Titre : La Justice / dir. G. Clemenceau ; réd. Camille Pelletan
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-01-18
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32802914p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 18 janvier 1886 18 janvier 1886
Description : 1886/01/18 (Numéro 2196). 1886/01/18 (Numéro 2196).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/02/2011
LA JUSTICE DO 18 JANVIER 1886
son menu en plus de l'ordinaire : l« Iran fa,
3 génisses, 32 veaux, 63 chevaux, 95 mou-
tons, 300 gorets de lait, onze-vingt perdrix,
700 bécasses, et l'énumération des mats con-
tinue en litanies dont l'exagération bouf-
fonne laisse percer une satire amère dea
. prodigalités de François
Des rois que leurs peuples nourrissent si
â bien, peuvent se donner du mal pour les
défendre. Rabelais veut que le roi soit un
bon fonctionnaire. Déjà Philippe Pot avait
dit, ans Etats-Génèraux de 1483 : « La
royauté est une fonction, et non un patri-
moine héréditaire : dans le peuple réside la
souveraineté. > C'est la doctrine de Rabe-
lais : ce sara celle de l'Assemblée consti-
tuante.
»*â¢
SI Rabelais juge librement les bons rots,
on devine qu'il sera sans pitié pour les
mauvais. Le type ds ces derniers est Pichro-
cole, le roi batailleur. Pour une injure dou-
teuse, 11 entre en fureur et fait convoquer
le ban et l'arrière-ban de sa milice : tous
les hommes valides, sous peine de mort,
seront réunis à midi devant le château. Pen-
dant qu'on apprête son dîner, il va faire
affûter son artillerie, et, en dînant, il dicte
son plan dé campagne. Pichrocole, c'est
Charles VIII, c'est François I"r, ce sera Na-
poléon III.
Le paya de Grandgousier est envahi. Les
soldats de l'agresseur se livrent à un pil-
lage cruel, que Rabelais décrit avec son
horreur pour la guerre et les gens de
guerre. Il s'Indigne aussi contre les courti-
sans qui poussent un roi à rompre la paix
et la personnifie daHs ce Toucquedillon qui
promet à Pichrocole la conquête du monde,
La tradition chauvine lie peut pas sa récla-
mer de Rabelais.
Pichrocole est vaincu, mais du motus il
s'est bien battu, comme le roi Jean, comme
plus tard François 1er. Il fuit. Son cheval
ayant bronché, il le tue de colère. Il veut
prendre un âne, mais les meuniers le rouent
de coups, le détroussent de ses habille-
ments et lui baillent une méchante souque-
nille. Il s'en va, I rainant la patte. Due vieille
boiteuse lui prédit que son royaume lui
sera rendu à l'arrivée des coquésigrues. Il
se retire à Lyon, y gagne sa vie sou par
sou, à de pauvres métiers, demandant sans
cesse aux étrangers s'ils n'ont pas rencontré
les coquesigrues.
Voici un autre mauvais roi, Anarche, roi
des Dipsodes. Rabelais le traite avec encore
plus d'Irrévérence que l'Insurrection du 20
Juin 1792 ne traita Louis XVI. Anarche est
donné à Panurge par.son vainqueur Panta-
gruel. Se souvenant du discours de son
ami Epistémon, qui a visité les enfers et a
vu « comment étaient traités les rois et ri-
ches de ce monde par les Champs- Elysées
et comment ils gagnaient pour leur vie à
vils et sales métiers. > Panurge trouve bon
de faire apprendre un métier à i monsieur
du roy » afin qu'il soit c Jà tont expert en
l'art quand lt sera de par là à tous les dia-
bles. â II lui donne une livrée déchirée, lui
fait présent d'un mauvais calembourg et
d'une belle ceinture de pers et de vert, di-
sant < que cette livrèe lui advenait bien, vu
qu'il avait été pervers. » Il l'emmène à
Pantagruel, qui ne le reconnaît pas- « C'est
monsieur du roy, dit-il. Je le veux faire
homme de bien. Ces diables de roi icy ne
sont que veaux, et ne savent ni ne valent
rien sinon à faire des maulx anx pauvres
sujets et à troubler tout le monde par guer-
re pour leur laïque et détestable plaisir. Je
le venx mettre à mestier et le faire crieur
de sauce verte. Or, commence à crier :
Vous faut-il point de sauce verte? â Et le
pauvre diable criait. â Chante plus haut.
Allons, c'est bien. Tu as une bonne voix.
N'est-ce pas que tù ne fus jamais si heureux
que de n'être plus roi ?»
11 Unit par le marier avec une vieille
lanternière et Pantagruel leur donne une
petite loge auprès de la basse rue et un
mortier de pierre à piler la sauce,. Et Anar-
che est aussi « gentil crtenr de sauce
verte > qu'il avait été mauvais roi. Mais
sa femme qui, quoique vieille, est encore
vive, le bat, « et le pauvre sot ne se ose
desfendre faut il est niays. »
On le voit : Rabelais avait écrit, lui aussi,
ses Rois en eoeil, avant Alphonse Daudet :
en tout cas les vainqueurs du 10 août eux-
mêmes ne furent pas plus irrévérents pour
le trône que ne l'avait été le hardi héritier
du libre esprit frondeur du moyen-âge. Il
y a toujours eu des républicains sur la terre
de France. /
Justement,: Rabelais est un républicain é.
la mode des bourgeois libéraux de 89. La
République est son Idéal, *ori rêve de col-
lège; an attendant, 11 s'accommode d'une
royauté mitigée et d'un grand pouvoir,
«mue Barnave et Sieyes s'accommoderont
de Louis XVI. Dans 1» question religieuse,
ses vues seront celles dea patriotes de 1790,
aussi hardies et aussi timorées à la fois.
Que reproche-t-il au clergé? D'être un
corps politique,, en même temps qu'un corps
religieux. Pourquoi le clergé a-t-i1 une
Justice à lui, des tribunaux particuliers, où
les clercs ne sont jugés que par dès clercs,
même pour offense à des laïques? Pourquoi
possède-t-il des biens immenses et n'est-il,
pour ainsi dire, pas atteint par l'impôt?
Pourquoi perçoit-il lui-même un impôt sur
les terres nobles ou non nobles? Pourquoi
son chef est il & Rome ? Pourquoi ce chef, j
souvent ennemi de la France et en guerre
avec elle, touche-t-il néanmoins une rede-
vance sur les bien» français ? E(, dans la
benoite île de Papimanie, Rabelais décrit le
culte des saintes Décrétâtes, vieilles pièces
plus ou moins apocryphes qui émanent des
pontifes et réclament des envols d'argent.
Ici l'indignation donne à la raillerie un
accent tragique et le philosophe damne
avec colère les papes prévaricateurs, sur-
tout ceux qui furent ennemis de la France.
4 De par là-bas à tous les diables, le ter-
rible Jute» II, dépouillé de sa longue barbe,
vend des petits pâtés ; Boniface VIII écume
les marmites ; Urbain VI est croquelar-
don, etc. »
Quand aux converses et aux moines, si
Rabelais en parle, il semble entendre déjà
les discours dont retentira la tribune de la
Constituante lors du débat sur la suppres-
sion des ordres religieux. Ecoutez frère
Jean dire pourquoi les moines sont haïs de
tout le monde :
« Par la raison qu'an singe dans une fa-
mille est toujours moqué et harcelé. Le
singe ne garde pas la maison comme le
chien, il i» tire pas la charrue comme le
boeuf, il ne produit ni lait ni laine comme
la brebis, 11 ne porte pas le faix comme le
cheval... Il en est de même du moine ; il ne
laboura pas comme le paysan, il ne garde
pas le pays comme l'homme de guerre, 11
ne guérit pas 1» malade comme le médecin,
11 ne prêche pas, 11 n'Instruit pas comme le
docteur évangélique ou le pédagogue; il ne
porte pas le? commodités et les choses né-
cessaires & la République comme Je mar-
chand,-â Les moines prient Dieu pour nous,
objecte Grandgousier. â Pas du tout, dît
Gargantua, ils se bornent  molester le voi-
sinage à force de trinqueballer leurs clo-
ches,.. Ils marmottent quantité de légendes
el de psaumes auxquels ils n'entendent rien.
Ils enfilent les Pater noster et les Ave
Maria sans y penser et sans y rien'enten-
dre. J'appelle cela se moquer de Dieu et
nous faire oraison. S'ils prient pour nous,
dieu mê gardé I c'est qu'ils ont peur de pèr-
dre leurs, miches et leurs soupes grasses. »
Conclusion : Il est fâcheux dé voir les. bon-,
r.es gens qui rognent de leurs biens et du
bien provenant de leurs labeurs et sueurs
â de leurs mains, pour en abondance nourrir.
: et entretenir cette raca parasite et glou-
tonne,
Voilà les hardiesses de Rabelais ; mais en
face du dogme chrétien, 11 est, extérieure-
ment, aussi timide, aussi respectueux que
les Constituants. Ce n'est pas qàe, dans son'
for Intérieur, 11 ne philosophe aussi har-
diment que le leront les Encyclopédistes.
Comme don Juan dans Molière, Il appartient
à la religion de l'humanité. Au temps dB
Théophile de Viau, Pantagruel sera le ma-
nuel des esprits forts, à la graude Indigna-
tion du jésuite Garasse : * Lés libertins,
écrit celui-ci en 1(123, ont on main le Rabe-
lais, comme l'enchiridion du libertinage..
J'estime qué Rabelais est un très maudit et'
très pernicieux écrivain, qui suce peu â peu
l'esprit de piété, qui dérobe insensiblement
l'homme do soi-même, qui anéantit le sen-
timent de religion, qui a fait plus de dé-
gât eu France par ses bouffonneries que
Calvin par ses nouveautés, t Le jésuite a
raison : mais il devine plus qu'il ne voit,
l'audace philosophique du Pantagruel. Ce
n'est que de nos jours que toute la pensée
de Rabelais a été saisie et toute la morale
dégustée : pour lui, la science est la vraie
religion de l'homme, et c'est d'eau pure
qu'est remplie la dive bouteille, de l'eau
pure de la science. Mais il a fallu que Di-
derot et Auguste Comte fissent notre éduca-
cation intellectuelle, pour que l'Idée pro-
fonde dea derniers chapitres da Rabelais,
fût pénétrée, pour que l'os médullaire fût
entièrement brisé. En tout cas, Rabelais a
si hlan masqué sa pensée de derrière la tête,
metu atomorum. ignis, il l'a si bien réser-
vée pour lui seul et pour quelque initiés,
qu'on peut ao demander si le dernier mot
de sa sagesse pratique n'est pas le conseil
immoral de Montaigne, dont nous souffrons
encore : pratiquer la religion sans y croire.
Ce fut précisément la politique, l'attitude
de la plupart dea hommes de la Révolu-
tion.
