Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1921-01-17
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 17 janvier 1921 17 janvier 1921
Description : 1921/01/17 (A15,N2954). 1921/01/17 (A15,N2954).
Droits : Consultable en ligne
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Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/05/2015
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LUNDI 17 JANVIER 1921
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LAURENT TAILHADE
tous ceux qui ont envoyé leur obole
Pour le tombeau du Maître, je dédie
ces pages reconnaissantes.
J'offre ces flotes à l'homme de cœur qui
nous écrira l'a vie de Laurent Tailhade. Au
moment que ce 'maître du beau langage
français entre dans l'histoirie Médire, il
est bon que rif" ne s-e perd-e de ce qu'il a
fait, ch i111 a dit, de ce qu'il a sou.f-
fert. Car le m(}nde de 111 douleur appar-
tient en qu;elque chose à la poésie, en ce
sens, peut-être, qu'il l'engendre.
En avril 1919, je venais d'être démobi-
lisé, lorsque j'ap,pris q,ue. Laiureint Tailhade,
fort souffla,, l était à la maison DubOiS,
cette caserne de 8abataiires allonge sa
façade morose à pextremité du faubourg
Saint-Denis. Dans la première cour, à co-
lonnades d-oriques, il n'v a jamais person-
ne ; dlans la seconde plantée d'arbres en
avenues, il y a Quelques malades qui se
promènent sous l,es fenêtres où d'autres ma-
lades les nrHgarîent Passer. A l'intérieur,
toutes les chambres Sont identiques et al,l'"
gnent au long des corridors leurs chiffres
d'émail blanc. 19 Celle de Tailhade portait le
J'avais donné ma carte à une infirmière.
Ce Je • lui"même qui me fit en-
trer. Je ne r ava'!'s Pi'us vu depUIs la guer-
re, et la guerre avait duré cinq ans. Ce
clésiastique "Sure pleine, souriante, ec-
nest Renan et celle Baudelaire — mais
un visage miné par la souffrance, épuisé
par l'insomnie, vieilli par une barbe blan-
che poils courts. Dans l'état où il se trou-
vait réduit, il ne pouvait porter cet oeil de
verre qu'il avait depuis l'attentat du. res-
taurant Foyot. L'orbite vide faisait un trou
dans cette face endolorre. Je ,ne
retrouvais pI,us rien de l'homme alerte que
j'avais con nn^' Et c'est avec un sentiment de
grande a.niertUme que je su.is entré- dans la
chambre
Elle était petite. Il y avait, en face de la
porte, une fenêtre à rideaux blancs. Le lit
de fer émaillé occupait le milieu die la piè-
ce. Près de la Porte, se trouvait une chaise
longue encombrée de livres et de papiers;
et devant la cheminée, une petite table
chargée de bouquins. Une p,ipe et un cube
de taVc r.Rn°Saf m SUir un coin de la, ta-
ble. Au milieu du lit, s'arrondissai't un bal-
lon d'oxygène à demi dégonflé, comme; une
outre de cornemuse.
Le Maître, s'éta,nt assis, te dos tourné
à a lumière qui le f.ati,gu:a,i,t, se mit à cau-
ser. Sa parole était gr'ave et douce, comme
radis, avec pp S mflexlons caressantes et ses
brusques coups de fouet qui lui étaient per-
sonnels. Ceux qui l'ont connu ont goûté les
délices de c.e~ tte conversation qui mêlait la
fantaisie au savoir, le sarcasme à la gaîté.
On l'eût écouté pendant des heures, parce
que tout ce qu'il disait de beau, de rare,
d'imprévu u,®ac'eux» était ennobli , par
une politesse de race, une courtoisie d'aris-
tocrate.
.pa'Tlait d¡ ,' , hè e
^e latiri't:e 'il aimait avec passion,
iio,np°int Spin ,e •Pééant.isme d.'un. Sa.n-
quVi,mais &elon le -péda.ntisme d'un San-
t-eu;j aVec une 'tendresse filiale, parce
l^nf?, €st la
J !!^v4 eN inCttmïfr.^te 4e notre
amrv, Qum'il e J S! dlJ Claudien, le Pa-
ITL°NN'AIT entre tous pour
n'!Srhl d,°nt il de son héxamètre; du
M,a rt. dont il luge'ah avec ve'rve i!,e la-co-
rhrai- Ia 'lc,ence,., Mais tout à coup. la
'ine So ■ to,u:t à cou,p, la
Srait- 1« bourhi^^ dans s,a gorge : 11
Qui o.UveTte le dos. ployé,
Seco.u uMt entier pafune horrible quinte
rte „ ressê une' horr,ib!,e qmnte
qu, letait ç,Tr Ht, le baHon d'oxygè-
Qntreses malln's. respirant le
vie. -sfs. ma^ns, respirant le
%,i,HarHfiCe n ^UI lua rendait un peu de
tE.. 4- or
tg.'o r'en ,.
- en était ^lstract'-on Q-Ue Je , appor-
1 rtllf En d' J) 9,'t
i>Sez pour qu'il m'empêchât
tlanç^le erie infpff^ d'8 Si0n ma"1- i! reprenait
ttgit le soir. Slp'Ue- E-He se prolongeait
tt-ait sloir, tombant. La petite chambre
Wus ?ute t La Petite chamboe
d€8-Jv ki ver' P'U,}s Vlto),eHe-. Je ne voyais
MaÎtre que sort ombre sur les ri-
Je revins le voi,r régulièrement. Certains
jours, nous étions deux ou trois autour de
lui, mais j'ai toujours préféré Tailhade
dians lé tête-à-tête où il avait plus d laban-
don, Il se relevait peu à peu, et sa parole
devenait plus libre. Il projetait de, grands
travaux, il partit de ce vieux rêve qu'il ne
put, hélas! réaliser: une traduction de FAne
d'or et une autre de Don Quichotte, car ce
chef-d'œuvre, comme on le sait, n'a jamais
été traduit, mais mis en pièces par des
ignorants ou des pets-de-loup. Il avait réuni
dans un petit placard une trentaine de ses
livres préférés; il se plaisait à me momtrer
l'un, d'entre eux (je ne m'en rappelle plus
lie titre) qu'il avait fait rehier avec un mOlr-
ceau de la robe puce à fleurettes que por-
tait sa mère le jouir qu'este se maria.
C'est ainsi que j,e découvris l'âme tendre
et caressante de ce grand pamphlétaire qui
devint misanthrope, comme tous lies misan-
thlropes, parce qu'il avait trop aiimé les hom-
mes. Cette bonté qui fut, bieji; qu'il en sem-
ble, le fond de l'âme de Tailhade, je l'ai
retrouvée souvent dans ce qu'il me disalit.
Swaft aussi était un sensible, et cependant
rien, n'est plus vindicatif que ses livres:
mais il faut connaître Les amitiés de Swi,ft,
et la plénitude dé ses amours.
Avant la maladie qui l'emporta, Laurent
Taiilihade habitait un vieux presbytère, dans
les environs de Chartres. C'était, me disait-
il, une maison rustique, avec un adorable
pard,in plein de Hlas" de lys 'ou de roses, se-
lon les mois. A la grille d'entrée, était
accrochée une boîte aux lettres où le fac-
teur déposait le volumineux courrier qui ac-
cable les écrivains. Or un merle, curieux
sans doute de littérature, établit sa nichée
dans la boîte aux lettres. Tailhade s'en
aperçut d'ès le premier jour. Plus respec-
tueux de ces jolies existences que dies bil-
lets à lui adressés, H mit une bande de pa-
pier sur-la fente dè la boîte et y traça. de
sa belle écriture: Prière au facteur de jeter
le courrier dans Vallée.
Cette anecdote comporte une morale qui
n'est pas nécessairement philanthropique,
la tendresse pour les animaux allant pres-
que toujours de pair avec le dégoût de l'hu-
manité. Il appartiendra à de très vieux amis
du Maître de dégager sans parti pris ce
qu'il pensait de l'homme en général. Nous
m'avons jamais parlé^Tailhade et moi, de
ce sujet qui, pour ma part du moins, ne
semblait guère intéressant. Mais il m'a van-
té souvent les bienfaits de la solitude.
