Titre : La Justice / dir. G. Clemenceau ; réd. Camille Pelletan
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1888-12-06
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 06 décembre 1888 06 décembre 1888
Description : 1888/12/06 (Numéro 3249). 1888/12/06 (Numéro 3249).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/02/2011
Neuvième année, «| N. 3349
Un Numéro : |Q <>⢠Parie et Départementa
Jeudi 6 Décembre 1668
LA JUSTICE
Directeur Politiqut :
6. CLEMENCEAU
ABONNEMENT!
mu C TROIS MOI». 10 fr.
_ < SU MQIB... 20»
m Niannra f Vir w »
Mêerétàlf 4$ k Bédactloa, M. VUILLAUME
UniOWCES ehel MM. DOLLINGSN fila, SÉGUT «4 O.
16, Rus Orange - Batelière, 16
R âC 1UBXAU DU JOURNÀÏ.
Rédacteur en Chef :
CAMILLE PELLETAN
ABONNEMENT!
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§OE MOIS 28»
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M. E. TRÉBUT1EM
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FARCEURS
11 y avait des gêna qui attendaient avec
curiosité la déclaration du comité boulan-
giste central sur la candidature orléa-
niste-cléricale et boulangiste de M. Auf-
fray, ancien rédacteur du Monde et de
la Défense, dans les Ardennes. Nous
avouons que nous n'étions pas parmi les
curieux.
Quelques-uns des camarades de MM.
Milllevoye, Thiébaud et Lenglé ayant
manifesté la velléité de se fâcher si le
comité que M. Boulanger préside accor-
dait manifestement son patronage au
secrétaire des groupes monarchistes de
la Chambre, il était évident qu'un éclat
serait évité.
Ne trouvez-vous pas qu'il manquerait
quelque chose langisme s'il était privé du concours de
MM. Vergoin, Laporte, Michelin et Su-
sini ?
Le comité a donc fait ce qu'il fallait
posr rester intact et pour conserver ses
forces précieuses. Mais il y avait un au-
tre écueil contre lequel il devait se ga-
rer. En restant ouvert à M. Michelin, le
boulangisme avait 4 redouter de se fer-
mer aux monarchistes. Le problème à
résoudre était de ne mécontenter aucun
adhérent.
Le comité a réussi au delà de toute es-
pérance. D'abord, il n'a pas dit un mot
de M. Auffray. « Certaines candidatures
ambiguës «.voilà sous quelle dénomina-
tion générale il faut classer la tentative
électorale du collaborateur de M. Ches-
nelong. « Ambiguë » est bien trouvé.
Voilà un monarchiste avéré, clérical,
dans les moelles, d'une ardeur et d'une
véhémence réactionnaires connues de
tous ceux qui l'ont approché ; il se pro-
clame par surcroît boulangiste, et il a
tellement raison que l'Intransigeant et
la Presse se hâtent de confirmer ce qua-
lificatif. C'est « ambigu », répond le co-
mité du brav' général. Et les soi-disants
républicains qui criaient qu'ils allaient
se tacher, opinent du bonnet et trouvent
la réplique parfaite. Quelle farce l
« Aucun candidat, poursuit le comité,
n'a et n'aura le droit, aux élections par-
tielles ou générales, de se dire candidat
boulangiste, qui n'acceptera pas, nette-
ment la revision pour la République par
une Constituante. » Et la Presse de
s'écrier : « Voilà qui coupe court à tous
les récits fantaisistes des journaux mi-
nistériels,aux interviews inexacts, etc...»
Tandis que l'Intransigeant s'exclame :
Quelle « ferme déclaration » et comme
elle va confondre nos imprudents ca-
lomniateurs !
Maintenant, lisez ce qui suit :
Ainsi, te Comité républicain national ne pa-
tronne aucun candidat dans les élections d?
dimanche...
Dms tes Ardennes, il convient qota lea elec-
teurs prennent nn parti : lapolitique de l'absten-
tion ne sera jamais la nôtre.
Deux candidats affrontent sérieusement la
lutte électorale :
M. Auffray. qui. 80 présente avec un pro-
gramme révisionniste â à cette heure celui ilu
pays âet pour lequel nous eussions hautement
conscille de voter s'il eut fait franchement adhé-
sion à Ut République;
M. Linard, candidat officiel, qui représente la
néfaste politique coloniale do M. Ferry, l'ajour-
nement de toutes les réformes, le déficit finan-
cier et le parti définitivement vaincu des oppor-
tunistes et des tricoteurs.
Les électeurs jugeront!
Le comité, recommande l'abstention.
L'auteur de la note ci-dessus n'en vaut
pas et n'en voudra,jamais. Il est d'avis
qu'en particulier « dans les Ardennes, il
convient que les électeurs prennent nn
parti. » Quel èst celai qu'il leur conseille?
A éux de lire entre les lignes. Aucun
homme doué de bon sens ne s'y trom-
pera.
Et quel est l'auteur de cette note? M.
Georges Laguerre, un des membres prin-
cipaux du comité.
En même temps, M. Boulanger s'ex-
plique avec son Dangeau ordinaire, M.
Chincholle :
C'est ici meme, dans le petit bureau du pre-
mier, qu'il (M. Auffray) a rédigé sa proclama-
tion. Il rae l'a lue. Js lui a tait connaître les
raisons que je vous ai dites tont à l'heure et
qui m'empêchent de lo soutenir. Je reconnais
néanmoins qu'il est supérieur i ses concurrents,
il a l'esprit très nourri, il eitt docteur en droit;
il a été auditeur au conseil d'Etat ; it est trCs
versé dans tout ce qui concerne l'instruction pu-
blique. De plus, il est très honnête. Ccsi un ca-
ractère. On lui tait des misères là-bas.
Voilà comment le comité boulangiste
ne soutient pas la candidature réaction-
naire et cléricale de M. Auffray.
Maintenant, on nous dira que le Gau-
lois boude, qu'il trouve excessif qu'on lui
demande de se déclarer partisan d'une
revision « pour la République ». que les
gages donnés par les réactionnaires de la
Dordogne, de l'Aisne, du Nord, de la
Somme, de la Charente-Inférieure, etc...
méritent plus d'égards. Cette frime ne
trompera que les nigauds.
Ce que dira ou ce que ne dira pas le co
mité où M. Vergoin rayonne et oh M.
Chevillon confond les vils radicaux, est
dénué de portée.
Le fait dominant, patent, éclatant aux
yeux de tons, est là: c'est le pacte entre
tous les ennemis avérés de la Républi-
que et tous les chefs boulangiste» en
vue des luttes électorales. On jettera de
la poudre aux yeux de l'électeur républi-
cain naïf, on lui racontera qu'on n'a d'au-
tre but que la constitution d'une Répu-
blique où M. Rochefort gouverne à cûté
de M. Lenglé et oh M. Naquet marie ses
principesavec ceux de M.Rohert Mitchell.
En même temps on calomniera les répu-
blicains, on travaillera pour les candi-
dats de la nuance de M. Auffray, et on
fera savoir aux populations qu'on n'a
jamais vu d'hommes « honnêtes », d'es-
prits « nourris », de « caractères » com-
parables aux réactionnaires de toutes
couleurs.
â Quel dommage, ajoutera-t-on à
l'occasion qu'ils ne se rallient pas « net-
tement » à la République! â Et la farce
sera complète. Et le tour sera joué.
S. Pichon.
DERNIÈRE HEURE
L,e départ de Léon XIH de Rome. â Le
traité de commerce entre la Suisse et
l'Italie. â La santé de l'empereur d'Alle-
magne. â Les meetings en Belgique. â
L'impôt aur le revenu eu Hollande. â Dé-
pêche des agences.
Dépêches de nos correspondants particuliers :
Vienne, 5 décembre.
Le nonce apostolique, monsignor Galim-
berti, aurait été chargé par Léon XIII de
remercier le prince de Lichstenstein de
l'offre qu'il lui a faite de venir installer la
cour papale à Vaduz, au cas où cette der
nière abandonnerait Rome.
Léon XIII, tout en déclarant qu'il ne songe
point pour le moment à quitter le Vatican»
accepterait cependant volontiers l'offre du:
prince, si l'Italie se trouvait melée à un
conflit européen.
Le nonce Galimberti a remis au prince
de Lichstenstein les insignes en brillants de
l'ordre dô Saint-Grégoire-le-Grand.
Rome, 5 décembre.
Les deux députés, MM- Branca et Luzzati,
chargés par MM. Crispi et Magliani do négo-
cier les bases du nouveau traité de com-
merce entre la Suisse et l'Italie, se sont ré-
cusés,
M. Luzzati a pris pour prétexte de son re-
fus ses occupations personne] les. M. Branca
aurait déclaré qu'il ne saurait accepter une
semblable mission au moment où le gou-
vernement italien impose à sa politique à
l'extérieur une ligne de conduite qu'il
désapprouve.
Berlin, 5 décembre.
