Titre : La Justice / dir. G. Clemenceau ; réd. Camille Pelletan
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-01-18
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 18 janvier 1886 18 janvier 1886
Description : 1886/01/18 (Numéro 2196). 1886/01/18 (Numéro 2196).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/02/2011
Septième année. fc N. 2196.
Un Numéro : 10 o. Paris et Départements
Lundi 18 Janvier 1886.'
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LA
DÉCLARATION
Le ministère n'a assurément pas de
sujet de se repentir d'avoir fait enfin en-
tendre au pays un langage digne de ia
démocratie. â Il peut mesuror son suc-
cès non seulement aux applaudissements
do tous ceux qui désirent voir enfin le
gouvernement entrer dans la voie du
progrès, mais aussi à l'embarras des
esprits plus timides, pour attaquer une
politique dont ils ne sont assurément
pas enchantés 1
Les Débats eux-mêmes (et c'est tout
dire) se contentent de quelques pointes
d'ironie ! Le journal « centre gauche »
a découvert que la déclaration de M. de
Freycinet ressemble à celle de M. Bris-
son... Voilà une ressemblance dont on
ne se serait guère avisé... il a un sourire
sceptique sur les promesses de remettre
le budget en équilibre. La politique des
économies n'est pas, on le sait, la politi-
que financière do M. Léon Say... La sé-
paration de l'Eglise et de l'Etat ne lui
inspire que de fines railleries. â Bail-
leurs, le journal prodigue ses marques
d'intérêt et d'approbation au ministère,
avec ces seules et légères réserves, que
ta déclaration ne veut rien dire, et qu'elle
conduira tout droit ses auteurs à leur
chute.
La République française n'a point
trouvé d'autres malices à faire que d'op-
poser au passage relatif aux expédi-
tions lointaines, un morceau d'un dis-
cours de M. de Freycinet sur le Tonkin
en 1883 : comme si les événements qui
se sont passés depuis lors n'avaient pas
dû éclairer le public ! â 18831 â C'est
comme si la République française dé-
couvrait que la Chine était une « quan-
tiié négligeable a.,. N'a-t-elle pas fait
depuis son mea culpa ? D'ailleurs, la
thèse de la République est curieuse :
la déclaration, à son gré, reproduit exac-
tement les opinions de MM. Brisson,
Ferry et Colani sur les divers points de
la politique. â Seulement... seulement...
(devinez un peu ce qui suit...) seule-
ment, les applaudissements de l'Ex-
trême gauche ont changé le sens des
phrases 1
Le Temps, seul, confesse qu'il y a
quelque chose de modifié dans la direc-
tion politique. Il ne prend pas la peine
d'étouffer ses gémissements. Le Temps
avait une idée claire en politique. A son
gré, l'heure est venue de marcher un
peu à reculons. Seul, il a la franchise de
le dire. Nous sommes profondément con-
vaincus, dit-il, qu'on joue nne grosse
partie en persistant à aller de T avant
(sic) dans un pays dont une partie a déjà
cessé de nous suivre ; BOUS ne devrions
avoir d'àutre préoccupation que de la
ramener en la rassurant. » Mais le
Temps lui-même, si éploré qu'il soit,
déclare qu* « il ne lui en coûte pas de
louer la déclaration » (qui l'aurait cru ?)
et que le cabinet aura sa « sympathie »
et son « concours. »
Quant au Paris, il trouve que la poli-
tique de M. de Freycinet est la sienne.
On ne peut souhaiter mieux.
On le voit, les réserves faites sont bien
timides : ceux même qu'effrayait la vraie
politique démocratique, qui est une
politique de progrès, se sentent étrange-
ment gênés pour la combattre. Ils sont à
l'aise, tant qu'ils peuvent s'abriter der-
rière le gouvernemènt : ils se sentent
impuissants, sitôt qu'ils n'ont plus le
ministère pour les couvrir. '
Gela prouve, une fois de plus, ce que
nous avons répété tant de fois, qu'il n'y a
de force possible en politique que dans
l'alliance du pouvoir et de l'esprit de ré-
formes démocratiques, et qu'il suffit à un
cabinet, pour être solide, de consentir à
marcher de l'avant, au lieu de s'obstiner
à barrer la route à la démocratie.
Le ministère actuel paraît l'avoir com-
pris : et l'accueil fait â la Déclaration est
de nature à lui donner la confiance et la
force nécessaires pour mener son oeuvre
à bonne fin.
Camille Pelletas.
LA
JOURNÉE
.' u ministère de la marine
Les commission» du budget ont fréquemment
signalé le flot toujours montant des frais gé-
néraux des administrations de l'Etat, et, en ce
qui concerne le ministère de la marine, elles
ont critiqué souvent, avec sévérité, l'aug-
mentation toujours croissante dû nombre des
fonctionnaires de l'ordre administratif.
Le résultat de ses remontrances a été déjà
signalé : on peut constater qu'en 1886, au lien
d'une diminution d'effectif, on augmente encore
le cadre du. commissariat de la marine, qu'on
porte a 474 officiers, soit 57 de plus qu'en 1881.
L'Amiral Aube, s'inspirant des volontés du
Parlement, a cherché à mettre bon ordre à cet
état de choses, et il est arrivé à la combinai-
son suivante qui permettra, dès 1887, de réali-
ser des économies, tout en ménageant l'avance-
ment dans le commissariat.
Une décision ministérielle du 9 mars 1875 a
reculé l'heure de la retraita des commissaires
généraux et commissaires de la marine, de telle
sorte que ces officiers quittent le service à un
âge plus avancé que les officiers de la marine
et de l'armée. Le ministre vient de fixer la li-
mite d'âge des commissaires généraux de 2«
classe à soixante-deux ans, et celle des com-
missaires à soixante ans, assimilant ainsi ces
fonctionnaires aux officiers des corps combat-
tants. Comme il y a actuellement un excédent
de quatre commissaires généraux, les mises en
retraite, qui sont la conséquence de la décision
ministérielle qui vient d'être prise, vont ra-
mener le cadre des commissaires généraux
son effectif régulier ; et de là une économie qui,
s'ajoutant à toutes celles qu'on fera encore,
permettra i». la marine de faire de notables ré-
ductions dans son budget, sans diminuer les
forces vives de la nation.
M. Lockroy à la r«e de Lancry.
Hier, à nne heure, a en lien rue de Lancry,
dans la salle de l'Union des chambres syndica-
les, la distribution des prix aux élèves de l'é-
cole professionnelle de dessin et de modelage
fondée il y a deux ans par la chambre syndi-
cale de la bijouterie en imitation.
Celle cérémonie ëtait présidée par M. Ed.
Lockroy, ministre du commerce et de l'indus-
trie.
M. le ministre a répondu à la lecture du rap-
port en affirmant qu'il avait l'intention de con-
sacrer a l'enseignement technique toute sa sol-
licitude, de créer des musées commerciaux :
puis, après avoir rendu hommage a l'Initiative
privée qui a fondé les écoles dans les chambres
syndicales, il s'est dit partisan de la « stabilité
ministérielle gouvernementale » et il a promis
de revenir présider * l'année prochaine » la dis-
tribution des prix.
Arrivant à la question de l'Exposition univer-
selle qui montrera les progrès de l'industrie
française qui ne redoute aucune rivalité, il a
terminé en disant qu'il comptait snr le concours
da tous les industriels pour lui faciliter sa
tache.
M. Mazet a. répondu que sans l'Initiative et
la protection du gouvernement, les progrès de
l'industrie étaient impossibles, et qu'il était
temps que le commerce qui est l'élément de la
richesse d'un pays eût droit A la bienveillance
du pouvoir : saule condition pour qu'il puisse
contribuer a la grandeur de la patrie.
M. Goble A Bordeaux
On télégraphie de Bordeaux, 16 Janvier, 5 h.
soir.
MM. Goblet, Turquet, Liard, Zevort, Brêard,
Zeller, Ravaison, Gréard, Himly, Gaston Bois-
sier, Robert, etc., viennent d'assister 4 la céré-
monie d'inauguration de la nouvelle Faculté.
Cette cérémonie, présidée par le ministre de
l'instruction publique, a eu lieu à quatre heu-
res. La municipalité en corps était venue au-
devant du ministre à la préfecture, d'où le cor-
tège s'est rendu directement au cours Victor-
Hugo. Aucun Incident spécial à signaler.
Ce matin, M. Goblet, accompagné de MM.
Turquet et Liard, a visité quelques-uns des édi-
fices publics de la ville.
Ce soir, à sept heures, banquet dans les sa-
lons de l'Hôtel de Ville. Vu le peu de place dont
la municipalité dispose dan» ces salons, elle a
dû restreindre ïe nombre des invités. Ces der-
niers comprennent néanmoins tous les profes-
seurs des facultés des lettres et des sciences, les
sénateurs et députés de la Gironde, les chefs
des différents services. La Faculté de droit et la
Faculté de médecine seront représentées cha-
cune par. leur doyen et deux délégués.