At-
Et pourtant, sauf peut-être Danton, aucun
des conducteurs du mouvement de 89 ou
de celui de 92 ne se douta qu'il était animé
de l'esprit de Rabelais. Lisez Louis Plane,
héritier naïf de la doctrine robesplerriste.
Pour lui, comme pour Ronsard, le grand
philosophe n'est
Qu'an bon buberon qui buvait
Toujours cependant qu'il vivait.
Jamais personne n'a parlé de l'auteur da
Pantagruel avec un pédantisme plus ni-
gaud que cet historien consciencieux ; « A
quel système de l'esprit humain, dit-il, rap-
porter an livre qui égara la philosophie dans
des lieux où tout n'est que débauche d'ima-
gination, hymnes de buveurs, nudités obs-
cènes, culte des joies qui souillent el abru-
tissent, apothéose du dévergondage... Quel
chaîne et quelle force peut-il y avoir en des
enseignements auxquels se mêlent, à chaque
page, des leçons de libertinage hideux et ie
spectacle de la vie humaine emportée dans
le tumulte d'une sorte de mascarade univer-
selle? » C'est avec cette inintelligence que
la masse du public, en 1789, jugeait Rabe-
lais, sans l'avoir lu, sur sa réputation légen-
daire de bouffon aviné, et sans voir en lui
un précurseur de la Révolution. L'opinion,
à cette époque, aimait â se placer sous le
patronnage d'un des grands hommes du
passé : elle invoquait à la tribune, elle évo-
quait dans des pamphlet» st sur le théâtre,
l'ombre de Fènelon, celte de Montesquieu,
de Mably, et surtout de Jean-Jacques. Or,
Rabelais n'est mis en cause, pendant ees
deux années, 1789 et 171^0, si féconde» an bro-
chures, que dans (taux pamphlets, tous deux
réactionnaires.
C'est d'abord une Lettre de Rabelais aux
curés, dépitas aux Etats Généraux, qui
parut & la fin de mai ou au commence-
ment de juin nm, au moment où lé bon
abbé Jallet poussait ses collègues, les cu-
rés patriotes, à quitter la chambre du clergé
pour s'unir au Tiers-Etat. Un évêque aris-
tocrate emprunte la bouche dii curé de
pour avertir d'nn ton commina-
toire, tes prêtres unionistes qu'Us né sont
que dfes auteurs Je guerre civile. Pas de
réunion dès ordres*! elles serait la perte de
la hiérarchie et de la religion. Pas d'éga
llé ! elle ruinerait sans remède l'Eglise dé
Jésus. Et pourquoi prêter ces conseils à
Rabelais? parce que Rabelais fut puissant,
parce qu'il fut toujours au mieux avec les
puissants du Jour, parce qu'il manque d'au-
dace civile : « Je n'étais pas un très bon
curé, lui fait-on dire, mais Je sentais la be-
soin ét l'avantage d'être un tr£a bon dom-
ine. Contemporain dé Luther, je pouvais,
comme lui, me faire un grand nom ; peu
fus ténté, et la réflexion me Ht préférer à
l'honneur d'Influer sur les opinions des
mortels, le bonheur piua certain d'être
aimé de mes concitoyens, >
Le second pamphlet, conçu d'un tout autre
Ion, esi une Lettre de M. Rabelais, ci de-
vant cure de Meudon, aux 94 rédacteurs
des Actes des .Apôthes, 5 avril 1790. Ra-
belais y apparait l'ordure à la bouche, em-
brassant Jeanneton avèc un refrain obscène.
Il donne an public un tableau des Etals
Généraux (le 1562. Bleu entendu, 11 s'agit de
ceux da 89, et, parmi les députés, l'auteur
anonyme de celte platitude vise particuliè-
rement un évéque, qu'il ne nomme pas,
mais qu'il promène dans tous les lieux de
prostitution. Il fait fredonner à Rabelais
les chansons les plus bêtes contre les pa-
triotes :
Lès deputés, js pense,
Ressemblent fort aux maçons ;
Ils font grande dépense
Eo travaillant anx maisons ;
Pour racommoder la France,
Pir jour, l!j ont dix-huit francs ;
Mais je n'ai pas la croyance
Qu'ils soient tonf d'honnêtes gens.
Comme trait final, Rabelais injurie cyni-
: quement les rédacteurs dû Journal dé Pa-
ris, dont le monarchisme ne trouve pas
grâce devant les beaux esprits de l'aristo-
1 cratie.
Voilâ l'Idée que se faisait alors le public
de ce grand initiateur dé 1» pensée moder-
ne. Le préjugé était si fortement enraciné
que, quand, en 1791, Ginguenê publia son
opuscule êrudit et spirituel, De Çautorité de
Rabelais dans la 3,évolution française,
etc., ou Institutions royales, politiques
et ecclésiastiques tirées de Gargantua et
de Pantagruel, on ne voulut voir qu'un
paradoxe d'érudit dans ces pages si solides
at si neuves, qui inaugurent vraiment la
critique rabelaisienne. En l'an V, au milieu
de tant d'évocations de Rousseau, Je ne vols
I apparaître le souvenir de Rabelais que dans
an factum Intitulé. : La harangue de >w:-
tre Janotus de Bragmardo, faite à Car-
| guantua pour recouvrer les cloches. Mais
ce n'est qu'une facétie k propos du fameux
discours dé Camille Jordan pour qu'il fut
permit aux catholiques de sonner les «lo-
ches. Bn réalité, notre grand Rabelais n'eut
aucune influence directe sur la Révolution,
qui l'Ignora. Mais U ne fut pas étranger au
mouvement philosophique qui prépara 8S;
en ce sens qu'il inspira Voltaire, Diderot,
Rousseau et . Beaumarchais. Aujourd'hui
que la filiation est rènouée, la libre-pensée
française vénère en Rabelais son ancêtre,â
Pourquoi ne fut-il pas également la Père
de noire littérature? A cette Imagination
puissante, mais un peu sèche et exclusive-
ment masculine, Il ne manqua peut êlrè
que l'amour d'une femme pour que l'auteur
iie Pantagruel devint l'Homère de, la
France.
Santhonax.
NECROLOGIE
M, PAUL BAUDRY
M. Paul Baudry, artiste peintre, est mort
hier matin h quatre heures des suites de la
maladie de coeur dont il souffrait depuis
quelques semaines.
Paul-Jacques-Aimé Baudry est né â La
Roche-sur-Yon ie 7 novembre 1828. Il ap-
partenait à une famille peu aisée ; son père
était sabotier, mais U s'efforça cependant de
développer l'Instruction de son fils. M. Paul
Baudry était en train d'étudier les éléments
de la musique, quand le hasard le m't en
présence de Sartoris, alors simple profes-
seur de dessin. Celui-ci reconnut bien vile
que son Jeune protégé avait « la vocation »;
11 lui mit un crayon entre !ea mains et le
fit entrer à l'école des Beaux-Arts.
Sa ville natale lui alloua, pendant ses
éludes, une pension annuelle de l,5ÛÛ fr.
Paul Baudry entra ensuite dans l'atelier
de Drolling et remporta, en 1850, le grand
prix de Rome. Le sujet du concours était :
Zènobie retrouvée sur les bords de l'A-
raxe,
M. Paul Baudry était déjà très connu
quand, à SOA retour d'Italie, 11 envoya au
Salon de 1857 deux tableaux : le Supplice
tfùne vestale et la Fortune et le jeune
enfant, qui ont été acquis par l'Etat et fi-
gurent au musée du Luxembourg.
La critique n'avait pas tardé à signaler
les rares mérites des portraits exécutés par
M. Baudry.
Chargé de décorer le foyer et les galeries
de l'Opéra, M. Paul Baudry consacra dix
années à ce grand travail.
Entre temps l'éminent artiste exécuta les
décorations de l'hôtel que fit construire,
aux Champs-Elysées, la trop célèbre Mme
de Paiva ; bien que le public n'ait jamais
été admis a visiter cet hôtel, on sait, par les
études des critiques d'art qui en ont franchi
le seuil, que les peintures dont il est orné
sont dignes de M. Pau! Baudry; on cite en
particulier deux sujets : les Heures du jour
et les Divisions du temps, qui passent pour
être de véritables merveilles d'érudition et
de goût.
Depuis 1861, M. Paul Baudry n'a plus
exposé que des portraits; H avait même,
p9ndant huit ans, cessé ses envois au Salon
du Palais de l'Industrie, pour n'y repa-
raître qu'en 1876 et 1877.
En 1870, M. Paul Baudry succéda à
Schnetz comme membre de l'Académie des
beaux-arts. Il avait été, en 1861, nommé
chevalier de la Légion d'honneur; il fut
fait officier du même ordre en 1869, et
commandeur en 1875.
Le jour de8 obsèques n'est pas encore
fixé.
LETTRES & ARTS
Nous apprenons qu'une exposition inté-
ressante est eri ce moment ouvertes; 6, rue
Milton.
U» élèves ilç Mme Mac'Nab y soumet-
tent â la critique et au jugement du public
des aquarelles, des dessins et des compost -
tions décoratives qui méritent l'attention.
En réponse à une pétition, lord Salisbury
a déclaré récemment que le gouvernement
anglais se propose de demander au Parle-
ment l'autorisation pour le Royaume-Uni
d'entrer dans l'union Internationale de la
propriété littéraire, pour la formation de
laquelle des négociations ont lieu actuelle-
ment entre différents Etals européens.
LES LIVRES
Sous ce titre : Louis XIV et la Compa-
gnie des Indes de 1864, par M. Louis Pau-
llat, la librairie Galmanu Lévy met aujour-
d'hui en vente un ouvrage qui justifie la
parole si discutée d'Augustin Thierry, que
la véritable histoire de France était encore
dans les Archives. Grâce â la sagacité avec
laquelle ses recherches ont été dirigées,
M. Pan liât a découvert en effet dans les Ar-
chives de la niarine des documents du plus
haut intérêt historique.
Non seulement 11 a mis la main sur la
cause réelle de cette fameuse guerre de
Hollande dé 1672 an sujet .de laquelle les
historiens de tous les pays n'avalent pu
faire jusqu'ici que des conjectures, mais
grâce k lui nous avons encore un Louis XIV
absolument inédit, tout différent de ce roi
Soleil, bouffi l'histoire nous avait toujours .accoutume.
Est-il rien effectivement de plus étrange
que de voir le Grand roi tel que nous nous
l'Imaginions, lancer l'affaire de cette Com-
pagnie des Indes de 1664 comme pourrait le
faire un financier de nos jours, écrivant
aux villes de France pour les engager à
souscrire des actions, présidant des as-
semblées d'actionnaires, employant les
moyens les plus inouïs pour avoir un
conseil d'aministration à lui, descendant
aux menaces les plus Incroyables contre
rmer tionnai versements refusaient
Et pourtant c'est ce qui est, et il est im-
possible d'épiloguer, puisque M. Paullat
a eu le soin d'en mettre toutes les preuves
authentiques sous les yeux de ses lec-
teurs.