A la Bourse, aujourd'hui* circulaient en-
core des rumeurs pessimistes & propos de
l'indisposition de l'empereur. Mais on af-
firme dans les régions les mieux informées
jque ces bruits n'ont aucune raison d'être.
Bruxelles, 5 décembre.
Un correspondant de la Gazette, dans le
Centre, a été appelé devant le juge d'ins-
truction de Charleroi et invité à faire con-
naître les noms des orateurs qui, au meeting
tîe Morlanwelz, ont tenu certains discours.
Ayant refusé de répondre, le correspon-
dant a été condamné à une amende de
100 francs.
Etrange procédure.
La Haye, 5 novembre.
Le conseil communal de Leyde, discute
en ce moment l'établissement d'un impôt
sur le revenu.
La section des finances a accueilli favora
blement le projet qui lui a été soumis.
Dépêches H a va s : ^ ""
Berlin, 5 décembre.
L'empereur, qui a accordé hier une longue
audience au comte Herbert de Bismarck, a l'ait
cette après-midi, & deux heures et demie, une
nouvelle promenade en voiture.
Vienne, 5 décembre.
D'après ta Correspondance politique,' l'empe-
reur d'Autriche aurait reçu, à l'occasion de son
jubilé, outre les télégrammes de félicitations
déjà .connus, ceux du tsar, de la famille du tsar,
de la reine Victoria et du sultan, conçus tous
dans les termes les plus chaleureux ; l'empe-
reur aurait cordialement répondu à. ces témoi-
gnages de sympathie.
La Haye, 5 décembre.
Aujourd'hui, A la Chambre des députés, le
ministre des finances a confirmé la nouvelle de
la signature d'une convention avec ta France,
pour déférer à un arbitrage la question de dé-
limitation de frontière à Surinam et à ia
Guyane,,
La convention sera soumise aux Etats Géné-
raux, après qupi l'arbitre sera désigné.
Madrid, 5 décembre.
Suivant ['Impartial, une crise ministérielle se-
rait inévitable à bref délai.
La Libéral dit que le ministre des financés a
déclaré qu'il donnerait sa démission si, par
suite d'une coalition des dissidents de la majo-
rité et des conservateurs, tes candidats dési-
gnés par le ministre n'étaient pas nommés
membres de la commission du budget.
Rome, 5 décembre.
On assure que le consistoire eàt renvoyé au
mois de mars, par suite de difficultés survenus
avec la France et Ja Russie, à propos de la dé-
signation des évéques.
Le consistoire pour la nomination deB cardi-
naux serait également ajourné.
Cannes, 5 décembre.
Le grand-due Alexis a quitté Cannes aujour-
d'hui à une heure, se rendant à Paria.
Londres, 5 décembre.
Chambre des communes. â Le rapport sur le
budget des dépenses d'Irlande est adopté.
Rome, 5 décembre.
Le maire a soumis ce soir à la junte munici-
pale unë proposition tendant h accorder un em-
placement dans ia ville pour y élever un monu-
ment & Giordano Bruno, à Tondrait même oô il
a été brûlé.
La junte a adopté la proposition sans discus-
sion et a décidé de ia présenter au conseil mu-
nicipal dans sa prochaine séance.
Dépêches de l'Agence libre :
Bruxelles, 5 décembre.
Rien â signaler des centres houillers. On croit
qu'aucune décision ne sera prisé par les mi-
neurs avant ia fin de le semaine.
Trieste, 5 décembre.
La police a fait de nombreuses perquisitions
domiciliaires à la suite desquelles plusieurs
personnes accusées d'irrédentisme ont été mises
en état d'arrestation.
JOURNÉE
COMMISSIONS DIVERSES
Trois des cinq bureaux ayant encore & nom-
mer leurs commissaires pour la commission de
l'impôt du revenu étaient convoqués hier.
Lo premier a élu MM. Dejardins-Verkinder et
Roret ; le deuxième, MM- de Soubeyran et Du-
chés; le troisième, MM. Camescasse et Flou.
Ces-six membres sont opposés au projet Pey-
tral.
Les quatre commissaires restant à élire seront
nommés aujourd'hui,
La commission des poursuites contre M. Wil-
son a décidé, par huit voix contre une et deux
abstentions, qu'il y avait lieu d'autoriser les
poursuites.
M. Hérisson a été nommé rapporteur et dé-
posera son rapport aujourd'hui.
La commission a déclaré qu'il n'y avait pas
lieu d'entendre M. Wilson.
Le débat a porté exclusivement sur le point
de droit que nous avons déjà signalé, à savoir
que M. Wilson ne rentrait dans aucune des ca-
tégories do personnes visées par la loi sur la
presse, et qu'il ne pouvait' dès lors être pour-
suivi, ni comme auteur principal, ni comme
complice. On a même constaté l'existence do
nombreuses irrégularités dans l'assignation.
Mais finalement, la commission, tout en cons-
tatant lo bien fondé des objections juridiques, a
déclaré qu'elle n'avait pas à envisager ces consi-
dérations, et qu'il importait d'autoriser les
poursuites en laissant à la justice ïe soin de
prononcer sur ces difficultés juridiques.
LA GAUCHE RADICALE
La Gauche radicale, réunie hier avant la
séance, s'est occupée des conditions dans les-
quelles va venir devant la Chambre la discus-
sion de la loi militaire.
Elle a donné mandat à son bureau de s'en-
tendre avec les bureaux des autres groupes do
gauche, en vue des mesures à prendre pour
faire aboutir rapidement cette discussion.
Le groupe a décidé qu'un télégramme de con-
doléances serait envoyé, en son nom, à la fa-
mille de son ancien président, M. Dubois, député
de la Côte-d'Or, décédé.
A L'ÉLYSÉE
MM. Déandreis et Vernière, députés, délégués
par leurs collègues de l'Hérault, ont présenté
hier matin MM. Laissas, Matte et Alquié, maire
et conseillers municipaux de Montpellier, à M.
Carnot, président de la République.
Les délégués du conseil municipal de Mont-
pellier ont invité M. le président do la Républi-
que aux fêtes qui auront liou l'année prochaine,
à l'occasion du sixième centenaire de La fonda-
tion de l'Université de cette ville.
M. Carnot a promis d'assister à ces fêles, à
moins qu'il ne se rende a Montpellier avant l'é-
poque fixée.
On annonce que M. Dugué de la Faucon-
nerie a réuni nier soir, à sa table, un cer-
tain nombre de députés de la droite et le
général Boulanger.
LA CHAMBRE
A propos du budget des beaux-arts,
est venue et revenue hier la question du
Mont-Sain t-Michel. C'est un excellent
sujet pour les chroniqueurs d'été. Nous
avons tous fait une chronique sur le
Mont-Saint-Michel, et, pas plus tard que
cette année, j'ai fait comme les camara-
des. J'ai écrit mes cent cinquante lignes.
Selon la tradition, j'ai dit un mot aima-
ble et bien senti a la « belle madame
Poulard », la vraie madame Poulard,
celle qui fait les « bonnes omelettes », les
omelettes bien dorées, sans garniture,
sans fines herbes,, rien qu'avec de l'oeuf.
En vua des prochains débats parlemen-
taires, j'avais demandé quelques ins-
tants d'audience i cette maltresse-femme
qui est,,vraiment admirable, tenant en
main par dessus la broche des volailles
rôties, sous le manteau monumental
d'une cheminée en granit do Jersey, une
magistrale poêle & frire.
Elle m'a fait des confidences culinaires
bien curieuses : quarante omelettes par
jour, â des omelettes de trente oeufs. Co
qui fait trois cent quarante oeufs par
jour. Battre les oeufs de Mme Poulard
c'est une fonction très recherchée. Cette
excellente femme qui n'emploie que l'oeuf
nature m'a donné de très curieux ren-
seignements sur les moeurs des ama-
teurs d'omelette. Si j'y mettais des fines
herbes, m'a-t-elle dit, je n'aurais pas le
même succès. Il y. a beaucoup de clients
qui me quitteraient. Le vrai amateur
d'omelette la mange toujours, même
sans fines herbes. Mais l'amateur in-
décis, l'amateur hésitant, peut se décou-
rager s'il aperçoit des verdures hachées
dans lo jaune de l'oeuf. Nous sommes
obligés de faire l'omelette de concentra-
tion. J'en fais quarante par jour, et
comme vous voyez nous avons toujours
du monde, quoique nous ayons démé-
nagé...
â Ah ! vous avez déménagé ?
â Oui, il est venu s'établir dans notre
ancienne maison un autre Poulard,..
Vous avez bien vu, tout à l'heure... à
l'arrivée? On se dispute des morceaux
de voyageur.