Le banquet terminera la fête; il n'y aura ni
représentation de gala, ni réception à l'Hôtel de
Ville.
La proposition Bailue.
On se souvient que au, lendemain du jour où
se produisit, à la Commission du Tonkin, l'in-
cident du colonel Herbinger, M. Ballue déposa
sur le bureau de la Chambre une proposition
ayant pour objet l'assimilation de l'armée de
terre à l'armée de mer pour lé cas d'abandon
de place ou de matériel de guerre.
Les bureaux de la Chambre ont nommé une
Commission chargée d'examiner cette propo-
sition.
Ont été élus : MM. Ballue, Labordère, Farcy,
Borie, Monis, Ganault et Thiers, favorables à
la proposition, et MM. le général de Fresche-
ville, Languirais, le baron Reille et Merillon,
opposés à la proposition.
Nominations
M, Revoll (Paul), avocat à la cour d'appel de
Paris, a été nommé chef du cabinet, et M. Cas-
tell (Francis), docteur én droit, secrétaire par-
ticulier du sous-secrétaire d'Etat au ministère
de la marine et des colonies.
M. Violet a été nommé chef du cabinet du mi-
nistre des postes et des télégraphes.
Election sénatoriale en Seine-et-Oise
On annonce que M. Hippôlyte Maze, ancien
député opportuniste de Seine-at-Oîse, pose ga
candidature & l'élection sénatoriale qui aura
bientôt lieu dans ce département, par suite de
la mort de M. Gilbert-Boucher.
Le Journal officiel a publié hier la note
suivante :
< Le gouvernement a reçu ce matin de
Zanzibar des dépêches télégraphiques fai-
sant connaître qne le traité de paix signé le
mois dernier, à. Tamatave, avec les pléni-
potentiaires hovas, a été ratifié par la cour
d'Emyrne. »
On Ht dans Y Intransigeant ;
Le rédacteur en chef de ^Intransigeant dé-
posera jeudi sur lie bureau de la Chambre une
proposition d'amnistie pour tous les condamnés
a raison de faits politiques ou de faits connexes,
ainsi que pour les individus prévenus ou recon-
nus coupable de délits électoraux, de délits de
réunion et d'association, et pour les Arabes com-
promis dans les insurrections de la province
d'Oran (1864), de l'Aurès(187l) et du Sud oranais
(1880).
L'Intransigeant expose d'autre part les
faits suivante :
Un citoyen, nommé Chauvet, avait été con-
damné À denx mois de prison par contumace
pour l'affaire du, Père-Lachaise. On sait de quel
côté, en cette journée, sont venues les provoca-
tions et les violences. N'importe : Chauvet,
comme tant d'autres, avait éîé condamné.
Il avait pu se dérober aux recherches. II lit la
nouvelle que des grâces vont être signées par
le président de la République. Condamné poli-
tique, Il se croit naturellement gracié. Il écrit au
procureur de la République pour lnï dire sa si-
tuation, demander confirmation de cette grâce,
à ses yeux Indubitable. Immédiatement, on en-
voie des gendarmes pour l'arrêter !
Le citoyen Chauvet a pu échapper, trouver un
nouvel asile. Mai*, démain, si l'amnistie n'était
pas votée, il serait arrêté, incarcéré.
On lit dans 1# Télégraphe i
On a remarqué plus d'une rois la préférence
que manifestent les officiers amis des princes
d'Orléans pour les garnisons de Ronen, du Ha-
vre, de Caen d'Evreux, d'Eu, de Dieppe et du
Tréport. lis les recherchent avec un certain
empressement.
M, le général Boulanger entend, paraît-il,
mettre fin à cette situation, qui fait de ces gar-
nisons de véritables coteries politiques.
Ainsi, M. î<4 colonel Guloth, ancien aide de
camp da duc d'Aumale, était attaché à l'ètat-
major du 3° corps d'armée, à Rouen. Cet offi-
cier supérieur vient d'être envoyé à Clermont-
Ferrand, comme chef d'état-major da '13® corps.
LETTRES D'ALLEMAGNE
(Correspondance particulière délai ustice)
Berlin, 13 Janvier 1886.
Il circule de nouveau des bruits de disso-
lution. Ce qui est sûr, c'est que la question
d'une dissolution du Reichstag et du Land-
tag prussien a récemment occupé les cercles
dirigeants, comme on aime à les appeler
discrètement. Seulement il ne s'agissait pas
et il ne s'agit pas d'une dissolution motivée
par un conflit entre M. de Bismarck et les
représentants du peuple. Un conflit de ce
genre, comme je vous l'ai déjà dit, n'a pas
raison d'être. Ni au Reichstag ni au Landlag,
M, de Bismarck ne se trouve en face d'une
opposition intransigeante, insurmontable. Il
ne peut pas faire tout ce qu'il veut, mais du
moins il peut la plus grande partie de ce qui
lui semble important. Ce qui le gêne et con-
trarie ses plans pour l'avenir, c'est qu'il ne
dispose pas d'une majorité positive active,
enthousiaste, qui, lorsque surviendra l'évé-
nement naturel, auquel il faut s'attendre,
lui garantirait la continuation de sa dic-
tature. Vers la fin de l'automne passé, il
avait, sans aucun doute, l'idée de provoquer
ia dissolution du Reichstag dans le but et
dans l'espoir de gagner, aux nouvelles élec-
tions, ia majorité désirée et nécessaire. Il
rencontra, chez l'héritier présomptif, ute
résistance qui le força à reculer ; et, depuis,
la siluation politique est devenue si défavo-
rable pour M. de Bismarck, qu'une dissolu-
tion ne pourrait que lui être funeste.
La question de la dissolution n'en est pas
moins à l'ordre du jour, et elle y restera
probablement encore quelque temps. Les
nouvelles concernant l'état de la santé de
l'empereur nonagénaire peuvent tromper
les naïfs ; elles ne font pas illusion aux cer-
cles dirigeants, où la vérité est bien con-
nue : une autre dissolution, que celle du
Reichstag ou du Landtag s'accomplit len-
tement, sûrement, avec l'impitoyable préci-
sion du fatum antique. Le fil chétif, au-
quel la vie du vieux monarque est atta-
chée, peut se briser d'un moment à l'au-
tre. Que faire alors ?
Ne sera-t-il pas convenable, ne sera-t-il
pos opportun de faire succéder à la dissolu-
-ion physiologique, la dissolution parle
mentaire ? On paraît le croire. Ainsi c'est
une double dissolution à la veille de laquelle
nous nous trouvons. Heureusement qu'on
n'a rien à en craindre. M. de Bismarck
s'est dépopularisé à un tel point, dans les
derniers temps, l'affaire des Carolines et le
monopole de l'alcool ont porté un tel coup
à son prestige d'homme d'Etat, qu'un appel
au peuple ne serait favorable qu'aux adver-
saires du maire du palais.
Le nouveau ministère français cause beau-
coup d'Inquiétudes à tous les réactionnaires,
officiels et officieux. Il est trop démocratique
et trop pacifique. Il va devenir impossible
de promener maintenant à tout propos le
spectre de la revanche prêt à fondre sur
l'innocent et paisible empire d'Allemagne.
Un gouvernement républicain décidé à
faire de la France une vraie République,
c'est trop incommode 1
Et, par dessus tout, le nouveau cabinet
français Inscrit dans son programme les
réformes sociales I Jusqu'à présent la
presse reptilisée avait contre la France le
jeu facile de dire au peuple allemand,
se rapprochant chaque four davantage de
la République : « Ce n'est pas une Ré-
publique populaire. C'est une Républi-
que bourgeoise, qui fait moins pour les tra-
vailleurs que notre monarchie. » Lisez
le message de notre empereur, où. il dit,
que c c'est ia première tâche, le premier de-
voir de l'Etat, de pourvoir aux besoins du
peuple, et d'améliorer la position des classes
laborieuses. » Regardez les mesures du prou-
veraient impérial,âla loi réglant les secours
en cas de maladie, la loi réglant les secours
en cas d'accident, et les autres mesures
promises. Et de l'autre côté, cherchez ce
que la République française a fait pour les
ouvriers. Là, il n'y a rten à regarder. Elle
n'a rien fait ; les ouvriers, elle les laisse
mourir de faim, car c'est une République
bourgeoise, et une monarchie comme la
nôtre vaut mieux pour le peuple qu'une Ré-
publique de cette espèce. »
On m'accordera qu'il n'était pas facile
de répondre victorieusement à de tels pro-
pos ; certes, O n'était pas mal aisé de prou-
ver que les prétendues réformes sociales de
M. de Bismarck ne valent pas. le papier
sur lequel elles sont imprimées ï mais le
fait n'en subsistait pas moins que la Répu-
blique n'avait rien fait pour les ouvriers.
Et vous ne pouvez pas vous imaginer le
tort que cela lui a fait dans l'opinion po-
pulaire de ce pays-ci, et Justement parmi
les classes, dont les sympathies républi-
caines sont les plus vives. Aujourd'hui, la
situation est changée, et si le gouverne-
ment français entre sérieusement dans la
vole de la réforme sociale, il infligera la
défaite la plus cruelle à M. de Bismarck, en
tuant moralement son socialisme charlata-
nesque.
