Titre : La Justice / dir. G. Clemenceau ; réd. Camille Pelletan
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-10-12
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 octobre 1885 12 octobre 1885
Description : 1885/10/12 (Numéro 2098). 1885/10/12 (Numéro 2098).
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Provence-Alpes-Côte d'Azur
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/02/2011
Sixième année. â Î. 2098
TJη Numéro Î ÎÎ O. Paris ot Departements
Lundi 12 Octobre 1885.
D18ÏCTEDS POllTIQtrS :
G. CLEMENCEAU
S'adresser pour tout ce qai eonaarae la Rédactioa
A M. GUSTAVE GEFFROY
Secrétaire do la Rédaction
(Lm rn&nuscriU non. inscris ne serení pas rend«#.)
ANNONCES citez MM, DOLUNGEN Fils, SEQUY Et C*,
IG, rea Grangia - Batelière
LA JUSTICE
RÉDACTEUR EN CHEF t
CAMILLE PELLETAN
ABONNEMENTS
PARIS DÉPARTEMENTS
Trois mois,,,,,, 10 fr. Trois raoi$ 12 fr.
Six mois........ 20 » Six mois 24 »
Un an,, 40 » Un au . 48 «
Adresser les mandat* à l'Administrateur
M. E. TRÉBUTIEN
10, rue du Faubourg - Montmartre, 10
ELECTIONS
LE OIS LATI VES
Du 18 octobre 1885
SCRUTIN DE BALLOTTAGE
Hier dimanche, à deux heures, au Grand-
Orient, a eu Heu une réunion das repré-
sentante des comités eL des journaux répu-
blicains de la Seine.
Etalent représentés les comités suivants :
Alliance républicaine, Comité central
des groupes républicains radicaux socia-
listes, Corniti! départemental radical so-
cialiste, Fédération républicaine radicale
des électeurs indépendants, et lea jour-
naux suivants :
Echo de Paris, Electeur républicain,
Evénement, Gagne-Petit, Intransigeant,
Justice, Lanterne, Marseillaise, Mot
d'Ordre, Nation, Opinion, Paix, Parts.
Petit Journal, Petites Nouvelles, Petit
Puristen, Petit Quotidien, Petite Repu-
blique française Radical, Rappel, Répu-
blique française. République radicale.
Siècle,· XIX' Siècle, Soir, Télégraphe,
Temps, Voltaire.
La réunion a voté, & l'unanimité, l'ordre
du jour suivant :
«Chacun dos groupes représentés 41a
réunion, déclare qu'il prend comme règle
de conduite au second tour do scrutin,
de soutenir les candidats républicains
qui ont obtenu la plus de voix au pre-
mier tour.
»La réunion invite tous les républicains
des départements à suivre cet exemple.»
Il a été convenu que chacun des groupes,
tout en adhérant à la liste unique, conser-
verait sa liberté de propagande.
La réunion a adopté, comme en-téte de la
liste composée des 34 prémlers candidats
désignes par le suffrage universel, ces mots :
UNION DES COMITÉS ET DES JOURNAUX. R¿-
FUBLICAINS,â LISTE ÜNIQue
UNION DES COMITÉS
ET DES JOURNAUX REPUBLICAINS
LISTE UNIQUE
1. â BARODET. député sortant.
3. â CLEMENCEAU, id.
3. â ALLAIN-TARGÉ, id-
4. â RASPAIL, id.
5. - M A RET, id-
6. - TONY-RÉVILLOn, id.
â SIGISM. LACROIX, id.
8â â ERNEST LE FÈVRE, id.
Ö. â GEORGES PÉRIN. id.
10; â CANTAGREL, id.
U. â DE LANESSAN, id.
12. â YVES GUYOT, ancien conseiller
municipal.
13. â FRÊBAULT, député sortant.
14. â dELATTRE, id.
15. â MATH È, conseiller municipal,
ancien président du conseil gé-
néral et du conseil municipal.
16. â FOREST, député sortant.
17. â DREYFUS, conseiller municipal.
18. â PAUL BERT, député sortant.
19. â LAFONT, id.
20. â HUDE, conseiller d'arrondisse-
ment, maire d'Issy.
Bl. â Î RELAY, député sortant.
22. â BOURNEVILLE, id.
λ.8. â GERMAIN CASSE, ld.
24. - ROQUE DE FILHOL, id.
S®· â Î aSLY, ouvrier mineur, aceri taire
général de la fédération des
mineurs du Nord.
3ss. â ROCHE FORT, ancien député.
27. â LAIS ANT, député sortant.
28. â CAMELINAT, ouvrier monteur
en bronze, syndic de la corpo-
ration du bronze.
29. â PICHON, conseiller municipal.
30. â VILLENEUVE, député sortant.
31. â MICHELIN, président du conseil
municipal.
32. â FARCY, député sortant.
33. â DE HEREDIA, id.
34. â FRÉDÉRIC PASSY, id.
UNION
»ES COMITES ET DES JOUrAuX
RÉPUBLICAINS RADICAUX SOCIALISTES
APPEL AUX ÉLECTEURS
Citoyens,
Paris a donné la majorité à 38
républicains.
Mais beaucoup de départements
se sont laissé surprendre. Des
électeurs ont voté pour la coalition
réactionnaire qui s'était bien gardée
d'arborer le drapeau de la monar-
chie. Enhardis par le succès, nos
ennemis proclament bien haut leur
dessein de restauration monarchi-
que. ils se lèvent contre la Répu-
blique.
Alix républicains de barrer la
route à l'ennemi en lui opposant
une masse compacte. Le second tour
de scrutin doit nous réunir dans
l'amour commun de la République,
dans la haine commune de la Mo-
narchie. Les résultais du premier
tour prouvent qu'à cette condition
le succès nous est assuré.
Paris doit àia France un exempte.
Le suffrage universel a déjà fait
l'union. Il a choisi ses"38 premiers
candidats, sans tenir compte de
certaines dissidences.
Suivons ses indications et ne for-
mons pour le second tour qu'une
liste républicaine des 34· noms qui
ont obtenu la majorité après les
élus.
Electeurs de Paris,
C'est un acte politique que nous
vous demandons. Il faut dire à la
France républicaine que le devoir
républicain, c'est l'union sur les
noms qui ont obtenu la majorité.
Il ne suffit pas de le dire, il faut
donner l'exemple.
Ainsi vous serez entendus, suivis,
et vous rendrez définitive la victoire
de la démocratie.
l'as d'abstention. Au vote contre
la monarchie. Au vote pour la Ré-
publique.
L'Electeur républicain. â L'In-
transigeant. â La Justice. â
La Lanterne. â La Nation. â
Le Petit Parisien, â Le Petit
Quotidien. â Le Radical, â
Le Rappel. â La République
radicale.
Comité central. â Comité départe-
mental. â Fédération radicale.
LE
DEVOIR
En lisant l'ordre du jour unanime sorti
de la réunion des comités et des journaux
républicains,en lisant l'adresse éloquente
dans sa simplicité et sa logique que nos
amis de la presse et des comités radi-
caux adressent aux électeurs, tous les
républicains que ie succès partiel inat-
tendu des réactionnaires au scrutin d'il
y a huit jours avait pu un instant trou-
bler se ressaisiront et reprendront con-
fiance.
Un parti qui, en face d'un échec mo-
mentané, sait ainsi comprendre son de-
voir et le suivre est un parti vivant et
fort.
Les comités, los journaux auxquels in-
combait la mission de donner à la dé-
mocratie le mot d'ordre auquel tous doi-
vent obéir pour le combat de domain, ont
admirablement saisi le rôle qu'ils avaient
à jouer.
Sans une récrimination, tous ont mis
la main dans la main, et oubliant devant
l'ennemi commun les divisions naturelles
qu'avait créées au sein du parti républi-
cain l'exercice du pouvoir, tous n'ont eu
qu'un but et qu'un cri : avant tout, pro-
téger la République contre le retour of-
fensif de la réaction.
