Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1928-07-07
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 07 juillet 1928 07 juillet 1928
Description : 1928/07/07 (A22,N5661). 1928/07/07 (A22,N5661).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7649084f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/05/2015
1 - 1
22e ANNEE. - No 5661. III LF NUMÉRO : CINOUANTE CENTIMES IT FTF/ ms~9 - TÂt » T»n nn A* M C A MJTTïT 7 TTTTT T ITT 1 OOO
Oahriel ALPHAUD
Direetev/r -
1 ,'. ,,:,.'
Ï. : 1: k..Une ample comédie aux cent actes divers
Et dont la scène est l'univers.
- 1 (LA FONTAINE.)
COMŒDIA
publie - : -
un supplément illustré de luxe
consacré
au 18e Salon
des Artistes Décorateurs
A propos de LouVain,
nous a^ons posé la question
du "silence" des Allemands.
Nous publierons demain
la réponse
d'ALFRED KERR
La compétition pour le Prix Brieux
Impression d'un membre de la Commission
1. par Henry BORDEAUX
I
Le voici donc enfin donné. L'Aca-
démie française, après deux ans, s'est
décidée, et non sans peine. Il ne
saurait y avoir aucun inconvénient à
publier ici les impressions d'un mem-
bre de la commission.. Et peut-être
ne seront-elles pas tout à fait inutiles
à l'orientation de notre art dramati-
- que.
Tout d'abord, rappelons le libellé
exact du concours sur l'annuaire de
l'Institut :
PRIX BRIEUX (30.000 FRANCS)
Prorogé
Ce prix biennal sera attaché à l'au-
teur d'une pièce de théâtre en trois
actes an moins, à tendances sociales
et moralisatrices, quelles qu'en seunt
les opilliolls politiques, mais ne pré-
sentant aucun caractère de pamphlet.
Cette pièce sera choisie ou parmi cel-
les qui auront été représentées en
France au cours des deux années iyré-
cédentes, ou parmi celles, publiéom
pendant ces deux années ou restées ma-
nuscrites, que VAcadémie choisira.
L'àitteur deiira être Feaitf aiï.
Si l'Académie ne trouve aucune
pièce à laquelle, le prix puisse être
attribué, elle disposera de la somme
de trente mille francs au mieux des
intérêts de la haute littérature drama-
tique.
Ce prix ne sera pas partagé.
Deux cents pièces avaient été pré-
sentées en 1927. La commission,
après leur examen, avait été d'avis
d'ajourner sa décision. Ce fut alors
une avalanche. Quatre cents ouvra-
ges dramatiques, la plupart manus-
crits, furent déposés à l'Institut. Les
auteurs prenaient une revanche écla-
tante. Ils se déclaraient impitoyables
et innombrables. Ils exigeaient une
indigestion de lecture.
Et précisément n 'y a-t-il pas, avant
d'aborder le fond du débat, quelque
inconvenance dans l'envoi des manus-
crits illisibles, couverts de ratures,
ou dactylographiés par des novices,
en texte serré, comme il s'en est
beaucoup trop rencontré? Les direc-
teurs de revues, les maisons d'édi-
tion, les directeurs de théâtre exi-
gent des copies d'une lecture aisée.
La plus élémentaire politesse com-
mandait de ne pas abuser des yeux,
souvent fatigués par le travail intel-
lectuel, des quelques académiciens
qui composent la commission. Faut-il
4 voir là un exemple de plus de l'enva-
hissement de nos moeurs par l'irres-
pect démocratique? Mais je connais
— telles la Suède et la Suisse — des
démocraties policées.
De temps à autre, quelque chroni-
queur amuse la galerie avec le tarif
dérisoire des jetons ou des mensua-
lités académiques, en contraste avec
l'opulence du budget spécialement,
trop spécialement destiné à la bien-
faisance. Mais du travail académique
il n'est guère question. Or la série
ininterrompue des legs vient de char-
ger d'année en année, au point que,
du train dont vont les donations, ce
travail risque de devenir, pour nos
successeurs, écrasant. Peut - être
l'Académie n 'a-t-elle pas été créée
dans ce but. Mais c'est une autre
question. -
*
'A en juger par cette armée de pré.
tendants, le goût du théâtre en
France est en pleine ferveur. Six
cents concurrents : c'est un chiffre.
Six cents autres auteurs dramatiques,
la plupart totalement inconnus. C'est,
peut-être, qu'il n'y a plus d'ama-
teurs. Autrefois, l'amateur cultivait
tendrement, dans son privé, l'amour
des lettres et m'en faisait point con-
fidence au public. Parce qu'il se plai-
sait dans la lecture, il ne se jugeait
pas écrivain. Ces amateurs-là étaient
souvent les meilleurs critiques. Ré-
pandus sur tout le territoire, sans se
connaître, ils jugeaient pareillement.
Ils faisaient les réputations, ou les
défaisaient quand elles leur arrivaient
grossies et faussées. Je crains fort
qu'il n'y en ait plus. Ils se sont
tous mués en écrivains, et souvent en
méchants écrivains. Car il ne suffit
pas d'aimer la littérature pour savoir
écrire et posséder en partage l'indis-
pensable don de créer la vie.
Et tout de même n 'y a-t-il pas, cnez
beaucoup, une certaine outrecuidance
à se croire dignes d'obtenir la plus
haute récompense réservée jusqu'ici
aux œuvres dramatiques et à faire
acte de candidat avec des pièces qui,
manifestement, ne peuvent être pri-
ses que pour des ébauches? J'appar-
tiens à ces temps préhistoriques où
les prix littéraires n'existaient pas,
ou n'existaient guère. Même le prix
Goncourt n'obtenait, dans nos mi-
lieux, qu'une curiosité assez indiffé-
rente. Les prix n'intervenaient pas
dans la destinée des écrivains. On
débutait avec un tirage de quinze
cents ou deux mille exemplaires, sur
lesquels l'éditeur munificent versait,
après des comptes compliqués, six
ou huit cents francs, et l'on s'esti-
mait heureux.
Il n'y avait alors ni réclame, ni
tapage, ni concours. Mais il y avait
des critiques, et il y avait ce public
d'amateurs choisis dont je parlais
tout à l'heure pour le regretter.
L'avancement était plus lent, plus ré-
gulier. Il se faisait au choix des cri-
tiques et des amateurs lettrés. Il
n'était pas subit, immédiat, fou-
droyant, provocant. N'y a-t-il pas, ert
effet, quelque injustice dans ce résul-
tat d'un concours qui éclaire bruta-
lement, comme un jet de réflecteur,
un auteur unique, tandis que-son ou-
vrage, la plupart du temps, n'est pas
sensiblement supérieur^ quand il l'est,,
à ceux de ses concurrents moins favo-
risés?.
Mais ne conviendrait-il pas d'en
venir enfin au prix Brieux? Lj'Acadé-
mie aurait souhaité de faire une dé-
couverte, de couronner le génie in-
connu. Tandis que l'Exaltation de
M. Edouard Schneider a été repré-
sentée le 14 février 1928 par Je
théâtre de la Comédie à Genève et
publiée par L'Illustration du 14 avril.
La Comédie de Genève est un excel-
lent théâtre qui joue les meilleures
nouveautés françaises et qui a créé
nombre d'ouvrages intéressants de
France et de l'étranger.. Elle sert,
sous la direction de M. Fournier,
cette vie intellectuelle genevoise qui
se presse autour de la Société des
Nations. Mais l'Exaltation avait été
déposée aux bureaux de l'Institut
avant d'être jouée et publiée. Dans
le Journal de Genève, lors de la re-
présentation, Mme Noëlle Roger avait
rappelé dans quelles circonstances la
pièce fut écrite pour la Duse :
« En 1921, une chambre d'hôtel, à
Merano (Haut-Adige), et la Duse qui
écoute avec une attention passion-
née la lecture du scénario de l'Exal-
tation. Elle est prise. Peut-être se
retrouve-t-elle dans cette femme
meurtrie par l'amour humain. Son
émotion la bouleverse au point qu'elle
doit quitter la chambre après le
deuxième acte. Et quand elle revient,
c'est pour dire à l'auteur ébloui :
« Oh! oui, je la jouerai 1 »
- h Et ëllé ajoute'avec des larmes *
« — Si vous saviez. ce drainé,
comme il est vrai, comme il me pa-
raît l'image de ma vie!