Je croîs que le projet de loi que les dé-
putés socialistes allemands viennent de sou-
mettre au Reichstag contient maints points
dont on pourrait faire usage pour la légis-
lation française. La question sociale est In-
ternationale et, par conséquent, la réforme
sociale doit être internationale.
Il est bien remarquable, quoique très na-
turel, que M. de Bismarck soit plus admiré
à l'étranger que dans sa propre patrie. Il
n'est pas le prophète qui, salon le proverbe
évangélique, est méconnu, nié en son pays,
mais 11 ressemble au pape, qui brille moins
à Rome, que partout ailleurs. L'étranger ne
connaît pas M, de Bismarck.
Par exemple, il serait Impossible qu'un
Journal allemand écrive ce que l'Athenoeum
de Londres vient d'écrire dans son dernier
numéro. En parlant du livre de Charles
Loe^e sur M. de Bismarck, ce journal
éminemment respectable dit du grand
chancelier : « Sa franchise et son sentiment
élevé de l'honneur personnel ont toujours
commandé le respect de ses compatrio-
tes. »
Aucun membre du Reichstag, fût-il
le plus dévoué, c'est-à-dire le mieux
payé, n'aurait pas le courage d'écrire une
telle naïveté dans un journal allemand.
L'auteur de l'article de VAthenoeum n'a
évidemment jamais entendu parler de
l'affaire du docteur Schwanninger, devenu
le favori de M.Bismarck après avoir été con-
vaincu, â devant la Cour de Justice de
Munich, â d'un crime ignoble contre la
pudeur et les bonnes moeurs. Et l'auteur de
l'article n'a évidemment jamais entendu
parler du scandale énorme, s'exprimant dans
le mot « Ottopfennigs t, Denier d'Otto, men-
dié partout en Allemagne par les agents de
M. de Bismarck, et mis dans les vastes po-
ches de celui-ci, procédé si original que
les nationaux-libéraux eux-mêmes se vi-
rent forcés d'en exprimer leur désapproba-
tion formelle. Et les sentiments excités par
la manière d'agir de M. de Bismarck furent
exactement le contraire de ce qu'on com-
prend habituellement par le mot « respect >.
Ontis.
Nous recevons la dépêche suivante ;
Une élection au conseil général a eu lieu
aujourd'hui dans le canton sud d'Abbeville.
M. Gavelle, radical, a été élu,
BOUVARD.
Le Télégraphe publie l'information sui-
vante :
On assure que M. Forichon, secrétaire
général au ministère d© la justice, fait en
ce moment d'activés démarches pour se
faire nommer président de section au con-
seil d'Etat.
Ajoutons, à ce propos, que la rectification
envoyée par l'agence Havas au sujet des
démarches qu'auraient tentées M. Forichon
et les directeurs du ministère pour entra-
ver la nomination d'un sous-secrétaire
d'Etat est exacte, en ce sens que la démar-
che dont 11 s'agit n'a pas été collective.
Mais chacun des intéressés l'a faite indivi-
duellement. Ce n'est un secret pour per-
sonne au Palais Bourbon ; 11 serait possible
d ailleurs qu'une question adressée au garde
des sceaux fit la lumière sur ce point.
LA
Déclaration ministérielle
ET LA PRESSE
Commençons notre revue par les jour-
naux les plus modérément républicains. Le
Journal des Débats dit :
Nous avons {toujours considéré comme uns
chimère, comme une duperie ou comme un
danger, l'organisation d'un gouvernement eu
compte à demi avec l'extrême gauche. Non»
avons toujours regardé comme de décevantes
formules ces mots d'union, de concentration et
de concorde qui ont défrayé la dernière campa»
gne électorale, servi de texte à tant de discours,
et inspiré jusqu'au Message prèsidentiel.
i. Nous n'avons jamais compris comment le pre-
mier résultat d'élections auxquelles 200 députés
de droite ont dû leurs sièges pouvait être de
faire pénétrer dans le ministère M. Lockroy et
M. Granet Mais, enfin, on a voulu tenter l'ex-
périence, et nous comprenons très bien que la
Déclaration d'un pareil ministère ne saurait
être une Déclaration moderee. Nous allons voir
maintenant ce que deviendra le ménage de M»
de Freycinet et de l'Extrême gauche. . .
L'avenir seul pourra montrer si les exigences
de la minorité radicale dépasseront les conces-
sions de la majorité qui ne l'est pas.
Nous mentirions si nous affections d'attendre
beaucoup de modération de l'une, et, de l'autre,
beaucoup de fermeté.
L'appréciation du Français. organe de la
droite orléaniste et cléricale, n'est pas sans
analogie avec la précédente : toute la diffé-
rence consiste en ce que le Français exa-
gère, de parti pris, ses espérances de « bon
ménage » :
â Ce que M. Brisson n'a pas osé faire, M. de
Freycinet l'a accompli. Il n'y a pas à se mé-
prendre, assurément, sur la valeur d'une dé-
claration qui fait de M. Rochefort un minis-
tériel, comme il le dit lui-même très nette-
ment.
Le programma de M. le président du conseil
est un programme minimum; mais ce pro-
gramme minimum n'est-il pas précisément celui
de la rue Cadet 1 Les radicaux reunis, il y a
deux mois dans la salle du Grand-Orient, n'ont-
ils pas declaré que, pour le moment, ils ne de-
mandaient rien de plus ? U faudrait, en effet,
qu'ils fussent bien exigeants s'ils ne se tenaient
pas pour satisfaits, quand on leur accorde ce
qu'ils ont réclamé.
Voici la conclusion du Temps :
Nous sommes profondément convaincus qu'on
joue une grosse partie en persistant a aller de
l'avant dans un pays dont une parti® déjà con-
sidérable a cessé de nous suivre; nous ne de-
vrions avoir d'autre préoccupation que de la
ramener ©n la rassurant. La politique contraire
est réclamée, non par la majorité, mais par la
minorité de la gauche ; on objecte que sans
cette minorité il n'y a pas de majorité dans la
Chambre ; mais on ne l'a pas vérifie et noos re ¬
connaissons qu'il n'est pas séduisant de le ten-
ter. Dans ces conditions, ïa déclaration est ce.
qu'elle pouvait et devait être.
Le Temps reconnaît qu'il n'était pas « sé-
duisant ⺠de tenter de former une majo-
rité... avec la droite. C'est là une de ces pi-
lules amères qu'il ne faut pourtant pas né-
gliger de faire avaler au malade â dans
son intérêt. Le Temps regrette donc qu'il
ne se soit pas trouvé un cabinet pour < vé-r
riiler > l'efficacité de ce traitement â qui.
d'ailleurs, ne le séduit pas, c'est entendu.
La Paix :
Si le minitère du 8 Janvier reste fîdèle, dans
son action gouvernementale, aux indications de
ce paragraphe ; s'il en poursuit résolument la
réalisation, l'appui de l'opinion publique et celui
de tous les hommes qui ont à coeur raffermisse-
ment des institutions républicaines ne lui feront
pas défaut.
Mais c'est naturellement à l'opinion ou
la dissimulation d'opinion des journaux de
l'ancienne majorité ferryste que l'on doit
attribuer le plus d'Intérêt. Le Voltaire est
celui qui cache le moins sa mauvaise hu-
meur ;
La déclaration ministérielle est faite pour
plaire aux radteaux . Le cabinet a tenu à donner
satisfaction, au moins dans la forme, a ceux qui
prétendent que tout ce qui a été fait jusqu'ici
a été mal fait.
Mais, au fond, il résulte du programme eatr
posé par le président du conseil que l'on coq-
FEUILLETON DE LA JUSTICE
DO 18 JANVIER 1886
COURRIER
DRAMATIQUE
Camédis-Français©. - Molière en prison»
à-propos en vers, par M* Ernes t d'Hervilly.
Odéon. â La première du Misanthrope, co-
médie en un acte, en prose, de MM. Armand
Ephraîm et Adolphe Aderer.
Ambigu-Comique. â La Banque de Puni-
vers, pièce en cinq actes, par M. Grepet-Dan-
court.
Opéra-Comique. â A propos de Lohengrin.
Le Théâtre-Français et l'Odéon ont
donné cette semaine leurs ètrennes à
Molière. Au restaurant Corazza, sous la
présidence de M. Jules Claretie, les mo-
liéristes ont eux aussi célébré le 2&4" an-
niversaire de la naissance de Molière.
