Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1927-01-09
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 09 janvier 1927 09 janvier 1927
Description : 1927/01/09 (A21,N5122). 1927/01/09 (A21,N5122).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76517214
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 08/06/2015
211, ANNEE. - N" 5122. 0 LE NUMERO,? CINQUANTE CENTIMES , „ 51, rue satm-toeorges. — in. iruaavne 70^00, oi, 02 DIMANCHE 9 JANVIER 1927.
Gabriel ALPHAUD
Directeur
0mm On* ample comédie à cent actes divers
Et dont la scène est l'univers.
• (LA FONTAINE.)
Aujourd'hui
ON TIRERA LES ROIS
au
CINEMA DES ENFANTS
Le Roi et la Reine recevront un prix
AU PROGRAMME :
Handicap — Chariot marquis
Matinée à 15 heures
A la Salle Comœdii
•1. «M SalntOeergea (••)
ce soir à 21 heures
78 Concert Poule)
(dirigé par M. Gaston POULET i
itn te oonoours de
Edouard RISLEh
Vslr h programme détaillé
an Tableau des Spectacles
1
La Vie à Paris 1
Le rêve"de M. --Doumergue***
1
- C'est le soir du 1" Janvier. M. le prési-
dent -de la République s'est endormi, quel-
que peu las de tant de compliments, de
Voeux reçus et rendus, d'expressions d'in-
défectible dévouement et d'assurances de
bienveillante sympathie, appuyés de souri-
res affectueux et de poignées de mains cor-
diales. Il rêve, non sans trouble. La faute
en est à un champagne démocratique dont
il a dû, par moment, apaiser sa soit offi-
cielle.
La porte de sa chambre s'est ouverte.
Le directeur de son cabinet, M. Jules Cra-
bol, entre et murmure, épouvanté:
— Monsieur le président, les rouges
sont à Shanghai !
M. DOUMERGUE. — C'est la faute de
l' Angleterre; et pourquoi sommes-nous
toujours à sa remorque? Pourquoi veut-
elle toujours que nous tirions les marrons
du feu pour elle?
Alors, se dessine, noyée des brumes
d'une nuit obscure, la baie de Scapa Flow,
d'où ont surgi, repêches par les Anglais,
les bateaux de guerre allemands qu'ils lais-
sèrent couler, en iois. afin que la France
ne pût en profiter. Ces bateaux sont sur-
chargés de Chinois, costumés. équipés,
eXercés à l'européenne. Ils font feu de
toutes leurs pièces sur les côtes anglaises,
tt, bientôt. la Grande Bretagne parait. d'un
bout à l'autre. s'embraser.
Cependant,, une voix formidable domine
le tumulte, et M. Doumergue l'entend pro-
noncer cet arrêt terrifiant:
LA VOIX. — Ainsi meurent les peuples
qui ont trahi leurs frères, la victoire et
ta civilisation, et qui, en Chine comme
tIlleurs, ont fait passer leurs intérêts
avant l'intérêt européen, et tout subor-
donné à leur égoïsme mercantile. C'en
est fait de l'Angleterre. Sur le livre du
destin, sa condamnation est prononcée-
lJelenda est Britannia.
m
* *
Mais la bataille s'apaise, les flammes
S'éteignent, la mer fait place à une plaine
8'2ns limites, mouvante comme les prolec-
IOns de cinéma. C'est la steppe d'hiver,
fans sa tragique et glaciale immensité.
Deux fils courent sur la projection. deux
fils tendus ou détendus par des mains invi-
sibles; et enfin, voici Moscou, voici le
Kremlin où les deux fils aboutissent à des
doigts énormes, velus et ensanglantés; tan-
dis -qu'à l'autre bout, Us enveloppent et
commandent les forces rouges des Chinois.
Première armée lâchée par la Bolchevie
contre l'Angleterre, le Capitalisme et la Ci-
viïisation chrétienne, également coupables.
également punis de trop de bas calculs. trop
de viles jalousies, Allemagne contre France.
Italie contre Serbie, Serbie contre Bulgarie,
Angleterre contre Amérique, Amérique du
Nord contre Amérique du Sud, tous s'entre-
dévorant ou prêts à s'entre-dévorer comme
Crabes dans un panier.
Heureusement, une harmonieuse musi-
que fait entendre des accords qui préludent
à un chœur magnifique, composé par Ar-
thur Mahraun, chef fondateur des Frères
de l'Ordre de la Jeune Allemagne. décidée
à lutter contre le Bolchevisme en faveur
Une paix et d'une alliance franco-aile
bandes, au mépris des événements de Lan
d&u et autres complications regrettables,
dont nous avons du mal à nous sortir à
notre honneur. Ce chœur chanie des paro-
les locarniennes :
Paxf Pax! Vobis t
Et paissez vos brebis,
Sur les bords de la Seine,
Français, nos chers amis,
Sans craindre qu'on vous mène
A de nouveaux combats,
r Car la jeune Allemagne,
Fille de Charlemagne, * 4,
Vous attend dans ses bras.
Il Cependant, la peau d'ours blanc qui sert
e descente de lit à M. le président de la
république se soulève, et se dresse, mena-
Çantë. On peut croire qu'elle va bondir sur
le chef de l'Etat. Celui-ci tente, mais en
jton, d'appeler à l'aide. Et voilà que. du
oauve. ressuscité. sort M. Marcel Cachin.
Orné de son baromètre de député qui. par
Juraordinaire, est aussi un thermomètre et
donne la température des opinions de ce
cprésentant du peuple 40° 9, indice d'un
at de frénésie délirante.
A M. MARCEL CACHIN, rugissant. -
1 h t Ah ! Ah ! Crrr. Déjà nous sommes
"ts maîtres de la Chine. Bientôt. Trot-
k y. Tamerlan et Tchitchenne-Gengis-
han jetteront sur l'immonde Europe
apltaliste les hordes innombrables ('es
Jaunes-rouges apportant au prolétariat
Ah aVe la libération et la félicité. Ah 1
^A u ! Ah! Crrr. Dès avant qu'ils se
ch?tent en marche, le Chômage, enfant
chéri du communisme intégral, aura
r lne» dévoré la France bourgeoise. A
fOOl les chômeurs, les affamés, les sans-
si Yer et les sans-pain!. Je fais un
6' et tu vas voir, président des re-
Du s' Tu vas voir ce que tu vas voir.
J. Jens! d f'
>r lenst regar d e et frémis.
ba M. Marcel Cachin sort de sa poche une
fie Udruche oblongue qu'il gonfle d'un scut-
enr roce- Elle prend forme de crocodile
enr Sur les flancs de ce monstre, le
« Chômage » flamboie.
MARCEL CACHIN, brandissant f te
rocodile. — Ah! Ah! Ah! Crrr. Voici
afasque, le Dragon et le Serpent de
Uj * anImaI antédiluvien, altéré du
le g des abominables bourgeois depuis
[e commencement du monde. Il ne fera
restune bouchée de la République. Et le
restes nous l'avalerons, nous, les Purs,
Pau set1 s, les vrais frères et amis des
Pauvres prolétalTes que les gavés exploi-
teen»,t.. - Ah! Ah! Ah! Crrr.
C' , rrr. crocodile
beurfo épouvantable; mus le crocodile
inerPT,/>qrm pointe d'an baguier. Et.
Wer e. qui pointe d'un baguier. Et.
Marcel f • monstre éclate, volatilisé. M.
flans l'e ac n. du même coup, s'évanouit
gans ce' De cette fantasmagorie, ne
le$te '"* une pague pdeui de, soufre et
d'encre d'imprimerie. Le président croit en
avoir fini avec les cauchemars. Erreur:
à sa vue se dessine la foule des victimes
des drames passionnels, délices et pain quo-
tidien de la presse française, éducatrice du
peuple.
Les poussant jusqu'à la couche présiden-
tielle, dans la chambre qui a pris des pro-
portions de cathédrale pour contenir tant de
spectres affreux, Voltaire arrive en der-
nier, sur son fauteuil à la Houdon. Il tient
par la main Mlle Saint-Yves, héroïne d'un
égorgement philosophique par excès d'a.
mour d'un infidèle amant.
VOLTAIRE. — Peste! Monsieur le pré-
sident, la République de mes songes
n'était point ce qu'elle est dans la réa-
lité. Quand je souhaitais aux Français
les mœurs policées d'Athènes, unies à la
vertu de Sparte, dans une aimable liberté
que leur assureraient de sages Archon-
tes. il ne me venait point à l'esprit que
le peuple, affranchi de ses rois, serait
son propre tyran. Vous avez eu, cette
année. une surprenante collection de
meurtres, empoisonnements et suicides
passionnels. Si Pangloss était là, il prou-
verait que tout est pour le mieux dans
le meilleur des mondes, sous le plus
parfait des gouvernements que les Fran-
çais se sont donné. Mais, dans le nom-
bre des en f ants que j'ai créés, existe un
certain Ingénu, qui n'apprécie pas aussi
favorablement le progrès de la raison et
des mœurs, sous le doux ciel de France.
