Titre : Le Journal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1915-01-09
Contributeur : Xau, Fernand (1852-1899). Directeur de publication
Contributeur : Letellier, Henri (1867-1960). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34473289x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 09 janvier 1915 09 janvier 1915
Description : 1915/01/09 (N8140). 1915/01/09 (N8140).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
Description : Collection numérique : BIPFPIG13 Collection numérique : BIPFPIG13
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7602258c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-220
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/10/2014
t
F. ZAU. fondateur.
HUIT PAGES. — CINQ CENTIMES.
FILS SPECIAUX : LONDRES.
AGENCE DE LONDRES : 190, FXIEET STREET, E. C.
LE JOURNAL, 100, RUE DE RICHELIEU. PARIS
Téléphone Gut. : 61-65. 61-66. 61-67 et 26-21
Adresse télégraphique : NAUOUR-PARIS
SAMEDI 9 JANVIER 1915 - N* 8118
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SEINE à SEINE-n-OISE 30 S 10 50 S W
FRANCE K COLONIES. 24 » 12 » C »
EtrâNu^R ÛS » » 10 t
PUBLICITÉ AUX BUREAUX DU « JOURNAL »
- et à la Sté Gle des Annonces, 8, place de la Bourse
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus
EN SUIVANT LES ARMÉES
A L'HOPITAL
E., décembre 1914.
- Arrêtons-nous à celui-ci, me dit le
major quatre galons.Il est sauvé main-
tenant. C'est un petit gars intelligent
Son histoire vous intéressera.
Loin du feu, à plus de vingt kilo-
mètres des lignes allemandes, l'hôpital
est installé dans un vaste bâtiment que
de larges baies vitrées pourvoient abon-
damment J'air et de lumière, Hien ne
manque ici. La ville est grande. Elle of-
fre toutes les ressources nécessaires à la
multiplicité des rouages minutieux qui
composent l'organisme forcément com-
pliqué d'ur: ) formation sanitaire sérieu-
se et vraiment efficace. Poin* de hasard,
ici, point d'improvisation, point de « pour
le mieux » aussi dangereux que nieri-
toire. Le zèle et le dévouement des mé-
.decins disposent d'un instrument com-
plet et mis au point qui joue avec l'in-
faillibilité d'un mécanisme régutier.
Heureux les blessés amenés ici sans
retard ! Car ce n'est pas dans des gran-
ges, ni même dans des salles de mairie
exposées aux mauvaises surprises de
l'artillerie ennemie que le chirurgien le
plus éminent, le plus brave et le plus
empressé pourrait leur accorder les soins
précautionneux pour quoi tout fut, ici,
patiemment disposé.
On utend à peine le canon.Juste assez
pour sentir le contact des Allemands et
pouvoir rêver de bataille dans le silence
des petites salles tièdes aux lits alignés,
silence lourd de souvenirs, d'espoirs et
de colères. Paix trompeuse des lèvres
muettes que dément l'ardeur des regards.
— Donne voir ton poignet. Oui, plus
de fièvre. Tu peux raconter à monsieur
comment tu as attrapé ça. ,
— C'est bien simple, vous savez. Ça
serait arrivé, à notre place, à n'importe
qui. Nous avions reçu l'ordre d'avancer.
On l'avait reçu, je vous jure, avec plai-
sir. D'abord, c'est toujours plus amusant
d'avancer. La guerre de taupinière c'est
vraiment trop monotone. Ce n'était pas
la peine de quitter Paris pour se retrou-
ver enlizés dans des trous et des terras-,
sements. Mais nous étions contents d'a- -
vancer pour autre chose encore. Notre
tranchée était sapée. Ça n'a l'air de rien,
bien sûr, à raconter comme ça, mais,
monsieur, si vous entendiez sous terre,
au-dessous de vous, au-dessous du boyau
où vous êtes pour quarante-huit heures
de grands coups sourds, de grands coups
de pioche..-vous vous demanderiez l'heu-
re qu'il est. Je sais bien qu'on surveille
et qu'on contre-mine. Tout de même, on
n'est pas fâché quand arrive la relève.
Et en même temps on a tout de même
'de la peine à voir s'installer les copains.
La tranchée est minée. A quel moment
bauter&-t-elle ? Lesquels de"nàus se trou-
veront là au moment du bal ?. Drôle
d'impression, vous savez. A la guerre, on
entend beaucoup de vilaine musique ;
bien plus même qu'on ne voit de vilai-
nes choses,, et il y a vraiment des mo-
ments où on regrette d'avoir des oreil-
les. Mais ces coups de pioche !. Enfin,
passons !. Nous quittons nos tranchées
avant que la mine ne soit prête et nous
nous jetons en avant. Le premier jour,
nous gagnons un bon bout de terrain,
mais un petit peu en zigzags. Nous
avions surtout à notre droite, coopérant
à notre mouvement, des tirailleurs qu'on
ne pouvait pas suivre. Ils étaient allés
si vite qu'ils avaient atteint un petit bois
au delà d'une espèce de pauvre château
qui bâillait tout seul, au bord de la rou-
te, de sa pauvre façade où les obus.
avaient fait un grand trou. Nous, nous
étions plus prudents, mais nous progres-
sions tout de même. Le soir, les tirail-
leurs qui avaient été trop loin se replient
pour garder le contact avec nous. Le
lendemain,halte.On s'arrête pour orga- j
niser le terrain conquis. Un jour passe
encore, puis on décide de continuer le
mouvement. Mais avant de nous élan-
cer, il faut reconnaîtra ce petit château.
Les Boclies y sont peut-être terrés avec
des mitrailleuses. Je pars en patrouille,
en pleine nuit, avec quelques hommes.
Vous savez comment ça se passe. On
rampe dans la boue, on se cache dans
des flaques, enfin, c'est très pittoresque!
Nous arrivons au château. Il est vide.
Pas de Prussiens là dedans. Pour bien
nous en assurer, nous descendons dans
la cave, armés d'un mégot de bougie dont
la flamme danse. Ça dessine de drôles
d'ombres sur les murs. Nous descen-
dons. Quel spectacle !. Cinq tirailleurs
blessés qui sont là denuis l'autre jour !.
On les avait mis à l'abri pendant le com-
bat et on n'a pas pu les reprendre. Ils
ont froid. Ils n'ont rien. Il y en a un
qui gémit avec une figure toute arra-
chée. Deux de leurs camarades morts
traînent dans un coin. En nous aperce-
vant, les pauvres diables se lèvent, nous
prennent les mains, s'accrochent à nous.
Un qui avait l'épaule déchirée fait un
effort qui ravive sa plaie. Nous voilà
pleins de sang. Nous ne pouvons pas
les laisser là. V.-~z d'ici io sau-
vetage. le travail, rien que pour les
remonter. Et puis nous les avons assis
sur des branches dont nous avons pris
les deux bouts. Excepté un qu'il a fallu
laisser. Et cinq cents mètres en terrain
découvert à faire avec ce chargement-
là. Ça nous a demandé tant de temps
que le jour nous a surpris. Les Boches
nous ont aperçus et en avant la mitrail-
leuse !. Je suis tombé comme ça, blessé
à la cuisse et au bras, tout près de nos
tranchées. Nous n'avons eu qu'un seul
mort. Vous voyez qu'on a été tout de
même un peu débrouillards et qu'il n'y
a rien de notre faute.
Je quitte ce héros et je continue avec
le major la visite de l'hôpital. Il n'y a
pas de malades, ici. Rien que des blessés
graves. Toute la ville est organisée en
cité hospitalière modèle, avec centres
spécialisés : hôpital pour blessés gra-
ves, hôpital pour éclopés et convales-
cents, hôpital pour fiévreux, hôpital pour
contagieux où tout est préparé pour les
cas à traiter. Cette spécialisation donne
les meilleurs résultats.
— Maintenant d'ailleurs, m'assure
mon guide, nous allons pouvoir faire de
très bonne besogne. Les mesures sont
prises par le ministère de la guerre pour
nous pourvoir des indispensables autos.