Certes on l'a dit déjà ici, et l'adresse
aux électeurs lo répète avec raison, ce
n'est pas à Paris que le triomphe dos
monarchistes était à craindre. On aurait
sans danger pu continuer au second tour
la lutto entre les fractions du parti répu-
blicain. Mais le péril qu'on pouvait dé-
daigner ici, on n'avait pas le droit de le
mépriser ailleurs.
Il y avait tel département où l'acrimo-
nie do la bataille, au premier tour, les
intérêts personnels do candidats toujours
ingénieux à dorer d'un prétexte plausible
le désir de voir couronner leur ambition,
rendaient bien difficile l'union au second
tour, si du dehors une influence toute
puissante n'intervenait pour imposer à
tous une règle unique.
C'est à Paris que s'imposait la charge,
que revenait l'honneur do donner l'exem-
ple.
Comités et journaux l'ont compris. Ils
ont tracé la ligne de conduite à suivre.
Ils ont fait leur devoir. Les électeurs ne
manqueront pas au leur.
Ce qu'ils doivent faire, c'ost d'abord
ne pas s'abstenir. On a beaucoup voté le
4 octobre. It faut que le 18, il y ait plus
de votants encore. L'abstention est en
toute circonstance une désertion. Se pas
exercer sa part de souveraineté, renon-
cer à l'influence légitime que donno lo
bulletin de vote, ce n'est pas souloment
abdiquer. C'est plue et c'est pis. C'est
laisser le champ libre à ceux qui pensent
autrement que vous. C'est remettre, pour
sa part, le soia des intérêts publics dont
on ne peut â trop d'exemples et de trop
tristement fameux le prouvent â séparer
les intérêts particuliers, c'est remettre
la part de gouvernement qui vous re-
vient entre les mains d'autrui; c'est
abandonner le combat.
Mais l'abandon devient trahison quand
de quelques voix peut dépendre la direc-
tion de la politique générale et le triomphe
d'un parti. Donc avant tout il faut voter.
Mais il ne suffit pas de voter, il faut
que chaque républicain dépose dans
l'urne la liste unique, que le suffrage uni-
versel lui-même a dressée. Il faut qu'il
l'y dépose, sans y avoir changé, sans en
avoir retranché un nom.
Je sais, parbleu, bien quo la plume dé-
mangera à plus d'un et que grande sera
la tentation de substituer à tel nom qui
plaît pou, tel autre qui conviendrait
mieux. Céder à cette tentation ce serait
manquer au devoir.
Tout nom changé sur la liste républi-
caine est une voix de plus laissée à la
réaction, c'est un suffrage de moins don-
né à la République. Voilà ce que, d'un
bout à l'autre du pays, il faut dire et ré-
péter.
La liste une fois écrite des noms des
candidats républicains que le suffrage
universel a honorés d'un plus grand nom-
bre de voix, nul n'a plus le droit d'y
toucher, sana forfaire au devoir.
C'était bon au premier tour do tenir
compte dos sympathies personnelles, de
faire à sa fantaisie une liste qui réflétàt
sos sentiments personnels. Rien de plus
naturel alors. Mais ce qui était légitime
le 4 devient coupable le 18. Il ne peut
plus être question do candidats agréa-
bles ou antipathiques.
Il y a d'un côté les candidats républi-
cains. Il y a de l'autre le bataillon des
candidats monarchiques qui s'apprete à
profiter do nos moindres faiblesses.
On ne discute pas devant l'ennemi. On
serre les rangs.
A. Miller and.
LÀ
JOURNÉE
Nouvelles diverses
Demain mardi, M. Jules Grévy recevra en
audience solennelle le ministre plénipotentiaire
de Birmanie et le ministre plénipotentiaire de
la République de San-Salvador.
Par décrets en dale du 9 octobre 18B5, rendas
sur la proposition du ministre des affaires
étrangères, ont été nommés :
Consul de France à Genève, M. Champy,
Consul de France à Bàie, M. Decrais.
Consol da Franca à NewcasIle, M» le comte de
Pourtalès-Gorgier,
Coas al de Franca à Cartilagine, M. de La-
grenè.
Vice-consul de France à Douvres» M. Capde-
ville.
Vice-consul do Franco à Southampton, M.
Bruandet.
Vice-consul de France à Concordia {Républi-
que argentine, posté çréé)» M, G aussen.
Note de la Liberté :
M. Ordega, ministre plénipotentiaire de
France, ne retournera probalement pas à. Bu-
charest.
11 auralt demandé, pour raisons de famille
à êlre mis pendant quelques mois en dispo-
nibilité.
Notre ministre à Bacharest sera remplacé
par M. de Coutouly, ministre de France à
Mexico.
On annonce également que M. de Laver tajón,
délégué de France à la commission européenne
du Danube» aura prochainement un succes-
seur.
O a lit dans le Télégraphe ;
On rapporte que, dans une entrevue qui a eu
lieu vendredi, entre M. Grévy et un homme
politique de3 plus en vue, l'un des députes élns
dimanche à Paris, celui-ci aurait dit au pre-
mier :
â J'espère, monsieur le président, que nous
ne vons entendrons pas parler désormais de
voire retraite et que vous consentirez à être, an
mois de décembre prochain, le candidat de tout
le parti républicain.
A quoi M. Grévy aurait répondu :
â Je Voulais, en effet rentrer dans la vie pri-
vée, et, vous le savez mieux que personne, vous
qui avez fait tout, vos efforts pour m'en dissua-
der. Lea circonstances ont changé. Pour n'être
pas périlleuses, elles sont peut-être moins bon-
nes qu'il y a trois mois. Je considère comme un
devoir de consacrer à la République ce qu'il me
reste d'années à vivre. Si ie Congrès vent me
faire le grand honneur de me conférer une se-
conde présidence, je l'accepterai.
M. Anatole de la Forge adresse ans électeurs
da département de la Seine, la lettre suivante
Aux électeurs du département de la Seine.
Chers concitoyens,
Je suis profondément reconnaissant de
vos suffrages ; je n'en serai heureux que
lorsque vous aurez élu les trente-quatre
candidats de la liste républicaine.
Mais dès aujourd'hui, Je vous remercie
d'avoir si nettement exprimé votre ferme
volonté de mettre fin aux expéditions loin-
taines, aux aventures coloniales, dans les-
quelles la France a tout à perdre, et rien à
gagner.
Vous avez affirmé que le programme ra-
dical socialiste est bien le vôtre.
Vous voulez une République libérale qui
assure enfla au pays les réformes nécessai-
res â sa prospérité»
Î la politique des phrases, voua voulez
substituer la politique des actes.
Nous nous unirons tous et nous ferons
triompher cette politique en envoyant b la
Chambre des députés les c andidats répu-
blicains que vous avez déjà désignés pour
l'élection du 18 octobre.
ANATOLE DE LA FORGS
Nous félicitons notre ami Anatole de la
Forge des excellents termes de sa lettre aux
électeurs de la Seine. On ne peut mieux
préciser le double sens du vote du 4 octo-
bre. Et M. de la Forge, qui ne figurait que
sur les listes radicales, a l'autorité néces-
saire pour s'exprimer ainsi.
On télégraphie d'Alger, Il octobre, à l'a-
gence Havas :
La vapeur Chandernagor, venant de Brest
et ayant à bord 563 soldats et du matériel de
guerre à destination de Tamatave, est arrivé
hier soir.
Voici de quelle honteuse façon les adver-
saires de la République s'efforcent de tirer
profit des scenes provoquées sur les boule-
vards par M. A, Meyer. La dépêche sui-
vante a été, dit le National, répandue en.
province par les soins des réactionnaires:
Paris, 6 octobre.
Depuis deux jours, les républicains parcou-
rent tes boulevards, assaillent les passants et
font fermer les magasins aux cris de : Vive la
République r Ua grand nombre de croisées, de-
puis îq boulevard des Italiens jusqu'au boule-
vard Poissonnière, ont été brisées par leurs
projectiles. La police est impuissante. Toutes
les affaires sont suspendues, il régne une véri«
table terreur.