« La Duse avait soixante et un
ans dans ce temps-là. Cette pièce se-
rait son adieu. Déjà elle appelait le
troisième acte « mon adagio ». Et
elle pressait l'auteur de l'écrire. Elle
ne pouvait attendre, celle qui disait
parfois : « J'aurais dû mourir il y a
vingt ans. » L'écrivain, comme
malgré lui, se mit à sa table. La
Duse était là, tout près, sa vertu
d'animatrice décuplée par son désir.
Et l'Exaltation fut achevée en trois
semaines.
« Pendant le peu d'années que la
Duse devait vivre encore, années de
misères et de difficultés, où la - gé-
niale artiste luttait contre la fatigue,
le découragement, Pindifférence dés
impresarii ruinés par l'après-guerre,
M. Eugène Brieux
elle ne cessa de songer à cette pièce
qu'elle rêvait de créer avant de quit-
ter le théâtre. * La destinée en décida
autrement. La Duse, contrainte d'ac-
cepter une tournée en Amérique,
mourut à bout de forces, à Pittsburg,
en 1924. ,.
« L'Exallation, qu'elle. avait aimée,
écrite dans l'atmosphère d'énergie
spirituelle que répandait sa présence,
apporte comme un dernier message
de la grande artiste tout mêlé à cette
œuvre. » , , :.
Le nom de M., douard Schneider
est connu et aimé pour ses belles
études sur l'Italie, pour son Fra An-
gelico, .pour ses Heures bénédictines.
Mais il s'était aussi révélé auteur
dramatique avec les Mages sans étoi-
les, joués à l'Odéon, en 1911, et le
Dieu d'argile. Il ramène au théâtre
les conflits de la religion et de la
passion. L'Exaltation est ainsi une
œuvre toute de noblesse et de gran-
deur. Une femme a quitté son mari
et sa fille pour suivre son amour. Son
amant, son mari sont morts. Elle est
hantée par le désir de retrouver, de
reprendre sa fille, le seul être qui
lui reste au monde. Celle-ci est en-
trée dans un noviciat. C'est là qu'elle
reçoit sa mère. La supérieure laisse
libre les deux femmes. Et c'est le
heurt de leurs deux amours, le divin
et l'humain, chacune cherchant à se
faire comprendre de l'autre et n'y
parvenant pas. Sans doute la repré-
sentation d'une telle œuvre réclame-,
t-elle des spectateurs cet état de sen-
sibilité que les amateurs de musique
apportent naturellement au concert.
Mais ne peut-on l'apporter pareille-
ment au théâtre?
Henry BORDEAUX,
de l'Académie française.
(La fin à demain.)
Nous publierons demain
une nouvelle liste d'adhé-
sions à notre projet
d'un Automobile Club des
—- : Artistes :--:.-
L'église d'Elisabethville
Ce cliché donne un aspect de cette
église de ciment armé et sculpté que
notre collaborateur} M. ¡.-P. Liausu
a décrit récemment. On remarquera
les analogies ogivales de la nef , 'entre-
vue à droite.
Un prix littéraire
de 50.000 francs
Nous avons reçu la note suivante:
.,--L"éîfiteur' Figuièr, vient dé< décider
la création d'un, prix de cinquante
mille francs qui portera son nom et
qui sera attribué le 7 Octobre prochain
au meilleur roman parti depuis: trois
ans d'un écrivain de moitis de quaran-
te ans n'ayant pas déjà -été, couronné
et publié par uimporte quel éditeur
français. ï
Le jury qui iomprendra dix mem-
bres est actuellement en formation. M..
Figuière a demandé à M. Charles Da.
niélou d'en prendre la- présidence, ti
a d'autre part reçu les adhésions de
MM. Louis Barthou, Edouard Herriot)
Paul Brulat, André Maurois, Jérôme
Tharaud, Jean Giraudoux et Mme F.
de Joannis. Les écrivains de moins de
quarante ans remplissant les candi-
tions ci-dessus sont priés d'adresser
leur candidature accomfaignée de
leur date de naissance à'n^re confrè-
re F, de Joannisy 9, rue Lallin" Pa-
ris. ■ ■.'■■■; * ;
Nous publions cette information non
sans perplexité. Que vont paraître
après cette surenchère les prix célè-
'bres, les prix décernés par les corps
constitués et qui (sauf le prix Brieux)
rie représentent plus qu'un, chiffre de
« billets » dérisoire? On se demande
si, en voulant servir les. belles-lettres,
des initiatives rpaç^eulièaçef aussi, co-
pieuses ne: vout- pas,, îf? desservir,
ajouter, par goût du « sensatlonneln,
au désordre contemporain. Les meil-
leures intentions quand elles contre-
disent l'ordre naturel ou établi con-
duisent souvent aux pires résultats!
Souhaitons bonne chance néanmoins
au Prix Figuière le plus grand non
pas « in the world » mais du moins en
France et bonne chance aussi aux
membres de ce jury qui vont humilier
tous les autres jurys!.
'c Denis Diderot, par Houdon
Ce buste est l'une des ptèces principa-
les de la belle exposition du tentenai-
, re que la reine douairière d'Espagne
Marie-Christine a visitée hier et où
elle a été reçue par M. Herriot. Le
sculpteur génial y a magnifiquement
i évoqué l'intelligence vive et ferme du
plus élégant de nos logiciens.
Ï-K.LOCATION <■
"La Statu e
M. Maurice Rostand va publier un nouveau livre de vers : Morbidezza. Nous avons la bonne fortune d'offrir
la primeur d'un émouvant poème extrait de ce rècueil et, ou Vauteur de La Gloire évoque, devant la statue de
Luchon, le souvenir d'Edmond Rostand. - s 7
Huit ans se sont passés depuis qu'un jour glacé
Ta voix s'est mortellement tue,
C'est ici que jadis ton enfance a glissé .,v
Je n'y trouve que la statue. -
Où tes rires jadis ont chanté longuement, ;
Où battirent tes deux paupières,
Où tu fus ce jeune homme, où tu fus cet enfant —
p —- Plus rien qu'un visage de pierre.
Voici les frondaisons dont tu m'avais parlé, •v
Les bergers au béret de pâtre
Et le petit guignol où tu vis s'élever
La grande âme de ton théâtre. ,
Voilà cette douceur, ce repos, ce bruit d'eau,
Dont tu dis les notes courantes, »
Et ce qui t'a donné selon tes propres mots
Le goût des choses transparentes. ,
Voici le casino frivole et négligent, t
Environné par une grille,
Où le parquet glissant sous ses souliers d'argent,
Ma mère a dansé jeune fille. ; s
Dh 1 se péut-il vraiment que l'on te cherche en vain,
Où fut ta jeunesse en allée;
Ni dans aucun jardin, ni dans aucun chemin, , ,
- Ni dans aucune grande allée.
Les endroits familiers sont-ils si dédaigneux r
Des êtres aimés qui passèrent, ,.
Et ne demeure-t-il de tes immenses yeux - ♦ ••• f
Que ces deux cavités de pierré..
Mon Dieu! qu'avez-vous fait? Pourquoi m'avoir conduit,
Dans ce lieu serré de montagnes,
Que suisse venu faire où je sens dans la-ftufrï : ïr
Tant de tristesse qui me gagne.
je ce suis pourtant pas,si courageux dêjà, (
Je ne suis pourtant pas si courageux déjà,
Si persuadé qu'il faut vivre. ',
Quand rien sur mon chemin jamais m'encouragea, ■
Qui me forcera de le suivre. - i
Mo-n Dieu! qu'avez-vous fait? Qu'ai-je voulu chercher
,,' Dans cet horizon qui me tue, ,:
Je croyais voir de l'eau, du ciel pur, des rochers.
^— Je n'ai trouvé qu'une,statue l
, : 1: -
Elle est là, au milieu du paysage bleu
i', Si mortellement immobile — ;
Sans douté, ce n'est "pas effroyable, 'mon Dieu !