Venant après la grande fête que tout le
Joug de l'année le public donne presque
tous les soirs au poète créateur et libre
qui jeta sur la scène les types impéris-
sables de l'humaine comédie, ces petites
fêtes de famille ont un caractère in-
nocent et naïf comme les compliments
du nouvel an écrits sur du papier gaufré
avec un en-tête bien fleuri et bien ver-
nissé. Quand le compliment ne sent pas le
pensum dicté à touteune classe de rhétori-
que, il peut en ses étroites dimensions con-
tenir tout le frais parfum d'un poétique
hommage. Cette année, Molière a été
particulièrement gâté, puisque le bou-
quet lui a été offert par un des esprits les
plus libres, les plus fantaisistes, les
plus charmants qui rendent Paris agréa-
ble. Je puis le nommer sans craindre
d'avancer l'heure où il touchera de la
gloire bien neuve et bien flamboyante.
C'est Ernest d'Hervilly. Paris le connaît
fort bien, mais il le tient en réserve
comme, il a fait pour Théodore de Ban-
ville, lequel a attendu de n'avoir plus
un cheveu sur la tête avant d'obliger
tout le monde à reconnaître qu'il était
jeune et en état de faire tenir un chef-
d'oeuvre dans un seul acte. D'Hervilly
est lui aussi un de ceux que la loi mys-
térieuse et baroque de la renommée dé-
finitive fait attendra. Personne n'y peut
rien. Aucune agence ne serait capable
d'avancer d'une minute le moment où
l'on découvrira que d'Hervilly est un de
ceux qui gardent des années entières
dans leur tiroir Socrate et sa femme,
sans que la bonne humeur de leur vi-
sage en soit altérée. En attehdant que
cette oeuvre définitive qui ne sera peut-
être pas de la même veine lyrique que celle
de Banville, mais qui ne sera pas moins
étincelante, vienne tirer son feu d'arti-
fice devant le trou du souffleur, d'Her-
villy ne dédaigne pas de rimer le petit
« à propos » à Molière.
Molière en prison.â C'est un incident
très court de la jeunesse du poète jeté
au Châtelet, qui était le Clichy de l'épo-
que, pour n'avoir pas payé les chandel-
les de « t Illustre Théâtre » où il était à
la fois directeur, acteur et auteur. Rien
de plus certain que cette anecdote... on
sait que Molière resta huit jours enfermé |
pour n'avoir pas attendu l'époque heu- ;
reuse où en écrivant Georgette ou le
Monde cù Von s'ennuie on devait se faire
des millions de rentes. On sait aussi que
Molière fut délivré grâce à Léonard Au-
bry, u paveur des bâtiments du roi » qui
fournit une caution.
C'est de cette historiette que d'Hervil-
ly a pris texte pour écrire à main-levée
un léger petit acte où il a mêlé une
amourette avec ia fille du geôier du
Châtelet et la divertissante silhouette du
célèbre pàtissier-poète « le simple Ra-
gueneau », qui devint plus tard moucheur
do chandelles de la troupe de Molière.
A l'Odéon, 1' « à propos » a été écrit
par MM. Armand Ephraïm et Adolphe
Aderer. Les auteurs se sont inspirés des
infortunes conjugales de Molière. Le su-
jet n'est pas précisément neuf, puisqu'il
reparait presque tous les ans et dans les
mêmes circonstances. Cependant je ne
dirai pas comme M. Auguste Vitu qu'en
renouvelant le récitde ces infortunes «on
déshonore Molière en croyant l'honorer. »
11 y a un peu plus de deux cents ans que le
Misanthrope fut représenté pour la pre-
mière fois. 11 y a longtemps que l'hon-
neur de Molière n'appartient plus aux
pauvres agitations do ce monde. Et il ne
reste de l'infidèle Armande Béjart que
l'admirable étude que son époux a faite
d'elle, pour en tirer une noble vengeance
de poète. Si vilaine et si sotte qu'elle
nous paraisse de loin, on a par moment
envie de tout lui pardonner puisqu'elle a
su inspirer le rôle de Célimène. L'ennui,
c'est que Célimène revient trop souvent
dans les « à propos » d'anniversaire.
Cette année on noua l'a montrée se ré-
conciliant avec Alceste après la première
du Misanthrope. Cette aimable fantaisie
a obtenu un discret succès d'estime com-
ma il convient dans les plus touchantes
scènes de famille.
M. Grenet-Dancourt qui est l'heureux
auteur de Trois Femmes pour un Mari,
comme autrefois M. Audran fut pendant
quelques années « l'heureux auteur de la
Mascotte » vient de faire une curieuse
tentative. Il a essayé d'éteindre sa verve
en la plongeant au plus profond d'un
drame de l'Ambigu. La verve ne s'est
pas éteinte pendant cette décisive épreuve
mais en pareil lieu, ce mélango de la
noble Mise de la Gouaille et de la som-
bre mise de M. d'Ennery, produit de sin-
guliers effets. Mon ami Martel a trouvé
le mot qui résume tout ce drame, quand
il a rappelé le titre du dernier roman
d'Henri Rochefort : Cinquante pour cent.
Sur les échines de tout ce monde de fai-
seurs et d'escrocs, il n'y a place que
pour les laniéres de la satire. Par !a
nature de ses travaux antérieurs, M.
Grenet-Dancourt était peu préparé à sai-
sir tous ces pâles acteurs de l'escroquerie
qui est plus ou moins cotée â la Bourse,
et qui a ses Moniteurs officiels. L'auteur
de Trois femmes pour un Mari n'avait
peut-être pas la poigne assez solide pour
jeter tout ce monde marron dans un
drame solidement noué, vigoureux et fort
où tous les monteurs de Banque de F P-
nivers seraient venus se faire prendre
dans les diverses attitudes du million-
naire qui soupe au café Anglais ou du
prévenu qui mange à la gamelle de Ma-
zas en attendant le débat de la Cour d'as-
sises. Dans la pièce que l'Ambigu offre
à la consommation quotidienne de Paris,
c'est la verve comique de M. Grenet Dan-
court qui a fait toute seule les frais de la
soirée. Elle s'y est retrouvée tout entière,
avec ses éclats da gaîté et ses mots qui
partent comme des flèches.
Malheureusement le fond da ce drame
financier ne vaut pas grand' chose. On
peut le conter en quelques lignes. Ro-
bert Dumont, le fondateur ruiné de la
Banque de runivers, a une soeur Gene-
viève, qui, dans ces traverses de l'en-
treprise financière, a la chance d'être
aimée du jeune duc d'Angeville. Le ma-
riage, ou plutôt la mésalliance â comme
on dit dans ce monde â est consenti par
l'oncle du duc, le marquis de Rouvray.
Cet événement peut sauver la caisse de la
Banque de l'univers; mais Geneviève,
qui sait tout, avertit elle-même le mar-
quis de Rouvray, et refuse un mariage
qui pourrait ressembler à un stratagème
financier*... Le marquis, ému d'un pareil
désintéressement, exige lui-même le ma-
riage de son neveu, et les créanciers de
la Banque de l'univers seront intégrale-
ment payés.
â Comme drame, c'est médiocre et quel-
conque; mais la partie comique de la
pièce a été si bien développée, que le pu-
blic ne s'est pas montré trop sévère pour
la pauvreté du sujet.
Cette nouvelle pièce de l'Ambigu est
montée avec beaucoup de soin, et nous
aurons fait tout l'éloge qu'il convient de
faire de l'interprétation, quand nous
aurons dit qu'elle est jouée par des artis-
tes qui s'appellent Laray, Decori, Mon-
tai, Emile Petit, Courtès, Péricaud, Alice
Guyon.
j Un des principaux événements drama-
tiques de cette semaine, c'est la lettre
que Mme Adam a écrite à propos de la
représentation prochaine do Lohengrin
par l'Opéra-Comique. C'est une émeute,
encore discrète, qui se prépare et qui
éclatera si, comme nous l'espérons et
comme nous lo souhaitons, M. Carvalho
n'a pas peur. Que M. Carvalho se ras-
sure. Il ne nous reste qu'à connaître la
dimension exacte des sifflets dont on se
servira contre Lohengrin, et nous nous
engageons, devant l'image même de la
patrie, à apporter des sifflets d'un ca-
libre double. Nous verrons bien, vers les
onze heures du soir, ce que démontrera
tout ce tapage.
Il est inutile de dire que dans cette ba-
taille, annoncée par des bruits précur-
seurs, il n'entre pas dans notre esprit
l'intention de blesser le sentiment expri-
mé par l'auteur de la lettre adressée au
Figaro. Je no connais personne qui vien-
drait dire, contre madame Adam : « Js
n'aime pas ma patrie ! » Mais ce qui me
paraît excessif, c'est qu'on nous oblige à
aimer notre patrie d'une certaine façon,
et que cette façon consiste à siffler Lo-
hengrin. Eh bien ! non, voilà ce qu'il
nous est impossible d'accepter. Nous
sommes un certain nombre de Français
qui aimons passionnément la France, qui
buvons tous les jours de la bière da Mu-
nich parce qu'elle est en somme la meil-
leure bière, et qui n'avons qu'un désir :
applaudir la musique de Lohengrin parce
que c'est la meilleure musique.
Tant pis pour M. Wagner s'il a été sot
et bêto en 1870. Il avait pour excuse
d'être Allemand. Nous, qui sommes Fran-
çais, nous n'avons pas envie de faire
comme lui.
