Titre : Le Journal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-12-29
Contributeur : Xau, Fernand (1852-1899). Directeur de publication
Contributeur : Letellier, Henri (1867-1960). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34473289x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 29 décembre 1896 29 décembre 1896
Description : 1896/12/29 (N1554,A5). 1896/12/29 (N1554,A5).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76190532
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-220
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/08/2014
g -• - :" , LE JOURNAL : ; ," 1 ::. - 29 DÉCEMBRE &S03
1 .--- .- , ., 1. ---------
La ligne rouge et large, qui ferme les
'bvres, se rétrécit par l'habitude de tenir
la bouche close dans les méditations aus-
ières; les ailes du nez se creusent au lieu
de s'épanoiiir,inimobiles quand elles vou-
draient frémir. Les yeux grands comme
an horizon de mer orageuse se renfon-
cent sous les arcades sourcilières et
semblent remonter vers le front pour
cacher leur flamme.
Les mains sont devenues aristocrati-
ques par la blancheur mate et l'opale
irisé des ongles. Mais la longueur des
fcrigts, les gonflements et les torsades
bleues des yeines leur donnent l'aspect
je..fjrifl'es fabuleuses, comme les anciens
en attribuaient à certaines chimères au
cuisant visage.
il ne faut pas voir longtemps le cardi-
ùal Svampa pour comprendre que
j'homme qu'il paraît être n'est pas
-rhomme qu'il fut ou qu'il sera.
, Simple prêtre, professeur disert et
éradii, il lançait ses traits fins comme
-des barbes de plume. Au bout de chaque
phrase, il plaçait sur ses lèvres la pointe
de sa langue et semblait lécher des
iirtéè5.
Même à ses humbles débuts dans tes
Maires romaines, il laissait deviner
an être prêt à s'enfoncer dans la vie
•seitime les mineurs s'enfoncent sous
la terre. Il a tenu ce qu'il avait promis et
Ze dardinal nr, fait pas faillite aux espé-
rances données par le professeur. Mais
depuis qu'il est archevêque, il s'efforce
4e détruire sa réputation de prélat spiri-
tuel. Il ne nuance sa conduite d'auGune
de ces manières originales qu'affectent
les que la simplicité est l'art le plus compli-
que d«.monde et qu'il en possède le se-
cret, avec la pratique. ,',
Il est naturellement bon et d'une cha-
rité infinie. S'il a un coadjuteur pour son
administration, il ne souffre dans la dis-
tribution de ses aumônes aucun inter-
médiaire. Il donne beaucoup et tout par
lui-même. La visite des pauvres est la
seule distraction à ses travaux,avec quel-
ques excursions sans apparat dans les
maisons ouvrières, les ateliers ou les fa-
briques, pour y porter la parole de con-
ciliation et de paix.
Il remplit ses devoirs de prêtre et ses
fonctions d'archevêque avec une exacte
'B3br.i6té, avec une convenance suprême
Dt sans ce mysticisme fleuri de gestes,
jue certains Italiens ont mis à la mode.
Son clergé, le plus intelligent de l'Ita-
lie, a cherché si le maître n'avait pas
quelque ambition suprême. Devant cette
vie régulière, l'entourage a fini paraban-
4enner toute curiosité, comme on replace
sur les rayons élevés d'une bibliothèque
les manuscrits rares qu'il est difficile et
eng de déchiffrer.
Le cardinal semble avoir accepté avec la
résignation du bonheur la vie monotone
de la province où sommeille son ardeur,
telle une eau dormante sous les nénu-
phars.
Il ne va vers Rome qu'à la dernière
extrémité et quand la volonté du pape
lui en fait un devoir. Il est plus respec-
tueux qu'empressé vis-à-vis du pontife
et rie demande rien, pas même le souve-
nir, aux amis nombreux que lui fit'son
charme dans la Ville Eternelle.
Les motifs de cette réserve sont-ils tles
motifs de raison, de conscience, de tem-
pérament ou de goût? Nul ne le sait. Les
flambeaux qui, d'ordinaire, jettent leur
lumière sur la vie, ne sont plus allumés
par l'archevêque de Bologne. Il ne leur
permet pas de jeter une lueur sur l'a-
venir.
Il aime l'histoire, parce que l'histoire
c'est le mystère à éclaircir, le voile à re-
lever, le passé à élargir. Mais il s'efforce
de paraître ignorer le nom même de la
politique et ses agitations sous les voûtes
ides temples.
Il a élevé sur ce sujet le silence, jus-
qu'à la hauteur de la plus magnifique et
de la plus difficile éloquence : on croi-
rait voir un muet-qui monte la garde le
long de ses pensées.
Dans la haute aristocratie de l'Eglise,
la plus alignée qui soit au monde, où
chacun s'efforce à plonger dans-la vie de
tous, le cardinal Svampa reste le sphinx.
Il a le charme de l'inconnue non déga-
gée du brouillard rouge de-la pourpre.
• Sa politesse, autrefois attirante et en-
veloppante, devient chaque jour plus
froide : elle est une conséquence de
-cette attitude que l'homme heureux
garde avec tous, non pour les autres
mais pour se faire honneur. -
L'opinion de ce cardinal- sur la ques-
tion romaine, sur la politique demi-ré-
publicaine de Léon XIII, sur le rôle de
l'Eglise en face du socialisme, personne
ne la connaît. Il la cache sous des for-
o mules de respect et d'admiration lors-
qu'on parle devant lui du règne actuel.
Les événements les plus graves se déta-
chent du Temps, autour de lui ; il les re-
garde tomber avec un regard de prêtre
occupe aux choses de l'Eternité.
Il ne connaît ni -la France, ni l'Europe,
et ne les connaîtra sans doute jamais,
puisqu'un cardinal italien viole l'éti-
quette en se déplaçant..
Il ignore cette éducation grandiose et
- "t.e.rrible des voyages, qui apprend aux
hommes les manières nouvelles. de res-
pirer et de voir. Il parlé volontiers de
son désir de connaître Paris, un jour :
- Je voudrais faire ce voyage, dit-il,,
pour prier dans vos illustres sanctuaires,
dans ceux du Sacré-Cœur surtout.
Les hommes nouveaux, tes institu-
tions osées ne l'effrayent pas. On l'a en-
tendu s'exprimer avec sympathie sur les
œuvres du cardinal Gibbons. Ses grands
yeux d'Italien ironique se tournent sans
frayeur vers l'Amérique, où a germé une
Eglise lourde de grains pour la moisson
prochaine. Il ne sent peut-être aucune
euriosité, et il pense que la pénétration
de l'esprit suffit à percer les distancer *
Le malheur d'Antonelli fut de croire
que les murailles de Rome faisaient aussi
les bornes du monde : le cardinal Svampa
s'imaginerait-il que les murs du Vatican
sont assez vastes pour contenir les
mondes errants? S'il a cette conviction,
c'est une faiblesse ; s'il parait seulement
l'avoir, c'est une habileté.- ,
Avec cela, l'archevêque de Bologne
reste persuadé que le calme et la dignité
de la vie sont les grandes avenues ou-
vertes sur le succès. Il a contre lès hom-
mes-la méfiance la plus italienne, et il j
demeura fort effrayé l'an dernier, -quand
une plaisanterie de Léon XIII jeta sari
nom aux quatre vents de la publicité, il
sait que l'actualité, souveraine capricieu-
se, saisit les hommes nouveaux pour ne
plus les abandonner qu'après les avoir
campés sur le piédestal de pierre, ou les
avoir brisés au pied du socle dur. j
JEAN DE BONNEFON. j
L'UTILE VERDICT
Lorsque de toutes' leurs unanimités affir-
matives, les douze jurés eurent fait condam-
ner l'accusé à la peine de mort, ils commen-
cèrent à se demander car ils étaient hom-
mes de conscience — ce qu'on lui reprochait
et qui il était. Ses crimes, à la réflex ion,
disparurent comme un brouillard de sang ;
ils se rappelèrent que la grosse dame galante
qu'il avait assassinée était venue, toute fraî-
che, témoigner en sa faveur, que les murs
qu'il avait escaladés n'existaient même pas
sur le cadastre du pays de Tendre, que les
sommes qu'il avait volées — avec effraction
— s'étaient préalablement englouties dans le
krach du canal de l'Himalaya et que les
petites filles qu'il avait violées étaient toutes
mortes centenaires et vierges aux temps de
Lorenzaccio.
Une étude plus profonde leur révéla que,'
soldat héroïque, il avait mérité au Tonkin
les palmes d officier d'Académie, que, écri-
vain de valeur, collaborateur ordinaire de
M. Jarry, membre actif de la Ligue pour lai
réhabilitation de M. Bérenger, il parvenait à
faire vivre sa vieille mère et ses vieux enfants
avec douze sous par jour et que, contraint:
par l'infortune à exercer les métiers les plus
pénibles tels que déserteur de table d'hôte et;
tzigane pour princesses belges, il restait plein
d'entrain et de courage et passait-ses. nuits à'
coller les affiches morales dûes à la collabo-
ration de Pu vis de Cha vannes et de Paul Des-:
jardins.
Les douze jurés se regardèrent— sanseire.,
Ils ne trouvaient pas ça très- drôle. Ils se pen-
chèrent l'un vers l'autre, se penchèrent sur
l'abîme de leur âme où frémissaient encore
des dépositions contradictoires, où gargouil-
laient des phrases de réquisitoire, des phrases
de plaidoierie, lourdes, oppressantes et in-
formes. Puis-ils se secouèrent et attendirent
que l'avocat de l'accusé vînt leur offrir une
idée. Mais l'avocat, trouvant le verdict par-
fait, promenait déjà, parmi les foules, la gloire
d'un défenseur qui a un guillotiné dans ses
éloquents souvenirs. Mais ils trouvèrent un
texte de recours en. grâce :
« Monsieur le Président, les citoyens sous-
signés ayant eu à siéger comme jurés en la
présente session d'assises, ont voulu profiter
de cette occasion pour se livrer à une mani-
festation platonique et inoffensive en l'hon-
neur de la peine de mort si combattue par
des philanthropes sans mandat. Nous avons
associé à cette manifestation, un peu malgré
lui et sans corrélation, d'une façon toute
mnémonique, M. X., que- les agents de la
force publique, les juges d'instruction, le Par-
quet, la Chambre des mises en accusation, le
ministère public, la vindicte publique et la
Providence avaient mis eh notre présence et
nous avaient présenté entre deux—gendarmes,
à cette fin sans doute de nous intéresser à sa
situation et de nous faire admirer ses vertus.
.Nous vous faisons tenir son dossier et nous
espérons, Monsieur le Président, que vous
aurez pour notre client notre attention et no-
tre sympathie. Nous demandons pour lui,
avec la nécessaire liberté, une place rémuné-
ratrice dans les perceptions d'Algérie, un prix
Montyon et la croix de la Légion d'hon-
neur. » - ,
Les douze jurés signèrent, enthousiastes et
joyeux, après avoir assuré l'Exécutif de leur
intelligent dévouement.
— Tout de même, sourit le chef du jury, il
vaudrait peut-être mieux le guillotiner, pour
le principe, pour sauvegarder et perpétuer le
principe de l'Erreur judiciaire.
ERNEST LA JEUNESSE.
NOS INFORMATIONS
LE NOUVEAU GOUVERNEUR GÉNÉRAL
D'INDO-CHINE
M. Doumer adresse à ses électeurs la let-
tre suivante :
« Mes chers concitoyens,
» Appelé au gouvernement de l'Indo-Chine,
je dois me démettre de mes fonctions de dé-
puté. té t,.
