Titre : L'Intransigeant
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1933-07-22
Contributeur : Rochefort, Henri (1831-1913). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32793876w
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 22 juillet 1933 22 juillet 1933
Description : 1933/07/22 (Numéro 19626). 1933/07/22 (Numéro 19626).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7940873
Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol Lc2-3980
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/01/2011
L’INTRANSIGEANT SAMEDI 22 JUILLET 1933
NOS CONTES
‘
' '<
TZjæTi'
Représai lies..,
Mon vieil ami Robert Thévenaz est la
modération personnifiée. Il n’a qu’une
manie, le respect de la liberté des au
tres, à laquelle il n’hésite jamais à sa
crifier la sienne. Ainsi Thévenaz est le
modèle des locataires paisibles. Ou,
plutôt, il l’était, car des circonstances
toutes particulières que je vais vous con
ter ont fait de lui un véritable démon,
une sorte d’ouragan apocalyptique.
Robert Thévenaz habite depuis dix
ans au cinquième étage ,d’un immeuble
de Montmartre. 11 était donc le locataire
le plus tranquille, le plus silencieux, le
plus pénétré de l’inviolabilité des droits
d’autrui. Malheureusement pour lui, le
vieillard paralytique qui s’éteignait dou
cement dans son lit depuis plusieurs an-
■ nées à l’étage supérieur vint à mourir.
Non qu'il eût pour cet honnête voisin
une affection particulière. 11 ne l’avait
jamais vu. Mais ce locataire momifié fut
remplacé à,quelques semaines de là par
une famille nombreuse autant que rugis
sante qui transforma bientôt le sixième
étage en un jardin zoologique déchaîné.
Quatre enfants, le père, la mère et la
bonne composaient ce voisinage supé
rieur, mais, chose extraordinaire, les en
fants tenaient un rôle très effacé dans
l’orchestre, les parties essentielles étant
remplies par le père, la mère et la
bonne.
La bonne, dans ce trio agitato, avait
pour fonction de battre les tnpis*dès six
heures du matin et de casser la vaisselle
à toute heure du jour. Le père et la
mère ne battaient pas les tapis, mais se
battaient entre eux. Et leurs injures
qifils se jetaient véhémentement à la
face, toutes ‘fenêtres ouvertes, descen-.
daient en cascades sonores du sixiènie
rétage - :'au'rez-de-chaussée. Ils choisis
saient de préférence la nuit pour ces
ébats conjugaux
Les- premiers jours, Robert Thévenaz
mit sur le compte de l’emménagement les
inconséquences dont il souffrait cruelle
ment. Résigné, il se passa de dormir.
Mais le vacarme dépassant la durée nor
male d’un emménagement, il s’inquiéta.
Il souffrait d’atroces migraines, résultat
de l’insomnie et de l'énervement. Son
docteur lui conseilla de dormir. Fort de
l’avis de la Faculté, il fit taire ses scru
pules de locataire magnanime et osa une
démarche auprès de son voisin supé
rieur.
Chapeau à la main, respectueux, avec
des déférences craintives et des excuses
préparatoires, le locataire du cinquième
pria son collègue du sixième de respec
ter autant que faire se pouvait son re
pos nocturne.
Le chef de la famille nombreuse laissa
parler son voisin, mais, pénétré’ de sa
supériorité étagère et dédaigneux à
l’égard de tout ce qui s’agitait sous ses
pieds, il proféra ces mots définitifs :
— On voit bien que vous n’avez pas
d’enfants, vous ! Si vous voulez du si
lence, vous n’avez qu’à louer une villa !
Et il ferma brusquement la porte au
nez de Thévenaz, abasourdi.
Un mot suffit parfois pour changer le
cours d’une destinée. Mon ami Robert,
rentré chez lui, sentit la vengeance mor
dre comme d’un froid couteau son cœur.
Sans tarder, il descendit chez la con
cierge qui appréciait ses qualités de’lo
cataire - paisible. Sur-le-champ, il loua
une chambre de bonne qui, précisément,
était libre de la veille et qui se. trouvait
au septième étagé, juste, au-dessus de
la chambre à coucher du chef de la fa
mille nombreuse.
Et les représailles commencèrent.
Robert Thévenaz était musicien et
jouait passablement du piano. Mais son
bail lui interdisant du jouer du piano
nouvelle
üs
La
tenue
de campàg
de I’ armée
>a I I e m a n
. k/vilv will :r
les moins de'2 5 ans
A UJOURD'HUI , nous publions le résultat de notre seconde enquête. C’est la
a jeune fille moderne » que nous avons consultée ; les cinq mêmes ques
tions, que le lecteur verra énoncées ci-après, ont été posées à six jeunes
filles du même âge, mais de milieux très divers, de formation et d’aspiration sou
vent fort différentes. Pour plus de clarté, nous énumérons sous chaque question
les réponses données par les six intéressées, dans l’ordre qui correspond à celui
de leurs noms et qui est le suivant :
II. - La femme
1.
2.
3.
4.
5...
6.
ETES-VOUS POUR L’EMANCI
PATION DE LA FEMME,
ET DANS QUEL SENS ?
v
n
...Oui, mais je ne la crois possible
que progressivement. Je voudrais que
chacun ait scs responsabilités, tout en
reconnaissant comme un fait la supé
riorité intellectuelle de l'homme...
par EDMOND EPARDAUD .
après 23 heures, il acheta un bugle, un
ophicléide et un saxophone, prit posses-i
sion de sa mansarde et, à partir de la l
vingt-troisième heure, se familiarisa
avec les instruments à cuivre. Il avait
pris son parti de dormir, le jour au cin
quième étage et de travailler la nuit au
septième. Il disait qu’il préparait le con-i
cours de la' Garde républicaine.
Ce chahut conscient et organisé eut
pour effet de ramener le calme dans le
ménage d’en-dessous. Tant il est vrai
que rien ne rapproche comme un même
sentiment. Mais les quatre enfants se/ Jç suis pour le développement inlel-
mirent à hurler au son des fanfares noc-flectucl de la femme.'Je voudrais qu'elle
turnes ; le père et la mère se désespérè-\ ait voix au chapitre pour certaines
rent de ne plus être seuls à s’empêcher/ choses. Quant à la voir prendre des
mutuellement de dormir et la bonne, dont f responsabilités, être l'égale absolue de
la chambre était contiguë à la mansarde 1 l'homme, c’est absurde J
infernale, menaça de rendre son tablier., „
Le chef de la famille nombreuse, ap- ' o fc
puyé par quelques voisins également 1 f Je ne suis pas d'avis de donner à
brouillés avec les instruments à cuivre,, j« femme les 'mêmes responsabilités
protesta auprès de la concierge qui , ]V 'à l'homme, car elle est incapable
P r °mit de « faire des observations » à ! d'une humeur aussi régulière que lui.
M. Thevenaz. , Mais je voudrais qu'elle ait voix
Notre ophrcleidiste, entrepris par la consultative sur bien des points.
preposee a la loge, rétorqua que son bail'
lui interdisait de .jouer après la vingt-, 1 4
troisième heure du piano et non des ins- , Pas d > éqalité abso i ue< maü égaHté
blicame. Et Thévenaz décida ^ r„ m .Y cvrai1 1 emporter sur l homme
LUCIENNE ARBOS (21 ans), étudiante en lettres, Maison des Etudiantes.
Mlle COME (19 ans), vendeuse dans un grand magasin, 220, fbg Saint-Martin.
SOLANGE DARDANT (19 ans), vendeuse dans un grand magasin, 37, rue Eugène-
Carrière.
SIMONE MONNIER (19 ans), étudiante en pédagogie. Maison des Etudiantes.
YVONNE NOVIA, artiste dramatique, 24, quai d’Auteuil.
ADRIENNE PECKERT (18 ans), marchande de journaux, 183, boulevard de la Gare.