Je voulais réserver pour la fin de ces
notes les plus admirables paroles que j'aie
entendu prononcer par Laurent Tailhade,
admirables parce qu 'elles s tiennent à cette
vertu suprême de l'écrivain, qui est l'humi-
lité. Tous ceux qui ont donné de la beauté
au monde spirituel .se sont crus, jusqu'à
leur dernier jour,' des élèves/des ap-pren-
tis- qui étudient. Un artiste peuit. se laisser
donner ce nom de' «' maître )>, mais ,il sait
bien g'ue ce n'est .qujun.vairi titre, et qu'il
reste toujours un ouvrier.
Un joui- d'été, Tailhade a'Hait- mieux, et
nous étions assis- dains le jardin à fuiner
des pipes sous lies arbres. Des malades s'a-
cagnardaient au soleil ou passaient à pas
menus dans les allées. Je me souviens, il
y avait dians l,e ciel tout bleu un avion qui
jetait des prospectus, et les nuées de feuil-
lets blancs brillaient, suspendues dans l'air
iimmoMle. Tailhade fumait à petits coups
sans mot dire. Il venait de me parler de la
mort, avec la simplicité philosophique d'un
épicurien : il l'avait si souvent méditée
qu'elle était dams ses os, comme dit Mon-
taigne, et qu'il ne la -craignait que pour
celles qu'il laissait après lui. Tout soudain,
il se tourne vers moi et me dtt simple-
- Dites-mc/i, che'!' ami.., bien sincère-
ment:. est-ce-que j'ai eu du talent?
Je n'ai rien répondu. Que pouvais-je, moi
paiuyre,_ répondre à cela? M a* s je lui ai
pris kt main, la droite, celle qui écrit, et je
l'ai serrée dans les miennes.
Octobre s1920.
A. t'SERSTEVENS.
MINI^ Léon Vêrard
Ministre de l'Instruction Publique
un. nouy — par M. A.
M a été co?i?îstère' Présidé par M. A.
i- ^a al Sll,ué hier soir.
^tat auv^rsitéareUz IE, at PU.Y aux-Arts.
g]Sg ^aùx-Arts longtemps sous-secrétaire
Elle a Ca.rrièr aUX-Arts.
c,, S a est 'rtièrePerleynentailre est déjà longue,
î11:^ svï Paul-B0^eureHse et brillante. Suc-
est"„etaire dBoncour à ce fauteuil de pre-
S'res et ri®1,péPiniè,S Conférence des Avocats
et ciliii, U%tra-t« d'hommes politiques no-
est BérarTatians politiques no-
ean Bé.rard £ l'éloquence judiciaire,
'hi, ***!«. dpc n-
° ovp UCUU15liais, comme un des
avocats les plus élo-
Quents et les plus éru-
dits. Les habitués du
valais n'ont pas ou-
D-iié ce discours spiri-
tuel, d'une érudition
Profonde, coulée dans
une forme presque
nonchalante qu'il pro-
n*,,nÇa le 6 décembre
11)(12 et où il.fit*i,éi0
fîe d Ernest Picard.
Depuis lors, que de
chemin parcouru. ! Il
fut appelé au, sous-se-
ore, tariat d'Etat des
Beaux-Arts au mois
«'2 janvier igi2. Il
succédait rue de Va-
lois à M. Dujardin-
Beaumetz, tandis que
M. Gujst'hau deve-
nait ministre de l'Ins-
fc| I]J^ Ceni€nt M O ttúction Publique, en
tt¡, i¡k ^Intérieu • eg qui prenait le porte.
feuille de l'Intérieur.
cet,çSt natif ^firaIdn a que quarante-quatre ans.
l qUe quarante-cluatre ans.
,est'làtif 'lu e.earn. Il'Parait avoir hérité de
d'unp Parole aisée, souple et, natu-
lefre dl une Pa-rôle niiTice'il affirme,
e h^ute sa nprew afBrme,
M , ^homie un€ élégance naturelle,
1\1. Leon.Bérard n :et simple : -
WkisaVerties •eft une des personnalités les
^cex;_, de l'art, de ses ten-
d,"ts b.e'soins .,',
le "roùet Paris, dé,Itttres, des arts, et du
kirtiab,
théQtrQ n , a PashE abité le sous-siecrétaire d'Etat
bie e» aceue
U eJ n Préparé àd^' que' S°n passaêe aux Af-
^1mcm à devenir mi-
"?re 1,InStJruacclyrhon n npublique. devenir ini-
„ îlciu PreserCll publique.
La présence de M. Léon Bérard rue de Gré-
Art ^ra joveuL tïïlenl acjueilliê. La c« de
Art .t)t W\»2 être confiée à um personna-
*" hautementJ „-r e et plus résolu.e à dé-
>erc !Jn Patrimninit intellect'^&1 ^QHt des dif-
u'hé«ï ?e tous ordrmenacént raccroissement
! à un& epotl^e o? ù u
e ratrZ;0ine es Il pfécisément que
ce patrimoine e-,t plus que jamais nécessaire à
e die notre PaYs dans le monde.
J- T.
Le Chœur Ukrainien
au Théâtre des Champs-Élysées
Le Chœur Ukrainien a donné samedi soir, au
Théâtre des Champs-Elysées, la première séance
d'urne nouvelle série d'auditions. Comœdia a été
le premier à signaler la valeur exceptionnelle de
cette masse chorale et à célébrer le talent unique
de M. Koschitz.
Nous avions alors signalé l'obéissance passive
du chœur aux ordres de son chef, le goût
musical héréditaire des chanteurs, la fln,esse de
(Dessin de Bib)
M. A. KOSCHITZ
idrectour du Cliœur Ukrainien) 1 «.
leurs réalisations et la pureté^ absOlue .de. leurs
exécutions. Jamais .de. bavures, soit dans- les
rythmes les plus capricieux, soit dans lés in-
flexion vocales les plos .an^d^ciieuses. -
Avant que son premier séjour parmi nous eût
touché à sa fin, le -Chô,-ut. Ukrainien avait com-
plètement conquis le : pûibb'c parisien. Depuis,
cette compagnie n'est pas restée inactive. - Elle
s'en hif recueillir de nouveaux ; triomphes en
faisant connaître, à travers le: monde, le folk lore
admirable dè l'Ukraine^ ",.' , -
Exempte de ce qu'on peut obtenir de chœurs!
disei-plinés,- soumis sjxjntaaïéînent. à un. idéal
commun et fervents serviteurs de'l'art natsonal,-
l'audition de oeux-et ne doit- pas seulement
nous procurer une joie d'une rare élévation, mais
constituer aussi un enseignement utile entre tous.;
Dès que la présente série de cpincerts sera ter-
minée, nous rendrons compte de ces manifesta-
tions du plus haut intérêt artistique.
L. H.
A L'AIHAMBRA
Mme S ara fa "Bernhardt joue Vitrail
t de M. René Fauchois -
Mme Sarah BERNHARDT dans « Vitrail » * (Photo Henri Manuel)
Dans la grande salle du château, la châtelaine
attend avec une confiance presque mystique lè
retour du Seigneur. Du maître de céans parU
depuis fort longtemps pour la guerre oncques
on n'entendit parler. Epouse inconsolable, là
grande dame vit nuit et jour son désespoir. Son
existence se poursuit automatique, morne, et
sombre. Silencieuse et farouche, elle écoute
parler les êtres humains qui s'agitent autour
d eille, sans prendre part à leurs conversations.
La lumière du jour ne pénètre plus en son lo-
gis transformé en sépulcre. La châtelaine n'élè-
ve la voix que pour faire entendre ses regrets
et ses gémissements. Sa plainte cadencée re-
tentit comme une litanie dans un caveau.
Sa fidélité, son culte du souvenir sont
tels que la vertu des femmes grecques ou tro-
yennes semble fragile comparée à celle des épou-
ses de nos vaiHants chevaliers d'antan. Qu'est
la fidélité tenace mais rusée d'une Pénélope à
côté de l'attachement désespéré et brutal de
cette française. M. René. Fauchois emporté par
un chauvinisme louable a-t-it été sincère ou
a-t-il voulu faire œuvre d'ironiste en nous fai-
sant comparer les femmes d'autrefois à celles
d'aujourd'hui? Fatalement le sens critique qui
s'agite en nous tel un malin lutin et traverse tes
.plus nobles sentiments nous fait songer au len-
demain de la grande guerre à ceTtaines jeunes
personnes plus consolables et nous constatons
non sans amertume, que les chevaliers lais-
saient dans leur foyer des souvenirs plus dura-
bles que les poilus d'aujourd'hui. Mais nous ne
pouvons nous comparer, n'est-il pas vrai, aux
personnages de l'époque de la chevalerie, sur-
tout quand ils ont été revus et corrigés par les
poètes.