Mais l'attrait de ce volume ne réside pas
uniquement dans les révélations historiques
qui sont appelées'à changer les points de
vue d'après lesquels ont été, écrites tontes
les histoires de Louis XIV. Les hommes qui
s'intéressent aux questions de colonisation,
de politique Coloniale et surtout à l'avenir
de Madagascar pourront encore le lire avec
le plus grand fruit. Cette Compagnie des
Indes de 1664 s'était, en effet particulière-
ment occupée de la colonisation delà grande
lie africaine. Aussi est-ce avec un réel plai-
sir qu'on lit les affiches qu'elle fit apposer
dans Paris et les provinces pour recruter
les colons, et que l'on volt les principes
adoptés par elle pour la distribution des
terres et un rapide peuplement du pays.
Comme l'ancien régime s'y connaissait, en
fait de colonisation ! Mais si, à Madagascar,
de grands résultats ont pu être obtenus en
deux ou trois années sous Louis XIV, que
ne sera-ce pas à nôtre époque, quand celte
ile, nous appartenant tout à fait, des Fran-
çais voudront bien prendre la peine d'y
aller coloniser. C'est l'impression agréable
que laisse toute cette partie de ce remar-
quable travail dont la lecture ne saurait
être trop recommandée.
JOURNAL DU PALAIS
L'affaire Lntaud
Nos lecteurs se souviennent peut-être des
poursuites qui ont été intentées par M. Lu-
taud, sous-préfet de Boulogne, à propos
d'un article publié par la Nation, et com-
menté ou reproduit par le Cri du Peuple
le Monde et le Pays.
Les prévenus demandaient à comparaître
devant le jury, attendu que M, Lutaud est
fonctionnaire; après d'Innombrables forma-
lités judiciaires, MM. Camille Dreyfus, l'au-
teur de l'article, et Rigollot, gérant du jour-
nal, se présentaient nier devant la cour
d'appel de Rouen, présidée par M. Leséné-
cal.
Notre ami Milleraud était chargé de dé-
fendre la Nation.
Au début de l'audience, Me Millerand
pose des conclusions d'après lesquelles)
s'appuyant sur l'art. 14 de la loi du 13 juil-
let 1871, Il soutient que la jurisprudence
correctionnelle ne peut s'étendre à M. Drey-
fus : La Chambre, en effet, n'a pas autorisé
les poursuites dirigées contre un de ses
membres. M* Foucart pose des conclusions
contradictoires. M. l'avocat général conclut
dans le sens de M" Millerand. La cour, après
en avoir longuement délibéré, décide qu'elle
passera outre à la discussion, et déclare que
M. Dreyfus ne peut bénéficier de l'Immu-
nité parlementaire.
M. Dreyfus, rappelant le deuxième para-
graphe de l'article 14, déclare qu'il fait dé-
faut.
L'incident ainsi vidé, le président donne
la parole à Me Millerand.
Il établit que, s'il y a diffamation, elle
s'adresse à M. Lutaud, fonctionnaire, et
qu'en ce cas ia cour doit se déclarer incom-
pétente et renvoyer les défendeurs devant
les assises.
Ce dilemme est irréprochable.
Voici la péroraison de M. Millerand :
« il faut remarquer, poursuit M. Mille-
rand, que le législateur a, depuis 1819,
étendu considérablement le nombre des
fonctionnaires publics. La loi de 1881 classe
dans cette catégorie « les citoyens chargés
d'un service ou d'un mandat public >. Ceci
est une addition, ce n'est pas une explica-
tion des textes antérieurs. Il n'est pas pos-
sible que M. Lutaud soit ce petit scribe sans
importance, sans influence, sans autorité,
pendant son passage au ministère, alors
qu'il était fonctionnaire avant d'y entrer, et
qu'il en est sorti fonctionnaire. Vous avez
donc devant vous un fonctionnaire qui n'ose
se déclarer tel ; qui, pour échapper à la
preuve, se réfugie derrière des arguments
impossibles à soutenir. >
M° Foucard, avocat de M. Lutaud, ré-
plique comme il peut, assez spirituellement
même.
M* Foucard, du barreau de Valenciennes,
termine par ces moîs :
â Ces preuves, mon client demande
qu'elles soient faites. Qu'on produise des
témoins.
On le volt, ce petit jeu pourrait se prolon-
ger indéfiniment : M. Lutaud ne veut pas
sortir de la juridiction correctionnelle et
les prévenus veulent comparaître devant la
cour d'assises, parce que, devant le jury
seulement, le débat offre de l'Intérêt et les
témoignages ont de l'Importance.
M° Jules Auffray prononce à son tour,
pour le Monde, une très remarquable plai-
doirie.
Après une réplique de Me Foucard, qui
ressasse de nouveau le seul argument par
lui invoqué : % M. Lutaud n'était pas nom-
mé en vertu d'une loi >, et qui soutient que
M. Paul Bert, en sa qualité de résident gé-
néral au Tonkin, ne sera pas fonctionnaire
public (un comble!) l'affaire est renvoyée
au lendemain pour entendre M, l'avocat-
général dans ses conclusions. Il n'est pas
probable que la cour rende immédiatement
I son arrêt.
AFFAIRES MILITAIRES
Le ministre de la guerre vient de pren-
dre les mesures suivantes en ce qui con-
cerne les hommes à la disposition de l'au-
torité militaire et les hommes classés dans
les services auxiliaires.
Les premiers sont astreints à deux re-
vues d'appel pendant les cinq années du ser-
vice actif de la classe dont ils font partie,
savoir :
En 1886, classes de 1881 et 1883;
En 18H7, classes de 1882 et 1884;
En 1888, classes de 1883 et 1885;
En iSBâj classes de 1884 et 188$;
En 1890, classes de 1885 et 1887.
Etc.
On sait que les hommes à la disposition
de l'autorité militaire rentrent dans le droit
commun, c'est-à-dire passent dans la ré-
serve et sont astreints aux réunions de
Celle-ci, puis de l'armée territoriale, en
même temps que la classe à laquelle Ils ap-
partiennent.
Les hommes classés dans les services
auxiliaires, qui ne sont jamais appelés sous
les drapeaux en temps dé paix, doivent ré-
pondre à cinq revues d'appel, dont :
Deux pendant les cinq années de service
actif de leur classe;
Deux pendant les quatre années de ré-
serve active;
Une pendant les cinq années de l'armée
territoriale.
Ces revues auront lieu dans les conditions
suivantes :
En Ï886, classes de 1873, 1877, 1879, 1881
et 1883.
Eu 1887, classes de 1874, 1878, 1880, I8S2
et 1884.
Eu 1888, classes de 1875, 1879, 1881, 1883
et 1885.
En 1889, classes ie 1876, 1880, 1882, 1884
et 1886.
En 1890, classes de IS77, 1881, 1883, 1885
et 1887, etc.
Les revues d'appel ci-dessus Indiquées
^'effectueront au chef-lieu de canton, le jour
( où le couseil de révision s'y réunit pour
procéder à la formation de la classe, et â
i l'heure qtil est arrêtée par le général com-
mandant le corps d'armé*, de Concert avec
te préfet du département.
Par mesure d'économie, le ministre de la
guerre a légèrement réduit les chiffres des
balles qui seront tirées chaque annee
dans certains corps de troupes. Les infir-
miers, secrétaires d'état-major et de recru-
tement, les commis ei ouvriers militaires
d'administration tireront vingt cartouches
â balle au lieu de trente avec les fusils
modèle 1874. Les sous-officiers armés du
revolver tireront six balles au lieu de dix.
Les allocations de cartouches sont suppri-
mées pour les troupes d'artillerie de l'ar-
mée territoriale.
Le ministre de la marine, vient de don-
ner l'ordre de diriger sur Toulon dix-huit
torpilleurs qui constitueront au printemps
une flottille adjointe à l'escadre d'évolu-
tions et se livrant à des expériences avec
les navires de l'escadre dans la Méditerra-
née, d'après le programme suivant :
Attaqué d'une escadre cuirassée au mouil-
lage dans une rade ét au large ;
Tir des torpilleurs sur des bâtiments lan-
cés à grande vitesse.
La défense mobile de Toulon se livrera
en môme temps à des essais en tirant des
torpilles chargées contre différents spéci-
mens de coque.
Enfin, conformément au voeu exprimé par
' la commission dq budget de 1886 dans le
rapport de M. Gerville-Réache sur les dé-
penses de la marine, l'administration ma-
ritime et l'industrie civile vont rechercher
de concert les moyens de s'affranchir de
l'étranger pour la construction des torpilles,
qu# nous avons toujours achetées jusqu'ici
à l'usine autrichienne de Plume.
SOCIÉTÉ RÉPUBLICAINE
D'ÉCONOMIE SOCIALE
On nous prie d'insérer la communication
suivante :
La séance da comité d'administration dû cette
importante société, dont faction sociale prati-
que est appelée à rendre d'autant plas de ser-
vices qu'elle se plaça en dehors de fonte action
politiqne proprement dite a été tenue lundi
Il janvier, sous la présidence du citoyen E'te
May,
La société, ayant décidé de consacrer une
partie de ses travaux a l'examen des projets «n
instance devant les corps élus, le comité a fait
la distribution suivante des travaux entre les
diverses commissions.
Commission de législation. â 1° Projet de
législation internationale du travail (Proposi-
tion an conseil municipal. â Proposition Camé-
linat, Boyer, Clovis Hugues, Basly, Gilly et
Prud'hon à ia Chambre). â 2" Réduction des
heures de travail^Proposition Vaillant et Strauss
au conseil municipal ; propos!lion Nadiad à. 3a
Chambre). â U» La travail des femmes et des
enfants {Proposition Nadaud à la Chambre). â
4° Hygiène et sécurité des ateliers (Proposition
Nadaud à ia Chambre). â 5* Assainissement des
logements insalubres (Proposition Nadaud).
6° Garanties ouvrières à stipuler dans les
cahiers des charges (Proposition Basly a la
Chambre). â 7* Protection des enfants (Propo-
sition Roussel au Sénat.)
Commission des finances. â 1° L'impôt sur
les ouvriers étrangers. (Rapport Thiesse a la
Chambre. Proposition Vaillant, Chabert et Ro-
binet au conseil municipal.) â 2° Abolition des
octrois, impôt sur le capital. (Proposition Yves
Guyot,)â3° Impôt progressif sur les successions.
(Proposition Laguerre, Mare t et Giard a Ja Cham-
bre. Projet Godine.) â 4d Révision dos tarifs de
chemin de fer. (Proposition Farcy. â 5» Le pri-
vilège de la Banque de France.â6* La question
des mines.
Commission agricole. â Les champs d© dé-
monstration. (Circulaire ministérielle-)
Le citoyen Rouanet donna ensuite lecture d'nn
projet de loi sur Je travail des femmes et des
enfants adopté par la commission de législation
et portant de notables modifications à la loi da
19 avril 1874. â La discussion de es projet et la
lecture da rapport sur la question sont ren-
voyées à la prochaine séance.
