Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1927-09-10
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 septembre 1927 10 septembre 1927
Description : 1927/09/10 (A21,N5361). 1927/09/10 (A21,N5361).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7651221d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/05/2015
- 21* ANNEE - N° 53151 - a LE NUMÉRO: CINQUANTE CENTIMES .41, rue àaint-Georges. —Tél. Trudaine 70-00, 01, 02 - -- SAMEDI 10 SEPTEMBRE 1927,
COMŒDIA
Gabriel ALPHAUD
Directeur
,..Une ample comédie à cent actes divers
Et dont la scène est l'univers
(LA FONTAINE.)
Tout lecteur Je COMŒDIA
contractant ou renouvelant
dès aujourd'hui
UN ABONNEMENT D'UN AN
aura droit à 1 une des
PRIMES MAGNIFIQUES
dont nous donnerons bientôt le détail
Tout lecteur de COMOEDIA
contractant ou renouvelant
dès aujourd'hui
UN ABONNEMENT D'UN AN
aura droit à 1 une des
PRIMES MAGNIFIQUES
dont nous donnerons bientôt le détail
la belle saison
Les Sirènes du Lido
..Quand, en 1879, je fis la découverte
1 'du Lido, cet événement me rappela
1116 façon saisissante la découverte de
Borique, par Christophe Colomb.
, \ous riez? Mais quand vous m'aurez
U Jusqu'au bout, vous trouverez cette
^paraison grandement justifiée. Fi.
gurez-vous un bateau vermoulu, le va*
POe du modèle de 1858, aux flancs dé-
-teints par les vagues impétueuses de la
à gUne morte, à qui le goudron, ajouté
d autres goudrons, donnait l'effet
Une vieille baleine qui eût perdu une
1. tIe de sa carapace.
était un dimanche, après une Ion-
série de pluies. Sur cette caravelle qui,
Palr une négligence regrettable du capi-
n'avait pas hissé le pavillon de
ba République de Venise, se tenait de-
jj~' à la coupée, une population, ivre
\i lOlntain. hommes, femmes et enfants,
aPpés de la Merceria et des quartiers
Pactes. Je la trouvai remplie d'un
I^Poir, et même d'une impatience lD-
^sés. L'objet de cette fièvre m'intri-
~~t d'autant plus que je ne voyais à
uOrIzon qu'une ligne grise et morne,
i cç>nfondant avec le ciel. Lentement
lit S APProchait d'un banc de sable, pe-
ae e îAle pelée, et complètement déserte,
t lllblait-il. sans une herbe, ni aucune
j.*Ce de végétation. C'est à peine si
11 distinguait à son bord deux misera-
les cabanes édifiées par des moyens de
rtune.
b Mais soudain, dans le rang des navi-
an teurs) parmi lesquels j'étais, une im-
^se clameur s'éleva. Le délire se lisait
1 tous les yeux. Les hommes agitaient
V/,rs chapeaux, poussant des cris de
eQience, les femmes, moins mesurées,
i d'une joie folle, soulevaient leurs
j f çjj ants dans leurs bras et, comme si
litbÎ eussent voulu, en une offrande de
au au Donateur, le vouer à quel.
que Vierge invisible; les plus témérai-
w» montaient sur les cordages, poui
leu>c voir la promesse du ciel.
* les matelots de Christophe Co-
I tirlllb., ce petit peuple vénitien s'était
Se et, pareil aux marins sur la
i® a~Maria, qui avaient crié : « Terra !
ana, qUl avaIentcne:« erra.
ttla! » (.acceptons pourtant avec
br den ce les mots trop historiques), ces
bra Ves gens, en fixant obstinément le
tj^ble banc de sable qui s'allongeait
i h eux, hurlaient de tous leurs pou-
t~ Qlls : « Cavallo ! Cavallo ! »
C tîUe leurs yeux découvraient, était
Hwon? quelque chose d'aussi rare, d'aussi
deileux. d'aussi désiré que l'apparition
ttl l a terre pour les audacieux compa-
s du grand Génois ? Les Vénitiens
V0v lent bien tous les jours les chevaux
k tb- rO?ze sur te façade de Saint-Marc.
C-s Us ri y croyaient pas. Pour eux,
tçjj. * des animaux mythologiques, des
fabuleux. Il faut donc bien ad-
^.re que d'apercevoir un cheval vivant
t4 it Pour eux une émotion aussi grande
»i^Ue dis-je, un événement aussi con.
"'able — que celui des gens de Co-
apercevant pour la première fois
°te de San Salvador.
^ais où était ce cavallo, ce phéno-
ttten e? A présent, on le découvrait nette-
Rte t. C'était, au bord du rivage, la mai-
bl^?arcasse d'une vieille jument, sem-
•i^i e à ces cavales faméliques qui,
à Paris, traînaient les fiacres de
1^' Sa silhouette décharnée se profi-
lait Sllr le sable, devant un char-à-banc.
*Vçc Celle d'un cocher qui devait être
tout le long de l'année, et me-
W de char ou Aurige, les beaux di-
S* Il attendait les populations
ptes qui, bientôt, se précipitèrent
~t)t 1 Pour faire le tour de l'île, don.
as^e aux admirateurs de cet uni.
4
lUç sPecimen zoologique.
t, COntment désolé était donc habita
~&p était trouvé un Robinson assez
leux pour y amener cet animal pro-
lat n un instànt, le char bran-
41t pris d'assaut. Les enfants pous-
Sut S des cris stridents, des glousse-
tilde S de joie, comme s'ils allaient esca-
lakde Uil éléphant; Ils se disputaient
ti -
V**1* du cheval. Les plus auda-
touchaient, caressaient sa cri-
graisseuse, tendaient à proximité
s S dents jaunes des restes de galet-
~t~ et dents i aunes des restes de galet-
t. b de ces fruits caramellés, piqués
kil put d'un bâton, qu'on achetait sous
Ik
^Uraties. Alors, au milieu d'un
vPopi e qui rappelait les plus glorieuses
de la Mythologie, le cheval du
tés. S ebranla aux cris cent fois répé-
~V Evviva Veneto! Evviva Ca-
F-vviva Ven etc)! - Evviva Ca.
1
V
l'oj Ure après, les navigateurs, ivres
,~~ Odeur du crottin, contemplant les
Î^Ces H s sabots laissées par la bête
1 e sable, s'embarquèrent à nouveau
V le, Vaporet et rentrèrent dans leur
xij lèvres pleines de récits de leur
/abuleuse et rendant jaloux ceux
lent restés à la maison. Les
"doliers prédisaient un grand
a J'a Cité des Doges et, dans la
J^ée acre de leurs pipes, ils récitaient
str°S de Pétrarque.
jty. Ca k anel, peintre illustre — bientôt
• .^l^iSs^ Par la génération qui allait ido-
~~r s- Uv's de Chavannes - se trou-
de Chavannes - se trou-
t C' bateau. En descend ant, il
A C est aussi beau que le retour des
go?,„ S.
j, iautcs.
f'11 pris pension dans la famille
ca^e d'hôtel du Café Florian. Son
c-1 det, qui revenait du Lido, était,
t Ir- a» rempli de vanité :
- Tu sais, disait-il à son père, je
croyais toujours que c'était- une farce
que ce cheval du Lido!
Cinquante années après, au même en-
droit, une cité balnéaire. Où est-on? A
Newport? A Ostende? A Miami? En
quel siècle? Dans quelle planète? Est-ce
une extrême civilisation qui se meurt
dans l'excès, une confusion de style, de
lois, de sexes? L'aurore d'une barbarie
nouvelle? Une fête de la peau? Une
teinturerie dyépidermesl Une héliothéra-
pie en musique, accompagnée de bois-
sons glacées? C'est une rôtisserie de
chairs vivantes, dans une incroyable ca-
cophonie de jazz, d'hygiène et d'incon-
science, de toutes les nationalités mê-
lées.
Toute l'Europe centrale, depuis le
Rhin jusqu'au Bosphore et du Tyrol à
la Bessarabie, s'est donné rendez-vous
là pour jouer les tritons et les sirènes
de Bocklin, le peintre bâlois, ou simple-
ment pour vautrer sa graisse dans le
sable chaud, « faire son choix » de mille
formes de paresse, oublier les servitudes
des habits, des bureaux, des convenan-
ces surveillées par la police des villes.