Nous allons pouvoir établir des relations
rapides et faciles entre les divers hôpi-
taux de cette formation. Nous allons
aussi avoir le moyen de ramener du front
ici les blessés en une ou deux heures.
Et dans de pareilles conditions nous
sommes assurés de sauver en grande
proportion les hommes les plus terrible-
ment touchés. Tenez, je vais vous mon-
trer mes trépanés.
Et nous voici dans une petite salle de
douze lits. Tous les soldats couchés ici
ont eu le crâne atteint. Tous peuvent
pourtant en réchapper. Des hommes qui
ont eu la cervelle traversée d'une balle
sont en voie de convalescence. Certains
conservent encore de ce terrible choc une
sorte d'aphasie, de la « cécité verbale »,
me dit le major. On les rééduque lente-
ment. On leur réapprend le nom des
choses. Souvent, tout en reconnaissant
un objet ils n'en retrouvent plus le nom,
mais le souvenir persiste dans ces têtes
malades. La lumière de Inintelligence y
reparaît peu à peu comme une aube in-
décise. Déjà ils se rappellent le lieu où
ils furent blessés. Un d'eux demande
pour la première fois des nouvelles de
ses enfants et « si les Boches sont par-
tis. »
Enfin, je m'arrête devant le lit d'un
Sénégalais. Un grand enfant noir qui rit
d'un bon rire puéril.
— Il est content, m'explique l'infir-
mière, parce qu'on lui a donné quelques
sous.
Je veux redoubler son contentement.
Je lui offre une pièce blanche. Il m'en
remercie avec de grands regards affec-
tueux et il range ce merveilleux trésor.
Ah ! l'etrange bourse !. Sur son crâne,
sous ses cheveux épais qu'il a tressés
comme une courte natte ou comme un
petit chignon serré, noué par un mor-
ceau de ruban vert, il a ménagé une ca-
chette. Je ne sais comment faire saisir
l'aménagement de cet ingénieux porte-
monnaie. Il. glisse son argent sous sa
natte, dans ses cheveilx, comme dans
une poche. Et il me ùéclare d'un air très
entendu :
— Là. pas prendre !.
— Tu fais des économies, lui dis-je,
pour Mme Sénégal ?
Il hoche la tête :
— Y en a pas Mme Sénégal. Moi, pas
marié.
— Tu n'es pas marié ? Pourquoi ?
Il hésite une seconde, soupire et pro-
fesse avec une moue méprisante :
— Quand y en a amour .y en a pas
bon soldat. ,
— Tu te trompes, bon Sénégal ! De-
mande à tes camarades, les petits soldats
du Nord et de l'Est dont les familles sont
restées malgré l'envahisseur, sur le seuil
des maisons natales, demande à ceux
qui sont venus de provinces moins
éprouvées et qui ont lutté sur la Marne
pour empêcher l'ennemi d'atteindre leurs
foyers et de brutaliser leur compagne,
demande à tous ces troupiers français
qui ont des êtres chéris à défendre ou à
libérer si l'amour amollit le cœur et
désarme le bras ou s'il n'avive pas au
contraire les colères sacrées, s'il ne ra-
nime pas .les courages ?
EDOUARD HELSEY,
EN 4E PAGE :
DU VAL, par Frédéric Boutet
AU GRAND QUARTIER GENERAL DE VALENCIE NNES. — Soldat s passant au pas de parade devant le kaiser (désigné par une croix).
459e JOUR DE LA GUERRE
Communiqués officiels du 8 janvier
Trois heures
L'artillerie ennemie a montré pendant toute la journée du 7 beaucoup d'ac-
tivité en Belgique et dans la région d'Arras. L'artillerie française a répondu vi-
vement et efficacement. Notre infanterie a réalisé quelques progrès.Près de Lom-
baertzyde, nous avons enlevé, à 50 mètres en avant de nos tranchées un mame-
lon occupé par l'ennemi. A l'est de Sami-Gcoïges, nous avons gagné du terrain.
Nous avons sérieusement endommagé lès tranchées ennemies voisines de Steens-
traate.
Dans le secteur d'Arras, au bois de Berthonval,, nous avons, sans être at-
taqués, dû évacùer certains éléments de tranchées où les hommes étaient enlisés
jusqu'aux épaules. A gauche de la Boisselle, notre ligne de trattchées a été por-
tée en avant ; nous occupons le chemin de la Boisselle à Aveluy.
Dans la vallée de l'Aisne, le duel d'artillerie a été assez vif ; notre artille-
rie lourde a obtenu de bons résultats. Près de Blanc-Sablon, les minenwerfer de
l'ennemi nous ont infligé des pertes, maiss dans l'après-midi nous avons arrêté le
feu allemand.
Dans le secteur de Reims, à l'ouest du bois des Zouaves, nous avons fait
sauter un blockhaus et occupé une nouvelle tranchée à 200 mètres en avant de
nos lignes. Le combat d'infanterie entre Bétheny et Prunay a été d'une extrê-
me âpreté ; les Allemands ont laissé de nombreux morts sur le terrain ; nos per-
tes sont minimes. Entre Jonchery-sur-Suippe et Souain, nous avons à plusieurs
reprises réduit au silence l'artillerie ennemie, bouleversé des tranchées et détruit
des abatis.
En Argonne, à l'ouest de la Haute-Chevauchée, l'ennemi a fait sauter à la
mine quelques-unes de nos tranchéek de Première ligne qui ont été complètement
bouleversées. L'attaque violente qu'il a aussitôt prononcée a été repoussée à la
baïonnette. Nous avons fail des prisonniers et maintenu notre front, sauf sur une
étendue de 80 mètres où le bouleversement des tranchées nous a obligés à établir
notre ligne à 20 mètres en arrière. ,
Sur les Hauts-de-M euse et entre Meuse et Moselle, rien à signaler. Le vent
a soufflé en tempête toute la journée.'
Notre offensive a continué dans la région de Thann et d"Altkirch et a
obtenu des résultats importants. Nous avons repris les tranchées sur le flanc est
de la cote 425, où l'ennemi avait réussi à se réinstaller il y a deux jours. Nous
avons ensuite gagné du terrain à l'est de ces tranchées.
Plus au sud, nous avons enlevé Barnhaupt-le-H aut. Nous avons en même
temps progressé dans la direction de Pont-d' Aspach et du Kahlberg. L'artillerie
ennemie, qui avait essayé sans succès d'atteindre nos batteries, a renoncé à tirer
sur elles pour bombarder exclusivement l'hôpital de Thann, qui a été évacué.
Onze heures du soir
-Au nord de Soissons, nous avons enlevé une redoute allemande, conquis
deux lignes successives de tranchées et alieint la troisième ligne. Trois retours
offensifs exécutés par les Allemands ont échoué.
En Argonne, une très violente attaque allemande à hauteur de la Haute-
Chevauchée nous a d'abord forcés à nous replier sur 1 kilomètre de front. Mais
nous avons contre-attaqué et réoccupé nos positions.
LES NOUVELLES ARMÉES ANGLAISES. - Ca, nadiens récemment débarqués à Ypres.
1 (Photo Journal.)
Les jours se suivent.
On comprend que, devant une telle ac-
cumulation d'atrocités, certains neutres
aient commencé par dire : « Non, ce n'est
pas imaginable, ce n'est pas possible 1 »
Même en France, n'y avait-il pas des in-
crédules ? Il faut pourtant se rendre à l'é-
vidence ; les faits sont là qui parlent, qui
crient ; voici les victimes, voilà les rui-
nes.
Au rapport de la commission d'enquête,
qui défie toutes les dénégatiôns comme
tous les commentaires, ajoutons en épi-
graphe ce mot ingénu et terrible, ce mot
d'une pauvre fillette à qui les Boches as-
sassins ont tranché les poignets : < *
— Est-ce vrai, dis, maman, qu'on va me
remettre des mains pour mes étrennes ?