Et justement, je mène ici Mlle Saint-
Yves. la dernière des plus célèbres exécu-
trices des basses œuvres des basses pas-
sions, pour discuter avec elle, si diffé-
rente d'une autre Saint- Yves, dont vous
vous souvenez, je pense, de même que
de mon Ingénu. La belle Saint-Yves
que j'ai imaginée et mise au monde était
tendre, sensible, aimable à souhait. La
vôtre.
Mlle SAINT- YvES. - Je n'appartiens
à personne, monsieur de Voltaire. Je
suis la femme moderne, affranchie de
toute contrainte ou obligation à qui et
quoi que ce soit. Ma philosophie est de
vivre ma vie.
VOLTAIRE. '— Aux dépens de celle des
autres.
Mlle SAINT-YVES. — Chacun pour soi.
VOLTAIRE. — Et Je couteau poui
tous.*"* - --,
Mlle SAINT-YVES. - Je ne crains la
justice ni des hommes, ni d'un dieu.
M. DOUMERGUE. — La nôtre est ga-
lante. Elle a des trésors d'indulgence
pour les femmes-assassins.
VOLTAIRE. — Quand la justice est
galante, comment lies femmes ne le se:-
raient-elles point? Ce n'était pas ainsi.
de mon temps. On pendait haut et court,
après les avoir quelque peu écartelées ou
ébouillantées, à l'occasion, les péronnel-
els qui, sous prétexte de dépit amou-
reux, avaient occis leur prochain; et je
regrette fort d'avoir fait tant de bruit
humanitaire, quand * je vois que l'huma-
nité n'y a rien gagné.
A ce moment, tout change d'aspect. Trois
coups solennels retentissent dans le mur.
qui s'ouvre. La scène de la Comédie-Fran-
çaise apparaît. Le décor d'Horace, dernier
acte, est en place. Entre un blanc fantôme,
qui s'avance à pas comptés jusqu'au trou
du souffleur, puis se dévoile, et M. Sil-
vain. en chair et en os. heureusement bien
vivant, se dessine aux yeux stupéfaits du
chef de l'Etat. De sa plus belle voix de
père noble. le Doyen déclame. et M. Dou-
mergue, nourri de la moelle de nos meil-
leurs classiques, l'écoute, émerveillé:
M. SILVAIN
Albert, l'unique objet de mon ressentiment !
Albert, qui de la loi connaît le châtiment !
Albert, que tu vis naître et que ton cœur honore,
Albtrt. qu'enfin je hais. bien que l'OEuvre l'adore..
Puissent les bons journaux, ensemble conjurée.
Frapper son fondement d'un pied plup assuré 1
Et 'il est soutenu par la Maçonnerie,
Que le Grand-Orient voie que la Tragédie, 1
Plu. que lui, doit compter dans le vaste univers,
Et gouverner 'Etat quand tout va de travere 1
Pui«*é-je, de mes yeux étincelant de foudre,
Réduire cet Albert en poudrette de poudre,
Voir ce pion toucher à son demier soupir,
Moi seul en être cauee. et mourir de plaisir 1
RIDEAU
Un Provincial.
Une habile requêk de Saint-Quentin
pour "récupérer les >)ols MUmands
La Société Académique de Saint-Quentin
vient d adresser à la Société des dations une
requete inattendue, et qui va sans doute tor-
tement ennuyer l'institution de Genève.
Saint-Quentin demande que, par l'entre-
npse de la Société des Nations, l'Allemagne
lui rende les œuvres d'art volées pendant la
guerre, parmi lesquelles on compte un mar-
bre noir antique dédicacé au dieu Vulcain,
marbre enlevé à l'un des piliers de la basi-
lique; une sculpture arrachée au même mo-
nument, L'Eclipse de, Saint Fursy ; un ta-
bleau de Tattegrain, 'L'Exode; des manus-
crits, des vitraux, dps pierres tombales, et
des sculptures tomaines et françaises prises
dans le Musée Lecuyer , des panneaux sculp-
tés, des pierres épigraphiques. la pendule
monumentale des Canonniers, enfin divers ou-
vrages de sculpture.
Une actrice se tue dans un rapide
Berlin, 8 janvier. — Grete Lundt, actrice
de cinéma, qui, il y a quelques années, était
une des étoiles de l'écran en Allemagne, s'est
suicidée dans un wagon-lit du train Vienne-
Berlin, en absorbant une forte dose de mor-
phine.
Son cadavre a été découvert à l'arrivée du
train à Berlin. - -<'
cc Comœdia putliera prochainement
une nouvelle saynète
de TRISTAN BERNARD
j Des artistes de divers pays 1
Quels rêves sortiront vivants
y
de t'Exposition multinationale?
J'ai souvenir d'un soir où, à une table de
café, un Américain humide donnait la for-
mule d'un plat de son pays. Il y entrait
de tout, du bœui, du poisson, du homard
et du poulet; la sauce recevait des pommes,
des huîtres, du piment rouge, de l'ananas
et des carottes, le tout baignant dans un
porto allongé de whisky, de marc de Bour-
gogne, d'un rien de kirsch et d'autres li-
queurs. Chaque partie, prise séparément,
1
V
Portrait du Dr Hesse, par Otto Dix
Rien de plus caractéristique de Vesprit al-
lemand que cettr toile qui nous montre le
capitaine d'tndustrie auprès de la Machine,
comme naguère le « donataire - » près de
Notre-Dame. Celle toile tait partie de l'Ex-
position multinationale. *
était fort bonne; mélangées les unes avec
les autres, on se demande quel gastronome
en pouvait savourer les vertus !
L ex posi tion m u 1 tinationale se présente un
peu comme un plat de ce genre. On y a
brassé, mélangé, accroché côte à côte plus
de deux cents toiles ou dessins d'artistes
pnj, plus que choisis, 'en France, en Alle-
magne, en Suisse^ en., Angleterre, aux Etats-
Unis et au Mexique. Cela, sàns aucun essai
de classement, sauf au catalogue. Et ce der-
nier, sous la rubrique France {Ecole de Pa-
ris), inscrit MM. Beltrân y - Masses, Pierre
Bonnard, Detthow, Jean-Gabriel Domergue;
Picabia, Henri Matisse, Vlaminck, Zarraga
et vingt-sept autres peintres. Pour la préci-
sion, c'est réussi, et quant à l'éclectisme, ;il
n'v a rien à dire ! Et puis, ici comme ail-
leurs, n'est-ce pas ? que Dieu 1 reconnaisse
les siens ! ,'
La préface est écrite, à la manière humo-
ristique, par M. Paul Réboux. Elle com-
mence par offrir la porte à ceux qui s'avi-
seront de trouver que tout n'est pas pour le
mieux dans le meilleur des mondes et que
les 163 artistes groupés là, sous les rubri-
ques : France (35), Allemagne (21), Suisse
(29), Angleterre (24), Etats Unis (38) et Mexi-
que (16), ne forment pas une admirable, ex-
position multinationale ! ;'
Te reconnais bien volontiers qu'il y a d'ex-
cellentes toiles : les deux paysages, par M.
Vlaminck, sont d'une intense poésie; on res-
pire à larges poumons devant le Port, par
M. Friesz, et toute la douceur des bords de
la Marne aux jours d'été se dégage d'un ta-
bleau par M. RaúulDufy. Il suffit de dire
que M. Pierre Bonnard fait vis-à-vis à M.
Vuillard, qu'il y a-là un très beau portrait
par M. Henri Matisse, un nu par M. Gro-
maire, une composition à la gloire de l'Au-
tomne par M K X. Roussel et que MM.
Van Dongen, Utrillo, Osterlind, Durey, Fa-
vory, Derain, Maurice, Denis sont représen-
tés au même titre.que MM Juan Gris, An-
dré Masson 'et quelques autres, pour ne pas
douter -de l'intérêt que présente pareil en-
semble, au moins en certaines de-ses-par-
ties.' •
Il est certes bien des Parisiens qui se dé-
rangeront pour aller, voir les portraits dus
à MM Karl Hoter, Max Pechstein, - Max
Beckmann, Otto Dix, et les hallucinantes ap-
paritions berlinoises de M. Gèorg Gross.
Oui, tout cela est attirant comme aussi le
calme paysage par M. Paul Nash, et les
œuvres des élèves mexicains de M. Alfredo
Ramos Martinez, comme de nombreux ta-
bleaux venus de divers .points du monde et
dont les auteurs ..auvent peu connus à Paris
figurent au catalogue, tels MM. Louis Bou-
ché, Daugherty, Stauffer, Victor Surbek,
Martin, Kohler, 1 Feininger, Bressler, ou
Mmes Alice Bailly, Constance Borsari, Va-
nesa fiell, Katherine Schmidt. Il ■ est une
toile manifestement - inspirée de Matisse qui
est par M. Oscar Moll, une autre qui court
à ta remorque de Dufy qui est par M.' Cam-
pendouk, une troisième où M. Arthur Car-
les travaille à la manière d'un Odilon Re-
don qui serait boueux et lourd. Intéressantes,
certes, il y en a beaucoup, mais quelle sa-
lade russe où les Russes ne-sont pas même
présents !