Voici que dans la solitude obscure de la granr
de salie du château ou seule veille comme une
statue, vivante la grande désespérée,. un homme
apparaît tout de noir vêtu, entièrement caché
et encapuchonné sous son grand manteau. La
voix de l'étranger se fait entendre et la noble,
dame pousse dans la nuit un cri de joie en re-
connaissant l'organe de l'époux chéri. Toute sa
joie va s'étaler en actions dé grâce, mais l'hom-
me, d'une voix brève .et désespérée, tente d'ar-
rêter cette joie radieuse.
- Je te reviens, dit-il, mais .abattu, déses-r
péré et infirme, j'ai perdu un oeil en me bat-
tant.
— Que m'importe!
- Ce n'est pas tout, mon corps est Plein de
balafres et de blessures. Je suis un pauvre mu-
tilé de guerre! ;
- Que m'importe !
- Je n'ai pas tout dit. Des maladies af-
freuses ravagent le pauvre être que je suis.
La peste, la lèpre ont transformé ma figure en
u.n visage hideux.
- Que m'importe. Pour moi, tu es toujours
beau et jeune. -
— Tu reculeras d'horreur en me voyant. -
- Je t'aime ! -
Vous entendez bien que ce dialogue .que je
me permets avec quelque irrévérence, de tra-
duire en prose, est versifié, et que les ménagés
de chevaliers parlent une langue plus poétique
et châtiée que celle des personnages de comé-
die moderne. Encore une fois, nous ne pouvons
nous empêcher de faire des comparaisons. De
nouveau, le lutin méchant s'agite en nous. De
tels dévouements seraient-ils possibles à notre
'époque, l'amour conjugal résisterait-il à ce vi-
goureux assaut? Pourquoi pas?. Dès qu'il s'a-
git d'amour les apparentes exagérations des poè-
les sont au-dessous de la réalité. Ici notre iro-
nie ne trouve plus matière à s'exercer. Si la
femme en général paraît incapable de résister
à une absence trop prolongée, du moins est-
¡dIe Capable de tous les dévouements, de tous
les sacrifices, y compris celui de son existence
et même de sa beauté, quand il s'agit de l'être
aimé.
Vous devinez la ffn de l'acte qui pouvait être
traité à la façon granguignolesque ou à la ma-
îifëre poétique. Dans le premier cas, le cheva-
lier aurait découvert son corps mutilé et son
visage hideux-, et notre curiosité malsaine eût
aimé voir et analyser l'impression produite sur
l'épouse aimante. Dans la seconde version, le
Seigneur va nous apparaître resplendissant de
gloire, de jeunesse et de beauté. C'est une
simple épreuve qu'il a fait subir à sa fidèle
oempagne. L'expérience a montré l'inaltérable
amour de l'épouse.
Alors, d'un geste large, le chevalier tire le
grand rideau de la fenêtre et éclaire ainsi la
pièce où la joie et les rayons de soleil ne trou-
vaient plu,3 accès. Par l'immense et resplen-
dsôsant vitrail pénètre une clarté magnifique qui
innonde le couple. L'acte se termine sur cette
apothéose de lumière et d'amour.
Les vers de M. René Fauchois sont joliment
écrits en une forme archaïque qui ne manque
pes de saveur. Le langage des chansons de geste
au music-hall n'est pas pour nous déplaire.
Quant à Sarah Bernhardt, elle a été sublime,
comme à l'ordinaire, et je conserverai long-
temps le souvenir de la plus grande tragédienne
des temps modernes venant après des jongleurs
.étonnants, des prestidigitateurs comiques, et
l'homme qui deecend l'escalier sur si tête, ap-
porter sur. la. scène de l'Alhambra cette magni-
fique note d'art.
Quelques-uns trouveront étonnant le choix
de ce cadre pour la réalisation d'une effort poé-
tique. Ceux-là ne comprennent pas le music-
hall qui le dédaignent ainsi. De plus en plus,
nous devons nous efforcer d'acclimater chez nous
un gerce de spectacle que le mot « Variétés »
employé par les Boches désigne de façon
caractéristique. Les directeurs s'honorent en re-
cherchant dans leur programme un éclectisme
qui va de l'acrobate au poète et essaie d'impo-
ser la beauté sous toutes ses formes. Celle du
Gladiateur est enviable. De même, nous devons
nous souvenir qu'un clown peut avoir du génie
et supprimer les barricades dressées par l'or-
gueil des intellectuels.
Nç sont aujourd'hui histrions que ceux qui
tent mal leur métier. Tous les autres sont des
artistes.
Et encore une fois Je me plais à rappeler la
parole profonde que me disait un jour avec hu-
milité le grand Jean Richepin, en applaudissant
au music-hall des acrobates.
- Ces, gens-là. m'humilient, car ils me rap-
pellent que je ne ferais jamais avec mon cer-
veau, ce qu'ils arrivent à faire avec leurs mus-
ses.
: MAX VITERBO.
Echos
.17 Janvier 1879. — A l'Opéré, première représen-
talion de Yeddm, de Philippe Gille, Arnold Mor-
tier et Mçranfe, musique de O. Métra.
le J'oman de Victor Margucritte,
«. PHOSTITLËi: »
est nu quarante-deuxième mille
Peu de livres auront connu un succès immédiat
comparable à celui de Prostituée, le beau roman
de Victor Margueritte. Des sceptiques croyaient
le public incapable de « s'emballer » pour une
œuvre de ce genre. Songez donc! Un roman
« social d Une « étude de mœurs » 1 Sans comp-
ter la « vague de pudeur- x, toute prête à recou-
vrir, à cacher, à noyer ce titre scandaleux ;
Prostituée. Or, le fait est là: le roman de Victor
Margueritte en est au 42.000e exemplaire. Tâul
le., monde lit, a lu ou lira Prostituée. (Flammarion,
édit., deux vol. à 7 fr. chacun).
E
pithète.
Hier après-midi, l'excellent Sutty —
1 oom.rne. pius gros que t-atty — sortait die
l'Apollo en pressant le pas pour rejoindre
un camarade.
Dans ça hâte, il heurta par inadvertance
un passant. Celui-ci, employé ou ouvrier
endimanché se. retourna, la figure courrou-
cée. Il contempla un. instant la silhouette
de l'artiste qui conrtimiuait allègrement sot)
chemin, puis haussant les épaules, U rour*-
mu'ra avec une moue :
- Miniature va ! 11
U
n vaudevilliste, dont la femme a donné
plus d'un coup de sabre dans le
contrat, ht jouer dernière ment sur un théâ-
tre des Boulevards, une comédie très spi-
rituelle. Quelqu'un en constatai/t le succès
! devant Mme X., qui s'écria aussitôt:
■ — Parblçu, ce n'est pas étonnant que la
pièce soit pleine de traits! C'est que cette
chère X,.. lui en a fait quelques-aiins.
F
ermez la porte! ,
Rhurmes, màU'x d-e "^e. bronchites,
grippes, tout autant de portes ouvertes à
ta tuberculose. Demandez, à votre médecin
comment fermer, barricader la porte avec
un simple traitement des EAUX-BONNES à
domicile.
L
"Exposition de la GRANDE MAISON DE
BLANC poursuit so>n cours victo-
rieux. et chaque jour une foule considéra-
ble de parisiennes et d'étrangères vien-
nent y admirer un choix de lingerie d'une
rg,re finesse. Que ce soit linge de corps.,
die table ou de maison, tout y atteste la
grâce et l'élégance du' goût français.
;, Le Masque de Verre..
Nous publierons demain un article lM.