Et dans l'oeil de cette belle hôtesse
brillait tout l'orgueil triomphant de sa
renommée, de sa fondation, de sa gloire,
de cette omelette victorieuse qui se fait
sous l'oeil du passant dans cette confor-
table maison de granit, un Hôtel Conti-
nental nouvellement construit 0& la cui-
sine dorme sur la rue. Car, dit la belle
madame Poulard, je n'ai pas voulu qu'en
npus agrandissant, la maison perdit son
caractère d'auberge. Nos clients sont
habitués à me voir faire l'omelette..,
L'autre Poulard. le concurrent, le Ca-
pulet. comme a dit hier M. Larroumet,
en dit sans doute autant. Mais il est cer-
lain qu'on arrivant au Mont-Saint-Mi-
chel la première question qui se présente,
c'est de savoir chez qui on communiera
sous les espèces de l'omelette. Le conflit
ne cesse que lorsqu'on se réfugie tout en
haut du Mont, dans l'abbaye. Là on re-
trouve le calme qui convient à un pèleri-
nage d'art. L'abbaye est délabrée, j'en
conviens, comme M. Barré et comme M.
Larroumet lui-môme. Mais il est parfai-
tement inutile d'ajouter aux difficultés
de restauration les difficultés qui divi-
sent les restaurateurs.
L'animosité des Poulard aînés et des
Poulard jeunes, qui était réservée à la
chronique, a réussi à faire retentir la
tribune- Les deux maisons ont fourni des
documents dont ona Tait un dossier et le
Parlement s'est trouvé saisi de l'affaire.
Comme on disait au siècle dernier, c'est
beaucoup de bruit pour une omelette au
lard.
Je partage l'avis du docteur Vernhes,
qui a dit hier qu'il y avait un ministra
pour régler cette éternelle question du
Mont-Saint-Michel.
Le Mont-Saint-Michel est délabré, le
parc de Versailles ne l'est pas moins- Je
suis de ceux qui aiment beaucoup Ver-
sailles. Les avenues, le château, le parc,
tout donne une profonde impression his-
torique. Cette ville déserte, à deux pas
de la capitale révolutionnaire, est comme
l'épanouissement suprême d'une épo-
que. On peut y aller avec des sentiments
de regret et d'admiration. On peut y
aller aussi pour réfléchir et penser. De
1871 à 1875, une Assemblée a siégé dans
cette ville-relique sans la moderniser.
Il faut lui conserver son aspect, son
caractère, sa physisionomie. M. Barouil-
le. M. Hubbard ont raison de deman-
der des crédits pour entretenir Trianon,
pour recoller les pierres disjointes de
quelques bassins, comme on. a raison de
demander des crédits pour l'entretien du
Mont-Saint-Michel.
Le budget des cultes. Co budget n'a
pas donné lieu à un grand débat, mais il
a fait naître un vif incident. Sur la ques-
tion do principe M. Gustave Rivet a dé-
claré que le parti républicain repousse-
rait le chapitre 1er, pour indiquer qu'il
est toujours partisan de la séparation
des Eglises et de l'Etat. M. Ferrouillat,
ministre de la justice et des cultes, a
d'ailleurs répondu que le gouvernement
en présentant son projet de loi sur les
associations, avait nettement, indiqué sa
politique en matière religieuse, Le gou-
vernement est pour la séparation, et ce
projet n'a d'autre but que de réaliser une
des mesures préliminaires qui doivent
précéder et préparer la dénonciation du
Concordat.
Cette discussion de principe s'est ter-
minée par le vote suivant. Le chapitre
premier a été voté par 337 voix con-
tre 215.
L'incident s'est produit à propos du
crédit affecté aux évôques et arche-
vêques. Il y a des évechés concorda-
taires : ce sont ceux qui datent du Con-
cordat. Il y a des évêchés non concor-
dataires : ce sont ceux qui ont été créés
à la fin du premier Empire et par la Res-
tauration. M. Labrousse disait: puisque
vous ne dénoncez pas le Concordat, res-
pectêz-le. Ne continuez pas de payer les
évêques qu'il n'a point prévus. Et il
proposait, â vu la vacance de quelques-
uns de ces évêchés, â une réduction île
45,000 francs.
M. Ferrouillat, ministre des cultes, a
combattu cet amendement: L'argument î
vous la connaissez; il se trouve dans
Tartarin de Tarascon ; « Des coups
d'épee, messieurs, pas de coups d'épin-
gle ! »
Le malheur c'est que les coups d'épée
n'arrivent jamais, même k Tarascon. Ls,
théorie de M. Ferrouillat est que tous
ces évêchés non concordataires ont été
créés par des bulles enregistrées et qui
sont autant de petits concordats. Toutes
ces bulles nous ont fait un Concordat
revu, corrigé et « considérablement aug-
menté. » En sorte que d'un côté, l'Etat
aggrave sa situation concordataire, tan-
dis que l'Eglise diminue sans cesse ses
obligations. C'est l'Etat qui fait le jobard
dans le marché.
L'amendement de M. Labroussc a été
repoussé par 250 voix contre 244.
Les ministres députés n'ont pas pris
part au vote, puisqu'ils étaient absents,
et le sénateur Ferrouillat a compris qu'il
devait venir les excuser.
M. Peytral. ministre dos finances, a
profité de l'incident pour déclarer que
ses collègue s et lui n'abandonnaient pas
leurs opinions anciennes et qu'ils en
préparaient le triomphe par des projets
de loi préliminaires.
Le premier de ces projets concerne la
liberté d'association. 11 est déjà déposé.
Les deux autres concernent la . person-
nalité civile et la possession des immeu-
bles appartenant aux associations. M. de
Cassagnac, seul, a trouvé que les décla-
rations de M. Peytral, parlant au nom
du gouvernement, manquaient de net-
teté.
Edouard Durrano.
Il s'est produit, hier soir, un instant
avant que la Chambre ne levât sa séance,
un incident dont il ne restera pas trace au
Journal officiel mais que nous ne pouvons
pas passer sous silence.
On avait remorqué que les déclarations
de MM. Ferrouillat et Peytrai relatives a la
séparation des Eglises et de l'Etat avaient
causé la plus vive irritation sur quelques
bancs du centre.
Aussitôt que M. Paul de Cassagnao fut
descendu de la tribune, M. Laroze s'y pré-
senta. Il tenait un papier à la main,
L'ancien sous-secretaire d'Etat de M. Wal-
deck-Rousseau n'a pas pris la parole. 11 a
échangé quelques mots avec M. le prési-
dent Méline et a immédiatement quitté la
tribune.
Quand, a la sortie de la Chambre, nous
avons demandé & M. Lacuze « quelle tour-
nure i! avait eu l'intention de donner au
débat », M. Laroze nous a répondu :
â Je n'ai pas à le cacher. J'avais l'inten-
tion de déposer un ordre du jour de blâme
contre l'attitude du gouvernement dans le
débat qui a terminé la séance. Mais M. Mé-
line m'ayant fait observer que je n'avais
pas à proposer un ordre do jour, puisqu'il
n'y avait pas d'interpellation, et m'ayant
demandé ensuite si j'avais l'intention de
déposer immédiatement une demande d'in-
terpellation, j'ai répondu que j'avais & con-
sulter mes amis.
On le voit, 11 s'en est fallu de peu qu'une
interpellation importante fût déposée et
peut-etre même discutée hier en l'absence
du président du Conseil, è la fin de la
séance et alors qu'un très grand nombre de
députés avaient oru pouvoir se retirer.
Nous avons cru devoir rapporter cet inci-
dent qui, pour beaucoup de députés, a pu
passer inaperçu et qui permet d'apprécier
l'état d'esprit des modérés.
P. D.
Le Journal officiel publiera aujourd'hui
un décret nommant le contre-amiral de la
Jaille au commandement de la division de
l'Extrême-Orient et des forces navales de
l'Indo-Chine.
ENQUÊTE
Un monarchiste, M. Sevaistre, vient
de faire un étrange rapport sur l'étrange
affaire du chemin de fer de Dakar à
Saint-Louis.
Sur la proposition de MM. Des Ro-
tours et Sevaistre. la Chambre nomme
une commission d'enquête pour exami-
ner ce qui s'était passé. M. Sevaistre
parlait au nom de cette commission.
Jamais on ne s'est contenté à meilleur
marché.
De quoi s'agit-il ? Lo voici. On a voté
h ce chemin de fer colonial, une de ces
bonnes petites garanties qui nous coû-
tent si cher. Seulement ici l'Etat garan-
tissait aux actionnaires un revenu de
6 O/'O, avec 10,000 actions do 500 francs.
Comme les valeurs garanties par l'Etat,
. rapportent à peu près 4 0/0, il était évi-
dent que la valeur vénale des titres
augmenterait aussitôt en proportion de
leur revenu, et que l'action de 500 francs
en vaudrait bien vite (550 au bas mot....
grace à ce que l'on prendrait dans la
poche des contribuables.
Ce traité absurde et coupable fut passé
en 1882. M. des Rotours a voulu savoir
ce qu'était devenu le bénéfice retiré de
cette garantie extrême. Après avoir ob-
tenu de l'Etat ces conditions exorbitan-
tes, les organisateurs de la société pou-
vaient faire de cette prime énorme trois
usages différents.