Cela, paraît-il, c'est « un moyen de hâter,
de mûrir la formule de l'esthétique moder-
ne » et cette exposition « juxtapose des pein-
tures ennemies », comme s'il n'y avait ja-
mais eu autre chose que de bonnes et
de mauvaises peintures. Il est vrai que si
les unes sont les ennemies des autres, les
ennemies sont juxtaposées ici, nul n'osera le
nier.
Exposition multinationale, soit, mais que
l'on analyse par exemple le catalogue du
récent Salon d'Automne. Toutes les nations
groupées ici sont représentées et., beaucoup
d'autres encore: Nous n'avons pas en France
suivi d'indications venues du dehors pour
affirmer le caractère international de l'art
contemporain. Qu'on nous rende cette jus-
tice.
Il est - vrai qu'on vient nous dire que cette
exposition n'est pas seulement louable « au
point de vue esthétique » et qu' « elle a une
portée politique et sociale t) Diantre ! s'il
faut se pénétrer de politique et de sociolo-
gie avant d'aller voir des tableaux.— Quand
je vous le disais que mon ami Reboux est
*,,, humoriste !
Paix sur la terre aux hommes de bonne
volonté! Il y a longtemps que cette parole
a, retenti sur le vieux monde. Mais hier en-
core, les hommes qui communient en un pa-
reil Idéal et s'agenouillent pour prier sur
les même:: pierres et sous les mêmes voûtes
dressées par l'effort des artistes, ces hommes
se sont entre-tués, sans cesser de nourrir
au fond de leur cœur le rêve ci d'un rap-
prochement entre les peuples n. Ce rêve
non plus n'a pas vu le jour sur les seules
terres du Nouveau Continent et Colomb n'a-
vait pas découveit l'Amérique lorsque la
flamme divine d'une foi nouvelle pointait en
Palestine. Mais, si l'exposition multinatio-
nale nous rapproche du but, qu'elle soit l'ob-
jet d'un concert unanime de louanges et
qu'on proclame le génie de tous ceux qui,
de près ou de loin, auront encouragé ses ef-
forts, auront participé à sa naissance et l'au-
ront promenée de Berlin à Berne, puis à
Paris et enfin à Londres et New-York. Ainsi
soit-il!
Jenè-Jean.
f Entre nous
En quatrième ligne?
Des expositions internationales de musi-
que vont avoir lieu, l'une à Genève, l'au-
tre à Francfort-sur-le-Mein..
Je ne doute pas un instant que ceux de
mes compatriotes qui tiennent en main. par
leur situation ou par leur talent, le prestige
de la musique française, ne songent à se
préparer dignement aux participations néces-
saires dans ce tournoi européen. A l'heure
où, sous le couvert d'une politique paci-
fiste, les peuples d'Europe qui semblent se
rapprocher, sentent plus âprement que Ja-
mais leurs différences, à cette heure sévère,
il est indispensable que nous soyons prêts
et fiers.
Sans doute, en dépit de l'effort de l'Opé-
ra-Comique et de quelques initiatives parti-
culières. sous le poids des difficultés éco-
nomiques, notre théâtre musical et notre
musique pure sont, actuellement. en demi-
sommeil. Et c'est une prétention à peu prës
folle que de songer à faire iouer une grande
œuvre même d'un grand musicien français
et même à l'Opéra! Tandis que le moindre
roman moyen trouve un éditeur Les « bud-
gets M excessifs tuent toute grande entre-
prise.
Toutefois, un fait demeure. Depuis Wa-
gner, la seule grande école musicale qui
se soit affirmée c'est l'école musicale fran
çaise. Après les Allemands, après les Rus-
ses, les Français ont pris la tête, et. mal.
gré quelques tentatives dispersées. l'ont
conservée. .',
Ainsi, donc. la voie de l'effort est toute
tracée: établir, à l'occasion de ces expo-
sitions-concours, une « présentation » -
comme l'on dilf, auiourd 'hui —- cohérente
et complète de notre école musicale. Une
présentation .qui soit en même temps une
affirmation.
Mais quels motifs d'inquiétude dictent
ces paroles?
D'abord, cette crainte, que th comme en
tant d'autres circonstances, nous nous la!F
sions dépasser par l'esprit d'entreprise de
nos voisins. Et par une toute petite obser
vation: fle vers dans la oomme,..) à savoir
que. dans certains communiaués envovés
par les centres, organisateurs de ces expo-
sitions. malgré la prééminence indiscutable
de l'école musicale française, esthétique-
ment parlant, notre oarticiration n'a été ins-
crite qu'en quatrième rang.
Le fait est là, il faut très calmement le
noter.
Hahriel Roissv
Les Blés, par Vlaminck
j~ ~«~~ par son expression sobre et éloquente de la pàtuvretê
et de la dureté paysannes, se voit à l'Exposition multinationale, dont M s. René-Jean rend
compte ci-dessus.
ILa femme nouvelle
, Etes-vous pour ou contre
les cheveux courts?
Nous avons voulu connaître l'opinion de
l'auteur de Monsieur Vénus, sur la « fem
me universelle » ou tout au moins sur ses
cheveux. Avec sa courtoisie habituelle et
son habituelle et féroce malice, Rachilde
nous répond — et l'on croit, en la lisant,
voir son sourire mince et ses yeux en
flèche:
De Rachilde:
Les cheveux courts n'arriveront jamais à
enlaidir une jeune et jolie femme, c'est une
affaire entendue: mais cela va moins bien
aux. autres ! ]* suis contre une mode qui,
n'embellissant pas tout le monde, permet
aussi à certaines créatures mal élevées de
tumer devant moi et de me raconter des
blagues que je ne trouve pas drôles parce
que je ne peux pas les mettre à la porte
étant donné leur présumable sexe. PourquoI
diable ce ridicule désir de sinzer une race
d'hommes déjà si diminuée, et de Vimiter
dans tout ce qu'elle a. d'impuissant 1 A
leur place, comme je préférerais me déguiser
en chevalière d'Eon. au lieu de Jouer les b-P
tits Messieurs Vénus!..
Mais oui, les * cheveux longs redevien-
dront à la mode le jour où les coiffeurs au-
ront tout intérêt à revendre, très oher. leurs
anciennes toisons à nos brebis de Panurge.
Pauvres brebis! Rachilde a la dent dure.
Mais, attendez.
Cet animal n'est pas méchant.
Quand on l'attaque il se défend.
pourrons-nous dire de nos brebis. Les voici
qui ripostent, et s'insurgent contre les
« moralistes » par la plume d'une jeune et
charmante dactylo — sûrement, un premier
prix d'histoire :
D'une jeune dactylo:
Mon cher Comœdia,
Nos « moralistes H, gens calmes et repus,
élèvent leur voix contre nos cheveux courts.
Ils ignorent simplement, ces amoureux des
perruques de nos bisaïeules, leur histoire. En
1461, il y avait en France des commissaires
chargés d'appréhender au corps partout où
ils les rencontreraient les êtres à cheveux
longs et de leur passer le rasoir sur la tête.
Le chef de cette persécution contre les che-
rotez était Pierre d'Hagenback.- Un cordon-
nier {philosophe ci. moraliste, » de Vépooue
n'écrivait-il pas : ,(i Une personne qui a abon-
Mme Aurel Il DJ'I H8IIuel.)
; (Photo Henri Manuel.)
dance de cheveux doit se faire apporter de
l'eau chaude et les tremper et puis avec un
bon rasoir bien tranchant, les faire ôter. Car
les cheveux ne font à la tête que nuisement.
Ils engendrent ordures. poux, crasse, teigne,
sueur, et sont cause de plusieurs maladies? »
Mes collègues dactylos et moi-mêmeque
nos « moralistes M modernes trouvent bien
v vierges toiles M mettent simplement en prao
tique les ordonnances de jadis. — Marguerite
HÉCBASSON.
Mlle Marguerite Héchasson a bien mé
rité d'être nommée commissaire — commis-
saire des « vierges folles » et de l'hygiène.
En attendant que cette distinction lui soit
conférée officiellement, nous avons plaisir
à citer à l'appui de son opinion l'opinion
d'une autre travailleuse — une travailleuse
manuelle.
D'une femme de ménage:
Voici donc la lettre que nous avons reçue
d'une personne qui signe « la femme de
ménage », ce qui prouve que Comœdia est
lu par tout le monde :
Pour les cheveux courts et bien courts.
Pour une fois la mode est clémente au
monde du trM,ail manuel
Cheveux courts pour les manuelles.
Elles Sont plus à l'aise
Elles sont enclines à Plus d'hygiène pour
ce pauvre ciboulot si las. des soucis jour-
naliers.