J'hésitais depuis quinze jours à vous ré-
péter ces paroles affreuses, qui glacent le
cœur, comme j'hésitais à dire que, dans
un hôpital du Nord, on soigne plusieurs
enfants pareillement mutilés, — et que le
soir, au bord de l'Aisne, on entend s'élever
sur l'autre rive les lamentations déchiran-
tes des malheureuses que les Allemands
retiennent dans les carrières.
Ce n'était pas seulement pour ménager
la sensibilité de nos lecteurs que nous pré-
férions parler d'autre chose. Mais, puisque
l'Officiel publie ces horreurs, nos gouver-
nants estiment sans doute que le meilleur
moyen d'y mettre un terme c'est de les
montrer, c'est de les prouver à ceux qui en
doutent encore.
Crions-les donc à la face du monde, et
que tous les croyants les crient à la face
de Dieu, — non pas de ce Dieu féroce que
Guillaume le Bourreau appelle comme un
complice, mais du « bon Dieu » qu'im-
ploraient nos pères et qui ne peut rester
neutre, lui non plus, s'il voit quelque part
se tendre vers lui, dans un geste de prière
et de détresse, les moignons sanglants des
petites filles aux mains coupées.
Gustave Téry.
Reçu pour nos soldats de Mmes Nadie, 10 fr.;
Thierry, 5 fr. ; G. V. 5 fr.; Blanchon, 1 fr. ; Une
artiste, 5 fr. ; Pierre, 1 fr. 65 ; W. Wauder, 100 fr. ;
Françoise le G. 20 fr. ; Germaine G., 20 fr.; de
la maison Gendreu, 25 fr.; du personnel de la
maison Pathé, 101 fr. 40.
ÉCHOS
M
me René Viviani et M. René Viviani
viennent de recevoir officiellement la
nouvelle de la mort de leur fils cadet, tombé,
le 22 août, sur le champ de bataille de Cus-
signy (Meurthe-et-Moselle), à' la frontière
même, à quelques mètres des tranchées alle-
mandes, que la 48 compagnie du 13i8 de ligne,
dont il faisait partie, avait reçu l'ordre d'at-
taquer.
L'aîné sert à l'armée comme sous-officier.
Nous nous associons à la douleur de M. et
Mme Viviani et nous les prions d'agréer
l'expression de nos condoléances.
L
Q général de Munster, commandant le
5e corps, a interdit aux soldats sous ses
ordres d'acheter des lettres dites « de faveur
céleste ». Ces lettres, placées sur la poitrine,
sont censées permettre au porteur de sortir
sain et sauf de la guerre. On évalue à 159 0/0
les bénéfices réalisés par ceux qui exploitaient
la superstition en les vendant aux soldats.
L
a librairie Larousse met en vente au-
jourd'hui le 218 fascicule de sa remar-
quable Histoire de France contemporaine il-
lustrée, le 16e fascicule de sa belle et curieuse
publication, le Japon illustré, et un charmant
Livre Rose (n° 145). En vente chez tous les
libraires et dans les gares.
N
ous apprenons qu'à l'occasion du nouvel
an, la maison Xantthis frères (manu-
facture anglaise), a mis gracieusement à la
disposition de la régie 300,000 de ses excel-
lentes'cigarettes « Xanthia » pour être dis-
tribuées aux soldats blessés.
L'Effort militaire
de l'Angleterre
Il se passe en Angleterre cette chose ex-
traordinaire que la Chambre des lords est
obligée de se réunir, tandis que la Chambre
des communes n'est "onvoquée que pour
le début de février. L'imprévoyance des
constitutions a de ces fantaisies.
En d'autres pays, on se serait empressé
de liquider cette situation par une séance
de pure forme suivie d'un ajournement.
L'opinion anglaise ne l'entend pas ainsi
Avant l'échéance elle a discuté abondam-
ment l'éventualité. Elle a manifeste ie désir
d'être éclairée sur un certain nombre de
points obscurs de la situation militaire. Le
Times a même publié, à cet égard, un lea-
der d'une précision qui a dû faire frémir
les ciseaux de nos censeurs.
Ce qui est plus intéressant, c'est que le
gouvernement s'est parfaitement conformé
aux injonctions. Le remarquable exposé
présenté à Westminster par lord Kitchener
répond à presque toutes les sollicitations
de l'opinion. Rien de plus frappant, dans
la revue de la campagne, que la netteté
avec laquelle est exposé l'incident de Gi-
venchy-Festhubert. Quels beaux joueurs
que ces Anglais 1
Le résumé, d'ailleurs extrêmement
clair que le ministre anglais a tracé des
grandes opérations européennes, n'apprend
rien de nouveau. L'opinion britannique
était plus soucieuse d'obtenir quelques
éclaircissements sur certaines questions
coloniales. Lord Kitchener a souligné avec
juste raison les brillants succès obtenus
en Mésopotamie. Il a montré le caractère
tout à fait superficiel des engagements li-
vrés sur les confins de l'Egypte. Il n'a pas
hésité à enregistrer l'échec subi à Tanga,
dans l'Est-Afrieain allemand, en invoquant
justement la circonstance atténuante d'un
pays extrêmement difficile. Une telle ex-
cuse prend toute sa portée dans la bouche
du vainqueur d'Ondurman. S'il avait voulu
faire de la critique, lord Kitchener aurait
pu ajouter que l'initiative allemande a été
loin d'exploiter comme on aurait pu le
croire, le puissant moyen d'action qu'est IÁ
voie ferrée de Dar Es Salam au Tanga-
nyika.
Le passage capital de la déclaration mi-
nistérielle est celui qui a trait à l'organi-
sation des nouvelles armées. Un ordre tout
récent du War Office a enregistré la nais-
sance de ces armées nouvelles, fortes cha-
.cune de trois corps, soit environ 120,000
hommes : une masse globale de 720,000
combattants.
Les experts militaires allemands ont ac-
cueilli cette nouvelle avec des hausse-
ments d'épaules. Les soldats, on peut évi-
demment les enrôler et les dégrossir en
six mois. Lord Kitchener ne parle-t-il pas
de 278,000 nouvelles recrues prêtes à enrô-
ler ? Mais les cadres : les officiers et les
sous-officiers, où les trouver ? ,
A ces dédains lord Kitchener a fait la ré-
ponse la plus nette. Depuis le début de la
guerre, 29,100 officiers ont été nommés
et un nombre proportionné de sous-offi-
ciers. Il y en a assez non seulement pour
encadrer les forces expéditionnaires, mais
pour assurer l'instruction des réserves.
Cette déclaration ne nous surprend pas.
Pour constituer los cadrôa dèà, armées
nouvelles, le War Office avait deux
vastes réservoirs où puiser. Lo premier,
le principal, était l'armée existante. Cette
armée est une armée de métier. Elle en a
les inconvénients, mais elle en a aussi les
avantages, et le principal de tous, celui de
pouvoir fournir un grand nombre de mili-
taires entrainés et très capables de former
d'excellents officiers et sous-officiers. La
seconde source de recrutement des cadres
est la jeunesse sportive, entraînée à la dis-
cipline et au commandement.
Ainsi ont surgi de terre ces armées dont
les exploits achèveront de figer sur les
lèvres ennemies les sourires sceptiques.
Lôrd Kitchener en a parlé avec une fierté
d'autant plus justifiée que ce miracle —
le mot n'est pas trop fort — est en grande'
partie son œuvre. — SAINT-BRICE.
ALIMENTATION
Pendant longtemps, les armées de
guene vécurent sur l'habitant. Leurs ef.
fectifs sont, aujourd'hui, trop considé-
rables, et l'habitant n'e suffit plus à la
tâche. Comme au dix-huitième siècle
sont constitués, derrière le front, les ma-
gasins où s'entassent les approvision-
nements. Le peuple nourrit ses armées
en même temps qu'il se nourrit lUi-mê-
me. A ce point de vue encore, les alliés
seraient-ils dans une situation moins
favorable que les Austro-Allemands?