Loin des indignations démodées des
dames de sacristie et des beautés re-
traitées.
Une vie de cocktails, de submersion,
et de piano mécanique, d'exhibitions.
ou triomphantes ou affreuses de l'ani-
mal humain, déformé par la gour-
mandise et les mauvaises positions,
mais ignorant de son ridicule lui-
sant, ou orgueilleux de sa magnifi-
cence plastique. C'est une suite d'avan-
tages et de dégradations, impudeurs et
injures à la vue, éblouissements anti-
ques, tentations foudroyantes. Ecœure-
ment. C'est la nausée de la chair. la
confusion des formes sociales marchant
sur la tête, des fusions inouïes, un effa-
rement, des effronteries ravissantes. Quel
contact terrible, quelle mêlée, quelles
comparaisons accablantes! La caricature
de la Tentation de Saint Antoine.
On a la nostalgie d'on ne sait quoi,
de la cité, là-bas, des murs lépreux,
couleur de sang et de safran, d'un
vieux châle noir à franges, d'une voix
traînante et argentée sortant des ténè,
, bres qui sentent la cannelle et qui vous
-berce d'une félicité. Nostalgie d'une
ferme avec une vache, du vieux cheval
du Lido d'il y a cinquante ans, qui
promenait les enfants de Venise dans
une petite île déserte et lépreuse.
C'était triste à pleurer.
Comme il était beau, le Lido de 1879!
Ferdinand Bac.
Une controverse scientifique 1
De la tiare de Saïtapharnès
aux Tablettes de GIOld
Il est souvent téméraire, sinon dangereux,
d'adresser des louanges aux Immortels.
Dans un de nos derniers comptes rendus
d'une séance de l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, nous avons osé dire com-
bien les érudits qui s'intéressent aux travaux
de cette sévère compagnie se réjouissaient
de voir que la ridicule affaire de Glozel était
définitivement enterrée.
Las! malgré l'heureuse diversion de M.
Abel Lefranc, qui vient de faire à l'Acadé-
mie une série de communications extrême-
ment intéressantes sur les supercheries litté-
raires, l'Affaire devait renaître de ses cen-
dres et semer à nouveau la discorde chez les
académiciens du quai de Conti, comme ce
fut le cas pour la trop fameuse tiare de Saï-
tapharnès et pour les manuscrits de Tite-
Live. A vrai dire, le bureau de cette paisible
compagnie n a pas été saisi d une demande
d'interpellation, si on peut employer ce lan-
gage parlementaire,, le cas Glozel s'est sour-
noisement introduit dans la salle des séances,
après en avoir été chassé, sous la forme d'un
simple périodique scientifique dans lequel
une toute petite note annonçait que l'Acadé-
mie avait délégué un de ses membres pour
assister à l'exploration d'une tombe trouvée
récemment à Glozel. Quoi de plus naturel t
Glozel, dont on a tant parlé, se trouve pré-
cisément à proximité de Vichy, où de nom-
breux immortels villégiaturent et, de plus,
l'heureux paysan possesseur du terrain mer-
veilleux ne passe-t-il pas pour être un hôte
fort accueillant ?
En vérité, l'Académie n'a pas de chance,
après avoir protesté énergiquement par la
voix de son secrétaire perpétuel contre le
caractère tendancieux de cette information,
glozeliens et antiglozeliens ont pris la pa
rôle. La vieille querelle recommence. Et,
déjà, on annonce une communication à ce
sujet : celle que fera vendredi prochain à
l'Académie M. Dussaud. Ajoutons que la
compagnie, dont il faut louer la prudence,
a décidé que les déclarations de cet éminent
antiglozelien seront entendues en comité se-
cret.
Après cet incident, l'Académie s'est occu-
pée de choses plus sérieuses. M. Virolleaud,
dont nous avons signalé naguère, les impor-
tantes découvertes archéologiques, a com-
menté les inscriptions cunéiformes de Quatna,
exhumées par le Comité du Mesnil du Buis-
son.
Ecrits en langue babylonienne, sur des ta-
blettes d'argile, ces textes constituent de mi-
nutieux inventaires des trésors des temples
de Quatna, qui était une ville florissante du
bassin de l'Oronte, il y a quarante siècles.
Parmi les objets inventoriés, dont le nom-
bre dépasse deux mille, il y avait notamment
une statuette d'or, représentant la déesse
sumérienne Nin-Egal, patronne de la cité;
des vases d'argent en forme de tête de tau-
reau, des lions et des poissons en or, en
lapis-lazuli, en marcassite ou en verre, et
un aigle d'or, provenant du pays de Tou-
krish, dans la région du Tigre.
Les temples de Quatna paraissent avoir été
incendiés par les conquérants égyptiens de
la dix-huitième dynastie. Les trésors mêmes
ont disparu tout entiers, mais les inventaires
qui viennent d'être si heureusement retrou-
vés ,et dont le plus long compte 380 lignes,
jettent une vive lumière sur la plus ancienne
histoire du proche Orient.
Lucien d'Autremont.
Le Quartier Général de la Légion Américaine
Ce bel édifice, d'une aickitecture curietise et gracieuse dans sa rigidité géométrique,
s'élève à Indianapolis, aux Etats-Unis. C'est là que se trouvent les services de la
Légion four la grandiose réception de laquelle Paris se prépare activement.
Notre Hôtel des Monnaies
SI le gonl des médailles venait à renaître?
Qui donc disait que notre époque est une
époque d'égoïsme, où chacun vit au jour
le jour, soucieux des seuls intérêts immé-
diats, indifférent au passé, trop absorbé par
le présent pour songer à se souvenir?
Ne voit-on point cependant, et presque
chaque jour, célébrer des anniversaires, des
-cinquantenaires, des centenaires ? Nous vi-
vons au contraire en un temps où l'on a,
sinon le culte, du moins la curiosité du
passé, de ses grandes dates.
Ces faits et ces dates, on aimait autrefois
à les consigner sur des médailles. On éter-
nisait le souvenir en frappant des pièces
commémoratives, ce qui était l'occasion de
mêler à l'histoire politique ou privée l'ex-
pression de l'art et de la beauté.
Certes, beaucoup d'anniversaires, beau-
coup d'événements sont encore l'objet d'une
médaille. Mais ce souci ne seinble-t-il pas
s'atténuer ? A-t-on perdu le goût des belles
frappes et des beaux coins ?
J'ai posé la question à M. Daly, directeur
de la Monnaie, et je lui ai demandé com-
ment s'y prenaient ceux qui voulaient faire
frapper une médaille, et quelles ressources
leur offrait la Monnaie de Paris.
- La question, m'a dit M. Daly, se pré-
sente sous deux aspects : nous avons des
médailles existantes, dont la face est frap-
pée et dont le revers, lisse, permet d'y
faire graver une date, un nom ou un sou-
venir. Et nous pouvons, d'autre part, com-
mander à des artistes des médailles spé-
1 Léda, par M. André Lavrillier
ciales et inédites. Evidemment, ceci revient
beaucoup plus cher que cela. Mais il me
semble que certains cas s'y prêteraient:
pourquoi, par exemple, quand une compa-
gnie de navigation lance un nouveau navire,
ne ferait-elle point frapper une médaille qui
serait un souvenir pour ions ? Ce serait une
dépense de quelque dix mille francs ?
Qu'est-ce que cela, auprès des millions et
des millions qu'a demandés le paquebot?
cr Nous essayons dé nous tenir au courant
des actualités. Nous avons, dans des mé-
dailles, glorifié l'aviation, la chasse, le
sport. Mais nous n'avons point encore de
médaille du cinéma ni de médaille de la
T. S. F. C'est une lacune..
« Mais il n'est pas facile 'de faire une
médaille du cinéma ou de la T. S. F, !
Qu'y mettre ? Voyez ces médailles du temps
de Louis XIV. La face représente le Grand
Roi, un profil décoratif et noble ; le revers
montre un motif didactique. Fourbes mé-
dailles modernes, c'est le plus difficile : on
a continué à faire cela tant qu'a duré le
règne dej l'allégorie. Les idées d'aujour*
d'hui s'y prêtent mal. Les médailléurs trai-
tent leurs faces comme ceux de Louis XIV
traitaient leurs revers.