Suivant ."une dépêche datée de Constanti-
nople, 10 octobre, un accord serait Immi-
nent entre la Porte et sir Drummond Wolf
sur les bases de l'envol de commissaires an-
glais et turcs en Egypte.
Un grand nombre de citoyens, croyant
que la réunion qui a eu lieu hier au Grand-
Orient était une réunion publique, se sont
présentés à deux heures rue Gadet. Cette
méprise est assurément très fâcheuse, mais
la note que nous avons publiée dans notre
dernier numéro et par laquelle nous annon-
cions cette réunion, ne pouvait laisser de
doute sur son caractère privé» Les repré-
sentants de la presse républicaine de Paris
et lea délégués d'un certain nombre de co-
mités étaient seuls convoqués.
Nous regrettons vivement que l'annonce
de cette réunion dans certains journaux
ait pu donner Heu à une autre interpréta-
tion.
Sous ce titre: « Où est le faussaire?»
le Pelit Var revient sur cet Inexplicable
Incident de la lutte électorale dans le Var
dont nous avons d^jà entretenu nos lec-
teurs.
Los comités radicaux ont dit, affiché, publie
que M, de Lanessan n'acceptait pas la candida-
ture dans le Var, et nous avons mis au défi qui
que ce soit de produire une déclaration de M.
de Lanessan, acceptant de figurer sur ia liste
de MM. Jules Roche et Biache.
On nous a traité, à ce sujet, ^imposteurs et
de fourbes; et pour mieux prouver notre four-
berie et η o t re impos tu ?et ou a publié dans les
journaux opportunistes, on a collé sur lea
murs, avec toute sorte d injures autour, une
dépêche de M. de Lanessan ainsi conçue :
París, iar octobre 1885
Je Maintiens Mon acceptation de la can-
dîdature que la démocratie m'a offerte dans
le Var ; vous pouvez donc mettre mon nom
sur la liste â côté de ceux de Jules Roche,
Noël Blache et Victor Piètra»
Signé : DE LANESSAN
Eh bien celte dépêche était fausse; cette dé-
pêche signée de Lanessan n'était pas de M* de
Lanessan; cette dépêche était un faux.
Nous le pensions ainsi et ne l'avons pas ca-
ché; moi?, pour couper court à toute contro-
verse, il fallait que M. de Lanessan le déclarât
lui-même.
C'est ce quii a fait»
Nous avons publié sa lettre hier. N03 lecteurs
nous permettront de la reproduire, afin do bUn
préciser les faits :
Parist 7 octobre 188&
Mon cher monsieur May er.
Vous m'apprenez qu'on a affiché dans le
Var, quelques heures avant le vote de di-
manche dernier, une dépêche d'après la-
quelle f aurais, à la dernière heure, accepte
la candidature dans ce département.
Je ne puis que vous répéter ce que je vous
ai déjà dit â ce sujet, à savoir que j'ai re-
fusé, à deux reprises, la candidature qui
m'avait été offerte à la suite du désistement
de.M. Heckel, uue première fois, par une
dépêche envoyée le dimanche 27 septembre,
et une seconde par une dépêche datée du
jeudi ier octobre, expédiée aussitôt que j'ai
été informé de la présence de mon nom sur
les affiches.
Je ne comprends pas que Von ait pu affi-
cher une dépêche dans laquelle, au dernier
moment, je serais revenu sur mes deux re-
fus successifs, car après ma dépêche de
jeudi ie rìai envoyé aucun télégramme
d'aucune date dans le Var.
FEUILLETON DK LA JUSTICE
DU 12 OCTOBRE 1885
COURRIER
DRAMATIQUE
THÉÂTRE FRANÇAIS. - ta direction de
H, filmile Ferriti.
OPÉRA COMIQUE. â Reprise de l'Etoile du
Kord, de Meyerbeer.
ODÈON. â Reprise de l'Arlésienne, rentrée de
Mlle Roussel!.
M. Emile Perrin, directeur do la T)o-
médie-Française, est mort cette semaine.
Il occupait cette haute fonction depuis le
19 juillet 1871. Quatorze années de dicta-
ture artistique et littéraire 1 Y a-t-il un
autre exemple d'un si long rógne? Je
n'en connais pas. Oui, il y a un homme
heureux entre tous qui, pondant quatorze
ans, a été le maître absolu de la plus
glorieuse maison qui soit au monde. Le
onseil qu'il avait autour de lui n'était là
quo comme figuration, pour faire croire
a un gouvernement tempéré et constitu-
tionnel. Au fond, c'était lui qui pouvait
gouverner l'art par voie de décrets. Une
pareille puissance peut être dangereuse
ou féconde si celui qui la détient a la
moindre velléité de s'en servir. Elle peut
aider à faire beaucoup de bien comme
aussi elle peut devenir un véritable
fléau.
Chose singulière I Après quatorze an-
nées d'administration, il serait difficile
de dire ce qui disparaît avec la mort de
M. Emile Perrin. C'est à peine si cette
lin réveille dans l'esprit une grosso et
vulgaire idée de succès matériel qui
pourrait se trouver compromis si le suc-
cesseur n'est pas, lui aussi, un homme
de tête. On ne pense pas un seul instant
à la littérature, au théâtre. C'est la fin
d'un surintendant heureux.
De ce côté on a longuement rendu
S" stice aux mérites de M. Emile Perrin.
e son vivant,la veine proverbiale de la
Comédie-Française était la consolation
des commissions du budget. C'est lui
qui représentait l'abondance avec ces
groa chiffres qu'il savait mettre si habi-
ment en vedette dans les rapports sur le
budget des beaux-arts. Il y a eu sous
son régno uno question de « parts » qui
a pri« une importance do plus en plus
considérable. Las douzièmes de parts
étaient courus comme les actions des
mines d'Anzin.
Malheureusement à côté do ces chiffres
quasi fabuleux, il y en avait d'autres qui
provoquaient lo contraire de l'admiration.
Dans le damier rapport de M. Antonin
Proust, par exemple, je trouve que pen-
dant l'exercice de I8S4, les bénéfices
s'élevèrent à quatre cent vingt mille
francs environ, et qu'on joua Tartufe,
deux fois seulement. Tartufe joué deux
fois en un an, dans la maison de Molière,
voilà ce qu'on n'oubliera jamais quand
on parlera du mort qui s'en va! Je pour-
raisciter d'autrese exemple sur les affiches
de cette année qui vit entrer à la Comédie
la Duchesse Martin et les Pattes de Mou-
che. Ruy-Blas y figure pour trois re-
présentations, Phèdre pour trois; Am-
phitryon pour quatre, et le reste à l'ave-
nant. Dans la récapitulation générale, le
répertoire an cien et le répertoire moderne
se balancent dans la proportion suivante :
177 contre 5-9. C'est moins que la por-
tion congrue.
Il nous a toujours semblé quo la
Comédie-Française avait une fâcheuse
tendance à prendre le contre-pied de sa
destination. Elle est un théâtre d'Etat,
elle a un immeuble d'Etat , elle a
Sour première ressource des fonds
'Etat. Par là, elle est avant tout un
Musée qui n'a pas le droit de faire du
théâtre d'aventures, et qui s'il voulait
s'en donner la peine trouverait assez do
gloire et do profit à classer, à étiqueter,
à conserver en bon état et à représenter
l'incomparable répertoire de notre litté-
; rature dramatique. M. Emile Perrin qui
savait fort bien ces choses, se défendait
à l'occasion d'encourager la tendance
contraire. Dans son étude sur la Mise en
scene, il parlait avec admiration et res-
pect de tous ces chefs-d'oeuvre quo mal-
heureusement dans la pratique il sacri-
fiait au Monde où l'on s'ennuie. Il écri-
vait par exemple des choses comme
celle-ci : « Je sais bien que, fussent-ils
joués entre quatre murs, sans décors ot
sans costumes, ils n'en resteraient pas
moins da purs chefs-d'cenvre ; mais j es-
time qu'ils no perdent rien à êtro en-
tourés de plus de soins qu'on no leur on
a longtemps accordés.» Bt certes il avait
raison d'ajouter quo nous ne sommes
plus au temps où l'on jouait indifférem-
ment dans le même décor les Horaces,
Britannicus, Phèdre, voire Zaïre, où les
mômes colonnades et les mêmes politiques
suffisaient à représenter la Rome barbare
des Tarquins, la Rome triomphale des
Césars, la demeure de Thésée aux jours
héroïques de la Grèce et la terrasse du
palais d'Orosmane. Il aurait pu parler du
fameux écriteau devant lequel on jouait du
Shakespeare et où l'on pouvait lire cette
inscription obligeante :« Ceci représente
une forêt. » Ce plaidoyer très ingénieux
et très éloquent publié il y a deux années
à peine, n'a pas lavé M. Emile Perrin du
reproche qu'on faisait à sa direction.