La Séance est levée a minuit.
N. B. â Tous les citoyens adhérents on non à
la Société républicaine d'économie sociale, qui
auraient des renseignements, des documents ou
des observations cf ane nature quelconque à pré-
senter sar l'une des questions énumérées plus
haut, sont priés de les adresser au secrétaire
des commissions d'étude, bureau de la Revue
socialiste, 19, rue da Faubourg-Saint-Denis.
Les demandes de renseignements ou d'adhé-
sions à la Société sont également reçues à cette
adresse, et chez le citoyen Elle May, adminis-
trateur-trésorier, 17, rue Béranger, auquel doi-
vent être envoyées leâ cotisations.
UN CONSEIL PAR JOUR
Le sirop d'orgeat est préparé avec des
amandes douces et amères, du sucre et de
l'eau de fleur d'oranger.
Il doit son nom â l'ancienne habitude de
le préparer avec une décoction d'orge.
Il sert à préparer une boisson agréable et
rafraîchissante.
D1 MARC.
LES CONCERTS II HIER
Concert Colonne
?
Pendant, que dea gens d'esprit, sous pré- â¢
texte de démolir Wagner, font chorus avec
M. Paul Déroulède â inoffensive conspira-
tio u contre le chancelier â M. Colonne, qui
croit encore que les vibrations harmoniques
n'ont pas de patrie et qu'elles appartiennent
à tous ceux qai savent les apprécier, M. Co-
lonne nous conviait â entendre de la mu-
sique allemande interprétée par un Russe.
Hier, en effet, la présence du grand violo-
niste Joachim, au théâtre du Châtelet, avait
attiré une foule énorme. L'affiche, merveil-
leusement composée, promettait une fête
musicale de premier ordre, et si les applau-
dissements enthousiastes d'une salie entière
peuvent prouver quelque chose, les artistes
que nous avons entendus doivent être con-
tents.
Après avoir exécuté avec un ensemble
parfait et une grande puissance la sympho-
nie romaine {n° 4), de Mendelssohn, dont le
menuet de la troisième partie est bien
connu, l'orchestre s'est fait frénétiquement
applaudir et bisser dans l'exécution de qua-
tre phrases extraites du ballet de Rameau
les Fêtes dHebé. La Musette et Rondeau,
et ie Tambourin sont d'une simplicité si
naive, et d'une délicatesse si fine qu'il était
difficile à un auditoire comme celui qui
était là de résister an charme. Naturelle-
ment, les dames conduisaient la claque :
l'orchestre a dû recommencer. C'est après
une préparati n comme celle que nous
venons d'indiquer que Joachim vient atta-
quer, près de la rampe les premières notes
du concerto de Beethoven. Au début, l'im-
pression que fit le maître, fut assez froide.
Les sons de son instrument avalent quel-
que chose de strident et d'aigu, qui faisait
mal à l'oreille, l'artiste cependant semblait
calme et en possession de lui-même et ce ne
fut que peu à peu qu'il parvint à faire chan-
ter ses cordes et à rendre avec une expres-
sion qu'on ne peut définir, le magistral
morceau qu'il exécutait.
Son dernier coup d'archet fut accueilli par
des bravos et des trépignements ; il aval!. 1
conquis son auditoire. Aussi lorsqu'à ia
deuxième partie du concert, il revint exé-
cuter avec l'orchestre le sixième concerto
de Spohr, et seul un prélude, un menuet et
une gavotte de Bach, l'artiste mi salué par
une ovation comme Paris seul sait en faire
aux musiciens qu'il apprécie, Joachim eu
effet, venait de mettre en lumière ses émi-
nentes qualités de virtuose, en interprétant
la mélodie si simple et si large de Spohr, et
i de montrer avec la gavotte ce talent d'exé-
cution que le plus range au nombre des
grands maîtres. Son triomphe fut complet,
trois lots il fut rappelé par ies bravos du
l'orchestre et des spectateurs.
Cette délicieuse matinée musicale se ter-
minait par uue des rapsodies les plus con-
nues de Liszt. Colonne et ses musiciens ont
enlevé avec l'entrain et la maestria connues
cette étrange composition si vive et si ori-
ginale. â P. G,
Concert Lamoureux
Très beau programme hier, à l'Eden-
Théâtre, exécuté avej cette perfection à la-
quelle M. Lamoureux et son orchestre nous
ont accoutumés. Le concert débutait par ia
belle ouverture de Sigurd.
M. Liégeois a joué ensuite avec une sû- j
reté et un goût remarquables un adagio de
Max Bruch.
Le morceau capital était la symphonie 1
avec choeur de Beethoven, dont l'adagio est!
un pur chef-d'oeuvre. Le finale avec choeur
sur l'ode k la Liberté est une page gran-
diose, et le succès en a été très grand. On a
chaleureusement applaudi l'orchestré, et les
^ interprètes, Mlle Elly Warnots, Mme Mon-
tégu-Montibert et MM. Van Dyck et Fon-
taine.
L'air de R Pensiroso, de Haendel, a été
chanté par Mlle Elly Warnots, qui a une
fort jolie voix, d'une pureté exquise et d'une
étendue remarquable. La marche, mainte-
nant populaire, du Tannhaiiser, qui termi-
nait ta représentation, a été enlevée avec
beaucoup de verve par l'orchestre et cou-
verte d'applaudissements. â X.
FAITS DIVERS
Le crime <ï« la rut Caumartin, â Après
l'autopsie, la cadavre do Marie Aguélant a été
replacé dans l'appareil frigorifique.
Les soupçons se portent, d'après la Liberté,
partiellerement sar au individu connu des
habitués de l'EdenThéâtre, qui, depuis six
nois environ, entretenait des relations aveo la
fille Aguétant et avec laquelle on Fa vu dans
la soirée de jeudi.
Cal Individu, qui était parfaitement au cou-
rant des habitudes de ia victime, a disparu
sans qu'il ait été possible, jusqu'à cette heure,
de la retrouver,
D^s agents de la sûreté sont allés hier soir à
l'Eden-Thêâtre et ont interrogé un grand nom-
bra d'habitué es de rétablissement sur Marie
Aguétant et aur les personnes qu'elle pouvait
fréquenter.
Suicidé, â Le concierge du numéro 8 de la
place de la Bourse vint avertir avant-hier soir
le commissaire de police du quartier qu'un de
ses locataires, M» Adolphe Favre, venait d'être
trouvé mort dans «on appartement.
M. Rolly de Bainègre s'y transporta aussitôt
avec un médecin et IL constata que ce monsieur
S'était tiré un coup de revolver à la tempe
droite; la mort avait dû être instantanée et re-
montait à quatre heures environ.
Avant de se tuer, le malheureux avait accro-
ché sa montre â l'espagnolette de la croisée. Le
corps a été trouvé vêtu et couché an pied d'un
fauteuil.
Le commissaire, en 5e livrant à des recher-
ches dans l'appartement, a trouvé, sur le cham-
brante de la cheminée un petit carré de papier
écolier sur lequel le suicidé avait le Jour même
tracé ses dernières volontés :
« Je prie de prévenir Immédiatement nu no-
taire de la place de la Bourse que l'institue mon
exécuteur testamentaire et qui fait où est placée
toute ma fortune. »
Suivaient des instructions, entre autre pour
le marbrier qni a construit soa caveau au Père-
Lachaise.
Et, enfin, ces quelques phrases, datées du 15
janvier, signées Adolphe Favre :
« Ma dernière pensée est à Dieu. J'ai toujours
cru en lui et l'ai toujours aimé,
» O mon Dieu f reçois moi dans ton ?eln !
» Paix et miséricorde à tous. »
D'après les renseignements pris, le suicidé
était né à Lille en 1805. Veuf depuis longtemps
il n'avait plus de famille et habitait seul. Riche
et très avare, il avait toujours peur qu'on ne
vint le voler,
L<î corps est resté dans l'appartement.
Arréstation de faux monnayeurs. â On
écrit de Moyermoutier au Mémorial des Vos-
ges qne, le 12 courant, la gendarmerie a arrête
sous l'inculpation de fabrication défaussé mon-
naie, les nommés Chibel (Jules), âgé de m ans
meunier, et Poirei (Joseph), âge de 47 ans. ma-
noeuvre,
Poirel a avoué avoir fabriqué huit pièces faus-
ses, dont quatre de 5 fr. et quatre (Je a fr., au
moyen de moules en plâtre qu'il avait détroits
et Jetés dans la rivière.
Le feu a la mairie do VI* arrondisse-
ment. â Un incendie d'une grande violence et
qui a failli prendre des proportions désastreu-
ses sVst déclaré samedi soir, a la mairie du
VI* arrondissement, place Saint-Sulpice. Une
j demi-heure environ après le départ des ouvriers
! on s'est aperçu que la nouvelle salle das Fêtes!
en construction et presque terminée, était tout
en feu.
Alimenté psr les copeaux, les boiseries fraî-
chement peintes et les couleurs laissées dans la
salie, ie feu avait pris, dès le début, une telle
Intensité qae l'on craignait, dans le quartier, de
voir le bâti ment tout entier consumé par les
flammes.
Ce n'est que grâce à la promptitude avec la-
I que le les pompiers de la rne du Vieux-Colom-
bier ont organisé les secours, que l'on a pu ar7
rêter les propre^ du feu et sauver les bâtiments
; menacés.
Les pertes, sont évaluées â plusieurs milliers
[ de francs.
Broyés par un train. - Ua horrible acci-
dent est arrivé, vendredi soir, vers dix heures
au Bourget, sur la ligne du Nord. Deux ouvriers
terrassiers, les nommes Ives Alin, âgé da vingt-
neuf ans, et Désiré Foins, âgé de trente et un
ans, tous deux habitant Saint-Denis, traver-
saient îa voie ferrée, lorsque le chapeau d'Alin
vint à tomber par suite de la violence da vent.
Le terrassier voulut le relever; mais, a ca mo-
ment, arrivait â toute vitesse une locomotive.
Alln a ète relevé complètement broyé. Quant à
son camarade Poins, qut avait voulu se porter
à son secours, il a eu le bras droit cassé et
deux côtes enfoncées par la machine. U a été
transporte à l'hôpital Lariboisière dans un état
désespéré.
Le caisster T'Kint. â Oq manda de Lou-
vain, le 14 :
« Eugène T'Kint, le fameux caissier de la
Banque de Belgique a été mis en liberté au*
jourd'hui
M. Houteklet avait fait délivrer, le matin,
pour T'Kint, un certificat d'indigent, constatant
psf conséquent que ce dernier ne possède al
meubles, ni Immeubles, et c'est en vertu de la
production de ce document que les portes de la
prison ont été ouvertes aa détenu. T'Kint a
passé en prison neuf ans, dis mois et trois
jours.
llliiLi; de FOIE n.JiOIUlE CBEVR1EK
au (jOUDKON et A k'ECOR.CË D'ORANltES
:⢠â â â .:: Facile à prendre, se digère Irôs bien.
