, Goi-
rand, sénateurs; Beau regard et-d^ La Batut,
députés; Chaplain, Jules Lefebvre, Rou-
jon, Dieulafoy, de l'institut ; les généraux
Delànne et Goetschy ; MM. Oudin, Gay,
Bellan, conseillers municipaux; MM. De-
rode et Dubrujeaud, ancien président et pré-
sident, les vice-présidents et de nombreux
membres de la chambre de commerce j Mo-
rel, gouverneur du Crédit Foncier; Mercet,
directeur du Comptoir d'Escompte ; Guer-
naut, Chaumerat-Lamotte. sous-gouverneurs
de la Banque de France ; Dervisme. sous-
directeur du Crédit Lyonnais ; Poivrier,
sous-directeur de la Société Générale ; Lehi-
deux, banquier; plusieurs juges et anciens
présidents du tribunal de commerce ; MM.
Deutsch (de la Meurthe), Fenaille, Pinard,
Klotz, Marcilhacq, Ricori, Fillot, Luoet,
Trezza $ Musella etc. etc.
Après la cérémonie, Mme Georges Lesieur
a reçu dans ses salons de l'avenue du Bois-
de-Boulogne. i ?
Informations*
Le vagabondage spécial
M. Lépine, préfet de police, accompagné
par M. Hamard, chef de la Sûreté, a été
entendu, hier, par la commission chargée
d'examiner le protêt de toi tendant à ré-
primer le vagabondage.
C'est spécialement sur la question du
vagabondage spécial que le préfet de police
a été appelé à fournir des explications. Ce
qu'on entend frapper sous le nom de vaga-
bondage spécial ce sont les agissements
des souteneurs.
M. Lépine a fait connaître les précisions
qu'il désirerait apporter au texte du projet
péur assurer la répression de ces gens
sans aveu
11 accepte les dispositions répressives du
projet dont la commission est saisie et de-
mande même qu'on y apporte quelques ad-
ditions destinées à "assurer la répression
des gens sans aveu et vivant de la prosti-
tution.
Il a en particulier demandé qu'on réta-
blit la contravention commise par les hôte-
liers qui recevaient sciemment des filles
se livrant à la prostitution, il s'agirait de
faire revivre par la loi les dispositions de
l'ordonnance de 1778 visant «ce cas.
Sur La demande de la commission, M.
Lépine a fourni d'intéressants renseigne-
ments sur la colonie de travail à Nanterre.
Il a appuyé très vivement les disposi-
lions déjà votées par la commission 'ten-
dant à établir l'obligation du travail, dans
une colonie de ce genre, pour les vaga-
bonds en élat de récidive.
Actuellement, la colonie de Nanterre ne
contient que des individus y résidant de
plein gré. Il s'agirait d'instituer, a titre
de sanction pénale complémentaire, la dé-
tention dans ces colonies de travail durant
deux années.
M. Hamard a entretenu la commission
du moyen de fixer l'identité des nomades
par la production simultanée de la photo-
graphie et du signalement anthropométri-
que.
La commission a mis à l'étude ces textes.
Hic entendra dans sa prochaine séance le
procureur général et le procureur de la |
République, et MM. Dupuis et André, juges j
au tribunal de la Seine
La Monte monte
' -l'étais allée ce soir-là me promener sur
la digue qui s'avance fière et effilée dans
.l'Océan. Lu mer montait. Les vagues sui-
vantes venaient, à chaque instant nplus hau-
tes, couvrir un coin de plage que les va-
gues précédentes avaient respecté. A cha-
que minute le Ilot montait le long des assi-
ses de pierre de la digue immobile. Comme
une énorme bête qui gonflerait ses flancs et
jetterait sa bave sur un ennemi invisible,
l'Océan se gonflait, écumait, rugissait, mon-
tant à l'assaut du rivage, escaladant les
rochers des falaises ; se retirant en laissant
derrière lui une bave louche et jaunâtre qui
glissait avec un bruit de cascade sur le sa-
ble fin du rivage.
Ea mer montait. On sentait son odeur
marine si puissante envahir do plus en plus
la terre à mesure qu'elle la couvrait, et
porter à chaque minute un peu plus avant la
caresse amère de sa rude haleine. Les bois,
les pierres,les plantes, l'humus des terrains,
tout s'en imprégnait, et comme un souffle
géant qui voûs étreint, le souffle, de la
Grande Bleue enveloppait de plus en plus le
visage de sa conquéte.
La mer montait. Une brise plus forte ve-
nait de là-bas, des lointains perdus de l'ho-
rizon infini, soulevait ma jupe que mes
doigts étaient impuissants à retenir et la
faisaient battre par secousses sur mes bot-
tines à jambières. Malgré la solidité de ma
coiffure, mes cheveux s'échappaient par pe-
tites mèches des peignes qtn les enserraient
et leur frôlement me causait lu sensation
désagréable d'un plumeau tin qu'on m'aurait
passé sur le visage. La-haut, sous le vent
fraîchissant les cordages du sémaphore bat-
taient contre leur hampe blanche et un va-
peur se dirigeait vers l'entrée de la jetée,
capotant à petite vapeur. Il grandissait, à
vue d'oeil, porté par cette mer huilante qui
semblait s'en amuser comme d'une coquille
de noix. On eût dit que sa puissante houle
voulût le jeter pantelant sur la côte traî-
tresse. '
La mer montait. Bientôt elle aurait atteint
la dernière ligne de l'éliage marqué sur les
pierres de la digue. Après, elle redescen-
drait lentement, beaucoup plus lentement
qu'elle n'était montée, semblant se retirer
d'une conquête qui la dégoûtait. Puis elle
remonterait de nouveau plus furieuse à l'as-
saut et cela indéfiniment et sans fin depuis
que le monde est monde.Indéfiniment et sans
fin jusqu'à ce que le monde disparût englou-
tissant la vie qui l'anima, Et moi, misérable
créature d'un jour, Je disparaîtrai aussi
bien plus vile, bien plus tôt, peut-être de-
main, peut-être tout à l'heure. Mais d'au-
tres femmes viendraient comme moi con-
templer sur cette digue la mer montante,
car d'autres femmes naîtraient remplaça"*
celles qui mourraient, Indéfiniment et sans
fin, Indéfiniment el sans fin depuis que le
monde était monde. Indéfiniment et sans fin
jusqu'à ce que le monde disparût engloutis-
sant la vie qui l'anima.