» J'ai accepté un poste où je crois pouvoir
faire œuvre utile à mon pays, après avoir pris ,
'conseil de ceux qui sont, dans le Parlement,
mes amis et mes chefs.
» Depuis plus de cinq années que. j'ai l'hon-
"netïr de votre "représenter à ta Chambre, j'ai
scrupuleusement rempli le mandat que vous
m'aviez confié.
al Jè rêste uni à vojis partes Hens quie créent
une foi politique commune, la reconnaissance
née de la confiance et de l'affection que vous
m'avez témoignées.
» Je vous adresse, mes chers concitoyens,
t'assurance de mon absolu dévouement.
» PAUL DOUMER. »
M. Doumer compte partir vers le 20 jan-
vier.
LES ARTISTES FRANÇAIS
La Société libre des artistes français s'est
réunie hier et a procédé à l'élection des
membres du comité des 90 ( Champs -JEly-,1
sées};, - • ', - ::",..
Ont été élus : ,; '.,..-
Sées).
Section de sculpture : MM. Bartholdi, Bois-
seau, Boucher, Allouard, Carlès, Félix Cliar-
pentier,.Titàl-côrna»'Blanchard,"ïtèreulé; Pal-
lez, Louis Noël, Le Villaia, Alphée Dubois,
iiardet, Georges Lemaire, Alassoulle,, Hugues,
Gustave Michel, Rdllard, rerrey. : ,"
MORT D'UN SÉNATEUR -/"j~'
M. Théry, sénateur inamovible, est mort,
hier matin, à Lille, où il était né en 1807. :
A la création du Sénat, M. Théry fat élu, olé
,26* sur 75, sénateur inamovible par. la coalition
-des gauches et de l'extrême-droite désireuse
d'empêcher la nomination des orléanistés. ":'
Au Luxembourg-, M. Thérv faisait partie de
v l'extrème-droitè, avec laquelle il votait cons-
tamment. , - ?
La mort de M.. Théry réduit, à. 18 le nombre
-des inamovibles élus par l'Assembléettationalte.
U reste en outre 10. inamovibles élus par le
Sénat.
H. v. !
VOIR « AUX LIONS DE FAÏENCE »
90, rue de Rivoli, en face; la tour Saint-
Jacques, le rayon d'orfèvrerie de table, argen-
ture à la, pile, garantie à l'usage, et à prix
meilleur marché que partout ailleurs.
.,.
1.6 lait niatcrmsé et stérilisé tte la Ferme
d'Arcy rempl. celui de la mère.S'ad.22,r.Paradis.
: :—t— » -
LA PARTITION ME DON JUAN
Une partition est certainement fun
des plus agréables cadeaux que l'on
puisse offrir pour le Jour de l'An, mais
faire son choix est souvent ïrialaisé.
Or, l'événement musical de la saison
artistique étant la reprise de Don Juan,
nous avons tenu à faire éditer spéciale-
ment pour le Joztî-nal l'couvre de Mozart
telle qu'on l'applaudit actuellement à
TOpéra-Comiéfué. •'
Nos lecteurs trouveront donc dans nos
bureaux, à raison de
CINQ FRANCS
cette fort belle partition, conforme au
texte musical original et affichée par-
tout quinze francs.
ÉTRENNES
La Grande Distillerie Cusenier, dont les pa-
niers-étrennes - l'ont fureur , chaque année,
s'est surpassée pour le Nouvel An, et ce sont
de délicieuses merveilles de goût et-d'élégance
qu'elle expose dans ses magasins, rue Au-
ber, 9, et boulevard Voltaire, 226, et que l'on
trouve d'ailleurs dans toutes les bonnes
maisons de comestibles.
Le Peach Brandy, exquise et délicate li-
queur de pêches-ù la vieille fine Champagne,
dernière création de la maison, rehausse en-
core cette année la valeur de ces artistiques
paniers, aux formes si pittoresques et si va-
riées. Çe sont, ainsi le veut la. mode du bien-
vivre, les étrennes les plus select de l'an de
grâce 1897.
LA PULITIQUE EXTÉRIEURE
Uti CSVILISATEUR
M. Cecil Rhodes est le plus grand ci-
vilisateur qui soit devant l'Eternel. S'il
poussa Jameson à envahir le Transvaal,
ce fut, n'en doutez pas, pour civiliser les
mineurs et les Boërs, et s'il célèbre les
hauts faits de ses compatriotes dans le
Matabéléland, c'est qu'ils ont préféré
massacrer huit mille nègres que de les
laisser en proie à la barbarie. Dans d'au-
tres pays, des Européens se contentent,
pour maintenir leur domination, de faire
quelques exemples ; l'hécatombe, le
massacre répondent mieux à la pensée
civilisatrice du Napoléon du Cap. C'est
une conception; et l'on sait s'il est fertile
en idées grandioses, M. Cecil Rhodes !
Il semble revenir actuellement à celle
qui a pour formule « l'Afrique aux Afri-
cains ». La presse anglaise n'en revient
pas et le taxe d'ingratitude. Mais il y a
Africains et Africains, et toute race non
civilisée, fût-elle du plus beau noir, et,
depuis les temps les plus reculés, vivant
et peinant en Afrique, perd tout droit à-
l'existence si,-elle n'est point civilisable,
c'est-à-dire résignée à devenir, entre les
mains de M. Cecil Rhodes, un instru-
ment de domination.
Ce grand civilisateur n'a pas l'air'de
s'inquiéter beaucoup de ses responsabili-
tés dans les derniers événements du
Transvaal. L'opinion anglaise n'a-t-elle
point obtenu la mise en liberté du docteur
Jameson? N'est-il p&s couvert lui-même
par la complicité morale de M. Chamber-
lain ? A ses yeux, la condamnation des
héros de la fameuse chevauchée a dû
amplement suffire à satisfaire la con-
science des gens timorés. Le voici main-
tenant libre de rêver à de nouveaux ex-
ploits pour mener à bien sa mission ci-
vilisatrice. Que va-t-il sortir de son cer-
veau de conquistador? Ce n'est point sans
inquiétude que,sur le eontmeniremtrpéen
et même en Angleterre, on se pose la
<$**eefcion. - -
A. SAISSY.
Affaires cubaines
LONDRES. — Le correspondant du Times à
New-York parle des représentations que les
puissances européennes auraient faites au gou-
vernement des Etats-Unis au sujet des affaires
cubaines, comme si aucun démenti n'avait été
donné à cette information :
Ontélégrahie de la Havane au Times :
Les insurgés, sous les ordres de Calixte Gar-
cia, ont battu une colonne de 2,000 hommes de
troupes espagnoles, qui escortaient un convoi
d'une grande valeur a Bayamo. - --
F'": ; ï. *' fiyss/> • :;
LONDRES. — Le correspondant du Daily Te-
legraph, à Saint-Pétersbourg, est informe que
le projet de M. de Witte relatif à l'établissement
de l'étalon d'or en Russie a été abandonné.
, .,Egypte ,
LE CAIRk — En réponse aihf Jugements ré-
cents des tribunaux indigènes, le gouverne-
ment va modifier la composition de la cour
d'appel par l'adjonction de trois membres -eu-'
ropéens : c'est un pas définitif vers l'absorp-
tion de la justice indigène et le prélude d'une
série de mesures de même ordre.
Manille
Devant le conseil 'de' guèrrè," 4é docteur
Rizal, 'accusé d'avoir xité le principal organi-
sateur de la révolterde» Philippines, a repoussé
cette accusation, mais il a avoué qu'il était
l'auteur des statuts qui régissent la ligue .des
Philippines.4'-- -;•- • r ;
Le procureur royal a établi que le docteur
Rizal était en rapports suivis, avec les chefs
de l'insurrection, et Rizal a été condamné à
être fusillé,
Son exécution a dû avoir lieu hier, lundi.
• Brigands en Sicile
On mande de Palerme que, dans la matinée
du 24 courant, une bande de brigands a'enlevé
sur un bien domanial du territoire de Gangi
un jeune homme de quinze ans. JUs d'un riche
propriétaire de la région. Comme rançon, les
brigands demandent 20,000 lires.
Les gardes de police et les gendarmes par-
courent toute la .province pour se saisir des
malfaiteurs. ,'., - ,"
Le procès Stambouloff
SOFIA — A-l'ouverture de l'audience, le pré-
sident déclare que le revolver de., Starubouloff
a été volé hier sur la table des pièces à con-
viction.
L'avocat général;, M. Gheorgiew, prononce
son réquisitoire. Il adjure les juges et les jurés
de prononcer sur ce crime une condamnation
qui ait une importance à nulle autre pareille.
Les plaidoyers commenceront demain.
En plein centre, sur le boulevard des Italiens,
au 9, le Restaurant Universel donne, pour 2 et
3 francs, des déjeuners et des dîners payés
ailleurs 5 à 7.francs. A recommander -son vin
rosé de Champagne.
LA QUESTION DU JOUR ::
Que poutrais-je bien acheter pour les nom-
breuses étrennes que je dois offrir?
Telle est la question du jour. : A,
Ne cherchez pas longtemps— c'est dans la
porcelaine, la faïence ou le cristal que vous
trouverez les plus grandes ressources.
ChxrisTSSTîT; tro charmant bébé edelui-nu, -ce
gamin fièrement campé la pipe à la bouche,
curette jolie figurine de Saxe..
Aimez-vous mieux ces vases montés, des
coupes aux couleurs opalines, ces porte-bou-
qUf;ts en cristal irisé aux décors émaillés ?
Ces étrennes sont-elles destinées à votre fa-
mille? Voici des cabarets à liqueurs aux cou-
leurs chatoyantes, des services en porcelaine
artistement moulés et de formes nouvelles,
aux décors les plus fins et les plus distingués.
'Préférez-vous offrir des couverts en métal
argenté, ou des écrins de coutellerie de table?
Vous frouverez -tout cela dans ce magasin
étincelant de lumières, si heureusement placé
au centre de Baris, 00, rue de Rivoli, en "face
la Tour Saint-Jacques: AUX LIONS DE
FAÏENCE, aujourd'hui connus dans tout Paris
pour leur bon marché.
Une surprise vous attend, Mesdames, les 30
et 31 décembre : une jolie prime inédite vous
sera offerte pour un achat même de 50 francs,
somme bien facile à atteindre parmi le choix
immense des objets étalés AUX LIONS DE
FAÏENCE.
M. HALANZIER
Nous avons le regret d'apprendre la mort
de M. Halanzier-Dufresnoy, ancien directeur
de l'Opéra, ancien président de l'Association
des artistes dramatiques, décédé, hier, après
quelques jours de maladie.
Henri Halanzier-Dufresnoy était le fils d'une
artiste dramatique fort estimée, Mraa Dufres-
noy; il avait débuté tout jeune en dirigeant
avec sa mère d'abord, puis seul, un grand
nombre de scènes de province. Quand il fut
choisi pour diriger notre Académie nationale
de musique, M. Halanzier était déjà direc-
teur depuis quarante-un ans ; jl était même
le doyen de tous ses confrères. C'est quand
il quitta le théâtre de Bordeaux, en 1870,
qu'il fut nommé chevalier de la Légion d'hon-
neur. Il est le premier directeur de théâtre de:
province qui ait reçu cette distinction.