Sans compulser de nombreuses statisti-
ques, on peut répondre que non. Des
peuples qui' ont ouvertes derrièrè eux
toutes les avenues commerciales des
cinq parties du monde ne sauraient être
moins en état de s'approvisionner que
ceux dont le commerce est limité aux re-
lations internes. Je n'entends pas dire
par là que l'Allemagne soit près d'avoir
épuisé ses nombreuses ressources, alors
même qu'en temps de paix elle achète à
l'étranger, bon an mal an, pour deux
milliards et demi de denrées de pre-
mière nécessité : farine, bestiaux, bois,
etc., et que son commerce extérieur doïvo
couvrir toute cette dépense avant de son-
ger à mettre un sou de côté.
L'élasticité économique, je ne dis pas
financière, de l'Allemagne, est suffi-
sante pour lui permettre de surmonter,
pendant longtemps, une crise de l'alimen-
tation. On mange moins de pain et plus
de pommes de terre. On renonce, au
profit de l'abattoir, à l'élevage du bétail.
On pratique dans les forêts des coupes
rases, etc.
L'Allemagne peut djnc faire durer ses-
armées. Néanmoins, à supposer que la
rareté des denrées se fasse sentir quel-
que jour, d'un côté :)u de l'autre, il se-
rait dans la logique de la situation gé-
nérale que l'Allemagne fût la première
privée.
Ainsi, sur cette question de l'alimènta-
tion des peuples et des soldats, comme
sur celle du ravitaillement en munitions,
on peut conclure qu'il n'y a aucun motif
d'en isager avec pessimisme l'avenir des
alliés.
COLONEL FEYLEÏL
Si JF Mercier était arrêté,
le Pape l'appellerait à Rome
ROME. — Le Mesçaggero dit que le Vati-
can n'a reçu jusqu'ici aucune conurmatioot
au sujet de l'arrestation du cardinal Mer-
cier. La légation belge auprès du Saint-
Siège croit cependant que la nouvelle est
vraisemblable, étant donné les précédents.
On remarque, en effet, qu'en dehors des
soixante prêtres belges qui auraient été
fusillés par les Allemands, trois ou quatre
évêques sont prisonniers en Allemagne.
Le Messaggero ajoute que le pape, aus-
sitôt qu'il apprit la nouvelle de l'arresta-
tion de Mgr Mercier, envoya une personne
aux informations près la légation de
Prusse.
Un prélat interviewé a déclaré que lo.
pape n'aurait pas manqué de protester
même s'il s'était agi d'une simple surveil-
lance établie autour du palais du cardinaL
Si l'arrestation était confirmée et si elle
était maintenue malgré les protestations
du Saint-Siège, le pape appellerait le car-
dinal Mercier à Rome, et on pense que le
gouvernement allemand ne s'opposerait
pas à la volonté du souverain pontife.
Les Mensonges allemands
Un radiotélégramme de presse allemand
prétend ju. nous avons perdu la cote 425
dominant Steinbach et que nous n'avons
pas pénétré dans Burnhaupt-le-Raut.
Ces deux allégations sont fausses.
Comment les Allemands, en Belgique,
violèrent les règles du droit des gens
et les coutumes de la guerre
DEUXIÈME RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE BELGE -
La légation de Belgique nous commu-
nique le deuxième rapport adressé au
ministre de la justice de Belgique par la
commission d'enquête sur les violations
des règles du droit des gens, des lois et
des coutumes de la guerre.
A Monsieur Carton de Wiart, ministre de
la justice.. -
Monsieur le ministre,
- La commission d'enquête a l'honneur do
vous faire le rapport suivant sur des faits
dont la ville de Louvain, les localités avoi-
sinantes et la région de Malines ont été le
théâtre. -
L'armée allemande pénétra dans Lou-
vain le mercredi 19 août, après avoir in-
cendié les villages par lesquels elle avait
passé.
Dès leur entrée dans la ville de Louvain,
les Allemands réquisitionnèrent des loge-
ments et des vivres pour leurs troupes. Ils
se rendirent dans toutes les banques pri-
vées de la ville et s'y firent remettre l'en-
caisse. Des soldats allemands fracturèrent
les portes des maisons abandonnées par
leurs habitants, les pillèrent et s'y livrè-
rent à des orgies.
L'autorité allemande prit des otages : le
bourgmestre de la ville, le sénateur Van
der Kelen, le vice-recteur de l'Université
catholique, le curé-doyen de la ville, des
magistrats et des échevins furent ainsi re-
tenus. Toutes les armes détenues par les
habitants, jusqu'aux fleurets d'escrime,
avaient .été remises à l'administrationcom-
munale et déposées par ses soins dans l'é-
glise de Saint-Pierre.
Dans un village avoisinant, Corbeek-
Loo, une jeune femme, âgée de vingt-deux
ans, dont le mari se trouvait à l'armée, fut
surprise le mercredi 19 août, avec divers
de ses parents, par uno bande de soldats
allemands. Les personnes qui l'accompa-
gnaient furent enfermées dans une habi-
tation abandonnée, tandis qu'elle-même
fut entraînée dans une autre habitation où
elle fut successivement violée par cinq sol-
dats.
Dans le même village, le jeudi 20 août,
des soldats allemands cherchèrent dans
leur demeure une jeune fille de seize ans
environ étsci parents. Ils les conduisirent
dans une propriété abandonnée et, pendant
que quelques-uns d'entre eux tenaient en
respect le-père et la mère, les autres péné-
traient dans l'habitation dont la cave avait
été ouverte, et forçaient la jeune fille à
boire. Puis ils la menèrent sur une, pe-
louse devant l'habitation, et la vjolèren|
successivement.
Comme-cité continuait à opposer de Ife
résistance, ils lui percèrérrt la poitrine à
coups de baïonnette. La jeune frle, aban-
donnée par eux après ces al.tes abomina-
bles, fut reconduite chez ses parents et le
lendemain, à raison de la gravit, de son
état, administrée par le curé de la paroisse
et conduite à l'hôpital de Louvain. Elle
était, à ce moment, en danger de mort.
Les 24 et 25 août, les troupes belges,
sortant du camp retranché d'Anvers, atJ.a-.
quère'nt l'armée allemande qui se couvait
devant Ma'ines.
Les troupes allemandes furent refoulées
jusqu'à Louvain et Vilvorde.
Pénétrant dans les villages qui avaient
été occupés par l'ennemi, l'armi p belge
trouva tout le pays dévasté. Les Allemands
en se retirant avaient ra a?é et incendié
les villages,, emmena t les habitants mâles
qu'ils poussaient devant eux.
Entrant dans Hofstade'le. 25 août, les
soldats belges trouvèrent le cadavre d'une
vieille femme qui avait été tuée à coups
de baïonnette ; el!e avait encore en main
l'aiguille avec laquelle elle cousait lors*
qu'elle fut frappée : une femme et s(,n flla,
âgé de quinze ou seize ans environ, gi-
saient, transpercés de coups de baïonnette ;
un homme avait été pendu.
A Sumpst, village voisin, se trouvaient
les cadavres de dmix hommes pareillement
carbonisés. L'un d'eux avait les jambes
coupées à la hauteur des genoux, l'autre
avait les bras. et les jambes. oupés. Un
ouvrier, dont plusieurs témoins' ont vu te
cadavre calciné, avait été frappé à coupf
de baïonnette. Encore vivant, les Allemands
l'avaient enduit d' pétrole et jeté dans li
maison à laque'Je il* mirent, le t'pu.,
Une femme, sortant de* sa maison. avag
été abattue de la même façon.