« Que voulez-vous mettre sur une mé*
daille du cinéma?. Au temps de Louis XIV,
on eût évoqué une divinité plus ou moins
cmégraphique sous les traits d'une jolie
femme. Mais maintenant ? Bourdelle peut-
être réussirait le miracle. mais accepterait-
il d'e'n ten'ter'l'essai ? La sculpture est un
art, et la médaille un autre ! Alors ? Repré-
senter un, appareil de prise de vues, avec
des rayons qui se croisent? D ,
La moue dédaigneuse de M. Daly exprima
mieux que tout commentaire ce qu'il pense
d'un tel projet. Mais il poursuit :
— Et pour la T. S. F., une antenne ?
Est-ce bien décoratif ?.
« Il y aurait cependant mille occasions
de frapper des médailles : quand on fait
un grand film, par exemple, ne serait-il
pas tout indiqué d'en graver une, qui serait
un souvenir pour le metteur en scène, les
interprètes, et tous ceux qui contribuèrent
au succès ?
« Et les médailles ne remplaceraient-elles
pas avantageusement, en bien des circons-
tances, ces monuments qui encombrent la
voie publique ? Des tas de monuments et
de tombeaux du XVIe siècle ont disparu, se
sont effrités. Les médailles subsistent. Ain-
si. on ferait des économies, on sauvegarde-
rait à la fois la beauté de la voie publique
et la mémoire des morts 1
< Mais la médaille a moins de vogue
qu'autref ois. L'art du graveur en médaille
n'est pas assez développé pour que l'on
puisse en faire une spécialisation. Les
sculpteurs qui font de la médaille n'en ont
pas approfondi la technique spéciale et sont
inférieurs à leur tâche comme les écrivains
qui écrivent des scénarios. »
Et M. Daly me montre la collection des
plus belles médailles de la Monnaie : voici
Orphée, par M. L. Coudray
Henri II, .voici la médaille gravée à l'occa-
sion de la naissance du Dauphin ; celle qui
commémora, en 1667, la prise de Tournai ;
celle où Louis XV évoque la paix d'Aix-la-
Chapelle. Voici l'ascension des Montgolfier
en 1783 ; la visite à Louis XIV, en 1686, des
ambassadeurs de Siam. Quel relief, quelle
patine, quel art !
- Et les modernes ?
— Ah ! vous voulez m'attirer sur les mo-
dernes. Sans nier le talent d'aujourd'hui,
j'aime mieux les médailles anciennes. Les
modernes commémorent bien des choses
pourtant, et ce sont ces médailles-là que
l'on peut acheter pour des anniversaires ou
des souvenirs personnels : voici qui glori-
fie le mariage ; voici qui chante, si l'on
peut dire, l'aviation ; voici pour la fabrica-
tion (sic) des'enfants.
« Mais tous ces types-là sont déjà un peu
anciens. Les goûts ont évolué. On aime
maintenant surtout les médailles à fort re-
lief.
« Les jeunes viennent à nous, parce que
nous sommes très accueillants. Mais,
quand ils commencent à avoir une réelle va-
leur, ils nous lâchent : nous ne les payons
pas assez.
« Plus nous aurons d'acheteurs de mé-
dailles, plus on nous en commandera, et
plus notre budget nous permettra de faire
appel aux grands talents et de créer de
belles choses. »
Espérons donc. car, il faut bien l'avouer,
si certaines médailles modernes sont vrai-
ment d'une grande beauté, — et il en est
d'admirables, —combien d'autres, par con-
tre, sont inférieures, ô combien, à celles
que l'on frappait aux XVIIe et XVIIIe
siècles !
Nos artistes sont-ils moins grands, moins
Médaille commémorative
gravée par M. S. Prudhomme
!
consciencieux ? M. Daly ne le croit pas.
Alors ?
Alors, question d'argent, toujours?
Hélas !
I Pierre Lagarde.
M. Abel Hermant
a présidé les fêtes d'Hosségor
Tout dernièrement eurent lieu les fêtes
d'Hosségor, aux bords du célèbre lac.
Ce tut M. Abel Hermant, le dernier élu
de nos Immortels, qui les présida, entouré
de M. Huyard et de M. Joseph de Pesqui-
doux.
Il n'y eut que trois discours : celui de
M. Maxime Leroy, qui parla au nom des
Amis du lac d'Hosségor, celui de l'auteur
des Transatlantiques" qui loua en termes ai-
mables les charmes attirants des arbres, du
lac, du canal et de l'océan, et celui du fé-
librécn Charles Brun.
Ensuite, on représenta Lou Barté J la pièce
populaire gasconne de Daugé, et les son-
neurs de trompe de Sauveterre-de-Béarn se
firent entendre, sous la direction de MM.
Fébus et Claverie
Le soir le lac fut embrasé pendant que
les chanteurs de Lut Muts emplissaient le
paysage d'harmonies et de chants basques.
Bref ce furent bien des fêtes de terroir,
d'un terroir qui nye-Ft ni sans charme ni sans
saveur,
Vinconnu de Desbordes-Valmore
Àuriofls-nons retrouvé la lettre d'amour perdue
de Marceline à Olivier?
Le secret du premier amour de Mar-
celine Desbordes-Valmore a toujours pas-
sionné les admirateurs de cette femme ar-
dente et douloureuse. On a voulu savoir le
nom de son séducteur, de l'hommeMes Elé-
gies, père de son enfant, le jeune Marie-
Eugène de Bonne, mort à Bruxelles en
1816. Dans une série d'articles parus à
Comœdia (1) nous avons attiré l'attention
des critiques et des biographes sur un
musicien : Félix Blangini, qui semble être
le héros de ce triste roman. Pour nous-
même il n'y a point de doute. Parmi les
relations de Marceline, quel personnage
justifierait, en effet, le poème Un seul nom
pour deux cœurs? Blangini (Joseph-Marc-
Félix), porte les prénoms de sa maîtresse :
Jcsèphe-Marceline-Félicité.
Mais un autre « inconnu » a fortement
intéressé les valmoriens; il s'agit d'un cer-
tain Hilarion Audibert, à qui la poétesse
aurait adressé, vers 1809, deux billets —
les seuls billets d'amour que l'on connaisse,
tracés de sa main.
Le premier de ces billets figurait au cata-
logue Charavay, vente du 18 décembre
1900, sous le numéro 145; acquis par
Paul Mariéton, cet au-
tographe figure mainte-
nant au musée Galvet
d'Avignon. En voici la
copie :
Rappelle-toi bien ta
promesse, cher bien-ài-
mé, n'oublie pas que je
n'ai plus une âme que
pour t'aimer, pour te
suivre et s'attacher à
toutes tes actions.
Ne restons pas plu-
sieurs jours sans nous
voir, j'ai trop souffert.
Demain, à quatre heures,
je t'attends. Aime-moi,
petit ami, réponds à
mon cœur. Oh ! je t'en
supplie, aime-moi bien !
C'est comme si je si je
disais : Donne-moi la
vie, ton amour est plus
encore , Olivier , mon
Olivier. Tu ne sais pas
à quel point tu peux me
rendre heureuse ou mal-
heureuse.
Ce billet est écrit
comme avec fièvre; la
répétition des mots si je
révèle le trouble de la
scriptrice. Par la suite,
le nom d'Olivier, cité
deux fois, fut dissimulé
sous des traits de plu-
me, mais il est facile
de le lire pourtant. Ce
billet n'est ni daté ni si-
gné. On peut l'attribuer
à Mme Valmore. Il se-
rait sans intérêt s'il ne
nous confirmait que la
jeune femme donnait à
son amant le nom d'un
personnage fictif, qui fi-
gure dans ses premières élégies et roman-
ces. C'èst là, semble-t-il, un jeu d'amou-
reux, un badinage sans importance. Les
circonstances obligèrent sans doute aussi
les amants à dissimuler leur liaison.