Le.ministre de la Reicbswehr vient
idc signer un décret modifiant la te-
’mie de la troupe, ou plutôt dotant
|celle-ci d’un nouvel uniforme, dit « de
(campagne ». La tenue actuelle en effet
'est maintenue, telle quelle, et servira
| exclusivement de tenue « de ville »
lou « de sortie ».
OOÔ
Innovation sensationnelle, et pour
ainsi dire révolutionnaire, car elle
bouscule l’esprit de tradition militaire
si jalousement respectée dans l’armée
allemande : la fameuse « botte prus
sienne », le célèbre « Kommiss Stie-
fel » des campagnes de 1860 à 1918, a
vécu.
Elle est remplacée par le soulier
lacé, de coupe et d'aspect semblables
aux godillots du troupier français.
Une courte jambière, de cuir fixée sur
repu
de rem
placer In musique cuivrée par les poids 1
lourds.
A 23 heures, chaque soir, il s’enferma
donc dans sa petite chambre où il avaitV/.v,»!» 4 “ , A t ,
U „1 J lions actuelles. A
entassé boules de fonte, barres d’acier,
poids -de -vingt kilos,- et l’entraînement
intensif s’organisa. 11 affirma qu’il pré-
paTaif les futures .Olympiades -
Le prétexte était assez comique, car
mon ami Robert était efflanqué comme' lV0ÎX prépondérante pour certaines
un vieux cheval d abattoir. Et il avait ■ • - • •
dédain supérieur
toujours professé un
pour tous les sports.
. Du jour où la petite chambre du sep
tième fut transformée en terrain d'en
traînement, la vie devint impossible à
l’étage inférieur. Thévenaz faisait bien,
ce qu’il pouvait pour soulever ses gros 1
poids, mais, ménager de ses forces et se
■souciant assez peu de battre les records
de Rigoulot, il laissait généralement re
tomber sur le parquet les respectables 1
kilos de la boule de fonte, de la barre, ^
d’acier ou des haltères avant le rétablis- '
sentent qui aurait dû normalement les 1
amener à bout de bras. Vers les deux
heures du matin, cela produisait dans
choses : intérieur, enfants, etc... Mal
gré tout, je suis pour le mari prenant
des grandes decisions de la vie.
Je suis pour une plus grande liberté
de la femme, surtout dans les condi-
èanmoins je m'in
cline devant .l'intelligence de l'homme.
' .2 ' . '6 '
Je la trouve souhaitable dans une
certaine mesure ; la femme doit avoir
COMMENT CONCILIEZ-VOUS
LE TRAVAIL AVEC
VOTRE VIE D’INTERIEUR ?
...J'aimerais les concilier autant que
possible. Pourtant si j'avais à choisir,
je crois que je préférerais le travail.
Je veux bien travailler tant que je
appartement du dessous une résonance 1 na urai pas d'enfants. Si j'en ai — et
.m.: -- i ai Ias nnnnrnfpmpnfv rlp mnn mnvi îp
majestueuse qui, répétée de minute en
minute, tenait la famille nombreuse dans
le plus complet éveil. La bonne remit son
tablier, la mère contracta unemialadie
de cœur et le père reçut sur la-tête un
morceau de corniche du plafond qui lui
-fit de sérieuses écorchures.
Un jour, l’homme' du sixième, décidé à
en finir, se présenta, respectueux et cha
peau à la main, chez son voisin :
— Je vous serais bien obligé, dit-il,
de faire un peu moins de bruit ; la nuit
appartient au sommeil, mes quatre en
fants sont à bout de nerfs, ma femme
est fnourante, j’ai reçu un platras suri
la tête et notre bonne nous a quittés...
Robert Thévenaz prit lentement l’atti
tude du tragédien qui va déclamer sa
tiradè et, de ses lèvres méprisantes,
laissa tomber ces mots définitifs :
— Si vous voulez du silence, vous
n’avez qu’à louer une,villa !
Et il ferma la porte sur le voisin stu
péfié. La vengeance était consommée.
Thévenaz s’en tint là. L’autre aussi. Et
la paix redescendit sur Clignancourt.
Dessin de Francis Bernaud.
si les appointements de mon mari le
permettent — je voudrais rester chez
moi. Il est impossible pour une femme
\qui travaille toute la journée dehors
d'élever convenablement ses enfants,
de soigner son intérieur et de garder
son mari à la maison. Peut-être la
demi-journée de travail serait-elle une
solution.
I 3
J'estime que la place de la femme,
une fois mariée, est chez elle. Indis
pensable pour la bonne, éducation des
enfants — qui ne devraient jamais
être confiés à d'autres ni laisses à
eux-mêmes — et pour l'harmonie du
foyer.
Tant que je n'aurai pas plusieurs
enfants, .je tiens à travailler. C’est
l'expression de toute une partie de
moi-même.
J'adore mon intérieur. Néanmoins
j'aime travailler dehors : je ne pour
rais pas rester chez moi toute la jour
née.
6
Il est bien mieux que la femme reste
chez elle si elle en a les moyens. Je
voudrais absolument élever mes gos
ses moi-même, au besoin je sacrifie
rais mon travail pour eux.
QUEL EST VOTRE IDEAL
DANS LA VIE ET QUEL EST,
SELON VOUS,
LE MARI IDEAL ?
...Exercer une activité sociale, une
assistance. Comme mari, un homme
plus âgé que moi, qui serait en com
munion avec moi sur toute chose. •
2
Me marier, fonder un foyer, avoir
des enfants et les élever moi-même.
Comme mçiri, un homme pas spécia
lement beau garçon, mais bien élevé
et sachant prendre les grandes déci
sions de la vie.
Me marier, fonder un foyer, trou
ver une affection que, étant orpheline,
je n'ai jamais eue. Pour mari, un
homme ni beau ni laid, mais grand,
ayant du cœur et capable d'être pour
moi un soutien matériel et moral.
Avoir la pleine expression de ma
personnalité. Peut-être aussi le bon
heur. Comme mari : un homme d'une
moralité parfaite, un ami franc, de la
même éducation que moi.
J’aimerais avoir des enfants, mais
c’est bien long ! Je voudrais avoir un
joli intérieur, y recevoir tous mes
amis, avoir table ouverte. Comme
mari, un homme sympathique, intel
ligent, qui serait amoureux de moi,
bien entendu.
Me marier. Un seul enfant (ma
mère en a eu dix, ça n'est pas drôle !)
Comme mari un homme courageux
(le physique m'est bien égal), gentil
pour moi et mes enfants, ayant assez
de bon sens pour mener la barque.
QUELLE EST, DANS L’ORGA
NISATION ACTUELLE DE LA
SOCIETE, LA CHOSE QUE
VOUS AURIEZ EU LE PLUS
A CŒUR DE VOIR
REFORMER ?
L'enseignement : on est trop inlel-
LES CLES PERDUES
La clé SI, perdue Hier à
Barbés, a été trouvée par M.
Charles-William Dubois, ar
tiste décorateur, demeurant
boulevard du Temple.
Nous .rappelons à la per
sonne qui a trouvé la clé
NI, cachée le 18 à Vichy,
qu’elle doit se présenter,
munie de sa clé, à l’Agence
Hachette, 2, place de l’Hô-
tel-de-Ville, à Vichy.
lectuel. Je voudrais moins d’instruc
tion et plus d'éducation.
2
L'existence légale'de la femme. Il
est inouï de penser « qu’une femme
seule — et il y en a tant actuellement
— n’ait le droit de rien faire.
L’éducation des enfants que
trouve déplorable (les parents leur I
cèdent beaucoup trop). Je voudrais
aussi que les hommes soient plus res
pectueux dans la rue avec les femmes.
Cela empoisonne notre vie !
Meilleure hygiène de l’habitation,
meilleure adaptation de la vie aux
conditions modernes — suppression
des maisons de prostitution.
Je voudrais que les femmes aient
une plus grande liberté et que les
hommes soient moins impatients avec
elles !
On ne devrait pas laisser les femmes
travailler dans les usines : c'est trop
dur (je l'ai fait, j’étais « aux pièces »). (
On devrait aussi apprendre aux hom
mes à estimer davantage les femmes
qui en valent la peine.