Ils pouvaient l'attribuer à la société et
au chemin de fer qu'elle exploitait. Une
fois l'Etat mis dedans, c'était ce qu'il y
avait de plus net. Le chemin de fer au-
rait ainsi bénéficié d'une grosse somme
qui aurait pu atténuer son déficit, et par
suite, les sommes scandaleuses qu'on
lui paye chaque année, à titre -de ga-
-antie.
On pouvait aussi émettre les actions i
500 francs : tous les souscripteurs au-
raient bénéficié de la prime. Il me paraît
assez déplorable d'attribuer aux gens
qui ont des économies à placer, un gros
gain aux frais des contribuables. Je
n'aurais donc pas recommandé cette so-
lution.
Mais les organisateurs avaient un parti
plus suspect encore à prendre. C'était de
se répartir entre eux les actions, au prix
de cinq cents francs, et d'empocher en
famille Je profit que leur assurait le
taux scandaleux consenti par le gouver-
nement. C'est ce qu'ils ont fait. Vingt-
sept personnes ont souscrit les dix mille
actions; et ceux qui ont voulu s'en Jé-
faire ont réalisé un joli boni.
Voilà ce qu'a constaté la commission
d'enquête. Et après l'avoir constaté... Elle
s'est fâchée'?... Point du tout. Elle s'est
écriée mais alors, tout a été fort régu- !
lier!... Et M. Sevaistre, l'un des signa- j
taires de la demande d'enquête, et le
rapporteur de l'enquête opérée, saisit
cette occasion pour- présenter tontes ses
excuses à la Compagnie qu'il avait soup-
çonnée I
Il faut citer des extraits de. ce curieux
morceau ;.
« Il n'y a pas eu, à proprement parler,
d'émission lors de la constitution du che-
min de fer de Dakar à Saint-Louis : Ces
actions sont réparties inégalement entre
vingt-sept personnes d 500 francs par
action, conformément à une liste annexée
à lacté de concession et communiquée
au ministre de la marine... » (Ici une
parenthèse : Communiquée au ministre
de la marine, mais cachée à la Chambre)
« et si plus tard certains actionnaires ont
vendu leurs titres À un prix plus élevé
oue le pair, ils n'ont fait que profiter de
ta plus value que CONNAÎT FORCÉMENT A
LEURS ACTIONS LA GARANTIE DE 0 O/O
CONSENTIE PAR L'ÉTAT. »
Voilà qui est bien clair : la plus-value
était forcée ; aussi il n'y a pas eu d'émis-
sion publique ; vingt-sept personnes se
sont réparties inégalement le bénéfice.
Conclusion :
« CETTE PRIME NE PEUT ÊTRE REPRO-
CHÉE A CEUX QUI EN ONT BÉNÉFICIÉ. »
Et le rapporteur, se rappelant qu'il est
le même homme qui a demandé l'en-
quête, leur fait toutes ses excuses.
Ecoutez :
« Pour ce qui concerne le premier point
(celui-là), la commission a acquis la cer-
titude que MM. Léon Sevaistre et des
Rotours ont été induits on erreur par des
énonciations inexactes d'un journal fl-
nancier, et le signataire du présent rap-
port tient à remercier ses collègues de la
commission de lui avoir confié la rédac-
tion de ce rapport et de lui avoir ainsi
permis de rectifier lui-même, layale ment.
l'erreur qu'il avait commise. »
Voilà des remerciements excessifs,
invraisemblables. La Chambre et" Te
public seront probablement d'accord
pour trouver' qu'une spéculation qui
consiste à se faire accorder une garan-
tie de 6 0/0, quand l'intérêt normal
des dettes que l'Etat a faites siennes est
moindre d'un tiers, à s'assurer ainsi une
prime « forcée », d'après le rapporteur;
a ne pas mémo en faire proliter la mau-
vaise affaire qu'on a mise à la charge des
contribuables, et à se répartir ce boni
colossal entre vingt-sept personnes de
bonne volonté... La Chambre et le pu-
blic, dis-je, trouv»ront probablement
qu'une telle spéculation mérite autre
chose que les excuses de ceux qui l'a-
vaient d'abord trouvée répréhensible.
Camille Pelletan.
A DEUX MINISTRES
Oa a distribué hier malin dans 3as rues
de Paris la première livraison d'un ouvrage
qui à pour titre : la Guerre de demain.
L'auteur signe : le oapitaine Danrit. Sous
ce pseudonyme transparent tout îe monde
avait lu îe nom du capitaine Driant. Vin-
transigeant a pris soin de dissiper les der-
niers doutes en annonçant dans son numéro
d'hier que la Guerre de demain est « l'oeuvre
d'un de nos plus brillants officiers, dont le
récent mariage avec la fille d'un général
sur lequel la pairie compte pour les jours
d'épreuve a fiait quelque bruit ».
L'oeuvre est précédée d'une préface de
M. Jules Claretie-
NQUS nous permettrons, à propos de cette
publioation & fracas, de poser deux simples
et précises questions h. MM. les ministres
de la guerre et de l'instruction publique.
Nous demanderons à M. de Freycinet s'il
a donné à M. le capitaine Driant l'autorisa-
tion d'éditer l'oeuvre qui se donnait à tout
venant, hier matin, dans tous les kiosques
de Paris.
Et, au risque d'etre indiscret, nous ose-
rons demander à M. Lockroy ce qu'il pense
de l'attitude de M. Jules Claretie, directeur
de la Comédie-Française et collaborateur
du gendre de M. Boulanger.
A. M.
CHRONIQUE
LES FEMMES AU BARREAU
Au moment où une commission d'initia-
tive parlementaire se prononçait en France
pour la prise en considération du projet de
loi qui accorde aux femmes la faouîté de
voter dans les élections au tribunal de com-
merce, la question des droits de 3a femme
se posait en Belgique sous une autre forme.
Une jeune personne dont la robe était
bourrée de diplômes, â elle est doctoresse
en droit â se présentait devant la oour
d'appel de celte ville pour prêter le ser-
ment professionnel exigé des avocats. Il y
eut un fort tournoi oratoire. Le ministère
public, appuyé sur des textes rancis de
l'an XII, renforcés d'une loi de 1876, préten-
dit que la femme est incapable de pronon-
cer un laïus en justice. ï?a ancien bâton-
nier, Guillery, qui. se présentait pour
Mlle Popelin, a naturellement soutenu la
thèse contraire. La cause est en délibéré.
II serait tout-à-fait regrettable que la doc-
toresse belge ne sortît pas vainqueur de ce
combat dont un rabat est le prix, et duns le
cas où eïîe viendrait à triompher, son exem-
ple serait sans nJil doute suivi en France.Ce
qui est extraordinaire, c'est qu'il ne se soit
pas encore trouvé de ce côté-ci de l'Escaut.
une femme qui ait eu la même idée que
Mlle Marie Popelin. S'il est au monde une
carrière pour laquelle le sexe volubile et
parlotteur illustré par Lysistrate semble
prédestiné, c'est évidemment celle du bar-
reau. Nous avons eu plus d'une fois l'occa-
sion de demander qu'on supprime le cos-
tume carnavalesque dont la corporation
s'affuble d'un bout de l'année à l'autre, ves-
tige oublié des régimes anciens, mais il
nous est impossible cependant de nier que
la robe ne soit un symbole. Rien ne rap-
pelle plus étroitement le tempérament fé-
minin que celui de l'avocat, toujours prôt à
parler sans la moindre preparation sur les
choses qu'il ignore le plus, masquant sous
l'incontinence des périodes et le flux des
moW le vide des arguments et de la pen-
sée, indifférent aux principes et aux thèses,
peu soucieux d'avoir tort pourvu qu'on lui
donne raison. U semble que îa femme
soit l'orateur idéal pour côtoyer une ques-
tion sans la discuter jamais, pour prendra
l'offensive lorsqu'il n'existe aucun argu-
ment valable en faveur de la défense, pour
plaider avec une verve égale lo pour et. le
contre, le juste et l'injuste, le vraisembla-
ble et l'absurde. Quand une cause aura été
trouvée implaidable par un avocatâ il n'est
pas sans exemple, quelqu'exorbitant que
cela puisse paraître, que le cas se soit pré-
senté une ou deux fois par siècle â il se
trouvera dix femmes pour une qui s'em-
presseront de l'accepter, et qui la gagne-
ront.
Car c'est là l'argument capital en faveur
de la réforme qui est en train de s'accom-
plir, ces dames auront un succès énorme,
et les vieux routiniers de la magistrature,
qui dorment aux plaidoyers soporeux des
Chicaneau obèses, écouteront avec tous
leurs yeux les défenseurs en jupons. La
partie finira même par devenir trop iné-
gale entre l'homme aux favoris en nageoi-
res, au profil lippu, dont l'éloquence be-
donne et l'orateur en jersey ou en polo-
naise, ayee une toque de loutre sur ses
Un Numéro : |Q <>⢠Parie et Départementa
Jeudi 6 Décembre 1668
LA JUSTICE
Directeur Politiqut :
6. CLEMENCEAU
ABONNEMENT!
mu C TROIS MOI». 10 fr.
