Titre : Le Journal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1906-10-14
Contributeur : Xau, Fernand (1852-1899). Directeur de publication
Contributeur : Letellier, Henri (1867-1960). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34473289x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 14 octobre 1906 14 octobre 1906
Description : 1906/10/14 (A15,N5127). 1906/10/14 (A15,N5127).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7627227x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-220
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/11/2014
QUINZIEME ANNEE. — N* Sm!
NUIT PAGES - Le Numéro quotidien (Parls-et Départements) — CINQ CENTIMES
DIMANCHE 14 OCTOBRE 1906
10,
FliRNAND XAV, FOftfJateur
REDACTION ET ADMINISTRATION : W. RUE RICHELIEU, PARIS
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Un an Six inoiâ Trois "«"»
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Les manuse«tt non instréi ne tcé» m rendtu
LE PAIN D'IÉNA
, Il y a cent ans juste, les plus hardis
Ides garçons boulangers parisiens ne
rassemblaient pas en meetings pour
réclamer de patrons têtus le principe
du loisir par roulement. Ils s'enrô-
laient dans les bureaux de l'intendance
militaire afin de courir la poste jus-
qu'aux camps où se préparait l'illustre
manœuvre d'Iéna. De Paris à Mayence,
mille et mille charrettes les transpor-
taient sur les chemins humides, dans
les senteurs de l'automne, vers la forêt
germanique. Enrubannés, patriotes et
libertaires, ils chantaient à tue-tête les
refrains de la Révolution pour se répé-
ter les glorieux motifs de combattre les
tyrans et leurs sicaires, puis de délivrer
les nations. Ils allaient pétrir le pain
des soldats qu'espérait le génie de
Goethe, écœuré par les radotages des
hobereaux allemands.
Quoique l'empire eût été proclamé,
quoique Napoléon commençât préma-
turément à devenir dieu, cela ne gênait
point, les idées jacobines de ses zéla-
teurs. En deçà comme au delà des fron-
tières, les peuples et les aristocraties le
considéraient, ainsi que « le Robespierre à
cheval j), le fléau des rois et des nobles,
le destructeur des anciens régimes auto-
ritaires, l'instaurateur de la fraternité.
Dans toutes les loges maçonniques rou-
vertes, les Frères échangeaient le mot
d'ordre depuis Brest jusqu à Moscou : « Il
fallait, pour un temps, refréner, en
F'rance, l'enthousiasme réformateur ; il
fallait s'en tenir aux modifications con-
sacrées par les lois consulaires. la Gau-
le tout entière était le camp d'Hiram où
retentissaient les armes des apprentis,
nes compagnons, des maîtres acceptant
la discipline nécessaire et momentanée
jdes Bonaparte afin de jeter bas, dans
toutes les capitales d'Europe, les or-
gueils du despotisme, après avoir dé-
truit ses armées autrichiennes, anglai-
ses, allemandes, russes. A cette heure,
le rendez-vous des champions était aux
bords de la Saale et de l'Inn. » Encore
kine fois les amis des peuples et les amis
ides rois allaient furieusement défendre
kùrs principes par la voix du canon et
les clameurs des brigades ruées.
f Instruite de la sorte par les chefs de
aeur corporation et par les rites unis-
,eur ( 0 ,
sant les Compagnons du Devoir, les gin-
dres de Paris laissaient joyeusement le
rogomme des auberges griser leurs
hœurs de jeunes barytons cahotés au
rot des charrettes sur la route de la
guerre. Aux relais nombreux et bien
ournis par les soins de l'état-major, ils
trouvaient les files d'autres véhicules
emmenant aussi les grenadiers sur le
krrain de lutte. Vétérans des Pyrami
¡Ùe::> et boulangera du faubourg -. Saint-
iMareeau trinquaient à l'envi en se pré-
disant le désastre des vils esclaves sou-
doyés par les agents de Pitt et Cobourg.
Bien que le premier fût mort, son es-
prit continuait à régir les cours. L'or an-
glais se déversait dans les arsenaux
prussiens et moscovites. Parmi les ven-
dangeurs accourus, tous s'exaltaient et
te remerciaient de répondre à l'appel
des multitudes asservies : « Nous allons
pétrir^ avec la farine de France, le pain
qui vaudra tant de vigueur à nos guer-
riers ; nous allons pétrir le pain de la
gloire 1 »
Oh sait quelle force ils communiquè-
rent, par ce moyen, aux troupes. Les
jnarches d'Iéna sont aujourd'hui encore
résignées dans les ouvrages de stratégie
somme l'exemple de la plus belle endu-
rance militaire. Au contraire des autres
campagnes où les revers et les succès
le suivirent, celle-ci ne connut qu'un
prompt triomphe. Jamais, sauf en 1814,
le génie de Bonaparte ne réalisa de mi-
racles aussi grandioses. Celui de Da-
fout l'égala près d'Auerstaedt. Les gé-
néraux furent dignes de l'effort accompli
par leurs soldats pour servir l'idée du
Commandement. Il semble qu'à cette
4ate la nation ait voulu parfaire son ex-
cellence et, de cela, montrer au monde
4a preuve éclatante. En dépit des che-
mins détestables, de la pluie opiniâtre,
tle la boue collante, les apôtres de l'En-
eyclopédie vainquirent d'abord l'espace
et le temps, par l'énergie de leurs jar-
Ets, par la constance de leur discipline.
19 endurèrent tout ce que peut souffrir
~e fantassin criblé d'eau, levant au bout
de la guêtre, à chaque pas, des livres de
glaise, sentant les courroies du sac pé-
nétrer la chair, échauffer les aisselles,
allant sous le faix, par les chemins creux
Set les pentes bourbeuses, avant de cou-
xcher sur la paille de la grange ou dans
1e fossé noyé. Nulle armée de l'ère mo-
derne rie développa tant de vaillance, la
iplus difficile, celle que n'excitent ni la
fureur du combat ni l'espoir du pillage
prochain. Avec la seule volonté religieu-
se de délivrer les Allemagnes, nos pères
fe sont obstinés magnifiquement.
Lorsque, à travers le brouillard, ils se
cirent, un matin d'automne, concentrés
eh masses sur le plateau de Llandgra
fénberg, ils surent, avant le premier
çoup de fusil, que leurs jambes avaient
assuré la victoire. Ceux de Lannes au
centre, ceux d'Augereau à gauche, ceux
fde Soult à droite formaient une puis-
sante face matérielle pour l'âme de la
.Révolution qui, terriblement, gronda.
i En cet octobre de 1*806, la France s'est
surpassée.
Maintenant, avec soin, par la pratique
les sports, nous essayons de recouvrer
Cétte vigueur légendaire devant laquelle.
îingt ans, s'effondrèrent les trônes. Il
semble qu'inconsciemment nous pen-
sions à quelque lutte pareille, tout à
jPheure, révélée comme certaine. De tou-
tes façons, dans les airs, sur terre, à la
surface des eaux nous éprouvons notre
adresse, notre souplesse et notre téna-
cité. Curieuses et anxieuses, les foules
se précipitent pour applaudir les exploits
des aét'onautes, des automobilistes, des
cyclistes, des réservistes en manœuvres.
La fièvre d'Austerlitz et d'Iéna palpite,
depuis trois années, en nos cœurs obs-
curs. Apparemment, les lois mystérieu-
ses de la destinée nous habituent à ce
qu'elles préparent de fatal et de noble.
Entre la nation qui, la. première, se dé-
clarera socialiste et les patries où per-
fsiàtera l'autorité des anciens prineifi<î3,
la' lutte ne tardera guère, peut-être. Et
le problème sera débattu comme il le
fut il y a cent ans.
Puissent les boulangers de notre Bour-
se du Travail pétrir alors, et pôur la se-
conde fois, le pain de gloire que leurs
aïeux enfournèrent dans les camps d'Ié-
na, d'Auerstaedt et de Lubeck, puis de
Friedland, d'Eylau. Avec la farine de
France, une incomparable force fut nour-
rie qui renouvela la vie du monde. Cette
humble boule de mie bise et de croûte
brune bouta le feu dans les corps des
quarante mille héros qui, près d'Iéna,
bousculèrent les soixante-dix mille
Prussiens, qui, d'une traite, coururent
ensuite à Berlin établir sur les places de
la ville des marchés de bric-à-brac où
s'entassèrent les cannes, les harnais, les
nécessaires, les montres et les armes de
luxe laissés sur le terrain par les
fuyards. Jovial et farceur, sa cuiller
d'étain dans la ganse du bicorne, son
chien couché à ses pieds célèbres, le
loustic de la Bastille vendit son butin,
sur les quais de la Sprée, aux compères
en bas bleus fumant leurs longues pi-
pes de porcelaine, aux commères en ju-
pes rouges secouant les thalers dans
leurs sacs de toile.