Et instinctivement (sic) deviennent plus
eoquettes. - - u
La remme ae Menace.
Et les travailleuses intellectuelles? Que
pense, à leur tour. leur « pauvre ciboulot b).
souvent tas, lui aussi? Mme Aurel hésite.
ondoie, revient, se promène du présent au
passé, et du passé au présent:
De Mme Aurel:
AJnès avoir vitupéré les cheveux courts
qui nous déféminisent, j'ai coupe lei miens,
et ils étaient longs; c'est vous dire que je tê
résiste pas à une bêtise sitôt au'elle devient
univet selle.
La bêtise étant faite, je la trouve très
bonne en ce qu'elle me rend vingt minutes
par jeur; on ne se coiffe plus, ce temps vaut
bien une toison, et voilà ce qui tait: confrère,
que nous gardons les cheveux courts.
J'ai la nausée de toutes ces têtes en bills
où le caprice n'a plus à s'exercer, je re
garde avec tendresse Varchaïsme de certaines
dames au théâtre, qui consentent à démêler
de 'ongs cheveux, puis à les étayer Pour
garder ce vestige féminin : une coiffure. Que
cela sonne vieux 1 Ces dames m'émerveil.
lent. de n'être pas pressées. Quelle aristo-
cratie : avoir encore el) le temps de se coif-
fer., Bref je chéris, comme un vestige de
'langueur, ces dames compliquées et te me
rase la nuque avec la lame Gillette, à moins
Que it ne .me la fasse raser par mes neveux
— ce Qui procure un demi-Summeil délicieux
— ou que je la rase en série à toute ma
maison, comme nous faisions ce septembre
dans notre cour de ferme où je rasais
aussi René Fauthois pendant qu'il nous
gueulait son répertoire pour amuser mes niè-
ces de dix ans. rasées aussi (Ah! les nu-
ques des eosselines, ça ferait pardonner beau-
coup aux cheveux courts/),
Bref, je rêve devant les cheveux longs, si
dame ». Au théâtre je pleure mes che-
veux; Ut, je conduis leur deuil. le regrette
en soirée les miens et ceux des autres, les
beaux chignons dardés comme une torche,
les chignons durs et serrés des femmes qui
avaient beaucoup de cheveux et qu'on ne
poici'ait confondre avec les bouffants et tes
coQues molles de celles qui avaient à gonfler
:eur crinière — à la CI taire valoir » — nor.
reur ! J'ai dégoût des cheveux courts avec
ta robe de soirée; les coiffeurs ont trouvé;
ils nous offrent de minces torsades pour con-
tourner la nuque afin que vous semhliet. le
.0;1'. moins déplumées. mesdames. Mais oui
ça trompe-t-itt Et comment ca tient il? Et
quels soi", fastidieux! Qui jamais en retrou-
vera le tembsf Dieu! que les têtes jasées ont
de monotonie ! C'est à pleurer d'ennui
Ah! que f aime les cheveux Jones!
Que ie les aime sur les autres f
Mme Jane Catulle-Mendès. elle. va tout
droit -
De Mme Jane Catulle-Mendès:
1 o je suis pour. la liberté.
20 Je ne crois pas au retour des cheveux
longs, qui impliquerait aussi celui des faux
cheveux, des chapeaux à Crosse tête, des mi-
graines, enfin d'un tas d'horreurs.
C'est net, et, comme on dit en prose,
bien envoyé. Mme Ravmonde Machard
n'est pas moins résolue:
De Mme Raymonde Machard:
le suis Pour les cheveux courts. le ne dis
pas « rasés » comme après une tYPhoïde ou
taillés d'une façon grotesque. le dis les che-
veux « écourtés fi qui laissent à la chevelure
son aisance, à la nuque son élancement.
Ainsi les femmes font preuve de goût et de
modernisme. Elles travaillent aujourd'hui
comme les hommes. Elles ont donc bien fait
d'abolir les cheveux longs, les jupes longues
qui étaient autant d'entraves à leur activité.
Mais si les femmes ont le droit d'acquérir
leur personnalité, elles n'ont bas le droit dê I
s'enlaidir. C'est une iniure faite à l'Amour!
La déclaration de Mme Ravmonde Ma.
char couvre un grand feuillet, d'une grande
écriture. Mais dans un coin, se sont logées
trois petites lignes. C'est l'opinion:
De Bout-de-Bibi :
Jeunes ou vieilles, les femmes qui - portent
les cheveux courts ressemblent à des Petites
filles. Je ne vous en dis pas plus. Cela -en-
chante votre serviteur.
signé : Bout-de-Bibi.
Bout-de-Bibi, qui aimez tant les petites
filles, vous ressemblez à M. Alfred Ma-
chard. comme un fils 1
* (A suivre.)
Précisions
Un ami d'Alphonse Daudet
Emile Bénassit
Récemment un de nos confrères hebdoma.
daires Aux * Ecoutes publiait le petit entre-
filet que voici:
Un roman inédit d'Alphonse Daudet.
Qu'est devenue L'Excursion scientifique, ce roman
qu Alphonse Daudet devait écrire et Emile Bénawit
illustrer P Noue n'en avons trouvé trace nulle part
dans les œuvres du gra-nd romancier, non pli* que
dans ses souvenirs ou ceux de 6et' file pt Je M veuve.
Mais par contre, la famille du peintre Béuassit —
actuellement représentée par notre confrère Erneal
Bénawit — conserve pieusement un certain nombre
de lettres d'Alphonse Daudet qui ont trait à ce
roman, ou plu* exactement : projet de roman Projet
d'ailleurs assez poussé.
L'Excursion scientifique semble avoir été une pre-
mière formule des fameux Tartarin On y trouve no
personnage nommé Chapatin a Chapatin dit Pan-Pan,
gros homme, figure placide, expreesion féroce 0, *
note Alphonse Daudet, qui. on le -.ail.eIIf mu.
formé deux ans plus tard en Tartarin
El - les dessins de Bénassit — nO'JI! en a vom> entre
les mains treize feuilles, pleines de mouvement —
now montrent, en effet, un type tartario e-que. C'ewt
Dalloz. du Monteur officiel, qui devait publier le
roman. Alphonse Daudet lui avait soumit ton plan,
qui avait été accepta aussitôt Et Dallor avait ron.
senti aux deux collaborateurs des conditions inté-
ressantes. Voici la lettre — inédite par taquet
Daudet annonce la bonne nouvelle à son ami :
Relie affaire 1 Porte à Df/flot de L'Excursion scien-
tifique. Il veut la publier dans ses journaux 11 l'al-
tend. Il l'espère. Va le voir avec les dessins Cent
la fortune pour toi.
Ton Alphonse DAUDHT. «
Soit le post-scriptum qui vise sans doute quelque
préteur
\ous rembourseront C. »'
Ici un nom indéchiffrable.
Quelque? mois après cette guerre, cmait la euerre,
nos dém^tres. Il ne devait plus être question de
L'Excursion scientifique. Mais en 1879 paraissaient
les Tartarin de Tarascon.
Commençons par ajouter à cette courte nota
quelques renseignements complémentaires.
Peu de semaines après avoir envoyé à Bénas..
sit la lettre dont plus haut le texte, Alphonse l
Daudet annonçait à nouveau
Mon cher Emile. J
Dalloz t'a vu; il faul maintenant que Je te voie
et vite. Les plans font changée, mais l'affaire reste
la même et fort belle. Viens, je t'en orie. jeudi oa
vendredi. Je t'attende.
Alphonse OAUDn. t
Puis, comme le dit la note de notre con-
frère, c'est la guerre. Daudet, ni Bénassit ne
songent plus à Chapatin. Une lettre de l'é- 1
crivain (datée seulement 187c montre qu'ils
ont de tout autres préoccupations. Daudet
écrit de « Champrosay, par Draveil, Seine-
et-Oise » :
Mon cher ami, -
Comment vas-tu P Que fais-tu f !
J'étais fort inquiet de toi, mais Tournachou que
j'ai vu l'autre jour m'a rassuré; il t'avait reo()V..
tré la veille, deux bouteilleis sous let- bra*. allant
déjeuner avec Couturier. Ecris moi un mot, quelques
détail.. sur ta vie pendant ces jour? dé bataille, ce
que tu fais et comptée faire Moi je suis depuis ur&s
de deux mois à Champrosay Ces idiots du 96* mont
obligé à m'en aller après avoir donne une- belk- peut
à ma femme. As-tu des nouvelles d'Arène P Bonjotn
4 toi et à ton ménage. *
Alohonse DAUDET.
OL le voit, aucune ncuvelle de Chapatin.
Tartarin. Qu'est devenue L'Excursion scien-
tifiquef Il semble d'après les dessins de Bé-
nassit que le plan en ait été assez avancé.
N'était-il que le dévt loppem* nt de la courte
nouvelle donnée par Daudet au Figaro, le
18 juin 1863 : Chapatin tueur de lions, ce
conte qu'on ne retrouve pas dans les œuvres
complètes du grand écrivain ? Autant de ques-
tions cour le moment sans réponse.