LA POLITIQUE
VOÜS INTERESSE-T-ELLE ?
Très objectivement. Les rapports
internationaux seraient ce qui m’inté
resserait le plus. Je suis pour le vote
des femmes, mais plus par principe i
que par conviction.
Aucunement ! Je laisse ce soin à
l'homme. La femme, après une journée
de travail, a autre chose à faire chez
elle que de s'occuper de politique.
Pas le moins du monde 1
La politique ? Elle pourrait être tel
lement mieux... si les politiciens, une
fois « arrivés », pensaient un peu plus
à ceux qu'ils représentent.
Non. Pourtant, avoir dans sa man
che deux ou trois hommes politiques
est piiifois bien utile.
Pas du tout, je ne lis jamais les
journaux. Je ne lis que f’Auto parce
que je fais de la bicyclette.
■ ■ ■ -
L’innovation consiste à pourvoir
cètte vareuse de quatre -poches ; le
col, largement échancré, libère- le
cou et facilite lâ respiration
le côté par'dcux'boùclck 'maintient'le
pantalon serré contre le bas de la
jambe au-dessus de la cheville.
OOO
La tunique actuelle à deux poches
en biais, à pans, et ajustée à la taille,
de traditionnel « Koinigsrock »' est
abandonné pour la vareuse ample à 5
boutons, à quatre poches à soufflets
ict rabat boutonné, à col réversible.
Elle s'inspire dans sa coupe de la
blouse souple portée, par les chemises
Nous avons tenu'à publier intégra
lement les réponses des interviewées,
étant bien entendu que l’enquêteur
ne saurait en aucun cas assumer la
responsabilité de propos qu’il ne fait
que rapporter.
L’enquêteur :
Jean MONTAIGNE.
La nouvelle tenue militaire alle
mande de campagne s’inspire uni
quement des nécessités sportives mi
litaires'; elle est composée de façon .
à faciliter la liberté des mouvements
du tireur dans toutes les positions
brunes de Hitler, et ressemble à la va
reuse du fantassin bfitauniquç.
OOO . «
Conçue uniquement en tenant
compte des « nécessités militaires •»,
la « nouvelle tenue de campagne »
allemande a été l’objet de longues
études et adoptée enfin après des éli
minations ..successives de nombreux
types mis à l’essai dans la troupe
depuis des années.
Le commandement la déclare « con
forme aux exigences de la guerre
moderne ».
OOO
Pratique, elle ne gêne en rien les
mouvements de l’homme, lequel doit
être autant un « sportif »*qu’un « sol-.
dat ». Son étoffe de la classique teinte
felgrau (gris de compagne) n’a été
acceptée par les Services de la Guerre
qu’après maintes expériences. Elle est
très supérieure à celle de l’ancienne
tenue, en imperméabilité, légèreté et
solidité. Elle, présente, en outre, l'a
vantage d’un prix de revient sensible
ment plus faible.
Simple de coupe, facile' à tailler au
patron, sa fabrication en grande série
s’avère rapide et bon -marché : consi
dérations de la plus haute valeur en
temps de guerre *00 il faut produire
vite, sans main-d’oêuvre spécialiséè,
et en quantités importantes."
OOO
Le ministre dé la Reicbswehr, sou
cieux de la ténue militairement cor
recte de ses soldats, interdit le port à
l'extérieur de cette nouvelle tenue
« exclusivement de campagne », réser
vée aux exercices à la caserne et sur
le terrain. Sa coupe sportive, son
négligé apparent, seraient, pense-t-il,
de nature à faciliter le débraillé et à
nuire ainsi à la discipline.
Voilà pourquoi il maintient l’uni
forme actuel comme stricte « tenue de
sortie ». Il donne ainsi à .la fois satis
faction à l'opinion publique alle
mande, gardienne des traditions de
l’ex-armée, et aux exigences imposées
à 1’ « homme de combat » actuel par
la guerre moderne. .„ ... at .
CHARLES ROBERT-DUMAS,
DEMAIN : » i ,
Tribulations
et déboires
du petit inventeur
par Jacques PLONCARD
MOT!
12 3 4 5 6 7 8 9
DONNÉE N- 416
Horizontalement. — 1. Qui produisent
'des substances alimentaires. — 2. Dis
tinct. — 3. Pas ailleurs. Possessif. Ar
ticle d’une langue étrangère. — 4. Fleu-
,ve des Bouches-du-Rhône. Assassiné par
Zamri au siège de Gabaath. — 5. Hu
meur inquiète. — 6. Une des Cyclades.
Unité de travail. — 7. Cinquante et un.
Souvent inaccessible. Petit cours d’eau
du Nord de la France. — 8. Répri
mande. — 9. Criminelle. ' ^
Verticalement. — 1. Oiseaux. — 2.
Equipage. — 3. Excitation. Niable quand
il est mauvais. Pronom. — 4: Eau-de-vie.
Instrument de supplice. — 5. Répétée
plusieurs fois. — 6. Plante fourragère.
Auxiliaire précieux de certains météo
rologues. — 7. .Note. Aire de vent. In
terjection. '— 8. Nommera. — 9. Hiron
delle de mer.
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SOLUTION N» 415
VIII
Yveline, dactylo
Lorsque Roger eut prononcé ce dé
finitif et truculent « Zut pour la pi
pelette ! », la jeune fille n’eut pas le
loisir de protester : le baiser de son
ami lui fermait Ja-bouche. Il faut bien
convenir qu’elle n’avait rien fait pour
l’éviter...
Quand elle se dégagea, elle était
toute r 9 lI ffe. Mais elle n’aurait su dire
si c’était de confusion ou de plaisir..
— Partez vite, maintenant, fit-elle,
et à demain l
Elle adoucit ce congé d’un charmant
sourire, et Roger s’en fut, à toute vi
tesse, le cœur en fête, vers le vaste
immeuble neuf d’Auteuil, où il avait
perché ses pénates.
« Perché » est le mot juste, car le
journaliste gîtait au huitième étage,
■dans une grande pièce abondamment
vitrée, d’où il dominait tout le quar
tier. Autrefois, un tel logement se dé
nommait « Atelier d’artiste ». Dans
le jargon moderne, cela s’appelle un
«.studio ». Roger avait donc un « stu
dio » où il travaillait, lisait mangeait,
dormait, vivait, enfin... Cette pièce
était garnie — ou dégarnie — de fa
çon très moderne. Un divan et un
phonographe composaient l’essentiel
du mobilier, avec un guéridon, une
chaise unique et un appareil télépho
nique. Elle était flanquée d’une assez
belle salle de bains et d’une cuisine
liliputionne, qui complétait le domai
ne du reporter.
Une-vieille personne âgée et qui
avait eu des malheurs venait chaque
jour, en son absence, faire le ménage.
Avec des airs de reine déchue, elle
frottait sans excès le parquet, massa
crait la vaisselle, déplaçait la pous
sière, ravaudait un peu le linge, pré
parait quelque vague ratatouille — du
moins quand « son jeune homme »,
ainsi qu’elle disait, n’était pas en
voyage-de reportage. Lorsqu’il était
absent, elle contentait sa facile cons
cience professionnelle avec un rapide
et léger coup de balai.
Elle ne le voyait guère. Tous deux
échangeait des notes écrites, placées
en.évidence sur la table de la cuisine.