Vraiment, nous sommes trop oublieux
de notre Première République et de ses
triomphes libertaires. Ce i4 octobre, in-
justement, Paris manquera des cortèges.
des lampions et des fusées qui commé-
morent les actions sublimes d'un grand
peuple et les transforment en exemples
pour les générations successives.
- PAUL ADAM.
ECHOS
M.
Clemenceau, ministre de l'intérieur, a
quitté Paris hier soir, à neuf heures
vingt, pour se rendre dans le Var.
0
n se rappelle que, sur la proposition de
M. le sous-secrétaire d'Etat aux beaux-
arts, la Chambre a voté les crédits nécessai-
res à l'exposition des œuvres achetées par
l'Etat dans le cours de chaque année.
Cette première exposition aura lieu dans
le courant du mois de novembre dans les Io-
eaux de l'Ecole des beaux-arts.
M.
Albert Sarraut, sous-secrétaire d'Etat au
ministère de l'intérieur, doit se rendre
aujourd'hui à Montreuil (Pas-de-Calais), où
il présidera l'inauguration du nouvel hospice
et assistera aux fêtes données à l'occasion du
2 S8 anniversaire de la Société républicaine
d'instruction de F arrondissement de Mon-
treuil.
M.
Georges Leygues, ministre des colonies,
qui avait da prolonger de quelques
jours son séjour dans le Lot-et-Garonne, ren-
trera aujourd'hui à Paris et reprendra la di-
rection de son département ministériel.
L'exposition nationale de chrysanthèmes,
fruits, fleurs, légumes de saison et indus-
tries horticoles, organisée par la Société natio-
nale d'horticulture de France,, aux grandes
serres du Cours-la-Reine, à Paris, ouvrira le
samedi 3 novembre, à midi, pour clôturer le
dimanche 11 novembre.
p
armi les nouvelles nominations au grade
de chevalier de la Légion d'honneur, nous
relevons avec plaisir celle de M. John Jones,
le sympathique directeur-propriétaire de la
grande maison de publicité qui contribue puis-
samment à l'extension des relations commer-
ciales de la France avec l'étranger.
L
e second volume de Y histoire générale du.
Théâtre en France ; ce La Comédie »,
par Eugène Lintilhac, vient de paraître chez
Flammarion. Œuvre utile qui a sa place mar-
quée dans toute bibliothèque sérieuse.
L
es brusques variations de température que
nous subissons en ce moment auraient de
fâcheuses conséquences pour la santé, si nous
n'écoutions pas les médecins qui nous recom-
mandent de prendre beaucoup d'exercice. Ils
a joutent — les bons docteurs — que, de tous
les genres d'exercices, c'est le patinage qui est
le plus salutaire, et ils observent qu'ils n'ont
jamais eu de malades parmi les habitués du
Palais de Glace des Champs-Elysées.
L
a maison Renée Vert, qui remporta cet été
un si grand succès à Ostende, tant auprès
des élégantes étrangères que des jolies Pari-
siennes, prie son aimable clientèle de venir
visiter dans ses salons, 56, Faubourg Mont-
martre. ses ravissants chapeaux d'hiver.
u
ne conséquence de la catastrophe de Mont-
faucon.
La terrible explosion de Montfaucon, qui
est encore dans toutes les mémoires, a attiré
de nouveau l'attention sur la nécessité de se
protéger efficacement contre la foudre. Nom-
breuses sont les administrations qui se sont,
à juste titre, préoccupées de la question. Nous
apprenons, entre autres, que la ville de Be-
sançon a confié à la Société « Mors » la revi-
sion et réfection des paratonnerres des archi-
ves, de la préfecture et de la prison. Dans la
même ville, la Banque de France fait procé-
der au contrôle de ses paratonnerres.
Cet exemple sera suivi.
L
e Saut de la Mort, que Mlle Gabrielle
Ivanovitch, une écuyère de seize ans, a
accompli, hier soir, pour la première fois, sur
le pur sang arabe gris pommelé Saïd, et
qu'elle répétera aujourd'hui en matinée et en
soirée, va attirer au magnifique hippodrome
de l'avenue de La Motte-Picquet la foule tou-
jours curieuse d'émotions rares. Le programme
du Cirque Métropole, où triomphe Foottit,
n'avait pas besoin, d'ailleurs, de cette attrac-
tion nouvelle pour être l'un des meilleurs de
Paris.
L
a dernière de Chiquito de Cambo.
Le roi de la pelote, Chiquito de Cambo,
avant de nous quitter pour se rendre à La Ha-
vane où l'appellent de brillants contrats, a
tenu à paraître une dernière fois devant les
Parisiens, et c'est au Fronton basque de Saint-
~Jamofe-^4, rue de Longchamps, à Neuilly,
que Ièp, aficionados parisiens pourront cet
après-midi aller l'applaudir.
JOÎNVILLE
EN ROISIEME PAGE :
LA BONNE GEÔLIÈRE
PAR
EDMOND HARAUCOURT
Horrible Scène de Boucherie
Comment l'exécution à Cronstadt de dix-neuf matelots mutinés
donna lieu à des scènes d'une horreur tragique.
1
A Cronstadt. — La batterie du Nord au S, où lurent exécutée les dix-neuf matelots
SAINT-PÉTERSBOURG, 13 octobre. (Par dé.
pêche de notre envoyé spécial.) — Un té-
moin oculaire me communique ce récit pa-
thétique de l'exécution capitale de 19 ma-
telots, qui eut lieu, à Cronstadt, le 4 octo-
bre, à six heures du matin, et auquel je ne
change absolument rien :
« L'exécution s'est passée à la batterie
du Nord numéro 6. Les troupes (une com-
pagnie de chaque arme de la garnison de
Cronstadt) avaient été amenées la veille à
la batterie. De là, on les transporta sur le
lieu d'exécution, vers trois heures du ma-
tin. Il faisait un vent violent et glacial.
n Environ une heure avant l'exécution,
les condamnés firent leur apparition. Ils
avaient l'air calme. Ni crainte, ni bravade
n'étaient peintes sur leur visage. Dix-sept de
ces 'malheureux reçurent les dernières con-
solations et la bénédiction du prêtre, mais
deux les refusèrent. On commença la lec-
ture de la sentence ; elle ne put pas être
achevée, parce que les condamnés se sont
mis à chanter le chant funèbre révolution-
naire: Il Nous sommes tombés victimes
dans la lutte fatale ! il
u Après cet incident, on poussa les con-
damnés vers le champ d'exécution. Deux
poteaux y avaient été dressés, à une dis-
tance de 40 mètres l'un de l'autre. Ces po-
teaux étaient reliés par une grosse corde,
à la hauteur de la moitié du corps.
A cette corde furent attachés tous les con-
damnés. Leur demande de ne pas être re-
couverts par des sacs fut refusée. Alors
les condamnés entamèrent de .nouveau le
chant funèbre.
n C'est la compagnie de l'école de chas-
seurs, venue exprès' pour cela d'Oranien-
baum, qui fut chargée de l'exécution. Les
soldats, et surtout les condamnés, légère-
ment vêtus, grelottaient. Le vent était tel-
lement glacial, que les malheureux, voyant
les préparatifs sans fin, priaient à haute
voix qu'on les exécutât plus vite. Des voix
suppliaient les soldats de viser juste et de
leur éviter, par une mort certaine, la tor-
ture de la congélation. Chaque soldat reçut
deux cartouches. Le moment terribie arriva.
; n Tout à coup, dama la pénombre d'une
matinée d'automne, un mouchoir blanc
flotta. C'était le signal du feu. La troupe
tremblait moins de froid que d'émotion.
Elle n'exécuta pas une salve, mais une fu-
sillade désordonnée. Trois condamnés fu-
rent tués sur le coup ; les autres ne furent
que blessés, ayant reçu des balles aux jam-
bes, à la tête, au ventre, à la poitrine.
» Les tués et les blessés étaient -tombés,
entraînant les autres, et bientôt ce ne fut
plus qu'une masse se débattant à terre et
poussant des hurlements, des supplica-
tions, des malédictions. Il fallut tirer une
seconde fois ; mais il n'y avait pas moyen
de viser dans ce tas, et des cris déchirants
remplissaient tous les alentours.
n Alors, on distribua de nouvelles car-
touches aux soldats, qui continuèrent à ti-
rer, presque à bout portant. Ce fut une vé-
ritable boucherie. Peu à peu, les cris com-
mencèrent à diminuer, puis ils s'éteigni-
rent.