Que du moins ce petit problème nous soit
une occasion de silhouetter rapidement la
figure, aujourd'hui fi peu connue de celui
Gabriel ALPHAUD
Directeur
0mm On* ample comédie à cent actes divers
Et dont la scène est l'univers.
• (LA FONTAINE.)
Aujourd'hui
ON TIRERA LES ROIS
au
CINEMA DES ENFANTS
Le Roi et la Reine recevront un prix
AU PROGRAMME :
Handicap — Chariot marquis
Matinée à 15 heures
A la Salle Comœdii
•1. «M SalntOeergea (••)
ce soir à 21 heures
78 Concert Poule)
(dirigé par M. Gaston POULET i
itn te oonoours de
Edouard RISLEh
Vslr h programme détaillé
an Tableau des Spectacles
1
La Vie à Paris 1
Le rêve"de M. --Doumergue***
1
- C'est le soir du 1" Janvier. M. le prési-
dent -de la République s'est endormi, quel-
que peu las de tant de compliments, de
Voeux reçus et rendus, d'expressions d'in-
défectible dévouement et d'assurances de
bienveillante sympathie, appuyés de souri-
res affectueux et de poignées de mains cor-
diales. Il rêve, non sans trouble. La faute
en est à un champagne démocratique dont
il a dû, par moment, apaiser sa soit offi-
cielle.
La porte de sa chambre s'est ouverte.
Le directeur de son cabinet, M. Jules Cra-
bol, entre et murmure, épouvanté:
— Monsieur le président, les rouges
sont à Shanghai !
M. DOUMERGUE. — C'est la faute de
l' Angleterre; et pourquoi sommes-nous
toujours à sa remorque? Pourquoi veut-
elle toujours que nous tirions les marrons
du feu pour elle?
Alors, se dessine, noyée des brumes
d'une nuit obscure, la baie de Scapa Flow,
d'où ont surgi, repêches par les Anglais,
les bateaux de guerre allemands qu'ils lais-
sèrent couler, en iois. afin que la France
ne pût en profiter. Ces bateaux sont sur-
chargés de Chinois, costumés. équipés,
eXercés à l'européenne. Ils font feu de
toutes leurs pièces sur les côtes anglaises,
tt, bientôt. la Grande Bretagne parait. d'un
bout à l'autre. s'embraser.
Cependant,, une voix formidable domine
le tumulte, et M. Doumergue l'entend pro-
noncer cet arrêt terrifiant:
LA VOIX. — Ainsi meurent les peuples
qui ont trahi leurs frères, la victoire et
ta civilisation, et qui, en Chine comme
tIlleurs, ont fait passer leurs intérêts
avant l'intérêt européen, et tout subor-
donné à leur égoïsme mercantile. C'en
est fait de l'Angleterre. Sur le livre du
destin, sa condamnation est prononcée-
lJelenda est Britannia.
m
* *
Mais la bataille s'apaise, les flammes
S'éteignent, la mer fait place à une plaine
8'2ns limites, mouvante comme les prolec-
IOns de cinéma. C'est la steppe d'hiver,
fans sa tragique et glaciale immensité.
Deux fils courent sur la projection. deux
fils tendus ou détendus par des mains invi-
sibles; et enfin, voici Moscou, voici le
Kremlin où les deux fils aboutissent à des
doigts énormes, velus et ensanglantés; tan-
dis -qu'à l'autre bout, Us enveloppent et
commandent les forces rouges des Chinois.
Première armée lâchée par la Bolchevie
contre l'Angleterre, le Capitalisme et la Ci-
viïisation chrétienne, également coupables.
également punis de trop de bas calculs. trop
de viles jalousies, Allemagne contre France.
Italie contre Serbie, Serbie contre Bulgarie,
Angleterre contre Amérique, Amérique du
Nord contre Amérique du Sud, tous s'entre-
dévorant ou prêts à s'entre-dévorer comme
Crabes dans un panier.
Heureusement, une harmonieuse musi-
que fait entendre des accords qui préludent
à un chœur magnifique, composé par Ar-
thur Mahraun, chef fondateur des Frères
de l'Ordre de la Jeune Allemagne. décidée
à lutter contre le Bolchevisme en faveur
Une paix et d'une alliance franco-aile
bandes, au mépris des événements de Lan
d&u et autres complications regrettables,
dont nous avons du mal à nous sortir à
notre honneur. Ce chœur chanie des paro-
les locarniennes :
Paxf Pax! Vobis t
Et paissez vos brebis,
Sur les bords de la Seine,
Français, nos chers amis,
Sans craindre qu'on vous mène
A de nouveaux combats,
r Car la jeune Allemagne,
Fille de Charlemagne, * 4,
Vous attend dans ses bras.
Il Cependant, la peau d'ours blanc qui sert
e descente de lit à M. le président de la
république se soulève, et se dresse, mena-
Çantë. On peut croire qu'elle va bondir sur
le chef de l'Etat. Celui-ci tente, mais en
jton, d'appeler à l'aide. Et voilà que. du
oauve. ressuscité. sort M. Marcel Cachin.
Orné de son baromètre de député qui. par
Juraordinaire, est aussi un thermomètre et
donne la température des opinions de ce
cprésentant du peuple 40° 9, indice d'un
at de frénésie délirante.
A M. MARCEL CACHIN, rugissant. -
1 h t Ah ! Ah ! Crrr. Déjà nous sommes
"ts maîtres de la Chine. Bientôt. Trot-
k y. Tamerlan et Tchitchenne-Gengis-
han jetteront sur l'immonde Europe
apltaliste les hordes innombrables ('es
Jaunes-rouges apportant au prolétariat
Ah aVe la libération et la félicité. Ah 1
^A u ! Ah! Crrr. Dès avant qu'ils se
ch?tent en marche, le Chômage, enfant
chéri du communisme intégral, aura
r lne» dévoré la France bourgeoise. A
fOOl les chômeurs, les affamés, les sans-
si Yer et les sans-pain!. Je fais un
6' et tu vas voir, président des re-
Du s' Tu vas voir ce que tu vas voir.
J. Jens! d f'
>r lenst regar d e et frémis.
ba M. Marcel Cachin sort de sa poche une
fie Udruche oblongue qu'il gonfle d'un scut-
enr roce- Elle prend forme de crocodile
enr Sur les flancs de ce monstre, le
« Chômage » flamboie.
MARCEL CACHIN, brandissant f te
rocodile. — Ah! Ah! Ah! Crrr. Voici
afasque, le Dragon et le Serpent de
Uj * anImaI antédiluvien, altéré du
le g des abominables bourgeois depuis
[e commencement du monde. Il ne fera
restune bouchée de la République. Et le
restes nous l'avalerons, nous, les Purs,
Pau set1 s, les vrais frères et amis des
Pauvres prolétalTes que les gavés exploi-
teen»,t.. - Ah! Ah! Ah! Crrr.
C' , rrr. crocodile
beurfo épouvantable; mus le crocodile
inerPT,/>qrm pointe d'an baguier. Et.
Wer e. qui pointe d'un baguier. Et.
Marcel f • monstre éclate, volatilisé. M.
flans l'e ac n. du même coup, s'évanouit
gans ce' De cette fantasmagorie, ne
le$te '"* une pague pdeui de, soufre et
d'encre d'imprimerie. Le président croit en
avoir fini avec les cauchemars. Erreur:
à sa vue se dessine la foule des victimes
des drames passionnels, délices et pain quo-
tidien de la presse française, éducatrice du
peuple.
Les poussant jusqu'à la couche présiden-
tielle, dans la chambre qui a pris des pro-
portions de cathédrale pour contenir tant de
spectres affreux, Voltaire arrive en der-
nier, sur son fauteuil à la Houdon. Il tient
par la main Mlle Saint-Yves, héroïne d'un
égorgement philosophique par excès d'a.
mour d'un infidèle amant.
VOLTAIRE. — Peste! Monsieur le pré-
sident, la République de mes songes
n'était point ce qu'elle est dans la réa-
lité. Quand je souhaitais aux Français
les mœurs policées d'Athènes, unies à la
vertu de Sparte, dans une aimable liberté
que leur assureraient de sages Archon-
tes. il ne me venait point à l'esprit que
le peuple, affranchi de ses rois, serait
son propre tyran. Vous avez eu, cette
année. une surprenante collection de
meurtres, empoisonnements et suicides
passionnels. Si Pangloss était là, il prou-
verait que tout est pour le mieux dans
le meilleur des mondes, sous le plus
parfait des gouvernements que les Fran-
çais se sont donné. Mais, dans le nom-
bre des en f ants que j'ai créés, existe un
certain Ingénu, qui n'apprécie pas aussi
favorablement le progrès de la raison et
des mœurs, sous le doux ciel de France.