Un témoin dont la déclaration a ëté re..
eue par M. Edward Herislet, fil- de air
Cecil Hertslet, consul général de la Grande-
Bretagne à Anvers, dé lare avoir vu non
loin de Malines, le 26 août, lors dl la der-
niè e attaque' des troupes belges, un viei!.
lard attaché par lée b'as à une poutre du
plafond de- sa ferme. Le corps éta ) com-
plètement carbonisé ; la tète, les bras et
les pieds étaient intacts. Plus loin ùu. en.
fant d environ quinze ans était attaché les
F. ZAU. fondateur.
HUIT PAGES. — CINQ CENTIMES.
FILS SPECIAUX : LONDRES.
AGENCE DE LONDRES : 190, FXIEET STREET, E. C.
LE JOURNAL, 100, RUE DE RICHELIEU. PARIS
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Adresse télégraphique : NAUOUR-PARIS
SAMEDI 9 JANVIER 1915 - N* 8118
ABONNEMENTS un à 8fS V» no..-
SEINE à SEINE-n-OISE 30 S 10 50 S W
FRANCE K COLONIES. 24 » 12 » C »
EtrâNu^R ÛS » » 10 t
PUBLICITÉ AUX BUREAUX DU « JOURNAL »
- et à la Sté Gle des Annonces, 8, place de la Bourse
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus
EN SUIVANT LES ARMÉES
A L'HOPITAL
E., décembre 1914.
- Arrêtons-nous à celui-ci, me dit le
major quatre galons.Il est sauvé main-
tenant. C'est un petit gars intelligent
Son histoire vous intéressera.
Loin du feu, à plus de vingt kilo-
mètres des lignes allemandes, l'hôpital
est installé dans un vaste bâtiment que
de larges baies vitrées pourvoient abon-
damment J'air et de lumière, Hien ne
manque ici. La ville est grande. Elle of-
fre toutes les ressources nécessaires à la
multiplicité des rouages minutieux qui
composent l'organisme forcément com-
pliqué d'ur: ) formation sanitaire sérieu-
se et vraiment efficace. Poin* de hasard,
ici, point d'improvisation, point de « pour
le mieux » aussi dangereux que nieri-
toire. Le zèle et le dévouement des mé-
.decins disposent d'un instrument com-
plet et mis au point qui joue avec l'in-
faillibilité d'un mécanisme régutier.
Heureux les blessés amenés ici sans
retard ! Car ce n'est pas dans des gran-
ges, ni même dans des salles de mairie
exposées aux mauvaises surprises de
l'artillerie ennemie que le chirurgien le
plus éminent, le plus brave et le plus
empressé pourrait leur accorder les soins
précautionneux pour quoi tout fut, ici,
patiemment disposé.
On utend à peine le canon.Juste assez
pour sentir le contact des Allemands et
pouvoir rêver de bataille dans le silence
des petites salles tièdes aux lits alignés,
silence lourd de souvenirs, d'espoirs et
de colères. Paix trompeuse des lèvres
muettes que dément l'ardeur des regards.
— Donne voir ton poignet. Oui, plus
de fièvre. Tu peux raconter à monsieur
comment tu as attrapé ça. ,
— C'est bien simple, vous savez. Ça
serait arrivé, à notre place, à n'importe
qui. Nous avions reçu l'ordre d'avancer.
On l'avait reçu, je vous jure, avec plai-
sir. D'abord, c'est toujours plus amusant
d'avancer. La guerre de taupinière c'est
vraiment trop monotone. Ce n'était pas
la peine de quitter Paris pour se retrou-
ver enlizés dans des trous et des terras-,
sements. Mais nous étions contents d'a- -
vancer pour autre chose encore. Notre
tranchée était sapée. Ça n'a l'air de rien,
bien sûr, à raconter comme ça, mais,
monsieur, si vous entendiez sous terre,
au-dessous de vous, au-dessous du boyau
où vous êtes pour quarante-huit heures
de grands coups sourds, de grands coups
de pioche..-vous vous demanderiez l'heu-
re qu'il est. Je sais bien qu'on surveille
et qu'on contre-mine. Tout de même, on
n'est pas fâché quand arrive la relève.
Et en même temps on a tout de même
'de la peine à voir s'installer les copains.
La tranchée est minée. A quel moment
bauter&-t-elle ? Lesquels de"nàus se trou-
veront là au moment du bal ?. Drôle
d'impression, vous savez. A la guerre, on
entend beaucoup de vilaine musique ;
bien plus même qu'on ne voit de vilai-
nes choses,, et il y a vraiment des mo-
ments où on regrette d'avoir des oreil-
les. Mais ces coups de pioche !. Enfin,
passons !. Nous quittons nos tranchées
avant que la mine ne soit prête et nous
nous jetons en avant. Le premier jour,
nous gagnons un bon bout de terrain,
mais un petit peu en zigzags. Nous
avions surtout à notre droite, coopérant
à notre mouvement, des tirailleurs qu'on
ne pouvait pas suivre. Ils étaient allés
si vite qu'ils avaient atteint un petit bois
au delà d'une espèce de pauvre château
qui bâillait tout seul, au bord de la rou-
te, de sa pauvre façade où les obus.
avaient fait un grand trou. Nous, nous
étions plus prudents, mais nous progres-
sions tout de même. Le soir, les tirail-
leurs qui avaient été trop loin se replient
pour garder le contact avec nous. Le
lendemain,halte.On s'arrête pour orga- j
niser le terrain conquis. Un jour passe
encore, puis on décide de continuer le
mouvement. Mais avant de nous élan-
cer, il faut reconnaîtra ce petit château.
Les Boclies y sont peut-être terrés avec
des mitrailleuses. Je pars en patrouille,
en pleine nuit, avec quelques hommes.
Vous savez comment ça se passe. On
rampe dans la boue, on se cache dans
des flaques, enfin, c'est très pittoresque!
Nous arrivons au château. Il est vide.
Pas de Prussiens là dedans. Pour bien
nous en assurer, nous descendons dans
la cave, armés d'un mégot de bougie dont
la flamme danse. Ça dessine de drôles
d'ombres sur les murs. Nous descen-
dons. Quel spectacle !. Cinq tirailleurs
blessés qui sont là denuis l'autre jour !.
On les avait mis à l'abri pendant le com-
bat et on n'a pas pu les reprendre. Ils
ont froid. Ils n'ont rien. Il y en a un
qui gémit avec une figure toute arra-
chée. Deux de leurs camarades morts
traînent dans un coin. En nous aperce-
vant, les pauvres diables se lèvent, nous
prennent les mains, s'accrochent à nous.
Un qui avait l'épaule déchirée fait un
effort qui ravive sa plaie. Nous voilà
pleins de sang. Nous ne pouvons pas
les laisser là. V.-~z d'ici io sau-
vetage. le travail, rien que pour les
remonter. Et puis nous les avons assis
sur des branches dont nous avons pris
les deux bouts. Excepté un qu'il a fallu
laisser. Et cinq cents mètres en terrain
découvert à faire avec ce chargement-
là. Ça nous a demandé tant de temps
que le jour nous a surpris. Les Boches
nous ont aperçus et en avant la mitrail-
leuse !. Je suis tombé comme ça, blessé
à la cuisse et au bras, tout près de nos
tranchées. Nous n'avons eu qu'un seul
mort. Vous voyez qu'on a été tout de
même un peu débrouillards et qu'il n'y
a rien de notre faute.
Je quitte ce héros et je continue avec
le major la visite de l'hôpital. Il n'y a
pas de malades, ici. Rien que des blessés
graves. Toute la ville est organisée en
cité hospitalière modèle, avec centres
spécialisés : hôpital pour blessés gra-
ves, hôpital pour éclopés et convales-
cents, hôpital pour fiévreux, hôpital pour
contagieux où tout est préparé pour les
cas à traiter. Cette spécialisation donne
les meilleurs résultats.
— Maintenant d'ailleurs, m'assure
mon guide, nous allons pouvoir faire de
très bonne besogne. Les mesures sont
prises par le ministère de la guerre pour
nous pourvoir des indispensables autos.
Nous allons pouvoir établir des relations
rapides et faciles entre les divers hôpi-
taux de cette formation. Nous allons
aussi avoir le moyen de ramener du front
ici les blessés en une ou deux heures.