Lorsque M. Halanzier prit en mains l'entre-
prise de l'Opéra, en 1871, après le siège et la
Commune, il jouait gros jeu; cependant, il
sut relever, en peu de temps, notre première
scène lyrique, à laquelle les événements
avaient porté un si rude coup. •
Sortant de la routine admise jusqu'à lui,
M. Halanzier ouvrit aux jeunes la scène qu'il
dirigeait, en montant l'opéra de M. Massenet,
le Roi de Lahore. Tout le monde alors ren-
dait hommage à là grande intelligence et au
travail personnel de M. Halanzier, qui était
un administrateur de premier ordre.
Voici les principaux ouvrages montés par
M. Halanzier, pendant sa direction, de 1871
à 1879 : la Coupe du l'oi de Thulé, de Diaz;
Gretna-Greeni de Guiraud; l'Esclave, de
Membrée ; Jeanne d'Arc, de Mermet ; Sylvia,
de Delibes ; le Roi de Lahore, de Massenet ;
le Fandango, de Salvayre ; Polyeuete, de Gou-
nod ; la Reine Berthe, de Joncières ; Yedda,
de Métra, et les reprises d'El'ostl'ate, de Reyer,
de VAfricaine, d'Hamlet, etc.
M. Halanzier fut fait officier de la Légion
d'honneur en février 1878. C'est pendant sa
direction, en 1873, que 1 ancien Opéra de la
rue Le Peletier brûla, et que fut inaugurée laH
salle actuelle, le 5 janvier 1875.
M.Halanzier fut nommé successeur du baron
Tàylor à la présidence de l'Association des
artistes, en novembre 1880, par 402 voix con-
tre 135 accordées à M. Delaunay, de la Co-
médie-Française.
M. Halanzier resta plusieurs années à la
tête de l'Association, aux intérêts de laquelle
il était tout dévoué ; mais sa mauvaise santé
l'obligea à résigner ses pouvoirs qui passèrent
alors à M. Eugène Ritt. <
Ad. M.
Le < Journal > a Berlin Í
t CHEZ M. VIRCHOW
(DE NOTRE CORRESPONDANT SPÉCIAL)
'f, ':' ,",' Berlin, 26 décembre 1896.
Profil. -- L'un des hommes qui honorent et
grandissent, le siècle.
Avec les noms de. Claude. Bernard, de La-
marck et de Darwin, le nom de 'Virchow fut
un de ceux que la pensée libre, vers 1876, jeta
le plus fréquemment dans la mêlée.
de loin son enseignement, et. un peu vécu de
sa pensée ; aussi, un tfiy-tac au coetir, lorsque,
lés mains tendues, l'illustre savant, m'accueille,
plein.de cordialité
Une vieillesse si vigoureuse que ses soixante-
quihz'e ans, bien sonnés, n'apportent nulle en-
trave à son labeur. Virchow n'a pas déserté
sa chaire un seul jour, ,et, quotidiennement,
on le trouve .en son institut pathologique de la
Charité, dont il est le directeur.
Le corps menu, invariablement drape de la
redingote professorales Des lunettes d or che-
vauchent le nez busqué. Une barbe courte, des
cheveux rares, barbe et cheveux tout blancs,
mais, par endroits, 'de nuance légèrement am-
brée; -
Par une .sorte d'action -réflexe, les .paupières
s'abaissent - involontairement, concentrant le
regard en un point fixe,' comme si le cristal
des lunettes, sans cesse, rappelait à l'œil le
microscope.
La peau a bu, durant un demi-siècle,. la lu-
mière des. laboratoires, et celà lui fait un teint
d* « enfermé » qui aurait pâli dans la solitude
laborieuse *de quelque Mont-Cassin laïque. :
N'était la voix, assourdie dans' l'intimité de
ce petit salon bourgeois où rien ne tire l'œil,
j'aurais l'impression que Virchow est dans sa
chaise et parle pour un auditoire invisible.
Courte, nette, précise, parfois imagée, la
phrase s'égrène, sans grand souci des transi-
tions, ponctuant la pensée plutôt que la déve-
loppant.
Je rapporte ci-desous, presque sans modifi-
cation de forme, les paroles du grand savant.
Elles constituent, et cela n'échappera à aucun
des lecteurs du Journal, une consultation po-
litique du plus haut intérêt.
- Toute la politique extérieure, débute
Virchow, est encore dans la période mys-
tyque. Nul traité ferme qui serve -de base
positive à l'action des puissances. Tout
change au gré des rois et des empereurs.;
et comme ces messieurs ont un bel appétit,
ils cherchent sans cesse quelque morceau
à se mettre sous la. dent. Il nest pas un
pays qui veuille se contenter de ce qu'il a,
qui ne rêvé d'acquisitions ou d'incorpora-
tions territoriales nouvelles. Ainsi, idun
bout du monde à l'autre', c'est à qui agran-
dira le plus largement son domaine. Le dé-
nouement que cela nous réserve ? Impossi-
ble de le prévoir; C'est le secret de /toutes
les volontés futures. -,
Çe qu'il faut aux grandes nations occi-
dentales, ce sont des traités visibles, des
relations sûres. Voyez les Anglais, par
exemple. Ils ont coutume d'abandonner au
ministre la direction de leur politique
extérieure ; mais le ministre tombe, et son
successeur s'engage dans une nouvelle voie.
Ceux qui viendront après lui feront de
même. Ces variations sont insupportables,
d'autant plus que ce qui les détermine, c'est
bien moins le souci des intérêts généraux,
que celui des intérêts particuliers. On peut
dire que les éléments de réaction ne. domi-
nent, dans toute l'Europe, que parce qu'ils
obéissent aux exigences irrationnelles d'un
« particularisme » privilégié.
A ce point de vue, le phénomène le plus
caractéristique de notre temps, c'est l'anti-
sémitisme. Les antisémites -n ont jamais su
quoi faire des Juifs; bien qu'ils "aient épuisé
toute la série dés possibilités : privation des
droits politiques, expulsion des pays civili-
sés, relégation en Palestine. On tolérerait
cependant les femmes juives— celles qui ont
de l'argent—parce qu on peut les épouser.
L'argent seul suffit à tout. Théorie un peu
trop commode, en vérité.
Au fond,, pour ceux qui méditent, il y a
dans ce mouvement comme la vengeance
de l'histoire. Les anciens Juifs furent es-
sentiellement des anticivilisateurs. Or, de-
puis des siècles, le même sentiment « nati-
viste" qui les agitait se retourne contre
eux. Consciemment ou non, nos antisémi-
tes vibrent d'une impulsion analogue : la
haine de l'étranger. Cela nous ramène tout
simplement à l'état sauvage.
Pour nous tous, le devoir étroit, e est de
proclamer la solidarité entre les hommes.
A mon sens, le' seul point lumineux du so-
cialisme allemand, celui qu'il ne perdit ja-
mais de vue, malgré les persécutions de
ses adversaires, c'est l'affirmation humani-
taire. La doctrine elle-même me semble ir-
réalisable dans les temps actuels; mais, ceci
négligé, le socialisme demeure un parti
vraiment humanitaire, qui se dresse en en-
nemi devant tous les « partis intéressés Il.
Je ne crois pas à son triomphe, car la ma-
jorité du pays - ne lui accorde point ses sym-
pathies. -
Pour avoir les masses, il faudrait qu'il
se fît, à son tour, le représentant d'intérêts
particuliers.
Par exemple, qu'on promette aux pay-
sans des choses extravagantes, et l'on aura
le cœur des paysans. Mais si la désillusion
arrive, ils renonceront bien vite au socia-
lisme.
Seulement, je reconnais que les socialistes
ont une vue élargie de l'avenir de l'huma-
nité. Ils l'exposent au peuple et non point à
leurs seuls adhérents. C'est leur doctrine
générale, Ainsi, ils provoquent un mouve-
ment humanitaire et, par là, ils rencontrent
des sympathies dans les classes aisées. Cela
est curieux, car le socialisme, j'y insiste,
n'a pas d'avenir visible ; il n'a pas, non plus,
l'illusion: de résoudre avant longtemps le
problème social. Il peut donc promettre plus
qu'il ne croit. Sous une autre forme, c'est
toujours l'idée du Messie qui, :depuis des
siècles* soulève le monde. On croit souvent
le Messie à la porte ; s'il n'entre pas, on en
invoque un autre. Mais, dans l'intervalle,
le peuple travaille, plein de son rêve, et son
effort aboutit du moins à quelques résultats,
— fort minces, il .est vrai, eh comparaison
avec ses premiers espoirs.
C'est que les formules qui nous agitent
ent un tout antre aspect quand elles sont
réalisées. Rappelez-vous l'enthousiasme que
provoqua la lutte pour la Constitution!
Lorsque le document fut signé, il nous sem-
bla que nous avions fait une acquisition
merveilleuse. Finalement, qu'avons-nous
obtenu? Cette Charte, dont les articles ont
été modifiés en bien des sens, mais sous
laquelle nous vivons encore, que dit-elle au
peuple, qu'exprime-t-elle ? Ce n'est plus qu'un
; symbole de 1848. La préoccupation de Bis-
marck ,a' été d'en écarter tout ce qui pouvait
avofr trait aux droits dès Allemands. "Kous
ayons une Constitution qui consacre les
seuls droits des Prussiens. La. vérité est
qu'on se trompe des deux côtés. Bismarck
croyait peut-être étouffer les aspirations po-
pulaires. Elles renaissent. En ce moment
même, le Reichstag ne s'occupe-t-il pas de
la loi sur la liberté de réunion ?
Quoi qu'il en soit, allez donc, mainte-
nant, rallier ou enlever les masses avec.
l'idée constitutionnelle ! Il faudrait autre
chose, d'autres formules, d'autres sym-
boles. Autrefois, c'est vers là France et
vers ïa Belgique que nous tournions nos re-
gards.. En 1848, surtout, nos provinces rhé-
nanes voulaient leur « constitution belge »,
car celle-ci' nous semblait parfaite. Aujour-
d'hui, il n'y a pas de peuple en Europe qui
vive sous une charte modèle. Les. consti-
tutions ne sont plus que des drapeaux dé-
chirés; mais, à travers les trous, c'est
quand même l'esprit libre qui passe.
A l'extérieur, non plus, il n'y a pas de
traité qui puisse servir de type. Les grandes'
puissances ne veulent pas se lier par des
conventions déterminées. Elles se réservent
leur indépendance et leurs moyens d'action,
afin-de pouvoir occuper toute place vacante.
Si un pays quelconque est débilité, on ne
songe qu'à s enriehir de ses dépouilles. En
c gne; il s'agit de savoir qui en sera le
maître.
Pour les nations européennes, la question
est d'égale importance, sauf pour la Russie,
qui résistera a toutes les tentatives, n'en.
outez point. Vous avez vu comme l'Angle-
terre a été arrêtée net. Celle-ci, nécessaire.
ment, devra marcher avec les autres puis-
sances. Il y a entre nous l'Egypte, je le sais
bien, qui est comme une autre Alsace-Lor-
raine ; et je ne pense pas que l'Angleterre
l'évacué, sails's'être garantie dû côté des
Indes, Mais si l'Europe veut agir réellement
de concert, il est en son pouvoir de faire de
la Turquie un pays où l'on puisse vivre,
tandis qu'à présent ce n'est guère qu'un
pays où l'on peut mourir. Oui, il est possi-
ble de forcer la Turquie à gouverner dans
un sens civilisé. Cependant, je désire qu'on
y arrive par voie d'entente internationale,
et non par voie de guérre, car toute guerre
soulève des questions nouvelles entre les
peuples, chaque nation ayant, au repos,
certaines questions qui se posent fatale-
ment, à l'heure où éclate le conflit.