_ < SU MQIB... 20»
m Niannra f Vir w »
Mêerétàlf 4$ k Bédactloa, M. VUILLAUME
UniOWCES ehel MM. DOLLINGSN fila, SÉGUT «4 O.
16, Rus Orange - Batelière, 16
R âC 1UBXAU DU JOURNÀÏ.
Rédacteur en Chef :
CAMILLE PELLETAN
ABONNEMENT!
( T»0I« KOtS «â¢*⢣⢻* 1»
§OE MOIS 28»
( Ujf AN...,, y ,#i U â¢
êtnmm l« mulata à l'Admiiiilwtw
M. E. TRÉBUT1EM
M», mm «U F*ttbour* - Mofttauueim, â#
FARCEURS
11 y avait des gêna qui attendaient avec
curiosité la déclaration du comité boulan-
giste central sur la candidature orléa-
niste-cléricale et boulangiste de M. Auf-
fray, ancien rédacteur du Monde et de
la Défense, dans les Ardennes. Nous
avouons que nous n'étions pas parmi les
curieux.
Quelques-uns des camarades de MM.
Milllevoye, Thiébaud et Lenglé ayant
manifesté la velléité de se fâcher si le
comité que M. Boulanger préside accor-
dait manifestement son patronage au
secrétaire des groupes monarchistes de
la Chambre, il était évident qu'un éclat
serait évité.
Ne trouvez-vous pas qu'il manquerait
quelque chose
MM. Vergoin, Laporte, Michelin et Su-
sini ?
Le comité a donc fait ce qu'il fallait
posr rester intact et pour conserver ses
forces précieuses. Mais il y avait un au-
tre écueil contre lequel il devait se ga-
rer. En restant ouvert à M. Michelin, le
boulangisme avait 4 redouter de se fer-
mer aux monarchistes. Le problème à
résoudre était de ne mécontenter aucun
adhérent.
Le comité a réussi au delà de toute es-
pérance. D'abord, il n'a pas dit un mot
de M. Auffray. « Certaines candidatures
ambiguës «.voilà sous quelle dénomina-
tion générale il faut classer la tentative
électorale du collaborateur de M. Ches-
nelong. « Ambiguë » est bien trouvé.
Voilà un monarchiste avéré, clérical,
dans les moelles, d'une ardeur et d'une
véhémence réactionnaires connues de
tous ceux qui l'ont approché ; il se pro-
clame par surcroît boulangiste, et il a
tellement raison que l'Intransigeant et
la Presse se hâtent de confirmer ce qua-
lificatif. C'est « ambigu », répond le co-
mité du brav' général. Et les soi-disants
républicains qui criaient qu'ils allaient
se tacher, opinent du bonnet et trouvent
la réplique parfaite. Quelle farce l
« Aucun candidat, poursuit le comité,
n'a et n'aura le droit, aux élections par-
tielles ou générales, de se dire candidat
boulangiste, qui n'acceptera pas, nette-
ment la revision pour la République par
une Constituante. » Et la Presse de
s'écrier : « Voilà qui coupe court à tous
les récits fantaisistes des journaux mi-
nistériels,aux interviews inexacts, etc...»
Tandis que l'Intransigeant s'exclame :
Quelle « ferme déclaration » et comme
elle va confondre nos imprudents ca-
lomniateurs !
Maintenant, lisez ce qui suit :
Ainsi, te Comité républicain national ne pa-
tronne aucun candidat dans les élections d?
dimanche...
Dms tes Ardennes, il convient qota lea elec-
teurs prennent nn parti : lapolitique de l'absten-
tion ne sera jamais la nôtre.
Deux candidats affrontent sérieusement la
lutte électorale :
M. Auffray. qui. 80 présente avec un pro-
gramme révisionniste â à cette heure celui ilu
pays âet pour lequel nous eussions hautement
conscille de voter s'il eut fait franchement adhé-
sion à Ut République;
M. Linard, candidat officiel, qui représente la
néfaste politique coloniale do M. Ferry, l'ajour-
nement de toutes les réformes, le déficit finan-
cier et le parti définitivement vaincu des oppor-
tunistes et des tricoteurs.
Les électeurs jugeront!
Le comité, recommande l'abstention.
L'auteur de la note ci-dessus n'en vaut
pas et n'en voudra,jamais. Il est d'avis
qu'en particulier « dans les Ardennes, il
convient que les électeurs prennent nn
parti. » Quel èst celai qu'il leur conseille?
A éux de lire entre les lignes. Aucun
homme doué de bon sens ne s'y trom-
pera.
Et quel est l'auteur de cette note? M.
Georges Laguerre, un des membres prin-
cipaux du comité.
En même temps, M. Boulanger s'ex-
plique avec son Dangeau ordinaire, M.
Chincholle :
C'est ici meme, dans le petit bureau du pre-
mier, qu'il (M. Auffray) a rédigé sa proclama-
tion. Il rae l'a lue. Js lui a tait connaître les
raisons que je vous ai dites tont à l'heure et
qui m'empêchent de lo soutenir. Je reconnais
néanmoins qu'il est supérieur i ses concurrents,
il a l'esprit très nourri, il eitt docteur en droit;
il a été auditeur au conseil d'Etat ; it est trCs
versé dans tout ce qui concerne l'instruction pu-
blique. De plus, il est très honnête. Ccsi un ca-
ractère. On lui tait des misères là-bas.
Voilà comment le comité boulangiste
ne soutient pas la candidature réaction-
naire et cléricale de M. Auffray.
Maintenant, on nous dira que le Gau-
lois boude, qu'il trouve excessif qu'on lui
demande de se déclarer partisan d'une
revision « pour la République ». que les
gages donnés par les réactionnaires de la
Dordogne, de l'Aisne, du Nord, de la
Somme, de la Charente-Inférieure, etc...
méritent plus d'égards. Cette frime ne
trompera que les nigauds.
Ce que dira ou ce que ne dira pas le co
mité où M. Vergoin rayonne et oh M.
Chevillon confond les vils radicaux, est
dénué de portée.
Le fait dominant, patent, éclatant aux
yeux de tons, est là: c'est le pacte entre
tous les ennemis avérés de la Républi-
que et tous les chefs boulangiste» en
vue des luttes électorales. On jettera de
la poudre aux yeux de l'électeur républi-
cain naïf, on lui racontera qu'on n'a d'au-
tre but que la constitution d'une Répu-
blique où M. Rochefort gouverne à cûté
de M. Lenglé et oh M. Naquet marie ses
principesavec ceux de M.Rohert Mitchell.
En même temps on calomniera les répu-
blicains, on travaillera pour les candi-
dats de la nuance de M. Auffray, et on
fera savoir aux populations qu'on n'a
jamais vu d'hommes « honnêtes », d'es-
prits « nourris », de « caractères » com-
parables aux réactionnaires de toutes
couleurs.
â Quel dommage, ajoutera-t-on à
l'occasion qu'ils ne se rallient pas « net-
tement » à la République! â Et la farce
sera complète. Et le tour sera joué.
S. Pichon.
DERNIÈRE HEURE
L,e départ de Léon XIH de Rome. â Le
traité de commerce entre la Suisse et
l'Italie. â La santé de l'empereur d'Alle-
magne. â Les meetings en Belgique. â
L'impôt aur le revenu eu Hollande. â Dé-
pêche des agences.
Dépêches de nos correspondants particuliers :
Vienne, 5 décembre.
Le nonce apostolique, monsignor Galim-
berti, aurait été chargé par Léon XIII de
remercier le prince de Lichstenstein de
l'offre qu'il lui a faite de venir installer la
cour papale à Vaduz, au cas où cette der
nière abandonnerait Rome.
Léon XIII, tout en déclarant qu'il ne songe
point pour le moment à quitter le Vatican»
accepterait cependant volontiers l'offre du:
prince, si l'Italie se trouvait melée à un
conflit européen.
Le nonce Galimberti a remis au prince
de Lichstenstein les insignes en brillants de
l'ordre dô Saint-Grégoire-le-Grand.
Rome, 5 décembre.
Les deux députés, MM- Branca et Luzzati,
chargés par MM. Crispi et Magliani do négo-
cier les bases du nouveau traité de com-
merce entre la Suisse et l'Italie, se sont ré-
cusés,
M. Luzzati a pris pour prétexte de son re-
fus ses occupations personne] les. M. Branca
aurait déclaré qu'il ne saurait accepter une
semblable mission au moment où le gou-
vernement italien impose à sa politique à
l'extérieur une ligne de conduite qu'il
désapprouve.
Berlin, 5 décembre.