Et dans de pareilles conditions nous
sommes assurés de sauver en grande
proportion les hommes les plus terrible-
ment touchés. Tenez, je vais vous mon-
trer mes trépanés.
Et nous voici dans une petite salle de
douze lits. Tous les soldats couchés ici
ont eu le crâne atteint. Tous peuvent
pourtant en réchapper. Des hommes qui
ont eu la cervelle traversée d'une balle
sont en voie de convalescence. Certains
conservent encore de ce terrible choc une
sorte d'aphasie, de la « cécité verbale »,
me dit le major. On les rééduque lente-
ment. On leur réapprend le nom des
choses. Souvent, tout en reconnaissant
un objet ils n'en retrouvent plus le nom,
mais le souvenir persiste dans ces têtes
malades. La lumière de Inintelligence y
reparaît peu à peu comme une aube in-
décise. Déjà ils se rappellent le lieu où
ils furent blessés. Un d'eux demande
pour la première fois des nouvelles de
ses enfants et « si les Boches sont par-
tis. »
Enfin, je m'arrête devant le lit d'un
Sénégalais. Un grand enfant noir qui rit
d'un bon rire puéril.
— Il est content, m'explique l'infir-
mière, parce qu'on lui a donné quelques
sous.
Je veux redoubler son contentement.
Je lui offre une pièce blanche. Il m'en
remercie avec de grands regards affec-
tueux et il range ce merveilleux trésor.
Ah ! l'etrange bourse !. Sur son crâne,
sous ses cheveux épais qu'il a tressés
comme une courte natte ou comme un
petit chignon serré, noué par un mor-
ceau de ruban vert, il a ménagé une ca-
chette. Je ne sais comment faire saisir
l'aménagement de cet ingénieux porte-
monnaie. Il. glisse son argent sous sa
natte, dans ses cheveilx, comme dans
une poche. Et il me ùéclare d'un air très
entendu :
— Là. pas prendre !.
— Tu fais des économies, lui dis-je,
pour Mme Sénégal ?
Il hoche la tête :
— Y en a pas Mme Sénégal. Moi, pas
marié.
— Tu n'es pas marié ? Pourquoi ?
Il hésite une seconde, soupire et pro-
fesse avec une moue méprisante :
— Quand y en a amour .y en a pas
bon soldat. ,
— Tu te trompes, bon Sénégal ! De-
mande à tes camarades, les petits soldats
du Nord et de l'Est dont les familles sont
restées malgré l'envahisseur, sur le seuil
des maisons natales, demande à ceux
qui sont venus de provinces moins
éprouvées et qui ont lutté sur la Marne
pour empêcher l'ennemi d'atteindre leurs
foyers et de brutaliser leur compagne,
demande à tous ces troupiers français
qui ont des êtres chéris à défendre ou à
libérer si l'amour amollit le cœur et
désarme le bras ou s'il n'avive pas au
contraire les colères sacrées, s'il ne ra-
nime pas .les courages ?
EDOUARD HELSEY,
EN 4E PAGE :
DU VAL, par Frédéric Boutet
AU GRAND QUARTIER GENERAL DE VALENCIE NNES. — Soldat s passant au pas de parade devant le kaiser (désigné par une croix).
459e JOUR DE LA GUERRE
Communiqués officiels du 8 janvier
Trois heures
L'artillerie ennemie a montré pendant toute la journée du 7 beaucoup d'ac-
tivité en Belgique et dans la région d'Arras. L'artillerie française a répondu vi-
vement et efficacement. Notre infanterie a réalisé quelques progrès.Près de Lom-
baertzyde, nous avons enlevé, à 50 mètres en avant de nos tranchées un mame-
lon occupé par l'ennemi. A l'est de Sami-Gcoïges, nous avons gagné du terrain.
Nous avons sérieusement endommagé lès tranchées ennemies voisines de Steens-
traate.
Dans le secteur d'Arras, au bois de Berthonval,, nous avons, sans être at-
taqués, dû évacùer certains éléments de tranchées où les hommes étaient enlisés
jusqu'aux épaules. A gauche de la Boisselle, notre ligne de trattchées a été por-
tée en avant ; nous occupons le chemin de la Boisselle à Aveluy.
Dans la vallée de l'Aisne, le duel d'artillerie a été assez vif ; notre artille-
rie lourde a obtenu de bons résultats. Près de Blanc-Sablon, les minenwerfer de
l'ennemi nous ont infligé des pertes, maiss dans l'après-midi nous avons arrêté le
feu allemand.
Dans le secteur de Reims, à l'ouest du bois des Zouaves, nous avons fait
sauter un blockhaus et occupé une nouvelle tranchée à 200 mètres en avant de
nos lignes. Le combat d'infanterie entre Bétheny et Prunay a été d'une extrê-
me âpreté ; les Allemands ont laissé de nombreux morts sur le terrain ; nos per-
tes sont minimes. Entre Jonchery-sur-Suippe et Souain, nous avons à plusieurs
reprises réduit au silence l'artillerie ennemie, bouleversé des tranchées et détruit
des abatis.
En Argonne, à l'ouest de la Haute-Chevauchée, l'ennemi a fait sauter à la
mine quelques-unes de nos tranchéek de Première ligne qui ont été complètement
bouleversées. L'attaque violente qu'il a aussitôt prononcée a été repoussée à la
baïonnette. Nous avons fail des prisonniers et maintenu notre front, sauf sur une
étendue de 80 mètres où le bouleversement des tranchées nous a obligés à établir
notre ligne à 20 mètres en arrière. ,
Sur les Hauts-de-M euse et entre Meuse et Moselle, rien à signaler. Le vent
a soufflé en tempête toute la journée.'
Notre offensive a continué dans la région de Thann et d"Altkirch et a
obtenu des résultats importants. Nous avons repris les tranchées sur le flanc est
de la cote 425, où l'ennemi avait réussi à se réinstaller il y a deux jours. Nous
avons ensuite gagné du terrain à l'est de ces tranchées.
Plus au sud, nous avons enlevé Barnhaupt-le-H aut. Nous avons en même
temps progressé dans la direction de Pont-d' Aspach et du Kahlberg. L'artillerie
ennemie, qui avait essayé sans succès d'atteindre nos batteries, a renoncé à tirer
sur elles pour bombarder exclusivement l'hôpital de Thann, qui a été évacué.
Onze heures du soir
-Au nord de Soissons, nous avons enlevé une redoute allemande, conquis
deux lignes successives de tranchées et alieint la troisième ligne. Trois retours
offensifs exécutés par les Allemands ont échoué.
En Argonne, une très violente attaque allemande à hauteur de la Haute-
Chevauchée nous a d'abord forcés à nous replier sur 1 kilomètre de front. Mais
nous avons contre-attaqué et réoccupé nos positions.
LES NOUVELLES ARMÉES ANGLAISES. - Ca, nadiens récemment débarqués à Ypres.
1 (Photo Journal.)
Les jours se suivent.
On comprend que, devant une telle ac-
cumulation d'atrocités, certains neutres
aient commencé par dire : « Non, ce n'est
pas imaginable, ce n'est pas possible 1 »
Même en France, n'y avait-il pas des in-
crédules ? Il faut pourtant se rendre à l'é-
vidence ; les faits sont là qui parlent, qui
crient ; voici les victimes, voilà les rui-
nes.
Au rapport de la commission d'enquête,
qui défie toutes les dénégatiôns comme
tous les commentaires, ajoutons en épi-
graphe ce mot ingénu et terrible, ce mot
d'une pauvre fillette à qui les Boches as-
sassins ont tranché les poignets : < *
— Est-ce vrai, dis, maman, qu'on va me
remettre des mains pour mes étrennes ?
J'hésitais depuis quinze jours à vous ré-
péter ces paroles affreuses, qui glacent le
cœur, comme j'hésitais à dire que, dans
un hôpital du Nord, on soigne plusieurs
enfants pareillement mutilés, — et que le
soir, au bord de l'Aisne, on entend s'élever
sur l'autre rive les lamentations déchiran-
tes des malheureuses que les Allemands
retiennent dans les carrières.