Edouard DURRANC.
Un Numéro : 10 o. Paris et Départements
Lundi 18 Janvier 1886.'
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LA JUSTICE
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ABONNEMENTS
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M. >. THKUi TIB.I
⢮' ⢫ * rnkwi-lluinikt, M
LA
DÉCLARATION
Le ministère n'a assurément pas de
sujet de se repentir d'avoir fait enfin en-
tendre au pays un langage digne de ia
démocratie. â Il peut mesuror son suc-
cès non seulement aux applaudissements
do tous ceux qui désirent voir enfin le
gouvernement entrer dans la voie du
progrès, mais aussi à l'embarras des
esprits plus timides, pour attaquer une
politique dont ils ne sont assurément
pas enchantés 1
Les Débats eux-mêmes (et c'est tout
dire) se contentent de quelques pointes
d'ironie ! Le journal « centre gauche »
a découvert que la déclaration de M. de
Freycinet ressemble à celle de M. Bris-
son... Voilà une ressemblance dont on
ne se serait guère avisé... il a un sourire
sceptique sur les promesses de remettre
le budget en équilibre. La politique des
économies n'est pas, on le sait, la politi-
que financière do M. Léon Say... La sé-
paration de l'Eglise et de l'Etat ne lui
inspire que de fines railleries. â Bail-
leurs, le journal prodigue ses marques
d'intérêt et d'approbation au ministère,
avec ces seules et légères réserves, que
ta déclaration ne veut rien dire, et qu'elle
conduira tout droit ses auteurs à leur
chute.
La République française n'a point
trouvé d'autres malices à faire que d'op-
poser au passage relatif aux expédi-
tions lointaines, un morceau d'un dis-
cours de M. de Freycinet sur le Tonkin
en 1883 : comme si les événements qui
se sont passés depuis lors n'avaient pas
dû éclairer le public ! â 18831 â C'est
comme si la République française dé-
couvrait que la Chine était une « quan-
tiié négligeable a.,. N'a-t-elle pas fait
depuis son mea culpa ? D'ailleurs, la
thèse de la République est curieuse :
la déclaration, à son gré, reproduit exac-
tement les opinions de MM. Brisson,
Ferry et Colani sur les divers points de
la politique. â Seulement... seulement...
(devinez un peu ce qui suit...) seule-
ment, les applaudissements de l'Ex-
trême gauche ont changé le sens des
phrases 1
Le Temps, seul, confesse qu'il y a
quelque chose de modifié dans la direc-
tion politique. Il ne prend pas la peine
d'étouffer ses gémissements. Le Temps
avait une idée claire en politique. A son
gré, l'heure est venue de marcher un
peu à reculons. Seul, il a la franchise de
le dire. Nous sommes profondément con-
vaincus, dit-il, qu'on joue nne grosse
partie en persistant à aller de T avant
(sic) dans un pays dont une partie a déjà
cessé de nous suivre ; BOUS ne devrions
avoir d'àutre préoccupation que de la
ramener en la rassurant. » Mais le
Temps lui-même, si éploré qu'il soit,
déclare qu* « il ne lui en coûte pas de
louer la déclaration » (qui l'aurait cru ?)
et que le cabinet aura sa « sympathie »
et son « concours. »
Quant au Paris, il trouve que la poli-
tique de M. de Freycinet est la sienne.
On ne peut souhaiter mieux.
On le voit, les réserves faites sont bien
timides : ceux même qu'effrayait la vraie
politique démocratique, qui est une
politique de progrès, se sentent étrange-
ment gênés pour la combattre. Ils sont à
l'aise, tant qu'ils peuvent s'abriter der-
rière le gouvernemènt : ils se sentent
impuissants, sitôt qu'ils n'ont plus le
ministère pour les couvrir. '
Gela prouve, une fois de plus, ce que
nous avons répété tant de fois, qu'il n'y a
de force possible en politique que dans
l'alliance du pouvoir et de l'esprit de ré-
formes démocratiques, et qu'il suffit à un
cabinet, pour être solide, de consentir à
marcher de l'avant, au lieu de s'obstiner
à barrer la route à la démocratie.
Le ministère actuel paraît l'avoir com-
pris : et l'accueil fait â la Déclaration est
de nature à lui donner la confiance et la
force nécessaires pour mener son oeuvre
à bonne fin.
Camille Pelletas.
LA
JOURNÉE
.' u ministère de la marine
Les commission» du budget ont fréquemment
signalé le flot toujours montant des frais gé-
néraux des administrations de l'Etat, et, en ce
qui concerne le ministère de la marine, elles
ont critiqué souvent, avec sévérité, l'aug-
mentation toujours croissante dû nombre des
fonctionnaires de l'ordre administratif.
Le résultat de ses remontrances a été déjà
signalé : on peut constater qu'en 1886, au lien
d'une diminution d'effectif, on augmente encore
le cadre du. commissariat de la marine, qu'on
porte a 474 officiers, soit 57 de plus qu'en 1881.
L'Amiral Aube, s'inspirant des volontés du
Parlement, a cherché à mettre bon ordre à cet
état de choses, et il est arrivé à la combinai-
son suivante qui permettra, dès 1887, de réali-
ser des économies, tout en ménageant l'avance-
ment dans le commissariat.
Une décision ministérielle du 9 mars 1875 a
reculé l'heure de la retraita des commissaires
généraux et commissaires de la marine, de telle
sorte que ces officiers quittent le service à un
âge plus avancé que les officiers de la marine
et de l'armée. Le ministre vient de fixer la li-
mite d'âge des commissaires généraux de 2«
classe à soixante-deux ans, et celle des com-
missaires à soixante ans, assimilant ainsi ces
fonctionnaires aux officiers des corps combat-
tants. Comme il y a actuellement un excédent
de quatre commissaires généraux, les mises en
retraite, qui sont la conséquence de la décision
ministérielle qui vient d'être prise, vont ra-
mener le cadre des commissaires généraux
son effectif régulier ; et de là une économie qui,
s'ajoutant à toutes celles qu'on fera encore,
permettra i». la marine de faire de notables ré-
ductions dans son budget, sans diminuer les
forces vives de la nation.
M. Lockroy à la r«e de Lancry.
Hier, à nne heure, a en lien rue de Lancry,
dans la salle de l'Union des chambres syndica-
les, la distribution des prix aux élèves de l'é-
cole professionnelle de dessin et de modelage
fondée il y a deux ans par la chambre syndi-
cale de la bijouterie en imitation.
Celle cérémonie ëtait présidée par M. Ed.
Lockroy, ministre du commerce et de l'indus-
trie.
M. le ministre a répondu à la lecture du rap-
port en affirmant qu'il avait l'intention de con-
sacrer a l'enseignement technique toute sa sol-
licitude, de créer des musées commerciaux :
puis, après avoir rendu hommage a l'Initiative
privée qui a fondé les écoles dans les chambres
syndicales, il s'est dit partisan de la « stabilité
ministérielle gouvernementale » et il a promis
de revenir présider * l'année prochaine » la dis-
tribution des prix.
Arrivant à la question de l'Exposition univer-
selle qui montrera les progrès de l'industrie
française qui ne redoute aucune rivalité, il a
terminé en disant qu'il comptait snr le concours
da tous les industriels pour lui faciliter sa
tache.
M. Mazet a. répondu que sans l'Initiative et
la protection du gouvernement, les progrès de
l'industrie étaient impossibles, et qu'il était
temps que le commerce qui est l'élément de la
richesse d'un pays eût droit A la bienveillance
du pouvoir : saule condition pour qu'il puisse
contribuer a la grandeur de la patrie.
M. Goble A Bordeaux
On télégraphie de Bordeaux, 16 Janvier, 5 h.
soir.
MM. Goblet, Turquet, Liard, Zevort, Brêard,
Zeller, Ravaison, Gréard, Himly, Gaston Bois-
sier, Robert, etc., viennent d'assister 4 la céré-
monie d'inauguration de la nouvelle Faculté.
Cette cérémonie, présidée par le ministre de
l'instruction publique, a eu lieu à quatre heu-
res. La municipalité en corps était venue au-
devant du ministre à la préfecture, d'où le cor-
tège s'est rendu directement au cours Victor-
Hugo. Aucun Incident spécial à signaler.
Ce matin, M. Goblet, accompagné de MM.
Turquet et Liard, a visité quelques-uns des édi-
fices publics de la ville.
Ce soir, à sept heures, banquet dans les sa-
lons de l'Hôtel de Ville. Vu le peu de place dont
la municipalité dispose dan» ces salons, elle a
dû restreindre ïe nombre des invités. Ces der-
niers comprennent néanmoins tous les profes-
seurs des facultés des lettres et des sciences, les
sénateurs et députés de la Gironde, les chefs
des différents services. La Faculté de droit et la
Faculté de médecine seront représentées cha-
cune par. leur doyen et deux délégués.
Le banquet terminera la fête; il n'y aura ni
représentation de gala, ni réception à l'Hôtel de
Ville.