Kt je revins tristement songeuse vers la
ville bruyante où s'agitaient les vies hu-
maines, comme si elles devaient être éter-
nelles. Sur le quai du Bassin, deux ivrognes
faillirent me faire tomber. Bs me dirent une
grossièreté, en passant, me soufflant dans
le visage le hoquet écoeurant de leur gorge
pleine. Je m'enfuis épouvantée et tombai
sur deux filles qui faisaient aux environs de
la gare, les cent pas. Elle me dévisagèrent
effrontément, les yeux lubriques, la lèvre
moqueuse, .te me détournai avec dégoût et
précipitai ma course. Une automobile arri-
vait à toute vitesse. La chance me fit éviter
ses roues caoutchoutées. L'n couple s v pré-
lassait en grande toilette. et profitait iea
ombres grandissantes du soir, pour se don-
ner des aises nue l'9n réserve d'ordinaire à
l'intimité. ' ' m'
Enfin, après mille péripéties que me va-
lut là songerie rêveuse où m avait laissé le
spectacle de la mer montante toujours de-
vant mes yeux, j'arrivai jusqu'à mon domi-
cile où je retrouvai dans ma chambre!le le
calme et le repos dont j'avais besoin.
La nuit avait succédé au jour, une nuit
sereine d'été toute parsemée d'étoiles qui
se miraient dans l'eau claire et somnolente
du fleuve. Le bruit montait des éclats de
rire, des cris, des appels, des jurons, des
pleurs d'enfants et des sifflements des sirè-
nes. La vie continuait et avec elle montait
le vice, montait la passion, montait la mi-
sère, montait la haine, montait l'Ivrognerie,
montait la prostitution, montait l'égoïsme,
montait la souffrance. !" revoyais le» ivro-
gnes, les filles, les riches de tout à l'heure.
Je revoyais tout ce que la vie m avait d^jk
fait connaître de traîtrises, de mensonges,
de tentations, de chutes, de colères, de ja-
lousies, d'envies, d'emportements aveugles,
de déceptions, d'exploitation dès faibles par
les forts. J'entendais les poliliciens du jour
débiter leurs boniments comme 'des pitres
sur des tréteaux et les maîtres de l'heure
cravacher les petits qui osent leur tenir tête,
humiliant ceux qui ne plient pas devant eux
le genou et qui ignorent l'art menteur des
adulations traitresses.
Et devant tant de hontes, tant de faibles-
ses, tant de misères et tant de souffrances
de la pauvre humanité, je sentis une grande
pitié qui me prenait le coeur et me mis ft
pleurer.
CAUSERIES SOCIALES
Ouvrières lingères
Nos lecteurs se souviennent peut-être des
articles que nous avons publiés ici sur les
industries à domicile et les salaires de fa-
mine. Nous ne pouvons mieux illustrer ces
documents que par l'enquête que vient de
publier fOffice du travail, sur le travail à
domicile dans l'industrie de la lingerie.
Les résultats en sont navrants. 510 ou-
vrières, travaillant chez elles à confection-
ner des articles de lingerie : chemises, faux-
cols, linge pour femmes ou enfants, linge
de ménage, etc., ont «Hé interrogées par les
inspecteurs du travail et ont, répondu à un
questionnaire détaillé.
Ces réponses révèlent des misères qu'on
ne soupçonne même pas, des misères affreu-
ses, des misères de braves gens qui peinent
dans des taudis sans nom pour gagner ii
peine de quoi ne pas mourir de faim.
Jetez un coup d'oeil sur ce tableau déses-
pérant. On y a indiqué, pour 217 des ou-
vrières questionnées, - car toutes n'ont
pas répondu sur ce point, - leur gain à
l'heure, EN TRAVAIL COURANT, - cest-à-dire
quand elles ont un travail régulier, ce qui
n'est pas souvent le cas :
Gagnant moins de 5 centimes par heure 4
- de 5 à 10 centimes par heure 51
- de 11 à 15 centimes - 54
- de 10 à 20 centimes - 4>">
- de 21 à 25 centimes - .'i2
- de 26 à 30 centimes -- 1 i
- de 31 à 35 centimes - 7
- de 30 à 40 centimes - . 6
- plus de k) centimes - i
Ainsi, sur ces 817 ouvrières, lé tableau
qui précède montre que 109, soit (Kl tyû, ga-
gnent moins tle trois sous par heure, et que
186, soil 83 O.tfl, gagnent moins de cinq
nous.
Et encore ce tableau renseigne-t-il mal
sur les ouvrières irrégulières de la lingerie :
femmes âgées, malades, très chargées de
famille, celles qui demandent du travail
aux oeuvres d'assistance, bref, les plus mi-
sérables, Ces malheureuses ouvrières ne sa-
vent pas leur gain annuel, et encore moins
leur gain quotidien. Or, ce sont précisé»
ment celles auxquelles une heure de travail
rapporte le moins De sorte que les chiffres
de lamine qu'on a lus plus haut sont encore
inférieurs 4 l'horrible réalité, et que la
proportion des infortunées créatures qui ga-
gnent moins de deux anus par heure esl
supérieure à celle résultant du tableau.
Voici maintenant, pour 360 ouvrières, une
autre statistique indiquant le gain annuel
net de l'ouvrière faisant exclusivement dç
la lingerie à domicile. Ce gain net ob-
tenu en défalquant dû gain les "char-
ges, ek notamment prix du fil et les frais
de transport pour la livraison de l'ouvrage :
GAIN ANNUEL NET
Inférieur à 150 fr, 35 ouvrières
De 151 à 200 fr 17 -
De 201 à 250 fr 41 -
De 251 à 300 fr 47 -
De 301 à 350 fr 47 -
De 351 à 400 fr : 34 -
De 401 à 450 fr » -
De 451 à 500 fr 13 -
De 501 à 600 fr. 45 -
De 601 à 700 fr 29 -
De 701 a 800 fr. 13 -
De 801 à 900 fr 12 -
De 901 à 1.000 fr 4 -
Supérieur à 1.000 fr 10 -
Il résulte de là que 60 0/0 de ces ouvrières
gagnent moins de 400 francs par an, à peu
près un franc par iour. Les ouvrières qui
font du linge de ménage sont parmi celles
qui gagnent le moins ; les lingères pour
femmes et enfants figurent dans les caté-
gories où tes salaires SQÛI moins miséra-
bles.