Cette couvre d'intervention commune se-
rait aisée, si les rapports des grandes puis-
sances étaient déterminés par des alliances
durables. -Malheureusement, le chauvinisme
domine partout, et l'on se méfie les uns des
autres. Qu'en soi le chauvinisme repré-
rente une grande force, je ne le nie point.
Il donne, en effet, à des collectivités diver-
ses une même vision. Il en fut ainsi de
l'idée constitutionnelle, qui était également
une commune manière d'envisager' les cho-
ses. Et c'est bien par là que le chauvinisme
me paraît inquiétant.
Toutefois,, je ne crois pas au danger pro-
chain. Mais qui peut affirmer qu'il ne sur-
gira pas demain ? Sans nul doute, il y a
trêve du côté des gouvernements. On en est
au système des assurances mutuelles.
Lorsque le chauvinisme disparaîtra, la né-
cessité des alliances actuelles disparaîtra
de même. N'avons-nous pas eu, en Alle-
magne, des principautés, des villes libres
et même des villages libres? Maintenant,
les anciennes dissensions nationales sont
oubliées. Eh ! bien, ces futurs Etats-Unis
d'Europe, auxquels songent tous les bons
esprits, amèneront le même apaisement.
Déjà,- pour nos pays d'Occident, la nécessité
s'imposé des mesures à prendre, pour s'al-
léger réciproquement de charges trop lonr-
des; pour trouver un meilleur emploi des
richesses produites par le travail de tous.
Evidemment, il est difficile d'amener les
hommes à réaliser, d'une façon consé-
quente, les exigences de la raison, du droit
et de la liberté. Mais il ne faut pas déses-
pérer. Pour mon compte, je crois ferme-
ment qu'on verra une alliance internatio-
nale européenne, sous laquelle les vieilles
haines disparaîtront. Partout, en Europe,
vous trouvez encore des murailles, derniers
vestiges des divisions intestines. On les dé-
truit, tout en gardant les forteresses inté-
rieures. Celles-là finiront bien par dispa-
raître, comme les autres : seulement, ce sera
long.
L'important, c'est de ne pas reculer de-
vant la tâche. Bismarck, lui, savait trouver
les moyens d'arriver à son but. A une cer-
taine heure, il chercha même à s'assurer
l'appui des ouvriers. Il connaissait bien les
faiblesses du cœur humain. Nous autres,
nous sommes trop timides, nous n'osons
pas assez;. Pour prendre un exemple per-
FEUILLETON DU 29 DÉCEMBRE
-:- 24 —
AMES TENDRES
JOUJOU
DEUXIÈME PARTIE
ni
suite. -
Un soir, tandis qu'elle s'exclamait en
réglant ses comptes de ménage avec
Apollonie : (t 'Je me demande comment
¡"on pourra vivre et joindre les deux
bouts si les choses vont de ce train; on'
nous rogne nos-revenus et tout aug-
mente; apprends à être économe, ga-
in ine* à ménager tes quatre sous, ou tu
ne t'en sortiras pas », et que Liette lui
répliquait : « Ne te mets pas en peine de
• moi-, mémé, miss Arabella m'a tiré les
écartes avant-hier et elles m'ont prédit
que j'aurais un mari' très' riche. » La
septuagénaire, qui se plaignait depuis plu-
sieurs semaines d'avoir les jambes plus
lourdes, et comme un étau de fer autour
des tempes et des reins, qui ne parve-
nait à marcher que soutenue d'un côté
par sa bonne, de l'autre par sa petite-
filie, avait soudainement exhalé de rau-
Traduction et reproduction interdites.
ques gémissements et, la face contrac-
tée, les lèvres impuissantes à articuler
des sons intelligibles, pommette~ ternies,
les mains jointes, s'était abattue, cassée
en deux sur la table en des éclaboussures
d'encre. >
Depuis lors, elle végétait, presque com-
plètement paralysée, muette, passive,
morte vivante, qui sommeille les pau-
pières ouvertes, qu'on étaye de .coussins
dans un large fauteuil, qui ne semble
plus souffrir.
Cependant son intelligence n'était pas
éteinte, se ranimait par instants comme
une lampe où il y aurait encore quelques
gouttes d'huile. Liette, à qui Apollonie
laissait la bride sur le cou, ne refusait
aucune permission, répétait : « Donnez-
vous-en, mademoiselle, vous aurez assez
le temps de vous ennuyer plus tard ! »
l'avait constaté à plusieurs reprises.
Les yeux de la malade parlaient.
Ils reconnaissaient la fillette. Ils .sui-
vaient tous ses mouvements.
Ils s'éclairaient lorsqu'elle entrait dans
la chambre. Ils lui rendaient doucement
ses baisers lorsqu'elle l'embrassait sur
le front et sur les doigts.
Ils s'angoissaient, se voilaient comme
d'une brume épaisse si elle tardait à re-
venir de chez madame de Trèbes.
Ils s'irritaient, ils l'accablaient de re-
proches, ils s'emplissaient de grosses
larmes, si elle arrivait pomponnée par
sa protectrice avec une coiffure nouvelle,
un chapeau de fleurs et de rubans, une
toilette claire qui rendaient loquace la
vieille servante, la transportaient d'ad-
miration, lui faisaient dire: «Briguedon,
ma fi. oue vous voilàdamette 1 On vous
prendrait dans ces beaux affiquets pour
une petite noble! » Ils s'étaient même
détournés d'elle comme pour la renier,
le jour où pour s'amuser dans leur salon
de repos, chez les sœurs Darcy, ma-
dame de Trèbes et la princesse Stradella
lui avaient fait la figure et fardé les
lèvres.
Et subtile, craignant de nouveaux
chocs, encouragée par Apollonie qui
grommelait ; « Profitez des bons, mo-
ments, un gentil brin comme vous, ça
doit se récréer! », elle avait accepté d'a-
voir une chambre dans l'hôtel, gîte déli-
cieux qu'empliraient les brimborions
rapportés des bals blancs, qui était tendu
d'une cretonne anglaise d'un bleu incer-
tain, semé de grandes coroles d'iris, s'y
mirait, s'y habillait et y changeait de robe
avant de subir l'examen silencieux et
sévère de la paralytique.
IV
Le peu de ciel qui apparaissait entre
les tuyaux de cheminées semblait un ri-
deau de soie jaune dont s'effacèrent les
broderies et des martinets s'y poursui-
vaient encore avec des sifflements aigus,
le traversaient ainsi que des flèches noi-
res qui ont dépassé la cible.
Liette avait poussé sa chaise auprès du
fauteuil où était assise, comme en hébé-
tude, Madame Rameyls.
Apollonie s'appuyait au rebord de la
fenêtre, le menton dans les doigts, la
face couturée de rides sous la cornette
lorraine comme quelque pomme que
l'on oublia sur là paille d'un cellier.
« M'est avis, dit-elle, que vous n'avez
pas pour des prunes ce petit air miton-
mitois, mamzelle, et que nous allons ap-
prendre du nouveau. Du nouveau qui
vous fera plaisir, bonne madame du bon
Dieu.»,
Elle cria plus fort encore pour enfoncer
ces mots dans les oreilles de la paraly-
tique : •
« Vous entendez, quelque chose qui
vous fera plaisir,--et d'un ton narquois
- allons, ma fl*, voulez-vous que je vous
aide à commencer la chanson.:. C'est
donc bien pénible à dire que votre fleur
du cœur a parlé, que nous sommes là,
nous,les vieilles et vous le tendron, qua-
siment pour décider les accordailles. »
La jeune fille ne l'écoutait pas. Elle
s'était penchée sur sa grand'mère, lui
avait pris les mains comme pour les ré-
chauffer, les ressusciter, leur transmet-
tre la sève généreuse et ardente de ses
vingt ans, murmurait d'une voix éper-
due :
« Que je voudrais, ma chère mémé,
que tu me comprennes, que tu m'enten-
des, et que tes yeux où je sais lire me
répondent, me disent ta joie. Oui,
j'aime,j'aime.et je suis aimée. Ce sont
tes prières d'autrefois, tes longues priè-
res où tu demandais à Dieu d'être tou-
jours la même chose, qui ont été exau-
cées. Tu te rappelles bien, quand nous
avions remué ensemble les vieux papiers
de gloire où j'ai appris à lire, les états de
services de mon père, de mes oncles, de
tous les nôtres, parlé pendantdes heures
de ce qu'ils avaient fait de bon, de noble,
d'héroïque, tu soupirais : «Promets-moi,
» Liette, que tu épouseras, un jour, un
? ofncierl ? Sois donc heureuse, j'ai
tenu ma promesse. C'est un officier qui
vient te demander de nous bénir. Un
officier que tu connais, qui s'est assis très
souvent dans cette chambre, à côté de
toi, qui te vénère, un homme brave,
bon, loyal, comme le fut mon père. Me
comprends-tu, dis? Je lui appartiens, je
l'adore, je mourrais de ehagrin si je ne
devenais pas sa femme, si l'on nous sé-
parait. »
La paralytique oscillait comme un
mannequin de bois dans les secousses
que lui donnait Liette, mais son regard
fixe, morne, ne se détachait pas du plan-
cher, ne s'éveillait pas, ses yeux demeu-
raient muets.
Liette continua, navrée :
« Monsieur Raymond de Trèbes m'a-
vait prié de te préparer à cette émotion.
Lui permets-tu de te faire sa demande?»
Apollonie se retenait pour ne pas
étreindre la jeune fille dans ses bras,
riait de toutes ses innombrables rides.
« Je m'en doutais, ça devait arriver,
un beau garçon et une jolie fille, c'est
fait pour se comprendre. Je n'ai jamais
eu, briguedon, autant de joie depuis que
je suis de la famille. Et ma foi, l'on
mettra les petits pots dans les grands,
je vais me commander pour vos noces,
manlzeUe, une robe de satin. »
Elle ajouta :
« Ne vous enrouez donc pas, et ne
vous remuez pas la bile, madame est à
bas aujourd'hui, et rien ne la ravigote-
rait! »
Et comme elles se toisaient, un coup
de sonnette retentit dans l'anticham-
bre.
« C'est lui 1 » s'exclama Liette, et elle
courut ouvrir la porte.
Raymond' avait obéi au dé. de sa
'T~r--~----~-.M. ~,~,.,.-..,.
fiancée, s'était mis en tenue, et avec ses
larges pantalons, ses manches galon-
nées, son visage rayonnant et fier, il
donnait l'illusion de quelque aventu-
reux soldat qui a bravé tous les dangers
pour conquérir la terre promise, pour
poser sa bouche sur les lèvres frémis-
santes de Celle qui est son rêve.
Il se précipita vers madame Rameyls
et lés doigts dans les doigts de Joujou, à
demi agenouillé, profondément ému, s'é-
cria :
« Ma bien-aimée Liette vous a révélé
notre amour, madame, vous a dit, n'est-
ce pas, que je n'ai plus qu'un but, que
je ne forme plus qu'un souhait, et que
c'est de lui confier mon nom et mon
cœur. —et scandant les mots comme
s'il eût parlé en face de tout un régiment
— madame, j'ai l'honneur de vous de-
mander la main de la fille du comman-
dant Rameyls !. » -"
Et le miracle s'accomplit.
Devant les mains qui se tendaient
unies vers elle, devant les fronts qui sa-
luaient pieusement ses soixante ans
d'honneur, d'abnégation, de dévouement
maternel, devant cet uniforme qui lui
suggérait ce qu'elle avait aimé le plus
dans sa vie, la paralytique eut un instant
de lucidité et en pleine conscience de ses
actes, reconnaissant sa petite-fi!lcef
monsieur de Trèbes, elle leur accorda
son consentement d'un long regard otSi
palpitait son cœur, où vibraient cornue
les adieux résignés du cantique de Si,'
méon.