A la Bourse, aujourd'hui* circulaient en-
core des rumeurs pessimistes & propos de
l'indisposition de l'empereur. Mais on af-
firme dans les régions les mieux informées
jque ces bruits n'ont aucune raison d'être.
Bruxelles, 5 décembre.
Un correspondant de la Gazette, dans le
Centre, a été appelé devant le juge d'ins-
truction de Charleroi et invité à faire con-
naître les noms des orateurs qui, au meeting
tîe Morlanwelz, ont tenu certains discours.
Ayant refusé de répondre, le correspon-
dant a été condamné à une amende de
100 francs.
Etrange procédure.
La Haye, 5 novembre.
Le conseil communal de Leyde, discute
en ce moment l'établissement d'un impôt
sur le revenu.
La section des finances a accueilli favora
blement le projet qui lui a été soumis.
Dépêches H a va s : ^ ""
Berlin, 5 décembre.
L'empereur, qui a accordé hier une longue
audience au comte Herbert de Bismarck, a l'ait
cette après-midi, & deux heures et demie, une
nouvelle promenade en voiture.
Vienne, 5 décembre.
D'après ta Correspondance politique,' l'empe-
reur d'Autriche aurait reçu, à l'occasion de son
jubilé, outre les télégrammes de félicitations
déjà .connus, ceux du tsar, de la famille du tsar,
de la reine Victoria et du sultan, conçus tous
dans les termes les plus chaleureux ; l'empe-
reur aurait cordialement répondu à. ces témoi-
gnages de sympathie.
La Haye, 5 décembre.
Aujourd'hui, A la Chambre des députés, le
ministre des finances a confirmé la nouvelle de
la signature d'une convention avec ta France,
pour déférer à un arbitrage la question de dé-
limitation de frontière à Surinam et à ia
Guyane,,
La convention sera soumise aux Etats Géné-
raux, après qupi l'arbitre sera désigné.
Madrid, 5 décembre.
Suivant ['Impartial, une crise ministérielle se-
rait inévitable à bref délai.
La Libéral dit que le ministre des financés a
déclaré qu'il donnerait sa démission si, par
suite d'une coalition des dissidents de la majo-
rité et des conservateurs, tes candidats dési-
gnés par le ministre n'étaient pas nommés
membres de la commission du budget.
Rome, 5 décembre.
On assure que le consistoire eàt renvoyé au
mois de mars, par suite de difficultés survenus
avec la France et Ja Russie, à propos de la dé-
signation des évéques.
Le consistoire pour la nomination deB cardi-
naux serait également ajourné.
Cannes, 5 décembre.
Le grand-due Alexis a quitté Cannes aujour-
d'hui à une heure, se rendant à Paria.
Londres, 5 décembre.
Chambre des communes. â Le rapport sur le
budget des dépenses d'Irlande est adopté.
Rome, 5 décembre.
Le maire a soumis ce soir à la junte munici-
pale unë proposition tendant h accorder un em-
placement dans ia ville pour y élever un monu-
ment & Giordano Bruno, à Tondrait même oô il
a été brûlé.
La junte a adopté la proposition sans discus-
sion et a décidé de ia présenter au conseil mu-
nicipal dans sa prochaine séance.
Dépêches de l'Agence libre :
Bruxelles, 5 décembre.
Rien â signaler des centres houillers. On croit
qu'aucune décision ne sera prisé par les mi-
neurs avant ia fin de le semaine.
Trieste, 5 décembre.
La police a fait de nombreuses perquisitions
domiciliaires à la suite desquelles plusieurs
personnes accusées d'irrédentisme ont été mises
en état d'arrestation.
JOURNÉE
COMMISSIONS DIVERSES
Trois des cinq bureaux ayant encore & nom-
mer leurs commissaires pour la commission de
l'impôt du revenu étaient convoqués hier.
Lo premier a élu MM. Dejardins-Verkinder et
Roret ; le deuxième, MM- de Soubeyran et Du-
chés; le troisième, MM. Camescasse et Flou.
Ces-six membres sont opposés au projet Pey-
tral.
Les quatre commissaires restant à élire seront
nommés aujourd'hui,
La commission des poursuites contre M. Wil-
son a décidé, par huit voix contre une et deux
abstentions, qu'il y avait lieu d'autoriser les
poursuites.
M. Hérisson a été nommé rapporteur et dé-
posera son rapport aujourd'hui.
La commission a déclaré qu'il n'y avait pas
lieu d'entendre M. Wilson.
Le débat a porté exclusivement sur le point
de droit que nous avons déjà signalé, à savoir
que M. Wilson ne rentrait dans aucune des ca-
tégories do personnes visées par la loi sur la
presse, et qu'il ne pouvait' dès lors être pour-
suivi, ni comme auteur principal, ni comme
complice. On a même constaté l'existence do
nombreuses irrégularités dans l'assignation.
Mais finalement, la commission, tout en cons-
tatant lo bien fondé des objections juridiques, a
déclaré qu'elle n'avait pas à envisager ces consi-
dérations, et qu'il importait d'autoriser les
poursuites en laissant à la justice ïe soin de
prononcer sur ces difficultés juridiques.
LA GAUCHE RADICALE
La Gauche radicale, réunie hier avant la
séance, s'est occupée des conditions dans les-
quelles va venir devant la Chambre la discus-
sion de la loi militaire.
Elle a donné mandat à son bureau de s'en-
tendre avec les bureaux des autres groupes do
gauche, en vue des mesures à prendre pour
faire aboutir rapidement cette discussion.
Le groupe a décidé qu'un télégramme de con-
doléances serait envoyé, en son nom, à la fa-
mille de son ancien président, M. Dubois, député
de la Côte-d'Or, décédé.
A L'ÉLYSÉE
MM. Déandreis et Vernière, députés, délégués
par leurs collègues de l'Hérault, ont présenté
hier matin MM. Laissas, Matte et Alquié, maire
et conseillers municipaux de Montpellier, à M.
Carnot, président de la République.
Les délégués du conseil municipal de Mont-
pellier ont invité M. le président do la Républi-
que aux fêtes qui auront liou l'année prochaine,
à l'occasion du sixième centenaire de La fonda-
tion de l'Université de cette ville.
M. Carnot a promis d'assister à ces fêles, à
moins qu'il ne se rende a Montpellier avant l'é-
poque fixée.
On annonce que M. Dugué de la Faucon-
nerie a réuni nier soir, à sa table, un cer-
tain nombre de députés de la droite et le
général Boulanger.
LA CHAMBRE
A propos du budget des beaux-arts,
est venue et revenue hier la question du
Mont-Sain t-Michel. C'est un excellent
sujet pour les chroniqueurs d'été. Nous
avons tous fait une chronique sur le
Mont-Saint-Michel, et, pas plus tard que
cette année, j'ai fait comme les camara-
des. J'ai écrit mes cent cinquante lignes.
Selon la tradition, j'ai dit un mot aima-
ble et bien senti a la « belle madame
Poulard », la vraie madame Poulard,
celle qui fait les « bonnes omelettes », les
omelettes bien dorées, sans garniture,
sans fines herbes,, rien qu'avec de l'oeuf.
En vua des prochains débats parlemen-
taires, j'avais demandé quelques ins-
tants d'audience i cette maltresse-femme
qui est,,vraiment admirable, tenant en
main par dessus la broche des volailles
rôties, sous le manteau monumental
d'une cheminée en granit do Jersey, une
magistrale poêle & frire.
Elle m'a fait des confidences culinaires
bien curieuses : quarante omelettes par
jour, â des omelettes de trente oeufs. Co
qui fait trois cent quarante oeufs par
jour. Battre les oeufs de Mme Poulard
c'est une fonction très recherchée. Cette
excellente femme qui n'emploie que l'oeuf
nature m'a donné de très curieux ren-
seignements sur les moeurs des ama-
teurs d'omelette. Si j'y mettais des fines
herbes, m'a-t-elle dit, je n'aurais pas le
même succès. Il y. a beaucoup de clients
qui me quitteraient. Le vrai amateur
d'omelette la mange toujours, même
sans fines herbes. Mais l'amateur in-
décis, l'amateur hésitant, peut se décou-
rager s'il aperçoit des verdures hachées
dans lo jaune de l'oeuf. Nous sommes
obligés de faire l'omelette de concentra-
tion. J'en fais quarante par jour, et
comme vous voyez nous avons toujours
du monde, quoique nous ayons démé-
nagé...
â Ah ! vous avez déménagé ?
â Oui, il est venu s'établir dans notre
ancienne maison un autre Poulard,..
Vous avez bien vu, tout à l'heure... à
l'arrivée? On se dispute des morceaux
de voyageur.