Roger lui laissait des ultimatums de
ce genre : « Mme Fripaux est priée
de ne pas me laisser manquer de lin-,
ge. Dernier avertissement ! » II trou
vait-.le lendemain des réponses de ce
‘style et de cette orthographe : « Les
cancssons de Mossicu ont des troux
hénormes et ses petits jamas sont en
loc. »
Si par hasard il la rencontrait, c’é
tait pour l’entendre gémir-sur ses. re
vers de fortune, magnifier son passé,
et proclamer les mérites éclatants de
feu Fripaux, qui n’aurait jamais per
mis, de son vivant, qu’.elle travaillât
« comme une mercière ». Roge.r sup
posait qu’elle voulait dire « mercenai
re », mais, il .n'avait jamais éclairci cc
point...-
Il arriva, ce jour-là, comme la reine
déchue s’en allait. Elle revint sur ses
pas pour se lamenter sur la mauvaise
mine de monsieur, l’état lamentable
de ses vêtements et déplorer la vie de
polichinelle que mènent les jeunes
gens d’aujourd’hui. Elle commençait
à entamer les louanges de son défunt
« qui, jusqu’à son mariage, n’avait
jamais couru », lorsque Roger l'inter
rompit pour lui confier le soin d’aller
acheter une malle capable de contenir
tout son linge...
Après avoir goûté les délires d’une
toilette minutieuse,, le journaliste s’a
visa qu’il était trois heures de l’après-
midi. La malle était là toute prête à
être enlevée et la veuve Fripaux s’é
tait éclipsée. Roger, dont les paupiè
res étaient lourdes et brûlantes, s’al
longea sur son divan, avec l’idée de
somnoler une heure ou deux...
U faisait nuit quand il s’éveilla. Les
aiguilles phosphorescentes de sa pen
dulette de chevet marquaient une
heure et quart. Sa petite sieste avait
duré plus de dix heures. Il allongeait
la main pour tourner l’interrupteur et.
faire de la lumière, quand il s’arrêta,
.sollicité par une impression bizarre...
Un bruit inusité, une lueur inaccoutu
mée, venant du dehors, changeaient
quelque chose — et il ne savait quoi
— à son atmosphère.
II se leva dans l’ombre, s’approcha
de la large baie vitrée, regarda..
•— Tiens ! le studio voisin est enfin
loué... Et à une fort agréable personne,
ma foi !
La lueur inhabituelle était celle de
la lapipe de « l’agréable personne »; et
le bruit imprévu celui de la machine
à écrire sur laquelle elle travaillait.
— Ma voisine est dactylo ! fit Roger,
poursuivant son soliloque. Ce sera bien
commode quand j’aurai des articles à
recopier.
Avec une complaisance qu’aurait
nettement blâmée la veuve Fripaux, le
jeune homme continua l’examen du
studio de la voisine. Il était, lui aussi,
assez sommairement meublé. L’emmé
nagement devait être tout récent, car
les rideaux n’étaient pas encore posés.
Mais la dactylo ne s’èn souciait guère,
ayant appris prbbablement que le seul
voisin qui pouvait voir ce qui se pas
sait chez elle était parti pour un assez
long voyage...
Elle lova la'tête et resta un instant
immobile, à rêver. Roger put admirer
de grands yeux noirs pleins de feu, un
front intelligent, bien modelé, sous une
épaisse masse de cheveux sombres, un
nez droit, une bouche épaisse et rouge,
un menton ferme. La voisine était déci
dément très belle. Tout imprégné qu’il
lût du baiser de Josette, Roger ne put
pas ne pas faire cette constatation.
Au bout d'un moment, la dactylo
soupira, ce qui eut l'avantage d’attirer
l’attention de l'observateur sur le
buste souple et ferme que moulait la
simple robe de jersey noir. Puis elle
se leva, marcha vers le fond de la
pièce. Roger, de plus en plus intéressé,
remarqua la noblesse de son port et la
grâce de sa démarche. Debout, la
jeune femme était plus belle encore.
L’hannonie de ses proportions, la sou
plesse de sa taille, indiquaient un
corps sans défaut. Il émanait d’elle
une sorte de rayonnement, une séduc
tion éclatante et invincible...
Elle ouvrit une boîte, prit une ciga
rette, chercha vainement une allu
mette ou un briquet, parut contrariée,
haussa scs belles épaules, rejeta la ci
garette inutile, s’approcha de la fenê
tre large et basse qu’elle ouvrit.
La disposition, à angle droit, des
deux appartements, était telle que si
Roger, à son tour, eût ouvert sa haie,
il aurait presque pu toucher sa voi
sine, rien qu’en étendant le bras. Il eut
l’impression d’être attiré par une force
irrésistible, et esquissa le geste. L’in
connue eut un sursaut et un recul.
— N’avez pas peur, madame, fit-il
d'une voix assourdie, .le ne suis que
votre voisin, rentré depuis peu... Et
j’ai des allumettes !
Elle sourit, découvrant, dans l’écrin
pourpre de sa bouche,-des dents blan
ches et fines, mais curieusement
aiguës, et répondit, d’une belle voix
grave et bien timbrée :
— Je n’ai pas- peur. Je n'ai jamais
peur. Mais je croyais vide votre logis,
et votre brusque intervention m’a sur
prise. Quant aux allumettes, je les
accepterai avec plaisir. ’
Roger trembla d’un étrange frisson,
lorsque sa main, pour passer les allu
mettes, frôla légèrement celle de.l’in
connue. Un abîme les séparait — la
profondeur de huit étages — et pour
tant iis étaient tout proches l’un de
'l’autre, puisque leurs doigts venaient
de s’effleurer. Autour d’eux régnait la
nuit, ils étaient seuls à cette heuteur.
Ils planaient. Tout l’immeuble, fenê
tres éteintes, était aveugle et muet.
Paris grouillait de sa, vie nocturne,
très loin, très bas. Les bruits ne mon
taient pas jusquu eux. Il y avait, dans
leur .tête-à-tête quelque chose de mys
térieux, de romanesque et d'imprévu,
qui faisait battre avec violence le cœur
du journaliste.
Il alluma sa lampe et la jeune fem
me aux yeux noirs put le voir à son
tour. Il eut l’impression que sa phy
sionomie ne déplaisait pas. La voisine
posa quelques questions. Il dit son
nom, ce qu'il était. Elle déclara que le
journalisme devait être un métier pas
sionnant. Il en convint, non sans
fierté.
— Quant à moi, dit-'ellc, je suis sim
plement,'comme vous le voyez, sténo
dactylo. Je spis seule au monde. Je
n’avais que ma-mère. Je l’ai perdue il
y a deux mois. La pension qui nous
ifaisait vivre toutes deux s'est éteinte
avec ma pauvre maman. J’ai eu la
chance de trouver du travail, grâce à
ma machine, à ma sténo, et à ma con
naissance’ de l’anglais...
Elle se recueillit. Une mélancolie
voila son beau regard. Roger la con
templait avec une sorte d’avidité. Il
n’osait lui demander comment elle
s’appelait. Il risqua enfin ; .
— Vous avez bien un petit nom ?
Celte bizarre question la fit rire, et
le jeune homme revit les dents acérées
et si blanches, tandis qu’elle répondait
sur un ton plus enjoué :
— Bien sûr, j’ai un petit nom, et
même un grand : Yveline Chartier...
Il répéta : « Yveline » avec une fer- -
veur soudaine, qui l’étonna lpi-même,
et qui la fit rougir. Il se reprocha sévè
rement cette infidélité au souvenir de
Josette. - '
Mais Yveline dit avec bonne hu
meur :
— Et maintenant, mon voisin, je
vous souhaite le bonsoir... J’éteins ma
lampe et je vais inc mettre au lit. Car
demain malin, je prends le train pour
Cannes, où m'envoie ma patronne...
— Cannes ?
— Oui... Je suis chargée de la cor
respondance anglaise et américaine
chez Renée et Renée, la « couturière
bien connue », pour parier comme
vous écrivez, monsieur le journaliste.
Et je suis expédiée pour quelques jours
à la succursale de Cannes...
— Je regrette, dit-il, de perdre si tôt
une si aimable voisine... mais je pars
moi-même incessamment...
Elle eut un drôle de sourire, ferma
sa fenêtre, éteignit...
Quelques instants plus tard, retentit
la sonnerie du téléphone... Roger
s’élança, reconnut la voix grinçante de
Sigismond Fiambard.
Allô ! mon jeune ami, disait cette
voix, j’espère que vous êtes reposé ?...