Catto question de la mise en scène, qui
fut lo grand procès de ce long règne
théâtral, no sera jamais définitivement
résolue, parco quo c'est uno question de
mesure, M. Emile Perrin en convenait
tout le premier. Qui pourra diro à quel
moment larecherche minutions© et l'éclat
de la mise en scène commencent à nuire
au mérite littéraire d'une oeuvre ? Per-
sonne. Tant vaut le directeur, tant vaut
la théorie.
Ce qu'on pouvait dire avec certitude,
c'est que le directeur qui vient de mourir
n'était pas toujours bon juge en ces ma-
tières. Il avait de fâcheux antécédents.
ι 11 avait passé la plus grande partie do
sa vie de théâtre sur des scènes lyriques
; où précisément la mise on scène occupe
toute la place. A l'Opéra-Comique, il
avait monté le Val d'Andorre, IEtoile
du Nord: à l'Opéra, il avait monté Ro-
land à Roncevaux, l'Africaine, Faust.
Toutes ces énormes machines no sont
pas faites pour préparer un homme au
modeste ameublement qui convient à des
pièces où la pensée doit occuper la pre-
mière place. Molière n'a besoin ni du
vaisseau de VAfricaine, ni de la cathé-
drale de Faust pour dire ce quii a à
dire. Et l'on dovine aisément quo M. ,
Emile Perrin, en quittant les somptueux
magasins des théâtres lyriques, dut avoir .
cette impression fâcheuse en se trouvant
chez Molière, qu'il était allé chez de bien
pauvres gens.
Ce sont ces habitudes de mise en scène
luxueuse qui ont donné une nouvelle di-
rection à !a Comédie-Française. Lo gros
succès d'argent est venu, et c'est la
gloire, la vraie, la bonne gloire de la
maison qui en a souffert.
C'est ce qui va rendra la succession
perilleuse et redoutable. On va guetter
a nouveau directeur áu règlement dos
comptes, tous les ana. Et c'ost par le côté
le plus grossier que sa fera la compa-
raison. Sera-ce Jaluzot? Sera-ce Bouci-,
ι caut ? Ou bien sera-ce un homme qui
1 aimera les lettres pour elles-mêmes et
! qui ne craindra pas de jouercourageuse-
: ment sa popularité sur une demi-dou-
zaine de chefs-d'oeuvre, s'il en trouve S !
Deux reprises cette semaine, deux
bollos reprises : 1 '¿toile du Nord, à
l'Opéra-Comique ; l'A rlésienne, à l'Odèon.
De toutes les partitions de Meyerbeer,
l'Etoile du Nord est peut-être la plus
riche. Elio est aussi la plus touffue. Il n'y
manque qu'une chose : l'unité. Quand on
sort αβ là, on a tout entendu, tout ce que
la formulo de l'opéra-comique peut con-
tenir : choeur de buveurs, ronde da bo-
hémienne, prière, barcarolle, couplets de
cavalerie, couplets d'infanterie, choeur
de conjurés, couplets de vivandières,
morceaux concertants pour flûtes, polo-.
naise,ouverture magistrale, tout, sauf un
opéra, une oeuvre bien pleine, bien com-
plète, bien claire, bien homogène. Cela
tient à la façon dont Meyerbeer a écrit
cotte partition. C'est un arrangement
d'une partition antérieure. Mais chaque
morceau, pris en lui-même,est un vénita-
ble chef-d'oeuvre. Tout le comique de la
pièce ost confié aux lignes inférieures de
l'orchestre.
Les contrebasses esquissant des dan-
ses énormes sur des rythmes légers, et
d'un bout à l'autre on suit, à travers la
trame serrée de l'orchestre, des farces
burlesques de bassons et do oors qui bous-
culent les violons et les hautbois en so
tenant les côtes. Cette puissance comi-
que, bien qu'elle fasse craquer lo cadrò
étroit do l'Opéra-Comique, no l'écrase pas
cependant. Le merveilleux orchestre que
dirige avec tant do maîtrise et d'éclat M.
Danbé, allège tout.
Cotte reprise de l'Etoile du Nord était
faite pour la rentrée de Mlle Isaac, qui a
retrouvé a l'Opéra-Comique toutes ses
qualités de juste diction, ae vocalisation
notte et de style châtié.
Le rôle de Peters avait été donné à M.
Maurel. C'est une erreur que M. Maurel
a commise. Il saura la réparer, la voix
de Peters doit êtro quoique chose de plus
baa que la voix humaine. C'est ainsi que
Meyerbeer l'a notée. M. Maurel n'a ni
cette voix, ni surtout le timbre âpre et
lourd qui convient au rôle. Il l'a merveil-
leusement joué, â surtout dans la scène
do l'ivrognerie. Il ne l'a pas chanté, pas
même dans la romance du troisième acta
qu'il dit à miracle, â mais avec une voix
do baryton.
Cette reprise de l'Etoile du Nord fait la
plus grand honneur à l'Opéra-Comiquo
qui est aujourd'hui hélas 1 notre dernier,
notre seul théâtre lyrique où l'on chante,
où l'orchestre joue, où. l'on croit à la mu-
sique.
A l'Odèon on a repris le grand succès
do la saison dernière, VArtésienne. C'est
un nouveau feuilleton que jo voudrais
consacrer loui entier à ce juste triomphe
do M. Alphonse Daudet. En écoutant ce
drame qui verse de vraies larmes de la
première à la dernière scène, je pensais
l'autre jour à cette si juste observation
3ue mon ami Gustave Geffroy a notée
ans une préface à une édition de Fro-
ment jeune et Risler aîné. Nont certes,
Daudet n'est ni un « féminin », ni un « ti-
mide ». Avec ses façons lyriques de diro
les choses, c'est un implacable. Tout co
curieux monda du Castelet il la lient dans
sa main, il ne lo quitte pas do l'oeil, il
l'observe, il le fouille, ot s'il met de si
jolie couplets sur tant do misères, c'ost
par pitié de poète. Celui quo je plains la
plus, c'est le plus gai de la Banda, c'est
lo patron Marc à qui Daudet fait man-
quer toutes sos bécassines. A ce degrè de
misère tout secours 03t inutile.
Mlle Rousseil a pris le rôle do liosa
Marnai' où Milo Teissandier était si puis-
sante. Mlle Rousseil n'y est que tragi-
que, mais c'est assez. Nous 1 avons ap-
plaudie do toutes nos forces, daca la
scèna do famille, au Castelet, ainsi
qu'au dernier tableau où elle poussa un
cri déchirant. Si Mlle Rousseil, qui est
une consciencieuse artiste, aimée da
tous, voulait me permettre une observa-
tion, jo lui dirais de ne rien changer au
texte de Daudet, pas même un mot. Au
deuxième acte, quand Rose Maniai ap-
prend à vivette l'art de so faire aimer,
elle lui dit : u II faut lever les yeux, au
contraire, et les mettre HARDIMENT dans
Ion siens. »
Mlle Rousseil dit « hardiment et hon-
nêtement. » Il y a là plus qu'une nuance.
Rose Mamaï no dit pas «honnêtement»,
elle ne peut le dire à ce moment parce
qu'elle ne le pense pas.