1) On commença à mettre les corps dans
de grands sacs, lorsque, tout à coup, d'un
tas se leva un supplicié, avec un sac sur
la tête. Il criait, d'une voix désespérée r
« Mes frères, qu'est-ce que c'est ? et moi
donc, je suis encore vivant !» Un coup de
feu retentit ; la dernière des victimes tom-
ba avec les autres.
n Pour les dix-neuf eadavros, il n'y avait
pas assez de sacs. Il n'y en avait que neuf.
îl fallut donc mettre deux et même trois
corps ensemble. Ensuite on les transporta
sur un bateau, qui les amena derrière le
phare Tabbouchine, d'où on les précipita
dans la mer. Le sacrifice était accompli. »
D'aube part, le journal Stranna publie
une statistique établissant que les conseils
de guerre ont déjà fonctionné pendant un
mois et fait pendre 160 personnes. 80 de
ces suppliciés éta'ent de simples voleurs,
¡ris en flagrant délit ; 20 avaient atta-
qué la police ou les gendarmes.
Sombre époque, sombres épisodes. Qu'il
nous soit permis de faire entendre un cri
de pitié! — L. N.
Le Trésor de la Douairière
Que sont devenus les milliers de louis d'or
cachés par Mme Chartre dans son
château de Lavai? — C'est ce
que la justice demande à
ses régisseurs.
SAINT-ETIENNE, 13 octobre. (Par dépêche
de notre correspondant particulier.) —
Le Parquet de Roanne continue activement
son enquête sur l'affaire de captation d hé-
ritage, que nous avons signalée hier. Nous
avons dit que les époux Benetière, régis-
seurs du château de Laval, avaient été ar-
rêtés.
Le mari, qui est âgé de soixante-trois ans,
est conseiller municipal de Crémeaux. On
est persuadé que Benetière obtint des som-
mes importantes de la mère de M. Chartre,
en la menaçant de dénonciation. Il est égale-
ment probable que le régisseur se trouvait
derrière la porte de la chambre mortuaire,
lorsque la vaille femme brûla le testament
de son fils, que venait de lui livrer l'abbé
Gouttenoire. - ,,--
Mme Chartre cachait son or aans les ca-
ves et dans la salle à manger, dans une
sorte d'excavation pratiquée dans la mu-
raille et fermée par une porte habilement
dissimulée dans la boiserie et que ne pou-
vait ouvrir une personne ignorant le secret.
Dans cette cachette, où des rayonnages
étaient dressés comme dans un placard,
Mme Chartre empilait les louis d'or et les
billets de banque de mille francs. Elle dé-
daignait les pièces d'argent.
Les pièces d'or,empilées par l'avare douai-
rière, étaient des doubles louis de 1726, dits
louis à lunettes, ovales, pesant 16 gram. 25,
ayant l'effigie du roi Louis XV, et, au re-
,vera, lass peux ècussons aux armes de
France et de Navarre. Ces louis, très rares,
devaient provenir du trésor des cires de
Saint-Polgues.
Une autre cachette se trouvait dans la
cave. Benetière .îa mura par ordre de Mme
Chartre, qui y avait dissimulé des liasses
de billets de banque. Enfin, dans le grenier.
d'impenses pots en grès contenaient encore
une véritjaMe -fortune, toujours en louis
d'or.
En 189S, Mme Chartre et sa fille allèrent en
pèlerinage à Lourdes ; elles confièrent à Be-
netière les clefs du grenier où étaient enfer-
mées les pièces d'or. A leur retour, on juge
de la stupéfaction des deux femmes, lors-
qu'elles constatèrent la disparition du tré-
aor. Sans aucun doute, la vieille douairn re
fit des reproches sanglants à Benetière. Mais
Benetière rappela la destruction du testa-
ment et parla de aénoncer à son tour. La
vieille douairière se résigna. Dans le pays,
on ne se méprit nullement sur la personna-
lité des voleurs, et le surnom de le « Bichon »
et de la « Bichonne » fut désormais donné
aux époux Benetière.
En octobre 1905, la vieille femme mourait,
âgée de quatre-vingt-cinq ans. Un de ses ne-
veux, M. Jean Briery vint prendre posses-
sion de l'héritage. On conçoit sa stupeur et
celle du juge de paix de Saint.-Juat-en-Che-
valet, qui apposait les scellés, de ne trouver
aucun numéraire, alors qu'il était de notorié-
té publique que l'or ruisselait dans le châ-
teau.
En 1890, n'avait-on point inventorié 890,000
francs en or 01 en titres visibles? Et sa-
vait-on les sommes énormes enfouies dans
les cachettes ?
En 1905, la cachette de la salle à manger
est vide. Vides également celles de la cave
et les pots du orenier. En furetant dans les
placards, on trouva bien 820 paires de ser-
viettes, 450 paires de draps, mais point d'ar-
gent.
Or, au cours de la perquisition faite chez
les Benetière, on a trouvé une somme impor-
tante d'argent, de nombreux « louis à lunet-
tes » et du linge démarqué.
Ce n'est pas tout. Une perquisition a été
faite également chez l'abbé Gouttenoire. qui
déclara que son coffre-fort était celui de la-
fabrique. Le président de la fabrique, inter-
rogé, lui donna un démenti. Changeant de
tactique, l'abbé répondit alors qu'il refusait
purement et simplement d'ouvrir le coffre-
fort, et M. Erra, commissaire spécial, dut se
contenter d'y apposer les scellés.
Les choses en sont là, mais on s'attend à
de sensationnelles révélations.
? AUTRi m DE COUJEfl
A l'issue d'une confrontation, hier, au Par-
quet de Versailles, le comte de Jotemps
a été définitivement maintenu en
état d'arrestation.
Un véritable coup de théâtre s'est produit
hier soir dans le cabinet de M. Hirsch, juge
d'instruction au Parquet de Versailles.
On se rappelle que, ces temps derniers,
le comte Perrault de Jotemps, en villégiature-
à Saint-Germain-en-Laye — villa Magali —
faisait l'acquisition d'un magnifique collier
de perles authentiques d'une valeur de sept
mille francs, qu'il destinait, disait-il, à la
comtesse.
Le bijoutier, M. Desprez, avait livré le
joyau sous promesse qu'il serait payé dans
les conditions indiquées par son client, c'est-
à-dire vers le 1er janvier 1907.
Toutefois, M. Desprez ne. tarda pas à ap-
prendre que le collier avait été engagé iau
Mont de Piété, moyennant 4,000 francs, trois
heures après la livraison à M. de Jotemps, et
qu'il s'agissait en l'occurrence non d'un ca-
deau à faire à la comtesse, mais d'une véri-
table opération financière.
M. Dosprez entreprit donc une série de dé-
marches auprès des hôtes de la villa Magali,
dans le but d'obtenir rapidement la restitu-
tion du collier.
M. de Jotemps, se basant sur les condi-
tions de la vente, refusa net de céder aux
réclamations du bijoutier, qui finalement dé-
posa une plainte en abus de confiance entre
les mains du procureur de la République, à
Versailles.
Une première fois, le comte et la comtesse
de Jotemps, faisant l'objet d'un mandat d'a-
mener signé de M. Hirsch, juge d'instruc-
Uon, furent conduits à Versailles — Mme
L de Jotemps est sur le point d'être mère —* et
interrogea contradictoirement avec M. Des-
prez.
Le comte, assisté de Me Crémieux, du bar-
reau parisien, fut laissé en liberté provi-
soire, ainsi que la comtesse, une promesse
d'arrangement étant intervenue au cours de
la première information judiciaire.
Hier soir, vers six heures, le juge d'ins-
truction entendait à nouveau le comte Per-
rault de Jotemps, en présence de Me Cré-
mieux et contradictoirement avec les plai-
nts.
gnants. v
Après une séance qui n'avait pas duré
moins de quatre heures, M. Hirséh transfor-
mait le mandat d'amener en mandat de dé-
potât faisait conduire l'inculpé à la prison
de Saint-Pierre.
L'interrogatoire sur le fond a été renvoyé
à mardi.
Dès qu'elle a été connue, la nouvelle de
l'arrestation du comte de Jotemps a causé
une très vive impression à Versailles.
L'AFFAIRE SAINT-AUBIN
Une note officielle communiquée par la
Chancellerie
M. Sarrien, président du conseil des mi-
nistres, a reçu, hier matin, M. Saint-Au-
bin, nommé président de chambre à la
Cour d'appel de Paris.