Il y a lie® de noter que, l'enquête ayant
porté sur les ouvrières occupées par le Ma-
gasin central dé l'Assistance publique, il
a été constaté que 80 pour cent de ces ou-
vrières gagnent moins de 4Û0 francs par
an : mais il faut tenir compte de ce fait
que ces travaux ont un caractère de se-
cours.
Les ouvrières en lingerie, qui ont répon-
du ali questionnaire de l'Office du travail,
devaient indiquer les conditions dans les-
quelles elles sont logées, - elle et leur fa-
mille ; car la plupart de ces pauvres fem-
mes ne sont pas seules, elles ont des en-
fants, parfois même de nombreux enfants..
Les constatations faites sont plus doulou-
reuses encore qu'on ne pouvait *"}. atten-
dre.
Les enquêteurs ont trouvé quatre familles
de cinq personnes, six familles de six per-
sonnes, et une famille de sept personne»
entassées dans un logement d'nne unique
pièce 1 Et quels logements : Il on est qui
mesurent 6 mètres cubes ! On ne s'y peut
tenir droit î Dans une pièce mesurant moins
de 20 mètres cubes, on trouve une ou-
vrière, son mari et deux enfants, une ou-
j vrière, sa fille et l'enfant de celle-ci ; dans
une pièce mesurant moins de 30 mètres
I cubes, on trouve une ouvrière, son man,
! et leurs cinq enfants. C'est à frémir ! 11 n
été constaté que 61 ouvrières en lingerie
habitaient une pièce de moins de 30 mètres
cubes, et 24 de ces taudis étaient habités
par des ménages de trois personnes et plus.
Parmi les nombreux documents cités par
l'Office du travail, nous nous bornerons à
en reproduire deux :
Mme B... est âgée de 32 ans. Elle est
veuve avec cinq enfants. Elle fait des de-
vants de chemise en zéphir, tussor, coton,
percale, toile, dont le piquage lui est paye
de 30 à K) centimes par cent de plis. Elle
a du travail pendant huit mois de l'aimée,
où elle travaille en moyenne dix heures et
gagne 2 fr. T>0. Son gain brut annuel est
te 500 fr., réduit à 450, déduction faite des
fournitures. Elle occupe un logement com-
posé d'une pièce, une petite cuisine, un»
entrée sombre et des cabinets, l'n lit uni-
que ; le soir, on met un matelas par terre.
Le plus jeune enfant a quatre mois et
l'olné dix ans, Mme B..." dit que ses en-
fanta, sauf les deux qui ont le repas du
midi à la cantine scolaire, ne vivent que
de soupe. Pour elle, son repos de midi se
ompose « d'un sou de frites et d'un sou
te pain ». Elle reçoit de diverses institu-
tions charitables environ 300 francs par an,
n argent ou en nature.
lieux soeurs, Agés de 45 et 56 ans, vivent
nsemble. La cadette fait des tabliers de
emme de chambre (travail entièrement ù
la main) ; l'ainée, des tabliers de valet
(à la machine). La duré# du travail, pour
la cadette, est de seize heures en pleine
aison et de douze heures en travail cou-
rant ; en morte-saison (deux mois environ),
le chômage est presque complet. Elle est
gênée dans son travail par une paralysie
intestinale.Elle peut gagner 1 fr.SO par jour
en période normale. Ktle estime quelle
ne travaille guère que 250 jours par an, et
-on salaire net ressortit à îWO francs envi-
ron. La durée du travail pour l'aînée est, fie
dix-neuf heures en pleine saison, et de
douze a quatorze heures en travail couront.
En dix-neuf heures, elle peut faire deux
douzaines, êt, demie de tabliers sans poches
représentant un salaire brut de 2 fr. Trft,
soit une douzaine de tabliers h poches, sa-
laire de 1 fr. 50. Le gain annuel brut est
de 526 fr. 50 ; le gain net de 416 francs.
Le* deux soeur» disposent donc d<£ 7iG fr.
environ. Les dépenses de loyer absorbent
250 francs, l.e chauffa^ représente 80 fr.
environ. Le solde, *586" francs, doit suffire
aux dépensas de ménage ; on voit donc que
les soeurs péuvent disposer pour leur
alimentation et leur entretien de 1 fr. 05 psr
jour. Elles vivent presque exclusivement de
lait et n'en absorbent que de petites quan-
tités. Leurs estomacs se son! habitués au
régime de privations auquel les condamne
enr budget, M elles ne pourraient pins sup-
porter actuellement une alimentation nor-
male, si leurs ressourcés la leur permet-
aient,
Nons n'en finirions pas ai nous voulions
poursuivre cette enquêta", mais ce que nous
n avons cité, suffit à révêler des misère*
insoupçonnées et des dévouements insoup-
çonnables.
Armée et Marina
Retraites d'officiers coloniaux
Cherbourg, 26 février
On assure ici, qu'afin de dégager les
cadres,, une pension de retraite va 'être
offerte par le ministre de la marine à 112
officiers d'infanterie coloniale, ayant plus
de vingt ans de service.
L'ambassade de France en Russie
Le Journal officiel publie, ce mat m, le
décret nommant M. le vice-amiral ïou-
chard. ambassadeur de la République
française à Saint-Pétersbourg
H publie également ta lettre suivante,
que le ministre des affaire» étrangères
h adressée à M. Bompard avant de te
laisser partir pour Saint-Pétersbourg. ou
il va remet Ire ses lettres de rappel.:
Parts, te tn terrier 1»*.
Mon cher ambassadeur
Au moment où prend On la mission, que 10u#
remplissiez a Saint-Pétersbourg, je Uen» « von»
dire que ee n ctt w# regret# que le gou-
vernement de ta République a du vous placer
dans le cadre de la disposition et u: tu est un
agréable devoir de vous témoigner sa satisfac-
tion pour !e* nombreux services que vous n'a-
v« ce*-- rte rendre pendant cinq années au.v
intérêt* français en Russie
Kn attendant qui! soit possiblede vouv appe-
ler un nouveau poste, jai le plaisir de ?vous
«mono* qu'il a été décide. eu conseil de^ mini s»
tien, que vous striez élevé a la dignité ûe grand-
rtft !a Lésion d'honneur.
Cette haute marque d'estime vous est une W«r-
velle preuve de nos sentiments a votre égard.
Veuillez agreér; mon cher ambassadeur, les as-
surances d- ma liante considération et sincure unitié.