La proposition Bailue.
On se souvient que au, lendemain du jour où
se produisit, à la Commission du Tonkin, l'in-
cident du colonel Herbinger, M. Ballue déposa
sur le bureau de la Chambre une proposition
ayant pour objet l'assimilation de l'armée de
terre à l'armée de mer pour lé cas d'abandon
de place ou de matériel de guerre.
Les bureaux de la Chambre ont nommé une
Commission chargée d'examiner cette propo-
sition.
Ont été élus : MM. Ballue, Labordère, Farcy,
Borie, Monis, Ganault et Thiers, favorables à
la proposition, et MM. le général de Fresche-
ville, Languirais, le baron Reille et Merillon,
opposés à la proposition.
Nominations
M, Revoll (Paul), avocat à la cour d'appel de
Paris, a été nommé chef du cabinet, et M. Cas-
tell (Francis), docteur én droit, secrétaire par-
ticulier du sous-secrétaire d'Etat au ministère
de la marine et des colonies.
M. Violet a été nommé chef du cabinet du mi-
nistre des postes et des télégraphes.
Election sénatoriale en Seine-et-Oise
On annonce que M. Hippôlyte Maze, ancien
député opportuniste de Seine-at-Oîse, pose ga
candidature & l'élection sénatoriale qui aura
bientôt lieu dans ce département, par suite de
la mort de M. Gilbert-Boucher.
Le Journal officiel a publié hier la note
suivante :
< Le gouvernement a reçu ce matin de
Zanzibar des dépêches télégraphiques fai-
sant connaître qne le traité de paix signé le
mois dernier, à. Tamatave, avec les pléni-
potentiaires hovas, a été ratifié par la cour
d'Emyrne. »
On Ht dans Y Intransigeant ;
Le rédacteur en chef de ^Intransigeant dé-
posera jeudi sur lie bureau de la Chambre une
proposition d'amnistie pour tous les condamnés
a raison de faits politiques ou de faits connexes,
ainsi que pour les individus prévenus ou recon-
nus coupable de délits électoraux, de délits de
réunion et d'association, et pour les Arabes com-
promis dans les insurrections de la province
d'Oran (1864), de l'Aurès(187l) et du Sud oranais
(1880).
L'Intransigeant expose d'autre part les
faits suivante :
Un citoyen, nommé Chauvet, avait été con-
damné À denx mois de prison par contumace
pour l'affaire du, Père-Lachaise. On sait de quel
côté, en cette journée, sont venues les provoca-
tions et les violences. N'importe : Chauvet,
comme tant d'autres, avait éîé condamné.
Il avait pu se dérober aux recherches. II lit la
nouvelle que des grâces vont être signées par
le président de la République. Condamné poli-
tique, Il se croit naturellement gracié. Il écrit au
procureur de la République pour lnï dire sa si-
tuation, demander confirmation de cette grâce,
à ses yeux Indubitable. Immédiatement, on en-
voie des gendarmes pour l'arrêter !
Le citoyen Chauvet a pu échapper, trouver un
nouvel asile. Mai*, démain, si l'amnistie n'était
pas votée, il serait arrêté, incarcéré.
On lit dans 1# Télégraphe i
On a remarqué plus d'une rois la préférence
que manifestent les officiers amis des princes
d'Orléans pour les garnisons de Ronen, du Ha-
vre, de Caen d'Evreux, d'Eu, de Dieppe et du
Tréport. lis les recherchent avec un certain
empressement.
M, le général Boulanger entend, paraît-il,
mettre fin à cette situation, qui fait de ces gar-
nisons de véritables coteries politiques.
Ainsi, M. î<4 colonel Guloth, ancien aide de
camp da duc d'Aumale, était attaché à l'ètat-
major du 3° corps d'armée, à Rouen. Cet offi-
cier supérieur vient d'être envoyé à Clermont-
Ferrand, comme chef d'état-major da '13® corps.
LETTRES D'ALLEMAGNE
(Correspondance particulière délai ustice)
Berlin, 13 Janvier 1886.
Il circule de nouveau des bruits de disso-
lution. Ce qui est sûr, c'est que la question
d'une dissolution du Reichstag et du Land-
tag prussien a récemment occupé les cercles
dirigeants, comme on aime à les appeler
discrètement. Seulement il ne s'agissait pas
et il ne s'agit pas d'une dissolution motivée
par un conflit entre M. de Bismarck et les
représentants du peuple. Un conflit de ce
genre, comme je vous l'ai déjà dit, n'a pas
raison d'être. Ni au Reichstag ni au Landlag,
M, de Bismarck ne se trouve en face d'une
opposition intransigeante, insurmontable. Il
ne peut pas faire tout ce qu'il veut, mais du
moins il peut la plus grande partie de ce qui
lui semble important. Ce qui le gêne et con-
trarie ses plans pour l'avenir, c'est qu'il ne
dispose pas d'une majorité positive active,
enthousiaste, qui, lorsque surviendra l'évé-
nement naturel, auquel il faut s'attendre,
lui garantirait la continuation de sa dic-
tature. Vers la fin de l'automne passé, il
avait, sans aucun doute, l'idée de provoquer
ia dissolution du Reichstag dans le but et
dans l'espoir de gagner, aux nouvelles élec-
tions, ia majorité désirée et nécessaire. Il
rencontra, chez l'héritier présomptif, ute
résistance qui le força à reculer ; et, depuis,
la siluation politique est devenue si défavo-
rable pour M. de Bismarck, qu'une dissolu-
tion ne pourrait que lui être funeste.
La question de la dissolution n'en est pas
moins à l'ordre du jour, et elle y restera
probablement encore quelque temps. Les
nouvelles concernant l'état de la santé de
l'empereur nonagénaire peuvent tromper
les naïfs ; elles ne font pas illusion aux cer-
cles dirigeants, où la vérité est bien con-
nue : une autre dissolution, que celle du
Reichstag ou du Landtag s'accomplit len-
tement, sûrement, avec l'impitoyable préci-
sion du fatum antique. Le fil chétif, au-
quel la vie du vieux monarque est atta-
chée, peut se briser d'un moment à l'au-
tre. Que faire alors ?
Ne sera-t-il pas convenable, ne sera-t-il
pos opportun de faire succéder à la dissolu-
-ion physiologique, la dissolution parle
mentaire ? On paraît le croire. Ainsi c'est
une double dissolution à la veille de laquelle
nous nous trouvons. Heureusement qu'on
n'a rien à en craindre. M. de Bismarck
s'est dépopularisé à un tel point, dans les
derniers temps, l'affaire des Carolines et le
monopole de l'alcool ont porté un tel coup
à son prestige d'homme d'Etat, qu'un appel
au peuple ne serait favorable qu'aux adver-
saires du maire du palais.
Le nouveau ministère français cause beau-
coup d'Inquiétudes à tous les réactionnaires,
officiels et officieux. Il est trop démocratique
et trop pacifique. Il va devenir impossible
de promener maintenant à tout propos le
spectre de la revanche prêt à fondre sur
l'innocent et paisible empire d'Allemagne.
Un gouvernement républicain décidé à
faire de la France une vraie République,
c'est trop incommode 1
Et, par dessus tout, le nouveau cabinet
français Inscrit dans son programme les
réformes sociales I Jusqu'à présent la
presse reptilisée avait contre la France le
jeu facile de dire au peuple allemand,
se rapprochant chaque four davantage de
la République : « Ce n'est pas une Ré-
publique populaire. C'est une Républi-
que bourgeoise, qui fait moins pour les tra-
vailleurs que notre monarchie. » Lisez
le message de notre empereur, où. il dit,
que c c'est ia première tâche, le premier de-
voir de l'Etat, de pourvoir aux besoins du
peuple, et d'améliorer la position des classes
laborieuses. » Regardez les mesures du prou-
veraient impérial,âla loi réglant les secours
en cas de maladie, la loi réglant les secours
en cas d'accident, et les autres mesures
promises. Et de l'autre côté, cherchez ce
que la République française a fait pour les
ouvriers. Là, il n'y a rten à regarder. Elle
n'a rien fait ; les ouvriers, elle les laisse
mourir de faim, car c'est une République
bourgeoise, et une monarchie comme la
nôtre vaut mieux pour le peuple qu'une Ré-
publique de cette espèce. »
On m'accordera qu'il n'était pas facile
de répondre victorieusement à de tels pro-
pos ; certes, O n'était pas mal aisé de prou-
ver que les prétendues réformes sociales de
M. de Bismarck ne valent pas. le papier
sur lequel elles sont imprimées ï mais le
fait n'en subsistait pas moins que la Répu-
blique n'avait rien fait pour les ouvriers.
Et vous ne pouvez pas vous imaginer le
tort que cela lui a fait dans l'opinion po-
pulaire de ce pays-ci, et Justement parmi
les classes, dont les sympathies républi-
caines sont les plus vives. Aujourd'hui, la
situation est changée, et si le gouverne-
ment français entre sérieusement dans la
vole de la réforme sociale, il infligera la
défaite la plus cruelle à M. de Bismarck, en
tuant moralement son socialisme charlata-
nesque.