Le deuxième billet est beaucoup plus
important. Depuis une trentaine d'années,
tout le monde en a parlé, personne ne l'a
vu. — à part M. Rivière. Sa trace était
perdue. Or, il avait été l'objet d'un petit
ouvrage dont voici le titre : Un épiosode peu
connu de la vie de. Marceline Desbordes-
Valmore, d'après une lettre inédite écrite
à son amant et reproduite en fac-similé,
car Louis Vérité (2).
Qui était ce Louis Vérité? Où avait-il
trouvé et comment avait-il authentifié le
billet? Où se trouvait caché le précieux
autographe, depuis 1806 ?
Cet autographe, nous venons de le re-
trouver, et grâce à l'amabilité de M. Sal-
viat. son possesseur actuel, nous en don-
nons pour la première fois la reproduction
exacte.
Le deuxième billet à Olivier est écrit
sur papier consistant, de format in-12, une
sorte de feuille d'album à tranche dorée.
Le texte est celui qu'on a toujours repro-
duit. L'écriture, assez serrée, offre bien
le dessin de l'écriture de Marceline. Mais
il n'y a pas de signature. Pour toute date :
janvier. Pas d'adresse. Cet autographe peut
être authentique comme il peut être faux.
On peut le croire authentique. Nous le
-croyons authentique.
M. Salviat, que nous remercions vive-
ment, a bien voulu nous le laisser exami-
ner. Le billet est, précisément, collé à la
dernière page de la brochure de Louis Vé-
rité. Sur le titre de cette brochure, une
dédicace : A M. X., hommage de l'au-
teur, Paul Pinson. » Ainsi, le nom véri-
table de Vérité était Pinson; et ce Pinson
a pris pour la circonstance le pseudonyme
de Vérité : il a voulu, dans le mystère
Valmore, faire surgir la Vérité, — ou ce
qu'il pensait être la vérité! C'est que Mme
Valmorç avait alors à Douai d'ardents dé-
fenseurs de sa mémoire. Que fit Pinson?
Ayant vu chez M. X. (3) le billet à Oli-
vier, il le lui emprunta, le fit photogra-
phier, et publia sa brochure. M. X. sur
son exemplaire, page 6, après les mots :
un collectionneur de nos amis, a tracé un
point .d'interrogation, puis une note (égale-
ment manuscrite), faisant savoir qu'il a
« protesté immédiatement contre l'usage de
cette lettre sans son autorisation; de plus,
au Café du Centre, devant témoins et par
devant l'auteur Pinson, il a blâmé celui-ci
de son incorrection ». Ainsi, la pauvre
Marceline, trente-sept ans après sa mort,
et dans sa ville natale, défrayait la chro-
nique du Café du Centre. D'aucuns célé-
braient fanatiquement son inattaquable
vertu; d'autres voulaient la vérité. La vé-
rité J Quelle tristesse 1
(1) Numéros des ier, 3 5 et 10 a.vril 1027.
(2) Douai, Imprimerie Delattre et Coulois, rue du
Palais, 38 et 4o (Vers juillet 1896). Le fac-simile,
au quart, et non à la moitié comme il est dit, est
défectueux, écrasé, presque illisible.
Il (3) On nous permettra de ne pas citer encore le
nom de cette notabilité douaitsienne.
¥
Au dos de l'autographe que nous repro-
duisons, une annotation a été faite par un
personnage dont l'écriture, la vilaine écri-
ture cauteleuse, ferait reculer le plus hardi
graphologue. Cette annotation fut et reste
un sujet de méditation pour les valmoriens..
La voici :
Lettre autographe de Mme Desbordes-Val-
more adressée à M. H. Audibert, ami de
Talma, secrétaire de M. de Martignac, con-
seiller d'Etat, et auteur d'ouvrages sur le
théâtre. M. Audibert, comme on le voit,
était l'amant de Mme Desbordes, actrice à
cette époque (1820-1825) de l'Odéon ; il est
appelé ici « Olivier ». (M. Audibert était
Marseillais.) Dans ses poésies, Mme Des-
bordes parle souvent d'un Olivier. « Le plus
précieux recueil du monde M, comme il est
dit dans cette lettre, était un album de mu-
sique avec paroles de M. Audibert, de cet ,
Olivier qui devait décider le sort de Mme
Desbordes ! Quant à la « jambe de bois ch k, 1
rie », je ne sais ce que c'est ; M. Audibert
n'a jamais eu, que je sache, de jambe de bois.
Le coin du feu de son amie était le coin du
feu de Mlle Délia, actrice à l'Odéon et, par
conséquent, camarade de Mme Desbordes.
xer juillet 37. E. D.
Fac-similé de la lettre retrouvée que Marceline écrivit à Olivier
(Photo « Comœdia ».)
Quel était donc ce E. D. si bien rensei-
gné? Un ami de Bruxelles, Eugène De-
croix? Eugène Desbordes? Un, Delhasse?
Qui? Le moment n'est pas encore venu
de le rechercher.
Voici le texte du document :
Janvier.
Ne viens pas samedi matin, bien-aimé, j'ai
mille courSes à faire j des visites d'obligation.
Hier} j'ai reçu celle d'un gros homme d'es-
prit tout poudré qui s'est d'abord mis Ó. deux
genoux pour demander merci, j'ai ri!. et j'ai
reçu l'hommage de ses bonbons et de ses al.
inailachs. que dis-je ! des plus précieux re-
cueils du monde puisque le nom de tout ce
que j'aime s'y trouve. J'ai baisé ce nom qui
décidera mon sort. Adieu, mon Olivier.
Et mes trois frères, mes trois amis? Ap-
porte-les-moi donc, je t'en prie; ne laisse pas
écouler un jour sans travailler, songe que tu
t'occupes de mon bonheur. le la, veux, cctte
jambe de bois chérie, ce pauvre poète dé-
chiré, et surtout ce barbier laid et intéres-
sant; que tu as bien fait de les mettre en
Espagne! ils n'ont jamais froid — viens-y,
petit ami, viens nous chauffer au soleil le
plus pur. En attendant, je te verrai samedi
au coin du feu de mon amie.
Le billet est bien de l'écriture de Mar-
celine; une écriture peut-être trop régulière
et appliquée. On y remarquera le fameux
p bouclé de la poétesse: mais elle y em-
ploie une famille d'r qu'on ne retrouvera
plus dans ses manuscrits. Absence aussi de
ces majuscules dont elle usait arbitraire-
ment, et jusque dans le corps des mots. En-
fin, le billet est formé de deux groupes
compacts de douze lignes, groupes symétri-
ques et séparés par un blanc, ce qui lais-
serait supposer l'emploi d'une grille, — à
moins encore qu'on n'ait écrit au-dessus et
au-dessous d'un pli. Et pas de signature.
Et un aspect général mystérieux, réticent,
guindé, forcé. Cet écrit, au premier coup
d'œil, inspire la méfiance.
On peut alors se rappeler le passage
d'une lettre de Marceline à son mari, Pros-
per Valmore, lettre datée du 29 juin 1839,
et dans laquelle elle lui raconte une aven.
ture de Mlle Mars :
J'ai trouvé Vars hérissée d'un nouveau
commerce, établi par la cupidité ou la mé-
chanceté. On cherche des autographes. on en
fabrique même et on les vend, ou bien on
les envoie à des amis, en y attachant une
forte rétribution. C'est Ce qui lui arrive. On
a été chez Dumas avec un de ces nouveaux
billets de banque et l'on en veut deux cents
francs. Cette lettre de Mlle Mars est censée
écrite du temps de la République, et c'est
une lettre de tendresse. Dumas était fort em-
barrassé. Comme il ne voulait ni ne pouvait
en donner deux cents francs et que c'est, de
plus, un infâme impôt qui se renouvelle sou-
vent, on a envoyé copie de la lettre à Mlle
Mars, qui n'en a pas la moindre idée ,,, luge
de ces horreurs. Quand je pense que j'ai eu
un cousin qui faisait nos écritures à no^s
tromper nous-mêmes, les cheveux me th .:'s-
sent.
Qu'est-ce encore que cette histoire-là?
D'où sort ce cousin?