Mais ce n'ost qu'une querello pour un
mot. La reprise de ce chef-d'oeuvre a été
éclatante, et nous en félicitons le théâtre
de l'Odèon, ses artistes et lo merveilleux
orchestre de M. Colonne.
Edouard DURRANC,
TJη Numéro Î ÎÎ O. Paris ot Departements
Lundi 12 Octobre 1885.
D18ÏCTEDS POllTIQtrS :
G. CLEMENCEAU
S'adresser pour tout ce qai eonaarae la Rédactioa
A M. GUSTAVE GEFFROY
Secrétaire do la Rédaction
(Lm rn&nuscriU non. inscris ne serení pas rend«#.)
ANNONCES citez MM, DOLUNGEN Fils, SEQUY Et C*,
IG, rea Grangia - Batelière
LA JUSTICE
RÉDACTEUR EN CHEF t
CAMILLE PELLETAN
ABONNEMENTS
PARIS DÉPARTEMENTS
Trois mois,,,,,, 10 fr. Trois raoi$ 12 fr.
Six mois........ 20 » Six mois 24 »
Un an,, 40 » Un au . 48 «
Adresser les mandat* à l'Administrateur
M. E. TRÉBUTIEN
10, rue du Faubourg - Montmartre, 10
ELECTIONS
LE OIS LATI VES
Du 18 octobre 1885
SCRUTIN DE BALLOTTAGE
Hier dimanche, à deux heures, au Grand-
Orient, a eu Heu une réunion das repré-
sentante des comités eL des journaux répu-
blicains de la Seine.
Etalent représentés les comités suivants :
Alliance républicaine, Comité central
des groupes républicains radicaux socia-
listes, Corniti! départemental radical so-
cialiste, Fédération républicaine radicale
des électeurs indépendants, et lea jour-
naux suivants :
Echo de Paris, Electeur républicain,
Evénement, Gagne-Petit, Intransigeant,
Justice, Lanterne, Marseillaise, Mot
d'Ordre, Nation, Opinion, Paix, Parts.
Petit Journal, Petites Nouvelles, Petit
Puristen, Petit Quotidien, Petite Repu-
blique française Radical, Rappel, Répu-
blique française. République radicale.
Siècle,· XIX' Siècle, Soir, Télégraphe,
Temps, Voltaire.
La réunion a voté, & l'unanimité, l'ordre
du jour suivant :
«Chacun dos groupes représentés 41a
réunion, déclare qu'il prend comme règle
de conduite au second tour do scrutin,
de soutenir les candidats républicains
qui ont obtenu la plus de voix au pre-
mier tour.
»La réunion invite tous les républicains
des départements à suivre cet exemple.»
Il a été convenu que chacun des groupes,
tout en adhérant à la liste unique, conser-
verait sa liberté de propagande.
La réunion a adopté, comme en-téte de la
liste composée des 34 prémlers candidats
désignes par le suffrage universel, ces mots :
UNION DES COMITÉS ET DES JOURNAUX. R¿-
FUBLICAINS,â LISTE ÜNIQue
UNION DES COMITÉS
ET DES JOURNAUX REPUBLICAINS
LISTE UNIQUE
1. â BARODET. député sortant.
3. â CLEMENCEAU, id.
3. â ALLAIN-TARGÉ, id-
4. â RASPAIL, id.
5. - M A RET, id-
6. - TONY-RÉVILLOn, id.
â SIGISM. LACROIX, id.
8â â ERNEST LE FÈVRE, id.
Ö. â GEORGES PÉRIN. id.
10; â CANTAGREL, id.
U. â DE LANESSAN, id.
12. â YVES GUYOT, ancien conseiller
municipal.
13. â FRÊBAULT, député sortant.
14. â dELATTRE, id.
15. â MATH È, conseiller municipal,
ancien président du conseil gé-
néral et du conseil municipal.
16. â FOREST, député sortant.
17. â DREYFUS, conseiller municipal.
18. â PAUL BERT, député sortant.
19. â LAFONT, id.
20. â HUDE, conseiller d'arrondisse-
ment, maire d'Issy.
Bl. â Î RELAY, député sortant.
22. â BOURNEVILLE, id.
λ.8. â GERMAIN CASSE, ld.
24. - ROQUE DE FILHOL, id.
S®· â Î aSLY, ouvrier mineur, aceri taire
général de la fédération des
mineurs du Nord.
3ss. â ROCHE FORT, ancien député.
27. â LAIS ANT, député sortant.
28. â CAMELINAT, ouvrier monteur
en bronze, syndic de la corpo-
ration du bronze.
29. â PICHON, conseiller municipal.
30. â VILLENEUVE, député sortant.
31. â MICHELIN, président du conseil
municipal.
32. â FARCY, député sortant.
33. â DE HEREDIA, id.
34. â FRÉDÉRIC PASSY, id.
UNION
»ES COMITES ET DES JOUrAuX
RÉPUBLICAINS RADICAUX SOCIALISTES
APPEL AUX ÉLECTEURS
Citoyens,
Paris a donné la majorité à 38
républicains.
Mais beaucoup de départements
se sont laissé surprendre. Des
électeurs ont voté pour la coalition
réactionnaire qui s'était bien gardée
d'arborer le drapeau de la monar-
chie. Enhardis par le succès, nos
ennemis proclament bien haut leur
dessein de restauration monarchi-
que. ils se lèvent contre la Répu-
blique.
Alix républicains de barrer la
route à l'ennemi en lui opposant
une masse compacte. Le second tour
de scrutin doit nous réunir dans
l'amour commun de la République,
dans la haine commune de la Mo-
narchie. Les résultais du premier
tour prouvent qu'à cette condition
le succès nous est assuré.
Paris doit àia France un exempte.
Le suffrage universel a déjà fait
l'union. Il a choisi ses"38 premiers
candidats, sans tenir compte de
certaines dissidences.
Suivons ses indications et ne for-
mons pour le second tour qu'une
liste républicaine des 34· noms qui
ont obtenu la majorité après les
élus.
Electeurs de Paris,
C'est un acte politique que nous
vous demandons. Il faut dire à la
France républicaine que le devoir
républicain, c'est l'union sur les
noms qui ont obtenu la majorité.
Il ne suffit pas de le dire, il faut
donner l'exemple.
Ainsi vous serez entendus, suivis,
et vous rendrez définitive la victoire
de la démocratie.
l'as d'abstention. Au vote contre
la monarchie. Au vote pour la Ré-
publique.
L'Electeur républicain. â L'In-
transigeant. â La Justice. â
La Lanterne. â La Nation. â
Le Petit Parisien, â Le Petit
Quotidien. â Le Radical, â
Le Rappel. â La République
radicale.
Comité central. â Comité départe-
mental. â Fédération radicale.
LE
DEVOIR
En lisant l'ordre du jour unanime sorti
de la réunion des comités et des journaux
républicains,en lisant l'adresse éloquente
dans sa simplicité et sa logique que nos
amis de la presse et des comités radi-
caux adressent aux électeurs, tous les
républicains que ie succès partiel inat-
tendu des réactionnaires au scrutin d'il
y a huit jours avait pu un instant trou-
bler se ressaisiront et reprendront con-
fiance.
Un parti qui, en face d'un échec mo-
mentané, sait ainsi comprendre son de-
voir et le suivre est un parti vivant et
fort.
Les comités, los journaux auxquels in-
combait la mission de donner à la dé-
mocratie le mot d'ordre auquel tous doi-
vent obéir pour le combat de domain, ont
admirablement saisi le rôle qu'ils avaient
à jouer.
Sans une récrimination, tous ont mis
la main dans la main, et oubliant devant
l'ennemi commun les divisions naturelles
qu'avait créées au sein du parti républi-
cain l'exercice du pouvoir, tous n'ont eu
qu'un but et qu'un cri : avant tout, pro-
téger la République contre le retour of-
fensif de la réaction.
Certes on l'a dit déjà ici, et l'adresse
aux électeurs lo répète avec raison, ce
n'est pas à Paris que le triomphe dos
monarchistes était à craindre. On aurait
sans danger pu continuer au second tour
la lutto entre les fractions du parti répu-
blicain. Mais le péril qu'on pouvait dé-
daigner ici, on n'avait pas le droit de le
mépriser ailleurs.