? .
VENDREDI 28 FEVRIER 190*.
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M V Le Ruinéro
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LA JUSTICE
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4 P.Deroulede raparait
M. Pnul Déroulède rentre en scène !
Il vient 4e prononcer, à Rouen, un
grand discours pour réclamer la révi-
sion de la constitution.
M. Déroulède fait appel à l'union de
tous ilea républicains de bonne fui, de
tous les, démocrates, de tous les patrio-
tes convaincus. Il parle de fonder un
solide parti... révisionniste !
Boulangiste, nationaliste, puis en-
lin, révisioniste ! C'est la hantise de la
terminaison en iste ! Certes, M. Paul
Déroulède est un excellent homme que
ses adversaires eux-mêmes ont toujours
estimé et qui méritait de l'être, mais
c'est tin exalté qui, malgré lui demeu-
rera toujours un exalté ; prêt à pousser
S l'exagération ses moindres actes, n est
républicain, il le dit, il en est convaincu
et ses actes, jusqu'à présent, ont pu per-
mettre de douter de la solidité parfaite
SA» ses convictions. C'est un républicain
auquel ne répugne pas l'aide des pires
adversaires de la République et, il sera
bien difficile d'oublier que ce ne furent
§*as précisement des républicains qui
l'entourèrent au temps du boulangisme.
ou au temps moins éloignédu nationa-
lisme.
Aï. Déroulède est un fort honnête
homme et, malgré tout, un sympathi-
que, seulement M a été vraiment trop
mètê aux adversaires de la République
pour inspirer grande confiance à ceux
qu'il essaye de grouper en parti j-é-
sionniste. Les patriotes convaincus au
concours de qui il fait également ap-
pel, quels sont-ils ? Nos adversaires,
depuis des années, affirment, et l'on
5ait en qnHs termes qu'ils ont seuls
le "monopole du patriotisme.
Réactionnaires et cléricaux dénient à
tout républicain, l'amour ou même le
respect de la patrie.
Leurs Journaux en font foi.
* M. Paul Déroulède, pense-t-il pou-
voir jeter
cains, les démocrates et ces patriotes
convaincus qui ne leur ont épargné
aucune injure, ces patriotes convaincus
qui se sont dressés contre la Justice,
contre l'Humanité, contre le Droit, con-
tre la République, en toutes circonstan-
ces ! &
Qu'il soit «le bonne foi, je n'en doute
pas oublier que c'est avec bonne foi
toujours de lionne foi, mais il ne faut
pas oublier que c'est avec bonne fol
qu'il tentait de faire marcher les trou-
pes sur l'Elysée. Et dame, lorsqu'il dé-
clare que ce n'est ni à un coup d'Etat,
ri fk un coup de force qu'il convient de
demander la revision de la Constitution
j'avoue qu'on ne peut s'empêcher de
regarder en arrière et de songer & ce
que pourrait être l'avenir, avec un soli-
8e parti révisionniste à la tête duquel
se trouverait. M. Pauî Déroulède, fut-il
cent fois, mille fois convaincu que, ni
â69 nouveaux ligueurs ni lui, ne songe-
ront jamais à sortir dâ inégalité pour
Obtenir !» revision de la Constitution,
n'est pour cela dis-je, que les républi-
cains, tout en conservant à -V. Paul Dé-
roulède «ne estimé et une sympathie
que nul ne lui refuse, se méfieront de
ses excellentes intentions. <
C'est pour eete que nous jugeons M.
Paul Déroulède. peu qualifié pour ten-
ter l'union repûblicains et des
« patriotes convaincus S sachant par ex- (
périence que ce sont, ce que valent CCj
derniers, o»i il les recruterait et le dan-
ger qu'il polirait, y avoir à les introduire
dans la maison dont, malgré M. Paul
Déroulède ils seraient fort tentés, de
nous faire sortir .
Salviac.
ÉCHOS
CARTE DE POUCE
Les inspecteurs de -la. police de Sûreté
«ont, comme on te sait, porteurs d'une carte
?jui les autorise à requérir l'assistance de la
orce publique pour l'arrestation des délin-
quants.
Cette carte ovale portait jadis d'an cûté
simplement le nom de l'agent, de l'autre un
, oeil symbolique. Cet ornement un peu ridi-
cule a, depuis, disparu, mais, pour le sur-
plus, la carte est restée la même.
! On a fini par s'apercevoir que cette carte
i d'identité avait un grave défaut, celui de
| n'identifier personne.
Le premier venu peut eû faire usage sans
qu'on puisse déceler la fraude. M. Mouquin,
directeur général des recherches, a décidé
de mettre un terme à cet état de choses en
proposant à M. Lépine le remplacement de
la vieille carte ovale par une carte en peau
de cuir rouge qui se plie en deux-
Cette carte portera la photographie de son
titulaire et son signalement anthropométri-
que.
M. Bertillon, qui ne mensurait jusqu'à
présent que les criminels, va être appelé à
opérer sur les agents de la Sûreté.
Ça le changera !
LES ANORMAUX AU REGIMENT
Une intéressante communication a été faite
à ce sujet par M. Abadie à ta Société de mé-
decine légale. Son travail établit que dans
les bataillons d'Afrique les deux tiers de
l'effectif sont des anormaux. Un grand nom-
bre ont débuté par l'alcoolisme. Beaucoup
étaient, avant l'engagement ou l'appel, des
enfants anormaux. Aussi l'auteur de ces ob-
servations conseille-t-il aux familles de ne
jamais faire engager un jeune homme anor-
mal, et c'est malheureusement un cas qui se
présente souvent.
GARDIENNES
Les vols dans les musées suscitent des
projets bizarres.
On sait qu'il fut récemment question de
les faire garder par des chiens- Maintenant
on parle de les faire garder par des femmes
On annonce gu'à la suite d'une pétition
d'un groupe féministe le ministre de l'ins-
truction publique et des beaux-arts vient
d'autoriser les femmes à poser leur candi-
dature aux postes de surveillante des mu-
sées et bibliothèques.
Ajoutons que, dans les milieux officiels,
on se montre un peu sceptique sur l'applica-
tion de cette mesure. Un fonctionnaire du
Louvre a dit à un de nos confrères :
- Voyez-vous des gardiennes en bicorne et
en redingote - comme 'Mme Dieulafoi -
circulant dans les salles. Espère-t-on qu'elles
ferraient peur aux malfaiteurs ?