21, ror da Cmboarg-Montinirire.
BUFFON'. â (Km«Très enauplèten, pré-
cédées d'ooe (NTRODUOTÏON du 458 E-àgbb
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son menu en plus de l'ordinaire : l« Iran fa,
3 génisses, 32 veaux, 63 chevaux, 95 mou-
tons, 300 gorets de lait, onze-vingt perdrix,
700 bécasses, et l'énumération des mats con-
tinue en litanies dont l'exagération bouf-
fonne laisse percer une satire amère dea
. prodigalités de François
Des rois que leurs peuples nourrissent si
â bien, peuvent se donner du mal pour les
défendre. Rabelais veut que le roi soit un
bon fonctionnaire. Déjà Philippe Pot avait
dit, ans Etats-Génèraux de 1483 : « La
royauté est une fonction, et non un patri-
moine héréditaire : dans le peuple réside la
souveraineté. > C'est la doctrine de Rabe-
lais : ce sara celle de l'Assemblée consti-
tuante.
»*â¢
SI Rabelais juge librement les bons rots,
on devine qu'il sera sans pitié pour les
mauvais. Le type ds ces derniers est Pichro-
cole, le roi batailleur. Pour une injure dou-
teuse, 11 entre en fureur et fait convoquer
le ban et l'arrière-ban de sa milice : tous
les hommes valides, sous peine de mort,
seront réunis à midi devant le château. Pen-
dant qu'on apprête son dîner, il va faire
affûter son artillerie, et, en dînant, il dicte
son plan dé campagne. Pichrocole, c'est
Charles VIII, c'est François I"r, ce sera Na-
poléon III.
Le paya de Grandgousier est envahi. Les
soldats de l'agresseur se livrent à un pil-
lage cruel, que Rabelais décrit avec son
horreur pour la guerre et les gens de
guerre. Il s'Indigne aussi contre les courti-
sans qui poussent un roi à rompre la paix
et la personnifie daHs ce Toucquedillon qui
promet à Pichrocole la conquête du monde,
La tradition chauvine lie peut pas sa récla-
mer de Rabelais.
Pichrocole est vaincu, mais du motus il
s'est bien battu, comme le roi Jean, comme
plus tard François 1er. Il fuit. Son cheval
ayant bronché, il le tue de colère. Il veut
prendre un âne, mais les meuniers le rouent
de coups, le détroussent de ses habille-
ments et lui baillent une méchante souque-
nille. Il s'en va, I rainant la patte. Due vieille
boiteuse lui prédit que son royaume lui
sera rendu à l'arrivée des coquésigrues. Il
se retire à Lyon, y gagne sa vie sou par
sou, à de pauvres métiers, demandant sans
cesse aux étrangers s'ils n'ont pas rencontré
les coquesigrues.
Voici un autre mauvais roi, Anarche, roi
des Dipsodes. Rabelais le traite avec encore
plus d'Irrévérence que l'Insurrection du 20
Juin 1792 ne traita Louis XVI. Anarche est
donné à Panurge par.son vainqueur Panta-
gruel. Se souvenant du discours de son
ami Epistémon, qui a visité les enfers et a
vu « comment étaient traités les rois et ri-
ches de ce monde par les Champs- Elysées
et comment ils gagnaient pour leur vie à
vils et sales métiers. > Panurge trouve bon
de faire apprendre un métier à i monsieur
du roy » afin qu'il soit c Jà tont expert en
l'art quand lt sera de par là à tous les dia-
bles. â II lui donne une livrée déchirée, lui
fait présent d'un mauvais calembourg et
d'une belle ceinture de pers et de vert, di-
sant < que cette livrèe lui advenait bien, vu
qu'il avait été pervers. » Il l'emmène à
Pantagruel, qui ne le reconnaît pas- « C'est
monsieur du roy, dit-il. Je le veux faire
homme de bien. Ces diables de roi icy ne
sont que veaux, et ne savent ni ne valent
rien sinon à faire des maulx anx pauvres
sujets et à troubler tout le monde par guer-
re pour leur laïque et détestable plaisir. Je
le venx mettre à mestier et le faire crieur
de sauce verte. Or, commence à crier :
Vous faut-il point de sauce verte? â Et le
pauvre diable criait. â Chante plus haut.
Allons, c'est bien. Tu as une bonne voix.
N'est-ce pas que tù ne fus jamais si heureux
que de n'être plus roi ?»
11 Unit par le marier avec une vieille
lanternière et Pantagruel leur donne une
petite loge auprès de la basse rue et un
mortier de pierre à piler la sauce,. Et Anar-
che est aussi « gentil crtenr de sauce
verte > qu'il avait été mauvais roi. Mais
sa femme qui, quoique vieille, est encore
vive, le bat, « et le pauvre sot ne se ose
desfendre faut il est niays. »
On le voit : Rabelais avait écrit, lui aussi,
ses Rois en eoeil, avant Alphonse Daudet :
en tout cas les vainqueurs du 10 août eux-
mêmes ne furent pas plus irrévérents pour
le trône que ne l'avait été le hardi héritier
du libre esprit frondeur du moyen-âge. Il
y a toujours eu des républicains sur la terre
de France. /
Justement,: Rabelais est un républicain é.
la mode des bourgeois libéraux de 89. La
République est son Idéal, *ori rêve de col-
lège; an attendant, 11 s'accommode d'une
royauté mitigée et d'un grand pouvoir,
«mue Barnave et Sieyes s'accommoderont
de Louis XVI. Dans 1» question religieuse,
ses vues seront celles dea patriotes de 1790,
aussi hardies et aussi timorées à la fois.
Que reproche-t-il au clergé? D'être un
corps politique,, en même temps qu'un corps
religieux. Pourquoi le clergé a-t-i1 une
Justice à lui, des tribunaux particuliers, où
les clercs ne sont jugés que par dès clercs,
même pour offense à des laïques? Pourquoi
possède-t-il des biens immenses et n'est-il,
pour ainsi dire, pas atteint par l'impôt?
Pourquoi perçoit-il lui-même un impôt sur
les terres nobles ou non nobles? Pourquoi
son chef est il & Rome ? Pourquoi ce chef, j
souvent ennemi de la France et en guerre
avec elle, touche-t-il néanmoins une rede-
vance sur les bien» français ? E(, dans la
benoite île de Papimanie, Rabelais décrit le
culte des saintes Décrétâtes, vieilles pièces
plus ou moins apocryphes qui émanent des
pontifes et réclament des envols d'argent.
Ici l'indignation donne à la raillerie un
accent tragique et le philosophe damne
avec colère les papes prévaricateurs, sur-
tout ceux qui furent ennemis de la France.
4 De par là-bas à tous les diables, le ter-
rible Jute» II, dépouillé de sa longue barbe,
vend des petits pâtés ; Boniface VIII écume
les marmites ; Urbain VI est croquelar-
don, etc. »
Quand aux converses et aux moines, si
Rabelais en parle, il semble entendre déjà
les discours dont retentira la tribune de la
Constituante lors du débat sur la suppres-
sion des ordres religieux. Ecoutez frère
Jean dire pourquoi les moines sont haïs de
tout le monde :
« Par la raison qu'an singe dans une fa-
mille est toujours moqué et harcelé. Le
singe ne garde pas la maison comme le
chien, il i» tire pas la charrue comme le
boeuf, il ne produit ni lait ni laine comme
la brebis, 11 ne porte pas le faix comme le
cheval... Il en est de même du moine ; il ne
laboura pas comme le paysan, il ne garde
pas le pays comme l'homme de guerre, 11
ne guérit pas 1» malade comme le médecin,
11 ne prêche pas, 11 n'Instruit pas comme le
docteur évangélique ou le pédagogue; il ne
porte pas le? commodités et les choses né-
cessaires & la République comme Je mar-
chand,-â Les moines prient Dieu pour nous,
objecte Grandgousier. â Pas du tout, dît
Gargantua, ils se bornent  molester le voi-
sinage à force de trinqueballer leurs clo-
ches,.. Ils marmottent quantité de légendes
el de psaumes auxquels ils n'entendent rien.
Ils enfilent les Pater noster et les Ave
Maria sans y penser et sans y rien'enten-
dre. J'appelle cela se moquer de Dieu et
nous faire oraison. S'ils prient pour nous,
dieu mê gardé I c'est qu'ils ont peur de pèr-
dre leurs, miches et leurs soupes grasses. »
Conclusion : Il est fâcheux dé voir les. bon-,
r.es gens qui rognent de leurs biens et du
bien provenant de leurs labeurs et sueurs
â de leurs mains, pour en abondance nourrir.
: et entretenir cette raca parasite et glou-
tonne,
Voilà les hardiesses de Rabelais ; mais en
face du dogme chrétien, 11 est, extérieure-
ment, aussi timide, aussi respectueux que
les Constituants. Ce n'est pas qàe, dans son'
for Intérieur, 11 ne philosophe aussi har-
diment que le leront les Encyclopédistes.
Comme don Juan dans Molière, Il appartient
à la religion de l'humanité. Au temps dB
Théophile de Viau, Pantagruel sera le ma-
nuel des esprits forts, à la graude Indigna-
tion du jésuite Garasse : * Lés libertins,
écrit celui-ci en 1(123, ont on main le Rabe-
lais, comme l'enchiridion du libertinage..
J'estime qué Rabelais est un très maudit et'
très pernicieux écrivain, qui suce peu â peu
l'esprit de piété, qui dérobe insensiblement
l'homme do soi-même, qui anéantit le sen-
timent de religion, qui a fait plus de dé-
gât eu France par ses bouffonneries que
Calvin par ses nouveautés, t Le jésuite a
raison : mais il devine plus qu'il ne voit,
l'audace philosophique du Pantagruel. Ce
n'est que de nos jours que toute la pensée
de Rabelais a été saisie et toute la morale
dégustée : pour lui, la science est la vraie
religion de l'homme, et c'est d'eau pure
qu'est remplie la dive bouteille, de l'eau
pure de la science. Mais il a fallu que Di-
derot et Auguste Comte fissent notre éduca-
cation intellectuelle, pour que l'Idée pro-
fonde dea derniers chapitres da Rabelais,
fût pénétrée, pour que l'os médullaire fût
entièrement brisé. En tout cas, Rabelais a
si hlan masqué sa pensée de derrière la tête,
metu atomorum. ignis, il l'a si bien réser-
vée pour lui seul et pour quelque initiés,
qu'on peut ao demander si le dernier mot
de sa sagesse pratique n'est pas le conseil
immoral de Montaigne, dont nous souffrons
encore : pratiquer la religion sans y croire.
Ce fut précisément la politique, l'attitude
de la plupart dea hommes de la Révolu-
tion.
At-
Et pourtant, sauf peut-être Danton, aucun
des conducteurs du mouvement de 89 ou
de celui de 92 ne se douta qu'il était animé
de l'esprit de Rabelais. Lisez Louis Plane,
héritier naïf de la doctrine robesplerriste.