A la suite de cet entretien, qui s'est pro-
longé pendant près d'une heure, le prési-
dent du conseil a décidé que la note sui-
vante serait communiquée à la presse :
La Chancellerie dément d'une .façon ab-
solve les imputations qui oui été dirigées
contre M. Saint-Aubin, directeur des allai-
res criminelles et, des ,grâces, dont l'hono-
rabilité et la délicatesse sont intactes et
restent au-dessus de tout soupçon.
Cette déclaration officielle confirme de la
façon la plus formelle les renseignements
que nous avons publiés.
finestalioii du lieutenant lacrol1
L'officier déserteur passera devant le conseil
de guerre de Nantes.
NANTES, 13 octobre. (Par dépêche de notre
correspondant particulier.) — Sur l'ordre du
général Pelloux, commandant le 11e corps
d'armée, le lieutenant Lacroix, dont on n'a.
pas oublié la disparition jusqu'ici inexpli-
quée, a été arrêté, hier soir, à la caserne du
137e de ligne. Le lieutenant était en civil. Il
a été conduit à la prison militaire de Nantes.
Un ordre d'informer pour désertion à rin"
térieur en temps de paix a été décerné con-
tre lui par le général Pelloux. Le lieutenant
Lacroix sera traduit devant le conseil de
guerre dg Nantes.
Carnet d'un Sauvage
Non, il n'était point sot celui à qui l'on
doit cette invention mirifique d'enchanter
les hommes en leur permettant de poser
sous leur mamelle gauche un petit bout
d'étoffe d'une certaine couleur. Savez-voua
bien qu'hier il y a eu des centaines de
gens parfaitement heureux, sans compter
les femmes et les petits enfants ? N'est-ce
donc pas admirable de semer ainsi du bon-
heur sans qu'il en coûte rien ?
Car remarquez que la plupart des satia*
factions qu'on accorde nuisent à quelqu'un.
C'est ce qui a fait dire que le bonheur de
l'un fait souvent le malheur de l'autre.
Rien de pareil avec la décoration. Si vous
la donnez à quelqu'un, vous ne l'enlevez à
personne. Il n'y a qtie les envieux qui ne
sont pas contents, et les envieux ne sont
pas intéressants.
Quand on décore, on ne fait de mal à qui
que ce soit, pas même au contribuable, qui
n'a rien à débourser; ce qui est un cas tout
à fait extraordinaire. Il y a même des paya
où les décorations rapportent. Nous n'a«
vons pas encore atteint ce degré de civili*
sation, ce que certains hommes politiques
considèrent comme regrettable, car ils pré-
tendent que les ressources du Trésor pour*
raient s'en augmenter consii iéralJlement.
Quoi qu'il en soit, c'est une joie saTlsméo."
lange qui a pénétré, hier, au sein de nom-
breuses familles, et plus d'un de nos com-
patriotes, qui, ainsi que Macbeth, avait
perdu le sommeil, a pu enfin dormir. •
Ce qui, en effet, caractérise i"homme N
qui, sans raison ou avec raison, on a Toit
espérer la croix, c'est un état d'inquiétude,
un malaise général, une irritabilAté mala"
dive qui le prive de toqjyjepos. At ivemt da
cette affection, l'homme ni prend goût. à
:aucun des plaisirs de cette vie : il présenta
une face hagarde, répond à côté aux ques-
tions, et passe rêveur à .travers les liruits
de ce monde, n'attendant que le bruh qui
le tirera de sa léthargie ou de sa fébri Uté^
en lui annonçant qu'il peut entrer cheiV le;
marchand d'étoffe.
C'est encore un bienfait de ces prom o-^
tions, que le rappel à la vie de tant, d'itw
telligences égarées. N'est-il pas agréable,'
de retrouver en pleine possession de leunv
facultés des amis que, depuis de longs*
mois déjà, nous avions pu croire victimes'
d'un gâtisme irrémédiable 7
Henry Maret- -,
LE LORD-MAIRE A PARIS
Sir Walter Morgan a été reçu, hier, par nos édiles, et a étl
l'objet d'un chaleureux accueil. -
A la oare du Nord. — L'arrivée du lord-maire à Parte. — Au centre, Si8 W. Morgaa
et M. Chautard
Le lord-maire est à Parla. Au moment pré-
cis où cinq heures sonnaient, hier, aux hor-
loges de la gare du Nord, sir M. \V. Vau-
chan, en tenue de voyage, - petit complet
et ulster jaune, casquette appropriée, — des-
cendait de wagon et échangeait avec M.
Chautard, président du Conseil municipal,
un vigoureux shake hand. Ensuite, posé-
ment, mais, le sourire aux lèvres, il se ren-
dait, précédé des huissiers de l'Hôtel de
Ville, au maintien solennel, dans .le petit sa-
lon décoré de velours, orné de plantes ver-
tes, pavoisé de drapeaux, où l'on a coutume
d'accueillir les hôtes de distinction qui font
à Paris l'honneur d'une visite.
Il y avait là de nombreux conseillers
d'abord, leur président, M. Chautard, déjà
nommé : puis MM. André Lefèvre et Sohier,
qui étaient allés jusqu'à Londres chercher le
lord-maire ; ensuite, M. Bellan, syndic et
cheville ouvrière de la réception ; M. Lépine,
préfet de police, ainsi que M. Laurent, son
dévoué secrétaire général ; M. Piettre, chef
du cabinet de M. de Selves et représentant
le préfet de la Seine ; enfin, plusieurs mem-
bres de la colonie anglaise de Paris, tout
heureux de saluer leur compatriote et d'en-
tendre découverts, le God save the Kmq.
Car vous pensez bien que 1 nymne ans'~
fut joué par la musique de la garde républi-
caine à l'arrivée de sir M W. Vaughan. En-
suite, ce fut la Marseillaise que l'on enten-
dit, puis eut lieu l'échange des allocutions,.
M. Chautard parla le premier. Il le fit en
fort bons termes, ce qui n'étonna aucun de
ceux qui savent à quel point il excelle dans
ces sortes de speechs :
- je suis très heureux, dit-il en substance,
de vous souhaiter la bienvenue. J'espère que
vous avez fait un facile voyage. Je veux es-
pérer également que le ciel, demain et les
jours prochains, sera moins morose qu'il ne
l'est aujourd'hui et que le gai soleil tiendra
à honneur de sourire à votre réception.
Dana tou» 1#» cas, nous ferons nos efforts
pour que notre accueil VDUS soit un témoi.
gnage de la sincérité de notre affection;
Puissiez-vous, lorsque vous nous quitterez,
emporter de votre visite l'impression que
nous souhaitons, dans l'intérêt des deus
grands pays l'Angleterre et la France.
M. Barclay, président de la chambre de
commerce anglaise, se trouva là à point
nommé pour interpréter à sir M. W. Vau-
ghan les paroles de M. Chautard. Ensuite, il
traduisit la réponse nier assurait que pas. uu seul instant il n'a-
vait douté de la réception chaude qui 1m
était réservée, connaissant de longtemps lE
renom mérité de bonne hospitalité qui est
celui de la France en général et de Paris er
particulier. Il n'est point que l'Ecosse poui
mériter un pareil renom. M. Piettre, après
le lord-maire, prononça quelques mots, at
nom de son préfet. M. Laurent fit de mêm.
au nom du sien, et, la petite cérémonie étani
terminée, on gagna les landaus, cependani
que la foule) des voyageurs, des employés el
des hommes d'équipe crient à tue-téte
« Vive le lord-maire ! i> -..
On monte en voitumMessieurs les AIlglallj
montez les premiers. -Sir M. W. Vaughai
est naturellement avec M. Chautard, et ce
lui-ci, aimablement, renouvelle au lord-mai
re sa Question de tout à l'heure :
— Alors, yraiment, le voyage fut bon?
Sir M W; Vaughan entre dans des de
tails. Partis de Charing-Cross à dix heure.
du matin, et guidés par MM. André Lefèvl";
et Sohier. le lord-maire et ses six aldermen
ses shériffs. ses officiers, ainsi que les mem
bres du Common Council. ont été reçus avet
des témoignages de sympathie très vive. 4
Boulogne, par M. Perron, rnôire de cetb
ville, qu'assistaient le sous-préfet. M. Cha
peron ; le député, M. Farjon : Je sénateur, M
Huguet, et les autres notabilités de la régSoi
boulonnaise. Ensuite, ayant pris place dam
un wagon-salon, nos hôtes ont fait honrieu:
à un très fin repas préparé à leur intentior
NUIT PAGES - Le Numéro quotidien (Parls-et Départements) — CINQ CENTIMES
DIMANCHE 14 OCTOBRE 1906
10,
FliRNAND XAV, FOftfJateur
REDACTION ET ADMINISTRATION : W. RUE RICHELIEU, PARIS
Prix des Abonnements
Un an Six inoiâ Trois "«"»
SÈJNJI: & SEINE-ST-OISS. 20. a 10 50 5.50
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44,ellu ¡el mClftd4t.po,u Ii Il'fI' tt"CUetlP.