Ce n'était pas seulement pour ménager
la sensibilité de nos lecteurs que nous pré-
férions parler d'autre chose. Mais, puisque
l'Officiel publie ces horreurs, nos gouver-
nants estiment sans doute que le meilleur
moyen d'y mettre un terme c'est de les
montrer, c'est de les prouver à ceux qui en
doutent encore.
Crions-les donc à la face du monde, et
que tous les croyants les crient à la face
de Dieu, — non pas de ce Dieu féroce que
Guillaume le Bourreau appelle comme un
complice, mais du « bon Dieu » qu'im-
ploraient nos pères et qui ne peut rester
neutre, lui non plus, s'il voit quelque part
se tendre vers lui, dans un geste de prière
et de détresse, les moignons sanglants des
petites filles aux mains coupées.
Gustave Téry.
Reçu pour nos soldats de Mmes Nadie, 10 fr.;
Thierry, 5 fr. ; G. V. 5 fr.; Blanchon, 1 fr. ; Une
artiste, 5 fr. ; Pierre, 1 fr. 65 ; W. Wauder, 100 fr. ;
Françoise le G. 20 fr. ; Germaine G., 20 fr.; de
la maison Gendreu, 25 fr.; du personnel de la
maison Pathé, 101 fr. 40.
ÉCHOS
M
me René Viviani et M. René Viviani
viennent de recevoir officiellement la
nouvelle de la mort de leur fils cadet, tombé,
le 22 août, sur le champ de bataille de Cus-
signy (Meurthe-et-Moselle), à' la frontière
même, à quelques mètres des tranchées alle-
mandes, que la 48 compagnie du 13i8 de ligne,
dont il faisait partie, avait reçu l'ordre d'at-
taquer.
L'aîné sert à l'armée comme sous-officier.
Nous nous associons à la douleur de M. et
Mme Viviani et nous les prions d'agréer
l'expression de nos condoléances.
L
Q général de Munster, commandant le
5e corps, a interdit aux soldats sous ses
ordres d'acheter des lettres dites « de faveur
céleste ». Ces lettres, placées sur la poitrine,
sont censées permettre au porteur de sortir
sain et sauf de la guerre. On évalue à 159 0/0
les bénéfices réalisés par ceux qui exploitaient
la superstition en les vendant aux soldats.
L
a librairie Larousse met en vente au-
jourd'hui le 218 fascicule de sa remar-
quable Histoire de France contemporaine il-
lustrée, le 16e fascicule de sa belle et curieuse
publication, le Japon illustré, et un charmant
Livre Rose (n° 145). En vente chez tous les
libraires et dans les gares.
N
ous apprenons qu'à l'occasion du nouvel
an, la maison Xantthis frères (manu-
facture anglaise), a mis gracieusement à la
disposition de la régie 300,000 de ses excel-
lentes'cigarettes « Xanthia » pour être dis-
tribuées aux soldats blessés.
L'Effort militaire
de l'Angleterre
Il se passe en Angleterre cette chose ex-
traordinaire que la Chambre des lords est
obligée de se réunir, tandis que la Chambre
des communes n'est "onvoquée que pour
le début de février. L'imprévoyance des
constitutions a de ces fantaisies.
En d'autres pays, on se serait empressé
de liquider cette situation par une séance
de pure forme suivie d'un ajournement.
L'opinion anglaise ne l'entend pas ainsi
Avant l'échéance elle a discuté abondam-
ment l'éventualité. Elle a manifeste ie désir
d'être éclairée sur un certain nombre de
points obscurs de la situation militaire. Le
Times a même publié, à cet égard, un lea-
der d'une précision qui a dû faire frémir
les ciseaux de nos censeurs.
Ce qui est plus intéressant, c'est que le
gouvernement s'est parfaitement conformé
aux injonctions. Le remarquable exposé
présenté à Westminster par lord Kitchener
répond à presque toutes les sollicitations
de l'opinion. Rien de plus frappant, dans
la revue de la campagne, que la netteté
avec laquelle est exposé l'incident de Gi-
venchy-Festhubert. Quels beaux joueurs
que ces Anglais 1
Le résumé, d'ailleurs extrêmement
clair que le ministre anglais a tracé des
grandes opérations européennes, n'apprend
rien de nouveau. L'opinion britannique
était plus soucieuse d'obtenir quelques
éclaircissements sur certaines questions
coloniales. Lord Kitchener a souligné avec
juste raison les brillants succès obtenus
en Mésopotamie. Il a montré le caractère
tout à fait superficiel des engagements li-
vrés sur les confins de l'Egypte. Il n'a pas
hésité à enregistrer l'échec subi à Tanga,
dans l'Est-Afrieain allemand, en invoquant
justement la circonstance atténuante d'un
pays extrêmement difficile. Une telle ex-
cuse prend toute sa portée dans la bouche
du vainqueur d'Ondurman. S'il avait voulu
faire de la critique, lord Kitchener aurait
pu ajouter que l'initiative allemande a été
loin d'exploiter comme on aurait pu le
croire, le puissant moyen d'action qu'est IÁ
voie ferrée de Dar Es Salam au Tanga-
nyika.
Le passage capital de la déclaration mi-
nistérielle est celui qui a trait à l'organi-
sation des nouvelles armées. Un ordre tout
récent du War Office a enregistré la nais-
sance de ces armées nouvelles, fortes cha-
.cune de trois corps, soit environ 120,000
hommes : une masse globale de 720,000
combattants.
Les experts militaires allemands ont ac-
cueilli cette nouvelle avec des hausse-
ments d'épaules. Les soldats, on peut évi-
demment les enrôler et les dégrossir en
six mois. Lord Kitchener ne parle-t-il pas
de 278,000 nouvelles recrues prêtes à enrô-
ler ? Mais les cadres : les officiers et les
sous-officiers, où les trouver ? ,
A ces dédains lord Kitchener a fait la ré-
ponse la plus nette. Depuis le début de la
guerre, 29,100 officiers ont été nommés
et un nombre proportionné de sous-offi-
ciers. Il y en a assez non seulement pour
encadrer les forces expéditionnaires, mais
pour assurer l'instruction des réserves.
Cette déclaration ne nous surprend pas.
Pour constituer los cadrôa dèà, armées
nouvelles, le War Office avait deux
vastes réservoirs où puiser. Lo premier,
le principal, était l'armée existante. Cette
armée est une armée de métier. Elle en a
les inconvénients, mais elle en a aussi les
avantages, et le principal de tous, celui de
pouvoir fournir un grand nombre de mili-
taires entrainés et très capables de former
d'excellents officiers et sous-officiers. La
seconde source de recrutement des cadres
est la jeunesse sportive, entraînée à la dis-
cipline et au commandement.
Ainsi ont surgi de terre ces armées dont
les exploits achèveront de figer sur les
lèvres ennemies les sourires sceptiques.
Lôrd Kitchener en a parlé avec une fierté
d'autant plus justifiée que ce miracle —
le mot n'est pas trop fort — est en grande'
partie son œuvre. — SAINT-BRICE.
ALIMENTATION
Pendant longtemps, les armées de
guene vécurent sur l'habitant. Leurs ef.
fectifs sont, aujourd'hui, trop considé-
rables, et l'habitant n'e suffit plus à la
tâche. Comme au dix-huitième siècle
sont constitués, derrière le front, les ma-
gasins où s'entassent les approvision-
nements. Le peuple nourrit ses armées
en même temps qu'il se nourrit lUi-mê-
me. A ce point de vue encore, les alliés
seraient-ils dans une situation moins
favorable que les Austro-Allemands?