ORDURES MENAGERES
Les procédés employés jusqu'ici pour la
destruction économique et hygiénique des
ordures ménagères laissent encore à désirer.
M. Dettmar, secrétaire général de l'asso-
ciation allemande des électriciens, propose
de transformer ces détritus en courant élec-
D'aptès les calculs de cet ingénieur, on
récolte chaque jour dans les villes environ
500 grammes d'ordures ménagères par tête
d'habitant. Quand ces immondices ne con-
tiennent pas plus de 60 à 70 0/0 d'eau, elles
sont incinérées sans absorber beaucoup de
chaleur ; au-dessous de cette teneur, elles
en produisent.
Les gadoues représentent donc un char-
bon économique susceptible d'être utilisé
pour actionner des dynamos.
'M. Dettmar estime que les ordures mé-
nagères suffiraient pour alimenter d'électri-
cité un chemin de fer métropolitain dans
les villes de moins de roo.ooo âmes; dans
les cités plus importantes, elles fourniraient
de 50 à 60 p/o de la force motrice néces-
saire- D'autre part, elles permettraient d'é-
clairer, pendant les périodes de moindre
consommation, les villes de deux cent mille
Ames.
Finalement, le prix de revient du courant
électrique serait inférieur d'au moins 50 0/0
au prix de revient obtenu avec la houille.
Lie contenu des t poubelles * servant à
faire marcher le « Métro »!
Mais, au fait, le voilà le moyen d'avoir
les transports économiques et populaires 1
UN METS NOUVEAU
Une nouvelle variété de conserves alimen-
taires va, si nous en croyons Nos Loi tirs,
être offerte à notre gourmandise. Ce sont les
conserves de queues de kangourou,
y ne importante usine australienne de con-
serves alimentaire^ recommande en ces ter-
mes le mets nouveau qu'elle va tenter d in-
troduire sur les marchés d'Europe ;
Le kangourou a été, jusqu'à ce jour, le plus
méconnu des animaux ! Seuls, quelques rare®
gourmets rendaient justice 4 ses mérites et ap-
préciaient comme il convient sa haute valeur
culinaire. Proclamons Jp vérité ! Un rôti de
kangourou fait avec soin est lè plus fin mor-
ceau que l'on puisse déguster. Les énormes
muscles de la queue, en particulier, fournissent
une chai." tendre, d'une saveur exquise, d'un
aspect appétissant, dune préparation tacite, et
qui ferait prendre en dégoût les gibiers les plus
routés et les viandes Gp boucherie, les plus
appréciées.
Un illustre médecin de l'hôpital de Melbourne
attribue à cette chair 4e précieuses vertus théra-
peutiques.
Contrairement à ce qui se produit générale-
ment. la mise en conserves, loin d affaiblir les
qualités de ce mets, les développe d'une façon
remarquais.
Il est évident que. dans ces conditions,
une conclusion s'impose: les auteurs du pros-
pectus ci-dessus la résument en cette formule
impérative :
Mange: des guettes de kangourou l
X
LE CERVIN
On sait qu'il est question d'établir un
chemin de fer à crémaillère peur conduire
les touriste» au sommet - au proche du
sommet - du Cervin, jusqu'ici vierge d'en-
treprises de ce genre. |
Le Cervin est une des rares montagnes de
Suisse qui aient conservé son caractère de
beauté sauvage. j
Aussi la société pour la sauvegarde du
pittoresque a-t-elle lancé une pétition protes-
tant contre ce projet.
Cette pétition a été signée par 67.979 per-
sonnes, dont 64.239 Suisses et 3 740 étran-
gers-
Elle sera remise d'ici peu au conseil fé-
déral.
EDISON
Une dépêche de New-York nous apprend
qu'Edison, qui souffrait d'une tumeur derriè-
re l'oreille, vient d'être opéré.
L'opération a eu lieu avant-hier et elle pa-
raît avoir réussi-
! Un grand mariage.
On a célébré, hier, à midi, en la chapelle
de la cité paroissiale de Saint-Honoré d'Ey-
lau, 66, avenue Malakoff, le mariage de
Mlle Germaine Lesieur, fille de M. Georges
Lesieur, ancien présidnt de la chambre de
commerce de Paris, officier de la Légion
d'honneur, avec M. Pierre Laguionie,, fils
de M. Gustave Laguionie, membre de la
chambre de commerce de Paris, officier de
la Légion d'honneur, directeur des grands
magasins du Printemps.
Les témoins étaient, pour la mariée : M.
Dupuis, maire de Saint-Brice, son grand-
père, et M- Jules Lesieur, son oncle; pour
le marié : M. Henri Dupré, son parrain, et
M. Alfred Grellou, ami de la famille.
La quête a été faite par Mlles Simone
Lesieur, Madeleine Laguionie, Gabrielle
Desmarais, Céline Lancashire, Marie Gran-
gé, Sophie Lancashire, Germaine Rabier,
qu'accompagnaient MM. Paul Morane, Mau-
rice Lesieur, Paul Lesieur, Henri Lesieur,
Philippe de Las Cases, Pierre Dupuis et
Georges Kugelmann.
La maîtrise de la paroisse, sous la direc-
tion de M. Decq, maître de chapelle, s'est
fait entendre pendant la cérémonie et a
exécuté, avec le concours de MM. Jean Re-
der, baryton, et Tisserand, ténor, le Vf ni
Creator de Durand ; Deus Abraham et Ave
Verum, de Théodore Dubois; Mors et vita,
de Gounod ; l'Ave Maria, de Mercadante, et
Tollite, de Saint-Saëns. M- Decq a, de plus,
exécuté au grand orgue le Choeur des Fian-
çailles de Lohengrin et la marche du T art-
nhoeuser-
Une assistance extrêmement nombreuse et
brillante, parmi laquelle on remarquait tou-
tes les notabilités du monde des arts, des
lettres, du commerce et de l'industrie, avait
tenue à apporter ses voeux aux deux jeunes
époux et à leurs familles, tant à la cérémo-
nie religieuse qu'au mariage civil célébré la
veille à la mairie du seizième arrondisse-
ment par M. Landrin, adjoint au maire. Ci-
tons : MM. Jean Dupuy, Chaumié, Jules
Siegfried, Delombre, anciens ministres ;
Peyrot, Poirier, Denoix, de Lais Cases, Goi-
rand, sénateurs; Beau regard et-d^ La Batut,
députés; Chaplain, Jules Lefebvre, Rou-
jon, Dieulafoy, de l'institut ; les généraux
Delànne et Goetschy ; MM. Oudin, Gay,
Bellan, conseillers municipaux; MM. De-
rode et Dubrujeaud, ancien président et pré-
sident, les vice-présidents et de nombreux
membres de la chambre de commerce j Mo-
rel, gouverneur du Crédit Foncier; Mercet,
directeur du Comptoir d'Escompte ; Guer-
naut, Chaumerat-Lamotte. sous-gouverneurs
de la Banque de France ; Dervisme. sous-
directeur du Crédit Lyonnais ; Poivrier,
sous-directeur de la Société Générale ; Lehi-
deux, banquier; plusieurs juges et anciens
présidents du tribunal de commerce ; MM.