Et s'il imitait les écritures de ses cousi-
nes. fabriquait-il nécessairement des lettres
de tendresse? On ne s'explique pas très
bien l'épouvante de Marceline. Il nous sem-
ble plutôt qu'ici on a pris les devants, re-
doutant l'existence de vieux Urits, (La
COMŒDIA
Gabriel ALPHAUD
Directeur
,..Une ample comédie à cent actes divers
Et dont la scène est l'univers
(LA FONTAINE.)
Tout lecteur Je COMŒDIA
contractant ou renouvelant
dès aujourd'hui
UN ABONNEMENT D'UN AN
aura droit à 1 une des
PRIMES MAGNIFIQUES
dont nous donnerons bientôt le détail
Tout lecteur de COMOEDIA
contractant ou renouvelant
dès aujourd'hui
UN ABONNEMENT D'UN AN
aura droit à 1 une des
PRIMES MAGNIFIQUES
dont nous donnerons bientôt le détail
la belle saison
Les Sirènes du Lido
..Quand, en 1879, je fis la découverte
1 'du Lido, cet événement me rappela
1116 façon saisissante la découverte de
Borique, par Christophe Colomb.
, \ous riez? Mais quand vous m'aurez
U Jusqu'au bout, vous trouverez cette
^paraison grandement justifiée. Fi.
gurez-vous un bateau vermoulu, le va*
POe du modèle de 1858, aux flancs dé-
-teints par les vagues impétueuses de la
à gUne morte, à qui le goudron, ajouté
d autres goudrons, donnait l'effet
Une vieille baleine qui eût perdu une
1. tIe de sa carapace.
était un dimanche, après une Ion-
série de pluies. Sur cette caravelle qui,
Palr une négligence regrettable du capi-
n'avait pas hissé le pavillon de
ba République de Venise, se tenait de-
jj~' à la coupée, une population, ivre
\i lOlntain. hommes, femmes et enfants,
aPpés de la Merceria et des quartiers
Pactes. Je la trouvai remplie d'un
I^Poir, et même d'une impatience lD-
^sés. L'objet de cette fièvre m'intri-
~~t d'autant plus que je ne voyais à
uOrIzon qu'une ligne grise et morne,
i cç>nfondant avec le ciel. Lentement
lit S APProchait d'un banc de sable, pe-
ae e îAle pelée, et complètement déserte,
t lllblait-il. sans une herbe, ni aucune
j.*Ce de végétation. C'est à peine si
11 distinguait à son bord deux misera-
les cabanes édifiées par des moyens de
rtune.
b Mais soudain, dans le rang des navi-
an teurs) parmi lesquels j'étais, une im-
^se clameur s'éleva. Le délire se lisait
1 tous les yeux. Les hommes agitaient
V/,rs chapeaux, poussant des cris de
eQience, les femmes, moins mesurées,
i d'une joie folle, soulevaient leurs
j f çjj ants dans leurs bras et, comme si
litbÎ eussent voulu, en une offrande de
au au Donateur, le vouer à quel.
que Vierge invisible; les plus témérai-
w» montaient sur les cordages, poui
leu>c voir la promesse du ciel.
* les matelots de Christophe Co-
I tirlllb., ce petit peuple vénitien s'était
Se et, pareil aux marins sur la
i® a~Maria, qui avaient crié : « Terra !
ana, qUl avaIentcne:« erra.
ttla! » (.acceptons pourtant avec
br den ce les mots trop historiques), ces
bra Ves gens, en fixant obstinément le
tj^ble banc de sable qui s'allongeait
i h eux, hurlaient de tous leurs pou-
t~ Qlls : « Cavallo ! Cavallo ! »
C tîUe leurs yeux découvraient, était
Hwon? quelque chose d'aussi rare, d'aussi
deileux. d'aussi désiré que l'apparition
ttl l a terre pour les audacieux compa-
s du grand Génois ? Les Vénitiens
V0v lent bien tous les jours les chevaux
k tb- rO?ze sur te façade de Saint-Marc.
C-s Us ri y croyaient pas. Pour eux,
tçjj. * des animaux mythologiques, des
fabuleux. Il faut donc bien ad-
^.re que d'apercevoir un cheval vivant
t4 it Pour eux une émotion aussi grande
»i^Ue dis-je, un événement aussi con.
"'able — que celui des gens de Co-
apercevant pour la première fois
°te de San Salvador.
^ais où était ce cavallo, ce phéno-
ttten e? A présent, on le découvrait nette-
Rte t. C'était, au bord du rivage, la mai-
bl^?arcasse d'une vieille jument, sem-
•i^i e à ces cavales faméliques qui,
à Paris, traînaient les fiacres de
1^' Sa silhouette décharnée se profi-
lait Sllr le sable, devant un char-à-banc.
*Vçc Celle d'un cocher qui devait être
tout le long de l'année, et me-
W de char ou Aurige, les beaux di-
S* Il attendait les populations
ptes qui, bientôt, se précipitèrent
~t)t 1 Pour faire le tour de l'île, don.
as^e aux admirateurs de cet uni.
4
lUç sPecimen zoologique.
t, COntment désolé était donc habita
~&p était trouvé un Robinson assez
leux pour y amener cet animal pro-
lat n un instànt, le char bran-
41t pris d'assaut. Les enfants pous-
Sut S des cris stridents, des glousse-
tilde S de joie, comme s'ils allaient esca-
lakde Uil éléphant; Ils se disputaient
ti -
V**1* du cheval. Les plus auda-
touchaient, caressaient sa cri-
graisseuse, tendaient à proximité
s S dents jaunes des restes de galet-
~t~ et dents i aunes des restes de galet-
t. b de ces fruits caramellés, piqués
kil put d'un bâton, qu'on achetait sous
Ik
^Uraties. Alors, au milieu d'un
vPopi e qui rappelait les plus glorieuses
de la Mythologie, le cheval du
tés. S ebranla aux cris cent fois répé-
~V Evviva Veneto! Evviva Ca-
F-vviva Ven etc)! - Evviva Ca.
1
V
l'oj Ure après, les navigateurs, ivres
,~~ Odeur du crottin, contemplant les
Î^Ces H s sabots laissées par la bête
1 e sable, s'embarquèrent à nouveau
V le, Vaporet et rentrèrent dans leur
xij lèvres pleines de récits de leur
/abuleuse et rendant jaloux ceux
lent restés à la maison. Les
"doliers prédisaient un grand
a J'a Cité des Doges et, dans la
J^ée acre de leurs pipes, ils récitaient
str°S de Pétrarque.
jty. Ca k anel, peintre illustre — bientôt
• .^l^iSs^ Par la génération qui allait ido-
~~r s- Uv's de Chavannes - se trou-
de Chavannes - se trou-
t C' bateau. En descend ant, il
A C est aussi beau que le retour des
go?,„ S.
j, iautcs.
f'11 pris pension dans la famille
ca^e d'hôtel du Café Florian. Son
c-1 det, qui revenait du Lido, était,
t Ir- a» rempli de vanité :
- Tu sais, disait-il à son père, je
croyais toujours que c'était- une farce
que ce cheval du Lido!
Cinquante années après, au même en-
droit, une cité balnéaire. Où est-on? A
Newport? A Ostende? A Miami? En
quel siècle? Dans quelle planète? Est-ce
une extrême civilisation qui se meurt
dans l'excès, une confusion de style, de
lois, de sexes? L'aurore d'une barbarie
nouvelle? Une fête de la peau? Une
teinturerie dyépidermesl Une héliothéra-
pie en musique, accompagnée de bois-
sons glacées? C'est une rôtisserie de
chairs vivantes, dans une incroyable ca-
cophonie de jazz, d'hygiène et d'incon-
science, de toutes les nationalités mê-
lées.
Toute l'Europe centrale, depuis le
Rhin jusqu'au Bosphore et du Tyrol à
la Bessarabie, s'est donné rendez-vous
là pour jouer les tritons et les sirènes
de Bocklin, le peintre bâlois, ou simple-
ment pour vautrer sa graisse dans le
sable chaud, « faire son choix » de mille
formes de paresse, oublier les servitudes
des habits, des bureaux, des convenan-
ces surveillées par la police des villes.
Loin des indignations démodées des
dames de sacristie et des beautés re-
traitées.