Il y avait tel département où l'acrimo-
nie do la bataille, au premier tour, les
intérêts personnels do candidats toujours
ingénieux à dorer d'un prétexte plausible
le désir de voir couronner leur ambition,
rendaient bien difficile l'union au second
tour, si du dehors une influence toute
puissante n'intervenait pour imposer à
tous une règle unique.
C'est à Paris que s'imposait la charge,
que revenait l'honneur do donner l'exem-
ple.
Comités et journaux l'ont compris. Ils
ont tracé la ligne de conduite à suivre.
Ils ont fait leur devoir. Les électeurs ne
manqueront pas au leur.
Ce qu'ils doivent faire, c'ost d'abord
ne pas s'abstenir. On a beaucoup voté le
4 octobre. It faut que le 18, il y ait plus
de votants encore. L'abstention est en
toute circonstance une désertion. Se pas
exercer sa part de souveraineté, renon-
cer à l'influence légitime que donno lo
bulletin de vote, ce n'est pas souloment
abdiquer. C'est plue et c'est pis. C'est
laisser le champ libre à ceux qui pensent
autrement que vous. C'est remettre, pour
sa part, le soia des intérêts publics dont
on ne peut â trop d'exemples et de trop
tristement fameux le prouvent â séparer
les intérêts particuliers, c'est remettre
la part de gouvernement qui vous re-
vient entre les mains d'autrui; c'est
abandonner le combat.
Mais l'abandon devient trahison quand
de quelques voix peut dépendre la direc-
tion de la politique générale et le triomphe
d'un parti. Donc avant tout il faut voter.
Mais il ne suffit pas de voter, il faut
que chaque républicain dépose dans
l'urne la liste unique, que le suffrage uni-
versel lui-même a dressée. Il faut qu'il
l'y dépose, sans y avoir changé, sans en
avoir retranché un nom.
Je sais, parbleu, bien quo la plume dé-
mangera à plus d'un et que grande sera
la tentation de substituer à tel nom qui
plaît pou, tel autre qui conviendrait
mieux. Céder à cette tentation ce serait
manquer au devoir.
Tout nom changé sur la liste républi-
caine est une voix de plus laissée à la
réaction, c'est un suffrage de moins don-
né à la République. Voilà ce que, d'un
bout à l'autre du pays, il faut dire et ré-
péter.
La liste une fois écrite des noms des
candidats républicains que le suffrage
universel a honorés d'un plus grand nom-
bre de voix, nul n'a plus le droit d'y
toucher, sana forfaire au devoir.
C'était bon au premier tour do tenir
compte dos sympathies personnelles, de
faire à sa fantaisie une liste qui réflétàt
sos sentiments personnels. Rien de plus
naturel alors. Mais ce qui était légitime
le 4 devient coupable le 18. Il ne peut
plus être question do candidats agréa-
bles ou antipathiques.
Il y a d'un côté les candidats républi-
cains. Il y a de l'autre le bataillon des
candidats monarchiques qui s'apprete à
profiter do nos moindres faiblesses.
On ne discute pas devant l'ennemi. On
serre les rangs.
A. Miller and.
LÀ
JOURNÉE
Nouvelles diverses
Demain mardi, M. Jules Grévy recevra en
audience solennelle le ministre plénipotentiaire
de Birmanie et le ministre plénipotentiaire de
la République de San-Salvador.
Par décrets en dale du 9 octobre 18B5, rendas
sur la proposition du ministre des affaires
étrangères, ont été nommés :
Consul de France à Genève, M. Champy,
Consul de France à Bàie, M. Decrais.
Consol da Franca à NewcasIle, M» le comte de
Pourtalès-Gorgier,
Coas al de Franca à Cartilagine, M. de La-
grenè.
Vice-consul de France à Douvres» M. Capde-
ville.
Vice-consul do Franco à Southampton, M.
Bruandet.
Vice-consul de France à Concordia {Républi-
que argentine, posté çréé)» M, G aussen.
Note de la Liberté :
M. Ordega, ministre plénipotentiaire de
France, ne retournera probalement pas à. Bu-
charest.
11 auralt demandé, pour raisons de famille
à êlre mis pendant quelques mois en dispo-
nibilité.
Notre ministre à Bacharest sera remplacé
par M. de Coutouly, ministre de France à
Mexico.
On annonce également que M. de Laver tajón,
délégué de France à la commission européenne
du Danube» aura prochainement un succes-
seur.
O a lit dans le Télégraphe ;
On rapporte que, dans une entrevue qui a eu
lieu vendredi, entre M. Grévy et un homme
politique de3 plus en vue, l'un des députes élns
dimanche à Paris, celui-ci aurait dit au pre-
mier :
â J'espère, monsieur le président, que nous
ne vons entendrons pas parler désormais de
voire retraite et que vous consentirez à être, an
mois de décembre prochain, le candidat de tout
le parti républicain.
A quoi M. Grévy aurait répondu :
â Je Voulais, en effet rentrer dans la vie pri-
vée, et, vous le savez mieux que personne, vous
qui avez fait tout, vos efforts pour m'en dissua-
der. Lea circonstances ont changé. Pour n'être
pas périlleuses, elles sont peut-être moins bon-
nes qu'il y a trois mois. Je considère comme un
devoir de consacrer à la République ce qu'il me
reste d'années à vivre. Si ie Congrès vent me
faire le grand honneur de me conférer une se-
conde présidence, je l'accepterai.
M. Anatole de la Forge adresse ans électeurs
da département de la Seine, la lettre suivante
Aux électeurs du département de la Seine.
Chers concitoyens,
Je suis profondément reconnaissant de
vos suffrages ; je n'en serai heureux que
lorsque vous aurez élu les trente-quatre
candidats de la liste républicaine.
Mais dès aujourd'hui, Je vous remercie
d'avoir si nettement exprimé votre ferme
volonté de mettre fin aux expéditions loin-
taines, aux aventures coloniales, dans les-
quelles la France a tout à perdre, et rien à
gagner.
Vous avez affirmé que le programme ra-
dical socialiste est bien le vôtre.
Vous voulez une République libérale qui
assure enfla au pays les réformes nécessai-
res â sa prospérité»
Î la politique des phrases, voua voulez
substituer la politique des actes.
Nous nous unirons tous et nous ferons
triompher cette politique en envoyant b la
Chambre des députés les c andidats répu-
blicains que vous avez déjà désignés pour
l'élection du 18 octobre.
ANATOLE DE LA FORGS
Nous félicitons notre ami Anatole de la
Forge des excellents termes de sa lettre aux
électeurs de la Seine. On ne peut mieux
préciser le double sens du vote du 4 octo-
bre. Et M. de la Forge, qui ne figurait que
sur les listes radicales, a l'autorité néces-
saire pour s'exprimer ainsi.
On télégraphie d'Alger, Il octobre, à l'a-
gence Havas :
La vapeur Chandernagor, venant de Brest
et ayant à bord 563 soldats et du matériel de
guerre à destination de Tamatave, est arrivé
hier soir.
Voici de quelle honteuse façon les adver-
saires de la République s'efforcent de tirer
profit des scenes provoquées sur les boule-
vards par M. A, Meyer. La dépêche sui-
vante a été, dit le National, répandue en.
province par les soins des réactionnaires:
Paris, 6 octobre.
Depuis deux jours, les républicains parcou-
rent tes boulevards, assaillent les passants et
font fermer les magasins aux cris de : Vive la
République r Ua grand nombre de croisées, de-
puis îq boulevard des Italiens jusqu'au boule-
vard Poissonnière, ont été brisées par leurs
projectiles. La police est impuissante. Toutes
les affaires sont suspendues, il régne une véri«
table terreur.
Suivant ."une dépêche datée de Constanti-
nople, 10 octobre, un accord serait Immi-
nent entre la Porte et sir Drummond Wolf
sur les bases de l'envol de commissaires an-
glais et turcs en Egypte.