Deutsch (de la Meurthe), Fenaille, Pinard,
Klotz, Marcilhacq, Ricori, Fillot, Luoet,
Trezza $ Musella etc. etc.
Après la cérémonie, Mme Georges Lesieur
a reçu dans ses salons de l'avenue du Bois-
de-Boulogne. i ?
Informations*
Le vagabondage spécial
M. Lépine, préfet de police, accompagné
par M. Hamard, chef de la Sûreté, a été
entendu, hier, par la commission chargée
d'examiner le protêt de toi tendant à ré-
primer le vagabondage.
C'est spécialement sur la question du
vagabondage spécial que le préfet de police
a été appelé à fournir des explications. Ce
qu'on entend frapper sous le nom de vaga-
bondage spécial ce sont les agissements
des souteneurs.
M. Lépine a fait connaître les précisions
qu'il désirerait apporter au texte du projet
péur assurer la répression de ces gens
sans aveu
11 accepte les dispositions répressives du
projet dont la commission est saisie et de-
mande même qu'on y apporte quelques ad-
ditions destinées à "assurer la répression
des gens sans aveu et vivant de la prosti-
tution.
Il a en particulier demandé qu'on réta-
blit la contravention commise par les hôte-
liers qui recevaient sciemment des filles
se livrant à la prostitution, il s'agirait de
faire revivre par la loi les dispositions de
l'ordonnance de 1778 visant «ce cas.
Sur La demande de la commission, M.
Lépine a fourni d'intéressants renseigne-
ments sur la colonie de travail à Nanterre.
Il a appuyé très vivement les disposi-
lions déjà votées par la commission 'ten-
dant à établir l'obligation du travail, dans
une colonie de ce genre, pour les vaga-
bonds en élat de récidive.
Actuellement, la colonie de Nanterre ne
contient que des individus y résidant de
plein gré. Il s'agirait d'instituer, a titre
de sanction pénale complémentaire, la dé-
tention dans ces colonies de travail durant
deux années.
M. Hamard a entretenu la commission
du moyen de fixer l'identité des nomades
par la production simultanée de la photo-
graphie et du signalement anthropométri-
que.
La commission a mis à l'étude ces textes.
Hic entendra dans sa prochaine séance le
procureur général et le procureur de la |
République, et MM. Dupuis et André, juges j
au tribunal de la Seine
La Monte monte
' -l'étais allée ce soir-là me promener sur
la digue qui s'avance fière et effilée dans
.l'Océan. Lu mer montait. Les vagues sui-
vantes venaient, à chaque instant nplus hau-
tes, couvrir un coin de plage que les va-
gues précédentes avaient respecté. A cha-
que minute le Ilot montait le long des assi-
ses de pierre de la digue immobile. Comme
une énorme bête qui gonflerait ses flancs et
jetterait sa bave sur un ennemi invisible,
l'Océan se gonflait, écumait, rugissait, mon-
tant à l'assaut du rivage, escaladant les
rochers des falaises ; se retirant en laissant
derrière lui une bave louche et jaunâtre qui
glissait avec un bruit de cascade sur le sa-
ble fin du rivage.
Ea mer montait. On sentait son odeur
marine si puissante envahir do plus en plus
la terre à mesure qu'elle la couvrait, et
porter à chaque minute un peu plus avant la
caresse amère de sa rude haleine. Les bois,
les pierres,les plantes, l'humus des terrains,
tout s'en imprégnait, et comme un souffle
géant qui voûs étreint, le souffle, de la
Grande Bleue enveloppait de plus en plus le
visage de sa conquéte.
La mer montait. Une brise plus forte ve-
nait de là-bas, des lointains perdus de l'ho-
rizon infini, soulevait ma jupe que mes
doigts étaient impuissants à retenir et la
faisaient battre par secousses sur mes bot-
tines à jambières. Malgré la solidité de ma
coiffure, mes cheveux s'échappaient par pe-
tites mèches des peignes qtn les enserraient
et leur frôlement me causait lu sensation
désagréable d'un plumeau tin qu'on m'aurait
passé sur le visage. La-haut, sous le vent
fraîchissant les cordages du sémaphore bat-
taient contre leur hampe blanche et un va-
peur se dirigeait vers l'entrée de la jetée,
capotant à petite vapeur. Il grandissait, à
vue d'oeil, porté par cette mer huilante qui
semblait s'en amuser comme d'une coquille
de noix. On eût dit que sa puissante houle
voulût le jeter pantelant sur la côte traî-
tresse. '
La mer montait. Bientôt elle aurait atteint
la dernière ligne de l'éliage marqué sur les
pierres de la digue. Après, elle redescen-
drait lentement, beaucoup plus lentement
qu'elle n'était montée, semblant se retirer
d'une conquête qui la dégoûtait. Puis elle
remonterait de nouveau plus furieuse à l'as-
saut et cela indéfiniment et sans fin depuis
que le monde est monde.Indéfiniment et sans
fin jusqu'à ce que le monde disparût englou-
tissant la vie qui l'anima, Et moi, misérable
créature d'un jour, Je disparaîtrai aussi
bien plus vile, bien plus tôt, peut-être de-
main, peut-être tout à l'heure. Mais d'au-
tres femmes viendraient comme moi con-
templer sur cette digue la mer montante,
car d'autres femmes naîtraient remplaça"*
celles qui mourraient, Indéfiniment et sans
fin, Indéfiniment el sans fin depuis que le
monde était monde. Indéfiniment et sans fin
jusqu'à ce que le monde disparût engloutis-
sant la vie qui l'anima.