De voir la statue de Virgile.
Dans le marbre immobile et glacé, ce n'est pas
Une chose dont on expire
Que de voir, dans un parc ombragé de lilas,
', La statue gravé de Shakespeare.
Dans fe irtarbrè insensible où taille ravenir,:¡
3 C'est une chose qu'on supporte,
De voir un de ces fronts auxquels le souvenir
: /.Vient apporter des palmes mortes.
On n'est-pis effrayé dans^le marbre inhumain,
,-• -{ïe'-voirî'Un de ces grands poètes.
Mais quand c'est un de ceux dont tant de fois les mains
Se posèrent sur votre tête.
Quand dans la dureté du marbre, on voit tenir
> ^front mêlé à Votre vie,
Quand ce visage blanc l donné au souvenir
.', ; Est ttne figure chérie, ",
Quand le. buste lointain que lés passants distraits
Regardent en nommant des livres,
Fut un visage aimé qu'on a vu de si près,
Quand tout ce marbre on l'a vu vivre.
Quand on vit sur ce front une veine bleuir
• > Que jamais le rêve n'oublie,
C'est de quoi vous donner sans doute, de mourir,
Une. désespérante envie.
Et raurai;vu' celar Sous le ciel du dehors
Dans un ,. square où les enfants jouent
J'aurai vu le visage aussi glacé qu'un mort'
Mohqui vis les vivantes joues.
Moi qui sus la façon dont ce regard vivait.
,TEt qui; toujours en moi, le garde
J'aurai pleuré devant ce monument muet
• .Qui ne sait pas qu'on le regardeI
Mon-Dieu r. vous voulez donc que plus rien désormais
Ne me console ou me soulage.
Comment voudriez-vous qu'on revive jamais
Quand on a revu ce visage. -
Comment voudrie2-vousk'que rien compte ici-bas.
Le bwiheur, le travail lui-même,
Quand on a regardé, l'ayant vu vivre, hélas ! *
La statue de l'être qu'on aime. , f
Car il * faudrait, Seigneur, pouvoir mourir avant
Ce supplice extraordinaire
De voir, quand on aima le visage vivant,
Le mémo visage de pierre. :.
* L ■, Luchon, août11(^37. -
Maurice ROSTAND.
Entre Nous - v
• tiiiiimit i«ii ■■ t nu v
Au delà de 75 ans
Allons ! Les plus-de-trente-ans n'ont
pas à se décourager. Une bonne nou-
velle pour eux : la Chambre vient de
voter une loi d'après laquelle les ju-
ges de paix qui ont dépassé l'âge de
75 ans, je dis bien soixante-quinze ans,
ou, si l'on préfère, septante-cinq ans,
pourront rester en fonctions.
Comme un député protestait, M. Au-
gagneur lui cria : Eh 1 bien, quoi I
J'ai 75 ans, moi, et je suis encore un
peu là! » ; ,
Et toute la Chambre,, à l'unanimité,
vota le projet, affirmant ainsi solen-
nellement qu'à 75 ans on peut être
encore bon à quelque chose.
1. Les sénateurs ont dû être contents.
Ils vont désormais regarder les dépu-
tés d'un œil plus amical.
Ainsi cette décision peut avoir des
suites. C'est dans toutes les carrières
que ceux qui s'attendaient, à cause de
leur âge, à avoir l'oreille fendue, vont
demander que la date de la retraite
soit indéfiniment reculée. Qu'allons-
nous voir au théâtre ! Quels procès
en perspective !
Toutefois, ces moins-de-cent-ans ne
doivent pas se dissimuler que les bon-
tés qu'on a pour eux ne sont pas sans
danger. Le cardinal de Cabrières, qui
savait rire, disait, un jour, à un de
ses chanoines qui se désespérait de ne
pas voir mourir le vieux titulaire d'une
riche cure qu'il convoitait : « Mpn
pauvre ami, il faudra que vous y al-
liez ayec le fusil. » e
Mais il &e s'agit :juf¡QD.'W aae.&a
juges de paix. Il faut reconnaître que,
dans cette magistrature familiale, les
vieillards sont tout à fait à leur placé.
Il y faut du bon- sens, de 1 expé-
rience, 'de la patience, un certain art
de persuasion, toutes quartes que
donne rage. On peut même se deman-
der s'il ne serait pas bot; de décré-
ter que nyl ne pourfa être nommé juge
de paix .s'il, n'a «u-J&oins soixante ans
~weï~ ,:' > ",,"--.-
M. Claude' Got
qui, dès sa première année de concours
au Conservatoire, a remporté les pre.-
miers prix de chànt/d'ùpera-comique et
d'opéra. Ce fait ne s'était pas présenté
depuis de longues années.
(Croquis de G. Dutriac)
Les bonnes initiatives
Les pensionnaires de la Villa Médicis
r pourront se marier ':,
M. Taittinger avait été chargé par
l'Association des anciens Prix dé Ro-
me de démander au mit-istré de l'Ins-
truction publique et des Beaux-Arts de
mettre fin à l'obligation du célibat au-
quel sont astreints les pensionnaires de
la Villa Médicis.- :
C'est une assez vieille question qui
n'avait jamais été résolue.,
Le sympathique député de Paris l'a
portée hier à la tribune de la Cham-
bre. Il a demandé à M. Herriot en
termes particulièrement heureux, mêlés
de bonne humeur et d'une pointe de
sentiment, de satisfaire enfin au vœu
de nos jeunes artistes. Très applaudi
^ar là Chambre, il a eu gain de cause.
M. Herriot a répondu que l'Acadé-
mie des Beaux-Arts n'avait pas donné
un avis favorable à cette réponse,
mais qu'il la prenait sous son bon-
net.
, Il donnera aux titulaires des prix de
Rome l'autorisation de se marier, à la
condition cependant qu'ils prennent un
logement çn ville, car leur ménage,
évidemment, ne pourrait être logé à la
Villa Médicis.
; La Chambre a applaudi M. Herriot
qui doit être félicité- po^ cette mesure
libérale.
-v;\ -'V '-v • - **
rA l'Académie des Beaux-Arts
lafoi 0.818.181t.6
M. Paul Bazé
grand prix de Rome
pour la Peinture
L'Académie' des Beaux-Arts a pro-
cédé hier au jugement du concours de
Rome de peinture.
Réuni un peu avant deux heures
dans la grande salle d'exposition de
l'Ecole des Beaux-Arts, le jury a rendu
un verdict flatteur en désignant trois
grand prix au lieu d'un.
Peu après, l'Académie ratifiait par
scrutins cette aimable mesure en accor-
dant par ordre de préférence le beau
titre de grand prix de Rome à MM.
Paul Bazé, né à Paris le 28 décembre
1901, le candidat que nous donnions
comme favori hier; Nicolas Unterstel-
ler et Daniel Octobre.
Ces trois pensionnaires peintres qui
vont combler les vides qui s'étaient
produits à la Villa Médicis depuis
deux ans, séjourneront respectivement
à la Ville Eternelle, dans l'ordre aue
nous venons de donner, trois, deux et
un an.
Un premier second grand prix échoit
à M. Jean Samboa.
Les peintres lauréats
Les concurrents au Prix de Rome
qui ont traité le sujet proposé Concert
champêtre « à la moderne » plutôt
qu'à l'antique ont eu la faveur du jury.
M. Bazé et M. Clamens ont été cou-
couronnés et tous les deux avaient situé
leur concert de nos jours dans un dé-
cor d'à présent, c'est d'ailleurs l'a que
s'arrêtr leur « modernisme M.
M. Bazé le grand prix de Rome a
groupé ses personnages dans un paysa-
ge printanier avec des arbres en fleurs
sous un ciel bleu. Lé tableau est vigou-
reusement composé, le peintre connaît
suffisamment la technique de son art,
ses personnages sont bien composés et
fraîchement peints,- sans personnalité
bien marquée, certes, ni même indi-
quée. Nous aurions aimé .trouver plus
d'accent et surtout l'indice d'un carac-
tère mais il ne faut pas oublier qu'il
s'agit là d'un concours d'élève et que
l'important était avant tout de mon-
trer ce qu'il savait.