Venez me prendre à la maison. Faites
de l’essence en chemin. Nous partons...
— Pour ?
— Pour Cannes ; mon bon...
. • (A suivre.)
NOS CONTES
‘
' '<
TZjæTi'
Représai lies..,
Mon vieil ami Robert Thévenaz est la
modération personnifiée. Il n’a qu’une
manie, le respect de la liberté des au
tres, à laquelle il n’hésite jamais à sa
crifier la sienne. Ainsi Thévenaz est le
modèle des locataires paisibles. Ou,
plutôt, il l’était, car des circonstances
toutes particulières que je vais vous con
ter ont fait de lui un véritable démon,
une sorte d’ouragan apocalyptique.
Robert Thévenaz habite depuis dix
ans au cinquième étage ,d’un immeuble
de Montmartre. 11 était donc le locataire
le plus tranquille, le plus silencieux, le
plus pénétré de l’inviolabilité des droits
d’autrui. Malheureusement pour lui, le
vieillard paralytique qui s’éteignait dou
cement dans son lit depuis plusieurs an-
■ nées à l’étage supérieur vint à mourir.
Non qu'il eût pour cet honnête voisin
une affection particulière. 11 ne l’avait
jamais vu. Mais ce locataire momifié fut
remplacé à,quelques semaines de là par
une famille nombreuse autant que rugis
sante qui transforma bientôt le sixième
étage en un jardin zoologique déchaîné.
Quatre enfants, le père, la mère et la
bonne composaient ce voisinage supé
rieur, mais, chose extraordinaire, les en
fants tenaient un rôle très effacé dans
l’orchestre, les parties essentielles étant
remplies par le père, la mère et la
bonne.
La bonne, dans ce trio agitato, avait
pour fonction de battre les tnpis*dès six
heures du matin et de casser la vaisselle
à toute heure du jour. Le père et la
mère ne battaient pas les tapis, mais se
battaient entre eux. Et leurs injures
qifils se jetaient véhémentement à la
face, toutes ‘fenêtres ouvertes, descen-.
daient en cascades sonores du sixiènie
rétage - :'au'rez-de-chaussée. Ils choisis
saient de préférence la nuit pour ces
ébats conjugaux
Les- premiers jours, Robert Thévenaz
mit sur le compte de l’emménagement les
inconséquences dont il souffrait cruelle
ment. Résigné, il se passa de dormir.
Mais le vacarme dépassant la durée nor
male d’un emménagement, il s’inquiéta.
Il souffrait d’atroces migraines, résultat
de l’insomnie et de l'énervement. Son
docteur lui conseilla de dormir. Fort de
l’avis de la Faculté, il fit taire ses scru
pules de locataire magnanime et osa une
démarche auprès de son voisin supé
rieur.
Chapeau à la main, respectueux, avec
des déférences craintives et des excuses
préparatoires, le locataire du cinquième
pria son collègue du sixième de respec
ter autant que faire se pouvait son re
pos nocturne.
Le chef de la famille nombreuse laissa
parler son voisin, mais, pénétré’ de sa
supériorité étagère et dédaigneux à
l’égard de tout ce qui s’agitait sous ses
pieds, il proféra ces mots définitifs :
— On voit bien que vous n’avez pas
d’enfants, vous ! Si vous voulez du si
lence, vous n’avez qu’à louer une villa !
Et il ferma brusquement la porte au
nez de Thévenaz, abasourdi.
Un mot suffit parfois pour changer le
cours d’une destinée. Mon ami Robert,
rentré chez lui, sentit la vengeance mor
dre comme d’un froid couteau son cœur.
Sans tarder, il descendit chez la con
cierge qui appréciait ses qualités de’lo
cataire - paisible. Sur-le-champ, il loua
une chambre de bonne qui, précisément,
était libre de la veille et qui se. trouvait
au septième étagé, juste, au-dessus de
la chambre à coucher du chef de la fa
mille nombreuse.
Et les représailles commencèrent.
Robert Thévenaz était musicien et
jouait passablement du piano. Mais son
bail lui interdisant du jouer du piano
nouvelle
üs
La
tenue
de campàg
de I’ armée
>a I I e m a n
. k/vilv will :r
les moins de'2 5 ans
A UJOURD'HUI , nous publions le résultat de notre seconde enquête. C’est la
a jeune fille moderne » que nous avons consultée ; les cinq mêmes ques
tions, que le lecteur verra énoncées ci-après, ont été posées à six jeunes
filles du même âge, mais de milieux très divers, de formation et d’aspiration sou
vent fort différentes. Pour plus de clarté, nous énumérons sous chaque question
les réponses données par les six intéressées, dans l’ordre qui correspond à celui
de leurs noms et qui est le suivant :
II. - La femme
1.
2.
3.
4.
5...
6.
ETES-VOUS POUR L’EMANCI
PATION DE LA FEMME,
ET DANS QUEL SENS ?
v
n
...Oui, mais je ne la crois possible
que progressivement. Je voudrais que
chacun ait scs responsabilités, tout en
reconnaissant comme un fait la supé
riorité intellectuelle de l'homme...
par EDMOND EPARDAUD .
après 23 heures, il acheta un bugle, un
ophicléide et un saxophone, prit posses-i
sion de sa mansarde et, à partir de la l
vingt-troisième heure, se familiarisa
avec les instruments à cuivre. Il avait
pris son parti de dormir, le jour au cin
quième étage et de travailler la nuit au
septième. Il disait qu’il préparait le con-i
cours de la' Garde républicaine.
Ce chahut conscient et organisé eut
pour effet de ramener le calme dans le
ménage d’en-dessous. Tant il est vrai
que rien ne rapproche comme un même
sentiment. Mais les quatre enfants se/ Jç suis pour le développement inlel-
mirent à hurler au son des fanfares noc-flectucl de la femme.'Je voudrais qu'elle
turnes ; le père et la mère se désespérè-\ ait voix au chapitre pour certaines
rent de ne plus être seuls à s’empêcher/ choses. Quant à la voir prendre des
mutuellement de dormir et la bonne, dont f responsabilités, être l'égale absolue de
la chambre était contiguë à la mansarde 1 l'homme, c’est absurde J
infernale, menaça de rendre son tablier., „
Le chef de la famille nombreuse, ap- ' o fc
puyé par quelques voisins également 1 f Je ne suis pas d'avis de donner à
brouillés avec les instruments à cuivre,, j« femme les 'mêmes responsabilités
protesta auprès de la concierge qui , ]V 'à l'homme, car elle est incapable
P r °mit de « faire des observations » à ! d'une humeur aussi régulière que lui.
M. Thevenaz. , Mais je voudrais qu'elle ait voix
Notre ophrcleidiste, entrepris par la consultative sur bien des points.
preposee a la loge, rétorqua que son bail'
lui interdisait de .jouer après la vingt-, 1 4
troisième heure du piano et non des ins- , Pas d > éqalité abso i ue< maü égaHté
blicame. Et Thévenaz décida ^ r„ m .Y cvrai1 1 emporter sur l homme
LUCIENNE ARBOS (21 ans), étudiante en lettres, Maison des Etudiantes.
Mlle COME (19 ans), vendeuse dans un grand magasin, 220, fbg Saint-Martin.
SOLANGE DARDANT (19 ans), vendeuse dans un grand magasin, 37, rue Eugène-
Carrière.
SIMONE MONNIER (19 ans), étudiante en pédagogie. Maison des Etudiantes.
YVONNE NOVIA, artiste dramatique, 24, quai d’Auteuil.
ADRIENNE PECKERT (18 ans), marchande de journaux, 183, boulevard de la Gare.
Le.ministre de la Reicbswehr vient
idc signer un décret modifiant la te-
’mie de la troupe, ou plutôt dotant
|celle-ci d’un nouvel uniforme, dit « de
(campagne ». La tenue actuelle en effet
'est maintenue, telle quelle, et servira
| exclusivement de tenue « de ville »
lou « de sortie ».