Kt je revins tristement songeuse vers la
ville bruyante où s'agitaient les vies hu-
maines, comme si elles devaient être éter-
nelles. Sur le quai du Bassin, deux ivrognes
faillirent me faire tomber. Bs me dirent une
grossièreté, en passant, me soufflant dans
le visage le hoquet écoeurant de leur gorge
pleine. Je m'enfuis épouvantée et tombai
sur deux filles qui faisaient aux environs de
la gare, les cent pas. Elle me dévisagèrent
effrontément, les yeux lubriques, la lèvre
moqueuse, .te me détournai avec dégoût et
précipitai ma course. Une automobile arri-
vait à toute vitesse. La chance me fit éviter
ses roues caoutchoutées. L'n couple s v pré-
lassait en grande toilette. et profitait iea
ombres grandissantes du soir, pour se don-
ner des aises nue l'9n réserve d'ordinaire à
l'intimité. ' ' m'
Enfin, après mille péripéties que me va-
lut là songerie rêveuse où m avait laissé le
spectacle de la mer montante toujours de-
vant mes yeux, j'arrivai jusqu'à mon domi-
cile où je retrouvai dans ma chambre!le le
calme et le repos dont j'avais besoin.
La nuit avait succédé au jour, une nuit
sereine d'été toute parsemée d'étoiles qui
se miraient dans l'eau claire et somnolente
du fleuve. Le bruit montait des éclats de
rire, des cris, des appels, des jurons, des
pleurs d'enfants et des sifflements des sirè-
nes. La vie continuait et avec elle montait
le vice, montait la passion, montait la mi-
sère, montait la haine, montait l'Ivrognerie,
montait la prostitution, montait l'égoïsme,
montait la souffrance. !" revoyais le» ivro-
gnes, les filles, les riches de tout à l'heure.
Je revoyais tout ce que la vie m avait d^jk
fait connaître de traîtrises, de mensonges,
de tentations, de chutes, de colères, de ja-
lousies, d'envies, d'emportements aveugles,
de déceptions, d'exploitation dès faibles par
les forts. J'entendais les poliliciens du jour
débiter leurs boniments comme 'des pitres
sur des tréteaux et les maîtres de l'heure
cravacher les petits qui osent leur tenir tête,
humiliant ceux qui ne plient pas devant eux
le genou et qui ignorent l'art menteur des
adulations traitresses.
Et devant tant de hontes, tant de faibles-
ses, tant de misères et tant de souffrances
de la pauvre humanité, je sentis une grande
pitié qui me prenait le coeur et me mis ft
pleurer.
CAUSERIES SOCIALES
Ouvrières lingères
Nos lecteurs se souviennent peut-être des
articles que nous avons publiés ici sur les
industries à domicile et les salaires de fa-
mine. Nous ne pouvons mieux illustrer ces
documents que par l'enquête que vient de
publier fOffice du travail, sur le travail à
domicile dans l'industrie de la lingerie.
Les résultats en sont navrants. 510 ou-
vrières, travaillant chez elles à confection-
ner des articles de lingerie : chemises, faux-
cols, linge pour femmes ou enfants, linge
de ménage, etc., ont «Hé interrogées par les
inspecteurs du travail et ont, répondu à un
questionnaire détaillé.
Ces réponses révèlent des misères qu'on
ne soupçonne même pas, des misères affreu-
ses, des misères de braves gens qui peinent
dans des taudis sans nom pour gagner ii
peine de quoi ne pas mourir de faim.
Jetez un coup d'oeil sur ce tableau déses-
pérant. On y a indiqué, pour 217 des ou-
vrières questionnées, - car toutes n'ont
pas répondu sur ce point, - leur gain à
l'heure, EN TRAVAIL COURANT, - cest-à-dire
quand elles ont un travail régulier, ce qui
n'est pas souvent le cas :
Gagnant moins de 5 centimes par heure 4
- de 5 à 10 centimes par heure 51
- de 11 à 15 centimes - 54
- de 10 à 20 centimes - 4>">
- de 21 à 25 centimes - .'i2
- de 26 à 30 centimes -- 1 i
- de 31 à 35 centimes - 7
- de 30 à 40 centimes - . 6
- plus de k) centimes - i
Ainsi, sur ces 817 ouvrières, lé tableau
qui précède montre que 109, soit (Kl tyû, ga-
gnent moins tle trois sous par heure, et que
186, soil 83 O.tfl, gagnent moins de cinq
nous.
Et encore ce tableau renseigne-t-il mal
sur les ouvrières irrégulières de la lingerie :
femmes âgées, malades, très chargées de
famille, celles qui demandent du travail
aux oeuvres d'assistance, bref, les plus mi-
sérables, Ces malheureuses ouvrières ne sa-
vent pas leur gain annuel, et encore moins
leur gain quotidien. Or, ce sont précisé»
ment celles auxquelles une heure de travail
rapporte le moins De sorte que les chiffres
de lamine qu'on a lus plus haut sont encore
inférieurs 4 l'horrible réalité, et que la
proportion des infortunées créatures qui ga-
gnent moins de deux anus par heure esl
supérieure à celle résultant du tableau.
Voici maintenant, pour 360 ouvrières, une
autre statistique indiquant le gain annuel
net de l'ouvrière faisant exclusivement dç
la lingerie à domicile. Ce gain net ob-
tenu en défalquant dû gain les "char-
ges, ek notamment prix du fil et les frais
de transport pour la livraison de l'ouvrage :
GAIN ANNUEL NET
Inférieur à 150 fr, 35 ouvrières
De 151 à 200 fr 17 -
De 201 à 250 fr 41 -
De 251 à 300 fr 47 -
De 301 à 350 fr 47 -
De 351 à 400 fr : 34 -
De 401 à 450 fr » -
De 451 à 500 fr 13 -
De 501 à 600 fr. 45 -
De 601 à 700 fr 29 -
De 701 a 800 fr. 13 -
De 801 à 900 fr 12 -
De 901 à 1.000 fr 4 -
Supérieur à 1.000 fr 10 -
Il résulte de là que 60 0/0 de ces ouvrières
gagnent moins de 400 francs par an, à peu
près un franc par iour. Les ouvrières qui
font du linge de ménage sont parmi celles
qui gagnent le moins ; les lingères pour
femmes et enfants figurent dans les caté-
gories où tes salaires SQÛI moins miséra-
bles.