RENÉ MAIZEROY.
(A suivre.) ,
1 .--- .- , ., 1. ---------
La ligne rouge et large, qui ferme les
'bvres, se rétrécit par l'habitude de tenir
la bouche close dans les méditations aus-
ières; les ailes du nez se creusent au lieu
de s'épanoiiir,inimobiles quand elles vou-
draient frémir. Les yeux grands comme
an horizon de mer orageuse se renfon-
cent sous les arcades sourcilières et
semblent remonter vers le front pour
cacher leur flamme.
Les mains sont devenues aristocrati-
ques par la blancheur mate et l'opale
irisé des ongles. Mais la longueur des
fcrigts, les gonflements et les torsades
bleues des yeines leur donnent l'aspect
je..fjrifl'es fabuleuses, comme les anciens
en attribuaient à certaines chimères au
cuisant visage.
il ne faut pas voir longtemps le cardi-
ùal Svampa pour comprendre que
j'homme qu'il paraît être n'est pas
-rhomme qu'il fut ou qu'il sera.
, Simple prêtre, professeur disert et
éradii, il lançait ses traits fins comme
-des barbes de plume. Au bout de chaque
phrase, il plaçait sur ses lèvres la pointe
de sa langue et semblait lécher des
iirtéè5.
Même à ses humbles débuts dans tes
Maires romaines, il laissait deviner
an être prêt à s'enfoncer dans la vie
•seitime les mineurs s'enfoncent sous
la terre. Il a tenu ce qu'il avait promis et
Ze dardinal nr, fait pas faillite aux espé-
rances données par le professeur. Mais
depuis qu'il est archevêque, il s'efforce
4e détruire sa réputation de prélat spiri-
tuel. Il ne nuance sa conduite d'auGune
de ces manières originales qu'affectent
les
que d«.monde et qu'il en possède le se-
cret, avec la pratique. ,',
Il est naturellement bon et d'une cha-
rité infinie. S'il a un coadjuteur pour son
administration, il ne souffre dans la dis-
tribution de ses aumônes aucun inter-
médiaire. Il donne beaucoup et tout par
lui-même. La visite des pauvres est la
seule distraction à ses travaux,avec quel-
ques excursions sans apparat dans les
maisons ouvrières, les ateliers ou les fa-
briques, pour y porter la parole de con-
ciliation et de paix.
Il remplit ses devoirs de prêtre et ses
fonctions d'archevêque avec une exacte
'B3br.i6té, avec une convenance suprême
Dt sans ce mysticisme fleuri de gestes,
jue certains Italiens ont mis à la mode.
Son clergé, le plus intelligent de l'Ita-
lie, a cherché si le maître n'avait pas
quelque ambition suprême. Devant cette
vie régulière, l'entourage a fini paraban-
4enner toute curiosité, comme on replace
sur les rayons élevés d'une bibliothèque
les manuscrits rares qu'il est difficile et
eng de déchiffrer.
Le cardinal semble avoir accepté avec la
résignation du bonheur la vie monotone
de la province où sommeille son ardeur,
telle une eau dormante sous les nénu-
phars.
Il ne va vers Rome qu'à la dernière
extrémité et quand la volonté du pape
lui en fait un devoir. Il est plus respec-
tueux qu'empressé vis-à-vis du pontife
et rie demande rien, pas même le souve-
nir, aux amis nombreux que lui fit'son
charme dans la Ville Eternelle.
Les motifs de cette réserve sont-ils tles
motifs de raison, de conscience, de tem-
pérament ou de goût? Nul ne le sait. Les
flambeaux qui, d'ordinaire, jettent leur
lumière sur la vie, ne sont plus allumés
par l'archevêque de Bologne. Il ne leur
permet pas de jeter une lueur sur l'a-
venir.
Il aime l'histoire, parce que l'histoire
c'est le mystère à éclaircir, le voile à re-
lever, le passé à élargir. Mais il s'efforce
de paraître ignorer le nom même de la
politique et ses agitations sous les voûtes
ides temples.
Il a élevé sur ce sujet le silence, jus-
qu'à la hauteur de la plus magnifique et
de la plus difficile éloquence : on croi-
rait voir un muet-qui monte la garde le
long de ses pensées.
Dans la haute aristocratie de l'Eglise,
la plus alignée qui soit au monde, où
chacun s'efforce à plonger dans-la vie de
tous, le cardinal Svampa reste le sphinx.
Il a le charme de l'inconnue non déga-
gée du brouillard rouge de-la pourpre.
• Sa politesse, autrefois attirante et en-
veloppante, devient chaque jour plus
froide : elle est une conséquence de
-cette attitude que l'homme heureux
garde avec tous, non pour les autres
mais pour se faire honneur. -
L'opinion de ce cardinal- sur la ques-
tion romaine, sur la politique demi-ré-
publicaine de Léon XIII, sur le rôle de
l'Eglise en face du socialisme, personne
ne la connaît. Il la cache sous des for-
o mules de respect et d'admiration lors-
qu'on parle devant lui du règne actuel.
Les événements les plus graves se déta-
chent du Temps, autour de lui ; il les re-
garde tomber avec un regard de prêtre
occupe aux choses de l'Eternité.
Il ne connaît ni -la France, ni l'Europe,
et ne les connaîtra sans doute jamais,
puisqu'un cardinal italien viole l'éti-
quette en se déplaçant..
Il ignore cette éducation grandiose et
- "t.e.rrible des voyages, qui apprend aux
hommes les manières nouvelles. de res-
pirer et de voir. Il parlé volontiers de
son désir de connaître Paris, un jour :
- Je voudrais faire ce voyage, dit-il,,
pour prier dans vos illustres sanctuaires,
dans ceux du Sacré-Cœur surtout.
Les hommes nouveaux, tes institu-
tions osées ne l'effrayent pas. On l'a en-
tendu s'exprimer avec sympathie sur les
œuvres du cardinal Gibbons. Ses grands
yeux d'Italien ironique se tournent sans
frayeur vers l'Amérique, où a germé une
Eglise lourde de grains pour la moisson
prochaine. Il ne sent peut-être aucune
euriosité, et il pense que la pénétration
de l'esprit suffit à percer les distancer *
Le malheur d'Antonelli fut de croire
que les murailles de Rome faisaient aussi
les bornes du monde : le cardinal Svampa
s'imaginerait-il que les murs du Vatican
sont assez vastes pour contenir les
mondes errants? S'il a cette conviction,
c'est une faiblesse ; s'il parait seulement
l'avoir, c'est une habileté.- ,
Avec cela, l'archevêque de Bologne
reste persuadé que le calme et la dignité
de la vie sont les grandes avenues ou-
vertes sur le succès. Il a contre lès hom-
mes-la méfiance la plus italienne, et il j
demeura fort effrayé l'an dernier, -quand
une plaisanterie de Léon XIII jeta sari
nom aux quatre vents de la publicité, il
sait que l'actualité, souveraine capricieu-
se, saisit les hommes nouveaux pour ne
plus les abandonner qu'après les avoir
campés sur le piédestal de pierre, ou les
avoir brisés au pied du socle dur. j
JEAN DE BONNEFON. j
L'UTILE VERDICT
Lorsque de toutes' leurs unanimités affir-
matives, les douze jurés eurent fait condam-
ner l'accusé à la peine de mort, ils commen-
cèrent à se demander car ils étaient hom-
mes de conscience — ce qu'on lui reprochait
et qui il était. Ses crimes, à la réflex ion,
disparurent comme un brouillard de sang ;
ils se rappelèrent que la grosse dame galante
qu'il avait assassinée était venue, toute fraî-
che, témoigner en sa faveur, que les murs
qu'il avait escaladés n'existaient même pas
sur le cadastre du pays de Tendre, que les
sommes qu'il avait volées — avec effraction
— s'étaient préalablement englouties dans le
krach du canal de l'Himalaya et que les
petites filles qu'il avait violées étaient toutes
mortes centenaires et vierges aux temps de
Lorenzaccio.
Une étude plus profonde leur révéla que,'
soldat héroïque, il avait mérité au Tonkin
les palmes d officier d'Académie, que, écri-
vain de valeur, collaborateur ordinaire de
M. Jarry, membre actif de la Ligue pour lai
réhabilitation de M. Bérenger, il parvenait à
faire vivre sa vieille mère et ses vieux enfants
avec douze sous par jour et que, contraint:
par l'infortune à exercer les métiers les plus
pénibles tels que déserteur de table d'hôte et;
tzigane pour princesses belges, il restait plein
d'entrain et de courage et passait-ses. nuits à'
coller les affiches morales dûes à la collabo-
ration de Pu vis de Cha vannes et de Paul Des-:
jardins.
Les douze jurés se regardèrent— sanseire.,
Ils ne trouvaient pas ça très- drôle. Ils se pen-
chèrent l'un vers l'autre, se penchèrent sur
l'abîme de leur âme où frémissaient encore
des dépositions contradictoires, où gargouil-
laient des phrases de réquisitoire, des phrases
de plaidoierie, lourdes, oppressantes et in-
formes. Puis-ils se secouèrent et attendirent
que l'avocat de l'accusé vînt leur offrir une
idée. Mais l'avocat, trouvant le verdict par-
fait, promenait déjà, parmi les foules, la gloire
d'un défenseur qui a un guillotiné dans ses
éloquents souvenirs. Mais ils trouvèrent un
texte de recours en. grâce :
« Monsieur le Président, les citoyens sous-
signés ayant eu à siéger comme jurés en la
présente session d'assises, ont voulu profiter
de cette occasion pour se livrer à une mani-
festation platonique et inoffensive en l'hon-
neur de la peine de mort si combattue par
des philanthropes sans mandat. Nous avons
associé à cette manifestation, un peu malgré
lui et sans corrélation, d'une façon toute
mnémonique, M. X., que- les agents de la
force publique, les juges d'instruction, le Par-
quet, la Chambre des mises en accusation, le
ministère public, la vindicte publique et la
Providence avaient mis eh notre présence et
nous avaient présenté entre deux—gendarmes,
à cette fin sans doute de nous intéresser à sa
situation et de nous faire admirer ses vertus.
.Nous vous faisons tenir son dossier et nous
espérons, Monsieur le Président, que vous
aurez pour notre client notre attention et no-
tre sympathie. Nous demandons pour lui,
avec la nécessaire liberté, une place rémuné-
ratrice dans les perceptions d'Algérie, un prix
Montyon et la croix de la Légion d'hon-
neur. » - ,
Les douze jurés signèrent, enthousiastes et
joyeux, après avoir assuré l'Exécutif de leur
intelligent dévouement.
— Tout de même, sourit le chef du jury, il
vaudrait peut-être mieux le guillotiner, pour
le principe, pour sauvegarder et perpétuer le
principe de l'Erreur judiciaire.
ERNEST LA JEUNESSE.
NOS INFORMATIONS
LE NOUVEAU GOUVERNEUR GÉNÉRAL
D'INDO-CHINE
M. Doumer adresse à ses électeurs la let-
tre suivante :
« Mes chers concitoyens,
» Appelé au gouvernement de l'Indo-Chine,
je dois me démettre de mes fonctions de dé-
puté. té t,.
» J'ai accepté un poste où je crois pouvoir
faire œuvre utile à mon pays, après avoir pris ,
'conseil de ceux qui sont, dans le Parlement,
mes amis et mes chefs.