FÉLIX GALJPAUX
el « les Manuscrits de Théâtre *
par A. MORTIER
SOUVENIRS
A propos de ta 500e de Louise
de M. Gustave Charpentier
ta situation de Louise, la vaillante et jolie
ouvrière parisienne, se débattant pour s'échapper
de la cage familiale, pour voler aux effusions
de l'amour libre, est si humaine, si troublante,
que les spectateurs de l'heure présente, comme
ceux des premières représentations, se deman-
dent si l'aventure a été réellement vécue. Nous
avons des précisions à cet égard, et même une
véritable documentation, grâce à Y Intermédiaire
des Chercheurs et des Curieux, vénérable pu-
blication, maintenue de nos jours en pleine acti-
vité par l'érudition et le dévouement de notre
éminent confrère Montorgueil. Au cours de l'an-
née 1901, à cette question, posée dans les co-
lonnes de VIntermédiaire : a Louise est-elle une
autobiographie ? » M. Gustave Charpentier ré-
pondit par les lignes suivantes :
En effet, l'argument de Louise me fut fourni par
les souvenirs de mes premières années parisiennes
C'était en 1890, deuxième année die ma réléga-
tion) à la viiliLa Médiicis, ayant terminé La Vie du
Poète, et noté Les Impressions de Voyage, dont
plus tard, à Touirc, je fis Les Impressions d'Ita-
lie (quel bon collaborateur que l'éloignement, l'é-
lOi!gnemeje songeai à une pièce philosophique, où le décor
et lets personnages concouraient parallèlement au
développeinerat d'un drarae social.
Les différents aspects de la vie parisienne avaient
laissé, en. mon âme, une impression profonde. Je
pris la « petite aventure (fui avait illuminé ma
vingtième amnée. J'y greffai mes sensations pari-
siennes. J'y brodai des épisodes, et pour m'assu-
rer que la musiaute d'un parti! sujet n'était pas
uno folie, comme l'Affirmaient des camarades, je
voulais en écriire tout de suite le premier acte et
l'expédier à l'Institut comme dernier envoi.
Mies amis Gaston Carraud et Louis Landlry (ce
dernier devenu chef de chant à l'Opéra-Comique
et cc.JJ.a.o<}I':a,t,eu¡r de M. Carré et de M. Messager
pour Les études de Louise), lurent cet acte à mon
•retour de Paris, et m'engagèrent à terminer ma
pièce, mais ils me dissuadèirent de l'envoyer à
l'Institut. -, ,.,
« Conserve ta belle coniiance, me aisent-iis.
Dans ton. œuvre, bien des choses nous choquent.
heurtent des habitudes Evidemment, ton instinct
feindrai ne, ne Lui fais pas v.ioloe.nŒ, laisse-toi con-
duire. Tu peux être -tranquille, même si ton esthé-
tique dramatique parait. au public, comme à nous,
un peu déconcertante, ta musique emportera le
morceau. »
Et voilà l'histodire de Louise.
Est-ce à dire que la Louise de mon roman mu-
sical est la photographia exacte de la Louise qui,
SUT la Butte, devant Paris, me prouva son amour ?
j,e n'oserais le prétendre.
La jeune ouvrière, aux yeuix vifs, au teint 'mât
dont Les cheveux noirs roulés en grosse tre=>r sa
'penchaient sur une-la:i,lJê longue et vigoureuse.
L'finfant, inquiète et hésitante, dtont j'ai fixé La
pensée aux premières pages du- dirame :
Je vous aime tant.
Et j'aime tant mes parents. •
La rme romanesque, naïve et volontaire, en qui
s'affirmait le désir de vivre libre, vous la devine-
rez peut-être en Lisant ma partition, mais perdez
l'espoir de la connaître teMe qu'elle réside en la
« Chambre a,lJa,'C souvenirs » de mon. cœur. i
Pour la montrer aussi vivante, et aussi complexe
que je la sens encore, il faudrait dix actes dé
Lotrtsc et mille pages de partition.
Gustave CHARPENTIER.
LES CREATEURS DE a LOUISE a
M. MARECHAL M. FUGERR MfIO RIOTON
Mlle DESCHAMPS-JEHIN
(Photos Cautin-Berger, Benque et HeutlingrJ"
La maison ou s'est déroulée cette petite
idylle existe encore intacte. C'est le numéro 44
du boulevard de Clichy.
Quel était le passé artistique de Gustave Char-
pentier?
Originaire de Dieuze, en Lorraine, il avait
mené de front ses. travaux dans une filature à
Tourcoing avec ses études musicales au Conser-
vatoife de Lille, d'où il vint à celui de Paris,
dans la classe de violon dé Massart. qui pro-
clamait que cet élève n'avait aucune disposition,
n'était nullement musicien.
Les principes d'harmonie inculqués par
Pessard lui permirent heureusement de
faire mentir ce pronostic, dès qu'il eût été
admis dans la classe de composition de -Massenet,
d'où il sortit avec le premier grand-prix de Ro-
me, en 1887.A la Villa Médicis. ses démêlés avec
M. Hébert sont restés légendaires, pour des
questions bien peu graves. D'abord, il s'obstinait
à ne pas se rendre aux soirées dominicales du
directeur, et quand il se décidait à y paraître,
son accoutrement, ses gilets flamboyants, cau-
saient un véritable scandale. Autre cause de
LES PRINCIPAUX INTERPRETES DE « LOUISE n (Photos Ma.iurl^
Mlle MATHIEU (1) - Mme Marguerite CA,RRÉ (2) — Mlle DEMELLIER (3) - Mlle FRICHÉ,
créatrice à Bruxelles (4) — Mlle Mary CARDEN, créatrice aux Etats-Unis (5) — Mile EDWINA,
Patrice à Londres (G) — Mlle BRUNLET (7) .,.. Mlle Geneviève VIX, créatrice à Atadrid (8).
conflit: en dépit des interdictions du règlement,
il osait faire franchir à une femme le seuil de
ootre Ecole de6 Beaux-Arte à Rome; maïs la
morale ne pouvait s'en offenser : cette femme ve-
nait faire la cuisine dans sa chambre, le jeune
réfractaire déclarait, en effet, que l'ordinaire des
élèves était immangeable.
Les Impressions d'Italie constituèrent son envoi
à l'Institut; cette délicieuse suite d'orchestre,
tout imprégnée des senteurs, des visions et des
harmonies lyriques de la péninsule, obtinrent un
accueil enthousiaste en 1839, aux Concerts
(Photo Benque et C")
M. Gustave CHARPENTIER
à l'époque de la création de « Louise »
Colonne et Lamoureux ; puis vinrent Les Fleurs
du Mal, mélodies d'après Baudelaire; les lm-
pressions fausses, d'après Verlaine, et la Vie du
Pdète, symphonie exécutée avec le plus vif suc-
cès à l'Opéra. Le bruit fait autour de cette exé-
cution fut tel que Bertrand voulu faire entendre
cette œuvre aux abonnés. Elle fut ajoutée au
programme le soir de la reprise de Sylvia.
Mais ce bagage musical d'une valeur excep-
ti^ onnelle ne comportait que' des symphonies,
auxquelles il convient d'ajouter La Sérénade à
Watteau, exécutée dans le jardin du Luxembourg,
le 9 novembre 1896; il est donc parfaitement
exact que Louise n'avait été précédée d'aucune
autre œuvre destinée au théâtre.
Aujourd'hui, que.la cinq centième représenta-
tion en vingt-et-un ans constitue pour cette œvrnft
un triomphe sans précédent dans les a m. - 'es
lyriques, il serait oiseux de rappeler les impres-
sions de la répétition générate; elles furent des
plus favorables et devinrent de l'enthousiasme
après l'acte de Montmartre.
« Mlle Rioton a fait un début des plus re-
marquâmes dans le personnage de Louise, sa
voix est d'un timbre délicieux et l'intelligence
de l'artiste est impérieuse, Ajoutez à cela une
silhouette des plus gracieuses. Mlle Rioton ira
très loin. Elle a déjà fait un bon bout de che-
min en une seule soirée ')J. Cette opinion du
Ménestrel résume exactement les rares mentes
de la créatrice. Quant à la prophétie, elle ne
se. réalisa pas, MJÎe Rioton ayant quitté la car-
rière théâtrale qui s'ouvrait si brillante devant
ses vingt-deux ans. Premier prix de chgnt et
d'opéra-comique au concours du Conservatoire
de l'année précédente, elle avait été réservée
pour cette création; sa jeunesse ,son charme. 1e
timbre et la souplesse de sa voix contribueront
au succès.
Mme Deschamps-Jehin, la créatrice d'H■ 'l),
diade à Bruxelles, interpréta d.'une voix chni.de
et généreuse le rôle de la mère sans songer à
mettre en yaleur ce qu'il contient de sensibilité.