Adrester tes mandctt-poste à
Adresse télégraphique : JOURNAL - fiwtluZU - PAJSIS
Les manuse«tt non instréi ne tcé» m rendtu
LE PAIN D'IÉNA
, Il y a cent ans juste, les plus hardis
Ides garçons boulangers parisiens ne
rassemblaient pas en meetings pour
réclamer de patrons têtus le principe
du loisir par roulement. Ils s'enrô-
laient dans les bureaux de l'intendance
militaire afin de courir la poste jus-
qu'aux camps où se préparait l'illustre
manœuvre d'Iéna. De Paris à Mayence,
mille et mille charrettes les transpor-
taient sur les chemins humides, dans
les senteurs de l'automne, vers la forêt
germanique. Enrubannés, patriotes et
libertaires, ils chantaient à tue-tête les
refrains de la Révolution pour se répé-
ter les glorieux motifs de combattre les
tyrans et leurs sicaires, puis de délivrer
les nations. Ils allaient pétrir le pain
des soldats qu'espérait le génie de
Goethe, écœuré par les radotages des
hobereaux allemands.
Quoique l'empire eût été proclamé,
quoique Napoléon commençât préma-
turément à devenir dieu, cela ne gênait
point, les idées jacobines de ses zéla-
teurs. En deçà comme au delà des fron-
tières, les peuples et les aristocraties le
considéraient, ainsi que « le Robespierre à
cheval j), le fléau des rois et des nobles,
le destructeur des anciens régimes auto-
ritaires, l'instaurateur de la fraternité.
Dans toutes les loges maçonniques rou-
vertes, les Frères échangeaient le mot
d'ordre depuis Brest jusqu à Moscou : « Il
fallait, pour un temps, refréner, en
F'rance, l'enthousiasme réformateur ; il
fallait s'en tenir aux modifications con-
sacrées par les lois consulaires. la Gau-
le tout entière était le camp d'Hiram où
retentissaient les armes des apprentis,
nes compagnons, des maîtres acceptant
la discipline nécessaire et momentanée
jdes Bonaparte afin de jeter bas, dans
toutes les capitales d'Europe, les or-
gueils du despotisme, après avoir dé-
truit ses armées autrichiennes, anglai-
ses, allemandes, russes. A cette heure,
le rendez-vous des champions était aux
bords de la Saale et de l'Inn. » Encore
kine fois les amis des peuples et les amis
ides rois allaient furieusement défendre
kùrs principes par la voix du canon et
les clameurs des brigades ruées.
f Instruite de la sorte par les chefs de
aeur corporation et par les rites unis-
,eur ( 0 ,
sant les Compagnons du Devoir, les gin-
dres de Paris laissaient joyeusement le
rogomme des auberges griser leurs
hœurs de jeunes barytons cahotés au
rot des charrettes sur la route de la
guerre. Aux relais nombreux et bien
ournis par les soins de l'état-major, ils
trouvaient les files d'autres véhicules
emmenant aussi les grenadiers sur le
krrain de lutte. Vétérans des Pyrami
¡Ùe::> et boulangera du faubourg -. Saint-
iMareeau trinquaient à l'envi en se pré-
disant le désastre des vils esclaves sou-
doyés par les agents de Pitt et Cobourg.
Bien que le premier fût mort, son es-
prit continuait à régir les cours. L'or an-
glais se déversait dans les arsenaux
prussiens et moscovites. Parmi les ven-
dangeurs accourus, tous s'exaltaient et
te remerciaient de répondre à l'appel
des multitudes asservies : « Nous allons
pétrir^ avec la farine de France, le pain
qui vaudra tant de vigueur à nos guer-
riers ; nous allons pétrir le pain de la
gloire 1 »
Oh sait quelle force ils communiquè-
rent, par ce moyen, aux troupes. Les
jnarches d'Iéna sont aujourd'hui encore
résignées dans les ouvrages de stratégie
somme l'exemple de la plus belle endu-
rance militaire. Au contraire des autres
campagnes où les revers et les succès
le suivirent, celle-ci ne connut qu'un
prompt triomphe. Jamais, sauf en 1814,
le génie de Bonaparte ne réalisa de mi-
racles aussi grandioses. Celui de Da-
fout l'égala près d'Auerstaedt. Les gé-
néraux furent dignes de l'effort accompli
par leurs soldats pour servir l'idée du
Commandement. Il semble qu'à cette
4ate la nation ait voulu parfaire son ex-
cellence et, de cela, montrer au monde
4a preuve éclatante. En dépit des che-
mins détestables, de la pluie opiniâtre,
tle la boue collante, les apôtres de l'En-
eyclopédie vainquirent d'abord l'espace
et le temps, par l'énergie de leurs jar-
Ets, par la constance de leur discipline.
19 endurèrent tout ce que peut souffrir
~e fantassin criblé d'eau, levant au bout
de la guêtre, à chaque pas, des livres de
glaise, sentant les courroies du sac pé-
nétrer la chair, échauffer les aisselles,
allant sous le faix, par les chemins creux
Set les pentes bourbeuses, avant de cou-
xcher sur la paille de la grange ou dans
1e fossé noyé. Nulle armée de l'ère mo-
derne rie développa tant de vaillance, la
iplus difficile, celle que n'excitent ni la
fureur du combat ni l'espoir du pillage
prochain. Avec la seule volonté religieu-
se de délivrer les Allemagnes, nos pères
fe sont obstinés magnifiquement.
Lorsque, à travers le brouillard, ils se
cirent, un matin d'automne, concentrés
eh masses sur le plateau de Llandgra
fénberg, ils surent, avant le premier
çoup de fusil, que leurs jambes avaient
assuré la victoire. Ceux de Lannes au
centre, ceux d'Augereau à gauche, ceux
fde Soult à droite formaient une puis-
sante face matérielle pour l'âme de la
.Révolution qui, terriblement, gronda.
i En cet octobre de 1*806, la France s'est
surpassée.
Maintenant, avec soin, par la pratique
les sports, nous essayons de recouvrer
Cétte vigueur légendaire devant laquelle.
îingt ans, s'effondrèrent les trônes. Il
semble qu'inconsciemment nous pen-
sions à quelque lutte pareille, tout à
jPheure, révélée comme certaine. De tou-
tes façons, dans les airs, sur terre, à la
surface des eaux nous éprouvons notre
adresse, notre souplesse et notre téna-
cité. Curieuses et anxieuses, les foules
se précipitent pour applaudir les exploits
des aét'onautes, des automobilistes, des
cyclistes, des réservistes en manœuvres.
La fièvre d'Austerlitz et d'Iéna palpite,
depuis trois années, en nos cœurs obs-
curs. Apparemment, les lois mystérieu-
ses de la destinée nous habituent à ce
qu'elles préparent de fatal et de noble.
Entre la nation qui, la. première, se dé-
clarera socialiste et les patries où per-
fsiàtera l'autorité des anciens prineifi<î3,
la' lutte ne tardera guère, peut-être. Et
le problème sera débattu comme il le
fut il y a cent ans.
Puissent les boulangers de notre Bour-
se du Travail pétrir alors, et pôur la se-
conde fois, le pain de gloire que leurs
aïeux enfournèrent dans les camps d'Ié-
na, d'Auerstaedt et de Lubeck, puis de
Friedland, d'Eylau. Avec la farine de
France, une incomparable force fut nour-
rie qui renouvela la vie du monde. Cette
humble boule de mie bise et de croûte
brune bouta le feu dans les corps des
quarante mille héros qui, près d'Iéna,
bousculèrent les soixante-dix mille
Prussiens, qui, d'une traite, coururent
ensuite à Berlin établir sur les places de
la ville des marchés de bric-à-brac où
s'entassèrent les cannes, les harnais, les
nécessaires, les montres et les armes de
luxe laissés sur le terrain par les
fuyards. Jovial et farceur, sa cuiller
d'étain dans la ganse du bicorne, son
chien couché à ses pieds célèbres, le
loustic de la Bastille vendit son butin,
sur les quais de la Sprée, aux compères
en bas bleus fumant leurs longues pi-
pes de porcelaine, aux commères en ju-
pes rouges secouant les thalers dans
leurs sacs de toile.