» Depuis plus de cinq années que. j'ai l'hon-
"netïr de votre "représenter à ta Chambre, j'ai
scrupuleusement rempli le mandat que vous
m'aviez confié.
al Jè rêste uni à vojis partes Hens quie créent
une foi politique commune, la reconnaissance
née de la confiance et de l'affection que vous
m'avez témoignées.
» Je vous adresse, mes chers concitoyens,
t'assurance de mon absolu dévouement.
» PAUL DOUMER. »
M. Doumer compte partir vers le 20 jan-
vier.
LES ARTISTES FRANÇAIS
La Société libre des artistes français s'est
réunie hier et a procédé à l'élection des
membres du comité des 90 ( Champs -JEly-,1
sées};, - • ', - ::",..
Ont été élus : ,; '.,..-
Sées).
Section de sculpture : MM. Bartholdi, Bois-
seau, Boucher, Allouard, Carlès, Félix Cliar-
pentier,.Titàl-côrna»'Blanchard,"ïtèreulé; Pal-
lez, Louis Noël, Le Villaia, Alphée Dubois,
iiardet, Georges Lemaire, Alassoulle,, Hugues,
Gustave Michel, Rdllard, rerrey. : ,"
MORT D'UN SÉNATEUR -/"j~'
M. Théry, sénateur inamovible, est mort,
hier matin, à Lille, où il était né en 1807. :
A la création du Sénat, M. Théry fat élu, olé
,26* sur 75, sénateur inamovible par. la coalition
-des gauches et de l'extrême-droite désireuse
d'empêcher la nomination des orléanistés. ":'
Au Luxembourg-, M. Thérv faisait partie de
v l'extrème-droitè, avec laquelle il votait cons-
tamment. , - ?
La mort de M.. Théry réduit, à. 18 le nombre
-des inamovibles élus par l'Assembléettationalte.
U reste en outre 10. inamovibles élus par le
Sénat.
H. v. !
VOIR « AUX LIONS DE FAÏENCE »
90, rue de Rivoli, en face; la tour Saint-
Jacques, le rayon d'orfèvrerie de table, argen-
ture à la, pile, garantie à l'usage, et à prix
meilleur marché que partout ailleurs.
.,.
1.6 lait niatcrmsé et stérilisé tte la Ferme
d'Arcy rempl. celui de la mère.S'ad.22,r.Paradis.
: :—t— » -
LA PARTITION ME DON JUAN
Une partition est certainement fun
des plus agréables cadeaux que l'on
puisse offrir pour le Jour de l'An, mais
faire son choix est souvent ïrialaisé.
Or, l'événement musical de la saison
artistique étant la reprise de Don Juan,
nous avons tenu à faire éditer spéciale-
ment pour le Joztî-nal l'couvre de Mozart
telle qu'on l'applaudit actuellement à
TOpéra-Comiéfué. •'
Nos lecteurs trouveront donc dans nos
bureaux, à raison de
CINQ FRANCS
cette fort belle partition, conforme au
texte musical original et affichée par-
tout quinze francs.
ÉTRENNES
La Grande Distillerie Cusenier, dont les pa-
niers-étrennes - l'ont fureur , chaque année,
s'est surpassée pour le Nouvel An, et ce sont
de délicieuses merveilles de goût et-d'élégance
qu'elle expose dans ses magasins, rue Au-
ber, 9, et boulevard Voltaire, 226, et que l'on
trouve d'ailleurs dans toutes les bonnes
maisons de comestibles.
Le Peach Brandy, exquise et délicate li-
queur de pêches-ù la vieille fine Champagne,
dernière création de la maison, rehausse en-
core cette année la valeur de ces artistiques
paniers, aux formes si pittoresques et si va-
riées. Çe sont, ainsi le veut la. mode du bien-
vivre, les étrennes les plus select de l'an de
grâce 1897.
LA PULITIQUE EXTÉRIEURE
Uti CSVILISATEUR
M. Cecil Rhodes est le plus grand ci-
vilisateur qui soit devant l'Eternel. S'il
poussa Jameson à envahir le Transvaal,
ce fut, n'en doutez pas, pour civiliser les
mineurs et les Boërs, et s'il célèbre les
hauts faits de ses compatriotes dans le
Matabéléland, c'est qu'ils ont préféré
massacrer huit mille nègres que de les
laisser en proie à la barbarie. Dans d'au-
tres pays, des Européens se contentent,
pour maintenir leur domination, de faire
quelques exemples ; l'hécatombe, le
massacre répondent mieux à la pensée
civilisatrice du Napoléon du Cap. C'est
une conception; et l'on sait s'il est fertile
en idées grandioses, M. Cecil Rhodes !
Il semble revenir actuellement à celle
qui a pour formule « l'Afrique aux Afri-
cains ». La presse anglaise n'en revient
pas et le taxe d'ingratitude. Mais il y a
Africains et Africains, et toute race non
civilisée, fût-elle du plus beau noir, et,
depuis les temps les plus reculés, vivant
et peinant en Afrique, perd tout droit à-
l'existence si,-elle n'est point civilisable,
c'est-à-dire résignée à devenir, entre les
mains de M. Cecil Rhodes, un instru-
ment de domination.
Ce grand civilisateur n'a pas l'air'de
s'inquiéter beaucoup de ses responsabili-
tés dans les derniers événements du
Transvaal. L'opinion anglaise n'a-t-elle
point obtenu la mise en liberté du docteur
Jameson? N'est-il p&s couvert lui-même
par la complicité morale de M. Chamber-
lain ? A ses yeux, la condamnation des
héros de la fameuse chevauchée a dû
amplement suffire à satisfaire la con-
science des gens timorés. Le voici main-
tenant libre de rêver à de nouveaux ex-
ploits pour mener à bien sa mission ci-
vilisatrice. Que va-t-il sortir de son cer-
veau de conquistador? Ce n'est point sans
inquiétude que,sur le eontmeniremtrpéen
et même en Angleterre, on se pose la
<$**eefcion. - -
A. SAISSY.
Affaires cubaines
LONDRES. — Le correspondant du Times à
New-York parle des représentations que les
puissances européennes auraient faites au gou-
vernement des Etats-Unis au sujet des affaires
cubaines, comme si aucun démenti n'avait été
donné à cette information :
Ontélégrahie de la Havane au Times :
Les insurgés, sous les ordres de Calixte Gar-
cia, ont battu une colonne de 2,000 hommes de
troupes espagnoles, qui escortaient un convoi
d'une grande valeur a Bayamo. - --
F'": ; ï. *' fiyss/> • :;
LONDRES. — Le correspondant du Daily Te-
legraph, à Saint-Pétersbourg, est informe que
le projet de M. de Witte relatif à l'établissement
de l'étalon d'or en Russie a été abandonné.
, .,Egypte ,
LE CAIRk — En réponse aihf Jugements ré-
cents des tribunaux indigènes, le gouverne-
ment va modifier la composition de la cour
d'appel par l'adjonction de trois membres -eu-'
ropéens : c'est un pas définitif vers l'absorp-
tion de la justice indigène et le prélude d'une
série de mesures de même ordre.
Manille
Devant le conseil 'de' guèrrè," 4é docteur
Rizal, 'accusé d'avoir xité le principal organi-
sateur de la révolterde» Philippines, a repoussé
cette accusation, mais il a avoué qu'il était
l'auteur des statuts qui régissent la ligue .des
Philippines.4'-- -;•- • r ;
Le procureur royal a établi que le docteur
Rizal était en rapports suivis, avec les chefs
de l'insurrection, et Rizal a été condamné à
être fusillé,
Son exécution a dû avoir lieu hier, lundi.
• Brigands en Sicile
On mande de Palerme que, dans la matinée
du 24 courant, une bande de brigands a'enlevé
sur un bien domanial du territoire de Gangi
un jeune homme de quinze ans. JUs d'un riche
propriétaire de la région. Comme rançon, les
brigands demandent 20,000 lires.
Les gardes de police et les gendarmes par-
courent toute la .province pour se saisir des
malfaiteurs. ,'., - ,"
Le procès Stambouloff
SOFIA — A-l'ouverture de l'audience, le pré-
sident déclare que le revolver de., Starubouloff
a été volé hier sur la table des pièces à con-
viction.
L'avocat général;, M. Gheorgiew, prononce
son réquisitoire. Il adjure les juges et les jurés
de prononcer sur ce crime une condamnation
qui ait une importance à nulle autre pareille.
Les plaidoyers commenceront demain.
En plein centre, sur le boulevard des Italiens,
au 9, le Restaurant Universel donne, pour 2 et
3 francs, des déjeuners et des dîners payés
ailleurs 5 à 7.francs. A recommander -son vin
rosé de Champagne.
LA QUESTION DU JOUR ::
Que poutrais-je bien acheter pour les nom-
breuses étrennes que je dois offrir?
Telle est la question du jour. : A,
Ne cherchez pas longtemps— c'est dans la
porcelaine, la faïence ou le cristal que vous
trouverez les plus grandes ressources.
ChxrisTSSTîT; tro charmant bébé edelui-nu, -ce
gamin fièrement campé la pipe à la bouche,
curette jolie figurine de Saxe..
Aimez-vous mieux ces vases montés, des
coupes aux couleurs opalines, ces porte-bou-
qUf;ts en cristal irisé aux décors émaillés ?
Ces étrennes sont-elles destinées à votre fa-
mille? Voici des cabarets à liqueurs aux cou-
leurs chatoyantes, des services en porcelaine
artistement moulés et de formes nouvelles,
aux décors les plus fins et les plus distingués.
'Préférez-vous offrir des couverts en métal
argenté, ou des écrins de coutellerie de table?
Vous frouverez -tout cela dans ce magasin
étincelant de lumières, si heureusement placé
au centre de Baris, 00, rue de Rivoli, en "face
la Tour Saint-Jacques: AUX LIONS DE
FAÏENCE, aujourd'hui connus dans tout Paris
pour leur bon marché.
Une surprise vous attend, Mesdames, les 30
et 31 décembre : une jolie prime inédite vous
sera offerte pour un achat même de 50 francs,
somme bien facile à atteindre parmi le choix
immense des objets étalés AUX LIONS DE
FAÏENCE.
M. HALANZIER
Nous avons le regret d'apprendre la mort
de M. Halanzier-Dufresnoy, ancien directeur
de l'Opéra, ancien président de l'Association
des artistes dramatiques, décédé, hier, après
quelques jours de maladie.
Henri Halanzier-Dufresnoy était le fils d'une
artiste dramatique fort estimée, Mraa Dufres-
noy; il avait débuté tout jeune en dirigeant
avec sa mère d'abord, puis seul, un grand
nombre de scènes de province. Quand il fut
choisi pour diriger notre Académie nationale
de musique, M. Halanzier était déjà direc-
teur depuis quarante-un ans ; jl était même
le doyen de tous ses confrères. C'est quand
il quitta le théâtre de Bordeaux, en 1870,
qu'il fut nommé chevalier de la Légion d'hon-
neur. Il est le premier directeur de théâtre de:
province qui ait reçu cette distinction.
Lorsque M. Halanzier prit en mains l'entre-
prise de l'Opéra, en 1871, après le siège et la
Commune, il jouait gros jeu; cependant, il
sut relever, en peu de temps, notre première
scène lyrique, à laquelle les événements
avaient porté un si rude coup. •
Sortant de la routine admise jusqu'à lui,
M. Halanzier ouvrit aux jeunes la scène qu'il
dirigeait, en montant l'opéra de M. Massenet,
le Roi de Lahore. Tout le monde alors ren-
dait hommage à là grande intelligence et au
travail personnel de M. Halanzier, qui était
un administrateur de premier ordre.