Et justement, je mène ici Mlle Saint-
Yves. la dernière des plus célèbres exécu-
trices des basses œuvres des basses pas-
sions, pour discuter avec elle, si diffé-
rente d'une autre Saint- Yves, dont vous
vous souvenez, je pense, de même que
de mon Ingénu. La belle Saint-Yves
que j'ai imaginée et mise au monde était
tendre, sensible, aimable à souhait. La
vôtre.
Mlle SAINT- YvES. - Je n'appartiens
à personne, monsieur de Voltaire. Je
suis la femme moderne, affranchie de
toute contrainte ou obligation à qui et
quoi que ce soit. Ma philosophie est de
vivre ma vie.
VOLTAIRE. '— Aux dépens de celle des
autres.
Mlle SAINT-YVES. — Chacun pour soi.
VOLTAIRE. — Et Je couteau poui
tous.*"* - --,
Mlle SAINT-YVES. - Je ne crains la
justice ni des hommes, ni d'un dieu.
M. DOUMERGUE. — La nôtre est ga-
lante. Elle a des trésors d'indulgence
pour les femmes-assassins.
VOLTAIRE. — Quand la justice est
galante, comment lies femmes ne le se:-
raient-elles point? Ce n'était pas ainsi.
de mon temps. On pendait haut et court,
après les avoir quelque peu écartelées ou
ébouillantées, à l'occasion, les péronnel-
els qui, sous prétexte de dépit amou-
reux, avaient occis leur prochain; et je
regrette fort d'avoir fait tant de bruit
humanitaire, quand * je vois que l'huma-
nité n'y a rien gagné.
A ce moment, tout change d'aspect. Trois
coups solennels retentissent dans le mur.
qui s'ouvre. La scène de la Comédie-Fran-
çaise apparaît. Le décor d'Horace, dernier
acte, est en place. Entre un blanc fantôme,
qui s'avance à pas comptés jusqu'au trou
du souffleur, puis se dévoile, et M. Sil-
vain. en chair et en os. heureusement bien
vivant, se dessine aux yeux stupéfaits du
chef de l'Etat. De sa plus belle voix de
père noble. le Doyen déclame. et M. Dou-
mergue, nourri de la moelle de nos meil-
leurs classiques, l'écoute, émerveillé:
M. SILVAIN
Albert, l'unique objet de mon ressentiment !
Albert, qui de la loi connaît le châtiment !
Albert, que tu vis naître et que ton cœur honore,
Albtrt. qu'enfin je hais. bien que l'OEuvre l'adore..
Puissent les bons journaux, ensemble conjurée.
Frapper son fondement d'un pied plup assuré 1
Et 'il est soutenu par la Maçonnerie,
Que le Grand-Orient voie que la Tragédie, 1
Plu. que lui, doit compter dans le vaste univers,
Et gouverner 'Etat quand tout va de travere 1
Pui«*é-je, de mes yeux étincelant de foudre,
Réduire cet Albert en poudrette de poudre,
Voir ce pion toucher à son demier soupir,
Moi seul en être cauee. et mourir de plaisir 1
RIDEAU
Un Provincial.
Une habile requêk de Saint-Quentin
pour "récupérer les >)ols MUmands
La Société Académique de Saint-Quentin
vient d adresser à la Société des dations une
requete inattendue, et qui va sans doute tor-
tement ennuyer l'institution de Genève.
Saint-Quentin demande que, par l'entre-
npse de la Société des Nations, l'Allemagne
lui rende les œuvres d'art volées pendant la
guerre, parmi lesquelles on compte un mar-
bre noir antique dédicacé au dieu Vulcain,
marbre enlevé à l'un des piliers de la basi-
lique; une sculpture arrachée au même mo-
nument, L'Eclipse de, Saint Fursy ; un ta-
bleau de Tattegrain, 'L'Exode; des manus-
crits, des vitraux, dps pierres tombales, et
des sculptures tomaines et françaises prises
dans le Musée Lecuyer , des panneaux sculp-
tés, des pierres épigraphiques. la pendule
monumentale des Canonniers, enfin divers ou-
vrages de sculpture.
Une actrice se tue dans un rapide
Berlin, 8 janvier. — Grete Lundt, actrice
de cinéma, qui, il y a quelques années, était
une des étoiles de l'écran en Allemagne, s'est
suicidée dans un wagon-lit du train Vienne-
Berlin, en absorbant une forte dose de mor-
phine.
Son cadavre a été découvert à l'arrivée du
train à Berlin. - -<'
cc Comœdia putliera prochainement
une nouvelle saynète
de TRISTAN BERNARD
j Des artistes de divers pays 1
Quels rêves sortiront vivants
y
de t'Exposition multinationale?
J'ai souvenir d'un soir où, à une table de
café, un Américain humide donnait la for-
mule d'un plat de son pays. Il y entrait
de tout, du bœui, du poisson, du homard
et du poulet; la sauce recevait des pommes,
des huîtres, du piment rouge, de l'ananas
et des carottes, le tout baignant dans un
porto allongé de whisky, de marc de Bour-
gogne, d'un rien de kirsch et d'autres li-
queurs. Chaque partie, prise séparément,
1
V
Portrait du Dr Hesse, par Otto Dix
Rien de plus caractéristique de Vesprit al-
lemand que cettr toile qui nous montre le
capitaine d'tndustrie auprès de la Machine,
comme naguère le « donataire - » près de
Notre-Dame. Celle toile tait partie de l'Ex-
position multinationale. *
était fort bonne; mélangées les unes avec
les autres, on se demande quel gastronome
en pouvait savourer les vertus !
L ex posi tion m u 1 tinationale se présente un
peu comme un plat de ce genre. On y a
brassé, mélangé, accroché côte à côte plus
de deux cents toiles ou dessins d'artistes
pnj, plus que choisis, 'en France, en Alle-
magne, en Suisse^ en., Angleterre, aux Etats-
Unis et au Mexique. Cela, sàns aucun essai
de classement, sauf au catalogue. Et ce der-
nier, sous la rubrique France {Ecole de Pa-
ris), inscrit MM. Beltrân y - Masses, Pierre
Bonnard, Detthow, Jean-Gabriel Domergue;
Picabia, Henri Matisse, Vlaminck, Zarraga
et vingt-sept autres peintres. Pour la préci-
sion, c'est réussi, et quant à l'éclectisme, ;il
n'v a rien à dire ! Et puis, ici comme ail-
leurs, n'est-ce pas ? que Dieu 1 reconnaisse
les siens ! ,'
La préface est écrite, à la manière humo-
ristique, par M. Paul Réboux. Elle com-
mence par offrir la porte à ceux qui s'avi-
seront de trouver que tout n'est pas pour le
mieux dans le meilleur des mondes et que
les 163 artistes groupés là, sous les rubri-
ques : France (35), Allemagne (21), Suisse
(29), Angleterre (24), Etats Unis (38) et Mexi-
que (16), ne forment pas une admirable, ex-
position multinationale ! ;'
Te reconnais bien volontiers qu'il y a d'ex-
cellentes toiles : les deux paysages, par M.
Vlaminck, sont d'une intense poésie; on res-
pire à larges poumons devant le Port, par
M. Friesz, et toute la douceur des bords de
la Marne aux jours d'été se dégage d'un ta-
bleau par M. RaúulDufy. Il suffit de dire
que M. Pierre Bonnard fait vis-à-vis à M.
Vuillard, qu'il y a-là un très beau portrait
par M. Henri Matisse, un nu par M. Gro-
maire, une composition à la gloire de l'Au-
tomne par M K X. Roussel et que MM.
Van Dongen, Utrillo, Osterlind, Durey, Fa-
vory, Derain, Maurice, Denis sont représen-
tés au même titre.que MM Juan Gris, An-
dré Masson 'et quelques autres, pour ne pas
douter -de l'intérêt que présente pareil en-
semble, au moins en certaines de-ses-par-
ties.' •
Il est certes bien des Parisiens qui se dé-
rangeront pour aller, voir les portraits dus
à MM Karl Hoter, Max Pechstein, - Max
Beckmann, Otto Dix, et les hallucinantes ap-
paritions berlinoises de M. Gèorg Gross.
Oui, tout cela est attirant comme aussi le
calme paysage par M. Paul Nash, et les
œuvres des élèves mexicains de M. Alfredo
Ramos Martinez, comme de nombreux ta-
bleaux venus de divers .points du monde et
dont les auteurs ..auvent peu connus à Paris
figurent au catalogue, tels MM. Louis Bou-
ché, Daugherty, Stauffer, Victor Surbek,
Martin, Kohler, 1 Feininger, Bressler, ou
Mmes Alice Bailly, Constance Borsari, Va-
nesa fiell, Katherine Schmidt. Il ■ est une
toile manifestement - inspirée de Matisse qui
est par M. Oscar Moll, une autre qui court
à ta remorque de Dufy qui est par M.' Cam-
pendouk, une troisième où M. Arthur Car-
les travaille à la manière d'un Odilon Re-
don qui serait boueux et lourd. Intéressantes,
certes, il y en a beaucoup, mais quelle sa-
lade russe où les Russes ne-sont pas même
présents !