Une vie de cocktails, de submersion,
et de piano mécanique, d'exhibitions.
ou triomphantes ou affreuses de l'ani-
mal humain, déformé par la gour-
mandise et les mauvaises positions,
mais ignorant de son ridicule lui-
sant, ou orgueilleux de sa magnifi-
cence plastique. C'est une suite d'avan-
tages et de dégradations, impudeurs et
injures à la vue, éblouissements anti-
ques, tentations foudroyantes. Ecœure-
ment. C'est la nausée de la chair. la
confusion des formes sociales marchant
sur la tête, des fusions inouïes, un effa-
rement, des effronteries ravissantes. Quel
contact terrible, quelle mêlée, quelles
comparaisons accablantes! La caricature
de la Tentation de Saint Antoine.
On a la nostalgie d'on ne sait quoi,
de la cité, là-bas, des murs lépreux,
couleur de sang et de safran, d'un
vieux châle noir à franges, d'une voix
traînante et argentée sortant des ténè,
, bres qui sentent la cannelle et qui vous
-berce d'une félicité. Nostalgie d'une
ferme avec une vache, du vieux cheval
du Lido d'il y a cinquante ans, qui
promenait les enfants de Venise dans
une petite île déserte et lépreuse.
C'était triste à pleurer.
Comme il était beau, le Lido de 1879!
Ferdinand Bac.
Une controverse scientifique 1
De la tiare de Saïtapharnès
aux Tablettes de GIOld
Il est souvent téméraire, sinon dangereux,
d'adresser des louanges aux Immortels.
Dans un de nos derniers comptes rendus
d'une séance de l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, nous avons osé dire com-
bien les érudits qui s'intéressent aux travaux
de cette sévère compagnie se réjouissaient
de voir que la ridicule affaire de Glozel était
définitivement enterrée.
Las! malgré l'heureuse diversion de M.
Abel Lefranc, qui vient de faire à l'Acadé-
mie une série de communications extrême-
ment intéressantes sur les supercheries litté-
raires, l'Affaire devait renaître de ses cen-
dres et semer à nouveau la discorde chez les
académiciens du quai de Conti, comme ce
fut le cas pour la trop fameuse tiare de Saï-
tapharnès et pour les manuscrits de Tite-
Live. A vrai dire, le bureau de cette paisible
compagnie n a pas été saisi d une demande
d'interpellation, si on peut employer ce lan-
gage parlementaire,, le cas Glozel s'est sour-
noisement introduit dans la salle des séances,
après en avoir été chassé, sous la forme d'un
simple périodique scientifique dans lequel
une toute petite note annonçait que l'Acadé-
mie avait délégué un de ses membres pour
assister à l'exploration d'une tombe trouvée
récemment à Glozel. Quoi de plus naturel t
Glozel, dont on a tant parlé, se trouve pré-
cisément à proximité de Vichy, où de nom-
breux immortels villégiaturent et, de plus,
l'heureux paysan possesseur du terrain mer-
veilleux ne passe-t-il pas pour être un hôte
fort accueillant ?
En vérité, l'Académie n'a pas de chance,
après avoir protesté énergiquement par la
voix de son secrétaire perpétuel contre le
caractère tendancieux de cette information,
glozeliens et antiglozeliens ont pris la pa
rôle. La vieille querelle recommence. Et,
déjà, on annonce une communication à ce
sujet : celle que fera vendredi prochain à
l'Académie M. Dussaud. Ajoutons que la
compagnie, dont il faut louer la prudence,
a décidé que les déclarations de cet éminent
antiglozelien seront entendues en comité se-
cret.
Après cet incident, l'Académie s'est occu-
pée de choses plus sérieuses. M. Virolleaud,
dont nous avons signalé naguère, les impor-
tantes découvertes archéologiques, a com-
menté les inscriptions cunéiformes de Quatna,
exhumées par le Comité du Mesnil du Buis-
son.
Ecrits en langue babylonienne, sur des ta-
blettes d'argile, ces textes constituent de mi-
nutieux inventaires des trésors des temples
de Quatna, qui était une ville florissante du
bassin de l'Oronte, il y a quarante siècles.
Parmi les objets inventoriés, dont le nom-
bre dépasse deux mille, il y avait notamment
une statuette d'or, représentant la déesse
sumérienne Nin-Egal, patronne de la cité;
des vases d'argent en forme de tête de tau-
reau, des lions et des poissons en or, en
lapis-lazuli, en marcassite ou en verre, et
un aigle d'or, provenant du pays de Tou-
krish, dans la région du Tigre.
Les temples de Quatna paraissent avoir été
incendiés par les conquérants égyptiens de
la dix-huitième dynastie. Les trésors mêmes
ont disparu tout entiers, mais les inventaires
qui viennent d'être si heureusement retrou-
vés ,et dont le plus long compte 380 lignes,
jettent une vive lumière sur la plus ancienne
histoire du proche Orient.
Lucien d'Autremont.
Le Quartier Général de la Légion Américaine
Ce bel édifice, d'une aickitecture curietise et gracieuse dans sa rigidité géométrique,
s'élève à Indianapolis, aux Etats-Unis. C'est là que se trouvent les services de la
Légion four la grandiose réception de laquelle Paris se prépare activement.
Notre Hôtel des Monnaies
SI le gonl des médailles venait à renaître?
Qui donc disait que notre époque est une
époque d'égoïsme, où chacun vit au jour
le jour, soucieux des seuls intérêts immé-
diats, indifférent au passé, trop absorbé par
le présent pour songer à se souvenir?
Ne voit-on point cependant, et presque
chaque jour, célébrer des anniversaires, des
-cinquantenaires, des centenaires ? Nous vi-
vons au contraire en un temps où l'on a,
sinon le culte, du moins la curiosité du
passé, de ses grandes dates.
Ces faits et ces dates, on aimait autrefois
à les consigner sur des médailles. On éter-
nisait le souvenir en frappant des pièces
commémoratives, ce qui était l'occasion de
mêler à l'histoire politique ou privée l'ex-
pression de l'art et de la beauté.
Certes, beaucoup d'anniversaires, beau-
coup d'événements sont encore l'objet d'une
médaille. Mais ce souci ne seinble-t-il pas
s'atténuer ? A-t-on perdu le goût des belles
frappes et des beaux coins ?
J'ai posé la question à M. Daly, directeur
de la Monnaie, et je lui ai demandé com-
ment s'y prenaient ceux qui voulaient faire
frapper une médaille, et quelles ressources
leur offrait la Monnaie de Paris.
- La question, m'a dit M. Daly, se pré-
sente sous deux aspects : nous avons des
médailles existantes, dont la face est frap-
pée et dont le revers, lisse, permet d'y
faire graver une date, un nom ou un sou-
venir. Et nous pouvons, d'autre part, com-
mander à des artistes des médailles spé-
1 Léda, par M. André Lavrillier
ciales et inédites. Evidemment, ceci revient
beaucoup plus cher que cela. Mais il me
semble que certains cas s'y prêteraient:
pourquoi, par exemple, quand une compa-
gnie de navigation lance un nouveau navire,
ne ferait-elle point frapper une médaille qui
serait un souvenir pour ions ? Ce serait une
dépense de quelque dix mille francs ?
Qu'est-ce que cela, auprès des millions et
des millions qu'a demandés le paquebot?
cr Nous essayons dé nous tenir au courant
des actualités. Nous avons, dans des mé-
dailles, glorifié l'aviation, la chasse, le
sport. Mais nous n'avons point encore de
médaille du cinéma ni de médaille de la
T. S. F. C'est une lacune..
« Mais il n'est pas facile 'de faire une
médaille du cinéma ou de la T. S. F, !
Qu'y mettre ? Voyez ces médailles du temps
de Louis XIV. La face représente le Grand
Roi, un profil décoratif et noble ; le revers
montre un motif didactique. Fourbes mé-
dailles modernes, c'est le plus difficile : on
a continué à faire cela tant qu'a duré le
règne dej l'allégorie. Les idées d'aujour*
d'hui s'y prêtent mal. Les médailléurs trai-
tent leurs faces comme ceux de Louis XIV
traitaient leurs revers.