M. Maréchal fut, au point de vue vocal, un J*
«S- ANNEE - N» 2954 - Quotidien
Numéro- j Paris 0 fr. 20
e Umero: < Hors Paris.. 0 fr. 25
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LUNDI 17 JANVIER 1921
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LAURENT TAILHADE
tous ceux qui ont envoyé leur obole
Pour le tombeau du Maître, je dédie
ces pages reconnaissantes.
J'offre ces flotes à l'homme de cœur qui
nous écrira l'a vie de Laurent Tailhade. Au
moment que ce 'maître du beau langage
français entre dans l'histoirie Médire, il
est bon que rif" ne s-e perd-e de ce qu'il a
fait, ch i111 a dit, de ce qu'il a sou.f-
fert. Car le m(}nde de 111 douleur appar-
tient en qu;elque chose à la poésie, en ce
sens, peut-être, qu'il l'engendre.
En avril 1919, je venais d'être démobi-
lisé, lorsque j'ap,pris q,ue. Laiureint Tailhade,
fort souffla,, l était à la maison DubOiS,
cette caserne de 8abataiires allonge sa
façade morose à pextremité du faubourg
Saint-Denis. Dans la première cour, à co-
lonnades d-oriques, il n'v a jamais person-
ne ; dlans la seconde plantée d'arbres en
avenues, il y a Quelques malades qui se
promènent sous l,es fenêtres où d'autres ma-
lades les nrHgarîent Passer. A l'intérieur,
toutes les chambres Sont identiques et al,l'"
gnent au long des corridors leurs chiffres
d'émail blanc. 19 Celle de Tailhade portait le
J'avais donné ma carte à une infirmière.
Ce Je • lui"même qui me fit en-
trer. Je ne r ava'!'s Pi'us vu depUIs la guer-
re, et la guerre avait duré cinq ans. Ce
clésiastique "Sure pleine, souriante, ec-
nest Renan et celle Baudelaire — mais
un visage miné par la souffrance, épuisé
par l'insomnie, vieilli par une barbe blan-
che poils courts. Dans l'état où il se trou-
vait réduit, il ne pouvait porter cet oeil de
verre qu'il avait depuis l'attentat du. res-
taurant Foyot. L'orbite vide faisait un trou
dans cette face endolorre. Je ,ne
retrouvais pI,us rien de l'homme alerte que
j'avais con nn^' Et c'est avec un sentiment de
grande a.niertUme que je su.is entré- dans la
chambre
Elle était petite. Il y avait, en face de la
porte, une fenêtre à rideaux blancs. Le lit
de fer émaillé occupait le milieu die la piè-
ce. Près de la Porte, se trouvait une chaise
longue encombrée de livres et de papiers;
et devant la cheminée, une petite table
chargée de bouquins. Une p,ipe et un cube
de taVc r.Rn°Saf m SUir un coin de la, ta-
ble. Au milieu du lit, s'arrondissai't un bal-
lon d'oxygène à demi dégonflé, comme; une
outre de cornemuse.
Le Maître, s'éta,nt assis, te dos tourné
à a lumière qui le f.ati,gu:a,i,t, se mit à cau-
ser. Sa parole était gr'ave et douce, comme
radis, avec pp S mflexlons caressantes et ses
brusques coups de fouet qui lui étaient per-
sonnels. Ceux qui l'ont connu ont goûté les
délices de c.e~ tte conversation qui mêlait la
fantaisie au savoir, le sarcasme à la gaîté.
On l'eût écouté pendant des heures, parce
que tout ce qu'il disait de beau, de rare,
d'imprévu u,®ac'eux» était ennobli , par
une politesse de race, une courtoisie d'aris-
tocrate.
.pa'Tlait d¡ ,' , hè e
^e latiri't:e 'il aimait avec passion,
iio,np°int Spin ,e •Pééant.isme d.'un. Sa.n-
quVi,mais &elon le -péda.ntisme d'un San-
t-eu;j aVec une 'tendresse filiale, parce
l^nf?, €st la
J !!^v4 eN inCttmïfr.^te 4e notre
amrv, Qum'il e J S! dlJ Claudien, le Pa-
ITL°NN'AIT entre tous pour
n'!Srhl d,°nt il de son héxamètre; du
M,a rt. dont il luge'ah avec ve'rve i!,e la-co-
rhrai- Ia 'lc,ence,., Mais tout à coup. la
'ine So ■ to,u:t à cou,p, la
Srait- 1« bourhi^^ dans s,a gorge : 11
Qui o.UveTte le dos. ployé,
Seco.u uMt entier pafune horrible quinte
rte „ ressê une' horr,ib!,e qmnte
qu, letait ç,Tr Ht, le baHon d'oxygè-
Qntreses malln's. respirant le
vie. -sfs. ma^ns, respirant le
%,i,HarHfiCe n ^UI lua rendait un peu de
tE.. 4- or
tg.'o r'en ,.
- en était ^lstract'-on Q-Ue Je , appor-
1 rtllf En d' J) 9,'t
i>Sez pour qu'il m'empêchât
tlanç^le erie infpff^ d'8 Si0n ma"1- i! reprenait
ttgit le soir. Slp'Ue- E-He se prolongeait
tt-ait sloir, tombant. La petite chambre
Wus ?ute t La Petite chamboe
d€8-Jv ki ver' P'U,}s Vlto),eHe-. Je ne voyais
MaÎtre que sort ombre sur les ri-
Je revins le voi,r régulièrement. Certains
jours, nous étions deux ou trois autour de
lui, mais j'ai toujours préféré Tailhade
dians lé tête-à-tête où il avait plus d laban-
don, Il se relevait peu à peu, et sa parole
devenait plus libre. Il projetait de, grands
travaux, il partit de ce vieux rêve qu'il ne
put, hélas! réaliser: une traduction de FAne
d'or et une autre de Don Quichotte, car ce
chef-d'œuvre, comme on le sait, n'a jamais
été traduit, mais mis en pièces par des
ignorants ou des pets-de-loup. Il avait réuni
dans un petit placard une trentaine de ses
livres préférés; il se plaisait à me momtrer
l'un, d'entre eux (je ne m'en rappelle plus
lie titre) qu'il avait fait rehier avec un mOlr-
ceau de la robe puce à fleurettes que por-
tait sa mère le jouir qu'este se maria.
C'est ainsi que j,e découvris l'âme tendre
et caressante de ce grand pamphlétaire qui
devint misanthrope, comme tous lies misan-
thlropes, parce qu'il avait trop aiimé les hom-
mes. Cette bonté qui fut, bieji; qu'il en sem-
ble, le fond de l'âme de Tailhade, je l'ai
retrouvée souvent dans ce qu'il me disalit.
Swaft aussi était un sensible, et cependant
rien, n'est plus vindicatif que ses livres:
mais il faut connaître Les amitiés de Swi,ft,
et la plénitude dé ses amours.
Avant la maladie qui l'emporta, Laurent
Taiilihade habitait un vieux presbytère, dans
les environs de Chartres. C'était, me disait-
il, une maison rustique, avec un adorable
pard,in plein de Hlas" de lys 'ou de roses, se-
lon les mois. A la grille d'entrée, était
accrochée une boîte aux lettres où le fac-
teur déposait le volumineux courrier qui ac-
cable les écrivains. Or un merle, curieux
sans doute de littérature, établit sa nichée
dans la boîte aux lettres. Tailhade s'en
aperçut d'ès le premier jour. Plus respec-
tueux de ces jolies existences que dies bil-
lets à lui adressés, H mit une bande de pa-
pier sur-la fente dè la boîte et y traça. de
sa belle écriture: Prière au facteur de jeter
le courrier dans Vallée.
Cette anecdote comporte une morale qui
n'est pas nécessairement philanthropique,
la tendresse pour les animaux allant pres-
que toujours de pair avec le dégoût de l'hu-
manité. Il appartiendra à de très vieux amis
du Maître de dégager sans parti pris ce
qu'il pensait de l'homme en général. Nous
m'avons jamais parlé^Tailhade et moi, de
ce sujet qui, pour ma part du moins, ne
semblait guère intéressant. Mais il m'a van-
té souvent les bienfaits de la solitude.