Cela, paraît-il, c'est « un moyen de hâter,
de mûrir la formule de l'esthétique moder-
ne » et cette exposition « juxtapose des pein-
tures ennemies », comme s'il n'y avait ja-
mais eu autre chose que de bonnes et
de mauvaises peintures. Il est vrai que si
les unes sont les ennemies des autres, les
ennemies sont juxtaposées ici, nul n'osera le
nier.
Exposition multinationale, soit, mais que
l'on analyse par exemple le catalogue du
récent Salon d'Automne. Toutes les nations
groupées ici sont représentées et., beaucoup
d'autres encore: Nous n'avons pas en France
suivi d'indications venues du dehors pour
affirmer le caractère international de l'art
contemporain. Qu'on nous rende cette jus-
tice.
Il est - vrai qu'on vient nous dire que cette
exposition n'est pas seulement louable « au
point de vue esthétique » et qu' « elle a une
portée politique et sociale t) Diantre ! s'il
faut se pénétrer de politique et de sociolo-
gie avant d'aller voir des tableaux.— Quand
je vous le disais que mon ami Reboux est
*,,, humoriste !
Paix sur la terre aux hommes de bonne
volonté! Il y a longtemps que cette parole
a, retenti sur le vieux monde. Mais hier en-
core, les hommes qui communient en un pa-
reil Idéal et s'agenouillent pour prier sur
les même:: pierres et sous les mêmes voûtes
dressées par l'effort des artistes, ces hommes
se sont entre-tués, sans cesser de nourrir
au fond de leur cœur le rêve ci d'un rap-
prochement entre les peuples n. Ce rêve
non plus n'a pas vu le jour sur les seules
terres du Nouveau Continent et Colomb n'a-
vait pas découveit l'Amérique lorsque la
flamme divine d'une foi nouvelle pointait en
Palestine. Mais, si l'exposition multinatio-
nale nous rapproche du but, qu'elle soit l'ob-
jet d'un concert unanime de louanges et
qu'on proclame le génie de tous ceux qui,
de près ou de loin, auront encouragé ses ef-
forts, auront participé à sa naissance et l'au-
ront promenée de Berlin à Berne, puis à
Paris et enfin à Londres et New-York. Ainsi
soit-il!
Jenè-Jean.
f Entre nous
En quatrième ligne?
Des expositions internationales de musi-
que vont avoir lieu, l'une à Genève, l'au-
tre à Francfort-sur-le-Mein..
Je ne doute pas un instant que ceux de
mes compatriotes qui tiennent en main. par
leur situation ou par leur talent, le prestige
de la musique française, ne songent à se
préparer dignement aux participations néces-
saires dans ce tournoi européen. A l'heure
où, sous le couvert d'une politique paci-
fiste, les peuples d'Europe qui semblent se
rapprocher, sentent plus âprement que Ja-
mais leurs différences, à cette heure sévère,
il est indispensable que nous soyons prêts
et fiers.
Sans doute, en dépit de l'effort de l'Opé-
ra-Comique et de quelques initiatives parti-
culières. sous le poids des difficultés éco-
nomiques, notre théâtre musical et notre
musique pure sont, actuellement. en demi-
sommeil. Et c'est une prétention à peu prës
folle que de songer à faire iouer une grande
œuvre même d'un grand musicien français
et même à l'Opéra! Tandis que le moindre
roman moyen trouve un éditeur Les « bud-
gets M excessifs tuent toute grande entre-
prise.
Toutefois, un fait demeure. Depuis Wa-
gner, la seule grande école musicale qui
se soit affirmée c'est l'école musicale fran
çaise. Après les Allemands, après les Rus-
ses, les Français ont pris la tête, et. mal.
gré quelques tentatives dispersées. l'ont
conservée. .',
Ainsi, donc. la voie de l'effort est toute
tracée: établir, à l'occasion de ces expo-
sitions-concours, une « présentation » -
comme l'on dilf, auiourd 'hui —- cohérente
et complète de notre école musicale. Une
présentation .qui soit en même temps une
affirmation.
Mais quels motifs d'inquiétude dictent
ces paroles?
D'abord, cette crainte, que th comme en
tant d'autres circonstances, nous nous la!F
sions dépasser par l'esprit d'entreprise de
nos voisins. Et par une toute petite obser
vation: fle vers dans la oomme,..) à savoir
que. dans certains communiaués envovés
par les centres, organisateurs de ces expo-
sitions. malgré la prééminence indiscutable
de l'école musicale française, esthétique-
ment parlant, notre oarticiration n'a été ins-
crite qu'en quatrième rang.
Le fait est là, il faut très calmement le
noter.
Hahriel Roissv
Les Blés, par Vlaminck
j~ ~«~~ par son expression sobre et éloquente de la pàtuvretê
et de la dureté paysannes, se voit à l'Exposition multinationale, dont M s. René-Jean rend
compte ci-dessus.
ILa femme nouvelle
, Etes-vous pour ou contre
les cheveux courts?
Nous avons voulu connaître l'opinion de
l'auteur de Monsieur Vénus, sur la « fem
me universelle » ou tout au moins sur ses
cheveux. Avec sa courtoisie habituelle et
son habituelle et féroce malice, Rachilde
nous répond — et l'on croit, en la lisant,
voir son sourire mince et ses yeux en
flèche:
De Rachilde:
Les cheveux courts n'arriveront jamais à
enlaidir une jeune et jolie femme, c'est une
affaire entendue: mais cela va moins bien
aux. autres ! ]* suis contre une mode qui,
n'embellissant pas tout le monde, permet
aussi à certaines créatures mal élevées de
tumer devant moi et de me raconter des
blagues que je ne trouve pas drôles parce
que je ne peux pas les mettre à la porte
étant donné leur présumable sexe. PourquoI
diable ce ridicule désir de sinzer une race
d'hommes déjà si diminuée, et de Vimiter
dans tout ce qu'elle a. d'impuissant 1 A
leur place, comme je préférerais me déguiser
en chevalière d'Eon. au lieu de Jouer les b-P
tits Messieurs Vénus!..
Mais oui, les * cheveux longs redevien-
dront à la mode le jour où les coiffeurs au-
ront tout intérêt à revendre, très oher. leurs
anciennes toisons à nos brebis de Panurge.
Pauvres brebis! Rachilde a la dent dure.
Mais, attendez.
Cet animal n'est pas méchant.
Quand on l'attaque il se défend.
pourrons-nous dire de nos brebis. Les voici
qui ripostent, et s'insurgent contre les
« moralistes » par la plume d'une jeune et
charmante dactylo — sûrement, un premier
prix d'histoire :
D'une jeune dactylo:
Mon cher Comœdia,
Nos « moralistes H, gens calmes et repus,
élèvent leur voix contre nos cheveux courts.
Ils ignorent simplement, ces amoureux des
perruques de nos bisaïeules, leur histoire. En
1461, il y avait en France des commissaires
chargés d'appréhender au corps partout où
ils les rencontreraient les êtres à cheveux
longs et de leur passer le rasoir sur la tête.
Le chef de cette persécution contre les che-
rotez était Pierre d'Hagenback.- Un cordon-
nier {philosophe ci. moraliste, » de Vépooue
n'écrivait-il pas : ,(i Une personne qui a abon-
Mme Aurel Il DJ'I H8IIuel.)
; (Photo Henri Manuel.)
dance de cheveux doit se faire apporter de
l'eau chaude et les tremper et puis avec un
bon rasoir bien tranchant, les faire ôter. Car
les cheveux ne font à la tête que nuisement.
Ils engendrent ordures. poux, crasse, teigne,
sueur, et sont cause de plusieurs maladies? »
Mes collègues dactylos et moi-mêmeque
nos « moralistes M modernes trouvent bien
v vierges toiles M mettent simplement en prao
tique les ordonnances de jadis. — Marguerite
HÉCBASSON.
Mlle Marguerite Héchasson a bien mé
rité d'être nommée commissaire — commis-
saire des « vierges folles » et de l'hygiène.
En attendant que cette distinction lui soit
conférée officiellement, nous avons plaisir
à citer à l'appui de son opinion l'opinion
d'une autre travailleuse — une travailleuse
manuelle.
D'une femme de ménage:
Voici donc la lettre que nous avons reçue
d'une personne qui signe « la femme de
ménage », ce qui prouve que Comœdia est
lu par tout le monde :
Pour les cheveux courts et bien courts.
Pour une fois la mode est clémente au
monde du trM,ail manuel
Cheveux courts pour les manuelles.
Elles Sont plus à l'aise
Elles sont enclines à Plus d'hygiène pour
ce pauvre ciboulot si las. des soucis jour-
naliers.
Et instinctivement (sic) deviennent plus
eoquettes. - - u
La remme ae Menace.