Pour lui, comme pour Ronsard, le grand
philosophe n'est
Qu'an bon buberon qui buvait
Toujours cependant qu'il vivait.
Jamais personne n'a parlé de l'auteur da
Pantagruel avec un pédantisme plus ni-
gaud que cet historien consciencieux ; « A
quel système de l'esprit humain, dit-il, rap-
porter an livre qui égara la philosophie dans
des lieux où tout n'est que débauche d'ima-
gination, hymnes de buveurs, nudités obs-
cènes, culte des joies qui souillent el abru-
tissent, apothéose du dévergondage... Quel
chaîne et quelle force peut-il y avoir en des
enseignements auxquels se mêlent, à chaque
page, des leçons de libertinage hideux et ie
spectacle de la vie humaine emportée dans
le tumulte d'une sorte de mascarade univer-
selle? » C'est avec cette inintelligence que
la masse du public, en 1789, jugeait Rabe-
lais, sans l'avoir lu, sur sa réputation légen-
daire de bouffon aviné, et sans voir en lui
un précurseur de la Révolution. L'opinion,
à cette époque, aimait â se placer sous le
patronnage d'un des grands hommes du
passé : elle invoquait à la tribune, elle évo-
quait dans des pamphlet» st sur le théâtre,
l'ombre de Fènelon, celte de Montesquieu,
de Mably, et surtout de Jean-Jacques. Or,
Rabelais n'est mis en cause, pendant ees
deux années, 1789 et 171^0, si féconde» an bro-
chures, que dans (taux pamphlets, tous deux
réactionnaires.
C'est d'abord une Lettre de Rabelais aux
curés, dépitas aux Etats Généraux, qui
parut & la fin de mai ou au commence-
ment de juin nm, au moment où lé bon
abbé Jallet poussait ses collègues, les cu-
rés patriotes, à quitter la chambre du clergé
pour s'unir au Tiers-Etat. Un évêque aris-
tocrate emprunte la bouche dii curé de
pour avertir d'nn ton commina-
toire, tes prêtres unionistes qu'Us né sont
que dfes auteurs Je guerre civile. Pas de
réunion dès ordres*! elles serait la perte de
la hiérarchie et de la religion. Pas d'éga
llé ! elle ruinerait sans remède l'Eglise dé
Jésus. Et pourquoi prêter ces conseils à
Rabelais? parce que Rabelais fut puissant,
parce qu'il fut toujours au mieux avec les
puissants du Jour, parce qu'il manque d'au-
dace civile : « Je n'étais pas un très bon
curé, lui fait-on dire, mais Je sentais la be-
soin ét l'avantage d'être un tr£a bon dom-
ine. Contemporain dé Luther, je pouvais,
comme lui, me faire un grand nom ; peu
fus ténté, et la réflexion me Ht préférer à
l'honneur d'Influer sur les opinions des
mortels, le bonheur piua certain d'être
aimé de mes concitoyens, >
Le second pamphlet, conçu d'un tout autre
Ion, esi une Lettre de M. Rabelais, ci de-
vant cure de Meudon, aux 94 rédacteurs
des Actes des .Apôthes, 5 avril 1790. Ra-
belais y apparait l'ordure à la bouche, em-
brassant Jeanneton avèc un refrain obscène.
Il donne an public un tableau des Etals
Généraux (le 1562. Bleu entendu, 11 s'agit de
ceux da 89, et, parmi les députés, l'auteur
anonyme de celte platitude vise particuliè-
rement un évéque, qu'il ne nomme pas,
mais qu'il promène dans tous les lieux de
prostitution. Il fait fredonner à Rabelais
les chansons les plus bêtes contre les pa-
triotes :
Lès deputés, js pense,
Ressemblent fort aux maçons ;
Ils font grande dépense
Eo travaillant anx maisons ;
Pour racommoder la France,
Pir jour, l!j ont dix-huit francs ;
Mais je n'ai pas la croyance
Qu'ils soient tonf d'honnêtes gens.
Comme trait final, Rabelais injurie cyni-
: quement les rédacteurs dû Journal dé Pa-
ris, dont le monarchisme ne trouve pas
grâce devant les beaux esprits de l'aristo-
1 cratie.
Voilâ l'Idée que se faisait alors le public
de ce grand initiateur dé 1» pensée moder-
ne. Le préjugé était si fortement enraciné
que, quand, en 1791, Ginguenê publia son
opuscule êrudit et spirituel, De Çautorité de
Rabelais dans la 3,évolution française,
etc., ou Institutions royales, politiques
et ecclésiastiques tirées de Gargantua et
de Pantagruel, on ne voulut voir qu'un
paradoxe d'érudit dans ces pages si solides
at si neuves, qui inaugurent vraiment la
critique rabelaisienne. En l'an V, au milieu
de tant d'évocations de Rousseau, Je ne vols
I apparaître le souvenir de Rabelais que dans
an factum Intitulé. : La harangue de >w:-
tre Janotus de Bragmardo, faite à Car-
| guantua pour recouvrer les cloches. Mais
ce n'est qu'une facétie k propos du fameux
discours dé Camille Jordan pour qu'il fut
permit aux catholiques de sonner les «lo-
ches. Bn réalité, notre grand Rabelais n'eut
aucune influence directe sur la Révolution,
qui l'Ignora. Mais U ne fut pas étranger au
mouvement philosophique qui prépara 8S;
en ce sens qu'il inspira Voltaire, Diderot,
Rousseau et . Beaumarchais. Aujourd'hui
que la filiation est rènouée, la libre-pensée
française vénère en Rabelais son ancêtre,â
Pourquoi ne fut-il pas également la Père
de noire littérature? A cette Imagination
puissante, mais un peu sèche et exclusive-
ment masculine, Il ne manqua peut êlrè
que l'amour d'une femme pour que l'auteur
iie Pantagruel devint l'Homère de, la
France.
Santhonax.
NECROLOGIE
M, PAUL BAUDRY
M. Paul Baudry, artiste peintre, est mort
hier matin h quatre heures des suites de la
maladie de coeur dont il souffrait depuis
quelques semaines.
Paul-Jacques-Aimé Baudry est né â La
Roche-sur-Yon ie 7 novembre 1828. Il ap-
partenait à une famille peu aisée ; son père
était sabotier, mais U s'efforça cependant de
développer l'Instruction de son fils. M. Paul
Baudry était en train d'étudier les éléments
de la musique, quand le hasard le m't en
présence de Sartoris, alors simple profes-
seur de dessin. Celui-ci reconnut bien vile
que son Jeune protégé avait « la vocation »;
11 lui mit un crayon entre !ea mains et le
fit entrer à l'école des Beaux-Arts.
Sa ville natale lui alloua, pendant ses
éludes, une pension annuelle de l,5ÛÛ fr.
Paul Baudry entra ensuite dans l'atelier
de Drolling et remporta, en 1850, le grand
prix de Rome. Le sujet du concours était :
Zènobie retrouvée sur les bords de l'A-
raxe,
M. Paul Baudry était déjà très connu
quand, à SOA retour d'Italie, 11 envoya au
Salon de 1857 deux tableaux : le Supplice
tfùne vestale et la Fortune et le jeune
enfant, qui ont été acquis par l'Etat et fi-
gurent au musée du Luxembourg.
La critique n'avait pas tardé à signaler
les rares mérites des portraits exécutés par
M. Baudry.
Chargé de décorer le foyer et les galeries
de l'Opéra, M. Paul Baudry consacra dix
années à ce grand travail.
Entre temps l'éminent artiste exécuta les
décorations de l'hôtel que fit construire,
aux Champs-Elysées, la trop célèbre Mme
de Paiva ; bien que le public n'ait jamais
été admis a visiter cet hôtel, on sait, par les
études des critiques d'art qui en ont franchi
le seuil, que les peintures dont il est orné
sont dignes de M. Pau! Baudry; on cite en
particulier deux sujets : les Heures du jour
et les Divisions du temps, qui passent pour
être de véritables merveilles d'érudition et
de goût.
Depuis 1861, M. Paul Baudry n'a plus
exposé que des portraits; H avait même,
p9ndant huit ans, cessé ses envois au Salon
du Palais de l'Industrie, pour n'y repa-
raître qu'en 1876 et 1877.
En 1870, M. Paul Baudry succéda à
Schnetz comme membre de l'Académie des
beaux-arts. Il avait été, en 1861, nommé
chevalier de la Légion d'honneur; il fut
fait officier du même ordre en 1869, et
commandeur en 1875.
Le jour de8 obsèques n'est pas encore
fixé.
LETTRES & ARTS
Nous apprenons qu'une exposition inté-
ressante est eri ce moment ouvertes; 6, rue
Milton.
U» élèves ilç Mme Mac'Nab y soumet-
tent â la critique et au jugement du public
des aquarelles, des dessins et des compost -
tions décoratives qui méritent l'attention.
En réponse à une pétition, lord Salisbury
a déclaré récemment que le gouvernement
anglais se propose de demander au Parle-
ment l'autorisation pour le Royaume-Uni
d'entrer dans l'union Internationale de la
propriété littéraire, pour la formation de
laquelle des négociations ont lieu actuelle-
ment entre différents Etals européens.
LES LIVRES
Sous ce titre : Louis XIV et la Compa-
gnie des Indes de 1864, par M. Louis Pau-
llat, la librairie Galmanu Lévy met aujour-
d'hui en vente un ouvrage qui justifie la
parole si discutée d'Augustin Thierry, que
la véritable histoire de France était encore
dans les Archives. Grâce â la sagacité avec
laquelle ses recherches ont été dirigées,
M. Pan liât a découvert en effet dans les Ar-
chives de la niarine des documents du plus
haut intérêt historique.
Non seulement 11 a mis la main sur la
cause réelle de cette fameuse guerre de
Hollande dé 1672 an sujet .de laquelle les
historiens de tous les pays n'avalent pu
faire jusqu'ici que des conjectures, mais
grâce k lui nous avons encore un Louis XIV
absolument inédit, tout différent de ce roi
Soleil, bouffi
Est-il rien effectivement de plus étrange
que de voir le Grand roi tel que nous nous
l'Imaginions, lancer l'affaire de cette Com-
pagnie des Indes de 1664 comme pourrait le
faire un financier de nos jours, écrivant
aux villes de France pour les engager à
souscrire des actions, présidant des as-
semblées d'actionnaires, employant les
moyens les plus inouïs pour avoir un
conseil d'aministration à lui, descendant
aux menaces les plus Incroyables contre
rmer tionnai versements refusaient
Et pourtant c'est ce qui est, et il est im-
possible d'épiloguer, puisque M. Paullat
a eu le soin d'en mettre toutes les preuves
authentiques sous les yeux de ses lec-
teurs.