Je voulais réserver pour la fin de ces
notes les plus admirables paroles que j'aie
entendu prononcer par Laurent Tailhade,
admirables parce qu 'elles s tiennent à cette
vertu suprême de l'écrivain, qui est l'humi-
lité. Tous ceux qui ont donné de la beauté
au monde spirituel .se sont crus, jusqu'à
leur dernier jour,' des élèves/des ap-pren-
tis- qui étudient. Un artiste peuit. se laisser
donner ce nom de' «' maître )>, mais ,il sait
bien g'ue ce n'est .qujun.vairi titre, et qu'il
reste toujours un ouvrier.
Un joui- d'été, Tailhade a'Hait- mieux, et
nous étions assis- dains le jardin à fuiner
des pipes sous lies arbres. Des malades s'a-
cagnardaient au soleil ou passaient à pas
menus dans les allées. Je me souviens, il
y avait dians l,e ciel tout bleu un avion qui
jetait des prospectus, et les nuées de feuil-
lets blancs brillaient, suspendues dans l'air
iimmoMle. Tailhade fumait à petits coups
sans mot dire. Il venait de me parler de la
mort, avec la simplicité philosophique d'un
épicurien : il l'avait si souvent méditée
qu'elle était dams ses os, comme dit Mon-
taigne, et qu'il ne la -craignait que pour
celles qu'il laissait après lui. Tout soudain,
il se tourne vers moi et me dtt simple-
- Dites-mc/i, che'!' ami.., bien sincère-
ment:. est-ce-que j'ai eu du talent?
Je n'ai rien répondu. Que pouvais-je, moi
paiuyre,_ répondre à cela? M a* s je lui ai
pris kt main, la droite, celle qui écrit, et je
l'ai serrée dans les miennes.
Octobre s1920.
A. t'SERSTEVENS.
MINI^ Léon Vêrard
Ministre de l'Instruction Publique
un. nouy — par M. A.
M a été co?i?îstère' Présidé par M. A.
i- ^a al Sll,ué hier soir.
^tat auv^rsitéar
g]Sg ^aùx-Arts longtemps sous-secrétaire
Elle a Ca.rrièr aUX-Arts.
c,, S a est 'rtièrePerleynentailre est déjà longue,
î11:^ svï Paul-B0^eureHse et brillante. Suc-
est"„etaire dBoncour à ce fauteuil de pre-
S'res et ri®1,péPiniè,S Conférence des Avocats
et ciliii, U%tra-t« d'hommes politiques no-
est BérarTatians politiques no-
ean Bé.rard £ l'éloquence judiciaire,
'hi, ***!«. dpc n-
° ovp UCUU15
avocats les plus élo-
Quents et les plus éru-
dits. Les habitués du
valais n'ont pas ou-
D-iié ce discours spiri-
tuel, d'une érudition
Profonde, coulée dans
une forme presque
nonchalante qu'il pro-
n*,,nÇa le 6 décembre
11)(12 et où il.fit*i,éi0
fîe d Ernest Picard.
Depuis lors, que de
chemin parcouru. ! Il
fut appelé au, sous-se-
ore, tariat d'Etat des
Beaux-Arts au mois
«'2 janvier igi2. Il
succédait rue de Va-
lois à M. Dujardin-
Beaumetz, tandis que
M. Gujst'hau deve-
nait ministre de l'Ins-
fc| I]J^ Ceni€nt M O ttúction Publique, en
tt¡, i¡k ^Intérieu • eg qui prenait le porte.
feuille de l'Intérieur.
cet,çSt natif ^firaIdn a que quarante-quatre ans.
l qUe quarante-cluatre ans.
,est'làtif 'lu e.earn. Il'Parait avoir hérité de
d'unp Parole aisée, souple et, natu-
lefre dl une Pa-rôle niiTice'il affirme,
e h^ute sa nprew afBrme,
M , ^homie un€ élégance naturelle,
1\1. Leon.Bérard n :et simple : -
WkisaVerties •eft une des personnalités les
^cex;_, de l'art, de ses ten-
d,"ts b.e'soins .,',
le "roùet Paris, dé,Itttres, des arts, et du
kirtiab,
théQtrQ n , a PashE abité le sous-siecrétaire d'Etat
bie e» aceue
U eJ n Préparé àd^' que' S°n passaêe aux Af-
^1mcm à devenir mi-
"?re 1,InStJruacclyrhon n npublique. devenir ini-
„ îlciu PreserCll publique.
La présence de M. Léon Bérard rue de Gré-
Art ^ra joveuL tïïlenl acjueilliê. La c« de
Art .t)t W\»2 être confiée à um personna-
*" hautementJ „-r e et plus résolu.e à dé-
>erc !Jn Patrimninit intellect'^&1 ^QHt des dif-
u'hé«ï ?e tous ordrmenacént raccroissement
! à un& epotl^e o? ù u
e ratrZ;0ine es Il pfécisément que
ce patrimoine e-,t plus que jamais nécessaire à
e die notre PaYs dans le monde.
J- T.
Le Chœur Ukrainien
au Théâtre des Champs-Élysées
Le Chœur Ukrainien a donné samedi soir, au
Théâtre des Champs-Elysées, la première séance
d'urne nouvelle série d'auditions. Comœdia a été
le premier à signaler la valeur exceptionnelle de
cette masse chorale et à célébrer le talent unique
de M. Koschitz.
Nous avions alors signalé l'obéissance passive
du chœur aux ordres de son chef, le goût
musical héréditaire des chanteurs, la fln,esse de
(Dessin de Bib)
M. A. KOSCHITZ
idrectour du Cliœur Ukrainien) 1 «.
leurs réalisations et la pureté^ absOlue .de. leurs
exécutions. Jamais .de. bavures, soit dans- les
rythmes les plus capricieux, soit dans lés in-
flexion vocales les plos .an^d^ciieuses. -
Avant que son premier séjour parmi nous eût
touché à sa fin, le -Chô,-ut. Ukrainien avait com-
plètement conquis le : pûibb'c parisien. Depuis,
cette compagnie n'est pas restée inactive. - Elle
s'en hif recueillir de nouveaux ; triomphes en
faisant connaître, à travers le: monde, le folk lore
admirable dè l'Ukraine^ ",.' , -
Exempte de ce qu'on peut obtenir de chœurs!
disei-plinés,- soumis sjxjntaaïéînent. à un. idéal
commun et fervents serviteurs de'l'art natsonal,-
l'audition de oeux-et ne doit- pas seulement
nous procurer une joie d'une rare élévation, mais
constituer aussi un enseignement utile entre tous.;
Dès que la présente série de cpincerts sera ter-
minée, nous rendrons compte de ces manifesta-
tions du plus haut intérêt artistique.
L. H.
A L'AIHAMBRA
Mme S ara fa "Bernhardt joue Vitrail
t de M. René Fauchois -
Mme Sarah BERNHARDT dans « Vitrail » * (Photo Henri Manuel)
Dans la grande salle du château, la châtelaine
attend avec une confiance presque mystique lè
retour du Seigneur. Du maître de céans parU
depuis fort longtemps pour la guerre oncques
on n'entendit parler. Epouse inconsolable, là
grande dame vit nuit et jour son désespoir. Son
existence se poursuit automatique, morne, et
sombre. Silencieuse et farouche, elle écoute
parler les êtres humains qui s'agitent autour
d eille, sans prendre part à leurs conversations.
La lumière du jour ne pénètre plus en son lo-
gis transformé en sépulcre. La châtelaine n'élè-
ve la voix que pour faire entendre ses regrets
et ses gémissements. Sa plainte cadencée re-
tentit comme une litanie dans un caveau.
Sa fidélité, son culte du souvenir sont
tels que la vertu des femmes grecques ou tro-
yennes semble fragile comparée à celle des épou-
ses de nos vaiHants chevaliers d'antan. Qu'est
la fidélité tenace mais rusée d'une Pénélope à
côté de l'attachement désespéré et brutal de
cette française. M. René. Fauchois emporté par
un chauvinisme louable a-t-it été sincère ou
a-t-il voulu faire œuvre d'ironiste en nous fai-
sant comparer les femmes d'autrefois à celles
d'aujourd'hui? Fatalement le sens critique qui
s'agite en nous tel un malin lutin et traverse tes
.plus nobles sentiments nous fait songer au len-
demain de la grande guerre à ceTtaines jeunes
personnes plus consolables et nous constatons
non sans amertume, que les chevaliers lais-
saient dans leur foyer des souvenirs plus dura-
bles que les poilus d'aujourd'hui. Mais nous ne
pouvons nous comparer, n'est-il pas vrai, aux
personnages de l'époque de la chevalerie, sur-
tout quand ils ont été revus et corrigés par les
poètes.