Voici les principaux ouvrages montés par
M. Halanzier, pendant sa direction, de 1871
à 1879 : la Coupe du l'oi de Thulé, de Diaz;
Gretna-Greeni de Guiraud; l'Esclave, de
Membrée ; Jeanne d'Arc, de Mermet ; Sylvia,
de Delibes ; le Roi de Lahore, de Massenet ;
le Fandango, de Salvayre ; Polyeuete, de Gou-
nod ; la Reine Berthe, de Joncières ; Yedda,
de Métra, et les reprises d'El'ostl'ate, de Reyer,
de VAfricaine, d'Hamlet, etc.
M. Halanzier fut fait officier de la Légion
d'honneur en février 1878. C'est pendant sa
direction, en 1873, que 1 ancien Opéra de la
rue Le Peletier brûla, et que fut inaugurée laH
salle actuelle, le 5 janvier 1875.
M.Halanzier fut nommé successeur du baron
Tàylor à la présidence de l'Association des
artistes, en novembre 1880, par 402 voix con-
tre 135 accordées à M. Delaunay, de la Co-
médie-Française.
M. Halanzier resta plusieurs années à la
tête de l'Association, aux intérêts de laquelle
il était tout dévoué ; mais sa mauvaise santé
l'obligea à résigner ses pouvoirs qui passèrent
alors à M. Eugène Ritt. <
Ad. M.
Le < Journal > a Berlin Í
t CHEZ M. VIRCHOW
(DE NOTRE CORRESPONDANT SPÉCIAL)
'f, ':' ,",' Berlin, 26 décembre 1896.
Profil. -- L'un des hommes qui honorent et
grandissent, le siècle.
Avec les noms de. Claude. Bernard, de La-
marck et de Darwin, le nom de 'Virchow fut
un de ceux que la pensée libre, vers 1876, jeta
le plus fréquemment dans la mêlée.
sa pensée ; aussi, un tfiy-tac au coetir, lorsque,
lés mains tendues, l'illustre savant, m'accueille,
plein.de cordialité
Une vieillesse si vigoureuse que ses soixante-
quihz'e ans, bien sonnés, n'apportent nulle en-
trave à son labeur. Virchow n'a pas déserté
sa chaire un seul jour, ,et, quotidiennement,
on le trouve .en son institut pathologique de la
Charité, dont il est le directeur.
Le corps menu, invariablement drape de la
redingote professorales Des lunettes d or che-
vauchent le nez busqué. Une barbe courte, des
cheveux rares, barbe et cheveux tout blancs,
mais, par endroits, 'de nuance légèrement am-
brée; -
Par une .sorte d'action -réflexe, les .paupières
s'abaissent - involontairement, concentrant le
regard en un point fixe,' comme si le cristal
des lunettes, sans cesse, rappelait à l'œil le
microscope.
La peau a bu, durant un demi-siècle,. la lu-
mière des. laboratoires, et celà lui fait un teint
d* « enfermé » qui aurait pâli dans la solitude
laborieuse *de quelque Mont-Cassin laïque. :
N'était la voix, assourdie dans' l'intimité de
ce petit salon bourgeois où rien ne tire l'œil,
j'aurais l'impression que Virchow est dans sa
chaise et parle pour un auditoire invisible.
Courte, nette, précise, parfois imagée, la
phrase s'égrène, sans grand souci des transi-
tions, ponctuant la pensée plutôt que la déve-
loppant.
Je rapporte ci-desous, presque sans modifi-
cation de forme, les paroles du grand savant.
Elles constituent, et cela n'échappera à aucun
des lecteurs du Journal, une consultation po-
litique du plus haut intérêt.
- Toute la politique extérieure, débute
Virchow, est encore dans la période mys-
tyque. Nul traité ferme qui serve -de base
positive à l'action des puissances. Tout
change au gré des rois et des empereurs.;
et comme ces messieurs ont un bel appétit,
ils cherchent sans cesse quelque morceau
à se mettre sous la. dent. Il nest pas un
pays qui veuille se contenter de ce qu'il a,
qui ne rêvé d'acquisitions ou d'incorpora-
tions territoriales nouvelles. Ainsi, idun
bout du monde à l'autre', c'est à qui agran-
dira le plus largement son domaine. Le dé-
nouement que cela nous réserve ? Impossi-
ble de le prévoir; C'est le secret de /toutes
les volontés futures. -,
Çe qu'il faut aux grandes nations occi-
dentales, ce sont des traités visibles, des
relations sûres. Voyez les Anglais, par
exemple. Ils ont coutume d'abandonner au
ministre la direction de leur politique
extérieure ; mais le ministre tombe, et son
successeur s'engage dans une nouvelle voie.
Ceux qui viendront après lui feront de
même. Ces variations sont insupportables,
d'autant plus que ce qui les détermine, c'est
bien moins le souci des intérêts généraux,
que celui des intérêts particuliers. On peut
dire que les éléments de réaction ne. domi-
nent, dans toute l'Europe, que parce qu'ils
obéissent aux exigences irrationnelles d'un
« particularisme » privilégié.
A ce point de vue, le phénomène le plus
caractéristique de notre temps, c'est l'anti-
sémitisme. Les antisémites -n ont jamais su
quoi faire des Juifs; bien qu'ils "aient épuisé
toute la série dés possibilités : privation des
droits politiques, expulsion des pays civili-
sés, relégation en Palestine. On tolérerait
cependant les femmes juives— celles qui ont
de l'argent—parce qu on peut les épouser.
L'argent seul suffit à tout. Théorie un peu
trop commode, en vérité.
Au fond,, pour ceux qui méditent, il y a
dans ce mouvement comme la vengeance
de l'histoire. Les anciens Juifs furent es-
sentiellement des anticivilisateurs. Or, de-
puis des siècles, le même sentiment « nati-
viste" qui les agitait se retourne contre
eux. Consciemment ou non, nos antisémi-
tes vibrent d'une impulsion analogue : la
haine de l'étranger. Cela nous ramène tout
simplement à l'état sauvage.
Pour nous tous, le devoir étroit, e est de
proclamer la solidarité entre les hommes.
A mon sens, le' seul point lumineux du so-
cialisme allemand, celui qu'il ne perdit ja-
mais de vue, malgré les persécutions de
ses adversaires, c'est l'affirmation humani-
taire. La doctrine elle-même me semble ir-
réalisable dans les temps actuels; mais, ceci
négligé, le socialisme demeure un parti
vraiment humanitaire, qui se dresse en en-
nemi devant tous les « partis intéressés Il.
Je ne crois pas à son triomphe, car la ma-
jorité du pays - ne lui accorde point ses sym-
pathies. -
Pour avoir les masses, il faudrait qu'il
se fît, à son tour, le représentant d'intérêts
particuliers.
Par exemple, qu'on promette aux pay-
sans des choses extravagantes, et l'on aura
le cœur des paysans. Mais si la désillusion
arrive, ils renonceront bien vite au socia-
lisme.
Seulement, je reconnais que les socialistes
ont une vue élargie de l'avenir de l'huma-
nité. Ils l'exposent au peuple et non point à
leurs seuls adhérents. C'est leur doctrine
générale, Ainsi, ils provoquent un mouve-
ment humanitaire et, par là, ils rencontrent
des sympathies dans les classes aisées. Cela
est curieux, car le socialisme, j'y insiste,
n'a pas d'avenir visible ; il n'a pas, non plus,
l'illusion: de résoudre avant longtemps le
problème social. Il peut donc promettre plus
qu'il ne croit. Sous une autre forme, c'est
toujours l'idée du Messie qui, :depuis des
siècles* soulève le monde. On croit souvent
le Messie à la porte ; s'il n'entre pas, on en
invoque un autre. Mais, dans l'intervalle,
le peuple travaille, plein de son rêve, et son
effort aboutit du moins à quelques résultats,
— fort minces, il .est vrai, eh comparaison
avec ses premiers espoirs.
C'est que les formules qui nous agitent
ent un tout antre aspect quand elles sont
réalisées. Rappelez-vous l'enthousiasme que
provoqua la lutte pour la Constitution!
Lorsque le document fut signé, il nous sem-
bla que nous avions fait une acquisition
merveilleuse. Finalement, qu'avons-nous
obtenu? Cette Charte, dont les articles ont
été modifiés en bien des sens, mais sous
laquelle nous vivons encore, que dit-elle au
peuple, qu'exprime-t-elle ? Ce n'est plus qu'un
; symbole de 1848. La préoccupation de Bis-
marck ,a' été d'en écarter tout ce qui pouvait
avofr trait aux droits dès Allemands. "Kous
ayons une Constitution qui consacre les
seuls droits des Prussiens. La. vérité est
qu'on se trompe des deux côtés. Bismarck
croyait peut-être étouffer les aspirations po-
pulaires. Elles renaissent. En ce moment
même, le Reichstag ne s'occupe-t-il pas de
la loi sur la liberté de réunion ?
Quoi qu'il en soit, allez donc, mainte-
nant, rallier ou enlever les masses avec.
l'idée constitutionnelle ! Il faudrait autre
chose, d'autres formules, d'autres sym-
boles. Autrefois, c'est vers là France et
vers ïa Belgique que nous tournions nos re-
gards.. En 1848, surtout, nos provinces rhé-
nanes voulaient leur « constitution belge »,
car celle-ci' nous semblait parfaite. Aujour-
d'hui, il n'y a pas de peuple en Europe qui
vive sous une charte modèle. Les. consti-
tutions ne sont plus que des drapeaux dé-
chirés; mais, à travers les trous, c'est
quand même l'esprit libre qui passe.
A l'extérieur, non plus, il n'y a pas de
traité qui puisse servir de type. Les grandes'
puissances ne veulent pas se lier par des
conventions déterminées. Elles se réservent
leur indépendance et leurs moyens d'action,
afin-de pouvoir occuper toute place vacante.
Si un pays quelconque est débilité, on ne
songe qu'à s enriehir de ses dépouilles. En
c
maître.
Pour les nations européennes, la question
est d'égale importance, sauf pour la Russie,
qui résistera a toutes les tentatives, n'en.
outez point. Vous avez vu comme l'Angle-
terre a été arrêtée net. Celle-ci, nécessaire.
ment, devra marcher avec les autres puis-
sances. Il y a entre nous l'Egypte, je le sais
bien, qui est comme une autre Alsace-Lor-
raine ; et je ne pense pas que l'Angleterre
l'évacué, sails's'être garantie dû côté des
Indes, Mais si l'Europe veut agir réellement
de concert, il est en son pouvoir de faire de
la Turquie un pays où l'on puisse vivre,
tandis qu'à présent ce n'est guère qu'un
pays où l'on peut mourir. Oui, il est possi-
ble de forcer la Turquie à gouverner dans
un sens civilisé. Cependant, je désire qu'on
y arrive par voie d'entente internationale,
et non par voie de guérre, car toute guerre
soulève des questions nouvelles entre les
peuples, chaque nation ayant, au repos,
certaines questions qui se posent fatale-
ment, à l'heure où éclate le conflit.
Cette couvre d'intervention commune se-
rait aisée, si les rapports des grandes puis-
sances étaient déterminés par des alliances
durables. -Malheureusement, le chauvinisme
domine partout, et l'on se méfie les uns des
autres. Qu'en soi le chauvinisme repré-
rente une grande force, je ne le nie point.