Un grand nombre de citoyens, croyant
que la réunion qui a eu lieu hier au Grand-
Orient était une réunion publique, se sont
présentés à deux heures rue Gadet. Cette
méprise est assurément très fâcheuse, mais
la note que nous avons publiée dans notre
dernier numéro et par laquelle nous annon-
cions cette réunion, ne pouvait laisser de
doute sur son caractère privé» Les repré-
sentants de la presse républicaine de Paris
et lea délégués d'un certain nombre de co-
mités étaient seuls convoqués.
Nous regrettons vivement que l'annonce
de cette réunion dans certains journaux
ait pu donner Heu à une autre interpréta-
tion.
Sous ce titre: « Où est le faussaire?»
le Pelit Var revient sur cet Inexplicable
Incident de la lutte électorale dans le Var
dont nous avons d^jà entretenu nos lec-
teurs.
Los comités radicaux ont dit, affiché, publie
que M, de Lanessan n'acceptait pas la candida-
ture dans le Var, et nous avons mis au défi qui
que ce soit de produire une déclaration de M.
de Lanessan, acceptant de figurer sur ia liste
de MM. Jules Roche et Biache.
On nous a traité, à ce sujet, ^imposteurs et
de fourbes; et pour mieux prouver notre four-
berie et η o t re impos tu ?et ou a publié dans les
journaux opportunistes, on a collé sur lea
murs, avec toute sorte d injures autour, une
dépêche de M. de Lanessan ainsi conçue :
París, iar octobre 1885
Je Maintiens Mon acceptation de la can-
dîdature que la démocratie m'a offerte dans
le Var ; vous pouvez donc mettre mon nom
sur la liste â côté de ceux de Jules Roche,
Noël Blache et Victor Piètra»
Signé : DE LANESSAN
Eh bien celte dépêche était fausse; cette dé-
pêche signée de Lanessan n'était pas de M* de
Lanessan; cette dépêche était un faux.
Nous le pensions ainsi et ne l'avons pas ca-
ché; moi?, pour couper court à toute contro-
verse, il fallait que M. de Lanessan le déclarât
lui-même.
C'est ce quii a fait»
Nous avons publié sa lettre hier. N03 lecteurs
nous permettront de la reproduire, afin do bUn
préciser les faits :
Parist 7 octobre 188&
Mon cher monsieur May er.
Vous m'apprenez qu'on a affiché dans le
Var, quelques heures avant le vote de di-
manche dernier, une dépêche d'après la-
quelle f aurais, à la dernière heure, accepte
la candidature dans ce département.
Je ne puis que vous répéter ce que je vous
ai déjà dit â ce sujet, à savoir que j'ai re-
fusé, à deux reprises, la candidature qui
m'avait été offerte à la suite du désistement
de.M. Heckel, uue première fois, par une
dépêche envoyée le dimanche 27 septembre,
et une seconde par une dépêche datée du
jeudi ier octobre, expédiée aussitôt que j'ai
été informé de la présence de mon nom sur
les affiches.
Je ne comprends pas que Von ait pu affi-
cher une dépêche dans laquelle, au dernier
moment, je serais revenu sur mes deux re-
fus successifs, car après ma dépêche de
jeudi ie rìai envoyé aucun télégramme
d'aucune date dans le Var.
FEUILLETON DK LA JUSTICE
DU 12 OCTOBRE 1885
COURRIER
DRAMATIQUE
THÉÂTRE FRANÇAIS. - ta direction de
H, filmile Ferriti.
OPÉRA COMIQUE. â Reprise de l'Etoile du
Kord, de Meyerbeer.
ODÈON. â Reprise de l'Arlésienne, rentrée de
Mlle Roussel!.
M. Emile Perrin, directeur do la T)o-
médie-Française, est mort cette semaine.
Il occupait cette haute fonction depuis le
19 juillet 1871. Quatorze années de dicta-
ture artistique et littéraire 1 Y a-t-il un
autre exemple d'un si long rógne? Je
n'en connais pas. Oui, il y a un homme
heureux entre tous qui, pondant quatorze
ans, a été le maître absolu de la plus
glorieuse maison qui soit au monde. Le
onseil qu'il avait autour de lui n'était là
quo comme figuration, pour faire croire
a un gouvernement tempéré et constitu-
tionnel. Au fond, c'était lui qui pouvait
gouverner l'art par voie de décrets. Une
pareille puissance peut être dangereuse
ou féconde si celui qui la détient a la
moindre velléité de s'en servir. Elle peut
aider à faire beaucoup de bien comme
aussi elle peut devenir un véritable
fléau.
Chose singulière I Après quatorze an-
nées d'administration, il serait difficile
de dire ce qui disparaît avec la mort de
M. Emile Perrin. C'est à peine si cette
lin réveille dans l'esprit une grosso et
vulgaire idée de succès matériel qui
pourrait se trouver compromis si le suc-
cesseur n'est pas, lui aussi, un homme
de tête. On ne pense pas un seul instant
à la littérature, au théâtre. C'est la fin
d'un surintendant heureux.
De ce côté on a longuement rendu
S" stice aux mérites de M. Emile Perrin.
e son vivant,la veine proverbiale de la
Comédie-Française était la consolation
des commissions du budget. C'est lui
qui représentait l'abondance avec ces
groa chiffres qu'il savait mettre si habi-
ment en vedette dans les rapports sur le
budget des beaux-arts. Il y a eu sous
son régno uno question de « parts » qui
a pri« une importance do plus en plus
considérable. Las douzièmes de parts
étaient courus comme les actions des
mines d'Anzin.
Malheureusement à côté do ces chiffres
quasi fabuleux, il y en avait d'autres qui
provoquaient lo contraire de l'admiration.
Dans le damier rapport de M. Antonin
Proust, par exemple, je trouve que pen-
dant l'exercice de I8S4, les bénéfices
s'élevèrent à quatre cent vingt mille
francs environ, et qu'on joua Tartufe,
deux fois seulement. Tartufe joué deux
fois en un an, dans la maison de Molière,
voilà ce qu'on n'oubliera jamais quand
on parlera du mort qui s'en va! Je pour-
raisciter d'autrese exemple sur les affiches
de cette année qui vit entrer à la Comédie
la Duchesse Martin et les Pattes de Mou-
che. Ruy-Blas y figure pour trois re-
présentations, Phèdre pour trois; Am-
phitryon pour quatre, et le reste à l'ave-
nant. Dans la récapitulation générale, le
répertoire an cien et le répertoire moderne
se balancent dans la proportion suivante :
177 contre 5-9. C'est moins que la por-
tion congrue.
Il nous a toujours semblé quo la
Comédie-Française avait une fâcheuse
tendance à prendre le contre-pied de sa
destination. Elle est un théâtre d'Etat,
elle a un immeuble d'Etat , elle a
Sour première ressource des fonds
'Etat. Par là, elle est avant tout un
Musée qui n'a pas le droit de faire du
théâtre d'aventures, et qui s'il voulait
s'en donner la peine trouverait assez do
gloire et do profit à classer, à étiqueter,
à conserver en bon état et à représenter
l'incomparable répertoire de notre litté-
; rature dramatique. M. Emile Perrin qui
savait fort bien ces choses, se défendait
à l'occasion d'encourager la tendance
contraire. Dans son étude sur la Mise en
scene, il parlait avec admiration et res-
pect de tous ces chefs-d'oeuvre quo mal-
heureusement dans la pratique il sacri-
fiait au Monde où l'on s'ennuie. Il écri-
vait par exemple des choses comme
celle-ci : « Je sais bien que, fussent-ils
joués entre quatre murs, sans décors ot
sans costumes, ils n'en resteraient pas
moins da purs chefs-d'cenvre ; mais j es-
time qu'ils no perdent rien à êtro en-
tourés de plus de soins qu'on no leur on
a longtemps accordés.» Bt certes il avait
raison d'ajouter quo nous ne sommes
plus au temps où l'on jouait indifférem-
ment dans le même décor les Horaces,
Britannicus, Phèdre, voire Zaïre, où les
mômes colonnades et les mêmes politiques
suffisaient à représenter la Rome barbare
des Tarquins, la Rome triomphale des
Césars, la demeure de Thésée aux jours
héroïques de la Grèce et la terrasse du
palais d'Orosmane. Il aurait pu parler du
fameux écriteau devant lequel on jouait du
Shakespeare et où l'on pouvait lire cette
inscription obligeante :« Ceci représente
une forêt. » Ce plaidoyer très ingénieux
et très éloquent publié il y a deux années
à peine, n'a pas lavé M. Emile Perrin du
reproche qu'on faisait à sa direction.