« Que voulez-vous mettre sur une mé*
daille du cinéma?. Au temps de Louis XIV,
on eût évoqué une divinité plus ou moins
cmégraphique sous les traits d'une jolie
femme. Mais maintenant ? Bourdelle peut-
être réussirait le miracle. mais accepterait-
il d'e'n ten'ter'l'essai ? La sculpture est un
art, et la médaille un autre ! Alors ? Repré-
senter un, appareil de prise de vues, avec
des rayons qui se croisent? D ,
La moue dédaigneuse de M. Daly exprima
mieux que tout commentaire ce qu'il pense
d'un tel projet. Mais il poursuit :
— Et pour la T. S. F., une antenne ?
Est-ce bien décoratif ?.
« Il y aurait cependant mille occasions
de frapper des médailles : quand on fait
un grand film, par exemple, ne serait-il
pas tout indiqué d'en graver une, qui serait
un souvenir pour le metteur en scène, les
interprètes, et tous ceux qui contribuèrent
au succès ?
« Et les médailles ne remplaceraient-elles
pas avantageusement, en bien des circons-
tances, ces monuments qui encombrent la
voie publique ? Des tas de monuments et
de tombeaux du XVIe siècle ont disparu, se
sont effrités. Les médailles subsistent. Ain-
si. on ferait des économies, on sauvegarde-
rait à la fois la beauté de la voie publique
et la mémoire des morts 1
< Mais la médaille a moins de vogue
qu'autref ois. L'art du graveur en médaille
n'est pas assez développé pour que l'on
puisse en faire une spécialisation. Les
sculpteurs qui font de la médaille n'en ont
pas approfondi la technique spéciale et sont
inférieurs à leur tâche comme les écrivains
qui écrivent des scénarios. »
Et M. Daly me montre la collection des
plus belles médailles de la Monnaie : voici
Orphée, par M. L. Coudray
Henri II, .voici la médaille gravée à l'occa-
sion de la naissance du Dauphin ; celle qui
commémora, en 1667, la prise de Tournai ;
celle où Louis XV évoque la paix d'Aix-la-
Chapelle. Voici l'ascension des Montgolfier
en 1783 ; la visite à Louis XIV, en 1686, des
ambassadeurs de Siam. Quel relief, quelle
patine, quel art !
- Et les modernes ?
— Ah ! vous voulez m'attirer sur les mo-
dernes. Sans nier le talent d'aujourd'hui,
j'aime mieux les médailles anciennes. Les
modernes commémorent bien des choses
pourtant, et ce sont ces médailles-là que
l'on peut acheter pour des anniversaires ou
des souvenirs personnels : voici qui glori-
fie le mariage ; voici qui chante, si l'on
peut dire, l'aviation ; voici pour la fabrica-
tion (sic) des'enfants.
« Mais tous ces types-là sont déjà un peu
anciens. Les goûts ont évolué. On aime
maintenant surtout les médailles à fort re-
lief.
« Les jeunes viennent à nous, parce que
nous sommes très accueillants. Mais,
quand ils commencent à avoir une réelle va-
leur, ils nous lâchent : nous ne les payons
pas assez.
« Plus nous aurons d'acheteurs de mé-
dailles, plus on nous en commandera, et
plus notre budget nous permettra de faire
appel aux grands talents et de créer de
belles choses. »
Espérons donc. car, il faut bien l'avouer,
si certaines médailles modernes sont vrai-
ment d'une grande beauté, — et il en est
d'admirables, —combien d'autres, par con-
tre, sont inférieures, ô combien, à celles
que l'on frappait aux XVIIe et XVIIIe
siècles !
Nos artistes sont-ils moins grands, moins
Médaille commémorative
gravée par M. S. Prudhomme
!
consciencieux ? M. Daly ne le croit pas.
Alors ?
Alors, question d'argent, toujours?
Hélas !
I Pierre Lagarde.
M. Abel Hermant
a présidé les fêtes d'Hosségor
Tout dernièrement eurent lieu les fêtes
d'Hosségor, aux bords du célèbre lac.
Ce tut M. Abel Hermant, le dernier élu
de nos Immortels, qui les présida, entouré
de M. Huyard et de M. Joseph de Pesqui-
doux.
Il n'y eut que trois discours : celui de
M. Maxime Leroy, qui parla au nom des
Amis du lac d'Hosségor, celui de l'auteur
des Transatlantiques" qui loua en termes ai-
mables les charmes attirants des arbres, du
lac, du canal et de l'océan, et celui du fé-
librécn Charles Brun.
Ensuite, on représenta Lou Barté J la pièce
populaire gasconne de Daugé, et les son-
neurs de trompe de Sauveterre-de-Béarn se
firent entendre, sous la direction de MM.
Fébus et Claverie
Le soir le lac fut embrasé pendant que
les chanteurs de Lut Muts emplissaient le
paysage d'harmonies et de chants basques.
Bref ce furent bien des fêtes de terroir,
d'un terroir qui nye-Ft ni sans charme ni sans
saveur,
Vinconnu de Desbordes-Valmore
Àuriofls-nons retrouvé la lettre d'amour perdue
de Marceline à Olivier?
Le secret du premier amour de Mar-
celine Desbordes-Valmore a toujours pas-
sionné les admirateurs de cette femme ar-
dente et douloureuse. On a voulu savoir le
nom de son séducteur, de l'hommeMes Elé-
gies, père de son enfant, le jeune Marie-
Eugène de Bonne, mort à Bruxelles en
1816. Dans une série d'articles parus à
Comœdia (1) nous avons attiré l'attention
des critiques et des biographes sur un
musicien : Félix Blangini, qui semble être
le héros de ce triste roman. Pour nous-
même il n'y a point de doute. Parmi les
relations de Marceline, quel personnage
justifierait, en effet, le poème Un seul nom
pour deux cœurs? Blangini (Joseph-Marc-
Félix), porte les prénoms de sa maîtresse :
Jcsèphe-Marceline-Félicité.
Mais un autre « inconnu » a fortement
intéressé les valmoriens; il s'agit d'un cer-
tain Hilarion Audibert, à qui la poétesse
aurait adressé, vers 1809, deux billets —
les seuls billets d'amour que l'on connaisse,
tracés de sa main.
Le premier de ces billets figurait au cata-
logue Charavay, vente du 18 décembre
1900, sous le numéro 145; acquis par
Paul Mariéton, cet au-
tographe figure mainte-
nant au musée Galvet
d'Avignon. En voici la
copie :
Rappelle-toi bien ta
promesse, cher bien-ài-
mé, n'oublie pas que je
n'ai plus une âme que
pour t'aimer, pour te
suivre et s'attacher à
toutes tes actions.
Ne restons pas plu-
sieurs jours sans nous
voir, j'ai trop souffert.
Demain, à quatre heures,
je t'attends. Aime-moi,
petit ami, réponds à
mon cœur. Oh ! je t'en
supplie, aime-moi bien !
C'est comme si je si je
disais : Donne-moi la
vie, ton amour est plus
encore , Olivier , mon
Olivier. Tu ne sais pas
à quel point tu peux me
rendre heureuse ou mal-
heureuse.
Ce billet est écrit
comme avec fièvre; la
répétition des mots si je
révèle le trouble de la
scriptrice. Par la suite,
le nom d'Olivier, cité
deux fois, fut dissimulé
sous des traits de plu-
me, mais il est facile
de le lire pourtant. Ce
billet n'est ni daté ni si-
gné. On peut l'attribuer
à Mme Valmore. Il se-
rait sans intérêt s'il ne
nous confirmait que la
jeune femme donnait à
son amant le nom d'un
personnage fictif, qui fi-
gure dans ses premières élégies et roman-
ces. C'èst là, semble-t-il, un jeu d'amou-
reux, un badinage sans importance. Les
circonstances obligèrent sans doute aussi
les amants à dissimuler leur liaison.
Le deuxième billet est beaucoup plus
important. Depuis une trentaine d'années,
tout le monde en a parlé, personne ne l'a
vu. — à part M. Rivière. Sa trace était
perdue. Or, il avait été l'objet d'un petit
ouvrage dont voici le titre : Un épiosode peu
connu de la vie de. Marceline Desbordes-
Valmore, d'après une lettre inédite écrite
à son amant et reproduite en fac-similé,
car Louis Vérité (2).