M. Clamens n'a pu, étant tombé ma-
lade, pousser son tableau autant qu'il
l'aurait voulu. La toile cependant a de
belles qualités, il y a une liberté dans
les attitudes des personnages, une dou-
ceur de vivre dans l'ensemble qui don-
nent à cette toile un grand agrément.
Lui aussi connaît la technique de son
art et nous paraît être plus doué que
son heureux concurrent. Lui aussi,
avait situé son « Concert » de nos
jours. , y '1
H y aurait bien des choses à dire sur
M. Bazé
M. Bazé (Photo Meurisse)
la façon dont les élèves de l'Ecole des
Beaux-Arts conçoivent la vie moderne
et le goût que tous les concurrents ont
montré pour les scènes de vie humble.
M. Bazé, nous l'indiquions l'autre
jour, a donné à ses personnages des
airs tragiques et les a vêtus pauvre-
ment.. Ils ont des expressions qui con-
trastent vivement avec le verger fleuri
dans lequel ils se trouvent. Ils ont l'air
de chanter un hymne révolutionnaire,
bien plus que de saluer le renouveau.
Le peintre l'a-t-il voulu ainsi ? En ce
cas il n'y a rien à dire, sinon le fait
serait, curieux à noter. M. Clamens en
choisissant de jeunes paysannes écou-
tant une jeune musicienne après la bai-
gnade a trouvé aussi un prétexte in-
génieux pour placer un nu. Lui aussi
décrit une scène parmi les humbles.
Il serait singulier qu'on vît refleurir
à l'Ecole le genre « art social » traité
d'une façon très directe et presque au-
thentique, ce qui serait un courant net-
tement opposé au néo-classicisme, que
nous avions eu l'occasion de signaler.
M. Untersteller a conçu le sujet tout
à fait autrement, non pas « moderne »,
mais d'une « ancienneté » très vague,
ce qui lui a permis de peindre des
scènes qui ont de réelles qualités dans
un paysage très savoureux, symphonie
très chaude très colorée et plus près
du style que les compositions des con-
currents plus heureux. Il nous paraît
surprenant que M. Isorni (dont nous
avons écrit l'autre jour le nom tout de
travers), n'ait rien eu. Le jury a es-
timé que le tableau de M. Samboa
méritait le second grand prix. Notre
avis diffère du sien.
André Warnod.
TRIBUNAUX
M. Pierre Daltour assigné
en correctionnelle par sa propriétaire
M. Pierre Daltour vient de faire
jouer au théâtre de la Renaissance
une pièce en trois actes intitulée Mon-
sieur Le grain chez les fous,
Or, Mme Odenkoven, propriétaire
de l'immeuble de l'avenue Hoche où
habita M. Pierre Daltour, ayant cru
se reconnaître dans l'un des person-
nages de la pièce, se jugea diffamée
au cours de plusieurs dialogues. Elle
a fait procéder à un constat d'huissier
et a assigné M. Daltour en diffamation
devant le tribunal correctionnel. *
Les avocats sont, pour Mme Oden-
koven Me Césai Campinchi et pour
M. Daltour, M* Alexandre Zévaës.
A la Comédie-Française,
.,. Il. ", ,.,. fi fi. &u.
Une 'ettre chaleureuse
de M. Adenauer
à M. Emile Fabre
M. Emile Fabre a reçu hier de M.,
Adenauer, bourgmestre de Cologne, la
belle lettre qu'on lira ci-dessous.
On ne pourra s'empêcher de remar-
quer la chaleur et le ton volontaire-
ment amical de cette lettre. Certaines
Phrases retiendront aussi l'attev,ion.;
Emanant du bourgmestre de Colo-
gne et d'une personnalité aussi émi-
nente dans la vie politique allemande,
que M. Adenauer, elle prend une im-
portance particulière..
Très cher Monsieur Fabre,.
Après les représentations de la
Comédie-Française à Cologne, per-
mettez-moi de vous adresser en
même temps qu'à tous vos magni-
fiques artistes mes remerciements
très cordiaux pour l'incomparable
tenue d'art du spectacle qui nous a
été donné.
Pendant ces deux inoubliables
soirées, la Comédie-Française a
prouvé de nouveau que si on pou-
vait apprécier en elle son esprit de
haute tradition, elle était aussi le re-
flet même de la France, c'est-à-dire
une des premières gloires du monde.
C'est pour moi une très grande
joie que ces représentations aient pu
avoir lieu dans la première ville des
pays rhénans, et j'ai le ferme espoir
qu'elles auront contribué à .mieox
faire comprendre et se pénétrer les
cultures de nos deux pays.
Les applaudissements qui sont
partis du public, au cours de ces
deux soirées, ne sont pas seulement
pour moi l'expression de ses remer-
ciements pour la qualité du spectacle
d'art que vous nous apportiez, mais
aussi le vibrant témoignage tlu dé-
sir qu'éprouve le peuple allemand
de voir s'unir nos deux cultures.
Enfin, la perfection de ces deux
représentations demeurera une date
dans les fastes de l'exposition -inter-
nationale de la Presse.
Je vous prie, très honoré Mon-
sieur Fabre, de bien vouloir trans-
mettre mes remerciements à Mes-
sieurs et Mesdames les artistes de la
Comédie-Française. Avec l'expres-
sion de ma plus haute considération.
■ ADENAUER.
M. Fresnay se pourvoit
levant le Conseil d'Etat
Le Conseil d'Etat sera appelé à exa-
ainer, le 13 juillet prochain, en séance
publique, la requête de M. Pierre Lau^
lenbach, dit Fresnay, ex-sociétaire de
ia Comédie-Française, tendant à l'an-
r.ulation pour excès de pouvoir d'un ,
décret en date du 12 janvier 1926, rela-
if à l'organisation administrative de
a Comédie-Française.
Me Hannotin, président de l'ordre
les avocats au Conseil d'Etat, soutien-
dra le pourvoi; Me C:utault représen-
tera le ministre de T instruction pu-
olique.
L'action à laquelle M. Frèsnay vient
ie se déterminer enfin est celle par la-
nielle il aurait dû commencer. Au lie".
le soulever toutes sortes de querelles
par son départ, ses lettresJ su dis-
cours, son procès perdu d'avancé, cette
action devant le Conseil d'Etat eût été,
préférable. En tout cas elle mérite l'ad-
hésion de tous les amis de la Maison
et on ne peut que souhaiter son suc-
cès. — B. à
Au Théâtre Fémind
Le deuxième spectacle
des Ballets espapols"
"La Guinguette"
Ballet de M. G. Duran
(suite de danses)
A peine M. Lauweryns a-t-il atta-
qué les premières mesures de l'intro-
ductioh au Fandango de Candil (la
Guinguette), que la partition s'em-
balle comme un cheval ombrageux,
le rideau se sépare, et l'étoile.. au
'lieu de se laisser désirer,. comme le
conseille la routine, paraît, d'emblée,
sur la scène, où elle circule et se.dé-
mène, comme prisée par l'allure allè-
gre et saccadée de l'impromptu de
M. Gustave Duran. La toilette vieux
rose aux volants « cubistes n, décou*
pés en festons, aioute à la silhouette
de la Argentina je ne sais. :
Quelle acuité capiteuse. Elle tra-
verse l'action précipitée et passable--
ment embrouillée de cette brève
« boutade » en une succession d'en-
trées dansées et mimées reflétant,.
tour à tour, la rouerie, le dépit amou-
reux, la tendresse. Ces sautes d'hu-
meur soulignées par les coupes fan-
tasques de la musique abattent- de-
vant nous le grand jeu de la coquet-
terie féminine, jusqu'à ce que le
joyeux et incohérent tumulte de ; la
pantomime amène le boléro final qui
est la raison d'être de cet acte, par
ailleurs, assez mince. Le scénario en
situe l'action vers 1805, à Madrid,
et y fait paraître la reine. Nous som-
mes donc à l'époque de Goya, et
l'un des personnages est un modèle
de Goya!