Je croîs que le projet de loi que les dé-
putés socialistes allemands viennent de sou-
mettre au Reichstag contient maints points
dont on pourrait faire usage pour la légis-
lation française. La question sociale est In-
ternationale et, par conséquent, la réforme
sociale doit être internationale.
Il est bien remarquable, quoique très na-
turel, que M. de Bismarck soit plus admiré
à l'étranger que dans sa propre patrie. Il
n'est pas le prophète qui, salon le proverbe
évangélique, est méconnu, nié en son pays,
mais 11 ressemble au pape, qui brille moins
à Rome, que partout ailleurs. L'étranger ne
connaît pas M, de Bismarck.
Par exemple, il serait Impossible qu'un
Journal allemand écrive ce que l'Athenoeum
de Londres vient d'écrire dans son dernier
numéro. En parlant du livre de Charles
Loe^e sur M. de Bismarck, ce journal
éminemment respectable dit du grand
chancelier : « Sa franchise et son sentiment
élevé de l'honneur personnel ont toujours
commandé le respect de ses compatrio-
tes. »
Aucun membre du Reichstag, fût-il
le plus dévoué, c'est-à-dire le mieux
payé, n'aurait pas le courage d'écrire une
telle naïveté dans un journal allemand.
L'auteur de l'article de VAthenoeum n'a
évidemment jamais entendu parler de
l'affaire du docteur Schwanninger, devenu
le favori de M.Bismarck après avoir été con-
vaincu, â devant la Cour de Justice de
Munich, â d'un crime ignoble contre la
pudeur et les bonnes moeurs. Et l'auteur de
l'article n'a évidemment jamais entendu
parler du scandale énorme, s'exprimant dans
le mot « Ottopfennigs t, Denier d'Otto, men-
dié partout en Allemagne par les agents de
M. de Bismarck, et mis dans les vastes po-
ches de celui-ci, procédé si original que
les nationaux-libéraux eux-mêmes se vi-
rent forcés d'en exprimer leur désapproba-
tion formelle. Et les sentiments excités par
la manière d'agir de M. de Bismarck furent
exactement le contraire de ce qu'on com-
prend habituellement par le mot « respect >.
Ontis.
Nous recevons la dépêche suivante ;
Une élection au conseil général a eu lieu
aujourd'hui dans le canton sud d'Abbeville.
M. Gavelle, radical, a été élu,
BOUVARD.
Le Télégraphe publie l'information sui-
vante :
On assure que M. Forichon, secrétaire
général au ministère d© la justice, fait en
ce moment d'activés démarches pour se
faire nommer président de section au con-
seil d'Etat.
Ajoutons, à ce propos, que la rectification
envoyée par l'agence Havas au sujet des
démarches qu'auraient tentées M. Forichon
et les directeurs du ministère pour entra-
ver la nomination d'un sous-secrétaire
d'Etat est exacte, en ce sens que la démar-
che dont 11 s'agit n'a pas été collective.
Mais chacun des intéressés l'a faite indivi-
duellement. Ce n'est un secret pour per-
sonne au Palais Bourbon ; 11 serait possible
d ailleurs qu'une question adressée au garde
des sceaux fit la lumière sur ce point.
LA
Déclaration ministérielle
ET LA PRESSE
Commençons notre revue par les jour-
naux les plus modérément républicains. Le
Journal des Débats dit :
Nous avons {toujours considéré comme uns
chimère, comme une duperie ou comme un
danger, l'organisation d'un gouvernement eu
compte à demi avec l'extrême gauche. Non»
avons toujours regardé comme de décevantes
formules ces mots d'union, de concentration et
de concorde qui ont défrayé la dernière campa»
gne électorale, servi de texte à tant de discours,
et inspiré jusqu'au Message prèsidentiel.
i. Nous n'avons jamais compris comment le pre-
mier résultat d'élections auxquelles 200 députés
de droite ont dû leurs sièges pouvait être de
faire pénétrer dans le ministère M. Lockroy et
M. Granet Mais, enfin, on a voulu tenter l'ex-
périence, et nous comprenons très bien que la
Déclaration d'un pareil ministère ne saurait
être une Déclaration moderee. Nous allons voir
maintenant ce que deviendra le ménage de M»
de Freycinet et de l'Extrême gauche. . .
L'avenir seul pourra montrer si les exigences
de la minorité radicale dépasseront les conces-
sions de la majorité qui ne l'est pas.
Nous mentirions si nous affections d'attendre
beaucoup de modération de l'une, et, de l'autre,
beaucoup de fermeté.
L'appréciation du Français. organe de la
droite orléaniste et cléricale, n'est pas sans
analogie avec la précédente : toute la diffé-
rence consiste en ce que le Français exa-
gère, de parti pris, ses espérances de « bon
ménage » :
â Ce que M. Brisson n'a pas osé faire, M. de
Freycinet l'a accompli. Il n'y a pas à se mé-
prendre, assurément, sur la valeur d'une dé-
claration qui fait de M. Rochefort un minis-
tériel, comme il le dit lui-même très nette-
ment.
Le programma de M. le président du conseil
est un programme minimum; mais ce pro-
gramme minimum n'est-il pas précisément celui
de la rue Cadet 1 Les radicaux reunis, il y a
deux mois dans la salle du Grand-Orient, n'ont-
ils pas declaré que, pour le moment, ils ne de-
mandaient rien de plus ? U faudrait, en effet,
qu'ils fussent bien exigeants s'ils ne se tenaient
pas pour satisfaits, quand on leur accorde ce
qu'ils ont réclamé.
Voici la conclusion du Temps :
Nous sommes profondément convaincus qu'on
joue une grosse partie en persistant a aller de
l'avant dans un pays dont une parti® déjà con-
sidérable a cessé de nous suivre; nous ne de-
vrions avoir d'autre préoccupation que de la
ramener ©n la rassurant. La politique contraire
est réclamée, non par la majorité, mais par la
minorité de la gauche ; on objecte que sans
cette minorité il n'y a pas de majorité dans la
Chambre ; mais on ne l'a pas vérifie et noos re ¬
connaissons qu'il n'est pas séduisant de le ten-
ter. Dans ces conditions, ïa déclaration est ce.
qu'elle pouvait et devait être.
Le Temps reconnaît qu'il n'était pas « sé-
duisant ⺠de tenter de former une majo-
rité... avec la droite. C'est là une de ces pi-
lules amères qu'il ne faut pourtant pas né-
gliger de faire avaler au malade â dans
son intérêt. Le Temps regrette donc qu'il
ne se soit pas trouvé un cabinet pour < vé-r
riiler > l'efficacité de ce traitement â qui.
d'ailleurs, ne le séduit pas, c'est entendu.
La Paix :
Si le minitère du 8 Janvier reste fîdèle, dans
son action gouvernementale, aux indications de
ce paragraphe ; s'il en poursuit résolument la
réalisation, l'appui de l'opinion publique et celui
de tous les hommes qui ont à coeur raffermisse-
ment des institutions républicaines ne lui feront
pas défaut.
Mais c'est naturellement à l'opinion ou
la dissimulation d'opinion des journaux de
l'ancienne majorité ferryste que l'on doit
attribuer le plus d'Intérêt. Le Voltaire est
celui qui cache le moins sa mauvaise hu-
meur ;
La déclaration ministérielle est faite pour
plaire aux radteaux . Le cabinet a tenu à donner
satisfaction, au moins dans la forme, a ceux qui
prétendent que tout ce qui a été fait jusqu'ici
a été mal fait.
Mais, au fond, il résulte du programme eatr
posé par le président du conseil que l'on coq-
FEUILLETON DE LA JUSTICE
DO 18 JANVIER 1886
COURRIER
DRAMATIQUE
Camédis-Français©. - Molière en prison»
à-propos en vers, par M* Ernes t d'Hervilly.
Odéon. â La première du Misanthrope, co-
médie en un acte, en prose, de MM. Armand
Ephraîm et Adolphe Aderer.
Ambigu-Comique. â La Banque de Puni-
vers, pièce en cinq actes, par M. Grepet-Dan-
court.
Opéra-Comique. â A propos de Lohengrin.
Le Théâtre-Français et l'Odéon ont
donné cette semaine leurs ètrennes à
Molière. Au restaurant Corazza, sous la
présidence de M. Jules Claretie, les mo-
liéristes ont eux aussi célébré le 2&4" an-
niversaire de la naissance de Molière.
Venant après la grande fête que tout le
Joug de l'année le public donne presque
tous les soirs au poète créateur et libre
qui jeta sur la scène les types impéris-
sables de l'humaine comédie, ces petites
fêtes de famille ont un caractère in-
nocent et naïf comme les compliments
du nouvel an écrits sur du papier gaufré
avec un en-tête bien fleuri et bien ver-
nissé. Quand le compliment ne sent pas le
pensum dicté à touteune classe de rhétori-
que, il peut en ses étroites dimensions con-
tenir tout le frais parfum d'un poétique
hommage. Cette année, Molière a été
particulièrement gâté, puisque le bou-
quet lui a été offert par un des esprits les
plus libres, les plus fantaisistes, les
plus charmants qui rendent Paris agréa-
ble. Je puis le nommer sans craindre
d'avancer l'heure où il touchera de la
gloire bien neuve et bien flamboyante.