Mais l'attrait de ce volume ne réside pas
uniquement dans les révélations historiques
qui sont appelées'à changer les points de
vue d'après lesquels ont été, écrites tontes
les histoires de Louis XIV. Les hommes qui
s'intéressent aux questions de colonisation,
de politique Coloniale et surtout à l'avenir
de Madagascar pourront encore le lire avec
le plus grand fruit. Cette Compagnie des
Indes de 1664 s'était, en effet particulière-
ment occupée de la colonisation delà grande
lie africaine. Aussi est-ce avec un réel plai-
sir qu'on lit les affiches qu'elle fit apposer
dans Paris et les provinces pour recruter
les colons, et que l'on volt les principes
adoptés par elle pour la distribution des
terres et un rapide peuplement du pays.
Comme l'ancien régime s'y connaissait, en
fait de colonisation ! Mais si, à Madagascar,
de grands résultats ont pu être obtenus en
deux ou trois années sous Louis XIV, que
ne sera-ce pas à nôtre époque, quand celte
ile, nous appartenant tout à fait, des Fran-
çais voudront bien prendre la peine d'y
aller coloniser. C'est l'impression agréable
que laisse toute cette partie de ce remar-
quable travail dont la lecture ne saurait
être trop recommandée.
JOURNAL DU PALAIS
L'affaire Lntaud
Nos lecteurs se souviennent peut-être des
poursuites qui ont été intentées par M. Lu-
taud, sous-préfet de Boulogne, à propos
d'un article publié par la Nation, et com-
menté ou reproduit par le Cri du Peuple
le Monde et le Pays.
Les prévenus demandaient à comparaître
devant le jury, attendu que M, Lutaud est
fonctionnaire; après d'Innombrables forma-
lités judiciaires, MM. Camille Dreyfus, l'au-
teur de l'article, et Rigollot, gérant du jour-
nal, se présentaient nier devant la cour
d'appel de Rouen, présidée par M. Leséné-
cal.
Notre ami Milleraud était chargé de dé-
fendre la Nation.
Au début de l'audience, Me Millerand
pose des conclusions d'après lesquelles)
s'appuyant sur l'art. 14 de la loi du 13 juil-
let 1871, Il soutient que la jurisprudence
correctionnelle ne peut s'étendre à M. Drey-
fus : La Chambre, en effet, n'a pas autorisé
les poursuites dirigées contre un de ses
membres. M* Foucart pose des conclusions
contradictoires. M. l'avocat général conclut
dans le sens de M" Millerand. La cour, après
en avoir longuement délibéré, décide qu'elle
passera outre à la discussion, et déclare que
M. Dreyfus ne peut bénéficier de l'Immu-
nité parlementaire.
M. Dreyfus, rappelant le deuxième para-
graphe de l'article 14, déclare qu'il fait dé-
faut.
L'incident ainsi vidé, le président donne
la parole à Me Millerand.
Il établit que, s'il y a diffamation, elle
s'adresse à M. Lutaud, fonctionnaire, et
qu'en ce cas ia cour doit se déclarer incom-
pétente et renvoyer les défendeurs devant
les assises.
Ce dilemme est irréprochable.
Voici la péroraison de M. Millerand :
« il faut remarquer, poursuit M. Mille-
rand, que le législateur a, depuis 1819,
étendu considérablement le nombre des
fonctionnaires publics. La loi de 1881 classe
dans cette catégorie « les citoyens chargés
d'un service ou d'un mandat public >. Ceci
est une addition, ce n'est pas une explica-
tion des textes antérieurs. Il n'est pas pos-
sible que M. Lutaud soit ce petit scribe sans
importance, sans influence, sans autorité,
pendant son passage au ministère, alors
qu'il était fonctionnaire avant d'y entrer, et
qu'il en est sorti fonctionnaire. Vous avez
donc devant vous un fonctionnaire qui n'ose
se déclarer tel ; qui, pour échapper à la
preuve, se réfugie derrière des arguments
impossibles à soutenir. >
M° Foucard, avocat de M. Lutaud, ré-
plique comme il peut, assez spirituellement
même.
M* Foucard, du barreau de Valenciennes,
termine par ces moîs :
â Ces preuves, mon client demande
qu'elles soient faites. Qu'on produise des
témoins.
On le volt, ce petit jeu pourrait se prolon-
ger indéfiniment : M. Lutaud ne veut pas
sortir de la juridiction correctionnelle et
les prévenus veulent comparaître devant la
cour d'assises, parce que, devant le jury
seulement, le débat offre de l'Intérêt et les
témoignages ont de l'Importance.
M° Jules Auffray prononce à son tour,
pour le Monde, une très remarquable plai-
doirie.
Après une réplique de Me Foucard, qui
ressasse de nouveau le seul argument par
lui invoqué : % M. Lutaud n'était pas nom-
mé en vertu d'une loi >, et qui soutient que
M. Paul Bert, en sa qualité de résident gé-
néral au Tonkin, ne sera pas fonctionnaire
public (un comble!) l'affaire est renvoyée
au lendemain pour entendre M, l'avocat-
général dans ses conclusions. Il n'est pas
probable que la cour rende immédiatement
I son arrêt.
AFFAIRES MILITAIRES
Le ministre de la guerre vient de pren-
dre les mesures suivantes en ce qui con-
cerne les hommes à la disposition de l'au-
torité militaire et les hommes classés dans
les services auxiliaires.
Les premiers sont astreints à deux re-
vues d'appel pendant les cinq années du ser-
vice actif de la classe dont ils font partie,
savoir :
En 1886, classes de 1881 et 1883;
En 18H7, classes de 1882 et 1884;
En 1888, classes de 1883 et 1885;
En iSBâj classes de 1884 et 188$;
En 1890, classes de 1885 et 1887.
Etc.
On sait que les hommes à la disposition
de l'autorité militaire rentrent dans le droit
commun, c'est-à-dire passent dans la ré-
serve et sont astreints aux réunions de
Celle-ci, puis de l'armée territoriale, en
même temps que la classe à laquelle Ils ap-
partiennent.
Les hommes classés dans les services
auxiliaires, qui ne sont jamais appelés sous
les drapeaux en temps dé paix, doivent ré-
pondre à cinq revues d'appel, dont :
Deux pendant les cinq années de service
actif de leur classe;
Deux pendant les quatre années de ré-
serve active;
Une pendant les cinq années de l'armée
territoriale.
Ces revues auront lieu dans les conditions
suivantes :
En Ï886, classes de 1873, 1877, 1879, 1881
et 1883.
Eu 1887, classes de 1874, 1878, 1880, I8S2
et 1884.
Eu 1888, classes de 1875, 1879, 1881, 1883
et 1885.
En 1889, classes ie 1876, 1880, 1882, 1884
et 1886.
En 1890, classes de IS77, 1881, 1883, 1885
et 1887, etc.
Les revues d'appel ci-dessus Indiquées
^'effectueront au chef-lieu de canton, le jour
( où le couseil de révision s'y réunit pour
procéder à la formation de la classe, et â
i l'heure qtil est arrêtée par le général com-
mandant le corps d'armé*, de Concert avec
te préfet du département.
Par mesure d'économie, le ministre de la
guerre a légèrement réduit les chiffres des
balles qui seront tirées chaque annee
dans certains corps de troupes. Les infir-
miers, secrétaires d'état-major et de recru-
tement, les commis ei ouvriers militaires
d'administration tireront vingt cartouches
â balle au lieu de trente avec les fusils
modèle 1874. Les sous-officiers armés du
revolver tireront six balles au lieu de dix.
Les allocations de cartouches sont suppri-
mées pour les troupes d'artillerie de l'ar-
mée territoriale.
Le ministre de la marine, vient de don-
ner l'ordre de diriger sur Toulon dix-huit
torpilleurs qui constitueront au printemps
une flottille adjointe à l'escadre d'évolu-
tions et se livrant à des expériences avec
les navires de l'escadre dans la Méditerra-
née, d'après le programme suivant :
Attaqué d'une escadre cuirassée au mouil-
lage dans une rade ét au large ;
Tir des torpilleurs sur des bâtiments lan-
cés à grande vitesse.
La défense mobile de Toulon se livrera
en môme temps à des essais en tirant des
torpilles chargées contre différents spéci-
mens de coque.
Enfin, conformément au voeu exprimé par
' la commission dq budget de 1886 dans le
rapport de M. Gerville-Réache sur les dé-
penses de la marine, l'administration ma-
ritime et l'industrie civile vont rechercher
de concert les moyens de s'affranchir de
l'étranger pour la construction des torpilles,
qu# nous avons toujours achetées jusqu'ici
à l'usine autrichienne de Plume.
SOCIÉTÉ RÉPUBLICAINE
D'ÉCONOMIE SOCIALE
On nous prie d'insérer la communication
suivante :
La séance da comité d'administration dû cette
importante société, dont faction sociale prati-
que est appelée à rendre d'autant plas de ser-
vices qu'elle se plaça en dehors de fonte action
politiqne proprement dite a été tenue lundi
Il janvier, sous la présidence du citoyen E'te
May,
La société, ayant décidé de consacrer une
partie de ses travaux a l'examen des projets «n
instance devant les corps élus, le comité a fait
la distribution suivante des travaux entre les
diverses commissions.
Commission de législation. â 1° Projet de
législation internationale du travail (Proposi-
tion an conseil municipal. â Proposition Camé-
linat, Boyer, Clovis Hugues, Basly, Gilly et
Prud'hon à ia Chambre). â 2" Réduction des
heures de travail^Proposition Vaillant et Strauss
au conseil municipal ; propos!lion Nadiad à. 3a
Chambre). â U» La travail des femmes et des
enfants {Proposition Nadaud à la Chambre). â
4° Hygiène et sécurité des ateliers (Proposition
Nadaud à ia Chambre). â 5* Assainissement des
logements insalubres (Proposition Nadaud).
6° Garanties ouvrières à stipuler dans les
cahiers des charges (Proposition Basly a la
Chambre). â 7* Protection des enfants (Propo-
sition Roussel au Sénat.)
Commission des finances. â 1° L'impôt sur
les ouvriers étrangers. (Rapport Thiesse a la
Chambre. Proposition Vaillant, Chabert et Ro-
binet au conseil municipal.) â 2° Abolition des
octrois, impôt sur le capital. (Proposition Yves
Guyot,)â3° Impôt progressif sur les successions.
(Proposition Laguerre, Mare t et Giard a Ja Cham-
bre. Projet Godine.) â 4d Révision dos tarifs de
chemin de fer. (Proposition Farcy. â 5» Le pri-
vilège de la Banque de France.â6* La question
des mines.
Commission agricole. â Les champs d© dé-
monstration. (Circulaire ministérielle-)
Le citoyen Rouanet donna ensuite lecture d'nn
projet de loi sur Je travail des femmes et des
enfants adopté par la commission de législation
et portant de notables modifications à la loi da
19 avril 1874. â La discussion de es projet et la
lecture da rapport sur la question sont ren-
voyées à la prochaine séance.
La Séance est levée a minuit.