Voici que dans la solitude obscure de la granr
de salie du château ou seule veille comme une
statue, vivante la grande désespérée,. un homme
apparaît tout de noir vêtu, entièrement caché
et encapuchonné sous son grand manteau. La
voix de l'étranger se fait entendre et la noble,
dame pousse dans la nuit un cri de joie en re-
connaissant l'organe de l'époux chéri. Toute sa
joie va s'étaler en actions dé grâce, mais l'hom-
me, d'une voix brève .et désespérée, tente d'ar-
rêter cette joie radieuse.
- Je te reviens, dit-il, mais .abattu, déses-r
péré et infirme, j'ai perdu un oeil en me bat-
tant.
— Que m'importe!
- Ce n'est pas tout, mon corps est Plein de
balafres et de blessures. Je suis un pauvre mu-
tilé de guerre! ;
- Que m'importe !
- Je n'ai pas tout dit. Des maladies af-
freuses ravagent le pauvre être que je suis.
La peste, la lèpre ont transformé ma figure en
u.n visage hideux.
- Que m'importe. Pour moi, tu es toujours
beau et jeune. -
— Tu reculeras d'horreur en me voyant. -
- Je t'aime ! -
Vous entendez bien que ce dialogue .que je
me permets avec quelque irrévérence, de tra-
duire en prose, est versifié, et que les ménagés
de chevaliers parlent une langue plus poétique
et châtiée que celle des personnages de comé-
die moderne. Encore une fois, nous ne pouvons
nous empêcher de faire des comparaisons. De
nouveau, le lutin méchant s'agite en nous. De
tels dévouements seraient-ils possibles à notre
'époque, l'amour conjugal résisterait-il à ce vi-
goureux assaut? Pourquoi pas?. Dès qu'il s'a-
git d'amour les apparentes exagérations des poè-
les sont au-dessous de la réalité. Ici notre iro-
nie ne trouve plus matière à s'exercer. Si la
femme en général paraît incapable de résister
à une absence trop prolongée, du moins est-
¡dIe Capable de tous les dévouements, de tous
les sacrifices, y compris celui de son existence
et même de sa beauté, quand il s'agit de l'être
aimé.
Vous devinez la ffn de l'acte qui pouvait être
traité à la façon granguignolesque ou à la ma-
îifëre poétique. Dans le premier cas, le cheva-
lier aurait découvert son corps mutilé et son
visage hideux-, et notre curiosité malsaine eût
aimé voir et analyser l'impression produite sur
l'épouse aimante. Dans la seconde version, le
Seigneur va nous apparaître resplendissant de
gloire, de jeunesse et de beauté. C'est une
simple épreuve qu'il a fait subir à sa fidèle
oempagne. L'expérience a montré l'inaltérable
amour de l'épouse.
Alors, d'un geste large, le chevalier tire le
grand rideau de la fenêtre et éclaire ainsi la
pièce où la joie et les rayons de soleil ne trou-
vaient plu,3 accès. Par l'immense et resplen-
dsôsant vitrail pénètre une clarté magnifique qui
innonde le couple. L'acte se termine sur cette
apothéose de lumière et d'amour.
Les vers de M. René Fauchois sont joliment
écrits en une forme archaïque qui ne manque
pes de saveur. Le langage des chansons de geste
au music-hall n'est pas pour nous déplaire.
Quant à Sarah Bernhardt, elle a été sublime,
comme à l'ordinaire, et je conserverai long-
temps le souvenir de la plus grande tragédienne
des temps modernes venant après des jongleurs
.étonnants, des prestidigitateurs comiques, et
l'homme qui deecend l'escalier sur si tête, ap-
porter sur. la. scène de l'Alhambra cette magni-
fique note d'art.
Quelques-uns trouveront étonnant le choix
de ce cadre pour la réalisation d'une effort poé-
tique. Ceux-là ne comprennent pas le music-
hall qui le dédaignent ainsi. De plus en plus,
nous devons nous efforcer d'acclimater chez nous
un gerce de spectacle que le mot « Variétés »
employé par les Boches désigne de façon
caractéristique. Les directeurs s'honorent en re-
cherchant dans leur programme un éclectisme
qui va de l'acrobate au poète et essaie d'impo-
ser la beauté sous toutes ses formes. Celle du
Gladiateur est enviable. De même, nous devons
nous souvenir qu'un clown peut avoir du génie
et supprimer les barricades dressées par l'or-
gueil des intellectuels.
Nç sont aujourd'hui histrions que ceux qui
tent mal leur métier. Tous les autres sont des
artistes.
Et encore une fois Je me plais à rappeler la
parole profonde que me disait un jour avec hu-
milité le grand Jean Richepin, en applaudissant
au music-hall des acrobates.
- Ces, gens-là. m'humilient, car ils me rap-
pellent que je ne ferais jamais avec mon cer-
veau, ce qu'ils arrivent à faire avec leurs mus-
ses.
: MAX VITERBO.
Echos
.17 Janvier 1879. — A l'Opéré, première représen-
talion de Yeddm, de Philippe Gille, Arnold Mor-
tier et Mçranfe, musique de O. Métra.
le J'oman de Victor Margucritte,
«. PHOSTITLËi: »
est nu quarante-deuxième mille
Peu de livres auront connu un succès immédiat
comparable à celui de Prostituée, le beau roman
de Victor Margueritte. Des sceptiques croyaient
le public incapable de « s'emballer » pour une
œuvre de ce genre. Songez donc! Un roman
« social d Une « étude de mœurs » 1 Sans comp-
ter la « vague de pudeur- x, toute prête à recou-
vrir, à cacher, à noyer ce titre scandaleux ;
Prostituée. Or, le fait est là: le roman de Victor
Margueritte en est au 42.000e exemplaire. Tâul
le., monde lit, a lu ou lira Prostituée. (Flammarion,
édit., deux vol. à 7 fr. chacun).
E
pithète.
Hier après-midi, l'excellent Sutty —
1 oom.rne. pius gros que t-atty — sortait die
l'Apollo en pressant le pas pour rejoindre
un camarade.
Dans ça hâte, il heurta par inadvertance
un passant. Celui-ci, employé ou ouvrier
endimanché se. retourna, la figure courrou-
cée. Il contempla un. instant la silhouette
de l'artiste qui conrtimiuait allègrement sot)
chemin, puis haussant les épaules, U rour*-
mu'ra avec une moue :
- Miniature va ! 11
U
n vaudevilliste, dont la femme a donné
plus d'un coup de sabre dans le
contrat, ht jouer dernière ment sur un théâ-
tre des Boulevards, une comédie très spi-
rituelle. Quelqu'un en constatai/t le succès
! devant Mme X., qui s'écria aussitôt:
■ — Parblçu, ce n'est pas étonnant que la
pièce soit pleine de traits! C'est que cette
chère X,.. lui en a fait quelques-aiins.
F
ermez la porte! ,
Rhurmes, màU'x d-e "^e. bronchites,
grippes, tout autant de portes ouvertes à
ta tuberculose. Demandez, à votre médecin
comment fermer, barricader la porte avec
un simple traitement des EAUX-BONNES à
domicile.
L
"Exposition de la GRANDE MAISON DE
BLANC poursuit so>n cours victo-
rieux. et chaque jour une foule considéra-
ble de parisiennes et d'étrangères vien-
nent y admirer un choix de lingerie d'une
rg,re finesse. Que ce soit linge de corps.,
die table ou de maison, tout y atteste la
grâce et l'élégance du' goût français.
;, Le Masque de Verre..
Nous publierons demain un article lM.