Le décorateur, M. Pastor, n'en a
nullement tenu compte; sa couleur
est plaisante, mais la coupe extrava-
gante des costum'es tranche de la
caricature. La musique, qui a beau-
coup de mordant (de « poivre H. dt-
rait un Anglais) est moins prdpice à
la danse que celle, éminemment cho-
22e ANNEE. - No 5661. III LF NUMÉRO : CINOUANTE CENTIMES IT FTF/ ms~9 - TÂt » T»n nn A* M C A MJTTïT 7 TTTTT T ITT 1 OOO
Oahriel ALPHAUD
Direetev/r -
1 ,'. ,,:,.'
Ï. : 1: k..Une ample comédie aux cent actes divers
Et dont la scène est l'univers.
- 1 (LA FONTAINE.)
COMŒDIA
publie - : -
un supplément illustré de luxe
consacré
au 18e Salon
des Artistes Décorateurs
A propos de LouVain,
nous a^ons posé la question
du "silence" des Allemands.
Nous publierons demain
la réponse
d'ALFRED KERR
La compétition pour le Prix Brieux
Impression d'un membre de la Commission
1. par Henry BORDEAUX
I
Le voici donc enfin donné. L'Aca-
démie française, après deux ans, s'est
décidée, et non sans peine. Il ne
saurait y avoir aucun inconvénient à
publier ici les impressions d'un mem-
bre de la commission.. Et peut-être
ne seront-elles pas tout à fait inutiles
à l'orientation de notre art dramati-
- que.
Tout d'abord, rappelons le libellé
exact du concours sur l'annuaire de
l'Institut :
PRIX BRIEUX (30.000 FRANCS)
Prorogé
Ce prix biennal sera attaché à l'au-
teur d'une pièce de théâtre en trois
actes an moins, à tendances sociales
et moralisatrices, quelles qu'en seunt
les opilliolls politiques, mais ne pré-
sentant aucun caractère de pamphlet.
Cette pièce sera choisie ou parmi cel-
les qui auront été représentées en
France au cours des deux années iyré-
cédentes, ou parmi celles, publiéom
pendant ces deux années ou restées ma-
nuscrites, que VAcadémie choisira.
L'àitteur deiira être Feaitf aiï.
Si l'Académie ne trouve aucune
pièce à laquelle, le prix puisse être
attribué, elle disposera de la somme
de trente mille francs au mieux des
intérêts de la haute littérature drama-
tique.
Ce prix ne sera pas partagé.
Deux cents pièces avaient été pré-
sentées en 1927. La commission,
après leur examen, avait été d'avis
d'ajourner sa décision. Ce fut alors
une avalanche. Quatre cents ouvra-
ges dramatiques, la plupart manus-
crits, furent déposés à l'Institut. Les
auteurs prenaient une revanche écla-
tante. Ils se déclaraient impitoyables
et innombrables. Ils exigeaient une
indigestion de lecture.
Et précisément n 'y a-t-il pas, avant
d'aborder le fond du débat, quelque
inconvenance dans l'envoi des manus-
crits illisibles, couverts de ratures,
ou dactylographiés par des novices,
en texte serré, comme il s'en est
beaucoup trop rencontré? Les direc-
teurs de revues, les maisons d'édi-
tion, les directeurs de théâtre exi-
gent des copies d'une lecture aisée.
La plus élémentaire politesse com-
mandait de ne pas abuser des yeux,
souvent fatigués par le travail intel-
lectuel, des quelques académiciens
qui composent la commission. Faut-il
4 voir là un exemple de plus de l'enva-
hissement de nos moeurs par l'irres-
pect démocratique? Mais je connais
— telles la Suède et la Suisse — des
démocraties policées.
De temps à autre, quelque chroni-
queur amuse la galerie avec le tarif
dérisoire des jetons ou des mensua-
lités académiques, en contraste avec
l'opulence du budget spécialement,
trop spécialement destiné à la bien-
faisance. Mais du travail académique
il n'est guère question. Or la série
ininterrompue des legs vient de char-
ger d'année en année, au point que,
du train dont vont les donations, ce
travail risque de devenir, pour nos
successeurs, écrasant. Peut - être
l'Académie n 'a-t-elle pas été créée
dans ce but. Mais c'est une autre
question. -
*
'A en juger par cette armée de pré.
tendants, le goût du théâtre en
France est en pleine ferveur. Six
cents concurrents : c'est un chiffre.
Six cents autres auteurs dramatiques,
la plupart totalement inconnus. C'est,
peut-être, qu'il n'y a plus d'ama-
teurs. Autrefois, l'amateur cultivait
tendrement, dans son privé, l'amour
des lettres et m'en faisait point con-
fidence au public. Parce qu'il se plai-
sait dans la lecture, il ne se jugeait
pas écrivain. Ces amateurs-là étaient
souvent les meilleurs critiques. Ré-
pandus sur tout le territoire, sans se
connaître, ils jugeaient pareillement.
Ils faisaient les réputations, ou les
défaisaient quand elles leur arrivaient
grossies et faussées. Je crains fort
qu'il n'y en ait plus. Ils se sont
tous mués en écrivains, et souvent en
méchants écrivains. Car il ne suffit
pas d'aimer la littérature pour savoir
écrire et posséder en partage l'indis-
pensable don de créer la vie.
Et tout de même n 'y a-t-il pas, cnez
beaucoup, une certaine outrecuidance
à se croire dignes d'obtenir la plus
haute récompense réservée jusqu'ici
aux œuvres dramatiques et à faire
acte de candidat avec des pièces qui,
manifestement, ne peuvent être pri-
ses que pour des ébauches? J'appar-
tiens à ces temps préhistoriques où
les prix littéraires n'existaient pas,
ou n'existaient guère. Même le prix
Goncourt n'obtenait, dans nos mi-
lieux, qu'une curiosité assez indiffé-
rente. Les prix n'intervenaient pas
dans la destinée des écrivains. On
débutait avec un tirage de quinze
cents ou deux mille exemplaires, sur
lesquels l'éditeur munificent versait,
après des comptes compliqués, six
ou huit cents francs, et l'on s'esti-
mait heureux.
Il n'y avait alors ni réclame, ni
tapage, ni concours. Mais il y avait
des critiques, et il y avait ce public
d'amateurs choisis dont je parlais
tout à l'heure pour le regretter.
L'avancement était plus lent, plus ré-
gulier. Il se faisait au choix des cri-
tiques et des amateurs lettrés. Il
n'était pas subit, immédiat, fou-
droyant, provocant. N'y a-t-il pas, ert
effet, quelque injustice dans ce résul-
tat d'un concours qui éclaire bruta-
lement, comme un jet de réflecteur,
un auteur unique, tandis que-son ou-
vrage, la plupart du temps, n'est pas
sensiblement supérieur^ quand il l'est,,
à ceux de ses concurrents moins favo-
risés?.
Mais ne conviendrait-il pas d'en
venir enfin au prix Brieux? Lj'Acadé-
mie aurait souhaité de faire une dé-
couverte, de couronner le génie in-
connu. Tandis que l'Exaltation de
M. Edouard Schneider a été repré-
sentée le 14 février 1928 par Je
théâtre de la Comédie à Genève et
publiée par L'Illustration du 14 avril.
La Comédie de Genève est un excel-
lent théâtre qui joue les meilleures
nouveautés françaises et qui a créé
nombre d'ouvrages intéressants de
France et de l'étranger.. Elle sert,
sous la direction de M. Fournier,
cette vie intellectuelle genevoise qui
se presse autour de la Société des
Nations. Mais l'Exaltation avait été
déposée aux bureaux de l'Institut
avant d'être jouée et publiée. Dans
le Journal de Genève, lors de la re-
présentation, Mme Noëlle Roger avait
rappelé dans quelles circonstances la
pièce fut écrite pour la Duse :
« En 1921, une chambre d'hôtel, à
Merano (Haut-Adige), et la Duse qui
écoute avec une attention passion-
née la lecture du scénario de l'Exal-
tation. Elle est prise. Peut-être se
retrouve-t-elle dans cette femme
meurtrie par l'amour humain. Son
émotion la bouleverse au point qu'elle
doit quitter la chambre après le
deuxième acte. Et quand elle revient,
c'est pour dire à l'auteur ébloui :
« Oh! oui, je la jouerai 1 »
- h Et ëllé ajoute'avec des larmes *
« — Si vous saviez. ce drainé,
comme il est vrai, comme il me pa-
raît l'image de ma vie!