Sans compulser de nombreuses statisti-
ques, on peut répondre que non. Des
peuples qui' ont ouvertes derrièrè eux
toutes les avenues commerciales des
cinq parties du monde ne sauraient être
moins en état de s'approvisionner que
ceux dont le commerce est limité aux re-
lations internes. Je n'entends pas dire
par là que l'Allemagne soit près d'avoir
épuisé ses nombreuses ressources, alors
même qu'en temps de paix elle achète à
l'étranger, bon an mal an, pour deux
milliards et demi de denrées de pre-
mière nécessité : farine, bestiaux, bois,
etc., et que son commerce extérieur doïvo
couvrir toute cette dépense avant de son-
ger à mettre un sou de côté.
L'élasticité économique, je ne dis pas
financière, de l'Allemagne, est suffi-
sante pour lui permettre de surmonter,
pendant longtemps, une crise de l'alimen-
tation. On mange moins de pain et plus
de pommes de terre. On renonce, au
profit de l'abattoir, à l'élevage du bétail.
On pratique dans les forêts des coupes
rases, etc.
L'Allemagne peut djnc faire durer ses-
armées. Néanmoins, à supposer que la
rareté des denrées se fasse sentir quel-
que jour, d'un côté :)u de l'autre, il se-
rait dans la logique de la situation gé-
nérale que l'Allemagne fût la première
privée.
Ainsi, sur cette question de l'alimènta-
tion des peuples et des soldats, comme
sur celle du ravitaillement en munitions,
on peut conclure qu'il n'y a aucun motif
d'en isager avec pessimisme l'avenir des
alliés.
COLONEL FEYLEÏL
Si JF Mercier était arrêté,
le Pape l'appellerait à Rome
ROME. — Le Mesçaggero dit que le Vati-
can n'a reçu jusqu'ici aucune conurmatioot
au sujet de l'arrestation du cardinal Mer-
cier. La légation belge auprès du Saint-
Siège croit cependant que la nouvelle est
vraisemblable, étant donné les précédents.
On remarque, en effet, qu'en dehors des
soixante prêtres belges qui auraient été
fusillés par les Allemands, trois ou quatre
évêques sont prisonniers en Allemagne.
Le Messaggero ajoute que le pape, aus-
sitôt qu'il apprit la nouvelle de l'arresta-
tion de Mgr Mercier, envoya une personne
aux informations près la légation de
Prusse.
Un prélat interviewé a déclaré que lo.
pape n'aurait pas manqué de protester
même s'il s'était agi d'une simple surveil-
lance établie autour du palais du cardinaL
Si l'arrestation était confirmée et si elle
était maintenue malgré les protestations
du Saint-Siège, le pape appellerait le car-
dinal Mercier à Rome, et on pense que le
gouvernement allemand ne s'opposerait
pas à la volonté du souverain pontife.
Les Mensonges allemands
Un radiotélégramme de presse allemand
prétend ju. nous avons perdu la cote 425
dominant Steinbach et que nous n'avons
pas pénétré dans Burnhaupt-le-Raut.
Ces deux allégations sont fausses.
Comment les Allemands, en Belgique,
violèrent les règles du droit des gens
et les coutumes de la guerre
DEUXIÈME RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE BELGE -
La légation de Belgique nous commu-
nique le deuxième rapport adressé au
ministre de la justice de Belgique par la
commission d'enquête sur les violations
des règles du droit des gens, des lois et
des coutumes de la guerre.
A Monsieur Carton de Wiart, ministre de
la justice.. -
Monsieur le ministre,
- La commission d'enquête a l'honneur do
vous faire le rapport suivant sur des faits
dont la ville de Louvain, les localités avoi-
sinantes et la région de Malines ont été le
théâtre. -
L'armée allemande pénétra dans Lou-
vain le mercredi 19 août, après avoir in-
cendié les villages par lesquels elle avait
passé.
Dès leur entrée dans la ville de Louvain,
les Allemands réquisitionnèrent des loge-
ments et des vivres pour leurs troupes. Ils
se rendirent dans toutes les banques pri-
vées de la ville et s'y firent remettre l'en-
caisse. Des soldats allemands fracturèrent
les portes des maisons abandonnées par
leurs habitants, les pillèrent et s'y livrè-
rent à des orgies.
L'autorité allemande prit des otages : le
bourgmestre de la ville, le sénateur Van
der Kelen, le vice-recteur de l'Université
catholique, le curé-doyen de la ville, des
magistrats et des échevins furent ainsi re-
tenus. Toutes les armes détenues par les
habitants, jusqu'aux fleurets d'escrime,
avaient .été remises à l'administrationcom-
munale et déposées par ses soins dans l'é-
glise de Saint-Pierre.
Dans un village avoisinant, Corbeek-
Loo, une jeune femme, âgée de vingt-deux
ans, dont le mari se trouvait à l'armée, fut
surprise le mercredi 19 août, avec divers
de ses parents, par uno bande de soldats
allemands. Les personnes qui l'accompa-
gnaient furent enfermées dans une habi-
tation abandonnée, tandis qu'elle-même
fut entraînée dans une autre habitation où
elle fut successivement violée par cinq sol-
dats.
Dans le même village, le jeudi 20 août,
des soldats allemands cherchèrent dans
leur demeure une jeune fille de seize ans
environ étsci parents. Ils les conduisirent
dans une propriété abandonnée et, pendant
que quelques-uns d'entre eux tenaient en
respect le-père et la mère, les autres péné-
traient dans l'habitation dont la cave avait
été ouverte, et forçaient la jeune fille à
boire. Puis ils la menèrent sur une, pe-
louse devant l'habitation, et la vjolèren|
successivement.
Comme-cité continuait à opposer de Ife
résistance, ils lui percèrérrt la poitrine à
coups de baïonnette. La jeune frle, aban-
donnée par eux après ces al.tes abomina-
bles, fut reconduite chez ses parents et le
lendemain, à raison de la gravit, de son
état, administrée par le curé de la paroisse
et conduite à l'hôpital de Louvain. Elle
était, à ce moment, en danger de mort.
Les 24 et 25 août, les troupes belges,
sortant du camp retranché d'Anvers, atJ.a-.
quère'nt l'armée allemande qui se couvait
devant Ma'ines.
Les troupes allemandes furent refoulées
jusqu'à Louvain et Vilvorde.
Pénétrant dans les villages qui avaient
été occupés par l'ennemi, l'armi p belge
trouva tout le pays dévasté. Les Allemands
en se retirant avaient ra a?é et incendié
les villages,, emmena t les habitants mâles
qu'ils poussaient devant eux.
Entrant dans Hofstade'le. 25 août, les
soldats belges trouvèrent le cadavre d'une
vieille femme qui avait été tuée à coups
de baïonnette ; el!e avait encore en main
l'aiguille avec laquelle elle cousait lors*
qu'elle fut frappée : une femme et s(,n flla,
âgé de quinze ou seize ans environ, gi-
saient, transpercés de coups de baïonnette ;
un homme avait été pendu.
A Sumpst, village voisin, se trouvaient
les cadavres de dmix hommes pareillement
carbonisés. L'un d'eux avait les jambes
coupées à la hauteur des genoux, l'autre
avait les bras. et les jambes. oupés. Un
ouvrier, dont plusieurs témoins' ont vu te
cadavre calciné, avait été frappé à coupf
de baïonnette. Encore vivant, les Allemands
l'avaient enduit d' pétrole et jeté dans li
maison à laque'Je il* mirent, le t'pu.,
Une femme, sortant de* sa maison. avag
été abattue de la même façon.
Un témoin dont la déclaration a ëté re..
eue par M. Edward Herislet, fil- de air
Cecil Hertslet, consul général de la Grande-
Bretagne à Anvers, dé lare avoir vu non
loin de Malines, le 26 août, lors dl la der-
niè e attaque' des troupes belges, un viei!.
lard attaché par lée b'as à une poutre du
plafond de- sa ferme. Le corps éta ) com-
plètement carbonisé ; la tète, les bras et
les pieds étaient intacts. Plus loin ùu. en.
fant d environ quinze ans était attaché les
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