Qui était ce Louis Vérité? Où avait-il
trouvé et comment avait-il authentifié le
billet? Où se trouvait caché le précieux
autographe, depuis 1806 ?
Cet autographe, nous venons de le re-
trouver, et grâce à l'amabilité de M. Sal-
viat. son possesseur actuel, nous en don-
nons pour la première fois la reproduction
exacte.
Le deuxième billet à Olivier est écrit
sur papier consistant, de format in-12, une
sorte de feuille d'album à tranche dorée.
Le texte est celui qu'on a toujours repro-
duit. L'écriture, assez serrée, offre bien
le dessin de l'écriture de Marceline. Mais
il n'y a pas de signature. Pour toute date :
janvier. Pas d'adresse. Cet autographe peut
être authentique comme il peut être faux.
On peut le croire authentique. Nous le
-croyons authentique.
M. Salviat, que nous remercions vive-
ment, a bien voulu nous le laisser exami-
ner. Le billet est, précisément, collé à la
dernière page de la brochure de Louis Vé-
rité. Sur le titre de cette brochure, une
dédicace : A M. X., hommage de l'au-
teur, Paul Pinson. » Ainsi, le nom véri-
table de Vérité était Pinson; et ce Pinson
a pris pour la circonstance le pseudonyme
de Vérité : il a voulu, dans le mystère
Valmore, faire surgir la Vérité, — ou ce
qu'il pensait être la vérité! C'est que Mme
Valmorç avait alors à Douai d'ardents dé-
fenseurs de sa mémoire. Que fit Pinson?
Ayant vu chez M. X. (3) le billet à Oli-
vier, il le lui emprunta, le fit photogra-
phier, et publia sa brochure. M. X. sur
son exemplaire, page 6, après les mots :
un collectionneur de nos amis, a tracé un
point .d'interrogation, puis une note (égale-
ment manuscrite), faisant savoir qu'il a
« protesté immédiatement contre l'usage de
cette lettre sans son autorisation; de plus,
au Café du Centre, devant témoins et par
devant l'auteur Pinson, il a blâmé celui-ci
de son incorrection ». Ainsi, la pauvre
Marceline, trente-sept ans après sa mort,
et dans sa ville natale, défrayait la chro-
nique du Café du Centre. D'aucuns célé-
braient fanatiquement son inattaquable
vertu; d'autres voulaient la vérité. La vé-
rité J Quelle tristesse 1
(1) Numéros des ier, 3 5 et 10 a.vril 1027.
(2) Douai, Imprimerie Delattre et Coulois, rue du
Palais, 38 et 4o (Vers juillet 1896). Le fac-simile,
au quart, et non à la moitié comme il est dit, est
défectueux, écrasé, presque illisible.
Il (3) On nous permettra de ne pas citer encore le
nom de cette notabilité douaitsienne.
¥
Au dos de l'autographe que nous repro-
duisons, une annotation a été faite par un
personnage dont l'écriture, la vilaine écri-
ture cauteleuse, ferait reculer le plus hardi
graphologue. Cette annotation fut et reste
un sujet de méditation pour les valmoriens..
La voici :
Lettre autographe de Mme Desbordes-Val-
more adressée à M. H. Audibert, ami de
Talma, secrétaire de M. de Martignac, con-
seiller d'Etat, et auteur d'ouvrages sur le
théâtre. M. Audibert, comme on le voit,
était l'amant de Mme Desbordes, actrice à
cette époque (1820-1825) de l'Odéon ; il est
appelé ici « Olivier ». (M. Audibert était
Marseillais.) Dans ses poésies, Mme Des-
bordes parle souvent d'un Olivier. « Le plus
précieux recueil du monde M, comme il est
dit dans cette lettre, était un album de mu-
sique avec paroles de M. Audibert, de cet ,
Olivier qui devait décider le sort de Mme
Desbordes ! Quant à la « jambe de bois ch k, 1
rie », je ne sais ce que c'est ; M. Audibert
n'a jamais eu, que je sache, de jambe de bois.
Le coin du feu de son amie était le coin du
feu de Mlle Délia, actrice à l'Odéon et, par
conséquent, camarade de Mme Desbordes.
xer juillet 37. E. D.
Fac-similé de la lettre retrouvée que Marceline écrivit à Olivier
(Photo « Comœdia ».)
Quel était donc ce E. D. si bien rensei-
gné? Un ami de Bruxelles, Eugène De-
croix? Eugène Desbordes? Un, Delhasse?
Qui? Le moment n'est pas encore venu
de le rechercher.
Voici le texte du document :
Janvier.
Ne viens pas samedi matin, bien-aimé, j'ai
mille courSes à faire j des visites d'obligation.
Hier} j'ai reçu celle d'un gros homme d'es-
prit tout poudré qui s'est d'abord mis Ó. deux
genoux pour demander merci, j'ai ri!. et j'ai
reçu l'hommage de ses bonbons et de ses al.
inailachs. que dis-je ! des plus précieux re-
cueils du monde puisque le nom de tout ce
que j'aime s'y trouve. J'ai baisé ce nom qui
décidera mon sort. Adieu, mon Olivier.
Et mes trois frères, mes trois amis? Ap-
porte-les-moi donc, je t'en prie; ne laisse pas
écouler un jour sans travailler, songe que tu
t'occupes de mon bonheur. le la, veux, cctte
jambe de bois chérie, ce pauvre poète dé-
chiré, et surtout ce barbier laid et intéres-
sant; que tu as bien fait de les mettre en
Espagne! ils n'ont jamais froid — viens-y,
petit ami, viens nous chauffer au soleil le
plus pur. En attendant, je te verrai samedi
au coin du feu de mon amie.
Le billet est bien de l'écriture de Mar-
celine; une écriture peut-être trop régulière
et appliquée. On y remarquera le fameux
p bouclé de la poétesse: mais elle y em-
ploie une famille d'r qu'on ne retrouvera
plus dans ses manuscrits. Absence aussi de
ces majuscules dont elle usait arbitraire-
ment, et jusque dans le corps des mots. En-
fin, le billet est formé de deux groupes
compacts de douze lignes, groupes symétri-
ques et séparés par un blanc, ce qui lais-
serait supposer l'emploi d'une grille, — à
moins encore qu'on n'ait écrit au-dessus et
au-dessous d'un pli. Et pas de signature.
Et un aspect général mystérieux, réticent,
guindé, forcé. Cet écrit, au premier coup
d'œil, inspire la méfiance.
On peut alors se rappeler le passage
d'une lettre de Marceline à son mari, Pros-
per Valmore, lettre datée du 29 juin 1839,
et dans laquelle elle lui raconte une aven.
ture de Mlle Mars :
J'ai trouvé Vars hérissée d'un nouveau
commerce, établi par la cupidité ou la mé-
chanceté. On cherche des autographes. on en
fabrique même et on les vend, ou bien on
les envoie à des amis, en y attachant une
forte rétribution. C'est Ce qui lui arrive. On
a été chez Dumas avec un de ces nouveaux
billets de banque et l'on en veut deux cents
francs. Cette lettre de Mlle Mars est censée
écrite du temps de la République, et c'est
une lettre de tendresse. Dumas était fort em-
barrassé. Comme il ne voulait ni ne pouvait
en donner deux cents francs et que c'est, de
plus, un infâme impôt qui se renouvelle sou-
vent, on a envoyé copie de la lettre à Mlle
Mars, qui n'en a pas la moindre idée ,,, luge
de ces horreurs. Quand je pense que j'ai eu
un cousin qui faisait nos écritures à no^s
tromper nous-mêmes, les cheveux me th .:'s-
sent.
Qu'est-ce encore que cette histoire-là?
D'où sort ce cousin?
Et s'il imitait les écritures de ses cousi-
nes. fabriquait-il nécessairement des lettres
de tendresse? On ne s'explique pas très
bien l'épouvante de Marceline. Il nous sem-
ble plutôt qu'ici on a pris les devants, re-
doutant l'existence de vieux Urits, (La
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