« La Duse avait soixante et un
ans dans ce temps-là. Cette pièce se-
rait son adieu. Déjà elle appelait le
troisième acte « mon adagio ». Et
elle pressait l'auteur de l'écrire. Elle
ne pouvait attendre, celle qui disait
parfois : « J'aurais dû mourir il y a
vingt ans. » L'écrivain, comme
malgré lui, se mit à sa table. La
Duse était là, tout près, sa vertu
d'animatrice décuplée par son désir.
Et l'Exaltation fut achevée en trois
semaines.
« Pendant le peu d'années que la
Duse devait vivre encore, années de
misères et de difficultés, où la - gé-
niale artiste luttait contre la fatigue,
le découragement, Pindifférence dés
impresarii ruinés par l'après-guerre,
M. Eugène Brieux
elle ne cessa de songer à cette pièce
qu'elle rêvait de créer avant de quit-
ter le théâtre. * La destinée en décida
autrement. La Duse, contrainte d'ac-
cepter une tournée en Amérique,
mourut à bout de forces, à Pittsburg,
en 1924. ,.
« L'Exallation, qu'elle. avait aimée,
écrite dans l'atmosphère d'énergie
spirituelle que répandait sa présence,
apporte comme un dernier message
de la grande artiste tout mêlé à cette
œuvre. » , , :.
Le nom de M., douard Schneider
est connu et aimé pour ses belles
études sur l'Italie, pour son Fra An-
gelico, .pour ses Heures bénédictines.
Mais il s'était aussi révélé auteur
dramatique avec les Mages sans étoi-
les, joués à l'Odéon, en 1911, et le
Dieu d'argile. Il ramène au théâtre
les conflits de la religion et de la
passion. L'Exaltation est ainsi une
œuvre toute de noblesse et de gran-
deur. Une femme a quitté son mari
et sa fille pour suivre son amour. Son
amant, son mari sont morts. Elle est
hantée par le désir de retrouver, de
reprendre sa fille, le seul être qui
lui reste au monde. Celle-ci est en-
trée dans un noviciat. C'est là qu'elle
reçoit sa mère. La supérieure laisse
libre les deux femmes. Et c'est le
heurt de leurs deux amours, le divin
et l'humain, chacune cherchant à se
faire comprendre de l'autre et n'y
parvenant pas. Sans doute la repré-
sentation d'une telle œuvre réclame-,
t-elle des spectateurs cet état de sen-
sibilité que les amateurs de musique
apportent naturellement au concert.
Mais ne peut-on l'apporter pareille-
ment au théâtre?
Henry BORDEAUX,
de l'Académie française.
(La fin à demain.)
Nous publierons demain
une nouvelle liste d'adhé-
sions à notre projet
d'un Automobile Club des
—- : Artistes :--:.-
L'église d'Elisabethville
Ce cliché donne un aspect de cette
église de ciment armé et sculpté que
notre collaborateur} M. ¡.-P. Liausu
a décrit récemment. On remarquera
les analogies ogivales de la nef , 'entre-
vue à droite.
Un prix littéraire
de 50.000 francs
Nous avons reçu la note suivante:
.,--L"éîfiteur' Figuièr, vient dé< décider
la création d'un, prix de cinquante
mille francs qui portera son nom et
qui sera attribué le 7 Octobre prochain
au meilleur roman parti depuis: trois
ans d'un écrivain de moitis de quaran-
te ans n'ayant pas déjà -été, couronné
et publié par uimporte quel éditeur
français. ï
Le jury qui iomprendra dix mem-
bres est actuellement en formation. M..
Figuière a demandé à M. Charles Da.
niélou d'en prendre la- présidence, ti
a d'autre part reçu les adhésions de
MM. Louis Barthou, Edouard Herriot)
Paul Brulat, André Maurois, Jérôme
Tharaud, Jean Giraudoux et Mme F.
de Joannis. Les écrivains de moins de
quarante ans remplissant les candi-
tions ci-dessus sont priés d'adresser
leur candidature accomfaignée de
leur date de naissance à'n^re confrè-
re F, de Joannisy 9, rue Lallin" Pa-
ris. ■ ■.'■■■; * ;
Nous publions cette information non
sans perplexité. Que vont paraître
après cette surenchère les prix célè-
'bres, les prix décernés par les corps
constitués et qui (sauf le prix Brieux)
rie représentent plus qu'un, chiffre de
« billets » dérisoire? On se demande
si, en voulant servir les. belles-lettres,
des initiatives rpaç^eulièaçef aussi, co-
pieuses ne: vout- pas,, îf? desservir,
ajouter, par goût du « sensatlonneln,
au désordre contemporain. Les meil-
leures intentions quand elles contre-
disent l'ordre naturel ou établi con-
duisent souvent aux pires résultats!
Souhaitons bonne chance néanmoins
au Prix Figuière le plus grand non
pas « in the world » mais du moins en
France et bonne chance aussi aux
membres de ce jury qui vont humilier
tous les autres jurys!.
'c Denis Diderot, par Houdon
Ce buste est l'une des ptèces principa-
les de la belle exposition du tentenai-
, re que la reine douairière d'Espagne
Marie-Christine a visitée hier et où
elle a été reçue par M. Herriot. Le
sculpteur génial y a magnifiquement
i évoqué l'intelligence vive et ferme du
plus élégant de nos logiciens.
Ï-K.LOCATION <■
"La Statu e
M. Maurice Rostand va publier un nouveau livre de vers : Morbidezza. Nous avons la bonne fortune d'offrir
la primeur d'un émouvant poème extrait de ce rècueil et, ou Vauteur de La Gloire évoque, devant la statue de
Luchon, le souvenir d'Edmond Rostand. - s 7
Huit ans se sont passés depuis qu'un jour glacé
Ta voix s'est mortellement tue,
C'est ici que jadis ton enfance a glissé .,v
Je n'y trouve que la statue. -
Où tes rires jadis ont chanté longuement, ;
Où battirent tes deux paupières,
Où tu fus ce jeune homme, où tu fus cet enfant —
p —- Plus rien qu'un visage de pierre.
Voici les frondaisons dont tu m'avais parlé, •v
Les bergers au béret de pâtre
Et le petit guignol où tu vis s'élever
La grande âme de ton théâtre. ,
Voilà cette douceur, ce repos, ce bruit d'eau,
Dont tu dis les notes courantes, »
Et ce qui t'a donné selon tes propres mots
Le goût des choses transparentes. ,
Voici le casino frivole et négligent, t
Environné par une grille,
Où le parquet glissant sous ses souliers d'argent,
Ma mère a dansé jeune fille. ; s
Dh 1 se péut-il vraiment que l'on te cherche en vain,
Où fut ta jeunesse en allée;
Ni dans aucun jardin, ni dans aucun chemin, , ,
- Ni dans aucune grande allée.
Les endroits familiers sont-ils si dédaigneux r
Des êtres aimés qui passèrent, ,.
Et ne demeure-t-il de tes immenses yeux - ♦ ••• f
Que ces deux cavités de pierré..
Mon Dieu! qu'avez-vous fait? Pourquoi m'avoir conduit,
Dans ce lieu serré de montagnes,
Que suisse venu faire où je sens dans la-ftufrï : ïr
Tant de tristesse qui me gagne.
je ce suis pourtant pas,si courageux dêjà, (
Je ne suis pourtant pas si courageux déjà,
Si persuadé qu'il faut vivre. ',
Quand rien sur mon chemin jamais m'encouragea, ■
Qui me forcera de le suivre. - i
Mo-n Dieu! qu'avez-vous fait? Qu'ai-je voulu chercher
,,' Dans cet horizon qui me tue, ,:
Je croyais voir de l'eau, du ciel pur, des rochers.
^— Je n'ai trouvé qu'une,statue l
, : 1: -
Elle est là, au milieu du paysage bleu
i', Si mortellement immobile — ;
Sans douté, ce n'est "pas effroyable, 'mon Dieu !
De voir la statue de Virgile.