OOÔ
Innovation sensationnelle, et pour
ainsi dire révolutionnaire, car elle
bouscule l’esprit de tradition militaire
si jalousement respectée dans l’armée
allemande : la fameuse « botte prus
sienne », le célèbre « Kommiss Stie-
fel » des campagnes de 1860 à 1918, a
vécu.
Elle est remplacée par le soulier
lacé, de coupe et d'aspect semblables
aux godillots du troupier français.
Une courte jambière, de cuir fixée sur
repu
de rem
placer In musique cuivrée par les poids 1
lourds.
A 23 heures, chaque soir, il s’enferma
donc dans sa petite chambre où il avaitV/.v,»!» 4 “ , A t ,
U „1 J lions actuelles. A
entassé boules de fonte, barres d’acier,
poids -de -vingt kilos,- et l’entraînement
intensif s’organisa. 11 affirma qu’il pré-
paTaif les futures .Olympiades -
Le prétexte était assez comique, car
mon ami Robert était efflanqué comme' lV0ÎX prépondérante pour certaines
un vieux cheval d abattoir. Et il avait ■ • - • •
dédain supérieur
toujours professé un
pour tous les sports.
. Du jour où la petite chambre du sep
tième fut transformée en terrain d'en
traînement, la vie devint impossible à
l’étage inférieur. Thévenaz faisait bien,
ce qu’il pouvait pour soulever ses gros 1
poids, mais, ménager de ses forces et se
■souciant assez peu de battre les records
de Rigoulot, il laissait généralement re
tomber sur le parquet les respectables 1
kilos de la boule de fonte, de la barre, ^
d’acier ou des haltères avant le rétablis- '
sentent qui aurait dû normalement les 1
amener à bout de bras. Vers les deux
heures du matin, cela produisait dans
choses : intérieur, enfants, etc... Mal
gré tout, je suis pour le mari prenant
des grandes decisions de la vie.
Je suis pour une plus grande liberté
de la femme, surtout dans les condi-
èanmoins je m'in
cline devant .l'intelligence de l'homme.
' .2 ' . '6 '
Je la trouve souhaitable dans une
certaine mesure ; la femme doit avoir
COMMENT CONCILIEZ-VOUS
LE TRAVAIL AVEC
VOTRE VIE D’INTERIEUR ?
...J'aimerais les concilier autant que
possible. Pourtant si j'avais à choisir,
je crois que je préférerais le travail.
Je veux bien travailler tant que je
appartement du dessous une résonance 1 na urai pas d'enfants. Si j'en ai — et
.m.: -- i ai Ias nnnnrnfpmpnfv rlp mnn mnvi îp
majestueuse qui, répétée de minute en
minute, tenait la famille nombreuse dans
le plus complet éveil. La bonne remit son
tablier, la mère contracta unemialadie
de cœur et le père reçut sur la-tête un
morceau de corniche du plafond qui lui
-fit de sérieuses écorchures.
Un jour, l’homme' du sixième, décidé à
en finir, se présenta, respectueux et cha
peau à la main, chez son voisin :
— Je vous serais bien obligé, dit-il,
de faire un peu moins de bruit ; la nuit
appartient au sommeil, mes quatre en
fants sont à bout de nerfs, ma femme
est fnourante, j’ai reçu un platras suri
la tête et notre bonne nous a quittés...
Robert Thévenaz prit lentement l’atti
tude du tragédien qui va déclamer sa
tiradè et, de ses lèvres méprisantes,
laissa tomber ces mots définitifs :
— Si vous voulez du silence, vous
n’avez qu’à louer une,villa !
Et il ferma la porte sur le voisin stu
péfié. La vengeance était consommée.
Thévenaz s’en tint là. L’autre aussi. Et
la paix redescendit sur Clignancourt.
Dessin de Francis Bernaud.
si les appointements de mon mari le
permettent — je voudrais rester chez
moi. Il est impossible pour une femme
\qui travaille toute la journée dehors
d'élever convenablement ses enfants,
de soigner son intérieur et de garder
son mari à la maison. Peut-être la
demi-journée de travail serait-elle une
solution.
I 3
J'estime que la place de la femme,
une fois mariée, est chez elle. Indis
pensable pour la bonne, éducation des
enfants — qui ne devraient jamais
être confiés à d'autres ni laisses à
eux-mêmes — et pour l'harmonie du
foyer.
Tant que je n'aurai pas plusieurs
enfants, .je tiens à travailler. C’est
l'expression de toute une partie de
moi-même.
J'adore mon intérieur. Néanmoins
j'aime travailler dehors : je ne pour
rais pas rester chez moi toute la jour
née.
6
Il est bien mieux que la femme reste
chez elle si elle en a les moyens. Je
voudrais absolument élever mes gos
ses moi-même, au besoin je sacrifie
rais mon travail pour eux.
QUEL EST VOTRE IDEAL
DANS LA VIE ET QUEL EST,
SELON VOUS,
LE MARI IDEAL ?
...Exercer une activité sociale, une
assistance. Comme mari, un homme
plus âgé que moi, qui serait en com
munion avec moi sur toute chose. •
2
Me marier, fonder un foyer, avoir
des enfants et les élever moi-même.
Comme mçiri, un homme pas spécia
lement beau garçon, mais bien élevé
et sachant prendre les grandes déci
sions de la vie.
Me marier, fonder un foyer, trou
ver une affection que, étant orpheline,
je n'ai jamais eue. Pour mari, un
homme ni beau ni laid, mais grand,
ayant du cœur et capable d'être pour
moi un soutien matériel et moral.
Avoir la pleine expression de ma
personnalité. Peut-être aussi le bon
heur. Comme mari : un homme d'une
moralité parfaite, un ami franc, de la
même éducation que moi.
J’aimerais avoir des enfants, mais
c’est bien long ! Je voudrais avoir un
joli intérieur, y recevoir tous mes
amis, avoir table ouverte. Comme
mari, un homme sympathique, intel
ligent, qui serait amoureux de moi,
bien entendu.
Me marier. Un seul enfant (ma
mère en a eu dix, ça n'est pas drôle !)
Comme mari un homme courageux
(le physique m'est bien égal), gentil
pour moi et mes enfants, ayant assez
de bon sens pour mener la barque.
QUELLE EST, DANS L’ORGA
NISATION ACTUELLE DE LA
SOCIETE, LA CHOSE QUE
VOUS AURIEZ EU LE PLUS
A CŒUR DE VOIR
REFORMER ?
L'enseignement : on est trop inlel-
LES CLES PERDUES
La clé SI, perdue Hier à
Barbés, a été trouvée par M.
Charles-William Dubois, ar
tiste décorateur, demeurant
boulevard du Temple.
Nous .rappelons à la per
sonne qui a trouvé la clé
NI, cachée le 18 à Vichy,
qu’elle doit se présenter,
munie de sa clé, à l’Agence
Hachette, 2, place de l’Hô-
tel-de-Ville, à Vichy.
lectuel. Je voudrais moins d’instruc
tion et plus d'éducation.
2
L'existence légale'de la femme. Il
est inouï de penser « qu’une femme
seule — et il y en a tant actuellement
— n’ait le droit de rien faire.
L’éducation des enfants que
trouve déplorable (les parents leur I
cèdent beaucoup trop). Je voudrais
aussi que les hommes soient plus res
pectueux dans la rue avec les femmes.
Cela empoisonne notre vie !
Meilleure hygiène de l’habitation,
meilleure adaptation de la vie aux
conditions modernes — suppression
des maisons de prostitution.
Je voudrais que les femmes aient
une plus grande liberté et que les
hommes soient moins impatients avec
elles !
On ne devrait pas laisser les femmes
travailler dans les usines : c'est trop
dur (je l'ai fait, j’étais « aux pièces »). (
On devrait aussi apprendre aux hom
mes à estimer davantage les femmes
qui en valent la peine.
LA POLITIQUE
VOÜS INTERESSE-T-ELLE ?