Et les travailleuses intellectuelles? Que
pense, à leur tour. leur « pauvre ciboulot b).
souvent tas, lui aussi? Mme Aurel hésite.
ondoie, revient, se promène du présent au
passé, et du passé au présent:
De Mme Aurel:
AJnès avoir vitupéré les cheveux courts
qui nous déféminisent, j'ai coupe lei miens,
et ils étaient longs; c'est vous dire que je tê
résiste pas à une bêtise sitôt au'elle devient
univet selle.
La bêtise étant faite, je la trouve très
bonne en ce qu'elle me rend vingt minutes
par jeur; on ne se coiffe plus, ce temps vaut
bien une toison, et voilà ce qui tait: confrère,
que nous gardons les cheveux courts.
J'ai la nausée de toutes ces têtes en bills
où le caprice n'a plus à s'exercer, je re
garde avec tendresse Varchaïsme de certaines
dames au théâtre, qui consentent à démêler
de 'ongs cheveux, puis à les étayer Pour
garder ce vestige féminin : une coiffure. Que
cela sonne vieux 1 Ces dames m'émerveil.
lent. de n'être pas pressées. Quelle aristo-
cratie : avoir encore el) le temps de se coif-
fer., Bref je chéris, comme un vestige de
'langueur, ces dames compliquées et te me
rase la nuque avec la lame Gillette, à moins
Que it ne .me la fasse raser par mes neveux
— ce Qui procure un demi-Summeil délicieux
— ou que je la rase en série à toute ma
maison, comme nous faisions ce septembre
dans notre cour de ferme où je rasais
aussi René Fauthois pendant qu'il nous
gueulait son répertoire pour amuser mes niè-
ces de dix ans. rasées aussi (Ah! les nu-
ques des eosselines, ça ferait pardonner beau-
coup aux cheveux courts/),
Bref, je rêve devant les cheveux longs, si
dame ». Au théâtre je pleure mes che-
veux; Ut, je conduis leur deuil. le regrette
en soirée les miens et ceux des autres, les
beaux chignons dardés comme une torche,
les chignons durs et serrés des femmes qui
avaient beaucoup de cheveux et qu'on ne
poici'ait confondre avec les bouffants et tes
coQues molles de celles qui avaient à gonfler
:eur crinière — à la CI taire valoir » — nor.
reur ! J'ai dégoût des cheveux courts avec
ta robe de soirée; les coiffeurs ont trouvé;
ils nous offrent de minces torsades pour con-
tourner la nuque afin que vous semhliet. le
.0;1'. moins déplumées. mesdames. Mais oui
ça trompe-t-itt Et comment ca tient il? Et
quels soi", fastidieux! Qui jamais en retrou-
vera le tembsf Dieu! que les têtes jasées ont
de monotonie ! C'est à pleurer d'ennui
Ah! que f aime les cheveux Jones!
Que ie les aime sur les autres f
Mme Jane Catulle-Mendès. elle. va tout
droit -
De Mme Jane Catulle-Mendès:
1 o je suis pour. la liberté.
20 Je ne crois pas au retour des cheveux
longs, qui impliquerait aussi celui des faux
cheveux, des chapeaux à Crosse tête, des mi-
graines, enfin d'un tas d'horreurs.
C'est net, et, comme on dit en prose,
bien envoyé. Mme Ravmonde Machard
n'est pas moins résolue:
De Mme Raymonde Machard:
le suis Pour les cheveux courts. le ne dis
pas « rasés » comme après une tYPhoïde ou
taillés d'une façon grotesque. le dis les che-
veux « écourtés fi qui laissent à la chevelure
son aisance, à la nuque son élancement.
Ainsi les femmes font preuve de goût et de
modernisme. Elles travaillent aujourd'hui
comme les hommes. Elles ont donc bien fait
d'abolir les cheveux longs, les jupes longues
qui étaient autant d'entraves à leur activité.
Mais si les femmes ont le droit d'acquérir
leur personnalité, elles n'ont bas le droit dê I
s'enlaidir. C'est une iniure faite à l'Amour!
La déclaration de Mme Ravmonde Ma.
char couvre un grand feuillet, d'une grande
écriture. Mais dans un coin, se sont logées
trois petites lignes. C'est l'opinion:
De Bout-de-Bibi :
Jeunes ou vieilles, les femmes qui - portent
les cheveux courts ressemblent à des Petites
filles. Je ne vous en dis pas plus. Cela -en-
chante votre serviteur.
signé : Bout-de-Bibi.
Bout-de-Bibi, qui aimez tant les petites
filles, vous ressemblez à M. Alfred Ma-
chard. comme un fils 1
* (A suivre.)
Précisions
Un ami d'Alphonse Daudet
Emile Bénassit
Récemment un de nos confrères hebdoma.
daires Aux * Ecoutes publiait le petit entre-
filet que voici:
Un roman inédit d'Alphonse Daudet.
Qu'est devenue L'Excursion scientifique, ce roman
qu Alphonse Daudet devait écrire et Emile Bénawit
illustrer P Noue n'en avons trouvé trace nulle part
dans les œuvres du gra-nd romancier, non pli* que
dans ses souvenirs ou ceux de 6et' file pt Je M veuve.
Mais par contre, la famille du peintre Béuassit —
actuellement représentée par notre confrère Erneal
Bénawit — conserve pieusement un certain nombre
de lettres d'Alphonse Daudet qui ont trait à ce
roman, ou plu* exactement : projet de roman Projet
d'ailleurs assez poussé.
L'Excursion scientifique semble avoir été une pre-
mière formule des fameux Tartarin On y trouve no
personnage nommé Chapatin a Chapatin dit Pan-Pan,
gros homme, figure placide, expreesion féroce 0, *
note Alphonse Daudet, qui. on le -.ail.eIIf mu.
formé deux ans plus tard en Tartarin
El - les dessins de Bénassit — nO'JI! en a vom> entre
les mains treize feuilles, pleines de mouvement —
now montrent, en effet, un type tartario e-que. C'ewt
Dalloz. du Monteur officiel, qui devait publier le
roman. Alphonse Daudet lui avait soumit ton plan,
qui avait été accepta aussitôt Et Dallor avait ron.
senti aux deux collaborateurs des conditions inté-
ressantes. Voici la lettre — inédite par taquet
Daudet annonce la bonne nouvelle à son ami :
Relie affaire 1 Porte à Df/flot de L'Excursion scien-
tifique. Il veut la publier dans ses journaux 11 l'al-
tend. Il l'espère. Va le voir avec les dessins Cent
la fortune pour toi.
Ton Alphonse DAUDHT. «
Soit le post-scriptum qui vise sans doute quelque
préteur
\ous rembourseront C. »'
Ici un nom indéchiffrable.
Quelque? mois après cette guerre, cmait la euerre,
nos dém^tres. Il ne devait plus être question de
L'Excursion scientifique. Mais en 1879 paraissaient
les Tartarin de Tarascon.
Commençons par ajouter à cette courte nota
quelques renseignements complémentaires.
Peu de semaines après avoir envoyé à Bénas..
sit la lettre dont plus haut le texte, Alphonse l
Daudet annonçait à nouveau
Mon cher Emile. J
Dalloz t'a vu; il faul maintenant que Je te voie
et vite. Les plans font changée, mais l'affaire reste
la même et fort belle. Viens, je t'en orie. jeudi oa
vendredi. Je t'attende.
Alphonse OAUDn. t
Puis, comme le dit la note de notre con-
frère, c'est la guerre. Daudet, ni Bénassit ne
songent plus à Chapatin. Une lettre de l'é- 1
crivain (datée seulement 187c montre qu'ils
ont de tout autres préoccupations. Daudet
écrit de « Champrosay, par Draveil, Seine-
et-Oise » :
Mon cher ami, -
Comment vas-tu P Que fais-tu f !
J'étais fort inquiet de toi, mais Tournachou que
j'ai vu l'autre jour m'a rassuré; il t'avait reo()V..
tré la veille, deux bouteilleis sous let- bra*. allant
déjeuner avec Couturier. Ecris moi un mot, quelques
détail.. sur ta vie pendant ces jour? dé bataille, ce
que tu fais et comptée faire Moi je suis depuis ur&s
de deux mois à Champrosay Ces idiots du 96* mont
obligé à m'en aller après avoir donne une- belk- peut
à ma femme. As-tu des nouvelles d'Arène P Bonjotn
4 toi et à ton ménage. *
Alohonse DAUDET.
OL le voit, aucune ncuvelle de Chapatin.
Tartarin. Qu'est devenue L'Excursion scien-
tifiquef Il semble d'après les dessins de Bé-
nassit que le plan en ait été assez avancé.
N'était-il que le dévt loppem* nt de la courte
nouvelle donnée par Daudet au Figaro, le
18 juin 1863 : Chapatin tueur de lions, ce
conte qu'on ne retrouve pas dans les œuvres
complètes du grand écrivain ? Autant de ques-
tions cour le moment sans réponse.
Que du moins ce petit problème nous soit
une occasion de silhouetter rapidement la
figure, aujourd'hui fi peu connue de celui
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