Dans le marbre immobile et glacé, ce n'est pas
Une chose dont on expire
Que de voir, dans un parc ombragé de lilas,
', La statue gravé de Shakespeare.
Dans fe irtarbrè insensible où taille ravenir,:¡
3 C'est une chose qu'on supporte,
De voir un de ces fronts auxquels le souvenir
: /.Vient apporter des palmes mortes.
On n'est-pis effrayé dans^le marbre inhumain,
,-• -{ïe'-voirî'Un de ces grands poètes.
Mais quand c'est un de ceux dont tant de fois les mains
Se posèrent sur votre tête.
Quand dans la dureté du marbre, on voit tenir
> ^front mêlé à Votre vie,
Quand ce visage blanc l donné au souvenir
.', ; Est ttne figure chérie, ",
Quand le. buste lointain que lés passants distraits
Regardent en nommant des livres,
Fut un visage aimé qu'on a vu de si près,
Quand tout ce marbre on l'a vu vivre.
Quand on vit sur ce front une veine bleuir
• > Que jamais le rêve n'oublie,
C'est de quoi vous donner sans doute, de mourir,
Une. désespérante envie.
Et raurai;vu' celar Sous le ciel du dehors
Dans un ,. square où les enfants jouent
J'aurai vu le visage aussi glacé qu'un mort'
Mohqui vis les vivantes joues.
Moi qui sus la façon dont ce regard vivait.
,TEt qui; toujours en moi, le garde
J'aurai pleuré devant ce monument muet
• .Qui ne sait pas qu'on le regardeI
Mon-Dieu r. vous voulez donc que plus rien désormais
Ne me console ou me soulage.
Comment voudriez-vous qu'on revive jamais
Quand on a revu ce visage. -
Comment voudrie2-vousk'que rien compte ici-bas.
Le bwiheur, le travail lui-même,
Quand on a regardé, l'ayant vu vivre, hélas ! *
La statue de l'être qu'on aime. , f
Car il * faudrait, Seigneur, pouvoir mourir avant
Ce supplice extraordinaire
De voir, quand on aima le visage vivant,
Le mémo visage de pierre. :.
* L ■, Luchon, août11(^37. -
Maurice ROSTAND.
Entre Nous - v
• tiiiiimit i«ii ■■ t nu v
Au delà de 75 ans
Allons ! Les plus-de-trente-ans n'ont
pas à se décourager. Une bonne nou-
velle pour eux : la Chambre vient de
voter une loi d'après laquelle les ju-
ges de paix qui ont dépassé l'âge de
75 ans, je dis bien soixante-quinze ans,
ou, si l'on préfère, septante-cinq ans,
pourront rester en fonctions.
Comme un député protestait, M. Au-
gagneur lui cria : Eh 1 bien, quoi I
J'ai 75 ans, moi, et je suis encore un
peu là! » ; ,
Et toute la Chambre,, à l'unanimité,
vota le projet, affirmant ainsi solen-
nellement qu'à 75 ans on peut être
encore bon à quelque chose.
1. Les sénateurs ont dû être contents.
Ils vont désormais regarder les dépu-
tés d'un œil plus amical.
Ainsi cette décision peut avoir des
suites. C'est dans toutes les carrières
que ceux qui s'attendaient, à cause de
leur âge, à avoir l'oreille fendue, vont
demander que la date de la retraite
soit indéfiniment reculée. Qu'allons-
nous voir au théâtre ! Quels procès
en perspective !
Toutefois, ces moins-de-cent-ans ne
doivent pas se dissimuler que les bon-
tés qu'on a pour eux ne sont pas sans
danger. Le cardinal de Cabrières, qui
savait rire, disait, un jour, à un de
ses chanoines qui se désespérait de ne
pas voir mourir le vieux titulaire d'une
riche cure qu'il convoitait : « Mpn
pauvre ami, il faudra que vous y al-
liez ayec le fusil. » e
Mais il &e s'agit :juf¡QD.'W aae.&a
juges de paix. Il faut reconnaître que,
dans cette magistrature familiale, les
vieillards sont tout à fait à leur placé.
Il y faut du bon- sens, de 1 expé-
rience, 'de la patience, un certain art
de persuasion, toutes quartes que
donne rage. On peut même se deman-
der s'il ne serait pas bot; de décré-
ter que nyl ne pourfa être nommé juge
de paix .s'il, n'a «u-J&oins soixante ans
~weï~ ,:' > ",,"--.-
M. Claude' Got
qui, dès sa première année de concours
au Conservatoire, a remporté les pre.-
miers prix de chànt/d'ùpera-comique et
d'opéra. Ce fait ne s'était pas présenté
depuis de longues années.
(Croquis de G. Dutriac)
Les bonnes initiatives
Les pensionnaires de la Villa Médicis
r pourront se marier ':,
M. Taittinger avait été chargé par
l'Association des anciens Prix dé Ro-
me de démander au mit-istré de l'Ins-
truction publique et des Beaux-Arts de
mettre fin à l'obligation du célibat au-
quel sont astreints les pensionnaires de
la Villa Médicis.- :
C'est une assez vieille question qui
n'avait jamais été résolue.,
Le sympathique député de Paris l'a
portée hier à la tribune de la Cham-
bre. Il a demandé à M. Herriot en
termes particulièrement heureux, mêlés
de bonne humeur et d'une pointe de
sentiment, de satisfaire enfin au vœu
de nos jeunes artistes. Très applaudi
^ar là Chambre, il a eu gain de cause.
M. Herriot a répondu que l'Acadé-
mie des Beaux-Arts n'avait pas donné
un avis favorable à cette réponse,
mais qu'il la prenait sous son bon-
net.
, Il donnera aux titulaires des prix de
Rome l'autorisation de se marier, à la
condition cependant qu'ils prennent un
logement çn ville, car leur ménage,
évidemment, ne pourrait être logé à la
Villa Médicis.
; La Chambre a applaudi M. Herriot
qui doit être félicité- po^ cette mesure
libérale.
-v;\ -'V '-v • - **
rA l'Académie des Beaux-Arts
lafoi 0.818.181t.6
M. Paul Bazé
grand prix de Rome
pour la Peinture
L'Académie' des Beaux-Arts a pro-
cédé hier au jugement du concours de
Rome de peinture.
Réuni un peu avant deux heures
dans la grande salle d'exposition de
l'Ecole des Beaux-Arts, le jury a rendu
un verdict flatteur en désignant trois
grand prix au lieu d'un.
Peu après, l'Académie ratifiait par
scrutins cette aimable mesure en accor-
dant par ordre de préférence le beau
titre de grand prix de Rome à MM.
Paul Bazé, né à Paris le 28 décembre
1901, le candidat que nous donnions
comme favori hier; Nicolas Unterstel-
ler et Daniel Octobre.
Ces trois pensionnaires peintres qui
vont combler les vides qui s'étaient
produits à la Villa Médicis depuis
deux ans, séjourneront respectivement
à la Ville Eternelle, dans l'ordre aue
nous venons de donner, trois, deux et
un an.
Un premier second grand prix échoit
à M. Jean Samboa.
Les peintres lauréats
Les concurrents au Prix de Rome
qui ont traité le sujet proposé Concert
champêtre « à la moderne » plutôt
qu'à l'antique ont eu la faveur du jury.
M. Bazé et M. Clamens ont été cou-
couronnés et tous les deux avaient situé
leur concert de nos jours dans un dé-
cor d'à présent, c'est d'ailleurs l'a que
s'arrêtr leur « modernisme M.
M. Bazé le grand prix de Rome a
groupé ses personnages dans un paysa-
ge printanier avec des arbres en fleurs
sous un ciel bleu. Lé tableau est vigou-
reusement composé, le peintre connaît
suffisamment la technique de son art,
ses personnages sont bien composés et
fraîchement peints,- sans personnalité
bien marquée, certes, ni même indi-
quée. Nous aurions aimé .trouver plus
d'accent et surtout l'indice d'un carac-
tère mais il ne faut pas oublier qu'il
s'agit là d'un concours d'élève et que
l'important était avant tout de mon-
trer ce qu'il savait.