Il y a lie® de noter que, l'enquête ayant
porté sur les ouvrières occupées par le Ma-
gasin central dé l'Assistance publique, il
a été constaté que 80 pour cent de ces ou-
vrières gagnent moins de 4Û0 francs par
an : mais il faut tenir compte de ce fait
que ces travaux ont un caractère de se-
cours.
Les ouvrières en lingerie, qui ont répon-
du ali questionnaire de l'Office du travail,
devaient indiquer les conditions dans les-
quelles elles sont logées, - elle et leur fa-
mille ; car la plupart de ces pauvres fem-
mes ne sont pas seules, elles ont des en-
fants, parfois même de nombreux enfants..
Les constatations faites sont plus doulou-
reuses encore qu'on ne pouvait *"}. atten-
dre.
Les enquêteurs ont trouvé quatre familles
de cinq personnes, six familles de six per-
sonnes, et une famille de sept personne»
entassées dans un logement d'nne unique
pièce 1 Et quels logements : Il on est qui
mesurent 6 mètres cubes ! On ne s'y peut
tenir droit î Dans une pièce mesurant moins
de 20 mètres cubes, on trouve une ou-
vrière, son mari et deux enfants, une ou-
j vrière, sa fille et l'enfant de celle-ci ; dans
une pièce mesurant moins de 30 mètres
I cubes, on trouve une ouvrière, son man,
! et leurs cinq enfants. C'est à frémir ! 11 n
été constaté que 61 ouvrières en lingerie
habitaient une pièce de moins de 30 mètres
cubes, et 24 de ces taudis étaient habités
par des ménages de trois personnes et plus.
Parmi les nombreux documents cités par
l'Office du travail, nous nous bornerons à
en reproduire deux :
Mme B... est âgée de 32 ans. Elle est
veuve avec cinq enfants. Elle fait des de-
vants de chemise en zéphir, tussor, coton,
percale, toile, dont le piquage lui est paye
de 30 à K) centimes par cent de plis. Elle
a du travail pendant huit mois de l'aimée,
où elle travaille en moyenne dix heures et
gagne 2 fr. T>0. Son gain brut annuel est
te 500 fr., réduit à 450, déduction faite des
fournitures. Elle occupe un logement com-
posé d'une pièce, une petite cuisine, un»
entrée sombre et des cabinets, l'n lit uni-
que ; le soir, on met un matelas par terre.
Le plus jeune enfant a quatre mois et
l'olné dix ans, Mme B..." dit que ses en-
fanta, sauf les deux qui ont le repas du
midi à la cantine scolaire, ne vivent que
de soupe. Pour elle, son repos de midi se
ompose « d'un sou de frites et d'un sou
te pain ». Elle reçoit de diverses institu-
tions charitables environ 300 francs par an,
n argent ou en nature.
lieux soeurs, Agés de 45 et 56 ans, vivent
nsemble. La cadette fait des tabliers de
emme de chambre (travail entièrement ù
la main) ; l'ainée, des tabliers de valet
(à la machine). La duré# du travail, pour
la cadette, est de seize heures en pleine
aison et de douze heures en travail cou-
rant ; en morte-saison (deux mois environ),
le chômage est presque complet. Elle est
gênée dans son travail par une paralysie
intestinale.Elle peut gagner 1 fr.SO par jour
en période normale. Ktle estime quelle
ne travaille guère que 250 jours par an, et
-on salaire net ressortit à îWO francs envi-
ron. La durée du travail pour l'aînée est, fie
dix-neuf heures en pleine saison, et de
douze a quatorze heures en travail couront.
En dix-neuf heures, elle peut faire deux
douzaines, êt, demie de tabliers sans poches
représentant un salaire brut de 2 fr. Trft,
soit une douzaine de tabliers h poches, sa-
laire de 1 fr. 50. Le gain annuel brut est
de 526 fr. 50 ; le gain net de 416 francs.
Le* deux soeur» disposent donc d<£ 7iG fr.
environ. Les dépenses de loyer absorbent
250 francs, l.e chauffa^ représente 80 fr.
environ. Le solde, *586" francs, doit suffire
aux dépensas de ménage ; on voit donc que
les soeurs péuvent disposer pour leur
alimentation et leur entretien de 1 fr. 05 psr
jour. Elles vivent presque exclusivement de
lait et n'en absorbent que de petites quan-
tités. Leurs estomacs se son! habitués au
régime de privations auquel les condamne
enr budget, M elles ne pourraient pins sup-
porter actuellement une alimentation nor-
male, si leurs ressourcés la leur permet-
aient,
Nons n'en finirions pas ai nous voulions
poursuivre cette enquêta", mais ce que nous
n avons cité, suffit à révêler des misère*
insoupçonnées et des dévouements insoup-
çonnables.
Armée et Marina
Retraites d'officiers coloniaux
Cherbourg, 26 février
On assure ici, qu'afin de dégager les
cadres,, une pension de retraite va 'être
offerte par le ministre de la marine à 112
officiers d'infanterie coloniale, ayant plus
de vingt ans de service.
L'ambassade de France en Russie
Le Journal officiel publie, ce mat m, le
décret nommant M. le vice-amiral ïou-
chard. ambassadeur de la République
française à Saint-Pétersbourg
H publie également ta lettre suivante,
que le ministre des affaire» étrangères
h adressée à M. Bompard avant de te
laisser partir pour Saint-Pétersbourg. ou
il va remet Ire ses lettres de rappel.:
Parts, te tn terrier 1»*.
Mon cher ambassadeur
Au moment où prend On la mission, que 10u#
remplissiez a Saint-Pétersbourg, je Uen» « von»
dire que ee n ctt w# regret# que le gou-
vernement de ta République a du vous placer
dans le cadre de la disposition et u: tu est un
agréable devoir de vous témoigner sa satisfac-
tion pour !e* nombreux services que vous n'a-
v« ce*-- rte rendre pendant cinq années au.v
intérêt* français en Russie
Kn attendant qui! soit possiblede vouv appe-
ler un nouveau poste, jai le plaisir de ?vous
«mono* qu'il a été décide. eu conseil de^ mini s»
tien, que vous striez élevé a la dignité ûe grand-
rtft !a Lésion d'honneur.
Cette haute marque d'estime vous est une W«r-
velle preuve de nos sentiments a votre égard.
Veuillez agreér; mon cher ambassadeur, les as-
surances d- ma liante considération et
? .
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