C'est Ernest d'Hervilly. Paris le connaît
fort bien, mais il le tient en réserve
comme, il a fait pour Théodore de Ban-
ville, lequel a attendu de n'avoir plus
un cheveu sur la tête avant d'obliger
tout le monde à reconnaître qu'il était
jeune et en état de faire tenir un chef-
d'oeuvre dans un seul acte. D'Hervilly
est lui aussi un de ceux que la loi mys-
térieuse et baroque de la renommée dé-
finitive fait attendra. Personne n'y peut
rien. Aucune agence ne serait capable
d'avancer d'une minute le moment où
l'on découvrira que d'Hervilly est un de
ceux qui gardent des années entières
dans leur tiroir Socrate et sa femme,
sans que la bonne humeur de leur vi-
sage en soit altérée. En attehdant que
cette oeuvre définitive qui ne sera peut-
être pas de la même veine lyrique que celle
de Banville, mais qui ne sera pas moins
étincelante, vienne tirer son feu d'arti-
fice devant le trou du souffleur, d'Her-
villy ne dédaigne pas de rimer le petit
« à propos » à Molière.
Molière en prison.â C'est un incident
très court de la jeunesse du poète jeté
au Châtelet, qui était le Clichy de l'épo-
que, pour n'avoir pas payé les chandel-
les de « t Illustre Théâtre » où il était à
la fois directeur, acteur et auteur. Rien
de plus certain que cette anecdote... on
sait que Molière resta huit jours enfermé |
pour n'avoir pas attendu l'époque heu- ;
reuse où en écrivant Georgette ou le
Monde cù Von s'ennuie on devait se faire
des millions de rentes. On sait aussi que
Molière fut délivré grâce à Léonard Au-
bry, u paveur des bâtiments du roi » qui
fournit une caution.
C'est de cette historiette que d'Hervil-
ly a pris texte pour écrire à main-levée
un léger petit acte où il a mêlé une
amourette avec ia fille du geôier du
Châtelet et la divertissante silhouette du
célèbre pàtissier-poète « le simple Ra-
gueneau », qui devint plus tard moucheur
do chandelles de la troupe de Molière.
A l'Odéon, 1' « à propos » a été écrit
par MM. Armand Ephraïm et Adolphe
Aderer. Les auteurs se sont inspirés des
infortunes conjugales de Molière. Le su-
jet n'est pas précisément neuf, puisqu'il
reparait presque tous les ans et dans les
mêmes circonstances. Cependant je ne
dirai pas comme M. Auguste Vitu qu'en
renouvelant le récitde ces infortunes «on
déshonore Molière en croyant l'honorer. »
11 y a un peu plus de deux cents ans que le
Misanthrope fut représenté pour la pre-
mière fois. 11 y a longtemps que l'hon-
neur de Molière n'appartient plus aux
pauvres agitations do ce monde. Et il ne
reste de l'infidèle Armande Béjart que
l'admirable étude que son époux a faite
d'elle, pour en tirer une noble vengeance
de poète. Si vilaine et si sotte qu'elle
nous paraisse de loin, on a par moment
envie de tout lui pardonner puisqu'elle a
su inspirer le rôle de Célimène. L'ennui,
c'est que Célimène revient trop souvent
dans les « à propos » d'anniversaire.
Cette année on noua l'a montrée se ré-
conciliant avec Alceste après la première
du Misanthrope. Cette aimable fantaisie
a obtenu un discret succès d'estime com-
ma il convient dans les plus touchantes
scènes de famille.
M. Grenet-Dancourt qui est l'heureux
auteur de Trois Femmes pour un Mari,
comme autrefois M. Audran fut pendant
quelques années « l'heureux auteur de la
Mascotte » vient de faire une curieuse
tentative. Il a essayé d'éteindre sa verve
en la plongeant au plus profond d'un
drame de l'Ambigu. La verve ne s'est
pas éteinte pendant cette décisive épreuve
mais en pareil lieu, ce mélango de la
noble Mise de la Gouaille et de la som-
bre mise de M. d'Ennery, produit de sin-
guliers effets. Mon ami Martel a trouvé
le mot qui résume tout ce drame, quand
il a rappelé le titre du dernier roman
d'Henri Rochefort : Cinquante pour cent.
Sur les échines de tout ce monde de fai-
seurs et d'escrocs, il n'y a place que
pour les laniéres de la satire. Par !a
nature de ses travaux antérieurs, M.
Grenet-Dancourt était peu préparé à sai-
sir tous ces pâles acteurs de l'escroquerie
qui est plus ou moins cotée â la Bourse,
et qui a ses Moniteurs officiels. L'auteur
de Trois femmes pour un Mari n'avait
peut-être pas la poigne assez solide pour
jeter tout ce monde marron dans un
drame solidement noué, vigoureux et fort
où tous les monteurs de Banque de F P-
nivers seraient venus se faire prendre
dans les diverses attitudes du million-
naire qui soupe au café Anglais ou du
prévenu qui mange à la gamelle de Ma-
zas en attendant le débat de la Cour d'as-
sises. Dans la pièce que l'Ambigu offre
à la consommation quotidienne de Paris,
c'est la verve comique de M. Grenet Dan-
court qui a fait toute seule les frais de la
soirée. Elle s'y est retrouvée tout entière,
avec ses éclats da gaîté et ses mots qui
partent comme des flèches.
Malheureusement le fond da ce drame
financier ne vaut pas grand' chose. On
peut le conter en quelques lignes. Ro-
bert Dumont, le fondateur ruiné de la
Banque de runivers, a une soeur Gene-
viève, qui, dans ces traverses de l'en-
treprise financière, a la chance d'être
aimée du jeune duc d'Angeville. Le ma-
riage, ou plutôt la mésalliance â comme
on dit dans ce monde â est consenti par
l'oncle du duc, le marquis de Rouvray.
Cet événement peut sauver la caisse de la
Banque de l'univers; mais Geneviève,
qui sait tout, avertit elle-même le mar-
quis de Rouvray, et refuse un mariage
qui pourrait ressembler à un stratagème
financier*... Le marquis, ému d'un pareil
désintéressement, exige lui-même le ma-
riage de son neveu, et les créanciers de
la Banque de l'univers seront intégrale-
ment payés.
â Comme drame, c'est médiocre et quel-
conque; mais la partie comique de la
pièce a été si bien développée, que le pu-
blic ne s'est pas montré trop sévère pour
la pauvreté du sujet.
Cette nouvelle pièce de l'Ambigu est
montée avec beaucoup de soin, et nous
aurons fait tout l'éloge qu'il convient de
faire de l'interprétation, quand nous
aurons dit qu'elle est jouée par des artis-
tes qui s'appellent Laray, Decori, Mon-
tai, Emile Petit, Courtès, Péricaud, Alice
Guyon.
j Un des principaux événements drama-
tiques de cette semaine, c'est la lettre
que Mme Adam a écrite à propos de la
représentation prochaine do Lohengrin
par l'Opéra-Comique. C'est une émeute,
encore discrète, qui se prépare et qui
éclatera si, comme nous l'espérons et
comme nous lo souhaitons, M. Carvalho
n'a pas peur. Que M. Carvalho se ras-
sure. Il ne nous reste qu'à connaître la
dimension exacte des sifflets dont on se
servira contre Lohengrin, et nous nous
engageons, devant l'image même de la
patrie, à apporter des sifflets d'un ca-
libre double. Nous verrons bien, vers les
onze heures du soir, ce que démontrera
tout ce tapage.
Il est inutile de dire que dans cette ba-
taille, annoncée par des bruits précur-
seurs, il n'entre pas dans notre esprit
l'intention de blesser le sentiment expri-
mé par l'auteur de la lettre adressée au
Figaro. Je no connais personne qui vien-
drait dire, contre madame Adam : « Js
n'aime pas ma patrie ! » Mais ce qui me
paraît excessif, c'est qu'on nous oblige à
aimer notre patrie d'une certaine façon,
et que cette façon consiste à siffler Lo-
hengrin. Eh bien ! non, voilà ce qu'il
nous est impossible d'accepter. Nous
sommes un certain nombre de Français
qui aimons passionnément la France, qui
buvons tous les jours de la bière da Mu-
nich parce qu'elle est en somme la meil-
leure bière, et qui n'avons qu'un désir :
applaudir la musique de Lohengrin parce
que c'est la meilleure musique.
Tant pis pour M. Wagner s'il a été sot
et bêto en 1870. Il avait pour excuse
d'être Allemand. Nous, qui sommes Fran-
çais, nous n'avons pas envie de faire
comme lui.
Edouard DURRANC.
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