FÉLIX GALJPAUX
el « les Manuscrits de Théâtre *
par A. MORTIER
SOUVENIRS
A propos de ta 500e de Louise
de M. Gustave Charpentier
ta situation de Louise, la vaillante et jolie
ouvrière parisienne, se débattant pour s'échapper
de la cage familiale, pour voler aux effusions
de l'amour libre, est si humaine, si troublante,
que les spectateurs de l'heure présente, comme
ceux des premières représentations, se deman-
dent si l'aventure a été réellement vécue. Nous
avons des précisions à cet égard, et même une
véritable documentation, grâce à Y Intermédiaire
des Chercheurs et des Curieux, vénérable pu-
blication, maintenue de nos jours en pleine acti-
vité par l'érudition et le dévouement de notre
éminent confrère Montorgueil. Au cours de l'an-
née 1901, à cette question, posée dans les co-
lonnes de VIntermédiaire : a Louise est-elle une
autobiographie ? » M. Gustave Charpentier ré-
pondit par les lignes suivantes :
En effet, l'argument de Louise me fut fourni par
les souvenirs de mes premières années parisiennes
C'était en 1890, deuxième année die ma réléga-
tion) à la viiliLa Médiicis, ayant terminé La Vie du
Poète, et noté Les Impressions de Voyage, dont
plus tard, à Touirc, je fis Les Impressions d'Ita-
lie (quel bon collaborateur que l'éloignement, l'é-
lOi!gneme
et lets personnages concouraient parallèlement au
développeinerat d'un drarae social.
Les différents aspects de la vie parisienne avaient
laissé, en. mon âme, une impression profonde. Je
pris la « petite aventure (fui avait illuminé ma
vingtième amnée. J'y greffai mes sensations pari-
siennes. J'y brodai des épisodes, et pour m'assu-
rer que la musiaute d'un parti! sujet n'était pas
uno folie, comme l'Affirmaient des camarades, je
voulais en écriire tout de suite le premier acte et
l'expédier à l'Institut comme dernier envoi.
Mies amis Gaston Carraud et Louis Landlry (ce
dernier devenu chef de chant à l'Opéra-Comique
et cc.JJ.a.o<}I':a,t,eu¡r de M. Carré et de M. Messager
pour Les études de Louise), lurent cet acte à mon
•retour de Paris, et m'engagèrent à terminer ma
pièce, mais ils me dissuadèirent de l'envoyer à
l'Institut. -, ,.,
« Conserve ta belle coniiance, me aisent-iis.
Dans ton. œuvre, bien des choses nous choquent.
heurtent des habitudes Evidemment, ton instinct
feindrai ne, ne Lui fais pas v.ioloe.nŒ, laisse-toi con-
duire. Tu peux être -tranquille, même si ton esthé-
tique dramatique parait. au public, comme à nous,
un peu déconcertante, ta musique emportera le
morceau. »
Et voilà l'histodire de Louise.
Est-ce à dire que la Louise de mon roman mu-
sical est la photographia exacte de la Louise qui,
SUT la Butte, devant Paris, me prouva son amour ?
j,e n'oserais le prétendre.
La jeune ouvrière, aux yeuix vifs, au teint 'mât
dont Les cheveux noirs roulés en grosse tre=>r sa
'penchaient sur une-la:i,lJê longue et vigoureuse.
L'finfant, inquiète et hésitante, dtont j'ai fixé La
pensée aux premières pages du- dirame :
Je vous aime tant.
Et j'aime tant mes parents. •
La rme romanesque, naïve et volontaire, en qui
s'affirmait le désir de vivre libre, vous la devine-
rez peut-être en Lisant ma partition, mais perdez
l'espoir de la connaître teMe qu'elle réside en la
« Chambre a,lJa,'C souvenirs » de mon. cœur. i
Pour la montrer aussi vivante, et aussi complexe
que je la sens encore, il faudrait dix actes dé
Lotrtsc et mille pages de partition.
Gustave CHARPENTIER.
LES CREATEURS DE a LOUISE a
M. MARECHAL M. FUGERR MfIO RIOTON
Mlle DESCHAMPS-JEHIN
(Photos Cautin-Berger, Benque et HeutlingrJ"
La maison ou s'est déroulée cette petite
idylle existe encore intacte. C'est le numéro 44
du boulevard de Clichy.
Quel était le passé artistique de Gustave Char-
pentier?
Originaire de Dieuze, en Lorraine, il avait
mené de front ses. travaux dans une filature à
Tourcoing avec ses études musicales au Conser-
vatoife de Lille, d'où il vint à celui de Paris,
dans la classe de violon dé Massart. qui pro-
clamait que cet élève n'avait aucune disposition,
n'était nullement musicien.
Les principes d'harmonie inculqués par
Pessard lui permirent heureusement de
faire mentir ce pronostic, dès qu'il eût été
admis dans la classe de composition de -Massenet,
d'où il sortit avec le premier grand-prix de Ro-
me, en 1887.A la Villa Médicis. ses démêlés avec
M. Hébert sont restés légendaires, pour des
questions bien peu graves. D'abord, il s'obstinait
à ne pas se rendre aux soirées dominicales du
directeur, et quand il se décidait à y paraître,
son accoutrement, ses gilets flamboyants, cau-
saient un véritable scandale. Autre cause de
LES PRINCIPAUX INTERPRETES DE « LOUISE n (Photos Ma.iurl^
Mlle MATHIEU (1) - Mme Marguerite CA,RRÉ (2) — Mlle DEMELLIER (3) - Mlle FRICHÉ,
créatrice à Bruxelles (4) — Mlle Mary CARDEN, créatrice aux Etats-Unis (5) — Mile EDWINA,
Patrice à Londres (G) — Mlle BRUNLET (7) .,.. Mlle Geneviève VIX, créatrice à Atadrid (8).
conflit: en dépit des interdictions du règlement,
il osait faire franchir à une femme le seuil de
ootre Ecole de6 Beaux-Arte à Rome; maïs la
morale ne pouvait s'en offenser : cette femme ve-
nait faire la cuisine dans sa chambre, le jeune
réfractaire déclarait, en effet, que l'ordinaire des
élèves était immangeable.
Les Impressions d'Italie constituèrent son envoi
à l'Institut; cette délicieuse suite d'orchestre,
tout imprégnée des senteurs, des visions et des
harmonies lyriques de la péninsule, obtinrent un
accueil enthousiaste en 1839, aux Concerts
(Photo Benque et C")
M. Gustave CHARPENTIER
à l'époque de la création de « Louise »
Colonne et Lamoureux ; puis vinrent Les Fleurs
du Mal, mélodies d'après Baudelaire; les lm-
pressions fausses, d'après Verlaine, et la Vie du
Pdète, symphonie exécutée avec le plus vif suc-
cès à l'Opéra. Le bruit fait autour de cette exé-
cution fut tel que Bertrand voulu faire entendre
cette œuvre aux abonnés. Elle fut ajoutée au
programme le soir de la reprise de Sylvia.
Mais ce bagage musical d'une valeur excep-
ti^ onnelle ne comportait que' des symphonies,
auxquelles il convient d'ajouter La Sérénade à
Watteau, exécutée dans le jardin du Luxembourg,
le 9 novembre 1896; il est donc parfaitement
exact que Louise n'avait été précédée d'aucune
autre œuvre destinée au théâtre.
Aujourd'hui, que.la cinq centième représenta-
tion en vingt-et-un ans constitue pour cette œvrnft
un triomphe sans précédent dans les a m. - 'es
lyriques, il serait oiseux de rappeler les impres-
sions de la répétition générate; elles furent des
plus favorables et devinrent de l'enthousiasme
après l'acte de Montmartre.
« Mlle Rioton a fait un début des plus re-
marquâmes dans le personnage de Louise, sa
voix est d'un timbre délicieux et l'intelligence
de l'artiste est impérieuse, Ajoutez à cela une
silhouette des plus gracieuses. Mlle Rioton ira
très loin. Elle a déjà fait un bon bout de che-
min en une seule soirée ')J. Cette opinion du
Ménestrel résume exactement les rares mentes
de la créatrice. Quant à la prophétie, elle ne
se. réalisa pas, MJÎe Rioton ayant quitté la car-
rière théâtrale qui s'ouvrait si brillante devant
ses vingt-deux ans. Premier prix de chgnt et
d'opéra-comique au concours du Conservatoire
de l'année précédente, elle avait été réservée
pour cette création; sa jeunesse ,son charme. 1e
timbre et la souplesse de sa voix contribueront
au succès.
Mme Deschamps-Jehin, la créatrice d'H■ 'l),
diade à Bruxelles, interpréta d.'une voix chni.de
et généreuse le rôle de la mère sans songer à
mettre en yaleur ce qu'il contient de sensibilité.
M. Maréchal fut, au point de vue vocal, un J*
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