N. B. â Tous les citoyens adhérents on non à
la Société républicaine d'économie sociale, qui
auraient des renseignements, des documents ou
des observations cf ane nature quelconque à pré-
senter sar l'une des questions énumérées plus
haut, sont priés de les adresser au secrétaire
des commissions d'étude, bureau de la Revue
socialiste, 19, rue da Faubourg-Saint-Denis.
Les demandes de renseignements ou d'adhé-
sions à la Société sont également reçues à cette
adresse, et chez le citoyen Elle May, adminis-
trateur-trésorier, 17, rue Béranger, auquel doi-
vent être envoyées leâ cotisations.
UN CONSEIL PAR JOUR
Le sirop d'orgeat est préparé avec des
amandes douces et amères, du sucre et de
l'eau de fleur d'oranger.
Il doit son nom â l'ancienne habitude de
le préparer avec une décoction d'orge.
Il sert à préparer une boisson agréable et
rafraîchissante.
D1 MARC.
LES CONCERTS II HIER
Concert Colonne
?
Pendant, que dea gens d'esprit, sous pré- â¢
texte de démolir Wagner, font chorus avec
M. Paul Déroulède â inoffensive conspira-
tio u contre le chancelier â M. Colonne, qui
croit encore que les vibrations harmoniques
n'ont pas de patrie et qu'elles appartiennent
à tous ceux qai savent les apprécier, M. Co-
lonne nous conviait â entendre de la mu-
sique allemande interprétée par un Russe.
Hier, en effet, la présence du grand violo-
niste Joachim, au théâtre du Châtelet, avait
attiré une foule énorme. L'affiche, merveil-
leusement composée, promettait une fête
musicale de premier ordre, et si les applau-
dissements enthousiastes d'une salie entière
peuvent prouver quelque chose, les artistes
que nous avons entendus doivent être con-
tents.
Après avoir exécuté avec un ensemble
parfait et une grande puissance la sympho-
nie romaine {n° 4), de Mendelssohn, dont le
menuet de la troisième partie est bien
connu, l'orchestre s'est fait frénétiquement
applaudir et bisser dans l'exécution de qua-
tre phrases extraites du ballet de Rameau
les Fêtes dHebé. La Musette et Rondeau,
et ie Tambourin sont d'une simplicité si
naive, et d'une délicatesse si fine qu'il était
difficile à un auditoire comme celui qui
était là de résister an charme. Naturelle-
ment, les dames conduisaient la claque :
l'orchestre a dû recommencer. C'est après
une préparati n comme celle que nous
venons d'indiquer que Joachim vient atta-
quer, près de la rampe les premières notes
du concerto de Beethoven. Au début, l'im-
pression que fit le maître, fut assez froide.
Les sons de son instrument avalent quel-
que chose de strident et d'aigu, qui faisait
mal à l'oreille, l'artiste cependant semblait
calme et en possession de lui-même et ce ne
fut que peu à peu qu'il parvint à faire chan-
ter ses cordes et à rendre avec une expres-
sion qu'on ne peut définir, le magistral
morceau qu'il exécutait.
Son dernier coup d'archet fut accueilli par
des bravos et des trépignements ; il aval!. 1
conquis son auditoire. Aussi lorsqu'à ia
deuxième partie du concert, il revint exé-
cuter avec l'orchestre le sixième concerto
de Spohr, et seul un prélude, un menuet et
une gavotte de Bach, l'artiste mi salué par
une ovation comme Paris seul sait en faire
aux musiciens qu'il apprécie, Joachim eu
effet, venait de mettre en lumière ses émi-
nentes qualités de virtuose, en interprétant
la mélodie si simple et si large de Spohr, et
i de montrer avec la gavotte ce talent d'exé-
cution que le plus range au nombre des
grands maîtres. Son triomphe fut complet,
trois lots il fut rappelé par ies bravos du
l'orchestre et des spectateurs.
Cette délicieuse matinée musicale se ter-
minait par uue des rapsodies les plus con-
nues de Liszt. Colonne et ses musiciens ont
enlevé avec l'entrain et la maestria connues
cette étrange composition si vive et si ori-
ginale. â P. G,
Concert Lamoureux
Très beau programme hier, à l'Eden-
Théâtre, exécuté avej cette perfection à la-
quelle M. Lamoureux et son orchestre nous
ont accoutumés. Le concert débutait par ia
belle ouverture de Sigurd.
M. Liégeois a joué ensuite avec une sû- j
reté et un goût remarquables un adagio de
Max Bruch.
Le morceau capital était la symphonie 1
avec choeur de Beethoven, dont l'adagio est!
un pur chef-d'oeuvre. Le finale avec choeur
sur l'ode k la Liberté est une page gran-
diose, et le succès en a été très grand. On a
chaleureusement applaudi l'orchestré, et les
^ interprètes, Mlle Elly Warnots, Mme Mon-
tégu-Montibert et MM. Van Dyck et Fon-
taine.
L'air de R Pensiroso, de Haendel, a été
chanté par Mlle Elly Warnots, qui a une
fort jolie voix, d'une pureté exquise et d'une
étendue remarquable. La marche, mainte-
nant populaire, du Tannhaiiser, qui termi-
nait ta représentation, a été enlevée avec
beaucoup de verve par l'orchestre et cou-
verte d'applaudissements. â X.
FAITS DIVERS
Le crime <ï« la rut Caumartin, â Après
l'autopsie, la cadavre do Marie Aguélant a été
replacé dans l'appareil frigorifique.
Les soupçons se portent, d'après la Liberté,
partiellerement sar au individu connu des
habitués de l'EdenThéâtre, qui, depuis six
nois environ, entretenait des relations aveo la
fille Aguétant et avec laquelle on Fa vu dans
la soirée de jeudi.
Cal Individu, qui était parfaitement au cou-
rant des habitudes de ia victime, a disparu
sans qu'il ait été possible, jusqu'à cette heure,
de la retrouver,
D^s agents de la sûreté sont allés hier soir à
l'Eden-Thêâtre et ont interrogé un grand nom-
bra d'habitué es de rétablissement sur Marie
Aguétant et aur les personnes qu'elle pouvait
fréquenter.
Suicidé, â Le concierge du numéro 8 de la
place de la Bourse vint avertir avant-hier soir
le commissaire de police du quartier qu'un de
ses locataires, M» Adolphe Favre, venait d'être
trouvé mort dans «on appartement.
M. Rolly de Bainègre s'y transporta aussitôt
avec un médecin et IL constata que ce monsieur
S'était tiré un coup de revolver à la tempe
droite; la mort avait dû être instantanée et re-
montait à quatre heures environ.
Avant de se tuer, le malheureux avait accro-
ché sa montre â l'espagnolette de la croisée. Le
corps a été trouvé vêtu et couché an pied d'un
fauteuil.
Le commissaire, en 5e livrant à des recher-
ches dans l'appartement, a trouvé, sur le cham-
brante de la cheminée un petit carré de papier
écolier sur lequel le suicidé avait le Jour même
tracé ses dernières volontés :
« Je prie de prévenir Immédiatement nu no-
taire de la place de la Bourse que l'institue mon
exécuteur testamentaire et qui fait où est placée
toute ma fortune. »
Suivaient des instructions, entre autre pour
le marbrier qni a construit soa caveau au Père-
Lachaise.
Et, enfin, ces quelques phrases, datées du 15
janvier, signées Adolphe Favre :
« Ma dernière pensée est à Dieu. J'ai toujours
cru en lui et l'ai toujours aimé,
» O mon Dieu f reçois moi dans ton ?eln !
» Paix et miséricorde à tous. »
D'après les renseignements pris, le suicidé
était né à Lille en 1805. Veuf depuis longtemps
il n'avait plus de famille et habitait seul. Riche
et très avare, il avait toujours peur qu'on ne
vint le voler,
L<î corps est resté dans l'appartement.
Arréstation de faux monnayeurs. â On
écrit de Moyermoutier au Mémorial des Vos-
ges qne, le 12 courant, la gendarmerie a arrête
sous l'inculpation de fabrication défaussé mon-
naie, les nommés Chibel (Jules), âgé de m ans
meunier, et Poirei (Joseph), âge de 47 ans. ma-
noeuvre,
Poirel a avoué avoir fabriqué huit pièces faus-
ses, dont quatre de 5 fr. et quatre (Je a fr., au
moyen de moules en plâtre qu'il avait détroits
et Jetés dans la rivière.
Le feu a la mairie do VI* arrondisse-
ment. â Un incendie d'une grande violence et
qui a failli prendre des proportions désastreu-
ses sVst déclaré samedi soir, a la mairie du
VI* arrondissement, place Saint-Sulpice. Une
j demi-heure environ après le départ des ouvriers
! on s'est aperçu que la nouvelle salle das Fêtes!
en construction et presque terminée, était tout
en feu.
Alimenté psr les copeaux, les boiseries fraî-
chement peintes et les couleurs laissées dans la
salie, ie feu avait pris, dès le début, une telle
Intensité qae l'on craignait, dans le quartier, de
voir le bâti ment tout entier consumé par les
flammes.
Ce n'est que grâce à la promptitude avec la-
I que le les pompiers de la rne du Vieux-Colom-
bier ont organisé les secours, que l'on a pu ar7
rêter les propre^ du feu et sauver les bâtiments
; menacés.
Les pertes, sont évaluées â plusieurs milliers
[ de francs.
Broyés par un train. - Ua horrible acci-
dent est arrivé, vendredi soir, vers dix heures
au Bourget, sur la ligne du Nord. Deux ouvriers
terrassiers, les nommes Ives Alin, âgé da vingt-
neuf ans, et Désiré Foins, âgé de trente et un
ans, tous deux habitant Saint-Denis, traver-
saient îa voie ferrée, lorsque le chapeau d'Alin
vint à tomber par suite de la violence da vent.
Le terrassier voulut le relever; mais, a ca mo-
ment, arrivait â toute vitesse une locomotive.
Alln a ète relevé complètement broyé. Quant à
son camarade Poins, qut avait voulu se porter
à son secours, il a eu le bras droit cassé et
deux côtes enfoncées par la machine. U a été
transporte à l'hôpital Lariboisière dans un état
désespéré.
Le caisster T'Kint. â Oq manda de Lou-
vain, le 14 :
« Eugène T'Kint, le fameux caissier de la
Banque de Belgique a été mis en liberté au*
jourd'hui
M. Houteklet avait fait délivrer, le matin,
pour T'Kint, un certificat d'indigent, constatant
psf conséquent que ce dernier ne possède al
meubles, ni Immeubles, et c'est en vertu de la
production de ce document que les portes de la
prison ont été ouvertes aa détenu. T'Kint a
passé en prison neuf ans, dis mois et trois
jours.
llliiLi; de FOIE n.JiOIUlE CBEVR1EK
au (jOUDKON et A k'ECOR.CË D'ORANltES
:⢠â â â .:: Facile à prendre, se digère Irôs bien.
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