Très objectivement. Les rapports
internationaux seraient ce qui m’inté
resserait le plus. Je suis pour le vote
des femmes, mais plus par principe i
que par conviction.
Aucunement ! Je laisse ce soin à
l'homme. La femme, après une journée
de travail, a autre chose à faire chez
elle que de s'occuper de politique.
Pas le moins du monde 1
La politique ? Elle pourrait être tel
lement mieux... si les politiciens, une
fois « arrivés », pensaient un peu plus
à ceux qu'ils représentent.
Non. Pourtant, avoir dans sa man
che deux ou trois hommes politiques
est piiifois bien utile.
Pas du tout, je ne lis jamais les
journaux. Je ne lis que f’Auto parce
que je fais de la bicyclette.
■ ■ ■ -
L’innovation consiste à pourvoir
cètte vareuse de quatre -poches ; le
col, largement échancré, libère- le
cou et facilite lâ respiration
le côté par'dcux'boùclck 'maintient'le
pantalon serré contre le bas de la
jambe au-dessus de la cheville.
OOO
La tunique actuelle à deux poches
en biais, à pans, et ajustée à la taille,
de traditionnel « Koinigsrock »' est
abandonné pour la vareuse ample à 5
boutons, à quatre poches à soufflets
ict rabat boutonné, à col réversible.
Elle s'inspire dans sa coupe de la
blouse souple portée, par les chemises
Nous avons tenu'à publier intégra
lement les réponses des interviewées,
étant bien entendu que l’enquêteur
ne saurait en aucun cas assumer la
responsabilité de propos qu’il ne fait
que rapporter.
L’enquêteur :
Jean MONTAIGNE.
La nouvelle tenue militaire alle
mande de campagne s’inspire uni
quement des nécessités sportives mi
litaires'; elle est composée de façon .
à faciliter la liberté des mouvements
du tireur dans toutes les positions
brunes de Hitler, et ressemble à la va
reuse du fantassin bfitauniquç.
OOO . «
Conçue uniquement en tenant
compte des « nécessités militaires •»,
la « nouvelle tenue de campagne »
allemande a été l’objet de longues
études et adoptée enfin après des éli
minations ..successives de nombreux
types mis à l’essai dans la troupe
depuis des années.
Le commandement la déclare « con
forme aux exigences de la guerre
moderne ».
OOO
Pratique, elle ne gêne en rien les
mouvements de l’homme, lequel doit
être autant un « sportif »*qu’un « sol-.
dat ». Son étoffe de la classique teinte
felgrau (gris de compagne) n’a été
acceptée par les Services de la Guerre
qu’après maintes expériences. Elle est
très supérieure à celle de l’ancienne
tenue, en imperméabilité, légèreté et
solidité. Elle, présente, en outre, l'a
vantage d’un prix de revient sensible
ment plus faible.
Simple de coupe, facile' à tailler au
patron, sa fabrication en grande série
s’avère rapide et bon -marché : consi
dérations de la plus haute valeur en
temps de guerre *00 il faut produire
vite, sans main-d’oêuvre spécialiséè,
et en quantités importantes."
OOO
Le ministre dé la Reicbswehr, sou
cieux de la ténue militairement cor
recte de ses soldats, interdit le port à
l'extérieur de cette nouvelle tenue
« exclusivement de campagne », réser
vée aux exercices à la caserne et sur
le terrain. Sa coupe sportive, son
négligé apparent, seraient, pense-t-il,
de nature à faciliter le débraillé et à
nuire ainsi à la discipline.
Voilà pourquoi il maintient l’uni
forme actuel comme stricte « tenue de
sortie ». Il donne ainsi à .la fois satis
faction à l'opinion publique alle
mande, gardienne des traditions de
l’ex-armée, et aux exigences imposées
à 1’ « homme de combat » actuel par
la guerre moderne. .„ ... at .
CHARLES ROBERT-DUMAS,
DEMAIN : » i ,
Tribulations
et déboires
du petit inventeur
par Jacques PLONCARD
MOT!
12 3 4 5 6 7 8 9
DONNÉE N- 416
Horizontalement. — 1. Qui produisent
'des substances alimentaires. — 2. Dis
tinct. — 3. Pas ailleurs. Possessif. Ar
ticle d’une langue étrangère. — 4. Fleu-
,ve des Bouches-du-Rhône. Assassiné par
Zamri au siège de Gabaath. — 5. Hu
meur inquiète. — 6. Une des Cyclades.
Unité de travail. — 7. Cinquante et un.
Souvent inaccessible. Petit cours d’eau
du Nord de la France. — 8. Répri
mande. — 9. Criminelle. ' ^
Verticalement. — 1. Oiseaux. — 2.
Equipage. — 3. Excitation. Niable quand
il est mauvais. Pronom. — 4: Eau-de-vie.
Instrument de supplice. — 5. Répétée
plusieurs fois. — 6. Plante fourragère.
Auxiliaire précieux de certains météo
rologues. — 7. .Note. Aire de vent. In
terjection. '— 8. Nommera. — 9. Hiron
delle de mer.
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SOLUTION N» 415
VIII
Yveline, dactylo
Lorsque Roger eut prononcé ce dé
finitif et truculent « Zut pour la pi
pelette ! », la jeune fille n’eut pas le
loisir de protester : le baiser de son
ami lui fermait Ja-bouche. Il faut bien
convenir qu’elle n’avait rien fait pour
l’éviter...
Quand elle se dégagea, elle était
toute r 9 lI ffe. Mais elle n’aurait su dire
si c’était de confusion ou de plaisir..
— Partez vite, maintenant, fit-elle,
et à demain l
Elle adoucit ce congé d’un charmant
sourire, et Roger s’en fut, à toute vi
tesse, le cœur en fête, vers le vaste
immeuble neuf d’Auteuil, où il avait
perché ses pénates.
« Perché » est le mot juste, car le
journaliste gîtait au huitième étage,
■dans une grande pièce abondamment
vitrée, d’où il dominait tout le quar
tier. Autrefois, un tel logement se dé
nommait « Atelier d’artiste ». Dans
le jargon moderne, cela s’appelle un
«.studio ». Roger avait donc un « stu
dio » où il travaillait, lisait mangeait,
dormait, vivait, enfin... Cette pièce
était garnie — ou dégarnie — de fa
çon très moderne. Un divan et un
phonographe composaient l’essentiel
du mobilier, avec un guéridon, une
chaise unique et un appareil télépho
nique. Elle était flanquée d’une assez
belle salle de bains et d’une cuisine
liliputionne, qui complétait le domai
ne du reporter.
Une-vieille personne âgée et qui
avait eu des malheurs venait chaque
jour, en son absence, faire le ménage.
Avec des airs de reine déchue, elle
frottait sans excès le parquet, massa
crait la vaisselle, déplaçait la pous
sière, ravaudait un peu le linge, pré
parait quelque vague ratatouille — du
moins quand « son jeune homme »,
ainsi qu’elle disait, n’était pas en
voyage-de reportage. Lorsqu’il était
absent, elle contentait sa facile cons
cience professionnelle avec un rapide
et léger coup de balai.
Elle ne le voyait guère. Tous deux
échangeait des notes écrites, placées
en.évidence sur la table de la cuisine.
Roger lui laissait des ultimatums de
ce genre : « Mme Fripaux est priée
de ne pas me laisser manquer de lin-,
ge. Dernier avertissement ! » II trou
vait-.le lendemain des réponses de ce
‘style et de cette orthographe : « Les
cancssons de Mossicu ont des troux
hénormes et ses petits jamas sont en
loc. »
Si par hasard il la rencontrait, c’é
tait pour l’entendre gémir-sur ses. re
vers de fortune, magnifier son passé,
et proclamer les mérites éclatants de
feu Fripaux, qui n’aurait jamais per
mis, de son vivant, qu’.elle travaillât
« comme une mercière ». Roge.r sup
posait qu’elle voulait dire « mercenai
re », mais, il .n'avait jamais éclairci cc
point...-
Il arriva, ce jour-là, comme la reine
déchue s’en allait. Elle revint sur ses
pas pour se lamenter sur la mauvaise
mine de monsieur, l’état lamentable
de ses vêtements et déplorer la vie de
polichinelle que mènent les jeunes
gens d’aujourd’hui. Elle commençait
à entamer les louanges de son défunt
« qui, jusqu’à son mariage, n’avait
jamais couru », lorsque Roger l'inter
rompit pour lui confier le soin d’aller
acheter une malle capable de contenir
tout son linge...