Catto question de la mise en scène, qui
fut lo grand procès de ce long règne
théâtral, no sera jamais définitivement
résolue, parco quo c'est uno question de
mesure, M. Emile Perrin en convenait
tout le premier. Qui pourra diro à quel
moment larecherche minutions© et l'éclat
de la mise en scène commencent à nuire
au mérite littéraire d'une oeuvre ? Per-
sonne. Tant vaut le directeur, tant vaut
la théorie.
Ce qu'on pouvait dire avec certitude,
c'est que le directeur qui vient de mourir
n'était pas toujours bon juge en ces ma-
tières. Il avait de fâcheux antécédents.
ι 11 avait passé la plus grande partie do
sa vie de théâtre sur des scènes lyriques
; où précisément la mise on scène occupe
toute la place. A l'Opéra-Comique, il
avait monté le Val d'Andorre, IEtoile
du Nord: à l'Opéra, il avait monté Ro-
land à Roncevaux, l'Africaine, Faust.
Toutes ces énormes machines no sont
pas faites pour préparer un homme au
modeste ameublement qui convient à des
pièces où la pensée doit occuper la pre-
mière place. Molière n'a besoin ni du
vaisseau de VAfricaine, ni de la cathé-
drale de Faust pour dire ce quii a à
dire. Et l'on dovine aisément quo M. ,
Emile Perrin, en quittant les somptueux
magasins des théâtres lyriques, dut avoir .
cette impression fâcheuse en se trouvant
chez Molière, qu'il était allé chez de bien
pauvres gens.
Ce sont ces habitudes de mise en scène
luxueuse qui ont donné une nouvelle di-
rection à !a Comédie-Française. Lo gros
succès d'argent est venu, et c'est la
gloire, la vraie, la bonne gloire de la
maison qui en a souffert.
C'est ce qui va rendra la succession
perilleuse et redoutable. On va guetter
a nouveau directeur áu règlement dos
comptes, tous les ana. Et c'ost par le côté
le plus grossier que sa fera la compa-
raison. Sera-ce Jaluzot? Sera-ce Bouci-,
ι caut ? Ou bien sera-ce un homme qui
1 aimera les lettres pour elles-mêmes et
! qui ne craindra pas de jouercourageuse-
: ment sa popularité sur une demi-dou-
zaine de chefs-d'oeuvre, s'il en trouve S !
Deux reprises cette semaine, deux
bollos reprises : 1 '¿toile du Nord, à
l'Opéra-Comique ; l'A rlésienne, à l'Odèon.
De toutes les partitions de Meyerbeer,
l'Etoile du Nord est peut-être la plus
riche. Elio est aussi la plus touffue. Il n'y
manque qu'une chose : l'unité. Quand on
sort αβ là, on a tout entendu, tout ce que
la formulo de l'opéra-comique peut con-
tenir : choeur de buveurs, ronde da bo-
hémienne, prière, barcarolle, couplets de
cavalerie, couplets d'infanterie, choeur
de conjurés, couplets de vivandières,
morceaux concertants pour flûtes, polo-.
naise,ouverture magistrale, tout, sauf un
opéra, une oeuvre bien pleine, bien com-
plète, bien claire, bien homogène. Cela
tient à la façon dont Meyerbeer a écrit
cotte partition. C'est un arrangement
d'une partition antérieure. Mais chaque
morceau, pris en lui-même,est un vénita-
ble chef-d'oeuvre. Tout le comique de la
pièce ost confié aux lignes inférieures de
l'orchestre.
Les contrebasses esquissant des dan-
ses énormes sur des rythmes légers, et
d'un bout à l'autre on suit, à travers la
trame serrée de l'orchestre, des farces
burlesques de bassons et do oors qui bous-
culent les violons et les hautbois en so
tenant les côtes. Cette puissance comi-
que, bien qu'elle fasse craquer lo cadrò
étroit do l'Opéra-Comique, no l'écrase pas
cependant. Le merveilleux orchestre que
dirige avec tant do maîtrise et d'éclat M.
Danbé, allège tout.
Cotte reprise de l'Etoile du Nord était
faite pour la rentrée de Mlle Isaac, qui a
retrouvé a l'Opéra-Comique toutes ses
qualités de juste diction, ae vocalisation
notte et de style châtié.
Le rôle de Peters avait été donné à M.
Maurel. C'est une erreur que M. Maurel
a commise. Il saura la réparer, la voix
de Peters doit êtro quoique chose de plus
baa que la voix humaine. C'est ainsi que
Meyerbeer l'a notée. M. Maurel n'a ni
cette voix, ni surtout le timbre âpre et
lourd qui convient au rôle. Il l'a merveil-
leusement joué, â surtout dans la scène
do l'ivrognerie. Il ne l'a pas chanté, pas
même dans la romance du troisième acta
qu'il dit à miracle, â mais avec une voix
do baryton.
Cette reprise de l'Etoile du Nord fait la
plus grand honneur à l'Opéra-Comiquo
qui est aujourd'hui hélas 1 notre dernier,
notre seul théâtre lyrique où l'on chante,
où l'orchestre joue, où. l'on croit à la mu-
sique.
A l'Odèon on a repris le grand succès
do la saison dernière, VArtésienne. C'est
un nouveau feuilleton que jo voudrais
consacrer loui entier à ce juste triomphe
do M. Alphonse Daudet. En écoutant ce
drame qui verse de vraies larmes de la
première à la dernière scène, je pensais
l'autre jour à cette si juste observation
3ue mon ami Gustave Geffroy a notée
ans une préface à une édition de Fro-
ment jeune et Risler aîné. Nont certes,
Daudet n'est ni un « féminin », ni un « ti-
mide ». Avec ses façons lyriques de diro
les choses, c'est un implacable. Tout co
curieux monda du Castelet il la lient dans
sa main, il ne lo quitte pas do l'oeil, il
l'observe, il le fouille, ot s'il met de si
jolie couplets sur tant do misères, c'ost
par pitié de poète. Celui quo je plains la
plus, c'est le plus gai de la Banda, c'est
lo patron Marc à qui Daudet fait man-
quer toutes sos bécassines. A ce degrè de
misère tout secours 03t inutile.
Mlle Rousseil a pris le rôle do liosa
Marnai' où Milo Teissandier était si puis-
sante. Mlle Rousseil n'y est que tragi-
que, mais c'est assez. Nous 1 avons ap-
plaudie do toutes nos forces, daca la
scèna do famille, au Castelet, ainsi
qu'au dernier tableau où elle poussa un
cri déchirant. Si Mlle Rousseil, qui est
une consciencieuse artiste, aimée da
tous, voulait me permettre une observa-
tion, jo lui dirais de ne rien changer au
texte de Daudet, pas même un mot. Au
deuxième acte, quand Rose Maniai ap-
prend à vivette l'art de so faire aimer,
elle lui dit : u II faut lever les yeux, au
contraire, et les mettre HARDIMENT dans
Ion siens. »
Mlle Rousseil dit « hardiment et hon-
nêtement. » Il y a là plus qu'une nuance.
Rose Mamaï no dit pas «honnêtement»,
elle ne peut le dire à ce moment parce
qu'elle ne le pense pas.
Mais ce n'ost qu'une querello pour un
mot. La reprise de ce chef-d'oeuvre a été
éclatante, et nous en félicitons le théâtre
de l'Odèon, ses artistes et lo merveilleux
orchestre de M. Colonne.
Edouard DURRANC,
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