Vraiment, nous sommes trop oublieux
de notre Première République et de ses
triomphes libertaires. Ce i4 octobre, in-
justement, Paris manquera des cortèges.
des lampions et des fusées qui commé-
morent les actions sublimes d'un grand
peuple et les transforment en exemples
pour les générations successives.
- PAUL ADAM.
ECHOS
M.
Clemenceau, ministre de l'intérieur, a
quitté Paris hier soir, à neuf heures
vingt, pour se rendre dans le Var.
0
n se rappelle que, sur la proposition de
M. le sous-secrétaire d'Etat aux beaux-
arts, la Chambre a voté les crédits nécessai-
res à l'exposition des œuvres achetées par
l'Etat dans le cours de chaque année.
Cette première exposition aura lieu dans
le courant du mois de novembre dans les Io-
eaux de l'Ecole des beaux-arts.
M.
Albert Sarraut, sous-secrétaire d'Etat au
ministère de l'intérieur, doit se rendre
aujourd'hui à Montreuil (Pas-de-Calais), où
il présidera l'inauguration du nouvel hospice
et assistera aux fêtes données à l'occasion du
2 S8 anniversaire de la Société républicaine
d'instruction de F arrondissement de Mon-
treuil.
M.
Georges Leygues, ministre des colonies,
qui avait da prolonger de quelques
jours son séjour dans le Lot-et-Garonne, ren-
trera aujourd'hui à Paris et reprendra la di-
rection de son département ministériel.
L'exposition nationale de chrysanthèmes,
fruits, fleurs, légumes de saison et indus-
tries horticoles, organisée par la Société natio-
nale d'horticulture de France,, aux grandes
serres du Cours-la-Reine, à Paris, ouvrira le
samedi 3 novembre, à midi, pour clôturer le
dimanche 11 novembre.
p
armi les nouvelles nominations au grade
de chevalier de la Légion d'honneur, nous
relevons avec plaisir celle de M. John Jones,
le sympathique directeur-propriétaire de la
grande maison de publicité qui contribue puis-
samment à l'extension des relations commer-
ciales de la France avec l'étranger.
L
e second volume de Y histoire générale du.
Théâtre en France ; ce La Comédie »,
par Eugène Lintilhac, vient de paraître chez
Flammarion. Œuvre utile qui a sa place mar-
quée dans toute bibliothèque sérieuse.
L
es brusques variations de température que
nous subissons en ce moment auraient de
fâcheuses conséquences pour la santé, si nous
n'écoutions pas les médecins qui nous recom-
mandent de prendre beaucoup d'exercice. Ils
a joutent — les bons docteurs — que, de tous
les genres d'exercices, c'est le patinage qui est
le plus salutaire, et ils observent qu'ils n'ont
jamais eu de malades parmi les habitués du
Palais de Glace des Champs-Elysées.
L
a maison Renée Vert, qui remporta cet été
un si grand succès à Ostende, tant auprès
des élégantes étrangères que des jolies Pari-
siennes, prie son aimable clientèle de venir
visiter dans ses salons, 56, Faubourg Mont-
martre. ses ravissants chapeaux d'hiver.
u
ne conséquence de la catastrophe de Mont-
faucon.
La terrible explosion de Montfaucon, qui
est encore dans toutes les mémoires, a attiré
de nouveau l'attention sur la nécessité de se
protéger efficacement contre la foudre. Nom-
breuses sont les administrations qui se sont,
à juste titre, préoccupées de la question. Nous
apprenons, entre autres, que la ville de Be-
sançon a confié à la Société « Mors » la revi-
sion et réfection des paratonnerres des archi-
ves, de la préfecture et de la prison. Dans la
même ville, la Banque de France fait procé-
der au contrôle de ses paratonnerres.
Cet exemple sera suivi.
L
e Saut de la Mort, que Mlle Gabrielle
Ivanovitch, une écuyère de seize ans, a
accompli, hier soir, pour la première fois, sur
le pur sang arabe gris pommelé Saïd, et
qu'elle répétera aujourd'hui en matinée et en
soirée, va attirer au magnifique hippodrome
de l'avenue de La Motte-Picquet la foule tou-
jours curieuse d'émotions rares. Le programme
du Cirque Métropole, où triomphe Foottit,
n'avait pas besoin, d'ailleurs, de cette attrac-
tion nouvelle pour être l'un des meilleurs de
Paris.
L
a dernière de Chiquito de Cambo.
Le roi de la pelote, Chiquito de Cambo,
avant de nous quitter pour se rendre à La Ha-
vane où l'appellent de brillants contrats, a
tenu à paraître une dernière fois devant les
Parisiens, et c'est au Fronton basque de Saint-
~Jamofe-^4, rue de Longchamps, à Neuilly,
que Ièp, aficionados parisiens pourront cet
après-midi aller l'applaudir.
JOÎNVILLE
EN ROISIEME PAGE :
LA BONNE GEÔLIÈRE
PAR
EDMOND HARAUCOURT
Horrible Scène de Boucherie
Comment l'exécution à Cronstadt de dix-neuf matelots mutinés
donna lieu à des scènes d'une horreur tragique.
1
A Cronstadt. — La batterie du Nord au S, où lurent exécutée les dix-neuf matelots
SAINT-PÉTERSBOURG, 13 octobre. (Par dé.
pêche de notre envoyé spécial.) — Un té-
moin oculaire me communique ce récit pa-
thétique de l'exécution capitale de 19 ma-
telots, qui eut lieu, à Cronstadt, le 4 octo-
bre, à six heures du matin, et auquel je ne
change absolument rien :
« L'exécution s'est passée à la batterie
du Nord numéro 6. Les troupes (une com-
pagnie de chaque arme de la garnison de
Cronstadt) avaient été amenées la veille à
la batterie. De là, on les transporta sur le
lieu d'exécution, vers trois heures du ma-
tin. Il faisait un vent violent et glacial.
n Environ une heure avant l'exécution,
les condamnés firent leur apparition. Ils
avaient l'air calme. Ni crainte, ni bravade
n'étaient peintes sur leur visage. Dix-sept de
ces 'malheureux reçurent les dernières con-
solations et la bénédiction du prêtre, mais
deux les refusèrent. On commença la lec-
ture de la sentence ; elle ne put pas être
achevée, parce que les condamnés se sont
mis à chanter le chant funèbre révolution-
naire: Il Nous sommes tombés victimes
dans la lutte fatale ! il
u Après cet incident, on poussa les con-
damnés vers le champ d'exécution. Deux
poteaux y avaient été dressés, à une dis-
tance de 40 mètres l'un de l'autre. Ces po-
teaux étaient reliés par une grosse corde,
à la hauteur de la moitié du corps.
A cette corde furent attachés tous les con-
damnés. Leur demande de ne pas être re-
couverts par des sacs fut refusée. Alors
les condamnés entamèrent de .nouveau le
chant funèbre.
n C'est la compagnie de l'école de chas-
seurs, venue exprès' pour cela d'Oranien-
baum, qui fut chargée de l'exécution. Les
soldats, et surtout les condamnés, légère-
ment vêtus, grelottaient. Le vent était tel-
lement glacial, que les malheureux, voyant
les préparatifs sans fin, priaient à haute
voix qu'on les exécutât plus vite. Des voix
suppliaient les soldats de viser juste et de
leur éviter, par une mort certaine, la tor-
ture de la congélation. Chaque soldat reçut
deux cartouches. Le moment terribie arriva.
; n Tout à coup, dama la pénombre d'une
matinée d'automne, un mouchoir blanc
flotta. C'était le signal du feu. La troupe
tremblait moins de froid que d'émotion.
Elle n'exécuta pas une salve, mais une fu-
sillade désordonnée. Trois condamnés fu-
rent tués sur le coup ; les autres ne furent
que blessés, ayant reçu des balles aux jam-
bes, à la tête, au ventre, à la poitrine.
» Les tués et les blessés étaient -tombés,
entraînant les autres, et bientôt ce ne fut
plus qu'une masse se débattant à terre et
poussant des hurlements, des supplica-
tions, des malédictions. Il fallut tirer une
seconde fois ; mais il n'y avait pas moyen
de viser dans ce tas, et des cris déchirants
remplissaient tous les alentours.
n Alors, on distribua de nouvelles car-
touches aux soldats, qui continuèrent à ti-
rer, presque à bout portant. Ce fut une vé-
ritable boucherie. Peu à peu, les cris com-
mencèrent à diminuer, puis ils s'éteigni-
rent.