Et dans l'oeil de cette belle hôtesse
brillait tout l'orgueil triomphant de sa
renommée, de sa fondation, de sa gloire,
de cette omelette victorieuse qui se fait
sous l'oeil du passant dans cette confor-
table maison de granit, un Hôtel Conti-
nental nouvellement construit 0& la cui-
sine dorme sur la rue. Car, dit la belle
madame Poulard, je n'ai pas voulu qu'en
npus agrandissant, la maison perdit son
caractère d'auberge. Nos clients sont
habitués à me voir faire l'omelette..,
L'autre Poulard. le concurrent, le Ca-
pulet. comme a dit hier M. Larroumet,
en dit sans doute autant. Mais il est cer-
lain qu'on arrivant au Mont-Saint-Mi-
chel la première question qui se présente,
c'est de savoir chez qui on communiera
sous les espèces de l'omelette. Le conflit
ne cesse que lorsqu'on se réfugie tout en
haut du Mont, dans l'abbaye. Là on re-
trouve le calme qui convient à un pèleri-
nage d'art. L'abbaye est délabrée, j'en
conviens, comme M. Barré et comme M.
Larroumet lui-môme. Mais il est parfai-
tement inutile d'ajouter aux difficultés
de restauration les difficultés qui divi-
sent les restaurateurs.
L'animosité des Poulard aînés et des
Poulard jeunes, qui était réservée à la
chronique, a réussi à faire retentir la
tribune- Les deux maisons ont fourni des
documents dont ona Tait un dossier et le
Parlement s'est trouvé saisi de l'affaire.
Comme on disait au siècle dernier, c'est
beaucoup de bruit pour une omelette au
lard.
Je partage l'avis du docteur Vernhes,
qui a dit hier qu'il y avait un ministra
pour régler cette éternelle question du
Mont-Saint-Michel.
Le Mont-Saint-Michel est délabré, le
parc de Versailles ne l'est pas moins- Je
suis de ceux qui aiment beaucoup Ver-
sailles. Les avenues, le château, le parc,
tout donne une profonde impression his-
torique. Cette ville déserte, à deux pas
de la capitale révolutionnaire, est comme
l'épanouissement suprême d'une épo-
que. On peut y aller avec des sentiments
de regret et d'admiration. On peut y
aller aussi pour réfléchir et penser. De
1871 à 1875, une Assemblée a siégé dans
cette ville-relique sans la moderniser.
Il faut lui conserver son aspect, son
caractère, sa physisionomie. M. Barouil-
le. M. Hubbard ont raison de deman-
der des crédits pour entretenir Trianon,
pour recoller les pierres disjointes de
quelques bassins, comme on. a raison de
demander des crédits pour l'entretien du
Mont-Saint-Michel.
Le budget des cultes. Co budget n'a
pas donné lieu à un grand débat, mais il
a fait naître un vif incident. Sur la ques-
tion do principe M. Gustave Rivet a dé-
claré que le parti républicain repousse-
rait le chapitre 1er, pour indiquer qu'il
est toujours partisan de la séparation
des Eglises et de l'Etat. M. Ferrouillat,
ministre de la justice et des cultes, a
d'ailleurs répondu que le gouvernement
en présentant son projet de loi sur les
associations, avait nettement, indiqué sa
politique en matière religieuse, Le gou-
vernement est pour la séparation, et ce
projet n'a d'autre but que de réaliser une
des mesures préliminaires qui doivent
précéder et préparer la dénonciation du
Concordat.
Cette discussion de principe s'est ter-
minée par le vote suivant. Le chapitre
premier a été voté par 337 voix con-
tre 215.
L'incident s'est produit à propos du
crédit affecté aux évôques et arche-
vêques. Il y a des évechés concorda-
taires : ce sont ceux qui datent du Con-
cordat. Il y a des évêchés non concor-
dataires : ce sont ceux qui ont été créés
à la fin du premier Empire et par la Res-
tauration. M. Labrousse disait: puisque
vous ne dénoncez pas le Concordat, res-
pectêz-le. Ne continuez pas de payer les
évêques qu'il n'a point prévus. Et il
proposait, â vu la vacance de quelques-
uns de ces évêchés, â une réduction île
45,000 francs.
M. Ferrouillat, ministre des cultes, a
combattu cet amendement: L'argument î
vous la connaissez; il se trouve dans
Tartarin de Tarascon ; « Des coups
d'épee, messieurs, pas de coups d'épin-
gle ! »
Le malheur c'est que les coups d'épée
n'arrivent jamais, même k Tarascon. Ls,
théorie de M. Ferrouillat est que tous
ces évêchés non concordataires ont été
créés par des bulles enregistrées et qui
sont autant de petits concordats. Toutes
ces bulles nous ont fait un Concordat
revu, corrigé et « considérablement aug-
menté. » En sorte que d'un côté, l'Etat
aggrave sa situation concordataire, tan-
dis que l'Eglise diminue sans cesse ses
obligations. C'est l'Etat qui fait le jobard
dans le marché.
L'amendement de M. Labroussc a été
repoussé par 250 voix contre 244.
Les ministres députés n'ont pas pris
part au vote, puisqu'ils étaient absents,
et le sénateur Ferrouillat a compris qu'il
devait venir les excuser.
M. Peytral. ministre dos finances, a
profité de l'incident pour déclarer que
ses collègue s et lui n'abandonnaient pas
leurs opinions anciennes et qu'ils en
préparaient le triomphe par des projets
de loi préliminaires.
Le premier de ces projets concerne la
liberté d'association. 11 est déjà déposé.
Les deux autres concernent la . person-
nalité civile et la possession des immeu-
bles appartenant aux associations. M. de
Cassagnac, seul, a trouvé que les décla-
rations de M. Peytral, parlant au nom
du gouvernement, manquaient de net-
teté.
Edouard Durrano.
Il s'est produit, hier soir, un instant
avant que la Chambre ne levât sa séance,
un incident dont il ne restera pas trace au
Journal officiel mais que nous ne pouvons
pas passer sous silence.
On avait remorqué que les déclarations
de MM. Ferrouillat et Peytrai relatives a la
séparation des Eglises et de l'Etat avaient
causé la plus vive irritation sur quelques
bancs du centre.
Aussitôt que M. Paul de Cassagnao fut
descendu de la tribune, M. Laroze s'y pré-
senta. Il tenait un papier à la main,
L'ancien sous-secretaire d'Etat de M. Wal-
deck-Rousseau n'a pas pris la parole. 11 a
échangé quelques mots avec M. le prési-
dent Méline et a immédiatement quitté la
tribune.
Quand, a la sortie de la Chambre, nous
avons demandé & M. Lacuze « quelle tour-
nure i! avait eu l'intention de donner au
débat », M. Laroze nous a répondu :
â Je n'ai pas à le cacher. J'avais l'inten-
tion de déposer un ordre du jour de blâme
contre l'attitude du gouvernement dans le
débat qui a terminé la séance. Mais M. Mé-
line m'ayant fait observer que je n'avais
pas à proposer un ordre do jour, puisqu'il
n'y avait pas d'interpellation, et m'ayant
demandé ensuite si j'avais l'intention de
déposer immédiatement une demande d'in-
terpellation, j'ai répondu que j'avais & con-
sulter mes amis.
On le voit, 11 s'en est fallu de peu qu'une
interpellation importante fût déposée et
peut-etre même discutée hier en l'absence
du président du Conseil, è la fin de la
séance et alors qu'un très grand nombre de
députés avaient oru pouvoir se retirer.
Nous avons cru devoir rapporter cet inci-
dent qui, pour beaucoup de députés, a pu
passer inaperçu et qui permet d'apprécier
l'état d'esprit des modérés.
P. D.
Le Journal officiel publiera aujourd'hui
un décret nommant le contre-amiral de la
Jaille au commandement de la division de
l'Extrême-Orient et des forces navales de
l'Indo-Chine.
ENQUÊTE
Un monarchiste, M. Sevaistre, vient
de faire un étrange rapport sur l'étrange
affaire du chemin de fer de Dakar à
Saint-Louis.
Sur la proposition de MM. Des Ro-
tours et Sevaistre. la Chambre nomme
une commission d'enquête pour exami-
ner ce qui s'était passé. M. Sevaistre
parlait au nom de cette commission.
Jamais on ne s'est contenté à meilleur
marché.
De quoi s'agit-il ? Lo voici. On a voté
h ce chemin de fer colonial, une de ces
bonnes petites garanties qui nous coû-
tent si cher. Seulement ici l'Etat garan-
tissait aux actionnaires un revenu de
6 O/'O, avec 10,000 actions do 500 francs.
Comme les valeurs garanties par l'Etat,
. rapportent à peu près 4 0/0, il était évi-
dent que la valeur vénale des titres
augmenterait aussitôt en proportion de
leur revenu, et que l'action de 500 francs
en vaudrait bien vite (550 au bas mot....
grace à ce que l'on prendrait dans la
poche des contribuables.
Ce traité absurde et coupable fut passé
en 1882. M. des Rotours a voulu savoir
ce qu'était devenu le bénéfice retiré de
cette garantie extrême. Après avoir ob-
tenu de l'Etat ces conditions exorbitan-
tes, les organisateurs de la société pou-
vaient faire de cette prime énorme trois
usages différents.