Il donne, en effet, à des collectivités diver-
ses une même vision. Il en fut ainsi de
l'idée constitutionnelle, qui était également
une commune manière d'envisager' les cho-
ses. Et c'est bien par là que le chauvinisme
me paraît inquiétant.
Toutefois,, je ne crois pas au danger pro-
chain. Mais qui peut affirmer qu'il ne sur-
gira pas demain ? Sans nul doute, il y a
trêve du côté des gouvernements. On en est
au système des assurances mutuelles.
Lorsque le chauvinisme disparaîtra, la né-
cessité des alliances actuelles disparaîtra
de même. N'avons-nous pas eu, en Alle-
magne, des principautés, des villes libres
et même des villages libres? Maintenant,
les anciennes dissensions nationales sont
oubliées. Eh ! bien, ces futurs Etats-Unis
d'Europe, auxquels songent tous les bons
esprits, amèneront le même apaisement.
Déjà,- pour nos pays d'Occident, la nécessité
s'imposé des mesures à prendre, pour s'al-
léger réciproquement de charges trop lonr-
des; pour trouver un meilleur emploi des
richesses produites par le travail de tous.
Evidemment, il est difficile d'amener les
hommes à réaliser, d'une façon consé-
quente, les exigences de la raison, du droit
et de la liberté. Mais il ne faut pas déses-
pérer. Pour mon compte, je crois ferme-
ment qu'on verra une alliance internatio-
nale européenne, sous laquelle les vieilles
haines disparaîtront. Partout, en Europe,
vous trouvez encore des murailles, derniers
vestiges des divisions intestines. On les dé-
truit, tout en gardant les forteresses inté-
rieures. Celles-là finiront bien par dispa-
raître, comme les autres : seulement, ce sera
long.
L'important, c'est de ne pas reculer de-
vant la tâche. Bismarck, lui, savait trouver
les moyens d'arriver à son but. A une cer-
taine heure, il chercha même à s'assurer
l'appui des ouvriers. Il connaissait bien les
faiblesses du cœur humain. Nous autres,
nous sommes trop timides, nous n'osons
pas assez;. Pour prendre un exemple per-
FEUILLETON DU 29 DÉCEMBRE
-:- 24 —
AMES TENDRES
JOUJOU
DEUXIÈME PARTIE
ni
suite. -
Un soir, tandis qu'elle s'exclamait en
réglant ses comptes de ménage avec
Apollonie : (t 'Je me demande comment
¡"on pourra vivre et joindre les deux
bouts si les choses vont de ce train; on'
nous rogne nos-revenus et tout aug-
mente; apprends à être économe, ga-
in ine* à ménager tes quatre sous, ou tu
ne t'en sortiras pas », et que Liette lui
répliquait : « Ne te mets pas en peine de
• moi-, mémé, miss Arabella m'a tiré les
écartes avant-hier et elles m'ont prédit
que j'aurais un mari' très' riche. » La
septuagénaire, qui se plaignait depuis plu-
sieurs semaines d'avoir les jambes plus
lourdes, et comme un étau de fer autour
des tempes et des reins, qui ne parve-
nait à marcher que soutenue d'un côté
par sa bonne, de l'autre par sa petite-
filie, avait soudainement exhalé de rau-
Traduction et reproduction interdites.
ques gémissements et, la face contrac-
tée, les lèvres impuissantes à articuler
des sons intelligibles, pommette~ ternies,
les mains jointes, s'était abattue, cassée
en deux sur la table en des éclaboussures
d'encre. >
Depuis lors, elle végétait, presque com-
plètement paralysée, muette, passive,
morte vivante, qui sommeille les pau-
pières ouvertes, qu'on étaye de .coussins
dans un large fauteuil, qui ne semble
plus souffrir.
Cependant son intelligence n'était pas
éteinte, se ranimait par instants comme
une lampe où il y aurait encore quelques
gouttes d'huile. Liette, à qui Apollonie
laissait la bride sur le cou, ne refusait
aucune permission, répétait : « Donnez-
vous-en, mademoiselle, vous aurez assez
le temps de vous ennuyer plus tard ! »
l'avait constaté à plusieurs reprises.
Les yeux de la malade parlaient.
Ils reconnaissaient la fillette. Ils .sui-
vaient tous ses mouvements.
Ils s'éclairaient lorsqu'elle entrait dans
la chambre. Ils lui rendaient doucement
ses baisers lorsqu'elle l'embrassait sur
le front et sur les doigts.
Ils s'angoissaient, se voilaient comme
d'une brume épaisse si elle tardait à re-
venir de chez madame de Trèbes.
Ils s'irritaient, ils l'accablaient de re-
proches, ils s'emplissaient de grosses
larmes, si elle arrivait pomponnée par
sa protectrice avec une coiffure nouvelle,
un chapeau de fleurs et de rubans, une
toilette claire qui rendaient loquace la
vieille servante, la transportaient d'ad-
miration, lui faisaient dire: «Briguedon,
ma fi. oue vous voilàdamette 1 On vous
prendrait dans ces beaux affiquets pour
une petite noble! » Ils s'étaient même
détournés d'elle comme pour la renier,
le jour où pour s'amuser dans leur salon
de repos, chez les sœurs Darcy, ma-
dame de Trèbes et la princesse Stradella
lui avaient fait la figure et fardé les
lèvres.
Et subtile, craignant de nouveaux
chocs, encouragée par Apollonie qui
grommelait ; « Profitez des bons, mo-
ments, un gentil brin comme vous, ça
doit se récréer! », elle avait accepté d'a-
voir une chambre dans l'hôtel, gîte déli-
cieux qu'empliraient les brimborions
rapportés des bals blancs, qui était tendu
d'une cretonne anglaise d'un bleu incer-
tain, semé de grandes coroles d'iris, s'y
mirait, s'y habillait et y changeait de robe
avant de subir l'examen silencieux et
sévère de la paralytique.
IV
Le peu de ciel qui apparaissait entre
les tuyaux de cheminées semblait un ri-
deau de soie jaune dont s'effacèrent les
broderies et des martinets s'y poursui-
vaient encore avec des sifflements aigus,
le traversaient ainsi que des flèches noi-
res qui ont dépassé la cible.
Liette avait poussé sa chaise auprès du
fauteuil où était assise, comme en hébé-
tude, Madame Rameyls.
Apollonie s'appuyait au rebord de la
fenêtre, le menton dans les doigts, la
face couturée de rides sous la cornette
lorraine comme quelque pomme que
l'on oublia sur là paille d'un cellier.
« M'est avis, dit-elle, que vous n'avez
pas pour des prunes ce petit air miton-
mitois, mamzelle, et que nous allons ap-
prendre du nouveau. Du nouveau qui
vous fera plaisir, bonne madame du bon
Dieu.»,
Elle cria plus fort encore pour enfoncer
ces mots dans les oreilles de la paraly-
tique : •
« Vous entendez, quelque chose qui
vous fera plaisir,--et d'un ton narquois
- allons, ma fl*, voulez-vous que je vous
aide à commencer la chanson.:. C'est
donc bien pénible à dire que votre fleur
du cœur a parlé, que nous sommes là,
nous,les vieilles et vous le tendron, qua-
siment pour décider les accordailles. »
La jeune fille ne l'écoutait pas. Elle
s'était penchée sur sa grand'mère, lui
avait pris les mains comme pour les ré-
chauffer, les ressusciter, leur transmet-
tre la sève généreuse et ardente de ses
vingt ans, murmurait d'une voix éper-
due :
« Que je voudrais, ma chère mémé,
que tu me comprennes, que tu m'enten-
des, et que tes yeux où je sais lire me
répondent, me disent ta joie. Oui,
j'aime,j'aime.et je suis aimée. Ce sont
tes prières d'autrefois, tes longues priè-
res où tu demandais à Dieu d'être tou-
jours la même chose, qui ont été exau-
cées. Tu te rappelles bien, quand nous
avions remué ensemble les vieux papiers
de gloire où j'ai appris à lire, les états de
services de mon père, de mes oncles, de
tous les nôtres, parlé pendantdes heures
de ce qu'ils avaient fait de bon, de noble,
d'héroïque, tu soupirais : «Promets-moi,
» Liette, que tu épouseras, un jour, un
? ofncierl ? Sois donc heureuse, j'ai
tenu ma promesse. C'est un officier qui
vient te demander de nous bénir. Un
officier que tu connais, qui s'est assis très
souvent dans cette chambre, à côté de
toi, qui te vénère, un homme brave,
bon, loyal, comme le fut mon père. Me
comprends-tu, dis? Je lui appartiens, je
l'adore, je mourrais de ehagrin si je ne
devenais pas sa femme, si l'on nous sé-
parait. »
La paralytique oscillait comme un
mannequin de bois dans les secousses
que lui donnait Liette, mais son regard
fixe, morne, ne se détachait pas du plan-
cher, ne s'éveillait pas, ses yeux demeu-
raient muets.
Liette continua, navrée :
« Monsieur Raymond de Trèbes m'a-
vait prié de te préparer à cette émotion.
Lui permets-tu de te faire sa demande?»
Apollonie se retenait pour ne pas
étreindre la jeune fille dans ses bras,
riait de toutes ses innombrables rides.
« Je m'en doutais, ça devait arriver,
un beau garçon et une jolie fille, c'est
fait pour se comprendre. Je n'ai jamais
eu, briguedon, autant de joie depuis que
je suis de la famille. Et ma foi, l'on
mettra les petits pots dans les grands,
je vais me commander pour vos noces,
manlzeUe, une robe de satin. »
Elle ajouta :
« Ne vous enrouez donc pas, et ne
vous remuez pas la bile, madame est à
bas aujourd'hui, et rien ne la ravigote-
rait! »
Et comme elles se toisaient, un coup
de sonnette retentit dans l'anticham-
bre.
« C'est lui 1 » s'exclama Liette, et elle
courut ouvrir la porte.
Raymond' avait obéi au dé. de sa
'T~r--~----~-.M. ~,~,.,.-..,.
fiancée, s'était mis en tenue, et avec ses
larges pantalons, ses manches galon-
nées, son visage rayonnant et fier, il
donnait l'illusion de quelque aventu-
reux soldat qui a bravé tous les dangers
pour conquérir la terre promise, pour
poser sa bouche sur les lèvres frémis-
santes de Celle qui est son rêve.
Il se précipita vers madame Rameyls
et lés doigts dans les doigts de Joujou, à
demi agenouillé, profondément ému, s'é-
cria :
« Ma bien-aimée Liette vous a révélé
notre amour, madame, vous a dit, n'est-
ce pas, que je n'ai plus qu'un but, que
je ne forme plus qu'un souhait, et que
c'est de lui confier mon nom et mon
cœur. —et scandant les mots comme
s'il eût parlé en face de tout un régiment
— madame, j'ai l'honneur de vous de-
mander la main de la fille du comman-
dant Rameyls !. » -"
Et le miracle s'accomplit.
Devant les mains qui se tendaient
unies vers elle, devant les fronts qui sa-
luaient pieusement ses soixante ans
d'honneur, d'abnégation, de dévouement
maternel, devant cet uniforme qui lui
suggérait ce qu'elle avait aimé le plus
dans sa vie, la paralytique eut un instant
de lucidité et en pleine conscience de ses
actes, reconnaissant sa petite-fi!lcef
monsieur de Trèbes, elle leur accorda
son consentement d'un long regard otSi
palpitait son cœur, où vibraient cornue
les adieux résignés du cantique de Si,'
méon.
RENÉ MAIZEROY.
(A suivre.) ,
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