1) On commença à mettre les corps dans
de grands sacs, lorsque, tout à coup, d'un
tas se leva un supplicié, avec un sac sur
la tête. Il criait, d'une voix désespérée r
« Mes frères, qu'est-ce que c'est ? et moi
donc, je suis encore vivant !» Un coup de
feu retentit ; la dernière des victimes tom-
ba avec les autres.
n Pour les dix-neuf eadavros, il n'y avait
pas assez de sacs. Il n'y en avait que neuf.
îl fallut donc mettre deux et même trois
corps ensemble. Ensuite on les transporta
sur un bateau, qui les amena derrière le
phare Tabbouchine, d'où on les précipita
dans la mer. Le sacrifice était accompli. »
D'aube part, le journal Stranna publie
une statistique établissant que les conseils
de guerre ont déjà fonctionné pendant un
mois et fait pendre 160 personnes. 80 de
ces suppliciés éta'ent de simples voleurs,
¡ris en flagrant délit ; 20 avaient atta-
qué la police ou les gendarmes.
Sombre époque, sombres épisodes. Qu'il
nous soit permis de faire entendre un cri
de pitié! — L. N.
Le Trésor de la Douairière
Que sont devenus les milliers de louis d'or
cachés par Mme Chartre dans son
château de Lavai? — C'est ce
que la justice demande à
ses régisseurs.
SAINT-ETIENNE, 13 octobre. (Par dépêche
de notre correspondant particulier.) —
Le Parquet de Roanne continue activement
son enquête sur l'affaire de captation d hé-
ritage, que nous avons signalée hier. Nous
avons dit que les époux Benetière, régis-
seurs du château de Laval, avaient été ar-
rêtés.
Le mari, qui est âgé de soixante-trois ans,
est conseiller municipal de Crémeaux. On
est persuadé que Benetière obtint des som-
mes importantes de la mère de M. Chartre,
en la menaçant de dénonciation. Il est égale-
ment probable que le régisseur se trouvait
derrière la porte de la chambre mortuaire,
lorsque la vaille femme brûla le testament
de son fils, que venait de lui livrer l'abbé
Gouttenoire. - ,,--
Mme Chartre cachait son or aans les ca-
ves et dans la salle à manger, dans une
sorte d'excavation pratiquée dans la mu-
raille et fermée par une porte habilement
dissimulée dans la boiserie et que ne pou-
vait ouvrir une personne ignorant le secret.
Dans cette cachette, où des rayonnages
étaient dressés comme dans un placard,
Mme Chartre empilait les louis d'or et les
billets de banque de mille francs. Elle dé-
daignait les pièces d'argent.
Les pièces d'or,empilées par l'avare douai-
rière, étaient des doubles louis de 1726, dits
louis à lunettes, ovales, pesant 16 gram. 25,
ayant l'effigie du roi Louis XV, et, au re-
,vera, lass peux ècussons aux armes de
France et de Navarre. Ces louis, très rares,
devaient provenir du trésor des cires de
Saint-Polgues.
Une autre cachette se trouvait dans la
cave. Benetière .îa mura par ordre de Mme
Chartre, qui y avait dissimulé des liasses
de billets de banque. Enfin, dans le grenier.
d'impenses pots en grès contenaient encore
une véritjaMe -fortune, toujours en louis
d'or.
En 189S, Mme Chartre et sa fille allèrent en
pèlerinage à Lourdes ; elles confièrent à Be-
netière les clefs du grenier où étaient enfer-
mées les pièces d'or. A leur retour, on juge
de la stupéfaction des deux femmes, lors-
qu'elles constatèrent la disparition du tré-
aor. Sans aucun doute, la vieille douairn re
fit des reproches sanglants à Benetière. Mais
Benetière rappela la destruction du testa-
ment et parla de aénoncer à son tour. La
vieille douairière se résigna. Dans le pays,
on ne se méprit nullement sur la personna-
lité des voleurs, et le surnom de le « Bichon »
et de la « Bichonne » fut désormais donné
aux époux Benetière.
En octobre 1905, la vieille femme mourait,
âgée de quatre-vingt-cinq ans. Un de ses ne-
veux, M. Jean Briery vint prendre posses-
sion de l'héritage. On conçoit sa stupeur et
celle du juge de paix de Saint.-Juat-en-Che-
valet, qui apposait les scellés, de ne trouver
aucun numéraire, alors qu'il était de notorié-
té publique que l'or ruisselait dans le châ-
teau.
En 1890, n'avait-on point inventorié 890,000
francs en or 01 en titres visibles? Et sa-
vait-on les sommes énormes enfouies dans
les cachettes ?
En 1905, la cachette de la salle à manger
est vide. Vides également celles de la cave
et les pots du orenier. En furetant dans les
placards, on trouva bien 820 paires de ser-
viettes, 450 paires de draps, mais point d'ar-
gent.
Or, au cours de la perquisition faite chez
les Benetière, on a trouvé une somme impor-
tante d'argent, de nombreux « louis à lunet-
tes » et du linge démarqué.
Ce n'est pas tout. Une perquisition a été
faite également chez l'abbé Gouttenoire. qui
déclara que son coffre-fort était celui de la-
fabrique. Le président de la fabrique, inter-
rogé, lui donna un démenti. Changeant de
tactique, l'abbé répondit alors qu'il refusait
purement et simplement d'ouvrir le coffre-
fort, et M. Erra, commissaire spécial, dut se
contenter d'y apposer les scellés.
Les choses en sont là, mais on s'attend à
de sensationnelles révélations.
? AUTRi m DE COUJEfl
A l'issue d'une confrontation, hier, au Par-
quet de Versailles, le comte de Jotemps
a été définitivement maintenu en
état d'arrestation.
Un véritable coup de théâtre s'est produit
hier soir dans le cabinet de M. Hirsch, juge
d'instruction au Parquet de Versailles.
On se rappelle que, ces temps derniers,
le comte Perrault de Jotemps, en villégiature-
à Saint-Germain-en-Laye — villa Magali —
faisait l'acquisition d'un magnifique collier
de perles authentiques d'une valeur de sept
mille francs, qu'il destinait, disait-il, à la
comtesse.
Le bijoutier, M. Desprez, avait livré le
joyau sous promesse qu'il serait payé dans
les conditions indiquées par son client, c'est-
à-dire vers le 1er janvier 1907.
Toutefois, M. Desprez ne. tarda pas à ap-
prendre que le collier avait été engagé iau
Mont de Piété, moyennant 4,000 francs, trois
heures après la livraison à M. de Jotemps, et
qu'il s'agissait en l'occurrence non d'un ca-
deau à faire à la comtesse, mais d'une véri-
table opération financière.
M. Dosprez entreprit donc une série de dé-
marches auprès des hôtes de la villa Magali,
dans le but d'obtenir rapidement la restitu-
tion du collier.
M. de Jotemps, se basant sur les condi-
tions de la vente, refusa net de céder aux
réclamations du bijoutier, qui finalement dé-
posa une plainte en abus de confiance entre
les mains du procureur de la République, à
Versailles.
Une première fois, le comte et la comtesse
de Jotemps, faisant l'objet d'un mandat d'a-
mener signé de M. Hirsch, juge d'instruc-
Uon, furent conduits à Versailles — Mme
L de Jotemps est sur le point d'être mère —* et
interrogea contradictoirement avec M. Des-
prez.
Le comte, assisté de Me Crémieux, du bar-
reau parisien, fut laissé en liberté provi-
soire, ainsi que la comtesse, une promesse
d'arrangement étant intervenue au cours de
la première information judiciaire.
Hier soir, vers six heures, le juge d'ins-
truction entendait à nouveau le comte Per-
rault de Jotemps, en présence de Me Cré-
mieux et contradictoirement avec les plai-
nts.
gnants. v
Après une séance qui n'avait pas duré
moins de quatre heures, M. Hirséh transfor-
mait le mandat d'amener en mandat de dé-
potât faisait conduire l'inculpé à la prison
de Saint-Pierre.
L'interrogatoire sur le fond a été renvoyé
à mardi.
Dès qu'elle a été connue, la nouvelle de
l'arrestation du comte de Jotemps a causé
une très vive impression à Versailles.
L'AFFAIRE SAINT-AUBIN
Une note officielle communiquée par la
Chancellerie
M. Sarrien, président du conseil des mi-
nistres, a reçu, hier matin, M. Saint-Au-
bin, nommé président de chambre à la
Cour d'appel de Paris.