Ils pouvaient l'attribuer à la société et
au chemin de fer qu'elle exploitait. Une
fois l'Etat mis dedans, c'était ce qu'il y
avait de plus net. Le chemin de fer au-
rait ainsi bénéficié d'une grosse somme
qui aurait pu atténuer son déficit, et par
suite, les sommes scandaleuses qu'on
lui paye chaque année, à titre -de ga-
-antie.
On pouvait aussi émettre les actions i
500 francs : tous les souscripteurs au-
raient bénéficié de la prime. Il me paraît
assez déplorable d'attribuer aux gens
qui ont des économies à placer, un gros
gain aux frais des contribuables. Je
n'aurais donc pas recommandé cette so-
lution.
Mais les organisateurs avaient un parti
plus suspect encore à prendre. C'était de
se répartir entre eux les actions, au prix
de cinq cents francs, et d'empocher en
famille Je profit que leur assurait le
taux scandaleux consenti par le gouver-
nement. C'est ce qu'ils ont fait. Vingt-
sept personnes ont souscrit les dix mille
actions; et ceux qui ont voulu s'en Jé-
faire ont réalisé un joli boni.
Voilà ce qu'a constaté la commission
d'enquête. Et après l'avoir constaté... Elle
s'est fâchée'?... Point du tout. Elle s'est
écriée mais alors, tout a été fort régu- !
lier!... Et M. Sevaistre, l'un des signa- j
taires de la demande d'enquête, et le
rapporteur de l'enquête opérée, saisit
cette occasion pour- présenter tontes ses
excuses à la Compagnie qu'il avait soup-
çonnée I
Il faut citer des extraits de. ce curieux
morceau ;.
« Il n'y a pas eu, à proprement parler,
d'émission lors de la constitution du che-
min de fer de Dakar à Saint-Louis : Ces
actions sont réparties inégalement entre
vingt-sept personnes d 500 francs par
action, conformément à une liste annexée
à lacté de concession et communiquée
au ministre de la marine... » (Ici une
parenthèse : Communiquée au ministre
de la marine, mais cachée à la Chambre)
« et si plus tard certains actionnaires ont
vendu leurs titres À un prix plus élevé
oue le pair, ils n'ont fait que profiter de
ta plus value que CONNAÎT FORCÉMENT A
LEURS ACTIONS LA GARANTIE DE 0 O/O
CONSENTIE PAR L'ÉTAT. »
Voilà qui est bien clair : la plus-value
était forcée ; aussi il n'y a pas eu d'émis-
sion publique ; vingt-sept personnes se
sont réparties inégalement le bénéfice.
Conclusion :
« CETTE PRIME NE PEUT ÊTRE REPRO-
CHÉE A CEUX QUI EN ONT BÉNÉFICIÉ. »
Et le rapporteur, se rappelant qu'il est
le même homme qui a demandé l'en-
quête, leur fait toutes ses excuses.
Ecoutez :
« Pour ce qui concerne le premier point
(celui-là), la commission a acquis la cer-
titude que MM. Léon Sevaistre et des
Rotours ont été induits on erreur par des
énonciations inexactes d'un journal fl-
nancier, et le signataire du présent rap-
port tient à remercier ses collègues de la
commission de lui avoir confié la rédac-
tion de ce rapport et de lui avoir ainsi
permis de rectifier lui-même, layale ment.
l'erreur qu'il avait commise. »
Voilà des remerciements excessifs,
invraisemblables. La Chambre et" Te
public seront probablement d'accord
pour trouver' qu'une spéculation qui
consiste à se faire accorder une garan-
tie de 6 0/0, quand l'intérêt normal
des dettes que l'Etat a faites siennes est
moindre d'un tiers, à s'assurer ainsi une
prime « forcée », d'après le rapporteur;
a ne pas mémo en faire proliter la mau-
vaise affaire qu'on a mise à la charge des
contribuables, et à se répartir ce boni
colossal entre vingt-sept personnes de
bonne volonté... La Chambre et le pu-
blic, dis-je, trouv»ront probablement
qu'une telle spéculation mérite autre
chose que les excuses de ceux qui l'a-
vaient d'abord trouvée répréhensible.
Camille Pelletan.
A DEUX MINISTRES
Oa a distribué hier malin dans 3as rues
de Paris la première livraison d'un ouvrage
qui à pour titre : la Guerre de demain.
L'auteur signe : le oapitaine Danrit. Sous
ce pseudonyme transparent tout îe monde
avait lu îe nom du capitaine Driant. Vin-
transigeant a pris soin de dissiper les der-
niers doutes en annonçant dans son numéro
d'hier que la Guerre de demain est « l'oeuvre
d'un de nos plus brillants officiers, dont le
récent mariage avec la fille d'un général
sur lequel la pairie compte pour les jours
d'épreuve a fiait quelque bruit ».
L'oeuvre est précédée d'une préface de
M. Jules Claretie-
NQUS nous permettrons, à propos de cette
publioation & fracas, de poser deux simples
et précises questions h. MM. les ministres
de la guerre et de l'instruction publique.
Nous demanderons à M. de Freycinet s'il
a donné à M. le capitaine Driant l'autorisa-
tion d'éditer l'oeuvre qui se donnait à tout
venant, hier matin, dans tous les kiosques
de Paris.
Et, au risque d'etre indiscret, nous ose-
rons demander à M. Lockroy ce qu'il pense
de l'attitude de M. Jules Claretie, directeur
de la Comédie-Française et collaborateur
du gendre de M. Boulanger.
A. M.
CHRONIQUE
LES FEMMES AU BARREAU
Au moment où une commission d'initia-
tive parlementaire se prononçait en France
pour la prise en considération du projet de
loi qui accorde aux femmes la faouîté de
voter dans les élections au tribunal de com-
merce, la question des droits de 3a femme
se posait en Belgique sous une autre forme.
Une jeune personne dont la robe était
bourrée de diplômes, â elle est doctoresse
en droit â se présentait devant la oour
d'appel de celte ville pour prêter le ser-
ment professionnel exigé des avocats. Il y
eut un fort tournoi oratoire. Le ministère
public, appuyé sur des textes rancis de
l'an XII, renforcés d'une loi de 1876, préten-
dit que la femme est incapable de pronon-
cer un laïus en justice. ï?a ancien bâton-
nier, Guillery, qui. se présentait pour
Mlle Popelin, a naturellement soutenu la
thèse contraire. La cause est en délibéré.
II serait tout-à-fait regrettable que la doc-
toresse belge ne sortît pas vainqueur de ce
combat dont un rabat est le prix, et duns le
cas où eïîe viendrait à triompher, son exem-
ple serait sans nJil doute suivi en France.Ce
qui est extraordinaire, c'est qu'il ne se soit
pas encore trouvé de ce côté-ci de l'Escaut.
une femme qui ait eu la même idée que
Mlle Marie Popelin. S'il est au monde une
carrière pour laquelle le sexe volubile et
parlotteur illustré par Lysistrate semble
prédestiné, c'est évidemment celle du bar-
reau. Nous avons eu plus d'une fois l'occa-
sion de demander qu'on supprime le cos-
tume carnavalesque dont la corporation
s'affuble d'un bout de l'année à l'autre, ves-
tige oublié des régimes anciens, mais il
nous est impossible cependant de nier que
la robe ne soit un symbole. Rien ne rap-
pelle plus étroitement le tempérament fé-
minin que celui de l'avocat, toujours prôt à
parler sans la moindre preparation sur les
choses qu'il ignore le plus, masquant sous
l'incontinence des périodes et le flux des
moW le vide des arguments et de la pen-
sée, indifférent aux principes et aux thèses,
peu soucieux d'avoir tort pourvu qu'on lui
donne raison. U semble que îa femme
soit l'orateur idéal pour côtoyer une ques-
tion sans la discuter jamais, pour prendra
l'offensive lorsqu'il n'existe aucun argu-
ment valable en faveur de la défense, pour
plaider avec une verve égale lo pour et. le
contre, le juste et l'injuste, le vraisembla-
ble et l'absurde. Quand une cause aura été
trouvée implaidable par un avocatâ il n'est
pas sans exemple, quelqu'exorbitant que
cela puisse paraître, que le cas se soit pré-
senté une ou deux fois par siècle â il se
trouvera dix femmes pour une qui s'em-
presseront de l'accepter, et qui la gagne-
ront.
Car c'est là l'argument capital en faveur
de la réforme qui est en train de s'accom-
plir, ces dames auront un succès énorme,
et les vieux routiniers de la magistrature,
qui dorment aux plaidoyers soporeux des
Chicaneau obèses, écouteront avec tous
leurs yeux les défenseurs en jupons. La
partie finira même par devenir trop iné-
gale entre l'homme aux favoris en nageoi-
res, au profil lippu, dont l'éloquence be-
donne et l'orateur en jersey ou en polo-
naise, ayee une toque de loutre sur ses
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