M. Clamens n'a pu, étant tombé ma-
lade, pousser son tableau autant qu'il
l'aurait voulu. La toile cependant a de
belles qualités, il y a une liberté dans
les attitudes des personnages, une dou-
ceur de vivre dans l'ensemble qui don-
nent à cette toile un grand agrément.
Lui aussi connaît la technique de son
art et nous paraît être plus doué que
son heureux concurrent. Lui aussi,
avait situé son « Concert » de nos
jours. , y '1
H y aurait bien des choses à dire sur
M. Bazé
M. Bazé (Photo Meurisse)
la façon dont les élèves de l'Ecole des
Beaux-Arts conçoivent la vie moderne
et le goût que tous les concurrents ont
montré pour les scènes de vie humble.
M. Bazé, nous l'indiquions l'autre
jour, a donné à ses personnages des
airs tragiques et les a vêtus pauvre-
ment.. Ils ont des expressions qui con-
trastent vivement avec le verger fleuri
dans lequel ils se trouvent. Ils ont l'air
de chanter un hymne révolutionnaire,
bien plus que de saluer le renouveau.
Le peintre l'a-t-il voulu ainsi ? En ce
cas il n'y a rien à dire, sinon le fait
serait, curieux à noter. M. Clamens en
choisissant de jeunes paysannes écou-
tant une jeune musicienne après la bai-
gnade a trouvé aussi un prétexte in-
génieux pour placer un nu. Lui aussi
décrit une scène parmi les humbles.
Il serait singulier qu'on vît refleurir
à l'Ecole le genre « art social » traité
d'une façon très directe et presque au-
thentique, ce qui serait un courant net-
tement opposé au néo-classicisme, que
nous avions eu l'occasion de signaler.
M. Untersteller a conçu le sujet tout
à fait autrement, non pas « moderne »,
mais d'une « ancienneté » très vague,
ce qui lui a permis de peindre des
scènes qui ont de réelles qualités dans
un paysage très savoureux, symphonie
très chaude très colorée et plus près
du style que les compositions des con-
currents plus heureux. Il nous paraît
surprenant que M. Isorni (dont nous
avons écrit l'autre jour le nom tout de
travers), n'ait rien eu. Le jury a es-
timé que le tableau de M. Samboa
méritait le second grand prix. Notre
avis diffère du sien.
André Warnod.
TRIBUNAUX
M. Pierre Daltour assigné
en correctionnelle par sa propriétaire
M. Pierre Daltour vient de faire
jouer au théâtre de la Renaissance
une pièce en trois actes intitulée Mon-
sieur Le grain chez les fous,
Or, Mme Odenkoven, propriétaire
de l'immeuble de l'avenue Hoche où
habita M. Pierre Daltour, ayant cru
se reconnaître dans l'un des person-
nages de la pièce, se jugea diffamée
au cours de plusieurs dialogues. Elle
a fait procéder à un constat d'huissier
et a assigné M. Daltour en diffamation
devant le tribunal correctionnel. *
Les avocats sont, pour Mme Oden-
koven Me Césai Campinchi et pour
M. Daltour, M* Alexandre Zévaës.
A la Comédie-Française,
.,. Il. ", ,.,. fi fi. &u.
Une 'ettre chaleureuse
de M. Adenauer
à M. Emile Fabre
M. Emile Fabre a reçu hier de M.,
Adenauer, bourgmestre de Cologne, la
belle lettre qu'on lira ci-dessous.
On ne pourra s'empêcher de remar-
quer la chaleur et le ton volontaire-
ment amical de cette lettre. Certaines
Phrases retiendront aussi l'attev,ion.;
Emanant du bourgmestre de Colo-
gne et d'une personnalité aussi émi-
nente dans la vie politique allemande,
que M. Adenauer, elle prend une im-
portance particulière..
Très cher Monsieur Fabre,.
Après les représentations de la
Comédie-Française à Cologne, per-
mettez-moi de vous adresser en
même temps qu'à tous vos magni-
fiques artistes mes remerciements
très cordiaux pour l'incomparable
tenue d'art du spectacle qui nous a
été donné.
Pendant ces deux inoubliables
soirées, la Comédie-Française a
prouvé de nouveau que si on pou-
vait apprécier en elle son esprit de
haute tradition, elle était aussi le re-
flet même de la France, c'est-à-dire
une des premières gloires du monde.
C'est pour moi une très grande
joie que ces représentations aient pu
avoir lieu dans la première ville des
pays rhénans, et j'ai le ferme espoir
qu'elles auront contribué à .mieox
faire comprendre et se pénétrer les
cultures de nos deux pays.
Les applaudissements qui sont
partis du public, au cours de ces
deux soirées, ne sont pas seulement
pour moi l'expression de ses remer-
ciements pour la qualité du spectacle
d'art que vous nous apportiez, mais
aussi le vibrant témoignage tlu dé-
sir qu'éprouve le peuple allemand
de voir s'unir nos deux cultures.
Enfin, la perfection de ces deux
représentations demeurera une date
dans les fastes de l'exposition -inter-
nationale de la Presse.
Je vous prie, très honoré Mon-
sieur Fabre, de bien vouloir trans-
mettre mes remerciements à Mes-
sieurs et Mesdames les artistes de la
Comédie-Française. Avec l'expres-
sion de ma plus haute considération.
■ ADENAUER.
M. Fresnay se pourvoit
levant le Conseil d'Etat
Le Conseil d'Etat sera appelé à exa-
ainer, le 13 juillet prochain, en séance
publique, la requête de M. Pierre Lau^
lenbach, dit Fresnay, ex-sociétaire de
ia Comédie-Française, tendant à l'an-
r.ulation pour excès de pouvoir d'un ,
décret en date du 12 janvier 1926, rela-
if à l'organisation administrative de
a Comédie-Française.
Me Hannotin, président de l'ordre
les avocats au Conseil d'Etat, soutien-
dra le pourvoi; Me C:utault représen-
tera le ministre de T instruction pu-
olique.
L'action à laquelle M. Frèsnay vient
ie se déterminer enfin est celle par la-
nielle il aurait dû commencer. Au lie".
le soulever toutes sortes de querelles
par son départ, ses lettresJ su dis-
cours, son procès perdu d'avancé, cette
action devant le Conseil d'Etat eût été,
préférable. En tout cas elle mérite l'ad-
hésion de tous les amis de la Maison
et on ne peut que souhaiter son suc-
cès. — B. à
Au Théâtre Fémind
Le deuxième spectacle
des Ballets espapols"
"La Guinguette"
Ballet de M. G. Duran
(suite de danses)
A peine M. Lauweryns a-t-il atta-
qué les premières mesures de l'intro-
ductioh au Fandango de Candil (la
Guinguette), que la partition s'em-
balle comme un cheval ombrageux,
le rideau se sépare, et l'étoile.. au
'lieu de se laisser désirer,. comme le
conseille la routine, paraît, d'emblée,
sur la scène, où elle circule et se.dé-
mène, comme prisée par l'allure allè-
gre et saccadée de l'impromptu de
M. Gustave Duran. La toilette vieux
rose aux volants « cubistes n, décou*
pés en festons, aioute à la silhouette
de la Argentina je ne sais. :
Quelle acuité capiteuse. Elle tra-
verse l'action précipitée et passable--
ment embrouillée de cette brève
« boutade » en une succession d'en-
trées dansées et mimées reflétant,.
tour à tour, la rouerie, le dépit amou-
reux, la tendresse. Ces sautes d'hu-
meur soulignées par les coupes fan-
tasques de la musique abattent- de-
vant nous le grand jeu de la coquet-
terie féminine, jusqu'à ce que le
joyeux et incohérent tumulte de ; la
pantomime amène le boléro final qui
est la raison d'être de cet acte, par
ailleurs, assez mince. Le scénario en
situe l'action vers 1805, à Madrid,
et y fait paraître la reine. Nous som-
mes donc à l'époque de Goya, et
l'un des personnages est un modèle
de Goya!
Le décorateur, M. Pastor, n'en a
nullement tenu compte; sa couleur
est plaisante, mais la coupe extrava-
gante des costum'es tranche de la
caricature. La musique, qui a beau-
coup de mordant (de « poivre H. dt-
rait un Anglais) est moins prdpice à
la danse que celle, éminemment cho-
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