A la suite de cet entretien, qui s'est pro-
longé pendant près d'une heure, le prési-
dent du conseil a décidé que la note sui-
vante serait communiquée à la presse :
La Chancellerie dément d'une .façon ab-
solve les imputations qui oui été dirigées
contre M. Saint-Aubin, directeur des allai-
res criminelles et, des ,grâces, dont l'hono-
rabilité et la délicatesse sont intactes et
restent au-dessus de tout soupçon.
Cette déclaration officielle confirme de la
façon la plus formelle les renseignements
que nous avons publiés.
finestalioii du lieutenant lacrol1
L'officier déserteur passera devant le conseil
de guerre de Nantes.
NANTES, 13 octobre. (Par dépêche de notre
correspondant particulier.) — Sur l'ordre du
général Pelloux, commandant le 11e corps
d'armée, le lieutenant Lacroix, dont on n'a.
pas oublié la disparition jusqu'ici inexpli-
quée, a été arrêté, hier soir, à la caserne du
137e de ligne. Le lieutenant était en civil. Il
a été conduit à la prison militaire de Nantes.
Un ordre d'informer pour désertion à rin"
térieur en temps de paix a été décerné con-
tre lui par le général Pelloux. Le lieutenant
Lacroix sera traduit devant le conseil de
guerre dg Nantes.
Carnet d'un Sauvage
Non, il n'était point sot celui à qui l'on
doit cette invention mirifique d'enchanter
les hommes en leur permettant de poser
sous leur mamelle gauche un petit bout
d'étoffe d'une certaine couleur. Savez-voua
bien qu'hier il y a eu des centaines de
gens parfaitement heureux, sans compter
les femmes et les petits enfants ? N'est-ce
donc pas admirable de semer ainsi du bon-
heur sans qu'il en coûte rien ?
Car remarquez que la plupart des satia*
factions qu'on accorde nuisent à quelqu'un.
C'est ce qui a fait dire que le bonheur de
l'un fait souvent le malheur de l'autre.
Rien de pareil avec la décoration. Si vous
la donnez à quelqu'un, vous ne l'enlevez à
personne. Il n'y a qtie les envieux qui ne
sont pas contents, et les envieux ne sont
pas intéressants.
Quand on décore, on ne fait de mal à qui
que ce soit, pas même au contribuable, qui
n'a rien à débourser; ce qui est un cas tout
à fait extraordinaire. Il y a même des paya
où les décorations rapportent. Nous n'a«
vons pas encore atteint ce degré de civili*
sation, ce que certains hommes politiques
considèrent comme regrettable, car ils pré-
tendent que les ressources du Trésor pour*
raient s'en augmenter consii iéralJlement.
Quoi qu'il en soit, c'est une joie saTlsméo."
lange qui a pénétré, hier, au sein de nom-
breuses familles, et plus d'un de nos com-
patriotes, qui, ainsi que Macbeth, avait
perdu le sommeil, a pu enfin dormir. •
Ce qui, en effet, caractérise i"homme N
qui, sans raison ou avec raison, on a Toit
espérer la croix, c'est un état d'inquiétude,
un malaise général, une irritabilAté mala"
dive qui le prive de toqjyjepos. At ivemt da
cette affection, l'homme ni prend goût. à
:aucun des plaisirs de cette vie : il présenta
une face hagarde, répond à côté aux ques-
tions, et passe rêveur à .travers les liruits
de ce monde, n'attendant que le bruh qui
le tirera de sa léthargie ou de sa fébri Uté^
en lui annonçant qu'il peut entrer cheiV le;
marchand d'étoffe.
C'est encore un bienfait de ces prom o-^
tions, que le rappel à la vie de tant, d'itw
telligences égarées. N'est-il pas agréable,'
de retrouver en pleine possession de leunv
facultés des amis que, depuis de longs*
mois déjà, nous avions pu croire victimes'
d'un gâtisme irrémédiable 7
Henry Maret- -,
LE LORD-MAIRE A PARIS
Sir Walter Morgan a été reçu, hier, par nos édiles, et a étl
l'objet d'un chaleureux accueil. -
A la oare du Nord. — L'arrivée du lord-maire à Parte. — Au centre, Si8 W. Morgaa
et M. Chautard
Le lord-maire est à Parla. Au moment pré-
cis où cinq heures sonnaient, hier, aux hor-
loges de la gare du Nord, sir M. \V. Vau-
chan, en tenue de voyage, - petit complet
et ulster jaune, casquette appropriée, — des-
cendait de wagon et échangeait avec M.
Chautard, président du Conseil municipal,
un vigoureux shake hand. Ensuite, posé-
ment, mais, le sourire aux lèvres, il se ren-
dait, précédé des huissiers de l'Hôtel de
Ville, au maintien solennel, dans .le petit sa-
lon décoré de velours, orné de plantes ver-
tes, pavoisé de drapeaux, où l'on a coutume
d'accueillir les hôtes de distinction qui font
à Paris l'honneur d'une visite.
Il y avait là de nombreux conseillers
d'abord, leur président, M. Chautard, déjà
nommé : puis MM. André Lefèvre et Sohier,
qui étaient allés jusqu'à Londres chercher le
lord-maire ; ensuite, M. Bellan, syndic et
cheville ouvrière de la réception ; M. Lépine,
préfet de police, ainsi que M. Laurent, son
dévoué secrétaire général ; M. Piettre, chef
du cabinet de M. de Selves et représentant
le préfet de la Seine ; enfin, plusieurs mem-
bres de la colonie anglaise de Paris, tout
heureux de saluer leur compatriote et d'en-
tendre découverts, le God save the Kmq.
Car vous pensez bien que 1 nymne ans'~
fut joué par la musique de la garde républi-
caine à l'arrivée de sir M W. Vaughan. En-
suite, ce fut la Marseillaise que l'on enten-
dit, puis eut lieu l'échange des allocutions,.
M. Chautard parla le premier. Il le fit en
fort bons termes, ce qui n'étonna aucun de
ceux qui savent à quel point il excelle dans
ces sortes de speechs :
- je suis très heureux, dit-il en substance,
de vous souhaiter la bienvenue. J'espère que
vous avez fait un facile voyage. Je veux es-
pérer également que le ciel, demain et les
jours prochains, sera moins morose qu'il ne
l'est aujourd'hui et que le gai soleil tiendra
à honneur de sourire à votre réception.
Dana tou» 1#» cas, nous ferons nos efforts
pour que notre accueil VDUS soit un témoi.
gnage de la sincérité de notre affection;
Puissiez-vous, lorsque vous nous quitterez,
emporter de votre visite l'impression que
nous souhaitons, dans l'intérêt des deus
grands pays l'Angleterre et la France.
M. Barclay, président de la chambre de
commerce anglaise, se trouva là à point
nommé pour interpréter à sir M. W. Vau-
ghan les paroles de M. Chautard. Ensuite, il
traduisit la réponse
vait douté de la réception chaude qui 1m
était réservée, connaissant de longtemps lE
renom mérité de bonne hospitalité qui est
celui de la France en général et de Paris er
particulier. Il n'est point que l'Ecosse poui
mériter un pareil renom. M. Piettre, après
le lord-maire, prononça quelques mots, at
nom de son préfet. M. Laurent fit de mêm.
au nom du sien, et, la petite cérémonie étani
terminée, on gagna les landaus, cependani
que la foule) des voyageurs, des employés el
des hommes d'équipe crient à tue-téte
« Vive le lord-maire ! i> -..
On monte en voitumMessieurs les AIlglallj
montez les premiers. -Sir M. W. Vaughai
est naturellement avec M. Chautard, et ce
lui-ci, aimablement, renouvelle au lord-mai
re sa Question de tout à l'heure :
— Alors, yraiment, le voyage fut bon?
Sir M W; Vaughan entre dans des de
tails. Partis de Charing-Cross à dix heure.
du matin, et guidés par MM. André Lefèvl";
et Sohier. le lord-maire et ses six aldermen
ses shériffs. ses officiers, ainsi que les mem
bres du Common Council. ont été reçus avet
des témoignages de sympathie très vive. 4
Boulogne, par M. Perron, rnôire de cetb
ville, qu'assistaient le sous-préfet. M. Cha
peron ; le député, M. Farjon : Je sénateur, M
Huguet, et les autres notabilités de la régSoi
boulonnaise. Ensuite, ayant pris place dam
un wagon-salon, nos hôtes ont fait honrieu:
à un très fin repas préparé à leur intentior
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