Après avoir goûté les délires d’une
toilette minutieuse,, le journaliste s’a
visa qu’il était trois heures de l’après-
midi. La malle était là toute prête à
être enlevée et la veuve Fripaux s’é
tait éclipsée. Roger, dont les paupiè
res étaient lourdes et brûlantes, s’al
longea sur son divan, avec l’idée de
somnoler une heure ou deux...
U faisait nuit quand il s’éveilla. Les
aiguilles phosphorescentes de sa pen
dulette de chevet marquaient une
heure et quart. Sa petite sieste avait
duré plus de dix heures. Il allongeait
la main pour tourner l’interrupteur et.
faire de la lumière, quand il s’arrêta,
.sollicité par une impression bizarre...
Un bruit inusité, une lueur inaccoutu
mée, venant du dehors, changeaient
quelque chose — et il ne savait quoi
— à son atmosphère.
II se leva dans l’ombre, s’approcha
de la large baie vitrée, regarda..
•— Tiens ! le studio voisin est enfin
loué... Et à une fort agréable personne,
ma foi !
La lueur inhabituelle était celle de
la lapipe de « l’agréable personne »; et
le bruit imprévu celui de la machine
à écrire sur laquelle elle travaillait.
— Ma voisine est dactylo ! fit Roger,
poursuivant son soliloque. Ce sera bien
commode quand j’aurai des articles à
recopier.
Avec une complaisance qu’aurait
nettement blâmée la veuve Fripaux, le
jeune homme continua l’examen du
studio de la voisine. Il était, lui aussi,
assez sommairement meublé. L’emmé
nagement devait être tout récent, car
les rideaux n’étaient pas encore posés.
Mais la dactylo ne s’èn souciait guère,
ayant appris prbbablement que le seul
voisin qui pouvait voir ce qui se pas
sait chez elle était parti pour un assez
long voyage...
Elle lova la'tête et resta un instant
immobile, à rêver. Roger put admirer
de grands yeux noirs pleins de feu, un
front intelligent, bien modelé, sous une
épaisse masse de cheveux sombres, un
nez droit, une bouche épaisse et rouge,
un menton ferme. La voisine était déci
dément très belle. Tout imprégné qu’il
lût du baiser de Josette, Roger ne put
pas ne pas faire cette constatation.
Au bout d'un moment, la dactylo
soupira, ce qui eut l'avantage d’attirer
l’attention de l'observateur sur le
buste souple et ferme que moulait la
simple robe de jersey noir. Puis elle
se leva, marcha vers le fond de la
pièce. Roger, de plus en plus intéressé,
remarqua la noblesse de son port et la
grâce de sa démarche. Debout, la
jeune femme était plus belle encore.
L’hannonie de ses proportions, la sou
plesse de sa taille, indiquaient un
corps sans défaut. Il émanait d’elle
une sorte de rayonnement, une séduc
tion éclatante et invincible...
Elle ouvrit une boîte, prit une ciga
rette, chercha vainement une allu
mette ou un briquet, parut contrariée,
haussa scs belles épaules, rejeta la ci
garette inutile, s’approcha de la fenê
tre large et basse qu’elle ouvrit.
La disposition, à angle droit, des
deux appartements, était telle que si
Roger, à son tour, eût ouvert sa haie,
il aurait presque pu toucher sa voi
sine, rien qu’en étendant le bras. Il eut
l’impression d’être attiré par une force
irrésistible, et esquissa le geste. L’in
connue eut un sursaut et un recul.
— N’avez pas peur, madame, fit-il
d'une voix assourdie, .le ne suis que
votre voisin, rentré depuis peu... Et
j’ai des allumettes !
Elle sourit, découvrant, dans l’écrin
pourpre de sa bouche,-des dents blan
ches et fines, mais curieusement
aiguës, et répondit, d’une belle voix
grave et bien timbrée :
— Je n’ai pas- peur. Je n'ai jamais
peur. Mais je croyais vide votre logis,
et votre brusque intervention m’a sur
prise. Quant aux allumettes, je les
accepterai avec plaisir. ’
Roger trembla d’un étrange frisson,
lorsque sa main, pour passer les allu
mettes, frôla légèrement celle de.l’in
connue. Un abîme les séparait — la
profondeur de huit étages — et pour
tant iis étaient tout proches l’un de
'l’autre, puisque leurs doigts venaient
de s’effleurer. Autour d’eux régnait la
nuit, ils étaient seuls à cette heuteur.
Ils planaient. Tout l’immeuble, fenê
tres éteintes, était aveugle et muet.
Paris grouillait de sa, vie nocturne,
très loin, très bas. Les bruits ne mon
taient pas jusquu eux. Il y avait, dans
leur .tête-à-tête quelque chose de mys
térieux, de romanesque et d'imprévu,
qui faisait battre avec violence le cœur
du journaliste.
Il alluma sa lampe et la jeune fem
me aux yeux noirs put le voir à son
tour. Il eut l’impression que sa phy
sionomie ne déplaisait pas. La voisine
posa quelques questions. Il dit son
nom, ce qu'il était. Elle déclara que le
journalisme devait être un métier pas
sionnant. Il en convint, non sans
fierté.
— Quant à moi, dit-'ellc, je suis sim
plement,'comme vous le voyez, sténo
dactylo. Je spis seule au monde. Je
n’avais que ma-mère. Je l’ai perdue il
y a deux mois. La pension qui nous
ifaisait vivre toutes deux s'est éteinte
avec ma pauvre maman. J’ai eu la
chance de trouver du travail, grâce à
ma machine, à ma sténo, et à ma con
naissance’ de l’anglais...
Elle se recueillit. Une mélancolie
voila son beau regard. Roger la con
templait avec une sorte d’avidité. Il
n’osait lui demander comment elle
s’appelait. Il risqua enfin ; .
— Vous avez bien un petit nom ?
Celte bizarre question la fit rire, et
le jeune homme revit les dents acérées
et si blanches, tandis qu’elle répondait
sur un ton plus enjoué :
— Bien sûr, j’ai un petit nom, et
même un grand : Yveline Chartier...
Il répéta : « Yveline » avec une fer- -
veur soudaine, qui l’étonna lpi-même,
et qui la fit rougir. Il se reprocha sévè
rement cette infidélité au souvenir de
Josette. - '
Mais Yveline dit avec bonne hu
meur :
— Et maintenant, mon voisin, je
vous souhaite le bonsoir... J’éteins ma
lampe et je vais inc mettre au lit. Car
demain malin, je prends le train pour
Cannes, où m'envoie ma patronne...
— Cannes ?
— Oui... Je suis chargée de la cor
respondance anglaise et américaine
chez Renée et Renée, la « couturière
bien connue », pour parier comme
vous écrivez, monsieur le journaliste.
Et je suis expédiée pour quelques jours
à la succursale de Cannes...
— Je regrette, dit-il, de perdre si tôt
une si aimable voisine... mais je pars
moi-même incessamment...
Elle eut un drôle de sourire, ferma
sa fenêtre, éteignit...
Quelques instants plus tard, retentit
la sonnerie du téléphone... Roger
s’élança, reconnut la voix grinçante de
Sigismond Fiambard.
Allô ! mon jeune ami, disait cette
voix, j’espère que vous êtes reposé ?...
Venez me prendre à la maison. Faites
de l’essence en chemin. Nous partons...
— Pour ?
— Pour Cannes ; mon bon...
. • (A suivre.)
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